Ils ne sauront jamais, ceux qui n’y ont pas été…
Jamais vraiment... Il restera les livres, les romans de préférence1.
C’est dans cet abîme de réflexions que sont plongés les survivants de Buchenwald dans une scène de L’Écriture ou la Vie reconstruite par Semprun pour les nécessités du récit. Car le travail de remémoration est un travail de « construction [et de re-construction] des faits et du sens »2, comme le précise Todorov. L’enjeu serait de « raconter de façon convaincante la vie des camps »3. Seulement la question fondamentale reste : comment raconter ? Question ayant donné lieu à une vive polémique, qui continue jusqu’à nos jours, opposant l’aléthique (ou le vrai) au poétique (ou la fiction). Pour raconter, il faut « maîtriser plus ou moins le langage […] C’est-à-dire l’histoire des histoires, les récits, les mémoires, les témoignages : la vie […] »4, ajoute Semprun. Las d’entendre les récits « décousus, trop confus » des camps faits par d’anciens déportés qu’il côtoie, il décide de raconter son expérience des camps. Ainsi est né Le Grand Voyage (1963), suivi d’autres récits tels que L’Écriture ou la Vie (1994) et Quel beau dimanche ! (1980).
Afin que le récit soit convaincant, il faut que ceux qui l’écoutent le comprennent. En effet, « la mémoire n’est rien sans raconter. Et raconter n’est rien sans écouter »5, comme le dit si bien Paul Ricœur. Et pour comprendre il faut imaginer, or ils ne peuvent pas imaginer ni comprendre, non que les mots manquent ou l’expérience soit indicible, mais « il faudrait des heures, des saisons entières, l’éternité du récit, pour à peu près en rendre compte »6. D’où la nécessité de faire un choix et d’organiser le récit autour de moments précis, de motifs et thèmes particuliers afin de fabriquer une vie avec « toute cette mort. Et la meilleure façon d’y parvenir c’est l’écriture »7.
L’écriture de Semprun se nourrit de motifs et de thèmes relevant d’un imaginaire poétique dont il revendique la légitimité car, « seul l’artifice d’un récit maitrisé parviendra à transmettre partiellement la vérité du témoignage »8. Ainsi l’entrecroisement de l’histoire et de la fiction se concrétise par le phénomène de l’écriture littéraire et par la notion de « voir comme » qui caractérise l’artifice de la référence métaphorique. La peinture de l’événement use de tropes et de la tropologie mettant en place ce que Ricœur appelle « l’imaginaire de la représentance ». C’est donc dans les structures du discours « que cette imagination est appréhendée »9. Elle ajoute de la visibilité à la lisibilité des événements vécus, ce qui porterait ainsi à son crédit l’idée de « surcroît d’être » développée par le philosophe allemand Hans Georg Gadamer. Le représenté parvient à subir un accroissement d’être10 rendu possible par l’écriture figurée. L’intelligible et le sensible semblent coexister chez Semprun qui a recours, pour représenter les camps de la mort, à ce que Ricœur appelle « la valeur mimétique du discours poétique ». Le moteur premier de ce dernier étant la rhétorique, la reconstruction de l’expérience opérée par le je narratif a pour fondement stylistique l’usage des figures. Nous tâcherons d’analyser d’abord la rhétorique de la représentation textuelle de la mort, pour ensuite voir l’hypotypose comme figure dominante du témoignage de Semprun.
Étudier les figures est une manière d’approcher le sens des mots et leur dynamique d’engendrement textuel. En latin, figura renvoyait à un dessin, à la représentation d’un objet qui est perçu sensoriellement. Elle survient dans le texte comme illustration ou comme une image représentative. L’expérience de la mort chez Semprun est retranscrite par une représentation métaphorique.
La métaphore est un trope par ressemblance. Du Marsais la définit comme « une figure par laquelle on transporte, pour ainsi dire, la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison qui est dans l’esprit »11. Il y a donc « production d’une nouvelle pertinence sémantique par le moyen d’une attribution impertinente : [par exemple] La nature est un temple où de vivants piliers […] »12. Ce glissement de sens est récurrent dans les textes de Semprun : pour évoquer la mort, il emploie tour à tour l’image du voyage et celle du fleuve.
En choisissant d’intituler son premier récit des camps Le Grand Voyage, Semprun assimile l’expérience concentrationnaire à un voyage initiatique mené à l’envers, la fin du voyage coïncidant avec le début de la vie. « C’est excitant d’imaginer que le fait de vieillir, dorénavant, à compter de ce jour d’avril fabuleux, n’allait pas me rapprocher de la mort, mais bien au contraire m’en éloigner », dit-il dans L’Ecriture ou la Vie13, la mort étant ce voyage dont il s’éloigne. Une fois ce voyage terminé, « c’est la vie d’avant qui recommence, la vie d’avant ce voyage […] la vie de dehors ». La valeur subjective des notions du temps et de l’espace est accentuée par l’intériorisation de l’expérience de l’extrême transformée en image-empreinte ou vestigia selon le terme de Saint-Augustin. Car « qu’est-ce que se souvenir ? C’est avoir une image du passé »14. Dans le livre XI des Confessions, Saint-Augustin parle des images gravées dans l’esprit comme des empreintes réalisées en passant par les sens. Il semblerait que ce chemin vers la réminiscence qui part des sens pour prendre forme grâce au langage puisse s’effectuer dans le sens inverse, autrement dit retrouver le souvenir par le biais de la sensation. Celles-ci ramèneraient d’ailleurs les rescapés à leur passé enfoui, volontiers ou non, comme l’aurait fait la madeleine de Proust. L’éclat d’un rayon de soleil éblouissant renvoie Semprun aux nuits enneigées de Buchenwald sous les projecteurs, Imre Kertész se souvient de la fumée du crématoire en sentant le bracelet de sa montre en cuir tanné15... L’expérience décrite a un pivot dit Ricœur, c’est le présent, le présent du « son qui résonne maintenant »16, de l’odeur qu’on ressent de nouveau, de la voix des SS qui crient « Crématoire, éteignez ! » dans la nuit de Buchenwald… C’est le présent du camp que les détenus, les copains, comme les appelle Semprun, essayent d’oublier en se remémorant des moments heureux d’avant ce voyage, ou même des poèmes qu’ils ont retenus. Et ce n’est pas un hasard si le poème qui revient chez Semprun est « Le Voyage » de Charles Baudelaire. Auprès de son professeur et ami Maurice Halbwachs, sur son lit de mort, il affirme avoir récité les vers suivants :
Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! Levons l’ancre !
Ce pays nous ennuie, Ô Mort !
Appareillons…
L’évocation de ces vers a un effet immédiat sur le mourant qui sourit lorsqu’il entend « Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons ». Cette citation porteuse de sens est à lire au niveau textuel et intertextuel : invoquer la mort avec laquelle on est familier, prosopopée qui en appelle au départ d’un lieu qui nous ennuie, car il est temps de partir, un voyage vers l’au-delà… Le sens poétique comme disait Paul Valéry est inépuisable : « Le poème ne meurt pas pour avoir vécu ; il est fait expressément pour renaître de ses cendres et redevenir indéfiniment ce qu’il vient d’être »17. Ce rapport de l’objet (poème) et du sujet (poète) est saisi par le lecteur (ou récepteur) comme un rapport d’identification, et c’est pour cette raison que Halbwachs se sent comme soulagé, tout à coup. Dans une lettre à John Woodhouse en 1818, le poète anglais John Keats évoque la désubjectivation du poète en affirmant qu’« un poète est l’être le moins poétique du monde, car il n’a pas d’identité, il est constamment à la place d’un autre corps et en train de le remplir »18. Ainsi, le sujet détenu dans un camp, dont les tortionnaires entendent le déposséder de son moi en le réduisant à l’être « mangeur d’épluchure », essaye de se cramponner à cette subjectivité non seulement en récitant des vers, en travaillant sa mémoire, mais aussi en tentant de remplir cette identité poétique sans cesse renouvelée. Semprun n’a de cesse de citer les philosophes et les poètes qu’il connait par cœur, et son voyage est ponctué de citations savantes employées à propos. C’est ce que l’on peut voir dans la mise en relief du vers « nos cœurs remplis de rayons », dans l’importance qu’il acquiert aux yeux du lecteur et du personnage. Là réside l’essentiel du voyage dit Semprun : « L’essentiel n’était pas l’horreur accumulée, dont on pourrait égrener le détail interminablement, […] l’essentiel de cette expérience, sa sombre vérité rayonnante [est] la ténèbre qui nous était échue en partage »19. L’oxymore dans sombre vérité rayonnante fait écho au cœur qui s’apprête à mourir mais qui est rempli de rayons. L’intertextualité se lit aussi dans la dernière phrase de cette citation de L’Écriture ou la Vie, citation prise du philosophe allemand Friedrich von Schelling dans ses Recherches philosophiques sur l’essence de la liberté humaine datant de 1809.
Ces mots énigmatiques nous semblaient nommer l’évidence. Les dimanches de Buchenwald, autour de Halbwachs et de Maspero, gisant dans leur litière, mourants, la ténèbre nous revenait nécessairement en partage20.
L’expérience de la mort n’aurait été vivable, si tel est le terme pertinent, que parce qu’elle a été celle de la fraternité dans la mort : « nous aurons vécu l’expérience de la mort comme une expérience collective, fraternelle de surcroit, fondant notre être-ensemble »21. Le voyage est aussi une traversée, la traversée du Styx. La métaphore liquide se lit d’ailleurs au niveau textuel et au niveau symbolique.
« J’entends le sang couler […], ce sang lui-même visqueux, qui chante lourdement dans la nuit. J’entendais le sang couler, de longs ruisseaux couler… », raconte Semprun dans Le Grand Voyage22. On est ici à la limite entre le narratif et le poétique, la scène qui se déroule sous les yeux du narrateur regardant un détenu frappé à mort par un SS est construite sur le mode de l’amplification. La répétition des signifiants donne à penser que nous sommes devant une tentative de transcrire le langage de l’inconscient. La vision amplificatrice se traduit également par l’hyperbole (ruisseaux de sangs) qui contribue à la vision hallucinée de la scène. Les sensations auditives et visuelles se fondent dans une sorte de synesthésie hallucinatoire s’exprimant hyperboliquement. Un surcroît de sens donne à la mort les traits d’une personne qui chante, image que nous revoyons dans L’Écriture ou la Vie représentée par la voix du juif qui chante le kaddish, « mélopée funèbre, plainte inhumaine plutôt », la voix de la mort. Celle-ci est assimilée à une « contrée immense où ruisselle l’absence »23. Les associations sonores (immense/absence) ainsi que la métaphore in absentia, qui identifie l’absence à un ruisseau charriant avec lui les morts, marquent les limites du narratif et tentent de concrétiser une expérience par définition indicible. Ainsi, s’appuyant sur une citation de Wittgenstein extraite du Tractatus (« La mort n’est pas un événement de la vie. La mort ne peut être vécue »)24, Semprun s’emploie à raconter de façon concrète la mort qu’il a vécue.
L’analogie entre la mort et l’élément liquide apparaît dans un autre passage de Le Grand Voyage :
Leur future mort en marche s’avançait dans les rues de Compiègne, d’un pas ferme comme un flot vivant. Et le flot avait grossi, il déferlait maintenant sur cette avenue d’opéra wagnérien, parmi ces hautes colonnes, sous le regard mort des aigles hitlériennes25.
La mort personnifiée est comparée à un flot vivant, à un fleuve qui déferle sur l’entrée du camp. On assiste à une prolifération monstrueuse de la matière liquide opérée par la métaphore filée et l’amplification. La puissance évocatrice de la figure nous transporte du niveau microstructural (métaphore/comparaison) au niveau macrostructural de l’allégorie. Celle-ci est définie par Molinié comme étant un « trope continué, ou éventuellement plusieurs tropes en série, en général métaphoriques, correspondant à une animation d’un objet moral »26. L’allégorie fluviale anthropomorphique s’inscrit dans la cohérence sémantique du texte (marche/chante/s’avance…).
S’amorce alors la dimension symbolique et mythique de la métaphore aquatique ou liquide : celle du fleuve Styx. Ainsi se tissent les liens entre l’allégorie, le symbole et le mythe. Henri Suhami précise qu’« une allégorie à laquelle on croit devient un mythe, car le mythe est une métaphore par projection, fondée sur une analogie voulue entre un phénomène réel et un phénomène imaginaire qui en est le reflet et qui acquiert de l’importance du fait que la pensée mythique préfère l’imaginaire au réel. L’imaginaire est toujours plus intelligible que le réel »27. Le Styx, fleuve infernal de la mythologie gréco-romaine est un lieu-signe, autrement dit c’est un lieu imaginaire significatif que l’on fait intervenir dans le discours. Le Styx évoque par métonymie l’enfer et par association la mort en général : « Il s’agit d’une sorte de raccourci mental : le Styx est utilisé comme accessoire pour évoquer l’Hadès dans son ensemble »28. Les représentations modernes du Styx ont conservé l’idée d’un fleuve marquant le passage vers l’au-delà. Cette considération du fleuve suppose son identification comme frontière entre le monde des vivants et le monde des morts. Michel de Certeau précise qu’un « fleuve fait frontière. […] Il a un rôle médiateur »29.
L’expérience du camp pour Semprun est identifiée au passage dans le fleuve Styx, considéré comme « butoir imprévisible du destin »30. Le narrateur considère cette frontière entre la vie et la mort comme déjà vécue, traversée, elle est maintenant derrière lui et le fait de vieillir, au lieu de le rapprocher de la mort va au contraire l’en éloigner. La représentation métaphorique de la mort se poursuit en enchaînant sur l’élément liquide : « Peut-être n’avais-je pas tout bêtement survécu à la mort mais en étais-je ressuscité : peut-être étais-je immortel, désormais. En sursis illimité, du moins, comme si j’avais nagé dans le fleuve Styx jusqu’à l’autre rivage »31. Ce type d’image introduit par « comme si » est appelé « comparaison hypothétique » par Morier, elle consiste à passer d’un terme donné comme réel à un autre considéré comme irréel et entraîne une vision superposée où l’analogie prend une dimension chimérique. Dans ce passage, elle fait écho aux hésitations dans l’interprétation de l’expérience vécue mais incompréhensible, ces hésitations se traduisent par l’adverbe « peut-être » et sont renforcées par la comparaison hypothétique « comme si ». Le référent commun est l’isotopie de l’immortalité suggérée par l’évocation du Styx. Car en plus de sa représentation comme passage infernal, ce fleuve est doté du pouvoir d’immortaliser ceux qui nagent dans ses eaux. On se rappelle la déesse marine Thétis plongeant son fils Achille dans les eaux du Styx pour lui donner l’immortalité. Ainsi Semprun travaille cette caractéristique du Styx dans une construction fictive et métamorphosante de l’expérience vécue. La fiction apporte une « quasi-intuitivité » au témoignage, explique Ricœoeur, elle « donne au narrateur horrifié des yeux » et « plus nous sommes frappés par l’horreur, plus nous cherchons à comprendre »32. L’expérience de l’extrême ressuscitée par le discours est ainsi vécue par Semprun comme une mort. Il disait vivre dans « l’immortalité désinvolte du revenant ». Seule l’écriture le rendait mortel, l’écriture du cauchemar de déporté, du rêve vécu, mais rien n’est plus vrai que ce rêve, comme disait Primo Levi. « Rien, jamais, ne détournera le cours de ce rêve, le flot de ce fleuve Styx »33. La métaphore aquatique est à la limite de la fantasmagorie, elle devient hypotypose.
Fontanier définit l’hypotypose comme une figure qui « peint les choses d’une manière si vive et si énergique qu’elle les met en quelque sorte sous les yeux, et fait d’un récit ou d’une description, une image, un tableau ou même une scène vivante »34. L’imaginaire de représentance, et nous empruntons ces mots à Ricœur, tente de dépeindre en « mettant sous les yeux »35 la scène et suscite ainsi une « illusion de présence ». Georges Molinié la considère comme une figure dont la finalité ne s’oriente pas seulement à l’expression du pittoresque, sa nature ne s’y réduit point. L’hypotypose se dessine grâce à une sélection opérée par le locuteur sur la scène représentée dont il choisit quelques éléments au pouvoir d’évocation si puissant que l’image qui semble fragmentaire se dessine en creux et paraît lisible globalement par le récepteur. Ainsi, dit-il, « le récepteur est toujours mis en situation de n’appréhender, d’un référent supposé, que des éléments si vifs qu’il en néglige le fragmentaire »36. Le pittoresque n’est donc pas une finalité en soi, et c’est cette stratégie rhétorique que Semprun semble adopter dans ses textes sur l’expérience des camps. Celle-ci, qui semble transposable à priori, selon la détermination chronologique de l’écrit testimonial, prend sous sa plume une tout autre tournure. Il s’écarte du schéma habituel des témoignages précis dont il condamne l’objectivité omniprésente pour opérer un choix d’éléments capables de raconter l’expérience en faisant du témoignage « un objet artistique, un espace de création »37. Se lisent donc en filigrane dans les scènes racontées par Semprun des détails sensoriels, des fragments poétisés que relie l’isotopie de la mort. L’isotopie selon Anne Hershberg-Pierrot étant « un parcours interprétatif qui met en valeur un sème récurrent, commun à plusieurs signes », ce sème ici est la mort. Nous assistons donc à ce que Henri Meschonnic appelle la poétisation du mot, le mot est déformé-réformé : enlevé au langage puis travaillé, toujours le mot de la communication, en apparence, mais différent, d’une différence qui ne s’apprécie pas par un écart mesurable, mais par une lecture-écriture38.
Ainsi des mots comme regard, neige, fumée ne renvoient plus dans l’œuvre de Semprun à leur dénoté classique, ils sont choisis par l’écrivain pour mettre la réalité du camp sous les yeux et tentent de concrétiser poétiquement l’expérience de la mort.
Il y a le regard fraternel des déportés, le regard haineux des SS et le regard horrifié des officiers alliés, découvrant les cadavres et la maigreur maladive des rescapés en avril 1945. L’étude de la symbolique que portent ces trois univers rejoint la recherche des principes d’identification du monde chez Semprun. Le regard, chez lui, a une importance particulière : il exprime un sentiment, traduit une prise de position et définit un monde. « C’est l’horreur de mon regard que révèle le leur, horrifié. Si leurs yeux sont un miroir, enfin, je dois avoir un regard fou, dévasté », dit-il dans le premier chapitre de L’Écriture ou la Vie. Nous avons là une double figure : la métonymie de l’organe pour le sentiment qui y est affecté, les yeux et leur regard pour l’horreur qui y est exprimée, et la métaphore in praesentia sur « leurs yeux sont un miroir ». Deux signifiants, « yeux » et « miroir », perdent respectivement leurs signifiés habituels (organe/objet) pour avoir un seul signifié commun : lumière, réflexion... il y a donc trope. Au-delà de cette perturbation de la logique référentielle par assimilation prédicative, l’imagination productrice à l’œuvre dans ce procédé métaphorique contribue à parfaire le tableau peint par l’artiste : l’un des fragments de l’hypotypose est là. Il s’agit de l’isotopie du regard/lumière/lueur, image omniprésente dans l’œuvre de Semprun.
Depuis bientôt deux ans, je vivais entouré de regards fraternels. Quand regard il y avait : la plupart des déportés en étaient démunis. Éteint, leur regard, obnubilé, aveuglé par la lumière crue de la mort. La plupart d’entre eux ne vivaient plus que sur la lancée : lumière affaiblie d’une étoile morte, leur œil39.
« De semaine en semaine, j’avais vu se lever, s’épanouir dans leurs yeux l’aurore noire de la mort »40. La manipulation connotative autour des idées de lumière/absence de lumière relève de la métonymie du signe pour la chose signifiée : vie/mort. Être dépourvu de regard signifie être mort. Le système antithétique mis en place par l’opposition des sèmes allumés/éteint, la métaphore de l’œil pour une étoile morte, et de l’aurore noire dans leurs yeux, appuyée par l’oxymore (obscure clarté) confère au tableau un cachet poétique dont le sens est à lire dans la philosophie même de Semprun : ce qui reste des camps est « un sentiment aigu, bouleversant de fraternité ». L’expérience de la déportation est vécue comme une expérience collective et fraternelle, « fondant notre être-ensemble »41. Elle s’oppose par cela au plan de réification de l’être humain mis en place par les nazis, et déstabilise leur système idéologique. Ainsi, « le regard, dernière chose qui nous reste », ajoute Semprun dans Le Grand Voyage42, par sa puissance fraternelle, est brandi comme une arme de résistance contre la barbarie. Regarder les soldats en face, regarder la mort en face, serait un « événement qui ne colle pas avec la vision simpliste des choses que se font les soldats allemands, tout geste imprévu de révolte ou de fermeté doit en effet les terroriser »43. Et dans la dialectique du dedans/dehors, dans le camp/en dehors du camp, dans le système/en-dehors du système Semprun a choisi sa place et l’assume : à la question « Je me demande comment les Allemands nous voient »44 posée par le gars-de-Semur, son compagnon fictif de voyage, Semprun répond : « Ils nous voient comme des bandits, j’imagine, comme des terroristes […] entre eux et nous, ces boches-là qui nous regardent et nous, j’aime autant être à notre place »45.
Ces réseaux sémantiques fonctionnent par couples antithétiques (lumière/obscurité, dedans/dehors…) formant ce qu’on appelle une poly-isotopie dont l’embrayeur d’isotopie ou le pivot sémantique46 est la mort, mais pas une mort dans l’horreur, une mort dans la fraternité, plutôt dire une vie. C’est pourquoi plutôt que l’Écriture ou la Mort, il choisit de faire l’Écriture ou la Vie…
Le motif du regard est également intégré à une figure qui est habituellement appréhendée comme itération de signifiants. Il s’agit de la répétition et plus particulièrement de l’antépiphore (autrement dit la permanence d’un refrain) sur : il souriait, mourant, son regard sur moi, fraternel. Elle facilite la collaboration entre le récit et la poésie et exprime selon Henri Suhamy « le besoin de tranquillité statique qui compense le côté aventureux de la création poétique »47. Il y a répétition également sur le motif de la neige sur l’Ettersberg.
« Il avait neigé cette nuit-là sur mon sommeil »48 répète Semprun en évoquant le jour de la mort de Primo Levi auquel est consacré un chapitre de L’Écriture ou la Vie. Pour orienter notre analyse plus vers les composantes de l’hypotypose, nous évoquons la paraphrase, figure macro-structurale d’amplification selon la terminologie de Georges Molinié où l’on multiplie les informations fragmentaires qui sont les composantes d’une seule information centrale : la réalité du camp. La force poétique de l’écriture de Semprun est marquée par la densité de l’amplification que renforcent les associations neige/tourbillon/bourrasque et sommeil/rêve. Longtemps avait-il chassé de ses rêves la neige et la fumée sur l’Ettersberg, fragments symboliques d’une réalité mise en veille pour rester en vie. L’itération redondante et amplificatrice met en relief le camp surgissant de l’oubli comme d’un rêve mais « avec la perfection polie de diamants que rien ne peut entamer », dit-il à propos de ses souvenirs. L’isotopie de la lumière se trouve encore une fois associée au souvenir du camp, la neige tourbillonnante est « étincelante dans la lumière des projecteurs » sous les « regards morts des aigles hitlériennes ». Elle est souvent légère, printanière associée au souvenir du défilé du premier mai 1945 ou des dimanches ensoleillés, ou profonde, « feutrant le bruit des pas parmi les hêtres de la forêt »49, évoquant le travail pénible des détenus, la lourdeur des pas connotée par l’association des sèmes profond/feutré. C’est aussi une neige blanche comme un linceul, « tu t’es souvenu de la neige, immémorial linceul des camps », dit Semprun dans Quel beau dimanche !50, métaphore appositive dont la motivation consiste en ce que Gérard Genette a appelé la « métaphore diégétique ». Celle-ci fait choisir à l’écrivain un comparant emprunté au contexte diégétique immédiat : ce linceul s’étend de l’Allemagne centrale au Grand Nord soviétique par allusion aux camps de la mort nazis et soviétiques. Ainsi, l’imagination peut-elle amplifier la vision et mettre l’accent sur le contraste des couleurs qui sépare les deux mondes, celui des détenus et celui des bourreaux.
La figuration concrète du référent premier, le camp de la mort, se fait par l’intermédiaire de lexies qui présentent les couleurs (blanc/noir), le jeu de lumière (étincelant/éteint) et les éléments (air [dans neige qui tourbillonne]/terre [pas feutrés]). Surgit alors un élément essentiel de la réalité des camps : le feu des crématoires et donc la fumée.
Il s’agit de la réalité la plus difficile à représenter. Semprun l’exprime à maintes reprises : « ils ont saisi le sens des mots, probablement. Fumée : on sait ce que c’est, on croit savoir. Dans toutes les mémoires d’homme il y a des cheminées qui fument. […] cette fumée-ci, pourtant, ils ne savent pas. Et ils ne sauront jamais vraiment »51. La procédure d’insistance matérialisée par le polyptote, ou la dérivation qui consiste à utiliser des mots dérivés d’un même radical (savoir), met en relief la difficulté de comprendre. C’est un « moyen rhétorique de fixer les auditeurs ou lecteurs sur un leitmotiv »52 : sait/savoir/savent/sauront, la connaissance et la compréhension de cette fumée-là en particulier. Le système descriptif ou système associatif53 (constellation de mots associés par des relations stéréotypés au mot-noyau, ici fumée) ne pouvant traduire la réalité de la fumée du crématoire (visuelle comme olfactive), Semprun a recours à l’expansion et aux caractérisants par une stratégie rhétorique d’épithétisme, procédé qui se rencontre souvent dans l’hypotypose.
Le regard capte la fumée du crématoire et lui donne différents qualificatifs et associations :
Fumée toujours présente, en panaches ou en veloutes sur la cheminée trapue du crématoire […] dense parfois, d’un noir de suie dans le ciel variable, ou bien légère et grise presque vaporeuse, voguant au gré des vents, sur les vivants rassemblés comme un présage, un au revoir54.
Le camp est appréhendé par une conscience subjective qui perçoit la dualité du monde et la restitue dans l’opposition légère/dense, en panache/en veloutes, ces antithèses figurent l’association de la matière et de l’esprit, du sensible et de l’intelligible. Le système des adjectifs épithètes, loin d’être uniquement descriptif, a une valeur argumentative implicite. La fumée des villages autour du camp est souvent qualifiée de « calme ». « Nous contemplons la plaine de Thuringe, les villages paisibles dans la plaine de Thuringe. Des fumées calmes s’y élèvent, domestiques. Ce ne sont pas des fumées de crématoire. »55 La construction en hypallage du caractérisant dans l’expression « fumées calmes », autrement dit le fait d’attribuer à un objet (« fumée ») l’idée (« calme ») convenant à l’objet voisin (« village ») souligne un détail très important de la réalité du camp : c’est qu’en dehors du camp le monde mène une vie tranquille, paisible, comme si le camp n’existait pas. L’adjectif « calme » a implicitement une valeur consécutive : si la fumée est calme dans un village calme, c’est parce qu’elle n’est pas une fumée de crématoire, elle appartient au monde de dehors. Ce calme est donc le résultat d’une indifférence du « dehors » à l’égard de l’injustice du « dedans ». Par un procédé logique de substitution, on pourrait penser que l’écrivain voulait donner à la fumée du crématoire un adjectif qui serait le contraire de calme, bruyant peut-être, révolté ou portant le cri des détenus qui « partent en fumée », comme le dit-il. Euphémisme pour mourir. Cet aspect paisible que relève Semprun dans le « dehors » est également souligné par le déplacement en hyperbate de l’adjectif en fin de phrase : domestique, étymologiquement qui appartient au domus ou maison, la fumée « qui n’est pas celle du crématoire » est une fumée de maison, fumée des « lieux-lares », ajoute-t-il plus loin, les lares étant chez les Romains des esprits tutélaires chargés de protéger la maison. Au couple de connotations antithétiques du dedans/dehors, s’ajoutent donc celles de menaçant/protecteur. La négation dans « ce ne sont pas des fumées de crématoire » n’est pas descriptive, comme « Le ciel n’est pas gris aujourd’hui », elle est « réfutation polémique » d’une assertion antérieure qui reste implicite : elle présuppose un sous-entendu, c’est une fumée comme les autres, la fumée du crématoire… Or, la fumée domestique représente la vie paisible de « dehors ».
Si le côté visuel est important dans la description de la fumée, son aspect le plus marquant demeure son odeur. « Étrange odeur, fade, vaguement écoeurante, doucâtrement nauséeuse »56. Par un procédé d’expolition, qui consiste à varier l’expression d’une unique information d’après Georges Molinié, nous assistons à une « réexposition plus vive, plus nette »57 de la pensée de l’écrivain, procédé que Henri Morier dans son Dictionnaire de poétique et de rhétorique qualifie d’impressionniste, « qui s’approche […] de la réalité par touches et retouches successives », ajoutant ainsi à notre figure macrostructurale qui est l’hypotypose des fragments nécessaires à la compréhension globale de la réalité représentée. L’expression « étrange odeur » est répétée comme un refrain :
Étrange odeur, en vérité, obsédante. […] Il suffirait de fermer les yeux encore aujourd’hui. […] L’étrange odeur surgirait aussitôt dans la réalité de la mémoire. J’y renaîtrais, j’y mourrais d’y revivre. Je m’ouvrirais, perméable, à l’odeur de vase de cet estuaire de mort, entêtante58.
L’hyperbate (sur « obsédante » et « entêtante ») qui consiste à ajouter à une phrase, qui paraissait terminée, une épithète, apparaît comme une figure chère à Semprun. Elle met souvent en relief l’importance qu’il accorde aux différents signifiés, aux trajets sémantiques utilisés pour rendre la réalité du camp plus concrète, mais avec un esprit poétique marqué. Deux images sont à retenir, fortement axées sur la sensation olfactive : l’image du fleuve, rappel de la métaphore de la traversée du Styx et l’image du moi décomposé, liquéfié qui imaginairement absorbe l’odeur pour y mourir à chaque souvenir. Le champ lexical de l’eau (vase/estuaire) est à rattacher à la présence symbolique du fleuve dans les textes et aux exhalaisons suffocantes de la terre humide, qui dans l’imaginaire des études de Gaston Bachelard sont de nature pervertie, l’eau ayant perdu toute propriété purifiante. Pourtant le moi de l’écrivain serait perméable à cette odeur, prêt à la revivre comme on serait prêt à accepter son destin. Cette image du moi perméable aux douleurs est exprimée dans Le Grand Voyage par l’expression restrictive suivante : « Je ne suis plus qu’une morne étendue piétinée par le galop des douleurs lancinantes »59, où le sujet est défini par une image virtuelle, que l’imagination poétique a créée. Textuellement, le moi est traité comme objet de fiction, il n’existe que dans des projections imaginaires. Il intériorise la souffrance en une sorte d’« allégorisation de soi » dont Jean-Michel Maulpoix dit qu’elle « tient du faire-part funèbre »60.
Il s’agirait finalement d’un moyen de répondre à la question que semblent se poser tous les rescapés : « Avais-je rêvé ma vie à Buchenwald ? » La concrétisation par l’image serait une tentative de répondre à cette question qui hante les survivants. L’expérience de la mort est étudiée par Ricœur surtout dans son livre Vivant jusqu’à la mort (2007). Pour lui Semprun est « la première victime de l’imaginaire […] l’imminence remémorée dans le tout juste passé vaut61 mort ». Semprun qui s’est abstenu de parler des camps, car il voulait les oublier pour survivre, se trouve contraint de travailler la réalité vécue en la « mettant en perspective » par l’écriture parce que les morts avaient besoin qu’on parle d’eux. On se rappelle les mots d’Agamben : « Dans un camp, l’une des raisons de survivre, c’est qu’on peut devenir un témoin »62. Semprun se résout finalement à parler de la mort pour faire le deuil de la mémoire63. Une mémoire qui fonctionne en spirale lui permet de raconter des moments vécus sans une chronologie précise avec des prolepses et analepses narratives qui, selon lui, racontent mieux l’expérience car c’est ainsi que procède la mémoire de l’homme, par bribes de souvenirs en spirale, par un choix donc des événements vécus, et surtout par un travail du « dieu de la narration » comme il choisit de se qualifier. C’est ainsi, par fragments, que se dessinent les figures analysées dans cette étude. L’imaginaire se déploie sous forme de procédés rhétoriques que nous avons analysés et dont les fondements instaurés par la pensée grecque ne s’opposeraient pas à la problématique de la mémoire. Platon « plaide implicitement pour l’enveloppement de la problématique de la mémoire par celle de l’imagination »64. L’évidence de l’horreur est ainsi dépassée par l’artifice de la fiction afin de parvenir à la racine du mal. Telle semble être la stratégie de Semprun. Et donc, au-delà du « devoir de mémoire », parvenir à ce que le cinéaste d’origine cambodgienne Rithy Panh appelle « la compréhension de la nature de ce crime, et non le culte de la mémoire »65. Comprendre n’est pas absoudre, ni justifier, c’est un moyen de conjurer la répétition, « le seul, bien fragile certes, de prévenir des crimes futurs »66.
[1] Jorge SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1994, p. 170.
[2] Tzvetan TODOROV, Lire et Vivre, Paris, Robert Laffont, 2018, p. 124.
[3] Jorge SEMPRUN, Quel beau dimanche !, Paris, Grasset, 1980, p. 71.
[4] Ibid., p. 71.
[5] Paul RICŒUR, Vivant jusqu’à la mort, Paris, Seuil, 2007, p. 63.
[6] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 25.
[7] P. RICŒUR, op. cit., p. 215.
[8] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 26.
[9] Paul RICŒUR, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 324.
[10] Hans-Georg GADAMER, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 158.
[11] DU MARSAIS, Des Tropes ou des différents sens [1730], éd. critique de F. SOUBLIN, Paris, Flammarion, 1988, p. 135.
[12] P. RICŒUR, Temps et Récit 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, p. 9.
[13] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 27.
[14] P. RICŒUR, Temps et Récit 1, op. cit., p. 31.
[15] Imre KERTÉSZ, Le Refus, Paris, Actes Sud, 2001, p. 73.
[16] P. RICŒUR, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, op. cit., p.39.
[17] Paul VALÉRY, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », vol. I, 1957, p. 1326.
[18] John KEATS, cité dans G. AGAMBEN, op. cit., p. 122.
[19] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 120.
[20] Jorge SEMPRUN, Mal et Modernité [1990], Castelnau-Le-Lez, Climats, 1995, p. 34.
[21] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 121.
[22] J. SEMPRUN, Le Grand Voyage, op. cit., p. 157.
[23] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 27.
[24] Ludwig WITTGENSTEIN, Tractatus logico-philosophicus [1921], Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1997, p. 104.
[25] J. SEMPRUN, Le Grand Voyage, op. cit., p. 272.
[26] Georges MOLINIÉ, Éléments de stylistique française, Paris, PUF, 1986, p. 121.
[27] Henri SUHAMY, Les Figures de style [1981], Paris, PUF, 2013, p. 38-39.
[28] Mélanie LANDRY, « L’ambiguïté fondamentale du Styx, vivant fleuve des morts », in D. CHARTIER, M. PARENT et S. VALLIÈRES (éd.), L’idée du lieu, Montréal, Université du Québec, 2013, p. 104.
[29] Michel de CERTEAU, L’Invention du quotidien. 1, Arts de faire, Paris, 10/18 Union générale d’éditions, 1980, p. 222.
[30] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 27.
[31] Ibid., p. 28.
[32] Paul RICŒUR, Temps et Récit 3. Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985, p. 341.
[33] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 304.
[34] Pierre FONTANIER, Les Figures du discours [1827], Paris, Flammarion, 1968, p. 390.
[35] P. RICŒUR, Temps et Récit 3, op. cit., p. 341.
[36] G. MOLINIÉ, Éléments de stylistique française, op. cit., p. 93.
[37] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 26.
[38] Henri MESCHONNIC, Pour la poétique I, Paris, Gallimard, 1970, p. 60.
[39] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 29.
[40] Ibid., p. 31.
[41] Ibid., p. 121.
[42] J. SEMPRUN, Le Grand Voyage, op. cit., p. 272.
[43] Ibid., p. 274.
[44] Ibid., p. 154.
[45] Ibid., p. 55.
[46] « Un terme-pivot polysémique dont les différents sémèmes s’intègrent aux différents parcours isotopiques » (Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, La Connotation, p. 188, cité par A. HERSCHBERG-PIERROT, Stylistique de la prose, Paris, Belin, 1993, p. 186).
[47] Henri SUHAMY, op. cit., p. 57.
[48] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 306.
[49] Ibid.
[50] J. SEMPRUN, Quel beau dimanche !, op. cit., p. 304.
[51] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 22.
[52] H. SUHAMY, op. cit., p. 65.
[53] Michael RIFFATERRE, La Production du texte, Paris, Seuil, 1979, p. 41.
[54] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 23-24.
[55] Ibid., p. 81.
[56] J. SEMPRUN, Quel beau dimanche !, op. cit., p. 332.
[57] Henri MORIER, Dictionnaire de poétique et de rhétorique [1961], Paris, PUF, 1981, p. 476.
[58] J. SEMPRUN, L’Écriture ou la Vie, op. cit., p. 17-18.
[59] J. SEMPRUN, Le Grand Voyage, op. cit., p. 148.
[60] Jean-Michel MAULPOIX, « La quatrième personne du singulier », in Dominique RABATÉ (éd.), Figures du sujet lyrique, Paris, PUF, 1996, p. 159.
[61] Italique de l’auteur.
[62] G. AGAMBEN, Ce qui reste d’Auschwitz [1998], traduit de l’italien par Pierre ALFERI, Paris, Rivages, coll. « Petite bibliothèque », 2003, p. 15.
[63] RICŒUR P., Vivant jusqu’à la mort, op. cit., p. 73.
[64] RICŒUR P., La Mémoire, l’histoire, l’oubli, op. cit., p. 8.
[65] PANH Rithy, L’Élimination, Paris, Grasset, 2011, p. 100.
[66] TODOROV T., op. cit., p. 132.
Résumé
Cet article explore la rhétorique semprunienne dans plusieurs des ouvrages que Semprun a consacrés à la représentation littéraire de sa déportation au camp de concentration de Buchenwald de janvier 1944 à avril 1945, ce qui permet d’établir des comparaisons et des évolutions stylistiques entre des ouvrages si éloignés dans le temps que Le Grand Voyage (1963) et L’Écriture ou la Vie (1994).
Abstract
This article explores Semprun’s rhetoric in several of the works he devoted to the literary representation of his deportation to the Buchenwald concentration camp from January 1944 to April 1945, enabling comparisons and stylistic developments to be made between works as far apart in time as Le Grand Voyage (1963) and L’Écriture ou la Vie (1994).
L’expérience de la mort : rhétorique de la représentation
L’hypotypose : figure dominante chez Semprun
Les manifestations matérialisantes du motif du regard
La dimension picturale du motif de la neige
Hala FAWAZ
Université de Bretagne Occidentale
AGAMBEN, Giorgio, Ce qui reste d’Auschwitz [1998], traduit de l’italien par Pierre ALFERI, Paris, Rivages , coll. « Petite bibliothèque », 2003.
DE CERTEAU, Michel, L’Invention du quotidien. 1, Arts de faire, Paris, 10/18 Union générale d’éditions, 1980.
DU MARSAIS, Des Tropes ou des différents sens (1730), éd. critique par F. SOUBLIN, Paris, Flammarion, 1988.
FONTANIER, Pierre, Les Figures du discours [1827], Paris, Flammarion, 1968.
GADAMER, Hans-Georg, Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996.
HERSCHBERG-PIERROT, Anne, Stylistique de la prose, Paris, Belin, 1993.
KERTÉSZ, Imre, Le Refus [1988], traduit du hongrois par Natalia ZAREMBA-HUZSVAI et Charles ZAREMBA, Paris, Babel, Actes Sud, 2001.
LANDRY, Mélanie, « L’ambiguïté fondamentale du Styx, vivant fleuve des morts », in Daniel CHARTIER, Marie PARENT et Stéphanie VALLIERES (éd.) L’idée du lieu, Montréal, Université du Québec, 2013, p. 95-116.
MAULPOIX, Jean-Michel, « La quatrième personne du singulier », in Dominique RABATÉ (éd.) Figures du sujet lyrique, Paris, PUF, 1996, p. 147-160.
MESCHONNIC, Henri, Pour la poétique I, Paris, Gallimard, 1970.
MOLINIÉ, Georges, Éléments de stylistique française [1986], Paris, PUF, 2014.
MORIER, Henri, Dictionnaire de poétique et de rhétorique [1961], Paris, PUF, 1981.
PANH, Rithy, L’Élimination, Paris, Grasset, 2011.
RICŒUR, Paul, Vivant jusqu’à la mort, Paris, Seuil, 2007.
—, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000.
—, Temps et Récit 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983.
—, Temps et Récit 3. Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985.
RIFFATERRE, Michael, La Production du texte, Paris, Seuil, 1979.
SEMPRUN, Jorge, L’Écriture ou la Vie, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1999.
—, Mal et Modernité [1990], Castelnau-Le-Lez, Climats, 1995.
—, Quel beau dimanche !, Paris, Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1980.
—, Le Grand Voyage, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1963.
SUHAMY, Henri, Les Figures de style [1981], Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2013.
TODOROV, Tzvetan, Lire et Vivre, Paris, Robert Laffont, 2018.
VALÉRY, Paul, Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », vol. I, 1957.
WITTGENSTEIN, Ludwig, Tractatus logico-philosophicus [1921], traduit de l’allemand par Pierre KLOSSOWSKI, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1997, p. 104.