Le travail que nous présentons ici est le fruit d’une collaboration entre deux domaines de spécialité aussi éloignés en apparence que la robotique et la littérature comparée. Le cycle de conférences organisé par l’université de Picardie Jules Verne (https://webtv.u-picardie.fr/) pour commémorer les 800 ans de Notre-Dame d’Amiens a fait apparaître une remarquable convergence d’intérêt entre diverses disciplines autour d’un objet d’étude commun : la cathédrale d’Amiens. Dans ce cadre, l’idée nous est venue d’utiliser le jumeau numérique du monument pour donner une représentation visuelle des visites relatées dans les textes littéraires. Outre l’économie de moyens ainsi réalisée (plus besoin de se déplacer sur le site ni de disposer d’une caméra pour filmer les déplacements préconisés), l’occasion nous est offerte de réfléchir ensemble à ce nouveau mode de représentation de la cathédrale et, plus généralement, d’évaluer ses effets sur notre imaginaire. Ce questionnement, qui s’inscrit dans la problématique du volume, concerne également les apports de la numérisation sur la réception d’un texte descriptif et didactique.
Nous avons choisi de traiter le cas de John Ruskin, car cet auteur s’est toujours montré soucieux de compléter ses écrits théoriques ou critiques par un volet pratique pour accompagner ses lecteurs sur les sites commentés1. Il a ainsi conçu le dernier chapitre de La Bible d’Amiens (IV), intitulé « Interprétations », comme un guide du voyageur. Il le fait publier à part (1881)2, avant l’édition du volume complet (1885), et l’illustre d’un album de photographies vendu séparément. Marcel Proust commence sa traduction de La Bible d’Amiens par ce chapitre et, à la mort de Ruskin en 1900, il en publie des extraits dans le Mercure de France. C’est parce que ce chapitre est très pragmatique, c’est-à-dire tourné vers l’action de visiter la cathédrale, qu’il peut se prêter à l’exercice que nous proposons. Mais ce n’est pas un guide touristique ordinaire. Ruskin met beaucoup de lui-même dans cette visite guidée et fait profiter le lecteur de son expérience du terrain, acquise au fil des années. Quand il commence la Bible d’Amiens le 17 octobre 1880, au matin, à 61 ans, il en est à son huitième (et dernier) séjour dans la ville. C’est un familier de la cathédrale, il a appris à l’apprécier du point de vue artistique, après l’avoir longtemps critiquée3. Il cherche à transmettre ses émotions au lecteur, à lui faire partager son admiration. S’il hésite à décider par quel chemin il vaut mieux accéder à la cathédrale, pour en avoir la meilleure vision de l’extérieur, il n’a aucun doute sur la visite intérieure, et sur l’entrée qu’il convient de choisir : go straight up to the south transept4, écrit-il sur un ton très directif. Il suit alors un itinéraire précis dont il est possible de numéroter les étapes et procède en deux temps : ce qu’on fait / ce qu’on voit. Par exemple, on entre par la porte du transept sud / on voit la rose en face. De telles indications nous ont permis de reconstituer le parcours qu’il préconise.
En procédant à la production du support visuel de ce parcours, nous ne trahissons pas Ruskin. Au contraire, nous allons dans son sens, puisqu’il s’est lui-même appuyé sur des images pour rendre la lecture de son texte plus efficace. Pour ce faire, il a utilisé les moyens de son époque : la prise de vue photographique, qui en est à ses débuts. D’où la question d’aujourd’hui : qu’advient-il si nous utilisons à notre tour les moyens de notre époque ? La comparaison est d’autant plus intéressante que, dans les deux cas, le mode de visualisation adopté relève d’une invention récente. Nous nous interrogerons sur la pertinence de cette technique nouvelle (et de ce rendu en particulier). Sert-elle la réception du texte ? Parvient-elle à transmettre au lecteur les sensations et les émotions que Ruskin espère lui faire éprouver ? Est-ce qu’elle aide l’auteur à atteindre son objectif, c’est-à-dire apprendre à voir une chose belle ? Enfin, laisse-t-elle une place suffisante à l’imaginaire ?
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Mais, avant d’en venir à ces considérations, il importe d’appréhender et de comprendre la dimension technologique de ce travail commun. Pour donner une existence visuelle à la visite préconisée par John Ruskin, nous avons réalisé, de manière très expérimentale, une brève vidéo en utilisant le nuage de points 3D (appelé modèle 3D) obtenu grâce au relevé 3D de la cathédrale.
Le relevé 3D a été obtenu à l’aide d’un scanner laser qui mesure des points de l’environnement visible par un balayage selon une sphère dont le centre est confondu avec le centre optique du scanner. Ce balayage est effectué par un rayon lumineux dévié par un miroir et l’ensemble décrit une rotation de 360° autour de l’axe vertical du scanner. À chaque mesure, le rayon est propulsé à la vitesse de la lumière jusqu’à sa réflexion par la première surface rencontrée. La vitesse d’acquisition des points 3D peut atteindre 2 millions par seconde. Cette opération est répétée autant de fois que le nécessite la complétude recherchée du relevé. Mais la complétude totale suppose une infinité, au sens mathématique strict, de mesures. En réalité ce que nous captons est un échantillonnage, une sélection volontaire, dans une certaine mesure, de l’espace réel qui est continu et donc infini.
L’ensemble des points 3D (fournis en coordonnées cartésiennes) ainsi obtenus est enrichi par la couleur grâce à un appareil photographique interne au scanner. Cet ensemble s’appelle le jumeau numérique, le modèle virtuel ou encore le modèle 3D, mais c’est un abus de langage et il serait plus juste de parler de « nuage de points ».
Figure 1 : Nuage de points 3D de la cathédrale d’Amiens. Cet extrait fait apparaître l’extérieur tel qu’on peut l’obtenir avec un appareil photographique et l’intérieur (à travers les bulles), que seul le modèle 3D permet de visualiser facilement.
Les captations du nuage 3D total, peuvent s’étaler sur plusieurs minutes, plusieurs heures, jours, voire plusieurs années. Le résultat peut être redondant, hétérogène dans sa densité et relever des états multiples d’un même objet lorsqu’il est changeant comme les portes par exemple. En outre, le relevé n’est pas sélectif ; tout ce qui se trouve dans l’environnement du scanner est numérisé et est visible dans la version brute du nuage de points (objets, personnes, échafaudages, décor, …).
Le nuage de points est une représentation numérique brute. Passer de cette dernière à une représentation segmentée et sémantisée nécessite la compression et la projection dans des formes géométriques adaptées à la sémantisation (piliers, chapiteaux, vitraux, …). Mais cette opération demeure complexe et exige toujours des approximations qui éloignent de la réalité du monument. En effet, le relevé 3D brut d’un pilier par exemple est un ensemble de mesures 3D fidèle à sa réalité au moment du relevé. Si on souhaite le sémantiser, il faut alors faire une hypothèse sur sa forme géométrique qui pourrait être un cylindre par exemple. Cette abstraction rendrait plus simple la manipulation et l’analyse dans certaines situations. Cependant, remplacer le nuage de points du pilier (des milliers de mesures) par un cylindre va fatalement gommer et lisser les imperfections qui sont porteuses d’informations potentiellement utiles à l’étude du monument. La figure 2 montre le pilier dans sa réalité et non dans sa forme idéalisée. Cette réalité met en évidence une déformation d’environ 20 centimètres à mi-hauteur (environ 20m).
Figure 2 : Déviation du pilier nord-ouest de la croisée du transept. Les déformations sont dues à des poussées non contrebutées.
L’exigence quantitative (précision géométrique et complétude) et qualitative (apparence visuelle) de production des nuages de points 3D est nécessaire pour permettre l’étude, la restauration ou encore la production de documents techniques comme les plans. En outre, la qualité des modèles ainsi obtenus est indispensable pour la visualisation à l’aide d’interfaces comme les écrans 2D, les écrans 3D ou les casques immersifs pour ne citer que les plus couramment utilisés. Mais ces dispositifs de rendus visuels ne suffisent pas lorsque les relevés 3D correspondent à des monuments complexes, comme la cathédrale d’Amiens. En effet, la visite virtuelle complètement libre met parfois les utilisateurs dans une grande difficulté d’orientation et les empêche d’atteindre les points de vue pertinents. Comme dans une visite guidée réelle, ces utilisateurs doivent être assistés lors des visites virtuelles. Une solution consiste à établir des scénarios sous forme de visites thématiques, comme l’architecture, les vitraux ou le décor. John Ruskin, en proposant un parcours à réaliser in situ, est mû par la même motivation d’assister les visiteurs. Il s’inscrit ainsi dans le mode de la visite scénarisée, augmentée par le texte d’accompagnement et par les photographies. Dans les modèles 3D, l’assistance à la visite virtuelle fait l’objet de travaux de recherche au sein de notre laboratoire, le MIS (Modélisation, Information et Systèmes), depuis 2012. Dans ce cadre, nous avons développé des scénarios thématiques en utilisant le modèle 3D de la cathédrale d’Amiens. Augmenter le parcours proposé par John Ruskin en utilisant le modèle 3D, permet de virtualiser ce scénario et du même coup d’enrichir notre corpus de scénarios en y ajoutant celui d’un artiste et grand connaisseur de la cathédrale. Très concrètement, la virtualisation du scénario de Ruskin consiste à générer des vues à partir du modèle 3D en déplaçant la caméra virtuelle le long de l’itinéraire proposé, à l’image d’un caméraman qui réalise des prises de vues.
La vidéo réalisée à partir du modèle 3D consiste en un montage visuel et sonore. En outre, au déplacement dans le modèle numérisé de la cathédrale, nous avons ajouté des images fixes (photographies et dessins). Le parcours que nous avons tenté de restituer est extrait de la partie la plus dynamique de la visite décrite dans le dernier chapitre de La Bible d’Amiens, qui occupe une quinzaine de pages (de l’alinéa 7 à 26). Il correspond à ce que Philippe Hamon qualifierait de « description ambulatoire »5, par opposition à la « description postée », qui occupe la suite du texte (§ 27-60) et qui concerne la façade occidentale. À partir du moment où il opte pour une entrée par le portail du transept sud, Ruskin déroule les étapes d’un itinéraire à l’intérieur de la cathédrale, que l’on peut aisément suivre sur le plan de l’édifice. Nous avons sélectionné les étapes le plus clairement énoncées et commentées.
La bande son propose un texte d’accompagnement, qui mêle commentaire et citation. Nous donnons à entendre les paroles de Ruskin et celles de son traducteur. Pour composer ce texte, nous avons réuni des extraits de La Bible d’Amiens dans la traduction de Proust et des citations de la préface de l’édition française de 1904. Pour la rédiger, Proust a repris en partie les articles qu’il avait fait paraître dans le Mercure de France, à la mort de Ruskin en 1900. Cependant, pour faire entendre la voix des deux auteurs en un temps aussi court, il a fallu procéder à des coupes, tant la prose de l’un comme de l’autre est prolixe et digressive. Pour éviter que cette juxtaposition de phrases tronquées puis assemblées dans le désordre ne donne l’impression fâcheuse d’une interpolation des textes, nous avons transcrit cet assemblage en indiquant, pour chaque fragment, les références précises à l’alinéa et à la page. Le texte anglais d’origine figure également dans ce document (Voir l’annexe II du présent article).
Il reste maintenant à expliquer pourquoi nous avons fait le choix d’insérer des images fixes (photographies et dessins). Notre intention était d’inscrire les vues provenant du modèle 3D dans une continuité explicite, celle du recours au visuel, tel que l’a voulu Ruskin lui-même, en complément de son approche verbale, discursive. À l’exception du cliché de l’exemplaire de La Bible d’Amiens annoté de la main de Proust (qui sert d’image de transition entre l’intérieur et l’extérieur), nous n’avons retenu que des photographies contemporaines de Ruskin pour représenter la cathédrale : pas de photos en couleur prises aujourd’hui, pas de film, pour ne pas troubler la confrontation entre deux époques, celle de Ruskin et la nôtre. Car il s’agit de montrer l’écart entre les moyens visuels dont disposait Ruskin pour illustrer son guide et les moyens les plus récents dont nous disposions actuellement.
Comme nous l’avons dit, nous partageons avec l’auteur du XIXe siècle, l’utilisation d’une technique de visualisation novatrice. Il ne sera pas inutile de rappeler quelques dates clés pour s’en rendre compte. C’est en 1839 que François Arago annonce l’invention du daguerréotype à la Chambre des députés6 et il faudra attendre 1851 pour que soit mis au point le tirage sur papier. En cette même année, les pouvoirs publics entreprennent de photographier les monuments du patrimoine sur tout le territoire français, ce qu’on appellera la « mission héliographique ». En parallèle, le « moment numérique architectural »7 daterait de 2002 et la numérisation systématique de la cathédrale d’Amiens a commencé en 2010. Elle s’inscrit dans le cadre de la campagne de numérisation du patrimoine, propre à notre siècle.
Revenons maintenant à nos cinq insertions qui représentent, par ordre d’apparition à l’écran, la façade sud de la cathédrale photographiée par Édouard Baldus, qui a participé à la mission héliographique de 1851 ; deux dessins des frères Duthoit, artistes amiénois, dessinateurs et sculpteurs ; la planche VIII de La Bible d’Amiens, conçue à partir d’une photographie de Kaltenbacher, photographe amiénois ; enfin, le gros-plan de Charles Marville sur le trumeau du portail sud, qui montre La Vierge Dorée tant aimée de Ruskin (Voir la table des illustrations, dans l’annexe I).
Ces représentations sont aussi destinées à nous rappeler l’ancrage de la cathédrale dans un continuum historique : la cathédrale est une réalité qui évolue au fil du temps. Par exemple, la photographie prise par Édouard Baldus vers 1855 (la datation est incertaine) montre des échafaudages dressés sur la façade occidentale (Figure 3). Ce sont les traces visibles de la restauration en cours, menée par Eugène Viollet-le-Duc, qui avait commencé en 1849 et qui sera terminée en 1874. Ruskin en a été le témoin courroucé car il était opposé à toute restauration et privilégiait la conservation8. Il déplore la disparition du labyrinthe qui remonte à 1827, lors de la malencontreuse réfection du dallage. Celui que nous voyons aujourd’hui a été restitué en 1897 (or Ruskin n’est pas retourné à Amiens après 1880). L’un des dessins des frères Duthoit (Figure 4) témoigne des aménagements extérieurs, notamment de l’élargissement de la rue qui mène au transept sud (actuellement rue Robert de Luzarches). Autrement dit, chaque visite correspond à un état de la cathédrale qui peut ne jamais être retrouvé à l’identique.
Figure 3 : Edouard BALDUS, Amiens, Cathédrale Notre-Dame, Côté sud, vers 1855.
Figure 4 : Aimé et/ou Louis Duthoit, Vue du bras sud du transept de la cathédrale depuis l’ancienne rue du Cloître Saint-Nicolas, après son élargissement, 1872.
Notons que le jumeau virtuel de la cathédrale peut aussi porter les traces des restaurations : les contours d’un échafaudage sont visibles dans le chœur. C’est bien la preuve que le nuage de points n’est pas une abstraction mathématique intemporelle mais un relevé exhaustif du monument à un instant T.
Il convient toutefois de noter que la vidéo n’épuise pas toutes les ressources offertes par le « nuage de points » qui constitue l’image virtuelle de la cathédrale. C’est une exploitation possible parmi d’autres. Les limitations qu’elle impose n’ont plus cours dès lors qu’on se tourne vers d’autres procédés, tels que l’immersion et la navigation virtuelle qui ouvrent une infinité de possibilités au visiteur. L’accès à volonté à des zones inaccessibles physiquement et la possibilité de mieux comprendre le monument et de le voir autrement augmentent l’intérêt pour le monument dans sa version virtuelle et dans sa version réelle.
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Après cette approche technique et descriptive des outils utilisés dans notre travail commun, il est temps d’interroger la pertinence de la projection des parcours de Ruskin dans le jumeau virtuel de la cathédrale. L’ensemble des images animées ainsi obtenues, qu’on appellera « rendu », sera-t-il suffisant pour que l’imaginaire du visiteur perçoive les sensations suggérées par Ruskin ? Le complément visuel apporté à sa visite, sous cette forme nouvelle, contribue-t-il à la rendre plus profitable au lecteur ?
En insérant des images photographiques, soit sous forme d’album vendu en complément, soit sous forme d’illustrations au fil des pages, Ruskin avait bien pour but de soutenir, de renforcer le sujet traité dans ce guide du voyageur, c’est-à-dire d’assister le lecteur dans la découverte de la cathédrale. Son intention était de mettre la photographie au service de la visite, dans les trois temps que celle-ci comporte : avant / pendant / après, soit pour préparer la visite / pour avoir des points de repère une fois sur place / et enfin, pour emporter le souvenir des lieux. C’est ainsi que lui-même a procédé, lors de son voyage en Italie, en 1845. Il achète des daguerréotypes à Venise et écrit à son père : « c’est presque la même chose qu’emporter avec soi le palais lui-même »9.
Le rendu 3D peut-il remplir cette fonction, qu’il soit intégré à une vidéo, comme dans notre exemple, ou utilisé en situation d’immersion, au moyen d’un casque ? Par rapport à la photographie (fixe, tronquée par le cadrage, sélective), la visite virtuelle propose une expérience immersive qui s’apparente à la visite in situ. Au lieu d’un face à face avec la vue plane, en deux dimensions, qui constitue une mise à distance, elle invite à une plongée dans l’espace représenté10. Elle imite, recrée les conditions de la visite réelle (déplacement du sujet, mobilité du décor, effet d’illusion). Mais si on la compare avec l’immersion physique, il va de soi qu’elle appauvrit la réception sensorielle, puisque seule la vue est sollicitée, comme c’est d’ailleurs le cas pour la photographie. Si l’on attend d’une visite de cathédrale un enrichissement sur le plan esthétique, émotionnel et spirituel, que peut apporter, en comparaison, une visite virtuelle ?
Dans un article sur « l’émergence de l’esthétique photographique » chez Ruskin, François Arnaud note que, pour l’esthéticien, « l’important est que le visiteur retrouve cette découverte de l’architecture en corps à corps, où la description de nombreux détails permet de ressentir la vitalité de l’âme de l’artisan en action »11. Guider le visiteur (par la description et par la photographie), c’est le faire entrer en contact avec cette « présence fantomatique » ; lui communiquer le sentiment que la cathédrale est hantée, habitée – non seulement par l’Esprit Saint pour les croyants, mais de manière plus visible, par la vitalité des artisans créateurs du passé. John Ruskin a maintes fois souligné cette proximité éprouvée par le visiteur avec ceux qui ont investi « leur esprit et leur cœur » dans le travail de la pierre12. Les œuvres faites de leurs mains portent la trace de leurs gestes. Cette prise de conscience peut s’éprouver dans l’immersion virtuelle, notamment avec l’usage d’un casque, parce que le sujet qui l’expérimente évolue dans une complète solitude : personne ne vient s’interposer, ne vient troubler sa contemplation et il n’est pas limité par le temps. Grâce à l’absence de toute perturbation et de toute interruption, il peut se sentir enveloppé par le décor intérieur, avoir l’illusion d’être enlevé au monde du présent pour se retrouver transporté dans une sorte d’intemporalité. Il peut donc se produire cette interpénétration entre le sujet regardant et l’espace architectural, que recherchait Ruskin.
Ce qui manque cependant, par rapport à l’immersion physique in situ, c’est le toucher, dans la mesure où la numérisation dématérialise le monument. Le porteur de casque virtuel cherche à atteindre les formes qu’il voit mais celles-ci se dérobent au moment où il tente de les saisir, c’est pourquoi on le surprend souvent à effectuer des gestes dans le vide. Cependant, le nuage de points donne du relief aux murs, aux piliers, aux voûtes qui défilent sous ses yeux, et recrée un volume autour de lui, si bien que lors de sa visite virtuelle, il a la conviction de se déplacer lui-même à l’intérieur de la cathédrale. Il n’a pas le sentiment d’être confronté à l’immatériel, ni d’assister à un spectacle (film) qui se déroulerait indépendamment de lui, c’est pourquoi il peut éprouver les sensations d’émerveillement, d’éblouissement esthétique que pourrait lui communiquer le monument réel.
Pour mieux comprendre ce phénomène paradoxal, il faut se référer aux pénétrantes analyses d’Antoine Picon (ingénieur, architecte et historien de l’architecture) qui cherche à évaluer les effets du numérique sur l’appréhension de la matérialité propre à l’architecture. Le visiteur (en mode virtuel) expérimenterait un nouveau rapport à la réalité sensible, où l’opposition concret / abstrait perdrait de sa pertinence, où la perception physique du monde serait modifiée. « Les formes statiques s’effacent au profit de flux dynamiques »13, écrit-il. Dans notre exemple de vidéo, le trumeau du portail ne fait pas obstacle à la progression du visiteur, les chaises sont vues en surplomb, les piliers perdent leur opacité. Cependant, la structure de la nef et du transept se dessine nettement, elle est recréée par la mobilité même de l’image, selon un mouvement tournant évocateur du balayage visuel qu’effectuerait le regard d’un visiteur in situ. En mimant l’attitude d’un observateur en marche et en train de regarder ce qui l’entoure, l’opérateur garantit un effet de suggestion qui pallie un manque, car la « forme dans le monde numérique n’est pas sur le mode ontologique de la présence »14.
Il revient à la sensibilité de chacun d’être plus ou moins réceptif à l’effet produit par les images virtuelles. S’il est difficile d’évaluer la pertinence de la visite virtuelle dans le registre émotionnel, puisqu’elle peut varier d’un individu à l’autre, il est possible de la mettre à l’épreuve autrement : en se demandant, par exemple, si elle aide l’auteur à atteindre ses objectifs. Or, l’objectif premier de Ruskin était d’apprendre à son lecteur à voir une chose belle.
La hantise de John Ruskin était de rester aveugle à la beauté du monde, le monde naturel comme le monde construit par l’homme. Il a placé sa vie au service de la « vérité du visible »15, comme l’écrit Pierre Fontaney, qui a étudié cette composante fondamentale du ruskinisme. La théorie esthétique de Ruskin est fondée sur l’idée qu’il y a un « hiatus entre d’une part la plénitude du réel et, de l’autre, les capacités de perception et d’exécution de l’artiste »16. Celui-ci doit déconstruire le visible pour le reconstruire partiellement. Il doit fournir « un effort intense et prolongé pour se déshabituer de voir le visible sur le mode de la perception habituelle, par une éducation systématique et intelligente de la vue »17. Ruskin admirait Turner pour sa capacité à s’affranchir des codes artistiques de son temps afin de rendre la beauté du monde. Dans ses écrits, il distingue toujours la « perception habituelle » de la « perception éduquée » ou encore parle de « l’œil exercé »18. Lui-même a cherché à atteindre la « vérité du visible » par tous les moyens mis à sa disposition : par le dessin, par le langage, en relevant les différences, en enregistrant le moindre détail descriptif, et par la photographie qu’il a lui-même pratiquée lors de ses études de monuments.
Il voyait dans la photographie « un instrument extraordinaire de vérité »19 et il avait même déclaré : « C’est certainement la plus extraordinaire invention du siècle qui nous est donnée ». Il était fasciné par la fonction de révélateur de la photographie, par sa faculté à enregistrer des détails qui échappent à l’œil nu : « chaque morceau de pierre et chaque tache sont visibles et, bien sûr, il n’y a pas d’erreur en ce qui concerne les proportions »20.
Cependant, il faut rappeler à quel point il se méfiait de toutes les techniques susceptibles de tromper l’observateur, comme le trompe-l’œil en peinture21. En ce sens, avoir le sentiment d’emporter le palais avec soi alors qu’on emporte sa photographie résulte d’une illusion volontiers consentie. On se réjouit de détenir une copie de la réalité, en éprouvant le plaisir d’une appropriation imaginaire. Or, le modèle 3D va plus loin encore dans le processus du leurre : il ne s’agit plus d’une imitation du modèle réel ni d’une reproduction mécanique (ou chimique) de son apparence, il s’agit d’un relevé de points qui ne doit rien au geste créateur mais qui recèle une puissance de simulation jusqu’alors inégalée, puisqu’elle se déploie en trois dimensions. La notion de réalité virtuelle n’a-t-elle pas toutes les propriétés requises pour encourir la réprobation morale de Ruskin, résolument opposé aux artifices trompeurs ? À moins qu’elle ne constitue, non une duplication de la réalité, mais une autre réalité à part entière.
Si on a pu dire qu’une nouvelle ère de la vision a été ouverte par la photographie22, pourra-t-on en dire autant du modèle numérique ? C’est indéniablement une nouvelle forme de visibilité. Revenons aux analyses d’Antoine Picon : « l’idée s’est développée que l’ordinateur était une machine qui permettait de voir, il a transformé notre vision. Le zoom est devenu une situation de vision naturelle »23. C’est un fait que rien n’échappe au modèle numérisé de la cathédrale : on peut voir de près les parties hautes, explorer des zones inaccessibles, découvrir des éléments cachés dans la structure, comme les curieuses gouttières de maçonnerie qui apparaissent dans la charpente de Notre-Dame d’Amiens et qui ont sans doute servi à évacuer les eaux de pluie pendant la construction de la toiture. Ainsi, le moindre recoin est exposé à notre curiosité, à l’égal de ce qui était conçu pour être vu. L’édifice s’apparente à une maquette à grande échelle que l’on pourrait arpenter du regard dans tous les sens. Il n’a plus de secrets. Dans ce cas, ce n’est pas seulement le regard porté sur la cathédrale qui est modifié mais également la relation qui s’établit avec elle. Cette illusion de pouvoir manipuler le monument comme un bibelot, n’entraîne-t-elle pas un risque de désacralisation ? Dévoiler, est-ce profaner ?
On peut parler de « regard photographique » dans la mesure où le dispositif mécanique imite la vision organique : c’est « un acte d’accommodation unique qui se substitue à une suite ininterrompue d’actes d’accommodation »24. Mais on ne peut pas parler de regard numérique puisque c’est un relevé de points systématique. En revanche, la vidéo que nous avons présentée résulte du regard porté par l’opérateur sur le nuage de points. Elle s’apparente à un film mais il n’y a pas de cameraman qui se déplace en personne dans l’espace filmé, pour transformer ce qu’il voit en images. L’opérateur procède à une navigation dans un espace de données, il fait circuler une suite d’images déjà constituées qui donnent l’illusion d’une déambulation. Plutôt que de mieux voir la cathédrale, il s’agit peut-être de la voir autrement, par rapport à la vision naturelle et par rapport à la vue photographique ou cinématographique. On peut considérer que ce décalage avec la perception directe produit un dépaysement, engendre des prises de vue inédites qui modifient notre approche du monument, changent nos habitudes perceptives. Le choc produit par cette déstabilisation encore trop neuve pour être vraiment maîtrisée, nous ouvre peut-être les yeux sur les aspects inconnus d’un lieu qui pourtant pouvait nous paraître familier. La nouveauté même de la représentation invite aux spéculations, à la rêverie et nourrit un autre imaginaire de la cathédrale.
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Le choix d’une œuvre de John Ruskin pour mettre à l’épreuve les ressources du jumeau numérique de la cathédrale d’Amiens, n’est pas anodin. En effet, la visite ne s’inscrit pas seulement dans un récit de voyage ou une monographie de monument, elle est conçue par un esthéticien particulièrement sensible à la perception visuelle de l’architecture (médiévale, gothique en l’occurrence) et aux modalités de sa représentation (point de vue, détails…).
Le travail que nous avons proposé est un pont entre la visite in situ scénarisée par Ruskin et nos propres travaux sur la visite virtuelle assistée en exploitant le modèle 3D de la cathédrale d’Amiens. La vidéo produite constitue une possibilité supplémentaire pour découvrir (bien voir) le monument. Elle améliore la version textuelle et visuelle de John Ruskin car elle offre un avantage par rapport aux images fixes en introduisant une dynamique ou ce que les spécialistes de la perception visuelle appellent le « flot optique ». Ce dernier augmente les stimuli et améliore la compréhension face à la complexité des modèles virtuels.
Dans sa réflexion sur l’art, Ruskin se fait le théoricien du visuel. Il a explicitement formulé ses attentes sur la photographie (et a évolué à ce sujet), c’est pourquoi ses descriptions constituent un bon point de départ pour tester les capacités et les effets de la technologie actuelle.
Remerciements : Le programme E-Cathedrale qui a permis la numérisation de la cathédrale d’Amiens, est soutenu par la DRAC Hauts-de-France, la région Hauts-de-France et le fond FEDER.
Edouard Baldus, Amiens, Cathédrale Notre-Dame, Côté sud, vers 1855, in Chemin de fer du Nord. Ligne de Paris à Boulogne. Album de vues photographiques, 1860, Bibliothèque nationale de France (Catalogue BnF Banque d’images).
Aimé et/ou Louis Duthoit (1803-1869) (1807-1874) : Amiens : le portail de la Vierge Dorée à la cathédrale (vers 1860), Amiens, Musée de Picardie, in Catalogue de l’exposition Aimé et Louis Duthoit. Derniers imagiers du Moyen Âge, Amiens, 2003, Cat. 209, p. 93.
Aimé et/ou Louis Duthoit (1803-1869) (1807-1874) : Amiens : vue du bras sud du transept de la cathédrale depuis l’ancienne rue du Cloître Saint-Nicolas, après son élargissement, 1872, Amiens, Musée de Picardie, in Catalogue de l’exposition Aimé et Louis Duthoit. Derniers imagiers du Moyen Âge, Amiens, 2003, Cat. 212, p. 94.
The Works of John Ruskin, edited by E.T. Cook and Alexander Wedderburn, London, George Allen, 1908, vol. XXXIII, Plate VIII, The South Transept and Flèche, p. 128-129 (Photogravure from a photograph).
Charles Marville, Amiens, Cathédrale Notre-Dame, Portail de la Vierge dorée, 1855.
Photo (C) Ministère de la Culture - Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. RMN-Grand Palais / Charles Marville.
Deux pages annotées par Marcel Proust, Our Fathers told us..., part 1. The Bible of Amiens, 1897, p. 192-193, Département Estampes et Photographie, Bibliothèque nationale de France (Catalogue BnF Banque d’images).
Dans le chapitre IV de La Bible d’Amiens, conçu comme un guide du voyageur, John Ruskin conseille à son lecteur de monter droit au transept sud pour commencer la visite de la cathédrale.
[…] vous ne pouvez pas y entrer d’une meilleure manière que par cette porte, écrit-il. Car toutes les cathédrales de quelque importance produisent à peu près le même effet quand vous y pénétrez par la porte ouest ; mais je n’en connais pas d’autre qui montre autant de sa noblesse du transept intérieur sud […]. (§ 8, p. 263-264)
[you] cannot enter it to better advantage than by this door. For all cathedrals of any mark have nearly the same effect when you enter at the west door; but I know no other which shows so much of its nobleness from the south interior transept […]. (§ 8, p. 129)
Donc, si vous voulez me laisser vous conduire, entrez à cette porte du transept sud […]. (§ 8, p. 264)
Therefore, if you let me guide you, go in at this south transept door […]. (§ 8, p. 129)
[En] arrivant tout à fait au porche, chacun doit aimer la jolie petite madone française qui en occupe le milieu avec sa tête un peu de côté, et son nimbe mis un peu de côté aussi comme un chapeau seyant. (§ 7, p. 260)
And, coming quite up to the porch, everybody must like the pretty French Madonna in the middle of it, with her head a little aside, and her nimbus switched a little aside too, like a becoming bonnet. (§ 7, p. 128)
Puis, étant une fois entré, donnez-vous telle sensation d’ensemble qu’il vous plaira […] et, durant le premier quart d’heure, ne voyez que ce que votre fantaisie vous conseillera […]. (§ 8, p. 264)
Then, being once inside, take what first sensation and general glimpse of it pleases you […] and in this first quarter of an hour, seeing only what fancy bids you […]. (§ 8, p. 129-130)
[…] [L]a rose en face est d’une exquise finesse de réseau et d’un éclat charmant ; et les piliers des bas-côtés du transept forment des groupes merveilleux avec ceux du chœur et de la nef. (§ 8, p. 264)
[…] [T]he opposite rose being of exquisite fineness in tracery, and lovely in lustre; and the shafts of the transept aisles forming wonderful groups with those of the choir and nave. (§ 8, p. 129)
[…] [R]egardez […] toutes les parties transversales de l’édifice en partant de son centre. (§ 8, p. 264)
[Seeing] all the traverses of the building, from its center. (§ 8, p. 130)
[Admirez le] chœur et le cercle de lumière qui l’entoure, quand vous levez les regards vers lui du milieu de la croix […]. (§ 8, p. 265)
[…] that choir and its encompassing circlet of light, when you look up into it from the cross-centre […]. (§ 8, p. 130)
[…] [P]lus vous le connaîtrez, plus votre étonnement grandira. Car il n’est pas possible à l’imagination et aux mathématiques […] de faire avec du verre et de la pierre quelque chose de plus noble ou de plus puissant que cette procession de verrières, ni rien qui donne plus l’impression de la hauteur […]. (§ 8, p. 265)
[…] [T]he more you know of it, the more it will amaze. For it is not possible for imagination and mathematics together, to do anything nobler or stronger than that procession of window, with material of glass and stone – nor anything which shall look loftier. (§ 8, p. 130)
Ruskin invite son lecteur à regarder attentivement cette abside d’Amiens qui est, à ses yeux, « la première œuvre d’une parfaite pureté de vierge […] de l’architecture gothique » (§ 11, p. 267), « […] this apse of Amiens is the first virgin perfect work […] of Gothic Architecture » (§ 11, p. 131).
Puis il propose d’avancer dans la nef jusqu’au point où se situait le « Labyrinthe incrusté dans le pavé de la cathédrale » (§ 18, p. 272) et disparu depuis la restauration de l’ancien dallage, en 1827. Un peu plus à l’ouest de la nef, se trouvent « les tombes des deux grands évêques, dont toute la force de vie fut donnée, avec celle de l’architecte, pour élever ce temple » (§ 22, p. 275), « […] the graves of the two great bishops, all whose strength of life was given, with the builder’s, to raise this temple » (§ 22, p. 138).
Dans la préface de sa traduction de La Bible d’Amiens, Marcel Proust nous accompagne « en une sorte de pèlerinage ruskinien », mais d’emblée, il nous met en garde. Il nous rappelle que, pour ce guide d’exception que fut Ruskin, la première qualité attendue d’un visiteur était d’être « doué pour ressentir les beautés de la cathédrale » (p. 18).
Mais poursuivons notre visite : « nous irons dehors à une des portes ouest – et de cette manière, écrit Ruskin, nous verrons graduellement se lever au-dessus de nous l’immensité des trois porches et des pensées qui y sont sculptées » (§ 26, p. 280), « And now at last […] we will […] go out at one of the western doors – and so see gradually rising above us the immensity of the three porches, and of the thoughts engraved in them » (§ 26, p. 141).
Écoutons ce qu’en dit Marcel Proust :
« vous ressentez devant cette façade une impression confuse mais forte. En voyant monter vers le ciel ce fourmillement monumental et dentelé de personnages de grandeur humaine dans leur stature de pierre tenant à la main leur croix, leur phylactère ou leur sceptre […] sans doute, à la chaleur de votre émotion vous sentez que c’est une grande chose que cette ascension géante, immobile et passionnée. Mais une cathédrale n’est pas seulement une beauté à sentir. Si même ce n’est plus pour vous un enseignement à suivre, c’est du moins encore un livre à comprendre. Le portail d’une cathédrale gothique, et plus particulièrement d’Amiens, la cathédrale gothique par excellence, c’est la Bible » (p. 32-33).
« Ce que vous avez d’abord à méditer et à lire, c’est l’Écriture du grand porche central […] » (§ 28, p. 282), « What you have first to think of, and read, is the scripture of the great central porch […] » (§ 28, p. 143).
Éditions citées :
John RUSKIN, La Bible d’Amiens, Traduction, notes et préface par Marcel Proust, Amiens, Cobra Editeur, 1997.
The Works of John Ruskin, edited by E.T. COOK and Alexander WEDDERBURN, London, George Allen, 1908, vol. XXXIII.
[1] Par exemple, Venise : The Stones of Venice est publié en trois gros volumes (1851-1853) puis, en 1879, paraît la Traveller’s edition ou édition du voyageur, abrégée et révisée par l’auteur. Autre exemple, Florence : Mornings in Florence (1875-77), a practical guide for travellers.
[2] Our fathers have told us. Part. I. The Bible of Amiens. Chapter IV. Interpretations. “Separate traveller’s edition, to serve as a guide to the cathedral”, G. Allen, 1881, in BnF, Catalogue général, notice bibliographique.
[3] Cynthia Gamble répertorie les visites de John Ruskin à Amiens, soit le 14 septembre 1849 ; les 11 et 12 mai 1854 ; du 16 au 18 mai et les 23 et 24 septembre 1856 ; le 8 octobre 1868 ; les 19 et 30 août et du 11 octobre au 4 novembre 1880. Elle expose très clairement l’évolution du jugement de Ruskin tout au long de ces années, dans « Sur les pas de John Ruskin à Amiens », in Catalogue de l’exposition Ruskin-Turner. Dessins et voyages en Picardie romantique, Amiens, Musée de Picardie, 7 juin-31 août 2003, p. 9-29.
[4] Cité dans The Works of John Ruskin, E.T. Cook and Alexander Wedderburn (ed.), London, George Allen, 1908, vol. XXXIII § 7, p. 128 ; soit, littéralement : « Montez droit au transept sud ».
[5] Philippe Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, p. 62.
[6] Rapport de M. ARAGO sur le daguerréotype, lu à la séance de la Chambre des députés, le 3 juillet 1839 et à l’Académie des sciences, séance du 19 août (Gallica). On peut lire p. 32 : « D’un coup d’œil, chacun apercevra alors l’immense rôle que les procédés photographiques sont destinés à jouer dans cette grande entreprise nationale [la Commission des monuments historiques] ».
[7] Marie Rousseau, Notes de lecture en ligne, Critique d’art, compte rendu de Quand le numérique marque-t-il l’architecture ?, Montréal, Centre canadien d’architecture, 2017.
[8] Il ne perd pas une occasion de critiquer l’interventionnisme des Français à l’égard de leurs cathédrales : « ils ne peuvent jamais les laisser tranquilles dix minutes », § 47, p. 322. They never can let them alone for ten minutes, éd.cit., p. 164.
[9] John Ruskin, lettre à son père, le 7 octobre 1845, cité dans Giovanni Fanelli, Histoire de la photographie d’architecture, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 37-39.
[10] Voir l’article de François CÔtÉ, « Patrimoine et nouvelles technologies : quelques repères », Continuité, (99), 2003, p. 21–23.
[11] François Arnaud, « L’émergence de l’esthétique photographique par Viollet-le-Duc et Ruskin », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, [En ligne], 5 | 2019, consulté le 06 décembre 2022, p. 21. URL : https://journals.openedition.org/craup/2258.
[12] Dans La Lampe de vie, Ruskin écrit : « On verra toujours que l’ouvrier a éprouvé plus de plaisir en certains endroits qu’en certains autres – qu’il s’y est arrêté, leur a accordé plus d’attention ; puis il y aura des morceaux négligés, d’autres faits à la hâte ; ici le ciseau a frappé dur, là légèrement et plus loin s’est fait timide. Si l’ouvrier a mis son esprit et son cœur à son travail, tout ceci se produira aux bons endroits », in Les Sept lampes de l’architecture, trad. G. Elwall, Paris, Les Presses d’aujourd’hui, 1980, p. 178.
[13] Antoine Picon, Culture numérique et architecture : Une introduction, Bâle, Birkhäuser, 2010, p. 150.
[14] Antoine Picon, « Histoires du numérique : information, ordinateur et communication », in Quand le numérique marque-t-il l’architecture ?, Montréal, Centre canadien d’architecture, 2017, p. 81-98, p. 90.
[15] Pierre Fontaney, Ruskin esthéticien. Les années de formation (1819-1849), Service de reproduction des thèses, Université de Lille III, 1980, p. 184.
[16] Ibid., p. 289.
[17] Ibid., p. 290.
[18] Ibid., p. 291.
[19] Giovanni Fanelli, Histoire de la photographie d’architecture, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016, p. 37-39.
[20] John Ruskin, lettre à son père, le 7 octobre 1845, cité dans Giovanni Fanelli, op. cit., p. 37.
[21]Pierre Fontaney, op. cit., p. 292-298.
[22] Giovanni Fanelli, op. cit., p. 50.
[23] Antoine Picon, article cité, 2017, p. 87.
[24] Pierre Fontaney, op. cit., p. 337-338.
En s’appuyant sur le programme de recherche E-cathédrale mené par le MIS, cet article propose une réflexion pluridisciplinaire, à la croisée de la robotique et de la littérature. Il présente une brève vidéo reconstituant virtuellement la visite préconisée par John Ruskin dans la cathédrale d’Amiens (La Bible d’Amiens, 1885). Après un examen des outils et de la méthode utilisés, les auteurs s’interrogent sur la pertinence du recours au modèle 3D pour assister le lecteur dans la découverte du monument. Par rapport à la photographie sollicitée par Ruskin, la 3D répond-elle aux objectifs du texte ruskinien ?
Abstract
Relying on the E-Cathedral research program lead by the MIS laboratory, this paper introduces a cross-disciplinary approach between robotics and literature. It deals with a short video recording a virtual visit inside Amiens cathedral reconstructed according to John Ruskin’s advice (Bible of Amiens, 1885). Both authors, after reviewing the scientific tools and the method they used, bring up questions about the 3D-model relevance to assist the reader in the discovery of Gothic architecture. Compared to the means provided by photography and praised by Ruskin, does the 3D contribute to serve the ruskinian aims?
L’image virtuelle et la réception du texte
La visite virtuelle aide-t-elle à mieux voir ?
El Mustapha MOUADDIB
Université de Picardie Jules Verne, Laboratoire MIS
Joëlle PRUNGNAUD
Université de Lille
Ouvrages et articles critiques
ARNAUD, François, « L’émergence de l’esthétique photographique par Viollet-le-Duc et Ruskin », Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère, [En ligne], 5 | 2019, consulté le 06 décembre 2022, p. 21. URL : https://journals.openedition.org/craup/2258.
CÔTÉ, François, « Patrimoine et nouvelles technologies : quelques repères », Continuité, Le passé dans l’œil du futur, n°99, hiver 2003–2004.
FANELLI, Giovanni, Histoire de la photographie d’architecture, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2016.
FONTANEY, Pierre, Ruskin esthéticien. Les années de formation (1819-1849), Service de reproduction des thèses, Université de Lille III, 1980.
GAMBLE, Cynthia, « Sur les pas de John Ruskin à Amiens », in Catalogue de l’exposition Ruskin-Turner. Dessins et voyages en Picardie romantique, Amiens, Musée de Picardie, 7 juin-31 août 2003, p. 9-29.
HAMON, Philippe, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981.
PICON, Antoine, Culture numérique et architecture : Une introduction, Bâle, Birkhäuser, 2010.
PICON, Antoine, « Histoires du numérique : information, ordinateur et communication », in Quand le numérique marque-t-il l’architecture ?, Andrew GOODHOUSE (dir.), traduction de When is the digital in architecture? (Berlin, Sternberg press, 2013), (publié en lien avec le catalogue de l'exposition : « Archéologie du numérique », au Centre Canadien d’Architecture, Montréal, 7 mai-27 octobre 2013), Montréal, Centre Canadien d’Architecture 2017.
ROUSSEAU, Marie, compte rendu de Quand le numérique marque-t-il l’architecture ? Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 21 novembre 2018, consulté le 10 janvier 2023. URL : https://journals.openedition.org/critiquedart/27451.