Dans La Cheffe. Roman d’une cuisinière (2016), Marie NDiaye utilise son personnage de cuisinière fantastiquement douée pour développer sa conception de l’écriture : la cuisine singulière que défend la protagoniste est aussi un discours sur l’art littéraire de l’autrice. Lorsque la manière dont la Cheffe opère est évoquée, c’est le refus de la facilité qui est mis en avant :
Il lui était insupportable de penser que sa cuisine plaisait et séduisait, non qu’elle s’imaginât, non qu’elle souhaitât qu’elle rebute puisque tant de clients revenaient à la Bonne Heure, mais la Cheffe se sentait tenue de considérer en conscience que ses habitués retournaient au lieu où une énigme leur avait été posée1.
Opposant nettement la dimension plaisante ou séduisante d’un plat à son caractère énigmatique, le texte met en lumière un art poétique qui construit l’œuvre littéraire autour d’un problème laissé irrésolu. En mettant en scène ou en exhibant quelque chose de difficile à comprendre, les romans de l’écrivaine s’opposent fortement à l’idée que la littérature délivre un savoir ou appose une conclusion.
Définir la poétique de Marie NDiaye par l’ambiguïté n’est pas nouveau : la critique journalistique et universitaire parle depuis longtemps d’incertitude, de suspens, d’ambivalence ou d’un principe d’indécision pour caractériser ses textes. Dès 1996, Jean-Pierre Richard évoque le « trouble » que font naître les textes de Marie NDiaye2. Dominique Rabaté a quant à lui parlé de suspens ou de dilemme non résolu3. Plus récemment, le critique littéraire Hugo Pradelle mentionnait encore le caractère équivoque ou opaque des œuvres de l’autrice, « des textes qui résistent »4. S’il faut tenir compte de la diversité des phénomènes textuels, stylistiques et narratifs qui produisent de l’ambivalence et une dynamique d’irrésolution dans les textes de l’autrice, je propose de penser que ses œuvres narratives sont élaborées selon le principe de l’énigme – manière de suivre les indications du personnage de la Cheffe, double romanesque de Marie NDiaye. Comme le suggérait par ailleurs le passage de La Cheffe précédemment cité, l’énigme met à l’épreuve le lectorat, potentiellement rebuté par la difficulté de l’entreprise, mais peut-être aussi intrigué par un dispositif littéraire qui ne fonctionne pas sur le mode du dévoilement. En outre, lire un texte littéraire comme une énigme suggère tout à la fois qu’une clé de lecture de celui-ci existerait – elle permettrait de résoudre ce qui s’apparenterait alors à un jeu d’esprit – tout en évoquant l’inverse, c’est-à-dire en faisant de la narration un dispositif nettement difficile à saisir, voire impossible à élucider, sans solution aucune. L’énigme paraît constituer, pour Marie NDiaye, un modèle artistique, une forme à investir, et elle correspond à une manière de penser la littérature. Un des modèles littéraires de Marie NDiaye est William Faulkner, dont elle dit :
Faulkner est le seul écrivain, je crois, que j’ai relu et relu. Ce qui me plaît au-delà de tout, au-delà du fait que tout nous sépare, lui et moi – la culture dont il est issu, sa religion, sa langue, et cetera (je le lis en plus en français) – ce qui me plaît au-dessus de tout cela, c’est que je n’arrive pas à en venir à bout, je n’arrive pas à l’épuiser. Il y a toujours des pans de compréhension qui me restent clos ; il y a une résistance qui me semble indépassable5.
Cette résistance qu’elle apprécie en tant que lectrice semble proche des énigmes qu’elle propose aux lecteurs dans ses propres livres.
Qu’est-ce qui, dans l’art du roman de Marie NDiaye, constitue les narrations en énigmes ? On peut citer quelques-uns des procédés littéraires employés : au niveau intradiégétique d’abord, si les personnages de Marie NDiaye sont souvent en quête de quelque chose, celle-ci est fondée sur un doute initial. Ainsi, au début de La Vengeance m’appartient (2021), Maître Suzane croit reconnaître Gilles Principaux, mais rien n’est moins sûr, et le rôle même qu’il aurait joué antérieurement dans la vie de l’avocate est incertain, fondé sur des souvenirs trop flous : la quête est déjà partiellement biaisée. Le lecteur est confronté à un narrateur peu fiable, le dispositif narratif reposant toujours sur le jeu des points de vue internes et sur des effets de monologue intérieur. Ensuite, certains stylèmes de Marie NDiaye entretiennent l’énigme, au premier rang desquels ont déjà été remarqués la récurrence des questions laissées sans réponse, et le jeu sur la dénomination des personnages6 tout à la fois sur-signifiante et labile. De plus, le système des personnages est également pensé comme une énigme : de nombreux protagonistes semblent fonctionner en miroirs imparfaits les uns des autres, voire même constituer des doubles d’autres personnages, sans que la relation symbolique qui s’établit par là entre ces personnages soit univoque. Dans Rosie Carpe (2001), Diane Carpe, la mère de l’héroïne, est-elle une forme de miroir inversé, qui s’élève socialement et oublie les douleurs du passé là où Rosie Carpe ne rencontre que l’échec et la difficulté à aller de l’avant ? Les jumeaux et jumelles sont aussi très présents dans l’œuvre de l’écrivaine, de même que les personnages aux noms proches, ou qui se répondent. Enfin, les dénouements de Marie NDiaye sont fondamentaux pour la construction de ces énigmes littéraires. Ceux-ci sont suspensifs, voire brutaux, et ne semblent que peu résoudre toutes les questions et les intrigues développées dans les romans. Les exemples sont innombrables, et le phénomène bien identifié par la critique, qu’on pense à la « panne de récit »7 diagnostiquée par Dominique Rabaté dans Un temps de saison (1996) ou au motif du « cercle déceptif »8 repéré par Jean-Pierre Richard dans En famille (1990).
Ces formes d’inachèvement du récit préservent tout particulièrement le caractère énigmatique de la fiction. Si les dénouements bloqués, refusés, suspendus mis en lumière par les commentateurs correspondent à une absence de dévoilement du sens à donner au récit, et donc à une irrésolution de l’énigme qu’il constitue, j’aimerais m’intéresser plus précisément aux rapports entre l’irrésolution et le savoir, parce qu’ils me semblent révélateurs du positionnement de l’autrice par rapport aux fonctions contemporaines qui sont attribuées à la littérature, tout comme ils correspondent à une manière originale de penser ce que la littérature peut nous apprendre – ou nous laisser ignorer. C’est à partir du destin des personnages que je propose d’appréhender cette dynamique entre savoir et irrésolution : elle confère une signification au caractère énigmatique des textes de Marie NDiaye en refusant d’inscrire trop nettement le sens à donner aux existences décrites. L’écriture de l’énigme met en jeu un rapport critique à la connaissance, qui interroge la nature du savoir littéraire par rapport au savoir scientifique, tout en tenant à distance l’idée d’un savoir moral véhiculé par la littérature.
Dans bien des romans de Marie NDiaye, l’impasse apparente que constitue le dénouement est à la fois une manière de déjouer une interprétation trop nette de ce qui a eu lieu au cours de l’histoire et une façon de brouiller toute lecture conclusive des personnages. Les romans tirent notamment leur caractère énigmatique de la mise en scène d’une « fausse » fin, et souvent d’une fausse fin heureuse, qui empêche une herméneutique nette du destin de ses personnages. Jouant avec les codes du conte et des narrations cinématographiques topiques9, les livres représentent un happy end qui dysfonctionne, manière de poser au lectorat l’énigme du destin des protagonistes. Dans La Sorcière (1996), alors que l’héroïne Lucie a subi le départ de ses filles, été quittée par son mari, et qu’elle vient de se faire brûler vive par un gardien de prison – elle en sort miraculeusement indemne –, elle croise à la toute fin du roman la mère de son mari, qui a déserté son foyer quelques semaines plus tôt. Son ancienne belle-mère est déjà entourée par la nouvelle compagne de celui-ci et des filles de cette femme ; elle est ravie d’être avec ses nouveaux petits-enfants, qui ont remplacé les filles de Lucie disparues. Lucie est éberluée par la joie oublieuse de son ex-belle-mère, qui ne lui parle que de la nouvelle famille dont son fils s’est entouré. Tous les membres du petit groupe rencontré par Lucie rient « comme des forcenés »10, manière de signaler le malaise que constitue cette amnésie heureuse. La scène se construit en opposition à une forme de dénouement traditionnel. La résolution des conflits par la formation d’une nouvelle famille est bien là, mais elle laisse de côté une partie des personnages, et surtout, sa rapidité la rend suspecte. La dimension artificielle d’un tel dénouement heureux est appuyée, il devient difficile d’y croire. Le passage est nimbé de la joie de la « maman », explicitement désignée comme excessive, qui parodie le happy end où les personnages rayonnent ; mais l’énigme du destin de Lucie, confrontée à sa profonde solitude et à la facticité du bonheur familial, reste entière. Le livre s’achève sur une question posée à Lucie : « La maman, de nouveau gaie, voulut connaître mes projets pour les vacances d’été toutes proches »11. La question banale a des accents ironiques : Lucie n’a pas de projets, elle a tout perdu, ses parents, ses filles, son mari, et erre sans argent ni travail. Le livre s’interrompt sur cette question sans réponse.
Nombre de romans de l’autrice finissent sur la note amère d’un abandon ou d’une capitulation, à peine masquée sous une fausse félicité désarçonnante. C’est aussi le cas du personnage éponyme de Rosie Carpe (2001). La scène finale est une réunion de famille dominicale : Rosie a finalement une situation familiale stable, elle est mariée à Lagrand, fille et mère de personnages qui semblent tous avoir dompté leurs existences ; mais, dans les toutes dernières pages du roman, Rosie semble pourtant « avoir atteint le point plus extrême de la passivité et de l’indifférence »12. Le dénouement apparaît à nouveau paradoxal, entre défaite totale et scène de bonheur topique des fins de récits, écho déformé de la formule « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Mais l’emprunt parodique au happy end renforce surtout l’énigme véritable du destin des protagonistes.
La question de la lisibilité et de l’univocité des personnages comme de leur destin est particulièrement visible lorsque Marie NDiaye met en œuvre des dispositifs romanesques qui jouent de la biographie et de l’art du portrait : tout l’objet du roman est alors de mettre en scène une découverte progressive du personnage, tout en le constituant comme une énigme qui restera irrésolue. La Cheffe. Roman d’une cuisinière se présente ainsi comme le récit de la vie de cette protagoniste grande cuisinière, et ce alors que celle-ci n’a jamais directement la parole, et qu’elle nous est présentée par un narrateur éperdument amoureux d’elle. Si ce dernier narre précisément des épisodes, donne des interprétations, il ne peut tout à fait dire qui elle est – parce qu’il est partie prenante de son histoire, mais aussi parce que former le portrait d’un personnage, pour l’autrice, c’est d’abord restituer l’énigme qu’il constitue. En cela, les narrations de Marie NDiaye se tiennent notamment à l’écart des récits d’existence, autobiographiques ou non, comme ceux d’Édouard Louis, qui mettent en jeu les sciences sociales et notamment la sociologie pour éclairer une trajectoire ou un destin. Dans cet autre type de textes, même si une part d’opacité peut persister chez le protagoniste, le portrait qui se constitue est très éloigné du modèle de l’énigme, dans lequel le personnage, tissé de contradictions et de silences, ne peut nous être révélé. Il y a pourtant de nombreux éléments sociologiques dans les textes Marie NDiaye ; mais, comme l’a montré Chloé Brendlé, les positions et les trajectoires sociales sont bien décrites, mais « leur logique est sapée par un mouvement de réversibilité imprévisible »13. Par le paradoxe que constituent les destins profondément énigmatiques de leurs personnages, les romans de l’écrivaine refusent l’élucidation partielle ou totale d’une trajectoire, s’inscrivant en faux contre une pensée du dévoilement des êtres et du monde par la littérature.
Le bref récit romanesque Un pas de chat sauvage est également révélateur de ce double « refus de la fin », refus du dénouement pleinement réalisé et refus de la dimension conclusive quant à l’interprétation à donner de l’existence racontée. Comme La Cheffe, il se focalise sur la reconstitution de l’existence d’une protagoniste absente, renvoyant cette fois à une personne réelle. Publié en 2019 par les éditions du Musée d’Orsay et les éditions Flammarion, ce court récit fictionnel est une proposition de Marie NDiaye autour de l’exposition « Le modèle noir de Géricault à Matisse »14, qui s’est tenue à Orsay la même année. La fiction de Marie NDiaye est une construction à partir de l’article « Les deux Marias »15 d’Isolde Plumerdacher, conservatrice au musée d’Orsay, qui commente des photos de Nadar présentées lors de cette exposition.
La femme sur la photo est identifiée comme « Maria l’Antillaise », dans une inscription manuscrite de Nadar. L’historienne de l’art suggère dans son travail que ce modèle pourrait être Maria Martinez, une chanteuse surnommée « La Malibran noire » à cause de sa couleur de peau et de sa manière de chanter – mais rien ne permet d’en être certain. Cette première énigme qui persiste dans les recherches d’Isolde Plumerdacher est un point de départ fructueux pour la dynamique narrative de Marie NDiaye et pour son art du portrait aporétique. Dans la fiction de l’écrivaine, une narratrice, universitaire et historienne, veut écrire un « grand roman » autour de cette femme représentée par Nadar ; à l’image de l’hypothèse d’Isolde Pludermacher, elle est persuadée que la chanteuse Maria Martinez et la Maria qui a posé pour le photographe sont une seule et même personne.
Si ce récit est une fiction, il intègre plusieurs extraits d’archives : cette insertion documentaire met en scène une recherche sur Maria Martinez tout à fait réelle. Chez Marie NDiaye, l’énigme n’est pas un artifice de la narration, une manière sophistiquée de déjouer le récit traditionnel : elle constitue plutôt un modèle pour penser l’impossibilité d’une connaissance certaine de l’existence, et de la compréhension pleine et entière des êtres. Lorsqu’elle est interrogée à ce sujet, l’autrice explique d’ailleurs que les incertitudes qui persistent dans ses romans sont à l’image de la vie, et qu’elles correspondent ainsi à une approche qui a plus à voir avec une forme de réalisme qu’avec une indétermination fantastique16. Dans Un pas de chat sauvage, l’archive est mise en scène grâce aux recherches de la narratrice sur la réception critique des performances de Maria Martinez, chanteuse noire à Paris dans les années 1850. Ce narrateur-personnage d’historienne est ainsi confronté – et le lecteur avec elle – à la dimension nettement raciste de ces archives.
Elle représente le type africain le plus parfait ; peau d’un noir éclatant avec des reflets de feu, taille élevée et souple, bras magnifiques, dents d’ivoire, regards de feu. […] Je n’ai rien dit de la toilette de la señora Martinez, elle me parut choquante. […] Une négresse vêtue de brocatelle et à la mode de Paris, n’y a-t-il pas là un horrible contresens ? Mais tout cela fut bientôt oublié. La négresse avait saisi sa guitare. Elle dit d’abord un boléro animé avec toute la passion africaine [...].
Revue étrangère de la littérature, des sciences et des arts, 28 janvier 185217.
La fiction intègre le regard du XIXe siècle porté sur l’artiste noire, révélant une domination subie qui persiste bien au-delà de 1848 et de l’abolition de l’esclavage. Avec l’insertion de ces archives, le récit permet la découverte de la racialisation dont a fait l’objet l’artiste : aucun critique ne peut la juger uniquement comme une chanteuse, elle est forcément perçue comme une femme noire qui chante. Or, face aux archives de critiques donnant leur point de vue sur cette femme, il n’y a rien : aucun document produit par Maria Martinez, aucune archive familiale, aucun journal intime. Le point de vue et la voix de cette femme (son chant comme sa parole) sont l’absence qui structure l’ensemble du livre. Le dispositif fictionnel donne à voir la manière dont l’existence de Maria Martinez est conditionnée par le regard des Blancs, et permet de mesurer le silence de cette femme, ce qui dit quelque chose de fondamental de la vie qu’elle a menée au XIXe siècle. Le récit de Marie NDiaye cherche donc bien à dire ce qui peut l’être sur la chanteuse, sans mystère artificiel, et l’aporie découle du silence des archives, que l’autrice refuse de combler par une recréation de la voix de Maria Martinez.
L’aporie ménage un espace de réflexion à partir du récit de la vie de Marie Martinez – et de ses lacunes. Elle interroge le sens qu’on peut donner à son existence, d’un point de vue socio-historique, mais aussi de manière plus intime. Parce qu’il est aporétique, le récit de la vie de Marie Martinez est donc loin de l’exemplum, ce récit bref où le comportement des personnages se veut illustratif d’un comportement à avoir ou à proscrire, récit dont il s’agit de tirer un enseignement moral. L’existence de celle-ci ne peut se réduire à être l’exemple d’une situation ou d’une idée, ni quelque chose dont on peut tirer une leçon de morale pratique.
« Y avait-il d’ailleurs, dans cette petite pièce, une âme endeuillée, un cœur coupable ? Comment savoir ? »18 se demande Maître Susane, l’héroïne de La Vengeance m’appartient, alors qu’elle est face à sa cliente, une femme infanticide. Ce dilemme interprétatif laissé sans réponse, énigme non-résolue, est mise en scène dans les romans et les nouvelles de l’autrice. Mais l’interrogation liée au « comment », posant la question de la méthode qui permettrait de découvrir la vérité d’un être ou d’un événement passé, est aussi bien présente, peut-être même de manière plus obsédante.
Dans Un pas de chat sauvage, si la narratrice cherche à savoir qui a été Maria Martinez afin d’écrire son roman, une autre femme travaille aussi sur cette figure mystérieuse : il s’agit de l’artiste Marie Sachs. Son prénom comme ses performances artistiques en font une incarnation contemporaine de la Maria Martinez du XIXe siècle, car Marie Sachs se produit sur scène pour chanter, comme le faisait Maria Martinez ; ses performances reprennent ses chansons et son jeu scénique. Pour approcher Maria Martinez, les deux femmes n’ont pas la même méthode : la narratrice, dans une démarche d’historienne, rassemble toute la maigre documentation au sujet de la chanteuse – lettres et critiques de spectacles qui l’évoquent, les fameuses archives réelles insérées dans le livre – tandis que Marie Sachs cherche à retrouver quelque chose de l’existence de la chanteuse par le biais de l’art. Le récit romanesque confronte différentes manières d’approcher la vie d’une inconnue, en réfléchissant à ce que peuvent l’écriture littéraire ou l’art en général face aux méthodes de recherche scientifiques, et à celles des sciences humaines notamment. Une correspondance se noue entre les deux femmes mais, entre l’universitaire et l’artiste, les différences d’approche sont patentes. L’universitaire veut écrire un roman sur Maria Martinez mais elle échoue car, hantée par un désir de connaissance, qui ne passe que par l’archive – déformation professionnelle de l’historienne – elle ne parvient pas à rédiger plus de quelques lignes sur la vie de la chanteuse. Les informations sur la chanteuse, peu nombreuses, ne lui permettent pas d’aller au-delà du stéréotype, ni de retrouver la singularité et la mélancolie de cette femme qu’elle percevait sur les photos de Nadar. Dès lors, elle ne peut imaginer la vie de Maria Martinez, ce qui serait pourtant nécessaire pour écrire un roman :
J’ignorais tout de son enfance mais tout également de ce genre d’enfance-là, à La Havane au début du dix-neuvième siècle, et comment pourrais-je, comment oserais-je inventer ce dont je n’avais pas la connaissance, voilà bien ce qui entravait l’historienne et professeure d’université que je suis.
Dans mon abattement, et alors que je parcourais pour la énième fois les rares repères biographiques que j’avais réunis au sujet de Maria Martinez, il m’arriva de penser, non sans acrimonie, que Marie Sachs, elle, ne s’embarrasserait pas de tels scrupules et qu’elle ferait sans doute de Maria Martinez un personnage à sa façon, qu’elle l’exploiterait à ses propres fins artistiques et non pour lui rendre justice ainsi que j’y aspirais quant à moi19.
L’extrait rend perceptibles les limites de la connaissance auxquelles se confronte la narratrice, incapable de dépasser le régime du savoir historique, scientifique et institutionnel. Elle est aussi jalouse de la liberté qu’offre la « méthode » artistique de Maria Sachs pour approcher la chanteuse, fructueuse mais placée sous le signe de la légèreté et du mensonge20. Selon Marie Sachs, la narratrice ne peut parvenir à ses fins avec les méthodes des sciences sociales qu’elle emploie (le passage est au discours indirect libre, la narratrice retraçant les messages que lui a envoyés Sachs) :
Nulle étude, nulle enquête, nul prodige d’inventivité ne pourrait me faire percevoir ce que les extraits que je lui envoyais et les mots que j’avais sans doute déjà écrits, ajoutant des phrases vaines et creuses à d’anciens propos plus ou moins abjects, ne raconteraient évidemment pas : quelle sorte d’âme était Maria Martinez ?
Comment souffrait-elle, jusqu’à quel point de détresse savait-elle endurer stoïquement revers et avanies, et lorsqu’elle était heureuse, fière, lorsqu’on la complimentait ou que le son de sa propre voix semblait parfaitement juste et beau à son oreille, quelle forme avait sa joie ?21
Tenter de connaître la chanteuse dans la singularité de son être est à l’opposé de la démarche scientifique mise en place par la narratrice, car celle-ci fait de ce qu’elle étudie un objet.
Si la narratrice universitaire ne parvient pas à saisir quelque chose de Maria Martinez, son modèle pour ce roman (sujet de l’exposition du musée d’Orsay), c’est parce qu’elle l’a transformée en objet d’étude. Cette transformation du vivant étudié en objet suppose sa mise à mort symbolique, comme l’a souligné Jacques Derrida. Lors de son séminaire « La bête et le souverain », le philosophe s’intéresse aux rapports de la bête – et, partant, du vivant – à l’homme et au savoir. Le savoir sur l’animal est établi par un sujet souverain, « qui dispose de ce qu’il sait ou veut savoir sous la forme d’un objet disposé devant lui », qu’il regarde et soumet pour la connaître, dans une forme de mise à mort symbolique :
La scène scientifique [est] la défaite de l’un des deux vivants, sur un champ de bataille mais aussi bien sur le champ aimanté d’une attraction narcissique qui opposa les deux grands vivants, l’un survivant et l’autre devenu objet cadavérique à la disposition de l’autre, sous la main de l’autre, manipulable par l’autre, captif de l’autre après avoir été capturé par le grand roi ou par ses serviteurs, soldats ou marchands, au cours d’expéditions22.
La scène développée par Jacques Derrida met un lumière la manière dont faire du vivant l’objet d’une connaissance suppose de le tuer, paradoxe nécessaire, qui permet à ce savoir d’accéder au statut de science :
Ce qu’on appelle la vie, chose ou objet de la bio-logie […] est aussi, nous avons commencé à le vérifier, ce qui a du mal […] à devenir objet d’une science, pour des raisons essentielles, à devenir objet d’une science au sens que la philosophie et la science traditionnelle ont toujours donné à ce mot, au statut légal de la scientificité. […] [Cela] reviendrait à dire que toutes les sciences qui parviennent à la scientificité sans résidu ou retard sont des sciences du mort23.
Commentant ces passages de Jacques Derrida, Anne Alombert explique que toute « entreprise théorique suppose la position d’un sujet du savoir, humain et souverain, pour lequel l’animal pourrait devenir ob-jet, dévitalisé et assujetti »24. Ce sont précisément cette dévitalisation et cet assujettissement de Maria Martinez que pointe Marie Sachs lorsqu’elle met en cause la recherche de l’historienne fondée uniquement sur l’archive ; ce vivant qui a du mal à devenir objet de science est le moteur de l’énigme ndiayenne.
À l’inverse de la démarche de la narratrice, tout le projet artistique de Marie Sachs cherche à retrouver l’être vivant qu’était Maria Martinez. Marie Sachs convie la narratrice à trois performances qu’elle réalise, qui reprennent trois grands moments de l’existence de la chanteuse. La méthode pour étudier un être sans faire de lui un objet, c’est de tenter le côtoyer en rejouant sa vie – sans plus essayer d’écrire sur, pour produire du savoir ou se faire valoir25 –, et ainsi d’entendre avec empathie une autre existence. Aussi, la méthode littéraire adoptée par Marie NDiaye, tout comme les dispositifs artistiques de Marie Sachs ou les photographies de Nadar, s’emploie à côtoyer les êtres qu’elle met en jeu comme des sujets, des existences singulières, qu’il s’agit de connaître, mais pas au prix d’un assujettissement au désir de connaissance.
Un pas de chat sauvage se termine sur une série de questions de la narratrice sur Maria Martinez, laissées sans réponses. Elles n’informent pas, mais comme toute énigme, elles sont loin d’être vaines :
Les questions ne racontent que peu de choses.
Mais elles disent la crainte et l’effroi, l’inquiétude sans remède pour celle qui a disparu en des temps et des lieux qu’on ne peut plus explorer dans l’espoir de la retrouver.
On voudrait, ô combien, la prendre dans nos bras, la protéger, cette femme vaillante et, sans doute, d’une façon ou d’une autre, malmenée, spoliée.
On n’étreint que sa propre vision, cela ne nous réchauffe pas – c’est à couvert de sa solitude que survit le chat sauvage26.
L’énigme reste irrésolue, l’aporie est bien là : le titre même du livre, évoqué dans cette dernière phrase, apparaît comme un mystère de plus, métaphore opaque qui semble désigner Maria Martinez sans nous apprendre un élément précis ou documenté à son sujet. L’énigme apparaît comme un paradigme pour penser l’écriture littéraire et l’art, à rebours d’un savoir définitif sur les êtres vivants et d’autres méthodes de recherche scientifiques. Pour Marie NDiaye, la forme de « savoir » qui peut se former par la littérature est de nature foncièrement différente, et les êtres présents dans les récits ne sont pas des objets d’étude, mais des modèles à côtoyer.
À la fin des romans de Marie NDiaye, l’énigme que constituent les protagonistes perdure. Dans La Cheffe. Roman d’une cuisinière, la cuisinière double de Marie NDiaye prépare des « desserts » extrêmement étranges, qui ont pour but de conclure sans conclure l’aventure que constitue la dégustation d’un de ses menus :
[…] il faudrait encore, pour se régaler [du dessert de la Cheffe], mater son propre désir enfantin d’une friandise comme gratification, mais on se régalait assurément si on savait être brave et curieux, on se régalait en se sentant élevé et considéré, on repoussait sa chaise en adressant à la Cheffe cette pensée qui ferait de soi, dans l’allégresse, son obligé pour longtemps : Vous avez tiré de moi le meilleur27.
L’extrait se lit à nouveau comme un art poétique, indiquant notamment le regard à porter sur les dénouements romanesques de l’écrivaine. Il reprend bien les enjeux de l’énigme : pour l’autrice, aiguillonner plutôt que clôturer, pour le lecteur, faire preuve de courage et de curiosité plutôt que de chercher une réponse définitive à une question qui n’en comporte pas. À l’image de l’inépuisable qu’elle lit chez William Faulkner, Marie NDiaye fait le choix de suivre des existences en refusant de les prendre pour objet d’un savoir certain ou de les instrumentaliser par un discours déguisé en parabole. L’énigme constitue ainsi un modèle pour penser l’activité littéraire ou artistique, cherchant à côtoyer les êtres autrement que ne le font les discours scientifiques, sans chercher à les remplacer ou à les imiter.
[1] Marie NDIAYE, La Cheffe. Roman d’une cuisinière, Paris, Gallimard, 2016, p. 232.
[2] Jean-Pierre RICHARD, « Le trouble et le partage », Terrains de lecture, Paris, Gallimard, 1996.
[3] Dominique RABATÉ, « Où est ma famille ? : la violente étrangeté de Marie NDiaye », in (dir. Marc Dambre, Aline Mura-Brunel & Bruno Blanckeman) Le roman français au tournant du XXIe siècle, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 559.
[4] Hugo PRADELLE, « Une maîtrise presque glaçante », En attendant Nadeau, 20 janvier 2021, URL : https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/01/20/maitrise-glacante-ndiaye/ consulté le 27 juillet 2023.
[5] Marie NDIAYE, « Rencontre avec Marie NDiaye », entretien mené par Andrew Asibong & Shirley Jordan, Revue des Sciences Humaines, n° 293, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, janvier - mars 2009, p. 191.
[6] Dominique RABATÉ, Petite physique du roman, Paris, José Corti, 2019, p. 210 et suivantes.
[7] Dominique RABATÉ, « Impuissances et rémanences de la disparition : le spectre », in (dir. Jutta Fortin & Jean-Bernard Vray) L’Imaginaire spectral de la littérature narrative française contemporaine, Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2013, p. 257.
[8] « […][O]n a cru progresser vers quelque chose, on a seulement tourné en rond », J.-P. RICHARD, op. cit. p. 171.
[9] On pense ici notamment au film américain hollywoodien, même si ce mode de dénouement est aujourd’hui encore plus largement répandu dans l’ensemble de l’industrie cinématographique, tant cet outil narratif est devenu une norme de production. Sur l’histoire et les usages de ce topos cinématographique, voir par exemple James MACDOWELL, Happy Endings in Hollywood Cinema: Cliche, Convention and the Final Couple, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2014.
[10] Marie NDIAYE, La Sorcière, Paris, Minuit, 2003 [1996], p. 164.
[11] Ibid. p. 165.
[12] Marie NDIAYE, Rosie Carpe [2001], Paris, Minuit, 2011, p. 387.
[13] « Du point de vue sociologique, l’univers ndiayïen est de prime abord gouverné par une forte polarité entre une petite bourgeoisie, et une classe populaire plus ou moins déterminée, binarité soulignée par la logique de l’ascension et du déclassement. Mais cette logique est sapée par un mouvement de réversibilité imprévisible. » Chloé BRENDLÉ, « Lieux communs en héritage : de Flaubert à Marie NDiaye, de quoi sont-ils le nom ? » in (dir. Andrew ASIBONG & Aude CAMPMAS) Flaubert, Beckett, NDiaye. The Aesthetics, Emotions and Politics of Failure, Amsterdam, Brill / Rodopi, 2017, p. 56.
[14] Cécile DEBRAY, Stéphane GUÉGAN, Denise MURRELL & Isolde PLUDERMACHER (commissariat d’exposition), Le modèle noir de Géricault à Matisse, exposition au musée d’Orsay, du 26 mars au 21 juillet 2019.
[15] Isolde PLUDERMACHER, « Les deux Marias », in Le modèle noir de Géricault à Matisse, op. cit.
[16] « On avance dans une sorte de brouillard, on ne sait pas de quelle façon notre vie va se boucler ou pas. Mais il y a de fortes chances pour que tout ce qui nous intrigue ne trouve pas de résolution. En ce sens-là, il me semble que c’est plutôt réaliste que fantastique ce que j’ai tâché de faire. […] Mais c’est drôle d’ailleurs parce qu’il me semble que dans la vie, généralement, les choses se passent ainsi, c’est-à-dire c’est rare qu’il y ait des histoires avec un début et une fin, c’est rare que les choses soient résolues. » Marie NDIAYE, « La Bande à Bonnaud », France Inter, le 15 février 2017.
« Cela m’amuse d’autant plus d’essayer d’insuffler dans les livres que j’écris une incertitude que cela me semble quelque chose de réaliste. » Marie NDIAYE, « Marie NDiaye, Justine Augier, Jean-Luc Marty. Exils et territoires. L’entretien littéraire de Mathias Énard », France Culture, 10 janvier 2021.
[17] Marie NDIAYE, Un pas de chat sauvage, Paris, Musée d’Orsay/Flammarion, 2019, p. 31.
[18] Marie NDIAYE, La Vengeance m’appartient, Paris, Gallimard, 2021, p. 112.
[19] M. NDIAYE, Un pas de chat sauvage, op. cit., p. 8-9.
[20] L’ironie de l’autrice semble ici pointer : faire un roman tout en disant le vrai selon les critères de scientificité en vigueur semble bien un projet dévoyé, qu’elle attribue sarcastiquement à une universitaire qui s’aventure hors de son champ d’expertise.
[21] M. NDIAYE, Un pas de chat sauvage, op. cit., p. 34-35.
[22] Jacques DERRIDA, La bête et le souverain I (2001-2002), Paris, Galilée, 2008, p. 377.
[23] Jacques DERRIDA, La vie la mort. Séminaire (1975-1976), Paris, Seuil, 2019, p. 49.
[24] Anne ALOMBERT, Penser l'humain et la technique. Simondon et Derrida après la métaphysique, Lyon, ENS éditions, 2023.
[25] « […] et je clignais des paupières et murmurais mentalement des excuses entortillées à cette femme dont la vie devait me servir à rehausser la mienne. » M. NDIAYE, Un pas de chat sauvage, op. cit., p. 12.
[26] Ibid., p. 42.
[27] M. NDIAYE, La Cheffe. Roman d’une cuisinière, op. cit., p. 94.
Résumé
La poétique romanesque de Marie NDiaye a souvent été définie par l’effet de suspens qui travaille ses textes. Cet article propose de relire une diversité des phénomènes stylistiques et narratifs contribuant à cette poétique grâce à la notion d’énigme : l’énigme laissée irrésolue semble constituer pour l’autrice une forme à investir, à rebours de dispositifs littéraires qui fonctionnent sur le mode du dévoilement. Il s’agit ainsi de mettre au jour les rapports qu’entretiennent ces narrations aporétiques et le désir de connaissance : l’écriture de l’énigme met en jeu un rapport critique au savoir, qui interroge la possibilité et la nature d’une connaissance par la littérature face au savoir scientifique, tout en tenant à distance l’idée d’un enseignement moral tiré du roman.
Abstract
The uncertainty that characterizes Marie NDiaye’s stories has often used to define her poetics. This article aims to rethink this phenomenon the notion of enigma: it appears that the unsolved enigma constitutes a literary model, in contrast to literary devices that aim to unveil reality. By doing so, the relationships between these aporetic narratives and the pursue of knowledge in the author’s novel can be underlined. Narrations as enigmas lead to set a critical relationship with knowledge, questioning the possibility and nature of literary knowledge.
Dénouements paradoxaux et destins ambigus dans l’ensemble de l’œuvre romanesque
Un pas de chat sauvage (2019) : l’aporie contre l’exemplum
« Comment savoir ? » L’art et la science face à l’énigme Maria Martinez
Cécile CHATELET
Université Paris 3 – Sorbonne. Nouvelle, THALIM
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