En Occident, comme en Extrême-Orient, la nature est au cœur des préoccupations humaines. Depuis toujours, on s’interroge sur la relation complexe entre la nature et l’Homme, la place de chacun, l’un par rapport à l’autre, et surtout on se demande si la place de l’Homme dans la nature ne doit pas être dominante, centrale. Dans la culture chinoise ancienne, le shanshui wenhua 山水文化1, « culture des montagnes et des eaux », qui a donné au sens large, la notion de « paysage », recouvre ce questionnement, en apportant au cosmos une dimension morale et donc humaine. Cette notion très ancienne figurait déjà dans Les Entretiens de Confucius :
智者樂水, 仁者樂山.
L’homme de cœur s’enchante de la montagne ; l’homme d’esprit jouit de l’eau2.
Cette notion, qui a souvent été retenue pour analyser la peinture ou encore la littérature, même si elle peut paraître déplacée dans le contexte taïwanais, pourrait signifier non plus « montagnes et eaux » mais « montagnes et océan » ; dans ce déplacement, on pourrait alors interroger à nouveau la place de l’homme natif taïwanais entre ces deux éléments dominants et souvent considérés comme sacrés que sont l’eau et la montagne.
Taïwan, cette île du Pacifique, entourée de la Mer de Chine, du détroit de Taïwan et de l’Océan Pacifique est aussi, sur près des deux tiers de sa surface, recouverte de montagnes, regorgeant d’une végétation tropicale luxuriante. À l’heure où les défis environnementaux sont au cœur des enjeux économiques et politiques, de nombreux écrivains taïwanais questionnent les rapports de l’homme à la nature dans la société du XXIe siècle. La notion de shanshui wenhua apparaît alors vulnérable et désuète, mais on peut néanmoins se demander en quoi ce regard des anciens Chinois peut nous aider à comprendre et à envisager l’écologie dans la littérature d’aujourd’hui.
Mers et océans représentent 70 % de la surface de la planète Terre, que certains appellent la planète « bleue », tandis que d’autres la nomment la « planète océan » du fait qu’ils considèrent que les continents ne seraient que des petites îles au milieu d’un vaste espace océanique. Les profondeurs marines, depuis toujours, intriguent, obsèdent, émerveillent, envoûtent autant qu’elles effraient, intimident et tourmentent. Bercé dans le milieu aquatique dès le commencement de sa vie, l’Homme entretient une relation toute particulière avec l’eau, sacrée puisque étant à l’origine de la vie et étant le principal constituant de tout être vivant. Dans les mythologies du monde entier, la mer et l’océan représentent des forces mystiques à l’origine des civilisations.
Le caractère insulaire de l’île de Taïwan lui confère d’emblée, de par sa situation géographique, une ouverture sur la culture et l’identité océanique propre aux peuples du Pacifique. Selon le chercheur taïwanais Dai Bao-cun 戴寶村, tous les Taïwanais seraient les enfants de la mer, même s’il n’est pas si facile d’affirmer ses origines de manière si certaine dans une culture taïwanaise aux identités multiples. Nous allons, au cours de cette étude, découvrir la culture maritime de l’île de Taïwan au fil de la littérature écologique taïwanaise, de 1990 à aujourd’hui, en nous plongeant dans les œuvres de Syaman Rapongan, écrivain et anthropologue de l’île des Tao 達悟族. Nous tenterons de comprendre l’influence de l’insularité de Taïwan dans ses travaux et nous nous nourrirons de son identité océanique afin d’en comprendre la culture. Au travers de ses œuvres, nous nous interrogerons également sur l’identité propre des écrivains taïwanais en lien avec leur environnement.
Syaman Rapongan et ses œuvres nous invitent au voyage, qu’il soit physique ou spirituel, sur l’océan qu’il considère comme son alma mater, l’origine de son identité d’Homme mais aussi de son identité d’écrivain, en même temps que l’origine de l’archipel taïwanais et de tous ses habitants, quel que soit le moment de leur arrivée sur l’île. Depuis ce point de vue, nous mettrons en lumière les correspondances ainsi que les ruptures entre l’Homme et la mer, puis nous étudierons la problématique identitaire à Taïwan en questionnant la construction identitaire fondée sur le rapport à l’océan et sur la conscience océanique des habitants autochtones de l’archipel taïwanais.
À partir des années 1970, le courant dit « du terroir » 鄉土文學 fait son apparition. Il s’agit d’un mouvement littéraire centré sur le destin particulier de l’île, qui s’inscrit en opposition au courant moderniste essentiellement porté par des écrivains continentaux (venus de Chine après 1945) et qui a dominé la scène littéraire depuis le début des années 1950. Les Taïwanais de souche qui s’emparent alors à nouveau de l’outil qu’est l’écriture, outil qui leur avait été retiré brutalement en 1945, avec le brusque changement de langue dû à la décolonisation japonaise et à l’arrivée du régime de Chiang Kai-shek, s’attachèrent à décrire de manière plus réaliste leur île et les sociétés traditionnelles mises à mal par la modernisation et l’occidentalisation accélérées.
Pour les écrivains nativistes, écrire sur la nature semble être une volonté de retour aux sources, mais l’essentiel est encore la défense et la reconnaissance de l’identité des Taïwanais de souche par rapport aux Continentaux, et pas encore la reconnaissance des premiers habitants de l’île. Il faut donc attendre les années 1990, avec tous les changements politiques que cette décennie inaugure, pour que les écrivains autochtones prennent à leur tour leur place sur la scène littéraire et décrivent avec leur sensibilité particulière la nature qui les entoure, qui pour eux représente leur habitat originel sans aucun lien avec la culture han. Un des premiers écrivains revendiquant l’identité des autochtones et leur relation à la nature est Walis Nokan 瓦歷斯·諾幹, auteur aborigène de la tribu des Atayals 泰雅, qui se bat pour les droits des aborigènes, pour la protection de leur environnement, et qui met le lecteur en garde, dans de nombreux articles, contre la société capitaliste qui tend à changer le mode de vie des communautés aborigènes de Taïwan.
Plus récemment, une nouvelle génération d’écrivains taïwanais de souche, mais sans lien avec les ethnies austronésiennes qui subsistent sur l’île, tel Wu-Ming-Yi 吳明益, écrivent également sur la nature et dépeignent dans leurs récits la grave crise environnementale encourue sur l’île, à tous les niveaux de la société. Wu-Ming-Yi, dans L’homme aux yeux à facettes3, traite en particulier de la pollution des océans ainsi que de la nature qui reprend ses droits face à l’égoïsme et la négligence de l’homme. Avec la tragique histoire de l’habitant de l’île Wayo-Wayo Atihei, parti pour un voyage en mer dont il ne reviendra pas, l’auteur Wu-Ming-Yi confronte le lecteur aux dérives de l’humanité face à l’environnement.
L’océan a eu une influence directe sur l’île de Taïwan et ses habitants. C’est par la mer que sont arrivées les influences extérieures, mais c’est aussi par la mer que les cultures insulaires se sont essaimées jusqu’aux plus lointains continents. Cependant, la culture han, dominante depuis le début du XXe, puis la culture japonaise pendant la colonisation, de 1895 à 1945, a coupé l’île de son origine océanique. C’est pourquoi, alors que Taïwan est, par essence une île à la culture maritime forte, la production littéraire sur la mer est assez pauvre. Nous allons donc nous intéresser à un peuple de l’Océan, le peuple Tao de l’île de Lanyu 蘭嶼 pour comprendre la littérature océanique et l’écriture particulière de l’écrivain tao Syaman Rapongan.
La petite île de Lanyu est située au large de Taïwan, séparée des îles Batanes des Philippines par le canal de Luzon, au point de contact de l’Océan Pacifique et de la mer de Chine, faisant de cette région, une zone redoutée des marins. Cette petite île ne mesure que 30 m2 ; elle est la terre du peuple de la mer, l’ethnie des Tao, encore appelé Yami 雅美族 qui sont au nombre de 30004. Plongée dans la culture du peuple du Pacifique, la tribu des Tao vit au rythme de l’océan. L’île de Lanyu (« Do pongso no Tao », « île des hommes » en langue tao) est la trame principale de toutes les œuvres de Syaman Rapongan.
Syaman Rapongan est un écrivain et anthropologue5, ayant étudié et travaillé sur l’île de Taïwan, avant de décider de revenir vivre sur son île en 1989, à l’âge de 32 ans. À travers ses œuvres et son écriture pleine de poésie, Syaman Rapongan nous raconte son retour aux sources, au sein de sa tribu et comment il a appris à redevenir un homme tao. Syaman Rapongan écrit principalement de courtes nouvelles et textes en prose. Ses œuvres les plus connues sont les suivantes : 八代灣的神話 [Mythes de la baie de Badai] (1992), 冷海情深 [Sentiments profonds par une mer froide] (1997), 黑色的翅膀 [Les ailes noires] (1999), 航海家的臉 [Le visage du navigateur] (2007), 海浪的記憶 [La mémoire des vagues] (2009), 老海人 [Le vieux pêcheur] (2009), 天空的眼睛 [Les yeux du ciel] (2012), 大海浮夢 [Rêves flottants sur l’océan] (2014), 安洛米恩之死 [La mort d’Anluomi] (2015) et 大海之眼 [L’œil de la mer] (2018).
Syaman Rapongan écrit sur son quotidien, sur sa tribu, ses mythes et ses légendes, sur les coutumes de ses ancêtres, sur l’art de la pêche et la nature qui l’entoure afin de mettre en lumière les différences culturelles entre l’île de Taïwan et l’île de Lanyu, entre la culture han et la culture tao.
Lorsqu’il arrive à nouveau sur l’île de Lanyu, après l’avoir quittée pendant treize années, Syaman Rapongan semble avoir perdu totalement son identité. Il est devenu une personne cultivée grâce à ses études sur l’île de Taïwan, mais il ne connaît rien de la vie des Tao, il ne sait pas comment être « un bon Tao ». Un homme qui n’est pas vraiment « un Tao » sur l’île des Orchidées, ne trouve pas sa place. C’est pour cette raison que Syaman Rapongan se met en quête de son identité originelle. Il souhaite devenir un véritable Tao afin d’être reconnu comme tel, de se sentir utile et accepté des membres de sa tribu, afin de se rapprocher des siens et de retrouver son identité perdue.
Pour ce faire, Syaman Rapongan va devoir apprendre à devenir un « vrai Tao », ce qui signifie être capable de partir en mer et de pêcher du poisson. Pour commencer son apprentissage, Syaman Rapongan doit premièrement apprendre à construire un « dala-dala » 達悟拼板舟, qui est le bateau de pêche traditionnel de l’île de Lanyu, particulièrement destiné à la pêche aux poissons volants. C’est de ses ancêtres que Syaman apprendra les techniques utiles à sa formation. Son père, ses oncles, lui montreront comment construire une pirogue, et ensuite c’est en mer que l’apprentissage de Syaman Rapongan se poursuivra. Syaman Rapongan se lance dans un véritable voyage spirituel, initiatique afin de retrouver son identité. Nous allons nous inviter au voyage de l’auteur.
À l’instar des premiers carnets de voyages et journaux de bord, considérés comme les premiers écrits de la littérature maritime, une sortie en mer est toujours considérée comme un voyage, au sens physique, mais ce voyage peut également être considéré comme un voyage spirituel, initiatique ou temporel. Le voyage n’est pas qu’un passe-temps insignifiant de l’homme moderne. Le voyage nous permet de nous confronter à nous-mêmes, à différentes cultures, et de nous repositionner par rapport au monde. En nous invitant au voyage de Syaman Rapongan, nous embarquons pour une véritable navigation littéraire.
La mer semble être un lieu d’apprentissage pour Syaman Rapongan qui compare la mer à une salle de classe dans le recueil de nouvelles La mémoire des vagues :
大海是我的教堂, 也是我的教室, 創作的神殿, 而海裡的一切生物是我這一生永遠的指導教授6.
L’océan est mon église, il est aussi ma salle de classe et l’inspirateur de mes écrits. Quant aux êtres qui peuplent l’océan, ils resteront à jamais mes mentors.
Dans cette citation, devenue l’une des plus célèbres de l’auteur, Syaman Rapongan exprime son grand respect envers l’océan, ainsi qu’envers toutes les espèces animales qui l’habitent et qui, elles aussi, lui ont énormément appris. Par cette définition très simple que l’auteur nous donne de l’océan, nous comprenons que l’apprentissage de la culture tao s’est effectué en mer et par la mer. Le mot « église » offre une connotation sacrée à l’océan, car pour l’auteur, l’océan est à la fois un être vivant et divin, dont l’être humain est entièrement dépendant. Le monde marin est la véritable religion de Syaman Rapongan qui lui voue un culte infini.
Syaman Rapongan se positionne de manière très humble face à ses maîtres, il se montre reconnaissant face au milieu aquatique qui lui a tout appris. La prise de distance que prend l’auteur face aux connaissances très pointues qu’il a acquises concernant l’océan, qui est son sujet d’étude en tant qu’anthropologue, est une marque profonde de respect. L’auteur s’efface presque, en ne devenant qu’un simple porte-parole de ce que l’océan a à apprendre à l’homme.
Nos ancêtres Tao, à force de longues observations ont remarqué que les cycles lunaires étaient directement liés aux changements de marées et ont observé que la reproduction des poissons était cyclique7.
Ce passage nous rappelle que bien avant les découvertes de Christophe Colomb, les autochtones étaient de très bons navigateurs, ils sont partis à la découverte du Pacifique il y a plus de 3000 ans. Leurs connaissances de l’astrologie, des courants océaniques et des techniques de navigation étaient déjà très pointues. Syaman Rapongan a bénéficié des enseignements de ses ancêtres, transmis de génération en génération. À son tour, Syaman Rapongan transmet au lecteur ce que l’océan lui a appris, à lui, ainsi qu’à ses ancêtres.
Du fait de sa position isolée, les habitants de cette île se nourrissent uniquement du taro, cultivé par les femmes et du poisson que les hommes partent pêcher en mer. Le peuple Tao vit au rythme des saisons qui sont directement liées au calendrier de la pêche. Ce peuple de la mer aux particularités très spécifiques est reconnu comme l’une des dix-huit tribus aborigènes officielles de l’île de Taïwan, il confère à Taïwan son identité marine.
Le voyage physique entre la terre et la mer a tout d’abord été expérimenté par Syaman Rapongan lorsqu’il a quitté l’île de Lanyu pour rejoindre Taïwan, puis, chaque fois qu’il est revenu sur son île natale. De plus, chacune de ses sorties en mer s’apparente à un voyage entre la terre et la mer, dès lors qu’il quitte la terre ferme, que ce soit pour une sortie en pirogue traditionnelle dala-dala ou bien lors de ses expériences de plongée.
在冬季的海上我一個人旅行.
船, 是我在海上旅行的工具, 也是我在海上的第二個祖先. 我不知道我為什麼會一個人在海上旅行, 剛開始只是出於我對父母親的叛逆, 阻止我去台灣念書, 其次, 也是出於我孩提時的夢想, 小叔公給我的夢, 夢想在海上一個人旅行. 叛逆, 在我們的島嶼, 在我生活居住的部落是不太容易的, 更何況我是父親的獨生子8.
Voyage seul dans une mer d’hiver.
Le bateau est mon outil pour voyager en mer, il est aussi mon deuxième ancêtre. Je ne sais pas pourquoi je navigue seul, j’ai commencé à voyager seul suite à une rébellion contre mes parents, qui m’ont empêché d’aller étudier à Taïwan. Mais c’est aussi un rêve d’enfance. C’est mon petit oncle qui m’a donné ce rêve, le rêve de naviguer seul en mer. Étant rebelle, sur notre île, ce n’est pas facile de vivre au sein de la tribu, surtout que je suis le seul enfant de la famille9.
Les rêves sont très importants dans la culture des peuples aborigènes de Taïwan. Ils constituent une forme de voyage spirituel et pour cette raison ils sont considérés comme sacrés car ils ont un rôle divinatoire. Ici, le rêve de Syaman Rapongan prend une tout autre dimension. C’est le rêve d’un enfant qui souhaite partir en mer, comme beaucoup d’aventuriers ont pu en rêver. Ce rêve d’un enfant transmis par l’un de ses ancêtres, Syaman Rapongan, en tant que nouvel homme tao revenu parmi les siens, a voulu le réaliser. Si la mer représente le rêve de tout voyageur, explorateur, aventurier, la terre ferme, quant à elle, représente une constante qui se veut rationnelle et rassurante. La rupture entre la mer et le continent existe d’un point de vue géographique et sensible : à partir du moment où nos pieds quittent le sol, nous quittons la terre ferme pour entrer dans le monde maritime. Cependant, il ne faut pas voir la fin de la terre comme une frontière, comme un fossé entre les deux mondes qui ne communiqueraient pas. L’océan et la terre sont liés, comme le démontre l’activité des plaques tectoniques et volcaniques à l’origine de l’île de Taïwan. La fin de la terre ne doit pas apparaître comme une fin du monde mais plutôt comme le début d’un autre monde.
La rupture physique entre la mer et le continent traduit en fait une rupture entre la tradition et la modernité, comme l’expliquent parfaitement les œuvres de Syaman Rapongan qui en fait en quelque sorte la critique. Tout comme ses confrères autochtones, il reproche à la société moderne han d’être capitaliste et il prône un retour aux sources, comprenant la conservation des us et coutumes traditionnels et d’un mode de vie simple et ancestral. Syaman Rapongan critique la vie moderne que vivent les Taïwanais sur le continent et met en garde contre les conséquences de la modernité comme des progrès techniques sur le mode de vie des peuples autochtones, plus particulièrement sur la tribu des Tao, elle aussi menacée.
Notre île, si elle n’avait pas été troublée par la présence des Hans, mènerait toujours une vie indépendante, dans la tranquillité de la mer. Bien sûr leur arrivée nous a apporté progrès et commodité, mais le prix de ces progrès est le danger que notre prochaine génération méprise nos traditions originelles. Lorsque ma génération de vieillards s’en ira, il est très probable que notre culture aura disparue10.
L’île de Lanyu et Taïwan sont un microcosme dans la mondialisation. Syaman Rapongan met en garde le lecteur contre la perte des traditions de son peuple tao au profit de la modernité continentale. Dans cet extrait, Syaman Rapongan semble presque faire un procès aux Hans et s’inquiète de voir les traditions des Tao perdues à jamais du fait de la pression économique.
La singularité de l’écriture de Syaman Rapongan réside dans sa dualité linguistique, amenée par sa presque « double culture » d’austronésien tao et de Taïwanais. En effet, Syaman Rapongan, appartient à l’ethnie autochtone tao qui possède sa propre langue, une langue officielle et reconnue, bien qu’aujourd’hui elle ne soit plus parlée hors de la communauté des Tao. La langue des Tao, comme bien des langues austronésiennes, ne possède pas d’écriture. C’est une langue parlée, chantée, dont les histoires transmises de génération en génération constituent l’héritage de la tribu. Cependant, les missions évangéliques étrangères au XVIIe siècle ont offert un système d’écriture à la langue des Tao, en alphabet latin, afin de permettre la traduction de la Bible. La langue tao dispose donc désormais d’une version romanisée.
En tant qu’écrivain, Syaman Rapongan a la particularité d’écrire tout d’abord dans sa langue d’origine, sa langue maternelle en version romanisée, puis dans un second temps, de traduire ses récits en chinois mandarin, langue officielle du milieu littéraire taïwanais11.
Syaman Rapongan a publié Légendes de la baie de Badai, en version bilingue, mandarin et langue tao romanisée. Les limites de la traduction, dues notamment aux différences entre la culture han du continent de Taïwan et la culture des Tao, peuvent nous apporter de riches éléments de réflexion. Syaman Rapongan voyage d’une langue à l’autre et nous retrouvons dans ses écrits un certain nombre d’expressions en langue tao romanisée que l’auteur annote ou explique, faute de pouvoir toujours les traduire fidèlement, notamment lorsqu’il s’agit de concepts qui n’existent pas dans la langue chinoise.
Beaucoup d’expressions en langue tao sont des métaphores, c’est pour cette raison que Syaman Rapongan doit les commenter. Ces métaphores incorporent souvent des éléments de la nature, puisque celle-ci inspire fortement les Tao. À titre d’exemple, l’expression « le soleil de ce vieil homme est bas » signifie en fait que la personne est très âgée, dans ses derniers moments de vie. L’image d’un « homme méprisé par le vent » signifie un homme paresseux se reposant sur le perron. Enfin, l’expression pleine de poésie « les yeux du ciel » signifie les étoiles12. C’est d’ailleurs le titre d’une des œuvres récemment écrite par Syaman Rapongan.
在達悟族的社會裡的男人, 很重要的一點是, 男人要學習如何說故事, 對我而言, 就是考驗自己說母語的能力以及說故事的魅力. 說故事, 除了敘述故事的過程外, 環境的描述是扣連著說故事的人的思維, 遣詞用字的深淺意涵, 在達悟的社會裡也正是考驗他的文詞修養與勞動生產的能力是否成正比. 男人在海上作業, 在陸地上說故事, 在我們的腦海裡的螢幕是放在海上. 男人的心、男人的船、男人的海, 海裡的魚經常是我掀開部落耆老們被塵封的記憶, 這是他們最熟悉不過的故事13.
Dans la communauté des Tao, il est très important que les hommes apprennent à raconter des histoires. Pour moi, c’est une façon de tester sa langue maternelle et son éloquence. En plus de la narration, c’est l’atmosphère décrite ainsi que l’émotion du narrateur que sublime l’histoire, le sens profond des mots utilisés, c’est également un test pour la communauté tao afin de savoir si la culture littéraire du narrateur est proportionnelle à sa capacité à travailler. Les hommes travaillent en mer, racontent des histoires sur la terre, dans nos esprits marins l’écran se projette sur la mer. Le cœur de l’homme, le bateau de l’homme, la mer de l’homme, les poissons dans la mer sont souvent le souvenir des défunts de la tribu, c’est l’histoire qu’ils connaissent le mieux14.
Dépourvus de système d’écriture, les peuples autochtones de Taïwan ont développé une tradition orale centrée sur l’océan ; ils se sont transmis des savoirs, des mythes et des légendes en racontant des histoires, et ce, parfois même au moyen de la danse. Syaman Rapongan, lors de ses sorties en mer, parfois à travers les légendes de ses ancêtres racontées par ses proches parents, a tenté de comprendre les valeurs spirituelles, sociales et environnementales de la culture des Tao.
Dans cet extrait, nous comprenons que les légendes des ancêtres sont d’une importance capitale pour la culture des Tao, qu’en outre, elles conservent cette valeur pour les jeunes générations. Syaman Rapongan insiste sur l’importance de la narration et de l’éloquence dans la tradition de conteur tao. Nul besoin de télévision, ni même de livre dans la tribu des Tao, c’est la mer qui est le plus grand réservoir du savoir de ce peuple de l’océan.
切克瓦格要不要去海上旅行, 看看水世界的綺麗啊!」
–「你是誰!」
–「我是amumubu(鯨豚).」
–「要不要去海上旅行啊!」
–「我怕你吃掉我.」
–「我是善良的鯨豚.」
–「我怕你吃掉我」, 我揉著雙眼靠近它, 它搖搖巨大的頭.
–「不會, 天亮前把你送回來.」
–「我父親會找我呀!」
–「放心, 天亮前把你送回來.」
–「你為何找我!」
–「嗯...想帶你看很大的世界.」
–「我不要」, 我耍脾氣的說.
–「你不要, 你會後悔的」,
想一想, 世界很大該去開闊視野, 我如斯的想.
–「好的, 先帶我去菲律賓」, 我於是跨上它的鰭背.
–「你怎麼之道我的名字.」
–「你的曾祖父跟我說的.」
–「我的曾祖父說的」
鯨豚搖擺其尾翼緩緩的穿越幾座礁岩, 之後的幾分鐘, 我們就進入了汪洋大海15.
- Chekwaga, veux-tu partir en mer et voir la beauté du monde marin ?
- Qui es-tu ?
- Je suis Amumubu. (un cétacé)
- Alors, tu viens ?
- J’ai peur que tu me manges.
- Je suis une gentille baleine.
- J’ai peur que tu me manges, dis-je encore une fois, après m’être frotté les yeux pour la regarder. Sa tête était énorme.
- Je ne vais pas te manger, je te ramènerai avant le lever du jour.
- Mon père va me chercher !
- Ne t’inquiète pas, je te ramènerai avant le lever du soleil.
- Pourquoi moi ?
- Hmm … je veux te montrer un monde gigantesque.
- Non !, ai-je répondu en colère.
- Tu ne veux pas venir, eh bien tu vas le regretter.
Je réfléchis un peu, le monde est si grand, il est temps d’élargir ses horizons, me dis-je.
- D’accord, emmène-moi d’abord aux Philippines, dis-je en montant sur son dos.
- Comment connais-tu mon nom ?
- C’est ton arrière-grand père qui me l’a dit.
- Mon arrière-grand père …
La baleine s’est mise à balancer sa queue, nous avons traversé quelques récifs, puis quelques minutes plus tard, nous sommes entrés dans l’océan16.
Comme le dit si bien l’écrivain français Alain Bombard :
Il a dû être courageux le premier homme qui a osé entrer dans la mer et ses abîmes inconnus. Petit à petit, l’homme est entré dans l’eau jusque la ceinture, puis davantage. Au tout départ craintif, l’homme a appris à connaître la mer avant de lui faire confiance17.
Dans l’extrait que nous venons de retranscrire, Syaman Rapongan ne connaît pas encore très bien le monde aquatique et se méfie beaucoup des êtres qui le peuplent. Il se montre tout d’abord craintif face à l’inconnu. En effet, Syaman Rapongan se retrouve nez-à-nez avec un animal qu’il n’a jamais vu auparavant. Petit à petit, le cétacé finit par obtenir la confiance du jeune Syaman Rapongan, représenté ici par un enfant naïf. Cette histoire reflète bien la méfiance que l’homme éprouve face aux animaux des profondeurs marines, et ce, qu’il soit Tao ou bien Han, né à Taïwan ou à Lanyu. Quelques siècles auparavant, l’homme ne savait pas ce qu’était la mer, et n’ayant pas la notion de l’infini, il pensait que la mer se terminait quelque part, il était donc hanté par le désir de connaître cette limite et peut-être de la dépasser.
La mer et l’océan sont des milieux qui permettent à l’homme d’exprimer ses sentiments profonds, sans pudeur, sans retenue. Syaman Rapongan, lui, semble enivré par la mer, il entretient avec elle une relation toute particulière. Il dira à propos de la mer :
On peut dire de mon amour pour l’océan, qu’il n’est pas une simple amusette, c’est plutôt un amour transcendant18.
Je suis connecté à l’océan et je peux parler à l’océan avec des émotions infinies19.
[…] le bonheur que j’éprouve lorsque je deviens poisson dans la mer20.
Lorsque je suis sous l’eau, je me mets parfois à rire comme un idiot, parfois aussi, je m’installe sur la partie immergée du récif et, sans bouger j’expire de l’air21.
Le vent de l’océan guide mon esprit. J’avance, rempli d’une allégresse qui redouble sous les battements de mon cœur22.
L’océan fait bouillonner mon torse, voilà ce que je me dis en mon cœur23.
L’amour que porte Syaman Rapongan pour l’océan semble s’épanouir de manière exacerbée et ses émotions se décupler une fois dans l’eau. Syaman Rapongan va même jusqu’à prétendre qu’il se transforme en poisson, ce qui illustre parfaitement la relation de l’auteur avec l’océan. Il vit et vibre en totale osmose avec ce milieu aquatique, à tel point qu’il en devient un de ses habitants. La mer est également un endroit propice à l’expression des sentiments de l’auteur. Dans ces extraits, l’émotion qui domine est celle du bonheur, de l’allégresse, de la joie de vivre. L’expérience de rire dans l’eau est quelque chose que seul une personne ayant un contact étroit avec l’océan peut éprouver. Non seulement Syaman Rapongan l’éprouve mais grâce à ces écrits il nous fait partager son bonheur et nous donne envie de le connaître à notre tour.
L’océan semble également être l’élément dans lequel Syaman Rapongan s’élève intellectuellement à mesure que sa pirogue s’avance dans la mer, comme le prouve l’expression : « le vent de l’océan guide mon esprit ». Tout dans son esprit semble devenir plus lucide une fois qu’il est dans l’eau. L’océan semble agir comme une matrice émotionnelle, dans laquelle l’homme Tao se nourrit aussi bien intellectuellement que physiquement, dans laquelle il se ressource, dans laquelle il grandit, ou, tout simplement, existe.
En littérature, les personnages ont souvent tendance à s’adresser directement à des éléments de la nature, ce qui implique que l’homme est capable de communiquer avec les éléments qui l’entourent, et réciproquement. L’être humain, notamment lorsqu’il se sent perdu et qu’il cherche des réponses, aime en appeler aux entités naturelles. On trouve par exemple chez l’écrivain français Lautréamont, une sorte de dialogue avec l’océan. En effet, l’auteur n’hésite pas à faire appel à celui-ci. Lorsque l’auteur s’adresse à l’océan, il utilise notamment des appellations intimes telles que « vieil ami », « vieil océan »24, ce qui témoigne que l’homme s’adresse à l’océan comme s’il s’agissait d’une personne réelle, comme s’il s’agissait de son ami.
Dans la nouvelle de Syaman Rapongan « Le vieux pêcheur », le lecteur assiste à de nombreuses interactions entre le personnage An Luo Mi et la mer. Ce dernier lui parle, se confie afin de voir plus clair dans sa vie et d’obtenir des réponses. La relation entre l’homme et la mer prend une toute autre dimension avec notamment des dialogues, qui ressemblent à des entretiens entre l’homme et la mer. N’ayant pas peur d’être jugé, l’homme n’hésite pas à se confier, voire à se confesser à la mer, c’est comme s’il se vidait de ses émotions négatives, qu’il voulait les évacuer dans la mer afin de s’en débarrasser. La mer est une oreille attentive pour l’homme. Elle emportera avec elle les secrets qui seront bien gardés. La mer, semble même pouvoir nous répondre, par la douce mélodie des vagues.
Si, comme Charles Baudelaire l’affirme, « la mer est notre miroir », alors quel est le reflet de Syaman Rapongan lorsqu’il se contemple dans le bleu de l’océan ?
而我之所以離開台北, 也是因為我在哪兒也真的都不是「人」, 所以才回家養心25.
Si j’ai quitté Taipei c’est aussi parce que je ne me sentais pas vraiment moi-même, alors je suis rentré à la maison pour cultiver mon cœur et mon esprit26.
L’auteur Tao revient sur son passé et notamment sur les expériences qu’il a vécues à Taipei, en tant qu’autochtone de l’ethnie des Tao venu s’installer dans une ville moderne et développée. Cette nouvelle vie, autrefois idéalisée, enviée et adulée, s’est avérée ne pas correspondre avec l’homme qu’était Syaman Rapongan. C’est en retournant dans sa tribu et en découvrant la vie maritime des Tao que l’auteur s’est retrouvé en symbiose avec lui-même et a entrepris sa « renaissance ».
L’océan a façonné l’homme qu’est aujourd’hui devenu Syaman Rapongan, l’a bonifié, a élevé son corps, son cœur et son esprit. La quête identitaire qu’il a menée, tentant de redevenir un « véritable homme Tao » est perceptible dans toutes ses œuvres. Nous assistons au fil des lectures des œuvres de Syaman Rapongan à la renaissance d’un homme. Cette quête identitaire est finalement son combat, mais bien plus encore, elle est aussi le combat de tous les Tao, et plus largement encore de toutes les ethnies aborigènes de Taïwan ou d’ailleurs. Au-delà de sa quête identitaire personnelle, on peut dire que Syaman Rapongan participe à l’identité marine de l’île de Taïwan.
Si pour certains l’identité marine de Taïwan et des Taïwanais en tant que peuple du Pacifique ne semble pas évidente, pour d’autres, au contraire, elle semble inscrite dans leur génome ; c’est le cas de Syaman Rapongan.
祖父的祖父在這個小島上, 一出生就看海、望海、愛海的遺傳基因遺留在自己的血脈裡27.
Mon arrière-arrière grand père et tous mes ancêtres vivaient sur cette petite île. À peine sont-ils nés, qu’ils sont tombés fous amoureux de la mer, et se distrayaient en la contemplant, la vénérant, la choyant. Les gènes de l’amour de la mer sont inscrits dans notre génome et se transmettent de génération en génération28.
Dans cet extrait de Ailes noires, Syaman Rapongan revient sur son autochtonie et le fait que les peuples austronésiens furent les premiers habitants de l’île de Taïwan, et donc de l’île de Lanyu. Syaman Rapongan nous décrit l’amour spontané, immédiat des habitants de Lanyu pour l’océan. L’expression « 愛海的遺傳基 », que l’on peut traduire par « les gènes de l’amour de la mer » est très révélatrice de l’importance de la mer pour le peuple Tao comme pour l’auteur. Bien plus qu’une simple identité marine, l’océan semble couler en Syaman Rapongan et en chaque habitant tao, il semble ne faire qu’un avec l’homme et être même un membre à part entière, une extension de leur corps.
L’identité tao que s’est construite Syaman Rapongan ainsi que l’identité marine présente dans ses gênes semblent avoir changé l’homme qu’il était avant son retour sur son île natale.
我的父親們不曾企圖用文字記載族人的歷史, 他們只有腦海裡雕刻所見所聞的事物, 他們都是七旬以上的老人, 但他們的思路清晰得令我心服口服. 我唯一的途徑就是努力的創作, 才能記錄有海洋氣味的作品, 我如是勉勵自己29.
Mes parents n’ont jamais tenté d’écrire l’histoire de la tribu, leur savoir vient seulement de leur sagesse de la mer, de leurs observations, de ce qu’ils ont vu et entendu. Ils sont tous âgés de plus de soixante-dix ans maintenant, mais leur raisonnement est si lucide que je bois leurs paroles. Mon seul moyen est de travailler dur afin que mon écriture révèle une note marine30.
L’identité marine touche la vie de l’auteur autant que son écriture. En effet, Syaman Rapongan considère qu’il est le précurseur et l’inventeur de la littérature « océanique » (haiyang wenxue 海洋文学). Ainsi, l’identité marine de l’auteur a non seulement bouleversé l’homme Tao qu’il était et a également façonné son écriture au point de dire :
我的身體就是海洋文學31.
Mon corps lui-même est la littérature océanique32.
我心在海上及創作33.
Mon cœur se partage entre la mer et l’écriture34.
Syaman Rapongan est réellement un être qui se partage entre la mer et l’écriture. Il doit tout à son identité marine, héritée du peuple tao. Il le dit lui-même ainsi en langue des Tao et en chinois :
Nu yabu o pongso yam, ala abu ku um35.
如果沒有這個島嶼, 我是不存在的.
Sans cette île, je n’existerais pas.
À travers les œuvres de Syaman Rapongan, nous avons pu suivre l’évolution de l’auteur au cours de sa vie, de sa quête identitaire et de son travail littéraire. Toute son existence est liée à la mer qui rythme la vie des Tao. Syaman Rapongan se donne corps et âme à l’étude du monde marin taïwanais et à sa protection. La mer, l’océan le transcende à tel point qu’il en a fait sa raison de vivre et son sujet d’étude. C’est la mer, l’océan qui le nourrit, tout comme elle nourrit chacun de nous tant au sens propre du terme qu’au sens figuré. Syaman Rapongan a à cœur de transmettre cet amour pour la mer, les traditions des Taos et cette conscience écologique au travers de son écriture au goût de sel. Il prend souvent activement part aux revendications environnementales, et s’emploie également à transmettre ses valeurs aux générations futures dans son rôle d’enseignant. Ses œuvres désormais traduites dans de nombreuses langues influent sur les différentes cultures du monde pour leur donner un nouveau regard sur la mer et leur offrir la possibilité d’un point de vue archipélique.
[1] Concernant cette notion de l’harmonie du cosmos dans la culture chinoise, voir Yolaine Escande, Montagnes et eaux. La culture du Shanshui, Paris, Hermann, 2005.
[2] Traduit du chinois par François CHENG, Vide et Plein, Paris, éditions du Seuil, 1991, p. 72.
[3] Ming-yi WU, L’homme aux yeux à facettes, Gwennaël Gaffric (trad.), Paris, Stock, 2011.
[4] Véronique ARNAUD, Tobago BOTAL, L’île des Hommes, Laboratoire d’Asie du Sud-Est et du monde austronésien, CNRS-IRESCO, Vidéo, Paris, 1992.
[5] Le peuple Tao (Dawu) est le peuple de l’île des Orchidées.
[6] Syaman RAPONGAN, La mémoire des vagues, Marie-Paule Chamayou (trad.), Lyon, Tigre de Papier, 2011, p. 21.
[7] Ibid.
[8] Syaman RAPONGAN, 天空的眼睛, Taipei, Lianjing chuban gongsi, 2012, p. v.
[9] Ma traduction.
[10] Syaman RAPONGAN, La mémoire des vagues, op. cit., p. 134.
[11] Informations recueillies par Charlène HENRY lors d’une interview avec l’auteur, en mai 2016 à Taipei.
[12] Les racines de la mer, Taiwan Info, 01/04/2007, site URL : https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?post=63278&unit=60,75,81,90,182 consulté en novembre 2015.
[13] Syaman RAPONGAN, 海洋的記憶, Taipei, Lianhe wenxue, 2012, p. 72
[14] Ma traduction.
[15] Syaman RAPONGAN, 天空的眼睛, op. cit., p. vi-vii.
[16] Ma traduction.
[17] Alain BOMBARD, Testament pour l’océan, Saint-Malo, L’ancre de Marine, 2001, p. 121.
[18] Ma traduction.
[19] Syaman RAPONGAN, La mémoire des vagues, op. cit., 2011, p. 26.
[20] Ibid.
[21] Ibid.
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24] Comte de LAUTREAMONT, Les Chants de Maldoror, Bruxelles, Lacroix et Verboeckhoven imprimeurs, 1869.
[25] Syaman RAPONGAN, 冷海情深, Taipei, Lianhe wenxue, 1977, « préface ».
[26] Ma traduction.
[27] Syaman RAPONGAN , 黑色的翅膀, op. cit., p. 80
[28] Ma traduction.
[29] Syaman RAPONGAN, 冷海情深, op. cit., p. 96.
[30] Ma traduction.
[31] The New Lens, 08/05/2017, article disponible sur le site https://www.thenewslens.com/feature/worldbookday/68325.
[32] Ma traduction.
[33] Syaman RAPONGAN, 冷海情深, op. cit., p. 96.
[34] Ma traduction.
[35] Syaman RAPONGAN, 安洛米恩之死, Chunghe, Ink, 2015, « préface ».
Résumé
Tout comme la mer et la montagne sont des éléments essentiels dans la peinture et la culture chinoise shanshui wenhua 山水文化, la nature est un thème récurrent des œuvres littéraires depuis toujours et Taïwan, cette île du pacifique regorgeant d’une nature luxuriante et de nombreuses montagnes ne fait pas exception. Il n’est donc pas étonnant de voir de nombreux auteurs questionner les rapports de l’homme à la nature dans la littérature contemporaine taïwanaise du XXIe siècle, à l’heure où les défis environnementaux représentent l’une des préoccupations majeures des sociétés contemporaines qui s’interrogent sur leur identité et sur leur avenir. Nous irons à la rencontre de Syaman Rapongan 夏曼兰波安, un homme Tao de l’île de Lanyu, située au large de la côte orientale de Taïwan pour comprendre la culture océanique très ancrée de son peuple, au travers de sa littérature qu’il qualifie lui-même de « littérature océanique ». Au fil de ses œuvres et de son écriture, nous voguerons sur le cours de la vie de cet homme Tao, en quête de son identité, qui a appris à redevenir un des siens. Nous nous inviterons à son voyage spirituel et initiatique afin de comprendre ce qu’est la littérature océanique, comment celle-ci s’inscrit dans le domaine de l’écolittérature de Taïwan et quels en sont les enjeux.
Abstract
A Tao’s inner journey in search of identity: the oceanic writing of Syaman Rapongan 夏曼兰波安 Like sea and mountain are essential elements in chinese painting and culture, nature has been a recurring theme in literary works. Taiwan, this pacific island with lush nature and entirely covered by mountains is not an exception. It is therefore not surprising to see many authors questioning human’s relationship with nature in contemporary Taiwanese literature of the XXIth century, at a time in which environmental challenges are one of the major concerns of contemporary societies wondering about their identity and their future. I invite you to meet Syaman Rapongan a Tao man from Lanyu Island, off the eastern coast of Taiwan to understand the deep-rooted oceanic culture of his tribe people through his literature he himself defines as “oceanic literature”. Throughout his works, we will sail on his life, as a Tao in search of identity who has learned to become one’s own and we will follow his spiritual and initiatory journey in search of oceanic literature.
Le courant de la littérature écologique
La littérature écologique à Taïwan
Insularité de l’île : de l’écriture de la nature à l’écriture sur la mer
Un voyage initiatique à l’école de l’océan
Un voyage entre la terre et la mer
Un voyage entre tradition et modernité
Correspondances et ruptures entre l’homme et la mer
Un amour exacerbé pour l’océan
Les entretiens entre l’homme et la mer
La mer, l’océan, source de construction identitaire et identité
Une véritable renaissance, une quête identitaire
Une identité marine inscrite dans l’ADN
Une identité marine qui se reflète dans l’écriture océanique de Syaman Rapongan
Charlène HENRY
Univ. Artois, Textes et Cultures (EA 4028), F-62000 Arras, France
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