11 旅行中
旅行作家坐在剛升空的航機上, 從此, 再也不曾回到陸地.
11. En voyage
L’écrivain en voyage
s’est assis sur l’avion qui décollait
et depuis jamais plus n’est descendu sur terre.
Vingt-six caractères chinois seulement composent 旅行中 [En voyage] de l’écrivain Walis Nokan 瓦歷斯.諾幹, le plus court texte de son recueil de micro-fictions1, forme minimaliste qui rencontre un succès variable selon les régions du monde. Dans la sphère hispanophone, c’est un genre prestigieux qui connaît une diffusion très intense, déjà popularisé par des auteurs tels que Borges ou Cortázar. Il en va de même dans les pays anglophones où le Royaume-Uni et la Nouvelle Zélande ont désormais leur « National Flash Fiction Day ». Galvanisé ces dernières décennies par les innovations technologiques tels que les smartphones ou les réseaux sociaux (keitai shosetsu au Japon, Twitter fiction…), le genre reste toutefois moins populaire en France, même si l’on peut recenser le récent Goncourt de Régis Jauffret avec Microfictions 2018, ou encore Féérie Générale d’Emmanuelle Pyreire. Sous sa forme la plus ramassée, il se mue en six-word story, histoire en six mots dont la plus célèbre serait le « For sale : baby shoes, never worn. » d’Ernest Hemingway2. À l’autre bout du spectre règne un certain flou critique3 sur la définition de sa forme « maximale » : en-deçà de 250 ou 300 mots on parle plus volontiers de « micro-fiction », en-deçà de 750 mots de « flash fiction » et en-deçà de 1500 mots de « sudden fiction ». Quant aux « short shorts », elles fluctuent, selon les définitions, entre 500 et 2500 mots, l’essentiel étant qu’elles tiennent intégralement dans une rubrique de journal ou sur une page de magazine.
La langue chinoise reflète le même flou terminologique : on parle tour à tour de 小小說 (parallèle de l’anglais « short short story »), 一分鐘小說 (yi fenzhong xiaoshuo , « histoire-minute »), 微型小說 (weixing xiaoshuo ,« histoire miniature »), 極短篇小說 (jiduanpian xiaoshuo, « nouvelle extrêmement courte »), 螞蟻小說 (mayi xiaoshuo « histoire-fourmi »), ou encore 微小說 (weixiaoshuo « micro-fiction »). Les quatre premiers termes sont utilisés de manière relativement interchangeable pour des histoires comptant 1000 à 3000 caractères chinois (plus fréquemment autour de 1500), soit maximum trois pages. Ce format s’est popularisé dans les années quatre-vingt, notamment avec les weixing xiaoshuo satiriques de Wang Meng. Le mayi xiaoshuo et le wei xiaoshuo sont généralement plus courts, en-deçà de 500 et 350 caractères chinois respectivement, voire de 140 caractères pour le genre éponyme qui fleurit sur Weibo.
C’est en effet à travers la plate-forme de micro-blogging Sina Weibo et ses concours de micro-récits en ligne qui ont attiré plusieurs centaines de milliers d’écrivains en herbe que le genre est devenu un véritable phénomène en Chine. Cet engouement a attiré l’attention des médias traditionnels et de magazines littéraires tels que Fiction World (小说界) ou Reader (读者), qui ont à leur tour dédié des rubriques spéciales à ce format popularisé par le Web4. Dans la foulée, certains textes traditionnellement rattachés au genre de l’essai, comme le court Amour (愛) d’Eileen Chang 張愛玲 (Zhang Ailing) se sont vus rétrospectivement associés à la micro-fiction.
À Taïwan, la forme courte a connu une première vague de popularité dans les années quatre-vingt sous l’influence de l’écrivain de science-fiction japonais Shinichi Hoshi 星新一5. De 1978 à 1995, le supplément du United Daily News 聯合報副刊 a dédié une rubrique aux jiduanpian de 1000 caractères environ, et organisé des concours à destination de ses lecteurs. Aujourd’hui, la tendance est indéniablement au roman-fleuve, comme suggéré par les quelque six-cent cinquante pages de 邦查女孩 [La jeune fille pangcah] de Kan Yao-ming6 ou de 青蚨子 [L’enfant du scarabée] de Lien Ming-wei7, lauréats respectivement de l’édition 2015 et 2017 du Taiwan Literature Award. Toutefois, la forme courte subsiste, avec des traductions de Masatomo Tamaru, présenté par son éditeur comme « l’héritier de Shinichi Hoshi », des recueils de l’auteur malaisien de science-fiction Zhang Cao 張草, ou encore Elle 她 de Lolita Hu 胡晴舫 (Hu Ching-fang), sous-titré en anglais She: Portraits of Asian Women. Taïwan compte également une association de jiduanpian 台灣極短篇作家協會, qui a publié son propre magazine en ligne mélangeant créations littéraires et textes théoriques de 2012 à 2014. Sous sa forme la plus ramassée (500 caractères et moins), le wei xiaoshuo reste toutefois très marginal à Taïwan. À l’exception d’une traduction de l’écrivaine argentine Ana María Shua8 publiée en 2012, le seul recueil de micro-fictions recensé est Les micro-fictions de Walis, pour lequel l’auteur s’est fixé une limite de 350 caractères par texte.
Écrivain et poète atayal9 né en 1961, Walis Nokan n’en n’est pas à sa première expérimentation avec la forme courte : en 2011, il publie le recueil de distiques 當世界留下二行詩 [Lorsqu’il ne restera au monde que des poèmes à deux vers]10. Au cours de sa carrière, il expérimente avec différents formats : en 1990, il publie son premier recueil de textes en prose, 永遠的部落 [Éternel village] sous le pseudonyme de Liu Ao 柳翱, avant de commencer à publier sous son nom atayal. Dans 2012:自由寫作的年代 [2012 : l’âge de l’écriture libre]11, il revient sur son expérience d’enseignement de l’écriture et de la poésie auprès d’écoliers, de collégiens, et de publics défavorisés. Dans 戰爭殘酷 [Les souffrances de la guerre]12, il croise destins palestiniens, colombiens et atayals pour porter une réflexion sur la guerre et la quête de liberté des peuples du Tiers-Monde. Dans 七日讀 [Sept jours de lecture]13, il explore les conséquences des catastrophes naturelles et humaines en essayant d’offrir, selon ses propres termes, un « point de vue autochtone distinctif »14.
Outre son travail d’écriture, il est également activiste, chercheur et professeur des écoles aujourd’hui à la retraite. Dès la levée de la loi martiale en 1987, il se consacre à la défense de la cause autochtone et lance le bimensuel Culture de chasseur 猎人文化. Il participe ensuite à la création du Centre de recherche sur les cultures autochtones de Taïwan. Au début des années quatre-vingt-dix, il sillonne les villages pour effectuer des recherches de terrain et mener des entretiens, avant de revenir à Mihu, son village natal, en 1994, pour enseigner à l’école élémentaire. Tous ces thèmes et influences se retrouvent à divers degrés dans son récent recueil, qui rassemble près de deux cents de ces micro-récits répartis en huit sections (Littérature – Organismes – Le monde du Jianghu – Choses – Chroniques sociales – Aborigènes – Sentiments – Rêves), bousculant les frontières entre nouvelles, poèmes et essais.
Quelle place donner à ce recueil hybride au sein de l’œuvre de Walis ? Simple extension vers la prose d’une démarche minimaliste entamée en poésie ? « Minuscules fragments de langue contre le gigantisme de la politique, du capital et de la mondialisation »15, comme le suggérait Sasanuma Toshiaki au sujet de son recueil de distiques ? Geste de défiance face aux institutions littéraires taïwanaises qui favorisent le roman-fleuve et enferment les écrivains autochtones dans une sous-catégorie « littérature autochtone », qui ne pourrait pas avoir de portée universelle ?16 Ces tendances, fréquemment critiquées par l’auteur lui-même ont trouvé un écho lors d’une rencontre autour de l’histoire de la littérature autochtone organisée à l’Université libre de Bruxelles le 19 mai 2018, lorsque l’auteur a tenu à mettre d’emblée l’accent sur le littéraire :
Quand on parle de littérature autochtone, d’aucuns ont tendance à ne regarder que l’autochtone au détriment du littéraire. Et pourtant, être autochtone est le nutriment culturel qui nourrit nos œuvres, rien de plus. Et j’aimerais aujourd’hui que l’on replace la littérature au centre du débat.
(Walis Nokan, Bruxelles, mai 2018 – traduction personnelle).
Replacer « la littérature au centre du débat », c’est-à-dire cesser de chercher absolument « l’autochtone, réel ou imaginé » dans la littérature, précise-t-il plus tard lors de la rencontre, ajoutant que cette étiquette de « littérature autochtone » 原住民文學 a été, dans une très grande mesure, imposée aux auteurs autochtones et qu’il s’agit d’une catégorie arbitrairement définie. Très souvent en effet, les auteurs autochtones tendent à être lus au prisme de l’ethnicité et de l’altérité, conçus comme des porte-parole de leur peuple indépendamment de leur subjectivité en tant qu’écrivain17. Confrontés à ce que l’on pourrait appeler un « double fardeau », ils se retrouvent jugés à l’aune de leur maîtrise du chinois, d’une part, et, de l’autre, à l’horizon d’attente d’un lectorat qui les considère avant tout comme passeurs d’une « authenticité culturelle », comme le souligne Andrea Bachner18.
Aussi, partant de deux caractéristiques fondamentales de la micro-fiction, à savoir leur caractère « micro » et leur caractère « hybride » (mélange des genres, intertextualité, etc.), qui seront analysés ci-dessous sous leurs différents avatars, cette contribution s’attache à montrer comment la micro-fiction est mobilisée par Walis Nokan pour déconstruire cette catégorie de « littérature autochtone » et sortir du paradigme du « double fardeau ». D’une part, sur le plan littéraire, on observe un bousculement des genres et des formes canoniques de la langue chinoise qui permet de légitimer des formes alternatives de littérarité. D’autre part, sur le plan social, s’opère une réappropriation de la littérature par et pour les enfants et une articulation des rôles de chercheur, d’activiste et d’écrivain qui vise la réappropriation de savoirs utiles à la communauté. Ainsi, il semblerait qu’il ne s’agisse pas tant, ou pas uniquement, d’une contre-écriture19, que d’une manière de « ‘writing back’ whilst at the same time writing to ourselves »20 pour reprendre les termes de la chercheuse maori Linda Tuhiwai Smith. Une démarche nuancée, que cette contribution se propose de tenter de démêler, et croquée avec une touche d’impertinence par l’auteur dans « Les pruniers » (p. 141) :
Bien évidemment, ce ne sont pas les critiques ni les milieux littéraires qui ont remarqué « Les plumes », mais les miens. Leur question la plus fréquente : « Tiemu, c’est toi, pas vrai ? Tu ne vas pas le nier ! » Voilà que je me retrouvais dans la situation délicate qui est celle des romanciers lorsque se mélangent leurs textes et la réalité.
Comme brièvement évoqué ci-dessus, Walis Nokan semble se placer délibérément à la marge des tendances et des institutions littéraires en choisissant le « micro », la forme ultra-courte. Ce positionnement fait écho à un autre, subi, à une autre marge où est traditionnellement reléguée la littérature autochtone. Ce choix assumé de la marginalité peut étonner à première vue, dans la mesure où Walis Nokan revendique une universalité de propos et pose qu’une décolonisation réelle de la littérature taïwanaise n’interviendra que lorsque littérature autochtone et littérature taïwanaise seront vues comme deux entités qui se recoupent ou font partie intégrante l’une de l’autre21. Comment, dès lors, embrasser d’un même mouvement la marginalité assumée du recueil et la position théorique de Walis Nokan ? Comment, suivant Bell Hooks, penser la distinction « between that marginality which is imposed by oppressive structures and that marginality that one chooses as site of resistance –as location of radical openness and possibility »?22
Une première piste de réponse peut être envisagée dans le caractère hybride des micro-fictions, et plus spécifiquement ici dans leur très grande intertextualité. Il s’agit de l’un des ressorts typiques du genre23 que certains critiques se proposent de définir à partir de cette caractéristique24 :
Concision oblige, le micro-récit doit recourir fréquemment à des cadres de référence constitués par des formules, des motifs, des personnages, des séquences narratives et des textes (littéraires, filmiques, médiatiques, etc.) amplement partagés parce que retenus par la mémoire culturelle. Leur fonction est de compenser l’absence de descriptions et d’explications. Aussi, les micro-récits réécrivent des contes populaires, des scènes bibliques, des épisodes historiques, des séquences ou scénarios des grands classiques de la littérature mondiale (L’Odyssee, Œdipe, D. Quijote, Roméo et Juliette, D. Juan, Les mille et une nuits) et / ou des genres de la culture populaire: SF, thriller, fantastique, polar. Les micro-nouvelles sont habiteés par des personnages tels que des vampires, des fées, des robots, le Petit Chaperon Rouge, Ulysse, Zorro, un dinosaure, le diable, Napoléon ou Bécassine. La mouvance de ces éléments textuels fait des micro-récits un champ privilégié pour la trans-fictionnalité : la fiction se dégage du récit qui la soutient et circule entre auteurs, media et modes sémiotiques différents, combinés ou non25.
Le recueil de micro-fictions de Walis présente, dès les premières pages, un entretissage similaire de références à la littérature mondiale : personnages de Twilight (p. 19), Blanche Neige (p. 121), Roméo et Juliette (p. 122), Don Quichotte (p. 125), le comte Dracula (p. 74), ou encore Sherlock Holmes (p. 25). L’effet est ici double : il installe d’emblée une littérarité assumée tout en décalant effectivement le propos par-delà du sinocentrisme ou taïwanocentrisme, à la manière du poète Yang Mu26.
Dans un deuxième temps, ce sont surtout les grands maîtres de la micro-fiction avec lesquels le recueil entretient un dialogue constant par une série de clins d’œil au genre : on retrouve au fil des pages Borges (« Rencontre avec Borges », p. 26 ; « Powys, tel que je le connais », p. 29 ; « Le secret de la Lune », p. 118 ; « Le goût du temps », p. 134), Kafka (« Mon Kafka », p. 27 ; « Piqué au vif », p. 39), Yates (« Pas de lézard », p. 28) ou encore Lord Dunsany (« Deux rêves sur la mémoire », p. 28-29). Cette dimension cosmopolite assumée contredit d’emblée la position défendue par des chercheurs comme Chiu Kuei-fe27 qui pose l’affirmation d’une « indigénéité » comme seule stratégie possible pour les auteurs autochtones, ceux-ci n’ayant pas le capital culturel et la formation littéraire nécessaires pour adopter la même position cosmopolite que les écrivains non-autochtones.
Ce décalage, cette conversation avec les « grands maîtres » européens et latino-américains de la micro-fiction est d’autant plus intéressante qu’elle semble chercher à travers eux un double raccrochement, une possibilité de dialogue qui rende hommage aux peuples autochtones à travers le monde. Borges, par exemple, est mobilisé spécifiquement dans la mesure où les légendes des « autochtones d’Amérique du Sud »28 ont constitué pour lui une source d’inspiration majeure. De manière plus large, le recueil compte de nombreuses mises en parallèle avec les Indiens d’Amérique (« Des chevaux au village », p. 50 ; « Souvenirs d’un ancien », p. 127) qui orientent la lecture du recueil en solidarité avec les mouvements autochtones à travers le monde29 ou, plus largement, à la manière de Sept jours de lecture, avec les peuples du Tiers-Monde, comme illustré sur la question de la traite des femmes entre le Cambodge et Taïwan (« Plus jamais séparés », p. 83-84).
Bien entendu, cette intertextualité se lit également en relation avec la tradition littéraire sinophone, avec de très fréquents clins d’œil aux maîtres du romans de wuxia 武俠 (romans de chevalerie à la chinoise) que sont Gu Long 古龍 ou Jin Yong 金庸, ou encore des détournements thématiques mettant en scène la concubine Yang Guifei (« Parfaites représailles », p. 38). Walis Nokan va jusqu’à dédier entièrement l’une des huit sections du recueil aux récits du Jianghu 江湖30, qu’il enrichit d’éléments propres à l’imaginaire atayal et de remises en question de la supériorité de la grande Chine culturelle : le meilleur archer « sous le ciel » se découvre ainsi largement moins fin tireur que ce peuple « sans égal sur Terre » dont les « ancêtres avaient abattu d’une flèche un soleil » (« La plus fine flèche sous le ciel », p. 55-56).
Sous cet angle, « L’historiographe » (p. 39-40) peut être lu comme un questionnement sur la notion de marge littéraire puisque, historiquement la fiction (dont le sens étymologique premier est littéralement « petits propos ») était largement moins prestigieuse que le grand genre historiographique. Dans les premières occurrences du terme, ses « loci classici, noticeably those in the Zhuangzi and Huan Tan’s (43 B.C.-A.D. 28) Xinlun which all regarded xiaoshuo as ‘petty talk’, ‘lesser discourse’, or ‘minor persuasions’ of unreliable origin or marginal utility, neither with ‘any obvious affinity with the major classical traditions nor with any of the more estimable schools of philosophers’ »31. Si la « micro » fiction, le « wei » xiaoshuo – censément encore plus insignifiant que le xiaoshuo – parvient à encapsuler le grand genre de l’historiographie, que dire des rapports entre littérature autochtone et taïwanaise ?
En somme, le caractère hautement intertextuel de la micro-fiction et la très grande multiplicité d’histoires permise par leur brièveté semblent jeter des ponts vers les grands maîtres du genre ainsi que vers les global indigeneities, tout en assimilant les codes littéraires de la grande Chine culturelle qui, tour à tour déstabilisés, viennent s’intégrer à l’intérieur d’un recueil commercialisé sous l’étiquette de « littérature autochtone ». En tant que tel, l’ouvrage peut apparaître comme une mise en pratique de la superposition entre littérature autochtone et taïwanaise revendiquée par Walis Nokan. La marginalité de la micro-fiction apparaît alors comme une possibilité de résistance : un « space in the margin that is a site of creativity and power, that inclusive space where we recover ourselves, where we move in solidarity to erase the category colonized/colonizer. Marginality as site of resistance »32.
La déstabilisation des codes culturels sinophones évoquée ci-dessus s’accélère dans les jeux linguistiques rendus possibles par la très grande brièveté des micro-fictions, qui nécessitent un effet de chute narrative33 :
Il est rare en effet de trouver un microrécit qui ne soit pas un exercice de réécriture. Jeux de mots, détours d’expressions courantes, variations sur des stéréotypes sont des stratégies parodiques qui recyclent soit des textes, soit des lieux-communs et des conventions discursives34.
Dans le cas de Walis, cet effet de chute va s’opérer via des jeux d’homophonie (作家 zuojia et 坐家 zuojia dans « Les séances de dédicace », p. 20) ou de détournement d’expressions en quatre caractères. Dans « L’historiographe » (p. 40), l’expression 殘垣斷壁 (littéralement « murailles en ruines et murs brisés ») se mue ainsi en 殘腿斷臂 (« jambes brisées et bras coupés »).
砲火已經停歇, 眼前是殘垣斷壁, 不, 應該是殘腿斷臂.
Le feu des canons s’était tu, tout n’était plus que délabrement et brasier – non, plutôt dire : démembrements et charnier.
Dans « Hsiao-ssu » (p. 131), le lecteur est confronté à un jeu sur les composants graphiques des caractères qui vient décomposer 夢 (le rêve) que le protagoniste principal dévore morceau par morceau : l’herbe 艸, le filet 罒, le toit ou le couvercle 冖 , le crépuscule 夕.
吃掉所有不愉快的事物, 小四還是覺得餓, 天空飄下白絮般的棉花糖, 他想起無憂無慮的童年, 於是小四繼續吃, 吃掉艸部似的棉花糖, 吃掉罒字, 吃掉冖字, 吃掉了夕字般的棉花糖.
Ses malheurs dévorés, Hsiao-ssu n’est toujours pas rassasié. Dans le ciel flotte une cotonneuse barbe à papa blanche qui lui rappelle l’insouciance de l’enfance. Il continue à manger. Il dévore l’air entre les filaments de sucre, dévore ce qu’il est, dévore ses vœux.
S’inscrivant dans la continuité de ses allusions précédentes aux romans de wuxia ou au genre historiographique, Walis Nokan détourne ici le motif du « rêve glyphomantique » (拆字夢)35. Caractéristique de certains récits policiers de la dynastie Qing, il s’agit d’interpréter des rêves par décomposition, assemblage, ou homophonie de caractères afin de permettre la résolution d’une affaire judiciaire. « Hsiao-ssu » s’en distingue par un procédé à rebours : le micro-récit se conclut par le décès du protagoniste, qui meurt en ayant essayé de donner un sens à son rêve par l’ingestion des différentes parties du caractère 夢. Le vide laissé permet à Walis Nokan de venir réinvestir l’interprétation des rêves d’éléments tirés des traditions atayal (« Le déchiffreur de rêves », p. 101).
Ce faisant, il inverse le rapport de force, plus préoccupé de faire flamboyer la langue chinoise que de jouer son rôle attendu d’un « passeur culturel » qui introduirait et expliquerait des termes atayal. Ces derniers sont bel et bien présents, mais très peu nombreux au regard du volume du recueil. De surcroît, ils sont généralement insérés tels quels sans explication (mohni, gaga), malgré quelques rares exceptions adjointes d’une parenthèse explicative : au moment de Labau (juste avant le lever du soleil) ; le visage long comme un triun (un frelon) ; yabid (écureuil volant), Yaba (papa). Plus souvent, on retrouve un emploi littéral d’expressions atayal en chinois (la lune n’avait pas encore inversé ses quartiers) qui vont dans le sens des réappropriations et des jeux de réécriture présentés ci-avant.
Une telle démarche rejoint des revendications linguistiques plus larges, à mettre en regard d’une histoire coloniale de désappropriation de l’écriture qui affleure dans « L’écriture » (p. 43-44) :
Depuis cette époque, tous les peuples armés de sabres, de fusils et de balles qui ont fait irruption sur l’île se sont proclamés inventeurs de l’écriture – ou du moins, ont imposé l’utilisation de la leur. Les Atayal ont tant perdu le droit de la posséder que l’on pourrait croire désormais que jamais cette île ne les a enfantés.
En effet, même après le départ du colonisateur japonais, la politique de sinisation menée par le gouvernement nationaliste du Kuomintang a eu pour effet de renforcer la discrimination dont étaient victimes les autochtones. Ceux-ci se sont vu interdire de parler leur langue maternelle à l’école, d’utiliser leur nom en langue maternelle sur les documents officiels et étaient présentés comme « barbares » dans les manuels scolaires. Historiquement, le chinois et le japonais ont eu plus de prestige linguistique que les langues autochtones, qui se sont retrouvées tour à tour en situation de répression, ou – au mieux – de diglossie :
Funai Hayung naquit pendant l’hiver 1896 dans le massif des Hsüeshan. À l’âge adulte, cet Atayal apprit l’écriture japonaise qui ressemble aux traces laissées par les oiseaux et les insectes. [...] De retour à Taiwan après la capitulation japonaise, il connut une écriture d’une autre sorte, carrée comme la brique et le ciment : les caractères chinois. Un jour, Dieu sait quel démon le prit de remplacer par une croix un caractère d’un slogan de cette écriture cimentée pour signifier qu’il le trouvait difficile à tracer – on l’envoya élever des chèvres sur l’île Verte36.
Les micro-récits du recueil semblent opposer à la sacralité du caractère chinois et de la littérature écrite une définition de la littérature minimaliste et hybride. Celle-ci se présente au lecteur sous la forme d’une interrogation dès la quatrième de couverture : « Quand les mots sont comprimés, réduits à leur expression la plus simple, quelle voix émerge pour la fiction ? », rejoignant une interrogation formulée par Walis : « quelle serait la plus courte micro-nouvelle qui maintiendrait les caractéristiques essentielles de la fiction ? »37. À partir de ces questions, il pose une définition du minimal fictionnel comme étant un texte de 350 caractères ou moins qui rassemble trois éléments essentiels38 : personnages, histoire, intrigue. Cette définition minimaliste de la fiction permettra à son tour de remettre en cause les formes traditionnelles de la littérature, jugées trop restrictives, et de brouiller les genres entre micro-récit, essai et poésie. Cette démarche attendra un développement plus important dans des œuvres ultérieures (cf. infra) qui mélangeront – entre autres – le reportage, la poésie et la micro-fiction.
Dans un premier temps, le recueil de micro-fictions se tourne vers le poème. Certains distiques du recueil Lorsqu’il ne restera au monde que des poèmes à deux vers se retrouvent inclus, soit thématiquement comme le distique « Flûte traversière » (La montagne rêve, p. 8) dans le micro-récit « Les flûtes » (p. 74), soit textuellement :
請將我的詩放在瓦斯爐上
假如我不會讓世界有一點溫暖
Gazinière
Posez mon poème sur la gazinière
si je n’ai jamais donné de chaleur au monde.
Ce poème, « Gazinière » 瓦斯爐, se retrouve intégré à deux histoires alternatives, « Combustion » (p. 21-22) et « Un poème » (p. 120), mettant en scène, pour la première, un recueil de poèmes dépressif qui met le feu au rayon « littérature » de sa librairie, et pour la deuxième, un éditeur militant de gauche qui se suicide, ayant lu le poème comme un reproche visant son manque d’idéaux.
Mais la poésie dans le recueil de micro-fictions n’est pas uniquement présente sous forme de distiques enchâssés dans des histoires plus larges. Certaines autres micro-nouvelles, comme « Champ d’amour, chant de ruines » (p. 117-118), se présentent intégralement sous forme de poèmes. L’auteur semble les envisager comme une forme concentrée de micro-fictions puisqu’il faudrait, dit-il : « cinquante micro-fictions en prose pour exprimer tout ce que renferme le poème »39. À la différence des nouvelles, relativement longues, la concision des micro-fictions fait d’elles un excellent intermédiaire entre prose et poésie :
13 廢墟之愛
有三個人坐在廢墟之中, 額頭綁上了黃色絲帶.
天空陰著臉, 有颱風掠過南方海面, 小雨下著.
剛完成拆除工作的機具停在馬路上, 停止了喘息.
優勢警力帶隊離開, 鐵靴般的踢踏聲凝止了空氣.
燕子徘徊在三人頭上, 搗碎的巢無人聞問, 燕子失聲.
廢墟像是傳遞某種古老的愛, 那三個人坐成了廢墟.
13. Champ d’amour, chant de ruines
Un trio est assis au milieu des décombres, rubans jaunes noués aux fronts.
Un ciel au gris visage ; qu’un typhon au sud égratigne la mer, ici la bruine tombe.
Engins démolisseurs au travail accompli, arrêtés dans la rue, au souffle suspendu.
Forces spéciales en partance, tintements métalliques de bottes qui coagulent l’air.
Tournoiements d’une hirondelle au-dessus du trio, pas d’égards
pour son nid en morceaux,
l’oiseau en perd la voix.
Un amour ancestral s’offre dans les gravats, assis le trio n’est plus qu’un champ de ruines.
Ces liens entre prose et poésie sont également visibles dans l’usage didactique que fait Walis Nokan des distiques et des micro-récits. Avec ces derniers, Walis Nokan étend à la prose une démarche entamée en poésie dès 2002-200340 dans le cadre de sa fonction d’enseignant. Sa première utilisation du distique visait en effet à donner le goût de l’écriture aux enfants, ainsi qu’à stimuler leur imagination et leur créativité littéraire. Avec les trente-deux enfants de l’école primaire de son village, il avait entrepris d’utiliser la poésie comme méthode d’enseignement, pour la rendre accessible, déplorant qu’on la considère l’apanage d’une élite de « poètes trop intelligents ou trop fous ». L’écriture, envisagée comme une activité naturelle qui permet à l’enfant d’exprimer ses sentiments et ses souvenirs enfouis41, peut alors fonctionner comme vecteur du goût d’apprendre, bien plus efficacement que le format rigide de l’école, où le manque d’effectifs – particulièrement dans les zones défavorisées – rend difficile un apprentissage efficace.
Dans un article de juillet 2014 publié dans le magazine littéraire Wenxun42, Walis Nokan publie vingt-et-un poèmes de ces jeunes poètes, enjoignant le lecteur à les considérer comme partie intégrante de la poésie moderne et non comme des poèmes pour enfants par respect pour l’œuvre de ces jeunes poètes qui écrivent souvent avec autant voire plus de maturité que les adultes. Il emportera les textes de ses élèves au Palais présidentiel et obtiendra un prix littéraire avec sa classe. Son recueil Lorsqu’il ne restera au monde que des poèmes à deux vers est inspiré par cette démarche.
De la même manière qu’elles permettent de jeter des ponts vers la poésie, les micro-fictions permettent de décliner thématiquement des nouvelles plus longues : on pense par exemple à « Voyage au cœur du brouillard »43, cité d’emblée en ouverture du recueil dans « Un lecteur dans la nuit » (p. 19) et qui se décline tour à tour dans « Celui qui en avait trop vu » (p. 74), « Le village des yōkai » (p. 84-85) et « Égarés » (p. 99-100). La micro-fiction fonctionnerait donc, chez Walis Nokan, comme un lien entre la poésie, d’une part, et la nouvelle, de l’autre. Cette réflexion sur l’hybridation des genres est poussée encore plus loin dans « L’écriture » (p. 42-43) :
Lorsque les Atayals comprirent que les leurs avaient surgi d’un rocher, ils connaissaient déjà l’écriture. La légende raconte que l’écriture avait été placée en un lieu sûr et très lointain, et qu’il fallait prêter l’oreille encore et encore pour pouvoir capturer le sens dissimulé dans les mots. Les Atayals gravaient aussi les mots sur leurs visages, mais il fallait d’abord devenir quelqu’un, une personne apte à protéger le clan ; plus tard les Hans se méprirent et y virent une forme archaïque des symboles du Livre des mutations. La connaissance de l’écriture n’était pas réservée aux hommes : les femmes la tissaient dans les vêtements, les chapeaux, les jupes, les bandes molletières… Tout, jusqu’aux couvertures, était enveloppé d’écriture chez les Atayals, ils y ressentaient le pouls de la nature, ses spasmes, et dans le même temps s’assoupissaient dans son sein comme des enfants.
À la manière de Chen Li 陳黎44 avec le poème « Clan » 氏, qui assimile écriture et tatouage, l’extrait ci-dessus invite à penser le tissage comme forme d’écriture à part entière chez les Atayals. Interrogé dans un entretien pour le magazine INK45, Walis précise que la mission de la littérature contemporaine devrait être de repousser les limites, trop restrictives, de la « littérature ». Évoquant le tissage, forme d’écriture traditionnelle chez les Atayals ainsi que les traditions chantées, il se positionne pour la reconnaissance de l’orature comme littérature46. À cet égard, le genre de la micro-fiction n’est pas sans intérêt, puisqu’il puise ses racines historiques dans la tradition orale et les contes – comme le résume Marie-Louise Pratt, précisant que « The tradition of orality in the short story has special significance in cultures where literacy is not the norm, or where the standard literary language is that of an oppressor »47.
Le recueil de micro-fictions de Walis Nokan porte également en germe les prémisses d’un travail mêlant recherche scientifique et littérature qui se concrétisera dans ses œuvres plus récentes. Le micro-récit « La maison princière des Kitashirakawa » (p. 126-127) illustre cette oscillation entre micro-fiction, essai et démarche scientifique :
03 北白川宮親王
一八九五年一月十四日下午, 年輕的曾祖父的雙腿被想像中的海洋催動著, 跨越了幾座大山, 終於來到能夠看見(口傳中仔細的區別「遙望」與「看見」)海洋的緩坡地, 也是首次見到北白川宮能久親王的泰雅人.
一百年後我也看見了傳說中的北白川宮, 他坐在一張椅子上, 就在今日新北市貢寮區鹽寮之北二公里的澳底海邊. 那天的陽光應該不至於過分強烈, 大約是下午三點多鐘, 北白川宮能久親王手指燃菸氣定神閒的樣子我是通過照片「看見」的. 不料曾祖父腰際番刀的刀刃攪動了陽光與日軍的脾氣, 以致於他幾乎以鳥飛的速度奔回雪山山脈南端的部落, 並描述海洋是我們無法想像的藍色大帽子.
重拾這兩件關於「看見」的故事, 都讓我恍如夢境. 我武斷地認為「夢」總是關於過去, 不論是你也許夢見了未來總總.
3. La maison princière des Kitashirakawa
L’après-midi du quatorze janvier 1895, les jambes de mon arrière-grand-père, alors jeune homme, se laissèrent emporter par l’océan qui vivait dans son imagination. Ayant traversé plusieurs montagnes, il parvint sur une pente douce d’où il pouvait distinguer l’océan et devint par la même occasion le premier Atayal à voir de ses propres yeux le prince Kitashirakawa Yoshihisa du Japon.
Un siècle plus tard, j’aperçus à mon tour ce fameux prince : il était assis sur un banc près de la plage de Yuenliao, à deux kilomètres au nord de Kungliao dans le district du Nouveau Taipei. Les rayons du soleil ce jour-là manquaient sans doute un peu de chaleur quand, vers trois heures de l’après-midi, je distinguai sur la photo l’expression calme du prince Kitashirakawa Yoshihisa, une cigarette à la main. Quant à mon arrière-grand-père, la lame de la machette qu’il portait à la hanche vint mêler de rayons de soleil le tempérament de ce général japonais. Aussi mon aïeul revint-il dans notre village à la pointe sud des Hsüehshan plus vite qu’un oiseau fend le ciel pour nous décrire cet océan au chapeau d’un bleu qui dépassait notre imagination.
L’évocation de ces deux histoires sur la vision m’apparaît comme un rêve. J’ai tendance à penser qu’ils se réfèrent toujours au passé, mais quand bien même, peut-être s’agit-il de l’avenir ?
En effet, une version développée de cette micro-fiction a été publiée en 2014 par Walis dans la revue « Dialogue multiculturel » 多元文化交流éditée par le Département de japanologie de l’Université de Tunghai dans le cadre d’un numéro spécial sur la marginalité dans les littératures et langues d’Asie de l’Est48. Le texte s’accompagne de la photographie évoquée ci-dessus, représentant le prince « une cigarette à la main », « l’expression calme », et suivie par d’autres textes eux aussi accompagnés de photographies de l’époque coloniale japonaise.
Si ces deux textes, sont – bien entendu – à rapporter aux nombreuses recherches et enquêtes de terrain que Walis Nokan a réalisées dès les années quatre-vingt-dix (et qu’il évoque avec un twist paranormal dans « Enquête de terrain », p. 102), ils semblent avant tout être une ébauche de ce qui deviendra son récent Yingxiang49, même si les photos retenues ne sont pas nécessairement identiques. Yingxiang juxtapose des photographies de la période coloniale japonaise avec une variété d’histoires : certaines inventées de toutes pièces par l’auteur, d’autres qu’on lui a racontées, additionnées d’une grande variété d’éléments : extraits d’entretiens, de conversations, fragments de poèmes, d’histoires écrites par le passé, notes d’anthropologues, ou encore divers éléments lus ou entendus en regard de ces photos.
Dans son recueil de micro-fictions, Walis met en scène deux types de chercheurs. Il contraste l’anthropologue japonais de la période coloniale qui, malgré le « goût d’injustice » laissé aux descendants de ses sujets d’étude, ne possède « que les enregistrements et ses notes, pas les contes, les histoires, ni la nuit, ni le vent » (p. 44), au chercheur autochtone doté d’une légitimité, qui enquête pour rendre la connaissance à son peuple (« Les vrais noms, une espèce en voie de disparition », p. 22 ; « Le vieil homme et le chercheur », p. 138). Une démarche à laquelle fait écho la trajectoire de Yingxiang et de son recueil de micro-fictions : lors de la rédaction de ces textes, il se rend compte que « Parmi ces photos, certaines représentent mon buluo50 avec le mont Dake et d’autres éléments topographiques en arrière-plan, alors que les cartes de l’époque sont dénuées de toute trace de notre existence à cet endroit. Je veux ramener toutes ces photos dans mon village, les rendre à mon peuple, et trouver de nouvelles manières d’en rendre compte »51. Cette articulation de la littérature et d’un travail de recherche, entrepris par et pour les autochtones, qui permet de relire les cartes (« La carte » p. 106) ou, figurativement, de rebattre les cartes, peut être vue comme un approfondissement, de par la multiplicité des genres mobilisés, d’une démarche entamée dès les années quatre-vingt-dix. On pense par exemple à son « Il fait une autre enquête » 伊能再踏查 qui lui a valu d’être demi-finaliste du 19e prix littéraire du China Times, catégorie poésie, en 1996.
Plus courtes que les jiduanpian pratiqués dans les colonnes du supplément du United Daily News, plus longues que leurs cousines éponymes de 140 caractères maximum pratiquées sur Weibo, résolument à rebours des tendances littéraires ayant cours à Taïwan, quelle importance accorder aux « micro » fictions dans l’œuvre de Walis Nokan ? Par leur taille très restreinte (et donc leur nécessaire multiplicité) ainsi que leur grande hybridité et intertextualité, elles permettent d’inscrire le recueil dans un cosmopolitisme parfois refusé aux auteurs autochtones formosans, dans un mouvement de solidarité avec les traditions indigènes à travers le monde, et de bousculer les formes littéraires canoniques, tant sur le plan linguistique que générique. En brouillant les frontières entre prose, poésie, essai, démarche scientifique, elles ouvrent des perspectives vers des formes alternatives de littérarité (oralité, tissage, etc.). Tous ces éléments permettent à Walis Nokan de flouter les contours de la catégorie supposément monolithique que serait la « littérature autochtone » et permettent au nouvelliste d’articuler, par-delà l’habit de « passeur culturel » qui lui est habituellement dévolu, des rôles de chercheur, d’activiste et de pédagogue qui visent la réappropriation de savoirs utiles à la communauté. Une « tâche de l’écrivain » habilement évoquée dans « L’oiseau » (p. 138) :
L’écrivain ne revit l’oiseau à bout de souffle que bien longtemps après. L’animal, transformé en délicate illustration de guide ornithologique par un rêve trop grand ou brisé, y était répertorié sous le nom d’oiseau Siliq. Seul l’écrivain perçut le sens caché du nom – le reconnut sans pouvoir l’énoncer. Il ne lui restait plus qu’à coucher sur papier la bonne action de l’oiseau pour la commémorer. Dans l’absurdité du monde qui nous entoure, ce texte est tout ce que je puis faire, il est mon seul recours.
[1] Walis NOKAN, 瓦歷斯微小說 [Les micro-fictions de Walis], Taipei, Two Fishes, 2014, publié en français sous le titre Les Sentiers des rêves, Coraline Jortay (trad..), Paris, l’Asiathèque, 2018. Sauf mention contraire, les extraits chinois et français cités dans cet article le sont depuis ces deux éditions.
[2] David FISHELOV, « The Poetics of Six-Word Stories », Narrative, 27 (1), 2019, p. 30-46.
[3] Résumé dans William NELLES, « Microfiction: What makes a very short story very short? », Narrative, 20 (1), 2012, p. 87-104.
[4] Voir à ce sujet Haomin GONG, et Yang XIN « Circulating Smallness on Weibo: The Dialectics of Microfiction », Frontiers of Literary Studies in China (8.1), 2014, p. 181-202 et Michel HOCKX, Internet literature in China (2015), New York, Columbia University Press, p. 91-92.
[5] La première traduction en langue chinoise que nous avons pu recenser de ses textes est Hoshi SHINICHI, (trad. Shui-hui HO), 科幻小小說, Taipei, Zhaoming Publishing, 1979.
[6] Yao-ming KAN, 甘耀明, 邦查女孩, Taipei, Aquarius Publishing, 2015.
[7] Ming-wei LIEN, 連明偉, 青蚨子, Taipei, INK Publishing, 2016.
[8] Ana María SHUA, (trad. Chin-hui CHEN), 微小說, Taipei, Sancai Publishing, 2012.
[9] Les Atayals 泰雅族 sont l’un des seize groupes autochtones formosans officiellement reconnus à Taïwan. Ils vivent principalement de part et d’autre du massif montagneux du centre-nord de Taïwan, dans les comtés de New Taipei City, Taoyuan, Xinzhu, Miaoli, Taichung, Nantou et Yilan, et sont environ 80 000 selon les statistiques du Council of Indigenous Peoples – www.apc.gov.tw).
[10] Walis NOKAN, 當世界留下二行詩, Taipei, Bulage Wenhua, 2011, dont une partie est traduite par Gwennaël Gaffric et Camille Loivier dans le recueil La montagne rêve.
[11] Walis NOKAN, 2012 : 自由寫作的年代 ,Taipei, National Taiwan University Publishing Center, 2012.
[12] Walis NOKAN, 戰爭殘酷, Taipei, INK Publishing, 2014.
[13] Walis NOKAN, 七日讀, Taipei, INK Publishing, 2016.
[14] Chün-chieh TSAI, « 縫補歷史之鏡的縫隙--孫大川vs.瓦歷斯.諾幹 », INK Literary Magazine, 14 (10), juin 2018, p. 34-47.
[15] Toshiaki SASANUMA, 笹沼俊暁, « 現代文學的終結後, 邊陲語言能做什麼-瓦歷斯-諾幹與李維英雄 » [Après la fin de la littérature moderne, que peuvent faire les langues marginales ? Walis Nokan et Hideo Levy], Duoyuan wenhua jiaoliu, 6, juin 2014, p. 89-103.
[16] Deux questions fréquemment critiquées par Walis Nokan. Voir par exemple : Pierre-Yves BAUBRY, Charlène HENRY et Yi-jie HUANG, « Walis Nokan : Se saisir de l’essentiel », Lettres de Taiwan, 13 mai 2018, URL : https://lettresdetaiwan.com/2018/05/13/walis-nokan-se-saisir-de-lessentiel/. Dernière consultation le 26 janvier 2019.
[17] Voir à ce sujet l’excellente critique de Gwennaël GAFFRIC, « Do Waves Have Memories? Human and Ocean Issues in Taiwan Indigenous Writer Syaman Rapongan’s Writing. », TRANS- [En ligne]. Revue de littérature générale et comparée, 16, 2013. URL : http://journals.openedition.org/trans/867.
[18] Andrea BACHNER, « At the Margins of the Minor: Rethinking Scalarity, Relationality, and Translation », Journal of World Literature, 2, 2017, p. 139-157, p. 147.
[19] Pour une analyse de la poésie de Walis à travers une grille critique postcoloniale, voir Wen-hsin LIN 林文馨, 原住民現代詩中的後殖民書寫—以瓦歷斯. 諾幹《想念族人》、《伊能再踏查》為例, Taiwan shixue xuekan, 12, 2008, p. 159-183.
[20] Linda Tuhiwai SMITH, Decolonizing methodologies: Research and indigenous peoples, Londres, Zed Books, 2013, p. 38.
[21] Walis NOKAN, «台灣原住民文學的去殖民», in Ta-chuan SUN (éd.), 台灣原住民族文學選集, Taipei, INK Publishing, 2003, p. 127-151, p. 131.
[22] Bell HOOKS, « Choosing the Margin as a Space of Radical Openness », in Ann GARRY et Marilyn PEARSAL, Women, Knowledge, and Reality, New York & Londres, Routledge, 1996, p. 48-55, p. 55.
[23] Nana RODRÍGUEZ ROMERO, Elementos para una teoría del minicuento, Tunja, Colibri, 1996.
[24] Lauro ZAVALA, « El cuento ultracorto: hacia un nuevo canon literario », in Sara POOT HERRERA, El cuento mexicano: homenaje a Luis Leal, Mexico, UNAM, 1996, p. 165–181, p. 171.
[25] Cristina ÁLVARES, « Nouveaux genres littéraires urbains en français. Micronouvelles et nouvelles en trois lignes », Diacrítica. Série Ciências da Literatura, 27, 2013, p. 159-182, p. 164-165.
[26] Michelle YEH, « Introduction », No Trace of the Gardener: Poems of Yang Mu, New Haven, Yale University Press, 1998, p. xxiv-xxv.
[27] Kuei-fen CHIU, « Cosmopolitanism and Indigenism: The Uses of Cultural Authenticity in an Age of Flows », New Literary History, 44 (1), 2013, p. 159–78, p. 172-173.
[28] C. TSAI, op. cit., p. 41.
[29] Pour une discussion détaillée des liens entre études autochtones formosanes comme sous-champ des études taïwanaises vs. intégrées dans les recherches sur les indigénéités au sens large, voir Scott SIMON, « Ontologies of Taiwan studies, indigenous studies, and anthropology », International Journal of Taiwan Studies, 1, 2018, p. 11-35.
[30] « Le Jianghu (litt. « les rivières et les lacs ») désigne dans la littérature chinoise une société parallèle où évoluent combattants, guerriers et autres chevaliers errants – formant ce que l’on appelle le Wulin 武 林 (litt. « la forêt martiale ») – mais aussi des bandits, des mercenaires, des ermites, des sorciers, des prostituées ou des mendiants vivant en marge de la société traditionnelle », définition tirée de Gwennaël GAFFRIC, « Préface : Les microcosmes de Walis Nokan », Les sentiers des rêves et autres micro-fictions, Paris, L’Asiathèque, 2018, p. 15.
[31] Laura Hua WU, « From Xiaoshuo to Fiction: Hu Yinglin's Genre Study of Xiaoshuo », Harvard Journal of Asiatic Studies, 55 (2), 1995, p. 339-371, p. 340. Voir cet article pour une discussion du développement historique du xiaoshuo en tant que genre.
[32] Bell HOOKS, op. cit., p. 54.
[33] Irène LANGLET, « Les échelles de bâti de la science-fiction », Revue critique de fixxion française contemporaine, 1, 2012, p. 23-38, p. 33.
[34] Cristina ÁLVARES, op. cit., p. 164.
[35] Pour une discussion de l’étymologie du terme et une analyse détaillée de la résolution des rêves glyphomantiques dans la littérature de fiction des Qing, voir : Aude LUCAS, L'expression subjective dans les récits oniriques de la littérature de fiction des Qing, Paris, Université Paris Diderot, 2018, thèse de doctorat.
[36] « Toute une vie », p. 127-128.
[37] Ma traduction – extrait d’une conférence donnée par Walis Nokan le 25 mars 2018 au Qidong Poetry Salon de Taipei, et intitulée « Lambeaux de fiction en poèmes : l’exemple des micro-fictions de Walis Nokan » (小說截成詩:以《瓦歷斯微小說》為例 Xiaoshuo jie cheng shi : yi Walisi wei xiaoshuo wei li). URL : https://www.youtube.com/watch?v=SUkJxNq5Efc. Dernière consultation le 15 janvier 2019.
[38] Définition donnée par Walis Nokan le 7 mai 2017 lors d’un cycle de conférences organisé au Musée national de la littérature à Tainan.
[39] Ma traduction – extrait de la conférence « Lambeaux de fiction en poèmes » (cf. note 36).
[40] C. TSAI, op. cit., p. 40.
[41] Ma traduction – extrait de la conférence « Lambeaux de fiction en poèmes » (cf. note 36).
[42] Walis NOKAN, « 小詩人與二行詩 », Wenxun, 345, juillet 2014, p. 70-73.
[43] Walis NOKAN, « 迷霧之旅 », première publication dans le Central Daily News, 24 février 1999.
[44] Andrea BACHNER, « Cultural Margins, Hybrid Scripts », Journal of World Literature, 1, 2016, p. 226–244, p. 227.
[45] C. TSAI, op. cit., p. 45.
[46] Pour une exploration des liens avec la littérature orale, voir : Yu-Ling LIU 劉育玲, «口傳文學與作家文學的三重對話-以台灣原住民族文學為考察中心 », Zhongwai wenxue, 38 (3), 2009, p. 235-275.
[47] Mary Louise PRATT, « The short story: The long and the short of it », Poetics, 10 (2-3), 1981, p. 175-194, p 190.
[48] Walis NOKAN, «殖民影像及其論述的影想 », Duoyuan wenhua jiaoliu, 6, juin 2014, p. 18-33, p. 32.
[49] Walis NOKAN, « 影想 » [« Influ-pensées »], INK Literary Magazine, 14 (10), juin 2018, p. 48-77.
[50] Buluo, est, comme l’explique Jérôme Soldani un « terme chinois qui désigne aussi bien le « village » que la « tribu », avec toutes les ambigüités que peuvent recouvrir ces deux notions ». Jérôme SOLDANI, « Les jeux sportifs des Austronésiens formosans », Sciences du jeu [En ligne], 10 | 2018, mis en ligne le 28 octobre 2018, consulté le 23 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/sdj/1237.
[51] C. TSAI, op. cit., p. 39.
Résumé
Partant de deux caractéristiques fondamentales de la micro-fiction, leur caractère « micro » et « hybride », cette contribution s’attache à montrer comment ce genre littéraire est mobilisé par l’écrivain atayal Walis Nokan pour déstabiliser la catégorie de « littérature autochtone », à travers laquelle les auteurs sont jugés à l’aune de leur maîtrise du chinois et de l’horizon d’attente d’un lectorat qui les considère avant tout comme passeurs d’une « authenticité culturelle ». D’une part, un bousculement des genres et des formes canoniques permet de légitimer des formes alternatives de littérarité ; d’autre part, une réappropriation de la littérature par les enfants et une articulation des rôles de chercheur, d’activiste et d’écrivain vise la réappropriation de savoirs utiles à la communauté.
Abstract
Starting from two key characteristics of microfiction, its smallness and hybridity, this contribution aims to show how the genre is taken up by Atayal writer Walis Nokan to disrupt “indigenous literature” as a category where writers have been judged against their mastery of the Chinese language, and move beyond readership expectations of indigenous writers as vectors of “cultural authenticity”. Unsettling genres and canonical forms allows to legitimate alternative forms of literature, which get reappropriated by and for children, and enables rethinking the articulation between the roles of writer, activist and researcher as a way to restitute knowledge useful to the community.
Déstabilisation des catégories : intertextualités et marginalités
Déstabilisation de la langue : jeux et enjeux
Déstabilisation des frontières de la littérature
Micro-récits, micro-poèmes et travail didactique
Coraline JORTAY
Aspirante F.R.S.-FNRS
Université libre de Bruxelles (ULB), EASt, Philixte, Striges
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