La mer et l’imagerie marine, la navigation, le marin constituent l’un des réseaux d’images les plus fréquemment employés par la poésie lyrique du XVIe siècle. Les poètes font ainsi appel à une longue tradition littéraire, qui plonge ses racines dans les textes de l’Antiquité grecque et latine.
Ces mêmes images ont fait l’objet de diverses études qui s’attachent, pour l’essentiel, à identifier leurs sources et montrer leur transmission à travers les textes. Les images de la mer, du navigateur et du voyage marin ont d’abord été étudiées par Ernst Robert Curtius, dans La Littérature européenne et le Moyen Age Latin (1948)1. Le philologue allemand souligne la fortune des « métaphores nautiques » dans la littérature occidentale et révèle que ces représentations sont, très tôt, dotées d’un sens symbolique : déjà, dans l’Odyssée et dans l’Énéide le voyage marin et le naufrage se voient dotés d’un sens allégorique. Diverses études, comme celles de Renée Luciani ou celle, plus ancienne, d’Angel Mazzei ont exploré la présence de l’eau ou les images de navigation dans la poésie de Pétrarque ou de Boscán2. Le professeur Blecua a également proposé une anthologie conséquente (368 pages) de textes sur la mer dans la poésie espagnole, illustrée par des dessins d’Eduardo Vicente3. María del Pilar Manero, dans son répertoire des images pétrarquistes, accorde une place importante aux images du marin et de la navigation4. Madame Manero procède de la manière suivante : elle prend pour point de départ les images de la mer et de la navigation qui se trouvent dans l’œuvre de Pétrarque (essentiellement le Canzoniere), elle indique les sources de cette image dans la poésie classique, grecque et latine, ainsi que dans la poésie lyrique du dolce stil nuovo et cite enfin de nombreux textes d’auteurs pétrarquistes, italiens et espagnols, de la Renaissance et de l’époque baroque, qui emploient cette image. Le thème de la mer et de l’eau a également retenu l’attention de divers spécialistes5. Enfin, en 2015, une thèse a été soutenue sur la mer dans la poésie de Góngora6, poursuivant ainsi une piste qui avait été ouverte par les articles de Pedro Granados en 1994 et de Joaquín Roses Lozano en 20077. Si le thème marin a donné lieu à des analyses plus approfondies pour ce qui est de l’œuvre de Góngora, la plupart des études consacrées au thème marin dans la poésie du XVIe siècle s’attachent à rechercher les sources du thème de la mer et de la navigation marine mais n’approfondissent pas toujours les significations particulières de ces images et leur fonctionnement dans le langage poétique.
Notre ambition, ici, n’est pas de revenir, une fois de plus, sur les sources de cette représentation de la mer, mais plutôt de voir comment se construit, dans la poésie lyrique du XVIe siècle, cet imaginaire marin. Le thème marin donne lieu, dans cette poésie à un véritable réseau d’images, et il est intéressant d’analyser comment ce réseau s’ordonne et se structure, quelle est son organisation poétique. La présente étude est donc une exploration, une navigation même, à travers un ensemble de textes qui convoquent l’imagerie marine. Nous montrerons d’abord comment divers textes de la poésie du XVIe siècle convoquent et utilisent la thématique marine avant de proposer, dans une seconde partie, des éléments d’analyse.
La source de ces images marines se trouve essentiellement chez Pétrarque et dans toute la poésie pétrarquiste italienne, mais aussi dans la poésie classique (on pense, notamment, à l’évocation de la tempête marine dans l’Enéide chant I, v. 81-123). A une période où l’imitatio est érigée en règle et en principe de production artistique, ces écritures poétiques ne sont pas des écritures originales. Aucune ne propose une vision originale de la mer et toutes s’inspirent de divers modèles (répertoriés par Pilar Manero). La thématique marine se caractérise donc par une grande homogénéité (mêmes thèmes, mêmes représentations chez la plupart les poètes). Nous analyserons donc quel usage est fait de la thématique marine et quelles sont ses significations.
Le premier poète que nous invitons à considérer est Juan Boscán (né à Barcelone entre 1485 et 1492 et mort en 1542), ami de Garcilaso et, avec lui, l’un des artisans du renouvellement de l’écriture poétique du XVIe siècle8. Chez Boscán la thématique marine apparaît dans plusieurs compositions poétiques et, en tout premier lieu dans un long poème, intitulé Mar de amor inclus dans le premier livre de ses Œuvres, imprimées en 1543 à Barcelone, par Carlos Amorós9. Le premier livre des Œuvres de Boscán contient des compositions qui s’inscrivent dans la tradition de la poésie castillane du XVe siècle (dite poésie « cancioneril »). Le poème Mar de amor est un long poème allégorique écrit en strophes de dix vers octosyllabes qui développe le thème de la navigation sur la mer d’amour, une mer dangereuse dans laquelle le je poétique brave tous les dangers. Le thème marin apparaît dès la strophe 1 (v. 1 à 10) :
El sentir de mi sentido
tan profundo ha navegado
que me tiene ya engolfado
donde bivo despedido
de salir a pie ni a nado.
Las honduras penetro
con sobra de atrevimiento
tant en fin se aventuró
que do se perdió halló
ser justo su perdimiento10.
Le thème marin exprime ici des images de perdition (« me tiene engolfado/ donde bivo despedido/ de salir a pie ni a nado »), mais aussi l’idée de pénétrer les profondeurs, c’est-à-dire, métaphoriquement, d’arriver à un sens secret, à une connaissance supérieure des choses par l’amour et la douleur d’aimer. C’est ce que suggère le jeu des verbes perder/ hallar qui fonde une figure chère à la poésie des chansonniers, le paradoxe : se perdre dans la mer d’amour, c’est aussi trouver un sens supérieur, ce que traduit l’image d’accéder aux profondeurs (« las honduras penetro »). Le thème marin réapparaît à plusieurs reprises, notamment aux v. 91-95 :
En la mar me quiero estar
del amor do estoy metido,
que aunque aquí me avéys traído
para poderme matar
con mayor gloria he bivido11.
Le je poétique revendique ici cet espace hostile qu’est la mer, et se livre à nouveau à des jeux d’inversion paradoxale, faisant coïncider les opposés (matar/ bivir, perder/ ganar). Le thème marin réapparaît à la dernière strophe du poème Mar de amor, qui évoque l’idée de parcours initiatique (« el profundo ha de passar ») et joue sur l’ambivalence sur des termes passar (surpasser et souffrir), el profundo (les profondeurs de la mer et les profondeurs figurées du sens) :
Y, por mejor guarecer
la gloria de mi penar,
la quise en el mar poner
do quien la quisiere yr a ver
del profundo ha de passar12.
La représentation de la mer dans le Mar de amor de Juan Boscán convoque une mer purement imaginaire, intellectuelle même. Le poète reste dans la vision traditionnelle de la mer comme mer hostile, dangereuse, mais il y ajoute du sens en créant une corrélation entre la mer, l’idée de profondeur, le secret et le savoir, et en développant l’idée qu’il faut traverser la mer d’amour, ses difficultés et ses souffrances, pour atteindre un sens supérieur.
La mer apparaît également dans deux sonnets de Boscán, où la thématique marine est au cœur du sonnet. Il s’agit du sonnet 100, qui décrit de manière particulièrement vivante la tempête marine (on notera le sens actif de « temeroso » qui signifie ici « que provoca miedo ») :
En alta mar rompido stá el navío
con tempestad y temeroso viento,
pero la luz que ya ‘manecer siento,
y aun el cielo, hacen que confío.
La ‘strella con la cual mi noche guío,
a vueltas de mi triste lassamiento,
alço los ojos por miralla atento,
y dize que, si alargo, el puerto es mío.
Da luego un viento ue nos da por popa;
a manera de nubes vemos tierra;
y á rato ya que dizen que la vimos.
Ya començamos a enxugar la ropa,
y a encarecer del mar la brava guerra,
y a recontar los votos que hecimos13.
Et du sonnet 107, qui cultive les structures binaires (le comparant dans le premier quatrain, le comparé dans le second quatrain ; opposition entre le second quatrain, qui évoque une navigation sereine, et les tercets, qui évoquent la tempête marine et ses dangers) :
Como el patrón que, ‘n golfo navegando,
lleva su nao, y viendo claro ‘l cielo,
está más lexos de tener recelo
que si ‘stuviesse en tierra passeando :
así yo por lo hondo travessando
de mi querer, que nunca tuvo suelo,
el rato que me hallo ‘star sin duelo,
que voy seguro luego ‘stoy pensando.
Pero después, si el viento mueve guerra
y la braveza de la mar levanta
acude ‘l nunca mas entrar en barca,
y el voto d’ir a ver la casa santa,
y el dessear ser labrador en tierra
mucho mas que’n la mar un gran monarca14.
Là encore, la mer apparaît comme un lieu de danger et comme l’espace de la Fortune, de l’incertain.
À partir du sonnet 113, la poésie de Boscán s’infléchit pour chanter la sérénité de l’amour correspondu. Le thème marin demeure, mais se modifie. Cette fois le texte évoque une mer apaisée et l’arrivée au port, comme dans le sonnet 123 (qui reprend la structure binaire déjà employée ailleurs : comparant dans le premier quatrain, comparé dans le second quatrain) :
Como en la mar, después de la tiniebla,
pone alboroço el assomar el día,
y entonces fue placer la noche ‘scura,
assí en mi coraçón, ida la niebla,
levanta en major punto al alegría
el pasado dolor de la tristura15.
Le thème marin réapparaît également dans d’autres compositions de Boscán, notamment dans le sonnet 99 du livre II, dans la Octava Rima (v. 667-668 : « como las dos estrellas que son guías/ de los que en alta mar van navegando ») et dans le Capítulo (v. 10-12: « El que por vos su Norte, Sol y Luna/ navega sin hallar playa ni puerto,/ y vuestra luz lo dexa sin ninguna»)16, qui cultivent, notamment l’image de la navigation sur la mer d’amour, où les yeux de la dame sont deux étoiles, qui guident le marin.
Garcilaso se caractérise par un emploi plus réduit de la thématique marine. L’imagerie marine est employée dans la Seconde Elégie (v. 145-167) adressée à Juan Boscán, pour évoquer la sérénité du destinataire, opposée à l’errance perpétuelle du je poétique :
Tú, que en la patria, entre quien bien te quiere
la deleitosa playa estás mirando
y oyendo el son del mar que en ella hiere,
y sin impedimiento contemplando
la misma a quien tú vas eterna fama
en tus vivos escritos procurando,
alégrate, que más hermosa llama
que aquella que’l troyano encendimiento
pudo causar el corazón t’inflama;
no tienes que temer el movimiento
de la fortuna con soplar contrario,
que el puro resplandor serena el viento.
Yo, como conducido mercenario,
voy do fortuna a mi pesar m’envía,
si no a morir, que aquéste’s voluntario;
solo sostiene la esperanza mía
un tan débil engaño, que de nuevo
es menester hacelle cada día,
y si no le fabrico y le renuevo,
da consigo en el suelo mi esperanza
tanto que’n vano a levantalla pruebo17.
La thématique marine alimente ici un jeu poétique d’antithèses spatiales et notionnelles opposant la première personne à la seconde personne du singulier : le MOI énonciateur s’oppose au TOI récepteur et destinataire, l’errance du MOI s’oppose à la quiétude et à la sécurité dont jouit le TOI. L’exil douloureux du MOI, qui guerroie loin du pays natal s’oppose à la félicité du TOI qui réside dans la patrie. Enfin, la douleur du MOI, mal aimé, s’oppose au bonheur serein d’un TOI qui jouit d’un amour réciproque. Au sein de ce réseau d’oppositions, il est intéressant de noter que la mer est synonyme d’errance et qu’elle nourrit un réseau d’antithèses opposant mouvement/stabilité, malheur/bonheur, incertitude/certitude. Ces réseaux tissés autour de l’imagerie marine montrent que la mer signifie beaucoup plus que la mer : l’espace marin est in-quiétude, tourment, errance loin de l’être aimé ou de la patrie regrettée.
Cetina consacre à la navigation et au marin une série très riche de sept sonnets : il s’agit des sonnets 157, 158, 159, 160, 161, 162, 164 de l’édition de Begoña López Bueno18. Le premier sonnet de la série, le sonnet 157, évoque une navigation difficile et douloureuse, dans une mer démontée :
Golfo de mar con gran fortuna airado
se puede comparar la vida mía
van las ondas do el viento las envía
y las de mi vivir do quiere el hado;
no hallan suelo al golfo, ni hallado
será cabo jamás en mi porfía;
en el golfo hay mil monstruos que el mar cría,
mi recelo mil monstruos ha criado;
en el mar guía el norte, a mí una estrella;
nadie se fía del mar, de nada fío;
vase allí con temor, yo temeroso;
por mis cuidados van, naves por ella.
Y si en algo difiere el vivir mío,
es en que se aplaca el mar, yo no reposo19.
Ce sonnet est intéressant à plusieurs titres : le premier quatrain assoit explicitement la comparaison (« se puede comparar ») et introduit le thème de la Fortune (« do quiere el hado »). Le reste du sonnet développe des chaînes d’images (la jalousie est assimilée aux monstres marins qui menacent le navire, le je poétique apparaît guidé par une étoile), mais le dernier tercet effectue un revirement et réserve au lecteur un effet de surprise en rompant l’analogie moi/marin (le marin connaît le repos lorsque la mer est calme, alors que le moi vit dans une perpétuelle inquiétude).
Les sonnets 158 et 159 proposent une structure comparative que nous avons déjà observée, à l’œuvre, chez Boscán : l’image du marin qui navigue au milieu de la tempête est développée dans les quatrains, tandis que les tercets, qui débutent par le modalisateur de comparaison así, introduisent la comparaison avec le je poétique :
Corre con tempestad furiosa y fuerte
el más cuerdo piloto, el más experto,
y en viendo cerca el deseado puerto,
el miedo en esperanza se convierte;
mas queriendo surgir la mala suerte,
lo torna con extraño desconcierto;
sale un viento cruel, contrario, incierto,
que atrás lo vuelve a recelar la muerte.
Así yo, en la fortuna del deseo
a vos vengo, que sois el puerto mío,
donde de tanto mal pienso salvarme;
mas, ¡ay, hado cruel!, que apena os veo,
cuando un contrario viento de un desvío
hace que en el dolor vuelva a engolfarme20.
Le sonnet 158, de surcroît, insiste sur le thème de la Fortune (« a la ventura ») et de la mer comme espace (et image) des aléas de la Fortune :
Por el airado mar a la ventura
va el marinero con tormenta fiera,
y viéndose perder, salvarse espera
en el batel do su morir procura;
porque lo ordena así su desventura
por allí donde pensó salvarse muera,
volviendo al puerto, al fin, salva y entera
la nave que juzgó menos segura.
Así, señora, yo buscando un medio
que me pueda escapar de un mal tan fuerte,
do me pensé ganar vine a perderme.
Mas ¿qué puedo hacer quien su remedio
vio puesto en el arbitrio de la suerte?
¿De quién sino de vos puedo valerme21.
Le sonnet 162 évoque le thème de la tempête marine et met en place toute une météorologie amoureuse (les vents sont les soupirs, la mer est une mer de larmes, le ciel orageux est une image de la dame orgueilleuse et dédaigneuse) :
Si no socorre Amor la frágil nave,
combatida de vientos orgullosos,
que entre bravos peñascos peligrosos
la hizo entrar un fresco aire suave,
tal carga de dolor lleva y tan grave
de pensamientos tristes, congojosos,
que no pueden durar tan enojosos
días sin que el morir me desagrave.
Desdén rige el timón, furor la vela,
trabajo el mástil y la escota el celo;
lágrimas hacen mar, suspiros viento.
Nublado escuro de soberbia cela
el norte mío, y sólo veo en el cielo
pena, dolor, afán, rabia y tormento22.
Enfin, l’imagerie de la navigation et du moi-marin est également employée dans la poésie d’éloge, comme dans le sonnet 23423, mais c’est indiscutablement dans la poésie amoureuse que cette imagerie est la plus dense et la plus rentable poétiquement : la mer, la tempête, la navigation difficile expriment et figurent les douleurs et difficultés de l’amour.
Francisco de la Torre consacre de nombreuses compositions au navigateur et à la thématique marine. Le marin apparaît notamment dans l’Ode V du livre I :
El navegante, cuando
turbado cielo ruega
con lágrimas y votos,
su ventura maldice24.
Le sonnet XXVI du même livre évoque une navigation dans la chevelure féminine :
Las peligrosas bravas ondas de oro
donde perdió mi navecilla el cielo25.
Le sonnet XVI du livre II développe, comme on a pu l’observer aussi chez Garcilaso une opposition du TOI et du MOI alimentée par la thématique marine. Le MOI, en danger, dans l’obscurité, faisant l’expérience douloureuse d’une errance sans repère, s’oppose au TOI qui séjourne au port, en toute sécurité :
Vos, que miráis del puerto la tormenta,
y descubrís en su rigor el claro
norte que os hizo descubrir la tierra:
mirad mi luz, a quien el cielo avaro
con turbia nubes cubre; porque sienta
cuánto mal hace su una vez se cierra26.
Dans l’Ode IV du livre II, le personnage de Tirsis (qui apparaît comme un double du sujet poétique) donne lieu à des images de la navigation dangereuse et de la tempête marine. Le poème recourt à une personnification des vents et du ciel, et l’art de la description, relayé par l’abondance et la puissance expressive des épithètes (frío, ardiente, insana, espantosos), dessine un véritable combat des éléments déchaînés dans lequel l’homme et son frêle navire subissent la fureur de la mer et des vents :
¡Tirsis! ¡Ah Tirsis! Vuelve y endereza
tu navecilla contrastada y frágil,
a la seguridad del puerto; mira
que se te cierra el cielo.
El frío Bóreas y el ardiente Noto
apoderados de la mar insana
anegaron agora en este piélago
una dichosa nave.
Clamó la gente mísera, y el Cielo
escondió los clamores y gemidos
entre los rayos y espantosos truenos
de su turbada cara27.
Dans le livre II, le sonnet XIX développe également la thématique de la tempête marine et l’image du naufragé. La mer est, d’emblée, ici, dotée d’un sens métaphorique (« la mar de mi tormento ») et tout le poème croise et entrelace des deux sens de la mer (mer concrète/ mer métaphorique) :
Camino por la mar de mi tormento
con una mal segura lumbre clara;
falta la luz de mi esperanza cara
y falta luego mi vital aliento.
Llévame la tormenta en el momento
por adonde viviente no llevara,
si rigurosamente no trazara
dar fin en una roca al mal que siento.
Espántame del crudo mar hinchado,
la clemencia que tiene de matarme;
y en el punto, me gozo de mi muerte.
Caí; la mar en habiéndome gozado,
Y porque era matarme remediarme,
A la orilla me arroja y a mi suerte28.
Le sonnet suivant (sonnet XX) poursuit la même thématique, mais de manière plus discrète :
Tirsis, la nave del cuitado Iolas,
hecha tablas la vuelca el mar furioso29.
Dans le livre III, l’Endecha X se clôt sur l’évocation de la navigation dangereuse, faisant rimer navegar (naviguer) et anegar (se noyer) :
Que en el mar turbado
que agora navego,
si una vez me anego,
quedaré anegado30.
Enfin, dans le livre III, la Canción III évoque aussi les dangers et les soucis de la navigation :
Cansado y afligido navegante
deja la mar, y deja la tormenta,
los fatigados miembros recreando ;
y en segura playa llora, y cuenta
cuántas veces vio a Júpiter triunfante31.
Au terme de ce parcours à travers différents textes poétiques, diverses analyses peuvent être proposées. Le premier élément qui frappe le lecteur est que ces textes proposent une vision de la mer très différente de la vision actuelle : dans la poésie lyrique du XVIe siècle, la mer est, presque toujours, un lieu de danger, un espace hostile où le je poétique, assimilé à un marin, traverse des difficultés et affronte des périls.
De Pétrarque au XVIIe siècle, la représentation poétique de la mer n’évolue pas (on reste sur des thématiques de tempête et de navigation dangereuse) alors que les techniques et instruments de navigation se sont nettement améliorés depuis le XVe siècle. Pourquoi ? Parce que l’on est dans une logique poétique et non dans une perspective référentielle. La vision de la mer que proposent ces textes poétiques est une vision littéraire, une vision héritée. La mer représentée n’est pas la mer réelle, mais une mer imaginaire, une mer littéraire qui apparaît déjà dans de nombreuses sources classiques. Ces textes s’inscrivent en effet, dans une poétique de l’imitatio, où l’écriture personnelle se construit à travers le filtre d’autres écritures, d’autres modèles. C’est ce passage à travers un ensemble de filtres, de modèles et de références héritées qui confère à l’expérience personnelle son caractère littéraire, comme l’a bien montré Nadine Ly dans un très bel article consacré à Garcilaso32.
La mer dans la poésie lyrique du XVIe siècle est toujours une mer hostile. La navigation est toujours un voyage tourmenté sur un navire « en perdition ». Les textes poétiques cultivent, tous, une vision douloureuse de la navigation. La navigation est toujours source de souci, d’inquiétude et de douleur, comme en témoigne l’emploi de l’expression « afligido navegante » chez Francisco de la Torre.
En ce sens nos poètes ne traduisent pas leur propre expérience de la Méditerranée, mais bien plutôt la représentation imaginaire – et littéraire – qu’avait la Renaissance du métier de marin. Pour connaître les représentations rattachées à la mer et au marin, l’un des meilleurs outils demeure les dictionnaires d’épithètes qui répertorient (aux XVIe et XVIIe siècles) les épithètes que l’on adjoint aux substantifs. À l’origine, ces manuels étaient destinés à tous ceux qui, soucieux d’écrire de manière élégante, recherchent des épithètes. Mais ces manuels sont aussi un outil précieux pour les chercheurs, dans la mesure où ils répertorient les adjectifs que l’on adjoignait habituellement aux substantifs (notamment, dans la littérature) et reflètent ainsi comment on voyait les choses et les êtres.
L’un des répertoires d’épithètes les plus communs, le plus publié peut-être et le plus utilisé certainement est celui de Jean de Ravisi, dit Ravisius Textor. Si l’on considère les épithètes adjointes au marin (NAUTA) dans le texte de Ravisius Textor, on constate que, dans la culture du XVIe siècle, le métier de marin n’est pas considéré comme une profession heureuse : être cupide, perpétuellement errant, esclave de la Fortune, en proie à l’inquiétude et danger, le navigateur était censé mener une existence remplie d’afflictions. Ravisius Textor qualifie le marin de miser, tremens, pavens, sollicitus (« inquiet, rempli de souci »), vagus, incertus, pontivagus (« qui erre sur la mer »), levisomnus et vigil33 Le marin (et c’est bien pour cela qu’il est choisi par les poètes) incarne la douleur, la détresse et l’in-quiétude de l’amant et s’intègre dans une écriture de la souffrance et de l’errance perpétuelle.
La mer n’est pas seulement un motif traditionnel, que les poètes utilisent dans une optique d’imitatio. Elle est aussi à l’origine et le point de convergence de véritables réseaux d’images : les yeux de la dame sont les étoiles qui éclairent le marin ou le phare qui guide le navigateur, l’absence de la dame ou sa cruauté ou sa colère sont évoquées par des images de tempête, de navigation difficile dans le brouillard ou dans les ténèbres de la nuit ; la jalousie qui tourmente l’amant peut aussi donner lieu à des images d’orage, de mer déchaînée et de tempête marine ; les larmes sont la pluie, les soupirs sont le vent ; la réapparition de la dame, sa bienveillance correspondent au retour du soleil qui apaise la tempête marine ; l’espoir est le vent qui gonfle les voiles ; les vents contraires sont ceux de la Fortune, qui éloignent l’amant de l’être aimé ; les écueils ou les monstres marins sont les difficultés rencontrées, la jalousie ou la présence d’un rival. Enfin, les images de navigation se terminent parfois sur l’image de la nef qui arrive au port ou qui accoste à la place. Le bonheur ou l’amour correspondent au port ou à la plage tant désirés. La rentabilité poétique, métaphorique, de ces images est évidente, elle explique aussi le caractère récurrent des thèmes de la mer et de la navigation. On peut donc, en toute légitimité, parler d’« imaginaire », considéré comme ensemble cohérent et organisé d’images.
Dans tous les cas, la mer, la navigation et le marin apparaissent saturés de significations symboliques. Dans la poésie amoureuse, ils expriment de manière imagée l’inquiétude de l’amant, ses incertitudes, la douleur ou la jalousie qui le tenaillent.
Dans une perspective plus large, les images de la mer et de la navigation sont étroitement liées au thème de l’homo viator, de la vie comme parcours, ou voyage, semé d’embûches. La navigation marine et la tempête sont également l’emblème de la Fortune et de ses aléas.
Au sein de ce réseau de significations symboliques, on relèvera et on soulignera la force des représentations qui relient la navigation et le marin à Saturne, astre de la mélancolie. En effet, les astrologues médiévaux font de Saturne le seigneur des marins : Abu Masar affirme que Saturne « gouverne les voyages en mer »34 tandis qu’Alcabitius associe Saturne « à la conduite et le commandement des navires » et au métier de marin35. Pour Vettius Valens, Messalah et Ben Ezra, Saturne est le seigneur de la navigation mais aussi de la noyade36. La tradition associant Saturne à la navigation se poursuit à la Renaissance, où le texte de la Città di vita de Matteo Palmieri associe Saturne aux marins37. Ce patronage, posé entre Saturne et le métier de marin, est riche de significations dans la mesure où il place les images de la navigation en lien direct avec la thématique, fructueuse dans cette poésie, de la mélancolie.
Le recours important à la thématique et à l’imagerie marine permet à ces différents auteurs de mettre l’accent sur l’idée d’errance, qui est véritablement – comme la mélancolie – au cœur de ces langages poétiques. Dans tous ces poèmes, l’errance caractérise le sujet poétique, elle est son mode d’être.
Cette errance est profondément polysémique : l’errance peut être spatiale (comme cela apparaît, notamment dans la Seconde Elégie de Garcilaso), vitale (on retrouve ici le motif traditionnel de l’homo viator) ou encore amoureuse (on évoquera, de ce point de vue, le titre fort significatif du recueil poétique de Pontus de Tyard, Les Erreurs amoureuses)38. L’amour est errance, car le je poétique poursuit un objet qui, sans cesse, se soustrait à sa prise. Mis à part les textes où Boscán évoque le bonheur et la sérénité de celui qui a atteint le port après la tempête (évocation imagée de sa félicité conjugale), l’amour, tel que le dépeignent la plupart de ces poèmes, est perpétuel déplacement vers un objet qui est toujours hors de portée, quête sans fin, éternelle errance. Comme l’explique Jean-Claude Carron dans une très belle thèse, déjà ancienne, sur l’œuvre poétique de Pontus de Tyard, « La dame est l’objet d’un choix à la fois nécessaire et impossible ; elle est la cause et le but de l’amour et aussi l’obstacle à sa réalisation »39. Le tourment, la perpétuelle errance, la tension vers un objet qui, toujours, se soustrait et s’éloigne sont exprimés de manière privilégiée par la thématique du voyage marin peuplé d’incertitudes, d’espoirs, de péripéties et de périls.
La navigation, avec ses images d’errance douloureuse et dangereuse sur la mer, permet aussi, à toutes ces écritures, de mettre l’accent sur la notion de désir et, partant, sur des représentations dynamiques, axées sur l’idée de mouvement. En effet, dans le système de représentation du XVIe siècle, le désir est tension, impulsion, autrement dit mouvement perpétuel vers un but non atteint. C’est ce qu’expose Léon L’Hébreu dans ses Dialogues d’amour (publiés en italien en 1502, ils seront très vite traduits dans les principales langues de culture de l’Europe moderne). Dans ce texte, le personnage de Philon distingue entre Désir (assimilé au mouvement, à la tension perpétuelle vers un objet) et Amour (assimilé à la stabilité, à l’immobilité). Voyons en effet la traduction française qu’en donne Pontus de Tyard, publiée à Lyon, chez Jean de Tournes, en 1551 :
je dy que le Desir est une affection ou de vouloir avoir la chose estimée bonne, laquelle nous default, ou de vouloir qu’une chose soit laquelle n’est point, et l’Amour est une voluntaire affection d’avoir fruition et jouir en union de la chose estimée bonne40.
Cette dialectique du Désir et de l’Amour, comme une dialectique opposant absence (dans le désir) et présence (dans l’amour) s’inscrit dans la lignée du Banquet de Platon (200e ; 204e-205d). Elle sera reprise par la Somme Théologique, où Thomas d’Aquin oppose, d’une part, desiderium et concuspicentia qui sont basés sur l’absence de la chose désirée (bonum nondum habitum), à delectatio, qui suppose la possession de ce bien (bonum adeptum)41. La citation de Léon L’Hébreu et les conceptions qui s’y rattachent projettent ainsi une lumière nouvelle sur la Seconde Élégie de Garcilaso qui oppose un moi errant, en perpétuel mouvement, à un toi destinataire (Boscán) qui, heureux et marié, se trouve sur la plage, ayant atteint la fin de l’errance maritime et de la « navigation » amoureuse.
Quelques éléments, enfin pour conclure. On soulignera la place et le rôle central de la thématique marine dans la poésie lyrique du XVIe siècle. La mer y est toujours une mer imaginaire : ces textes ne proposent pas une vision référentielle de la mer, mais une vision héritée, littéraire. On soulignera aussi la fécondité, la rentabilité poétique de la thématique marine, qui se ramifie en une multitude de représentations, donnant lieu à un véritable réseau d’images. Enfin, on soulignera aussi la multiplicité et la densité des significations de ces images de la mer et de la navigation, en lien avec les idées d’errance, de désir, de tension perpétuelle vers un objet hors d’atteinte, ce qui met en évidence l’importance des représentations dynamiques dans ces écritures poétiques.
[1] Robert Curtius, Literatura europea y Edad Media latina, Mexico, FCE, 1988, t. I, p. 189.
[2] Renée Luciani, « La barque et le port », in Francesco Petrarca, Actes du Congrès International, Avignon, 1974, p. 281-294 ; Ángel Mazzei, « El agua en la poesía de Boscán », BAAL, 10, 1942, p. 497-505.
[3] José Manuel Blecua, El mar en la poesía española. Selección y carta de navegar. Madrid, Imprenta de S. Aguirre/ Editorial Hispánica, 1945.
[4] María del Pilar Manero Sorolla, Imágenes petrarquistas, Imágenes petrarquistas en la lírica española del Renacimiento, Barcelone, PPU, 1990, p. 200 et suiv.
[5] Paul Murgatroyd, « The Sea of Love », The Classical Quarterly, 45, 1995, p. 9-25 ; Pedro Ruiz PÉrez, « Un espejo de zafiro para Polifemo: de los ríos al mar en la nueva poesía », in B. López Bueno (éd.), El Poeta Soledad. Góngora 1609-1615, Saragosse, Universidad de Zaragoza, 2011, p. 149-177.
[6] Madoka Tanebe, Imágenes del mar en la poesía de Góngora: de los romances piscatorios a las Soledades, Universidad de Córdoba, Departamento de Literatura Española (sous la direction de Joaquín Roses Lozano), 2015.
[7] Pedro Granados, « El mar como tema estructurante en la Fábula de Polifemo y Galatea de Luis de Góngora », Lexis, 18, 1994, p. 177-196 ; Joaquín Roses Lozano, «Pasos, voces y oídos: el peregrino y el mar en las Soledades (II, v. 112-189)», in Góngora: Soledades habitadas, Malaga, Universidad de Málaga, 2007, p. 79-95.
[8] Sur ce sujet : Antonio Armisén, Estudios sobre la lengua poética de Boscán: la edición de 1543, Saragosse, Universidad de Zaragoza, 1982 ; Anne J. Cruz, Imitación y transformación: el petrarquismo en la poesía de Boscán y Garcilaso de la Vega, Amsterdam-Philadelphie, J. Benjamins, 1988.
[9] Las obras de Boscán y algunas de Garcilaso de la Vega, repartidas en cuatro libros, Barcelone, Carlos Amorós, 1543.
[10] Juan Boscán, Obras, Carlos Clavería (éd.), Barcelone, PPU, 1991, p. 154.
[11] Ibid., p. 157.
[12] Ibid., p. 171.
[13] Ibid., p. 353.
[14] Ibid., p. 368.
[15] Ibid., p. 386.
[16] Ibid., p. 352, 561 et 576.
[17] Garcilaso de la Vega, Poesías castellanas completas, Elias L. Rivers (éd.), Madrid, Castalia (Clásicos Castellanos), 1996, p. 123.
[18] Gutierre de Cetina, Sonetos y madrigales completos, Begoña López Bueno (éd.), Madrid, Cátedra, 1990, p. 237-244.
[19] Ibid., p.237.
[20] Ibid., p. 238.
[21] Ibid., p. 238.
[22] Ibid., p. 242.
[23] Ibid., p.317
[24] Francisco de la Torre, Poesía completa, María Luisa Cerrón Puga (éd.), Madrid, Cátedra, 1984, p. 105.
[25] Ibid, p. 120.
[26] Ibid, p. 159.
[27] Ibid, p. 161.
[28] Ibid., p. 164.
[29] Ibid., p. 165
[30] Ibid, p. 214.
[31] Ibid., p. 176.
[32] Nadine Ly, « Garcilaso : une autre trajectoire poétique », Bulletin Hispanique, tome 83, 3-4, 1981 p. 263-329.
[33] Ioannis Ravisius Textoris, Epithetorum opus absolutissimum, Venetiis, apud Marcum Antonium Zalterium & Socium, 1583, s. v. nauta.
[34] Cité par Raymond Klibansky, Fritz Saxl et Erwin Panofsky, Saturne et la mélancolie, trad. sous la direction de Louis Evrard, Paris, Gallimard, 1989, p. 206.
[35] Cité par R. Klibansky, F. Saxl et E. Panofsky, op. cit., p. 207.
[36] R. Klibansky, F. Saxl et E. Panofsky, op. cit., p. 201 et suiv ; Messalah/Ben Ezra, Textos astrológicos medievales, trad. de Demetrio Santos, éd. Barath, s. l., 1981, p. 252 et 212.
[37] R. Klibansky, F. Saxl et E. Panofsky, op. cit., p. 401.
[38] Pontus de Tyard, Erreurs amoureuses, Lyon, Jean de Tournes, 1549 (rééditées en 1554, 155 et 1573).
[39] Jean-Claude Carron, Discours de l’errance amoureuse. Une lecture du canzionere de Pontus de Tyard, Paris, Vrin, 1986, p. 54.
[40] Juda Abravanel (ou Abrababel), dit Léon l’Hébreu, Dialogues d’amour : the French Translation attributed to Pontus de Tyard and published in Lyon, 1554, by Jean de Tournes, éd. de T. Anthony Perry, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1974, p. 41.
[41] Sur ce sujet : Anthony Levi, French Moralists. The Theory of Passions (1585 to 1649), Oxford, Oxford University Press, 1964, p. 20.
Résumé
La présente étude propose un relevé et une analyse des emplois de l’imagerie de la mer et de l’imagerie marine dans la poésie lyrique espagnole du XVIe, à partir d’un corpus de quelques auteurs (Boscán, Garcilaso, Cetina, Francisco de la Torre). L’analyse met en évidence la richesse et l’abondance des représentations associées à la mer et à la navigation. Ces images forment un véritable réseau cohérent, aux multiples ramifications. La signification de ces images est tout aussi riche : le marin, la mer et la navigation expriment, tour à tour, le thème de l’homo viator, les inquiétudes de la vie amoureuse, les aléas de la Fortune. Elles permettent, aussi, des oppositions pertinentes entre le je et le tu destinataire du poème, entre les images de tempête et de navigation dangereuse, d’une part, et, d’autre part, la sécurité de la plage ou de l’arrivée au port. Un examen des textes astrologiques révèle aussi que le marin est fils de Saturne, ce qui place les images de navigation en lien direct avec la thématique, fructueuse dans cette poésie, de la mélancolie. Enfin, l’imagerie marine et la thématique de la navigation permettent de mettre au cœur de ces poèmes les idées et les représentations d’une errance qui demeure, à tous points de vue, polysémique : errance amoureuse loin de la dame, loin de la patrie, mais aussi, et plus profondément in-quiétude essentielle qui préside à la création et à l’écriture.
Resumen
El presente estudio propone un repertorio y un análisis de las imágenes del mar y de la imaginería marina en la poesía lírica española del siglo XVI, a partir de un corpus de autores (Boscán, Garcilaso, Cetina, Francisco de la Torre). El análisis evidencia la abundancia y riqueza de las representaciones del mar y de la navegación. Estas imágenes forman una verdadera red, un sistema coherente, con múltiples ramificaciones. La significación de estas imágenes es asimismo muy rica : el marinero, el mar y la navegación expresan el tema del homo viator, las inquietudes del amor, las incertidumbres y posibles reveses de la Fortuna. También permiten oposiciones significativas entre el yo y el tú destinatario del poema, entre la navegación peligrosa en un mar tempestuoso y la seguridad de la playa o del puerto. El examen de los textos astrológicos revela además que el marinero es hijo de Saturno, lo que conecta las imágenes de la navegación con la temática, tan común como productiva en esta poesía, de la melancolía. Por fin, la imaginería marina y la temática de la navegación convocan en estos poemas las ideas y representaciones de una errancia que, a todos los niveles y en todos sus aspectos, es profundamente polisémica: errancia amorosa lejos de la dama, lejos de la patria, pero asimismo, más simbólicamente, esencial in-quietud que preside a la creación y a la escritura.
Une vision non référentielle : une mer imaginaire, littéraire, héritée
Navigation difficile et mer hostile : le marin dans les dictionnaires d’épithètes
L’importance des sens symboliques. Le marin, enfant de Saturne
Christine OROBITG
Aix Marseille Université, UMR 7303 TELEMME
Sources
Juda ABRAVANEL (ou ABABRABEL), dit LÉON L’HÉBREU, Dialogues d’amour : the French Translation attributed to Pontus de Tyard and published in Lyon, 1554, by Jean de Tournes, éd. de T. Anthony Perry, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1974.
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Études
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