Des chansons descriptives de Clément Janequin au Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen, les figures musicales de l’oiseau sont nombreuses, et portent témoignage de la pérennité et de la diversité du thème « aviaire ». Rien d’étonnant à cela, puisque le chant de l’oiseau, traditionnellement valorisé, est considéré comme musical par excellence, et a inspiré aussi bien les musiciens de tradition populaire que les compositeurs de musique « savante ». Imitation, ou inspiration ? Poser cette question, c’est se confronter à la question de la faculté (ou non) de représentation de la musique et, en particulier, à la question de la pertinence de la musique à programme, qui naît avec le romantisme. Après avoir tenté de cerner le problème dans la perspective des figures musicales de l’oiseau, nous aborderons le cas d’un oiseau musical aussi célèbre qu’énigmatique, éminemment romantique : l’« oiseau prophète » de Schumann, septième pièce du cycle pour piano intitulé Scènes de la forêt (Waldszenen) op. 82.
Les compositions musicales faisant explicitement référence aux oiseaux débordent la question de la musique à programme, historiquement délimitée au XIXe siècle, mais fournissent un axe de réflexion privilégié pour ce qui concerne l’aptitude – ou l’inaptitude — de la musique à imiter, à représenter, à exprimer. Cette question a suscité de très nombreux débats, depuis les théories classiques de l’imitation qui puisent leurs racines chez Platon et Aristote, jusqu’à la prise de position radicale de Hanslick : dans le contexte du romantisme finissant, qui sature la musique de significations diverses, le célèbre théoricien défend l’autonomie du beau musical. La musique, affirme Hanslick, ne représente ni n’exprime rien qui ne soit musical, rien d’autre que des figures purement musicales : « Que contient donc la musique ? Pas autre chose que des formes sonores en mouvement »1.
Au-delà – ou en deçà – des débats théoriques, qu’en est-il donc de la musique elle-même ? Eh bien, les références extra-musicales abondent au sein même des œuvres, et la musique s’ouvre largement au langage, à l’image, à la narration – à commencer, bien entendu, par la musique vocale. Même si l’on s’en tenait au thème de l’oiseau, l’inventaire serait large, depuis les chansons polyphoniques de Janequin (v. 1485-1558) : Le Chant de l’alouette, Le Chant des oiseaux, Le Chant du rossignol. Ces chansons mettent en œuvre un jeu inventif d’onomatopées, qui imitent le chant des oiseaux mentionnés – sans pourtant proposer une copie exacte, puisqu’il s’agit d’une musique chantée, qui se plie aux exigences de la notation et des techniques de composition en vigueur à la Renaissance. Il faut noter cependant que l’exigence d’évocation d’oiseaux précis (rossignol, merle, poule,…) amène un élargissement et un renouvellement du langage musical ; ici s’initie un mouvement qui se décline sous maintes formes au cours des siècles qui suivent : la volonté d’évoquer musicalement des sujets, des situations, des objets extrinsèques à la musique amène à en trouver les moyens et, ce faisant, à inventer un nouveau langage. Cet argument est fréquemment avancé par les « hétéronomistes », face aux défenseurs de l’autonomie de la musique2.
Dans le cas de Janequin, il s’agit de chansons, c’est-à-dire d’un texte mis en musique. Le célèbre exemple des Quatre Saisons de Vivaldi propose le cas d’une musique purement instrumentale (il s’agit de quatre concertos pour violon et orchestre), éditée en 1725 avec quatre sonnets qui décrivent la succession des quatre saisons. Chaque sonnet figure en exergue de chaque concerto, et Vivaldi indique sur la partition des repères qui précisent la correspondance entre le déroulement musical et celui du poème. Les oiseaux sont présents dans les deux premiers concertos : ils « saluent d’un chant allègre » le retour du printemps et, après l’orage, ils « emplissent à nouveau l’air de leurs chants ». Dans la torpeur de l’été,
Le coucou retrouve sa voix et joint son chant
À celui de la tourterelle puis du chardonneret3.
La distinction entre musique descriptive et musique imitative n’est pas toujours très nette, et les niveaux en sont souvent imbriqués, ainsi que le remarque Michel Chion : la musique imitative imite des phénomènes sonores (même de manière approximative et lointaine – et même, pourrait-on ajouter, stylisée) ; la musique descriptive « transpose des sensations et phénomènes qui ne sont pas exclusivement sonores »4. Les Quatre Saisons de Vivaldi illustrent parfaitement l’imbrication, en une même œuvre, d’éléments imitatifs (notamment les oiseaux) dans une composition descriptive. On pourrait multiplier les exemples, en particulier dans le répertoire des organistes et clavecinistes français du XVIIIe siècle, du Coucou de Daquin à La Poule ou Le Rappel des oiseaux de Rameau, qui mettent en œuvre des « phonotopées » ; néologisme forgé par Michel Chion, et immédiatement associé au chant des oiseaux, la phonotopée est
l’équivalent en musique de ce que l’onomatopée représente dans le langage : l’« imitation » – en réalité le signifiant conventionnel – d’une réalité. Les chants des oiseaux, par exemple, sont traduits musicalement par des phonotopées caractéristiques (trilles, roucoulements instrumentaux) qui n’ont parfois pas de grands rapports acoustiques avec le son réel des oiseaux, mais se reconnaissent dans la musique comme imitatives5.
La phonotopée de la poule, chez Rameau, se double d’une « onomatopée écrite », puisque Rameau indique au début de cette pièce pour clavecin, entre les deux portées : « co-co-co-daï » (note sol répétée trois fois en main droite, suivie d’un accord arpégé de sol mineur).
Exemple musical n°1. Rameau, La Poule (1728), mes. 1-3
Il y a donc inclusion de motifs ou de thèmes imitatifs dans une composition de type descriptif, donnant lieu à un travail compositionnel approfondi et développé. Ainsi la volonté d’imitation, de description, de représentation, donne-t-elle lieu à un travail spécifiquement musical (ou peut-être y est-elle prétexte). Cela se vérifie tout particulièrement avec la naissance de la musique « à programme ».
Genre romantique par excellence, la musique à programme consiste en une composition instrumentale se référant à un sujet ou un thème extra-musical, souvent de type narratif ; le déroulement de l’œuvre est déterminé par celui dudit sujet, qui « guide » à la fois le travail du compositeur et l’écoute de l’auditeur. Créée en 1830, la Symphonie fantastique de Berlioz est un archétype du genre : cette œuvre narre l’histoire « fantastique » d’un étudiant, que ses émois amoureux conduisent à l’échafaud et au Sabbat des sorcières ; l’histoire entière figure sur le programme que le jeune compositeur avait pris soin de distribuer au public, expliquant son projet et conseillant aux auditeurs de suivre le programme afin de bien comprendre l’œuvre musicale. Liszt diffuse l’expression « musique à programme », en se faisant le héraut du genre, tant à travers ses écrits que dans son activité de compositeur (il est l’auteur de nombreux « poèmes symphoniques »).
La musique à programme se développe selon diverses modalités, puisant souvent ses thèmes dans la nature, mais aussi dans l’aventure humaine, avec une fréquente dimension autobiographique, initiée dès la Symphonie fantastique. Dès la naissance de ce genre, les contestations concernent la démarche curieuse qui consiste à adjoindre à une composition musicale un programme, déclaré indispensable à la « compréhension » de l’œuvre : pourquoi la musique devrait-elle s’alourdir du langage même dont elle s’est affranchie ? On voit se profiler ici la réflexion qui, entre autres avatars, donnera naissance au formalisme. Plus conciliant, Liszt considère le programme comme une adjonction à la musique pure, une sorte de préface permettant d’éviter des interprétations erronées dues à la nature même du langage musical : il n’est pas inutile, considère-t-il, que le compositeur exprime « l’idée fondamentale de sa composition »6.
Paradoxalement, dans le même temps, les romantiques accordent à la musique une place prépondérante dans les arts : seule capable d’exprimer l’indicible, la musique est l’art qui permet le mieux de pressentir l’absolu. Ainsi, dans la célèbre critique que consacre Hoffmann à la Cinquième Symphonie de Beethoven, en 1810, on peut lire :
La musique ouvre à l’homme un royaume inconnu totalement étranger au monde sensible qui l’entoure, et où il se dépouille de tous les sentiments qu’on peut nommer pour plonger dans l’indicible7.
Cette déclaration était précédée par quelques lignes dans lesquelles Hoffmann affirmait l’autonomie de la musique et la suprématie de la musique pure :
Lorsqu’on parle de la musique comme d’un genre autonome, on ne devrait jamais penser qu’à la musique instrumentale qui, méprisant toute aide et toute intervention extérieure, exprime avec une pureté sans mélange cette quintessence de l’art qui n’appartient qu’à elle, ne se manifeste qu’en elle. Elle est le plus romantique des arts – on pourrait presque affirmer qu’elle seule est vraiment romantique8.
Comment la musique pure (instrumentale), « le plus romantique des arts », peut-elle s’incorporer des éléments « impurs » et donner naissance à la musique à programme ? C’est l’objet de la réflexion de Carl Dahlhaus concernant l’avènement du concept de « musique absolue » :
Si au XVIII siècle, la musique instrumentale était pour le sens commun esthétique un « bruit agréable » en dessous du langage, la métaphysique romantique de l’art en fit un langage situé au-dessus du langage. Mais la pulsion qui tendait à l’attirer vers la sphère moyenne du langage parlé s’avérait irrépressible9.
On voit comment, au-delà de l’apparente contradiction, s’articulent musique pure et musique à programme autour du concept d’absolu. L’idée de musique à programme, remarque sobrement Christian Accaoui, « ne pouvait naître que sous le régime de musique pure »10. C’est aussi à cause de son indétermination, parce que son mode de signification est assez vague, et qu’elle n’a pas la capacité de représenter précisément, que les romantiques épris d’absolu investissent la musique de pouvoirs suprêmes, énigmatiques et supra-naturels. Dès lors, on ne s’étonnera pas de trouver peu d’imitations d’oiseaux dans la musique romantique, fût-elle « à programme » – bien que les paysages sonores des romantiques, ainsi que le remarque Emmanuel Reibel, « se trouvent tiraillés entre le goût du détail, dans une approche pittoresque, et l’espoir d’une fusion mystique avec le Grand Tout »11. Certes, l’art romantique a parfois soigné le détail pittoresque jusqu’à la naïveté – et parfois au mauvais goût ! –, dans une approche métonymique qui ne convient guère à la musique. Mais on pressent bien que cet « oiseau prophète » que crée Schumann est le fait d’une imagination poétique plus que d’une observation exacte de la nature, attentive à reproduire aussi fidèlement que possible, en soignant les détails. Cela correspond exactement à ce qu’affirme Novalis lorsqu’il compare la peinture et la musique :
Nulle part plus que dans la musique, il n’est aussi frappant, et clair que c’est le seul esprit qui poétise le sujet (l’objet de la matière) et ses modifications […]. Tous les sons que la nature fait naître sont rugueux, frustes et dénués d’esprit : c’est seulement à l’âme musicale qu’il semble y avoir souvent de la mélodie et du sens dans le murmure des forêts, le sifflement du vent, le chant du rossignol ou le bavardage du ruisseau. Le musicien prend et tire de lui-même l’essence de son art ; – du plus léger soupçon d’imitation, il ne saurait être effleuré12.
Ainsi, ce n’est pas la nature qui est poétique, mais le regard que porte sur elle le peintre, l’oreille que lui prête le musicien – et la musique ne saurait en rien être imitation de la nature. Nous verrons à quel point le mode compositionnel schumannien s’inscrit dans cette conception romantique ; c’est aussi dans cette perspective que Schumann défend une position critique vis-à-vis de la musique à programme, tout en parant de titres évocateurs de nombreuses compositions.
En 1835, Schumann consacre un long article à la Symphonie fantastique, dans la Neue Zeitschrift für Musik, revue qu’il a créée l’année précédente. Conscient de l’importance et de l’originalité de cette œuvre récente, le compositeur livre une analyse approfondie de la symphonie, de ses particularités et de ses grandes qualités novatrices ; c’est à la fin de sa critique, seulement, qu’il mentionne l’existence du programme, dont il donne un résumé détaillé. Suit un commentaire réservé :
Tel est le programme. Toute l’Allemagne l’en dispense : de pareils guides ont toujours quelque chose de peu digne et de charlatanesque. En tout cas, les cinq titres eussent suffi ; les détails plus explicites, qui doivent évidemment intéresser à cause de la personne du compositeur, lequel a vécu lui-même sa symphonie, se seraient suffisamment transmis sans cela par la tradition orale. Non, l’Allemand, à l’esprit subtil, qu’indispose plutôt toute personnalité, veut n’être pas si grossièrement dirigé dans ses pensées13.
Le propos est clair : si des compositions musicales peuvent être pourvues de titres, un programme très détaillé est à proscrire ; peut-être satisfaisant pour des auditeurs français, il serait à coup sûr contre-productif pour des Allemands, qui n’ont pas besoin d’être guidés dans leur écoute. Nourri de littérature romantique allemande, Schumann indique implicitement que la musique n’a pas besoin de médium – elle est elle-même le médium par excellence. Et le compositeur n’a pas à rendre compte du processus de la création, de ses intentions, de ce qu’il a « voulu » faire ; c’est à l’œuvre qu’on doit s’intéresser (comme lui-même en tant que critique a rendu compte de l’œuvre de manière exhaustive, sans se préoccuper du programme qu’il mentionne tout à la fin), non au compositeur – d’autant plus que le processus créateur a quelque chose d’effrayant :
L’homme est pris d’une crainte instinctive toute particulière devant les laboratoires du génie ; il ne veut absolument rien savoir des causes, et outils et des secrets de la création, de même que la nature manifeste une certaine délicatesse quand elle recouvre de terre ses racines. Que l’artiste s’enferme donc quand il est en travail d’une œuvre ; nous apprendrions d’effroyables choses si nous pouvions, pour toutes les œuvres, voir jusqu’au fond de leur genèse14.
Schumann ne nie pas que des images puissent nourrir l’inspiration musicale – sa musique s’en fait largement l’écho. Mais, bien souvent, il a pris soin de gommer les éléments les plus saillants, les références littéraires les plus précises – ainsi dans les Papillons op. 2, inspirés par les Flegeljahre de Jean Paul Richter –, comme si elles étaient absorbées par la musique même. Et ce procédé résulte d’un choix raisonné et argumenté :
Ignorée, à côté de la fantaisie musicale, une idée souvent fait son chemin : à côté de l’oreille, l’œil…, et cet œil, l’organe toujours actif, saisit fortement alors au milieu des sons et des tons certains traits qui peuvent, avec la musique qui s’avance, se condenser et s’achever en formes précises. Maintenant, plus les éléments sympathiques de la musique portent en eux-mêmes les pensées ou les images engendrées à l’aide des sons, plus poétique ou plastique sera l’expression de sa composition, et plus fantastique ou plus pénétrante a été en général la conception du musicien, plus son œuvre élèvera l’âme ou l’empoignera15.
Schumann occupe donc une position singulière dans le débat sur la musique à programme, position assumée et justifiée par son œuvre même. De fait, les titres sont nombreux dans son œuvre, à la fois vagues et suggestifs – parfois codés, et toujours discrets sur la genèse extra-musicale des compositions musicales. Pour ne pas multiplier les exemples (qui abondent), contentons-nous de citer les titres des Phantasiestücke op. 12 : Des Abends (« Au soir »), Aufschwung (« Essor »), Warum ? (« Pourquoi ? »), Grillen (« Chimères »), In der Nacht (« Dans la nuit »), Fabel (« Fables »), Traumes Wirren (« Hallucinations »), Ende vom Lied (« Fin du chant »). La référence à Hoffmann est implicite (dans les Kreisleriana op. 16, elle est explicite – mais limitée au seul titre, puisque les pièces qui composent ce recueil portent de simples numéros), et les titres sont elliptiques, penchant du côté de la Stimmung, plutôt que désignant un objet ou un sujet précis – encore moins un programme narratif. Les cas de figures sont nombreux dans l’œuvre de Schumann, des titres ayant initié la composition aux titres donnés après coup, en passant par les titres en filigrane, donnés puis retirés, et aux œuvres dépourvues de titres. Chaque œuvre constitue une approche singulière et inédite de la musique que nous dirons prudemment « évocatrice » plutôt que « à programme » – bien que, ainsi que le remarque à juste titre Christian Accaoui, les titres constituent parfois des « programmes en miniature »16.
Résumons : Schumann n’est pas un adepte de la musique à programme et, lorsqu’il pourvoit de titres « signifiants » ses œuvres musicales, il n’éprouve aucun besoin du « cela signifie » explicatif et bavard que Nietzsche reprochait tant à Wagner. La musique de Schumann n’a pas besoin d’être expliquée, et les titres ne sont que des indications – précises, certes, mais qui laissent à l’interprète et à l’auditeur une grande liberté ; ainsi, bien au-delà de la simple anecdote, les titres schumanniens revêtent-ils une certaine universalité.
La forêt est un topos de la thématique romantique allemande : que de forêts dans la peinture, dans la littérature, dans la musique, à commencer par la profonde forêt du Freischütz ! De fait, Schumann semble se plaire, dans les Scènes de la forêt op. 82 (Waldszenen), à égrener les topoi liés à la forêt, ainsi que le montre la succession des titres des pièces : Eintritt (« Entrée »), Jäger auf der Lauer (« Chasseur aux aguets »), Einsame Blumen (« Fleurs solitaires »), Verrufene Stelle (« Lieu maudit »), Freundliche Landschaft (« Paysage amical »), Herberge (« Auberge »), Vogel als Prophet (« Oiseau prophète »), Jagdlied (« Chanson de chasse »), Abschied (« Adieu »). Dans cette promenade organisée selon un déroulement spatio-temporel qui rapproche ce recueil de la musique à programme, le titre « oiseau prophète » détone : de quelle image cette évocation rend-elle compte, quelle image peut-elle susciter, entre une scène d’auberge et une chanson de chasse ? Que signifie cet oiseau fabuleux surgissant entre deux évocations d’un quotidien robuste et prosaïque, à la limite de la trivialité ?
Les Waldszenen appartiennent à la deuxième période de composition d’œuvres pour piano de Schumann : après une première période créatrice consacrée uniquement au piano (op. 1 à 23), le compositeur explore d’autres genres, de manière assez systématique, à partir de son mariage avec Clara Wieck en 1838 : le lied, puis la musique de chambre, de scène, la symphonie. Un retour à la composition pour piano s’amorce en 1848, avec l’Album pour la jeunesse (Album für die Jugend op. 68). Les Scènes de la forêt sont composées dans les mois qui suivent, puis, entre 1849 et 1853 (année de l’internement de Schumann), d’autres œuvres pour piano voient le jour, œuvres de la maturité, auxquelles on a parfois reproché d’être moins inventives que les œuvres de jeunesse.
Le cycle a été composé rapidement, entre le 24 décembre 1848 et le 3 janvier 1849. Quelques jours plus tard, Schumann compose et insère L’Oiseau prophète dans le recueil de pièces, datant l’autographe du 6 janvier, et modifiant le titre initial, qui annonçait huit pièces17. Le compositeur a projeté d’adjoindre à l’œuvre des extraits de six poèmes, notés à la dernière page de l’autographe ; mais cette inscription est postérieure à la composition, puisque trois textes proviennent d’un recueil publié en 185018 – et c’est en 1850 seulement qu’est publié l’opus, avec une lithographie sur la page de titre, représentant une clairière où se trouve un chasseur assis avec deux chiens, ainsi qu’un tombeau. Les poèmes sont écartés par Schumann lors de la publication : seuls deux quatrains assez macabres de Hebbel figurent en exergue de Verrufene Stelle (« Lieu maudit »). À L’Oiseau prophète était destiné un vers d’Eichendorff, que Schumann ne conserva pas dans l’édition définitive : « Hüte dich ! Sei wach und munter ! »19 (« Prends garde ! Reste éveillé, en alerte ! »).
Du point de vue de la structure musicale, la cohérence de l’ensemble du cycle est évidente : cohérence harmonique (organisation autour de si bémol majeur), relations motiviques courant à travers le cycle, forme en arche avec une construction symétrique autour de la pièce centrale (Freundliche Landschaft)20. Indépendamment du « programme », l’unité musicale apparaît donc clairement ; mais la musique est-elle en accord avec les titres ? Bien qu’il ne s’agisse évidemment pas d’un jeu de devinettes, il arrive, dans le domaine de la musique à programme, que l’on ressente un accord profond entre titre et musique, ou que des éléments de type descriptif proposent une « peinture » (c’est bien ce que signifie le mot « pittoresque ») qui fait apparaître une silhouette sonore plutôt précise – nous en avons vu quelques exemples. Rien de tel dans le cas des Waldszenen, même si certains commentateurs, en particulier parmi les contemporains de Schumann, se lancent dans d’aventureuses descriptions narratives et imagées. Plus proche de nous, Michel Chion remarque que « les titres chez Schumann semblent souvent très arbitraires » ; dans les Scènes de la forêt, en particulier, les titres sont presque tous « interchangeables, et conservent avec la musique un lien insituable »21 :
Il est impossible de déceler un élément descriptif particulier, malgré la bonne volonté de ceux qui entendent la rumeur d’une clientèle dans l’« Auberge ». Rien musicalement n’y parle de la forêt – le cycle pourrait s’appeler tout aussi bien Scènes d’enfants. Mais […] l’œuvre tient justement dans la combinaison des mots et de leurs résonances avec les accents musicaux22.
On peut trouver aux Scènes de la forêt une certaine « naïveté »23, qui les rapproche des pièces enfantines composées peu avant ; Charles Rosen considère que ces « morceaux, témoins d’un âge plus respectable, représentent la campagne cossue à la Biedermeier où le bourgeois fuit les soucis de la ville »24. L’accord est unanime, en revanche, pour ce qui concerne L’oiseau prophète, qui occupe une position tout à fait singulière dans le recueil (dès sa composition, puisqu’il constitue une neuvième pièce, composée et ajoutée « après coup ») : « un chef-d’œuvre »25, écrit sobrement André Boucourechliev ; pour Charles Rosen, L’Oiseau prophète « se distingue du reste du cycle en ce qu’il retrouve l’inspiration excentrique des œuvres de jeunesse »26.
Original, excentrique, inspiré, assurément cet « oiseau prophète » est tout cela. Le titre même de la pièce fait pressentir une perspective différente de celle des pièces plus descriptives qu’offre le recueil : Vogel als Prophet – littéralement, « oiseau comme prophète », ou « oiseau en tant que prophète » (comme la troisième Considération inactuelle de Nietzsche, Schopenhauer als Erzieher, qu’il est d’usage de traduire par Schopenhauer éducateur – tout en ayant bien conscience de la particularité de la construction germanique). « Grâce à l’Oiseau prophète, l’expérience sylvestre se fait néanmoins révélation »27, écrit Emmanuel Reibel. Mais s’agit-il de la musique, ou bien de ce que peut évoquer le titre ? Et la musique apparaît-elle « fidèle » à ce que l’on en peut inférer d’après le titre ? En d’autres termes : y a-t-il adéquation entre le titre et la musique – et, a fortiori, quels moyens la musique peut-elle se donner pour « peindre » un oiseau – et, surtout, un oiseau « prophète » ?
Nous avons vu que l’oiseau peut être imité, par des imitations, des « phonotopées », ou, plus largement, évoqué par des « stylisations » sonores. La caractérisation « prophète » est plus problématique – et ramène le problème à son point de départ, puisqu’on n’a guère d’idée de l’aspect, visuel ou sonore, que peut présenter un « oiseau prophète », espèce non répertoriée…
Le jeu des titres et de la musique qu’ils désignent met en marche une dialectique du précis et du vague : le titre L’Oiseau prophète semble fixer le sens d’un morceau, en imposant la signification « chant d’oiseau » à une sorte de mélodie continue aux larges intervalles qui, par elle-même, n’évoque ni un cri d’oiseau, ni les « phonotopées » […] par lesquelles la musique a coutume d’évoquer ces volatiles. En même temps il crée tout un vague supplémentaire, celui du rapport entre le titre et les sons, et propose ce vague en espace à la rêverie28.
Langsam, sehr zart (lentement, très tendre), indique Schumann en tête de cette pièce qui s’étend sur une quarantaine de mesures, pour une durée d’environ trois minutes (qui peut varier selon les interprétations), – et qui, dès l’incipit ouvre en effet un large espace à la rêverie29 :
Exemple musical n°2. Schumann, Vogel als Prophet, mes. 1-2]
La nuance pianissimo invite à prêter l’oreille : chant ténu, bruissement d’ailes furtif entrecoupés de silence ? Le déploiement très linéaire est brièvement interrompu par six mesures en style de choral en sol majeur (la pièce est en sol mineur, relatif de la tonalité générale de si bémol majeur du cycle entier). Brigitte François-Sappey voit dans cet intermède, après les « coups d’ailes magiques des harmonies diaprées d’appoggiatures », un « message » que délivrerait l’oiseau30 à travers le choral – qui figurerait donc un chant d’oiseau – mais d’un oiseau prophète, certes… Il s’agit évidemment d’une interprétation, et l’on peut voir ici l’une des forces du « programme » selon Schumann, qui n’impose aucune image précise, mais offre un support à une rêverie qui se déploie entre le titre et la musique : « le vague et le mystérieux ne peuvent qu’être suggérés et non pas imités précisément, sans quoi ils ne seraient ni vagues ni mystérieux »31, constate Christian Accaoui – ce dont le mystérieux Oiseau prophète fournit une admirable illustration.
Créature éminemment schumannienne, cet oiseau apparaît romantique de part en part – peut-être est-il le héraut, le prophète même du romantisme. Et par le surgissement de l’oiseau dans la forêt, entre une halte à l’auberge et une chanson de chasse, Schumann accomplit à sa manière, musicale et poétique, l’opération de « romantisation » que préconise Novalis :
Le monde doit être romantisé. Ainsi on retrouvera le sens originel. Romantiser, ce n’est pas autre chose qu’élever à une puissance qualitative. […] Totalement inconnue est encore cette opération. Quand je donne aux choses communes un centre auguste, aux réalités habituelles un aspect mystérieux, à ce qui est connu la dignité de l’inconnu, au fini un air, un reflet, un éclat d’infini : je les romantise32.
Y aurait-il équivalence entre prophète et poète ? Pour apporter, peut-être, quelques éléments de réponse à cette question, il faut mettre en perspective poète et oiseau prophète schumanniens.
La mise en relation des Scènes de la forêt op. 82 et des Scènes d’enfants op. 15 fait l’objet d’un consensus, renforcé par la composition de l’Album pour la jeunesse, qui précède immédiatement celle des Scènes de la forêt, en 1848. Une dizaine d’années séparent les deux recueils, qui annoncent des « scènes » : Kinderszenen, Waldszenen. Et, parmi ces scènes enfantines ou forestières, deux pièces se détachent, qui semblent entretenir une mystérieuse correspondance : Der Dichter spricht (« Le poète parle »), qui clôt l’opus 15, et Vogel als Prophet. Le Poète parle déploie un discours lent en forme de choral, entrecoupé de silences – ce qui l’apparente à L’Oiseau prophète, dont il n’a cependant pas le caractère frémissant et furtif. Les onze points d’orgue qui marquent le centre de la pièce suspendent le temps de manière durable, avant la conclusion. Dans L’Oiseau prophète, on éprouve également une suspension du temps, dès les premières mesures, après chaque impulsion mélodique. Mais ici, point de conclusion : la phrase ultime, qui clôt l’œuvre, est celle-là même qui l’ouvrait – comme si, pour paraphraser le célèbre rondeau de Machaut, la fin était aussi le commencement, renforçant ainsi l’impression d’un temps suspendu. Le geste de Schumann est réfléchi et délibéré, il s’écarte de la version autographe, qui proposait une « vraie » fin, conclusive33. Ainsi L’Oiseau prophète apparaît comme une trouée intemporelle, dans le temps du récit forestier. C’est peut-être ce que dessinait le vers d’Eichendorff que Schumann avait placé à la fin de l’œuvre, avant de l’effacer :
Hüte dich ! Sei wach und munter !
Prends garde ! Reste éveillé et en alerte !34
Il semble que Schumann ait simultanément gommé ce vers et la conclusion initiale, pour remplacer cette dernière par une réitération de la première phrase, suspensive, faisant en quelque sorte passer l’urgence prescriptive de veille et d’alerte dans la musique même, rendant la parole inutile – mais non le chant.
Après la parole du poète, la prophétie de l’oiseau ? Pourquoi pas ? Dans le contexte de L’Oiseau prophète schumannien, l’oiseau wagnérien de Siegfried est souvent mentionné, le premier étant réputé offrir une « préfiguration » du second, qui prophétise clairement. Pourtant, un autre oiseau, tout aussi célèbre, pourrait être rapproché de celui de Schumann, entre parole, prophétie et chant. C’est l’oiseau nietzschéen, qui clôt le troisième livre de Zarathoustra :
— Mais la sagesse de l’oiseau, c’est celle qui dit : « Voici, il n’y a ni haut ni bas ! Elance-toi en tout sens, en avant, en arrière, créature légère ! Chante, et ne parle pas !
— Toutes les paroles ne sont-elles pas faites pour ceux qui sont lourds ? Les paroles ne mentent-elles pas toutes à ceux qui sont légers ? Chante ! Ne parle plus !35.
[1] Eduard Hanslick (1825-1904), théoricien et critique musical viennois, vigoureusement opposé à Wagner, est à l’origine du courant « formaliste », dont il expose la théorie dans l’ouvrage intitulé Vom musikalisches Schönen [Du Beau dans la musique], paru en 1854, et qui connut de nombreuses rééditions. Ce livre a été traduit en français par Ch. Bannelier en 1877 – édition reproduite en 2005 par Phenix Editions. Eduard Hanslick, Du Beau dans la musique, traduit de l’allemand par Charles Bannelier, Paris, Brandes, 1877, 2e éd. Paris, Maquet, 1893, p. 49. Une traduction revue et précédée d’une introduction a été publiée en 1986 par les éditions Bourgois (voir note ci-dessous).
[2] Voir Jean-Jacques NATTIEZ, « Introduction à l’esthétique de Hanslick », in Eduard HANSLICK, Du Beau dans la musique, traduction revue et complétée par Georges Pucher, précédée d’une introduction de Jean-Jacques Nattiez, Paris, Bourgois, 1986, p. 18-19.
[3] Scioglie il Cucco la Voce, e tosto intesa ; Canta la Tortorella e’l gardelino. (vers 3 et 4). Dans un récent ouvrage, Emmanuel Reibel consacre un chapitre au rapport des Quatre saisons à la nature : E. REIBEL, Nature et musique, Paris, Fayard/Mirare, 2016, chap. 1 : « Arcadie. Autour des Quatre Saisons de Vivaldi », p. 17-38.
[4] Michel CHION, Le Poème symphonique et la musique à programme, Paris, Fayard, 1993, p. 37. L’auteur expose ici le contenu d’un article de Dimitri Calvocoressi (1877-1944), consacré à la « musique à programme » dans l’encyclopédie Lavignac publiée en 1930 : la distinction établie par Calvocoressi lui semble plus précise et pertinente que la plupart des définitions proposées par des compositeurs.
[5] Ibid., p. 46.
[6] Christian ACCAOUI, « Musique à programme », in Christian ACCAOUI (dir.), Eléments d’esthétique musicale, Arles, Actes Sud, 2009, p. 364.
[7] E.T.A. HOFFMANN, « Beethoven, Cinquième symphonie » [avril-mai 1810], in Écrits sur la musique, introduction de Alain Montandon, traduit de l’allemand par Brigitte Hébert et Alain Montandon, Lausanne, L’Âge d’homme, 1985, p. 38.
[8] Ibid.
[9] Carl DAHLHAUS, L’Idée de la musique absolue. Une esthétique de la musique romantique [1978], traduction de l’allemand par Martin Kaltenecker, révisée par Philippe Albèra et Vincent Barras, Genève, Contrechamps, 1997, p. 16.
[10] Christian ACCAOUI, « Musique à programme », art. cit., p. 362.
[11] Emmanuel REIBEL, Nature et Musique, op. cit., p. 83.
[12] NOVALIS, Œuvres complètes, édition établie, traduite et présentée par Armel Guerne, Paris, Gallimard, 1975, vol. 2 : Les fragments, p. 91-92. Dans le volume 1 de ces Œuvres complètes, voir aussi la seconde partie des Disciples à Saïs, intitulée « La Nature », p. 42-63.
[13] Robert SCHUMANN, Sur Les Musiciens, traduit de l’allemand par Henri de Curzon, préface et notes de Rémi Jacobs, Paris, Stock, 1979, p. 151.
[14] Ibid.
[15] Ibid.
[16] Christian ACCAOUI, « Musique à programme », art. cit., p. 367.
[17] Voir Ernst HERTTRICH, Préface à l’édition des Waldszenen op. 82, Munich, Henle, 2001, p. V-IX.
[18] Il s’agit d’un recueil de poèmes de Gustav Pfarrius, intitulé Die Waldlieder, DuMont-Schauberg’schen, Köln, 1850.
[19] La citation de Schumann n’est pas tout à fait textuelle : dernier vers de Zwielicht est, exactement : Hüte dich ! bleib’war und munter ! Joseph von EICHENDORFF, Gedichte, Berlin, Duncker & Humblot Verlag, 1837.
[20] Cette étude se focalise sur L’Oiseau prophète. Pour une analyse plus détaillée, bien que non exhaustive, des Scènes de la forêt, voir Brigitte FRANÇOIS-SAPPEY, Robert Schumann, Paris, Fayard, 2000, p. 943-946.
[21] Michel CHION, Le Poème symphonique et la musique à programme, op. cit., p. 26.
[22] Ibid., p. 308.
[23] Par exemple Brigitte FRANÇOIS-SAPPEY, Robert Schumann, op. cit., p. 944 ; Marcel BEAUFILS, La Musique pour piano de Schumann, Paris, 1951, 2e éd. Phébus, 1979, p. 172.
[24] Charles ROSEN, La Génération romantique. Chopin, Schumann, Liszt et leurs contemporains [1995], traduit de l’anglais par Georges Bloch, Paris, Gallimard, 2002, p. 284.
[25] André BOUCOURECHLIEV, Schumann, Paris, Seuil / Solfèges, 1957, p. 150.
[26] Charles ROSEN, La Génération romantique, op. cit., p. 284.
[27] Emmanuel REIBEL, Nature et Musique, op. cit., p. 87.
[28] Michel CHION, Le Poème symphonique et la musique à programme, op. cit., p. 26.
[29] On trouve sur internet de nombreux enregistrements des Scènes de la forêt et de L’Oiseau prophète. Parmi les interprétations « historiques », celles de Walter Gieseking et de Sviatoslav Richter sont particulièrement convaincantes (il s’agit d’interprétations du cycle entier ; on trouvera L’oiseau prophète de 11’07 à 13’45 pour Gieseking, et de 12’04 à 14’44 pour Richter). Mentionnons enfin l’admirable interprétation de Myra Hess, datée de 1931, qui nous paraît insurpassable. Cf. Myra HESS, The Complete Pre-war Schumann Recordings, CD Naxos Historical, 8.110604, 2000. (Pour accéder à ces enregistrements par un moteur de recherche, passer par les titres en allemand : Waldszenen op. 82, Vogel als Prophet).
[30] Brigitte FRANÇOIS-SAPPEY, Robert Schumann, op. cit., p. 946.
[31] Christian ACCAOUI, « Imitation », in Eléments d’esthétique musicale, op. cit., p. 235.
[32] NOVALIS, Les fragments, op. cit., p. 66.
[33] Cette « première » fin figure en appendice de l’édition Henle des Waldszenen, op. cit., p. 26. L’incipit de l’œuvre, cité supra, est donc exactement aussi la conclusion choisie par Schumann.
[34] Ce vers clôt un poème d’Eichendorff assez angoissant, intitulé Zwielicht (« Demi-jour, crépuscule »), que Schumann mit en musique en 1840. Ce lied figure dans le cycle de lieder Liederkreis op. 39, composé de poèmes d’Eichendorff. Voir note 19.
[35] Friedrich NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, traduit et préfacé par Geneviève Bianquis, éd. bilingue, Paris, Aubier-Flammarion, 1969, Livre III, « Le Septième sceau », § 7, p. 179.
Résumé
Le chant de l’oiseau, traditionnellement valorisé, a inspiré de nombreux musiciens au cours de l’histoire, tant dans le répertoire populaire que dans le répertoire savant. S’agit-il d’imitation, de description, de représentation ? Poser cette question, c’est se confronter à la question de la faculté (ou non) de représentation de la musique et, en particulier, à la question de la pertinence de la musique à programme, genre romantique. Après avoir tenté de situer historiquement le problème dans la perspective des figures musicales de l’oiseau, on abordera le cas d’un « oiseau musical » romantique aussi célèbre qu’énigmatique : L’Oiseau prophète de Schumann, qui fait partie du cycle pour piano intitulé Scènes de la forêt (Waldszenen) op. 82.
Abstract
The song of the bird, traditionally praised, inspired many musicians during the history, as well in the popular repertoire as in the erudite one. Is it about imitation, description, representation? To ask this question is to face the question of the faculty (or not) of representation of the music and, in particular, of the question of the relevance of the music with program of the romantic kind. After having tried historically to locate the problem from the point of view of the musical figures of the bird, one will approach the case of a romantic “musical bird”, as famous as enigmatic : The Bird prophet of Schumann, from the cycle for piano entitled Scenes of the forest (Waldszenen) op. 82.
Oiseaux musicaux : imitation, expression, interprétation ?
La musique à programme, un genre romantique
Schumann, les titres et la musique à programme
Florence FABRE
ESPÉ LNF, Univ. Artois, EA 4028, Textes & Cultures, F-62000 Arras, France
ACCAOUI, Christian (dir.), Éléments d’esthétique musicale, Arles, Actes Sud, 2009.
BOUCOURECHLIEV, André, Schumann, Paris, Seuil / Solfèges, 1957.
CHION, Michel, Le Poème symphonique et la musique à programme, Paris, Fayard, 1993.
HANSLICK, Eduard, Du Beau dans la musique, traduit de l’allemand par Charles Bannelier, Paris, Brandes, 1877.
DAHLHAUS, Carl, L’Idée de la musique absolue. Une esthétique de la musique romantique [1978], traduction de l’allemand par Martin Kaltenecker, révisée par Philippe Albèra et Vincent Barras, Genève, Contrechamps, 1997.
FRANÇOIS-SAPPEY, Brigitte, Robert Schumann, Paris, Fayard, 2000.
HERTTRICH, Ernst, Préface à l’édition des Waldszenen op. 82, Munich, Henle, 2001.
HOFFMANN, E. T. A., « Beethoven, Cinquième symphonie » [avril-mai 1810], in Écrits sur la musique, introduction de Alain Montandon, traduit de l’allemand par Brigitte Hébert et Alain Montandon, Lausanne, L’Âge d’homme, 1985.
NATTIEZ, Jean-Jacques, « Introduction à l’esthétique de Hanslick », in Eduard Hanslick, Du Beau dans la musique, traduction revue et complétée par Georges Pucher, précédée d’une introduction de Jean-Jacques Nattiez, Paris, Bourgois, 1986.
NIETZSCHE, Friedrich, Ainsi parlait Zarathoustra, traduit et préfacé par Geneviève Bianquis, éd. bilingue, Paris, Aubier-Flammarion, 1969.
NOVALIS, Œuvres complètes, édition établie, traduite et présentée par Armel Guerne, Paris, Gallimard, 1975.
REIBEL, Emmanuel, Nature et musique, Paris, Fayard/Mirare, 2016.
ROSEN, Charles, La Génération romantique. Chopin, Schumann, Liszt et leurs contemporains [1995], traduit de l’anglais par Georges Bloch, Paris, Gallimard, 2002.
SCHUMANN, Robert, Sur Les Musiciens, traduit de l’allemand par Henri de Curzon, préface et notes de Rémi Jacobs, Paris, Stock, 1979.