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Numéro 17 | juin 2025 | Des « lieux à soi »
Des « lieux à soi »
Ancrages territoriaux d’autrices dans les manuels de littérature : George Sand et Colette
Nathalie DENIZOT
rien

 

 Introduction

Certaines maisons d’écrivain sont devenues célèbres, voire ont fait l’objet d’une véritable patrimonialisation : transformées en musées1, elles contribuent à re-construire l’image des écrivains, à travers de véritables « scéno-mythographies »2. C’est ainsi que Hauteville House cultive la figure d’un Victor Hugo en exil à la fois bâtisseur, décorateur d’intérieur et écrivain engagé3 ou que le château de Saché met en scène la force de travail de Balzac dans la petite chambre « où l’auteur de la Comédie humaine a travaillé de longues heures, buvant de nombreuses tasses de café pour stimuler son imagination »4. Les lieux – même lorsqu’ils ont disparu – participent au « portrait » d’un écrivain, voire constituent ce que Roland Barthes appelait des « biographèmes »5 : on pourrait citer également le château de Combourg pour Chateaubriand, le cabinet de travail de Flaubert à Croisset (en réalité disparu mais dont le souvenir subsiste à travers le pavillon qui a survécu à la destruction de la maison), la maison de la tante Léonie de Proust, et bien d’autres encore.

Dans les manuels scolaires, longtemps férus de détails biographiques, ces lieux peuvent également trouver leur place pour dessiner le portrait d’un écrivain, soit par le biais de remarques dans les notices biographiques, soit à travers des illustrations et leurs légendes. C’est ainsi par exemple que l’on peut trouver dans le xixe siècle de Lagarde et Michard plusieurs références à Hauteville House. La biographie de Victor Hugo commente ainsi son arrivée à Guernesey : « Il y acquiert une maison, Hauteville-House, où son imagination vibrera au spectacle de la mer et des côtes de la France dans le lointain »6 ; et le dossier iconographique de l’édition de 1985 comporte deux dessins de Hugo, soulignant dans un petit encart intitulé « Victor Hugo et l’exil » que « c’est la période la plus féconde de sa création poétique, fortement influencée par le spectacle de la mer, dans ses thèmes, ses images, ses symboles »7. Guernesey et la maison de Hauteville House sont ainsi clairement associés à la puissance créatrice de l’écrivain. Un phénomène du même ordre pourrait être observé pour Balzac : un autre encart iconographique de cette même édition de 1985 du Lagarde et Michard donne à voir des « Sites balzaciens », et tout particulièrement le château de Saché et la vallée de l’Indre, dans lequel « Balzac résidait […] quand il travaillait au Père Goriot et au Lys dans la vallée »8. Dans les deux cas, c’est l’écrivain au travail qui est ainsi évoqué à travers des lieux particulièrement représentatifs, sources d’inspiration tout autant que symboles du génie créateur.

Mais qu’en est-il lorsque les écrivains sont des écrivaines ? Évoquant la maison de George Sand à Nohant, Elizabeth Emery rappelle combien la « mise en scène de la vie amoureuse et domestique d’une femme soulève […] des questions concernant la politique de la représentation », et demande si l’on ne tombe pas « dans des stéréotypes de genre en faisant valoir la vie domestique d’une maison associée à une femme »9. Les biographèmes liés aux lieux, dans les biographies des autrices, véhiculent-ils des représentations genrées ? C’est cette question que je vais explorer, dans une approche historico-didactique10, à travers un corpus de manuels scolaires parus entre le début du XXe siècle et la période contemporaine, et en me centrant sur George Sand et Colette.

Pourquoi ces deux autrices ? Comme on le verra, si l’on veut suivre sur une période un peu longue des représentations liées à une même autrice, le choix est finalement assez restreint. Sand et Colette font partie des rares femmes scolarisées11 depuis au moins le début du XXe siècle : Sand entre dans les manuels dès la fin du XIXe siècle, Colette dans les années 1920 ; toutes deux ont été – sont encore ? – des classiques scolaires12 et n’ont jamais complètement disparu. Mais surtout, elles sont associées de longue date à des lieux spécifiques, qui ne sont pas seulement un « salon » (j’y reviens ci-dessous), et qui sont intégrés dans leur œuvre. Ces lieux permettent donc d’analyser de plus près des ancrages territoriaux : j’entends ici, à la suite de Mathilde Labbé, « le lien des œuvres et des auteurs aux lieux »13, en tant que ces lieux sont inscrits dans des territoires, au sens géographique du terme. Mais je centre mon analyse plus précisément sur les représentations de ces liens telles qu’elles sont construites par les manuels scolaires, et sur l’image des autrices ainsi véhiculée.

Après un bref rappel sur la place et le statut des autrices dans les manuels scolaires, suivi de quelques considérations méthodologiques pour présenter mon corpus d’ouvrages, j’interrogerai plus spécifiquement les ancrages territoriaux liés à George Sand et à Colette.

La minoration des autrices dans les manuels scolaires

Avant d’analyser les représentations des autrices dans les manuels scolaires, il faut surtout rappeler que leur présence elle-même dans les manuels n’a rien d’une évidence… De nombreux travaux ont souligné depuis plusieurs décennies leur minoration, que ce soit sur un plan quantitatif ou plus symbolique. Il n’est pas inutile de les mentionner brièvement ici.

Une double minoration quantitative et symbolique

La minoration est tout d’abord d’ordre quantitatif. Pendant très longtemps, elles ont été très faiblement représentées dans les histoires littéraires14 ainsi que dans les anthologies. Je prendrai deux exemples dans des manuels qui ont connu un grand succès et de très nombreuses rééditions, un traité d’histoire de la littérature, et une collection de morceaux choisis. Voyons tout d’abord une célèbre histoire de la littérature, celle de Lanson et Tuffrau, dans une édition parue en 193215 : sur plus de 800 pages, seules sept autrices ont droit à un développement autonome (Marie de France, Marguerite de Navarre, Mme de La Fayette, la marquise de Sévigné, Mme du Deffant, Mme de Staël et George Sand). Si l’on regarde ensuite la non moins célèbre collection des Lagarde et Michard16, on retrouve dans les cinq premiers volumes (du Moyen-Âge au XIXe siècle) le même nombre d’autrices ayant droit à des extraits : Mme de Scudéry et Marceline Desbordes-Valmore remplacent Marguerite de Navarre et Mme du Deffant, mais les cinq autres restent les mêmes. Quant au sixième volume, consacré au XIXe siècle, sa première édition parue en 1962 fait très légèrement évoluer la situation, avec la présence pour ce seul volume de trois autrices, Anna de Noailles, Colette et Simone de Beauvoir. Quant à la troisième édition de 1988, elle ajoute à cette première édition 23 auteurs mais seulement 5 autrices : Albertine Sarrazin, Marguerite Yourcenar, Françoise Mallet-Jorris, Marguerite Duras et Nathalie Sarraute. La moisson reste donc bien maigre, même si le XXe siècle offre malgré tout chez Lagarde et Michard, comme dans les manuels plus récents17, un peu plus de textes d’autrices.

Par ailleurs, quand elles sont présentes, les autrices sont victimes de formes de minoration plus symboliques : comme l’a montré Chantal Théry18 dès les années 1980, elles sont souvent présentées comme étant liées à des hommes (sœur, fille, femme, nièce ou petite-fille) et leur dimension littéraire est également minorée. Il est clair que les manuels scolaires sont traversés par ce que Christine Planté a appelé « une vision implicite du féminin »19, qui ne correspond pas à la réalité de la production des autrices, et qui les cantonne à des genres mineurs comme l’épistolaire et le roman, puis plus près de nous les genres (auto-)biographiques20.

Des autrices d’intérieur

À ces formes de minoration, il convient également d’ajouter celle qui tient aux quelques notations de lieux longtemps associés aux autrices. Si l’on prend comme exemple le manuel de Lanson et Tuffrau en 1932 et sa poignée d’autrices, les lieux associés à ces dernières se réduisent quasi essentiellement à des espaces privés et domestiques. En dehors de Marguerite de Navarre, dont les voyages et les résidences variées sont liés explicitement par les auteurs à son statut de reine, les autres – y compris dans une certaine mesure George Sand, sur laquelle je m’attarderai infra – sont en quelque sorte présentées comme des autrices d’intérieur, soit parce qu’elles sont cloîtrées dans leur hôtel et dans leur chambre, soit parce qu’elles sont liées à des salons. Mme de La Fayette, « recluse » dans son « petit hôtel » ainsi que Mme de Sévigné, son amie fidèle, dont le manuel précise qu’elle a écrit « bon nombre [de ses] Lettres célèbres » dans ce même hôtel21, relèvent plutôt de la première catégorie ; Mme de Staël et Mme de Scudéry relèvent clairement de la seconde, cette dernière étant évoquée dans un développement consacré plus spécifiquement aux salons du XVIIe siècle. Mais l’imaginaire du salon contamine bon nombre de présentations d’autrices : Lanson et Tuffrau précisent ainsi que Mme de Sévigné est « Sophronie à l’Hôtel de Rambouillet » (p. 234) et que Mme du Deffand, « une des femmes les plus brillantes et les plus frivoles de son temps », « s’entoure de gens cultivés dont la causerie la délivre un instant d’elle-même » (p. 491).

Le salon, cet « espace aménagé dans une résidence privée et destiné aux réunions en société dans lequel les femmes jouent un rôle important »22, est en effet l’une des « associations œuvres-lieux »23 les plus anciennes attribuée aux femmes dans les manuels scolaires. On l’a vu, ce terme est particulièrement employé pour certaines autrices du XVIIe siècle – Madeleine de Scudéry, par exemple –, mais il s’applique jusqu’au début du XIXe siècle. C’est ainsi que Germaine de Staël « était admirablement faite pour diriger un salon », écrivent Lanson et Tuffrau (p. 509). Cette correspondance parfaite entre le salon et les autrices se manifeste par une métaphore que l’on retrouve à plusieurs époques : les autrices règnent sur les salons. Lanson et Tuffrau citent ainsi Sorel à propos de Germaine de Staël : « le bonheur dans le mariage fut l’utopie, et une royauté de salon, l’ambition de son existence » (p. 507). Cette métaphore de la royauté se retrouvera encore en 1988 dans le manuel dirigé par Décote, qui écrit à propos de Mme de Scudéry qu’elle « décide d’animer son propre cercle littéraire » et qu’elle « y assure une royauté incontestée »24.

Le salon est par ailleurs un lieu globalement urbain dans son imaginaire, voire essentiellement parisien, au point que Lanson et Tuffrau réservent le terme aux années parisiennes de Germaine de Staël, et que lorsqu’ils évoquent son exil à Coppet, ils se contentent de souligner que « Coppet rayonne à l’égal de Ferney jadis » (p. 507), et n’utilisent plus le terme de salon. Mais il s’agit d’un espace plus symbolique que géographique, et son existence à « l’intersection entre la sphère publique et la sphère privée »25 en fait un lieu privilégié pour les autrices – même si en réalité, comme le souligne Martine Reid, « hormis quelques exceptions, ce sont surtout des hommes qui fréquentent les salons »26.

Dans les manuels scolaires, le salon est ainsi lié à la mondanité, à la conversation, à l’épistolaire : de ce point de vue, c’est clairement un lieu très genré, mais il est difficile de le qualifier d’ancrage territorial, tant il est justement peu lié à un territoire et reste généralement symbolique, voire synonyme de « vie mondaine », pour reprendre une expression de Lanson et Tuffrau (p. 171). Ces derniers détournent d’ailleurs pour leur court chapitre sur la « société précieuse » du XVIIe siècle une gravure d’Abraham Bosse appartenant à une suite de six planches résumant divers moments de la vie d’une jeune femme, du Contrat de mariage à la Visite de la nourrice27. L’image choisie par le manuel, qui correspond en fait à La visite à l’accouchée, représente, dans une pièce aux dimensions modestes, cinq femmes assises près d’une sixième qui les reçoit allongée sur son lit, tandis que deux enfants jouent à l’avant-plan sur la gauche. En la rebaptisant « Une chambre de réception » (p. 172) et en l’intégrant dans ce chapitre sur les salons, le manuel induit le lecteur – et l’élève – en erreur : la scène de genre représentée n’a rien à voir avec une réception de salon, et le mot « chambre » a changé de sens depuis le XVIIe siècle. La « chambre bleue » de la marquise de Rambouillet, archétype du salon et pièce maîtresse d’une grande enfilade d’espaces intérieurs, n’est justement pas une pièce privée, et était sans doute bien loin de cette imagerie de la chambre à coucher28.

Une évolution récente

Cette double minoration quantitative et symbolique n’a évolué que très lentement, et, sur un plan quantitatif, les manuels des années 1980-2000 font à peine mieux que ceux de la première moitié du siècle. Certes, ils font entrer Louise Labé dans le corpus scolaire, et comblent au moins le vide criant du XVIe siècle… Mais l’étude de Laetitia Perret sur un corpus de manuels parus entre 1987 et 2010 montre que la part des textes écrits par des femmes n’est sur l’ensemble de la période que d’à peine 6%, même si une légère progression se dessine entre le manuel le plus ancien (2%) et l’un des manuels de 2007, qui monte jusqu’à 9,3%...29 Il faut attendre le début du XXIe siècle pour que la représentation des autrices augmente enfin plus sensiblement, et atteigne jusqu'à 25% dans certains manuels de lycée de 201930. Il faut dire que la décennie 2010 est marquée par la multiplication de prises de position publiques, émanant d’enseignantes, d’étudiantes ou d’universitaires, en faveur d’une plus grande représentation des autrices dans le corpus scolaire31.

Sur un plan symbolique, les choses évoluent également lentement, mais les manuels les plus récents semblent ne plus cantonner les autrices à l’intime et au sensible, et même proposer enfin – par exemple – des extraits de dramaturges femmes, l’un des genres qui fut longtemps dans les manuels un véritable bastion masculin32.

Présentation du corpus de manuels

Pour analyser les biographèmes territoriaux liés à Sand et à Colette, j’ai constitué un corpus de manuels parus depuis le début du XXe siècle, en me cantonnant aux grandes classes de l’enseignement secondaire (l’équivalent des classes de lycée actuelles).

Des histoires de la littérature et des recueils de morceaux choisis

Pour les périodes les plus anciennes, j’ai à la fois dépouillé des histoires de la littérature et des recueils de morceaux choisis, de manière à pouvoir étudier non seulement les discours sur les autrices mais aussi ce qu’on en donne à lire. La distinction est moins pertinente à partir de la deuxième moitié du XXe siècle, lorsque les éditeurs font plutôt le choix de manuels uniques, combinant à la fois histoire littéraire et morceaux choisis, comme la célèbre série des Lagarde et Michard : ces manuels permettent d’analyser à la fois des discours, des choix de textes, ainsi que des illustrations.

Comme je le signalais en introduction, cette question des illustrations n’est pas anodine, puisqu’elles peuvent participer au portrait des écrivains. J’ai donc essayé dans la mesure du possible de privilégier des éditions illustrées. C’est ainsi par exemple que j’ai choisi, dans les différentes versions de l’Histoire de la littérature française de Gustave Lanson (dont la première édition date de 189533), celle qu’il propose à partir de 1929 avec Paul Tuffrau, illustrée et « adaptée aux besoins particuliers du public scolaire », comme le précise l’éditeur dans une note liminaire34.

L’épuisement de la « biophilie »

J’ai arrêté mon dépouillement au tout début des années 1990, avec deux des dernières grandes anthologies par siècles : la collection d’Itinéraires littéraires chez Hatier, sous la direction de George Décote (avec Joël Dubosclard pour le volume XIXe siècle et avec Hélène Sabbah pour le premier tome du volume XXe siècle), ainsi que la collection Textes et documents, dirigée par Henri Mitterand chez Nathan35.

En effet, suivre mes deux autrices devient quasiment impossible après 1990. Une première raison est que les notices biographiques se réduisent à peau de chagrin depuis plusieurs décennies : pour reprendre une formule de Brigitte Diaz en 1991, « la “biophilie” s’est épuisée »36. Mais surtout, les éditeurs ont progressivement remplacé les manuels par siècles par des manuels par classe (seconde et première, pour le lycée), et les grandes anthologies en plusieurs volumes ont cédé la place à des ouvrages aux dimensions plus modestes. La tendance s’accentue après 2000, les manuels combinant alors l’organisation par classe avec les « objets d’études » prescrits par les programmes (par exemple : le roman, le théâtre, persuader et convaincre, etc.). L’ordre chronologique de l’histoire littéraire fait place à un découpage en chapitres selon les objets d’étude : cette décennie voit certes une légère augmentation du pourcentage d’autrices dans les manuels, mais le choix est bien plus diversifié et ne tient pas particulièrement au statut de ces autrices dans l’histoire littéraire. S’il est indispensable de faire une place à George Sand, par exemple, dans une logique d’anthologies par siècles – et donc d’histoire littéraire –, il est au contraire facile de s’en passer quand le manuel s’organise en séquences.

George Sand et Nohant

Examinons donc tout d’abord les ancrages territoriaux de George Sand. Son cas est en effet particulièrement intéressant. Comme je l’ai précisé dès l’introduction, il s’agit d’une autrice scolarisée depuis longtemps : entrée dans les manuels scolaires dès 1880 (qu’il s’agisse de l’enseignement primaire ou secondaire), elle est même mise explicitement au programme de l’enseignement primaire supérieur en 1893, avec La mare au diable. Elle fait ensuite son entrée dans les programmes des classes de 4e de l’enseignement secondaire avec ce même roman, à partir de 193837. Et surtout, comme on le verra, les manuels soulignent toujours l’attachement de Sand au Berry et à son domaine de Nohant.

Le Berry et les romans champêtres

L’ancrage territorial de Sand est corrélé à son statut de romancière : ce sont les romans berrichons que les manuels scolarisent tout d’abord. Or, à la fin du XIXe siècle, le roman, absent des poétiques classiques, n’est pas encore un genre très légitime à l’école : ce sont les programmes des années 1880-1890 qui, en faisant entrer officiellement dans l’enseignement secondaire des « morceaux choisis » d’auteurs français de toutes les époques (et plus seulement des XVIIe et XVIIIe siècles), ont ouvert la brèche dans laquelle il va pouvoir s’engouffrer. Mais il s’agit encore d’un genre mineur, comme en témoignent à la fois la place assez réduite qu’il occupe alors, ainsi que les discours parfois sévères sur le style de tel ou tel romancier38. Dans le petit carré des romanciers présents dans les manuels au tournant des XIXe et XXe siècles, George Sand a la place de l’idéaliste, de la romantique. Elle produit, écrit Doumic en 1906, du « roman idéaliste », des « romans de passion » et surtout des « romans champêtres » qui – précise-t-il – sont ses plus grandes réussites parce qu’elle a « au plus haut degré le sentiment de la nature et l’amour des choses de la campagne »39. Son inspiration « rustique », selon le terme utilisé à la fois par Lanson et Tuffrau et par Castex et Surer40, offre à Sand une spécialité, que définiront ainsi Lagarde et Michard (p. 295) : « George Sand inaugure ainsi le roman régionaliste et trouve, dans la peinture de paysages et d’êtres qui lui sont chers, la meilleure expression de son talent ». Jusque dans les années 1960, la plupart des extraits présents dans les manuels relèvent de cette veine régionaliste. Chez Lagarde et Michard, c’est même le cas de tous les passages proposés. Sand devient ainsi la spécialiste d’un sous-genre romanesque, le « roman de pays », qui l’enferme dans une catégorie mineure, associée à des stéréotypes féminins (la nature, la peinture de paysages, l’idéalisme)41.

L’image régionaliste de Sand s’atténue, voire disparaît dans les années 1980, et les anthologies diversifient les textes proposés. Mais s’ils proposent notamment des extraits d’Indiana (c’est d’ailleurs le seul extrait proposé par Mitterand), cela ne change pas radicalement l’image de Sand, tant ce roman appartient à la veine idéaliste et romantique de l’autrice.

La « bonne dame de Nohant »

Sand n’est pas seulement berrichonne, elle est surtout la maîtresse de Nohant, et l’ancrage territorial de Sand dans le Berry s’est longtemps incarné dans l’expression consacrée de la « bonne dame de Nohant ». Que ce soit chez Lanson et Tuffrau, qui écrivent que « le souvenir de ‘ la bonne dame de Nohant ‘ vit encore dans le pays » (p. 608) ou dans le XIXe siècle de Lagarde et Michard, chez qui l’expression sert de titre au dernier paragraphe consacré à la biographie de Sand, la périphrase permet de désigner la dernière période de la vie de Sand, celle où elle est « assagie par l’âge » (Lagarde et Michard, p. 295) et où elle « se met à conter des histoires, comme une aimable grand-mère qu’elle est » (Lanson et Tuffrau, p. 610). Nohant ici est l’opposé absolu de Paris, où elle a mené « une existence très libre, parfois jusqu’au scandale », et où « les hommes se succèdent dans sa vie » (Lagarde et Michard) : l’ancrage berrichon est rassurant, et permet de lisser la figure de George Sand. Si le point de vue est moins moralisateur dans les manuels des années 1980, l’expression de la « bonne dame de Nohant » est encore présente, que ce soit chez Mitterand (p. 154), où « la scandaleuse romantique devient la “bonne dame de Nohant”, châtelaine retirée », ou encore chez Décote et Dubosclard (1988, p. 223), qui précisent « qu’on appelle [Sand] “la bonne dame de Nohant”, parce que sa générosité s’emploie à soulager les misères qui l’entourent ».

Une figure maternelle et matriarcale

Or, ce biographème territorial ramène lui aussi Sand du côté du « féminin », et les manuels associent – à toutes les époques – sa vie à Nohant à sa condition de femme et surtout de figure maternelle et maternante, pour sa famille et pour ses amis. En 1932, Lanson et Tuffrau (p. 608) écrivent qu’elle « vécut entourée de ses enfants et petits-enfants, bienveillante et hospitalière, aimée de tous », rendant même « une affection tendrement maternelle » à Flaubert. En 1988, Décote et Dubosclard (p. 223) soulignent qu’elle « s’attendrit sur Aurore, sa petite-fille, se dévoue auprès d’Alexandre Manceau, son nouveau compagnon, toujours souffrant », laissant ainsi transparaître la figure de l’infirmière, jamais très éloignée de celle de la femme ou de l’épouse…. De même, son existence à Nohant lui permet, selon les manuels, d’exalter ces autres qualités considérées comme féminines que sont la charité ou la bienfaisance (elle « met en pratique, par la charité et la bienfaisance, son idéal humanitaire », écrivent ainsi Lagarde et Michard, p. 29542), ou plus généralement son côté protecteur, souligné encore en 1986 par Mitterand, précisant qu’elle « protèg[e] de nombreux écrivains ». Décote et Dubosclard (p. 223) terminent leur présentation de ce « nouveau personnage [qui] apparaît en George Sand » à Nohant « aux approches de la cinquantaine » par cette remarque qui essentialise définitivement les qualités humaines de la romancière, considérée comme naturellement « matriarcale » : « Ainsi s’exprime la nature protectrice et matriarcale » de Sand.

Le cabinet de travail de Nohant

Pourtant, si ces biographèmes véhiculent clairement des stéréotypes genrés liés à une « nature » féminine maternelle et proche de la nature, ils sont également parfois associés à une timide évocation de l’autrice au travail. Doumic écrit ainsi qu’elle « se confina dans ses travaux littéraires » et « passa dans sa terre de Nohant les dernières années de sa vie », suggérant que sa vie de recluse à Nohant est vouée à l’écriture. Quant à Lanson et Tuffrau, ils illustrent leur biographie de Sand d’une (mauvaise) reproduction photographique d’une vue partielle de la maison, avec cette légende : « Cabinet de travail de George Sand à Nohant » (p. 608). En réalité, on ne voit rien du « cabinet de travail » puisque la vue est prise de l’extérieur, et qu’on devine à peine les murs de la maison derrière la silhouette d’un arbre, qui occupe le premier plan… Mais symboliquement, il n’est pas anodin de donner à imaginer à l’élève la romancière à son bureau, et pas seulement au milieu de sa salle à manger, recevant et maternant ses illustres invités masculins.

Colette, de la Puisaye au Palais-Royal

Contrairement à George Sand, les représentations territoriales de Colette sont associées à plusieurs lieux : principalement Saint-Sauveur-en-Puisaye, son village natal, mais aussi le Palais-Royal, où elle eut son dernier domicile. Ce sont donc les représentations liées à ces deux espaces que je vais étudier.

Un classique mineur

Une des caractéristiques de la scolarisation de Colette est qu’elle entre d’abord dans les manuels du primaire – dès 1930 –, et plus particulièrement dans ceux de l’enseignement primaire supérieur, dont elle est elle-même issue. La scolarisation de Colette s’est ainsi effectuée à travers ce que Marie-Odile André qualifie d’un « véritable pacte d’alliance entre l’école et Colette », qui « se fonde sur l’exploitation des données de la vie et de l’œuvre de cette dernière »43. Rien d’étonnant donc à ce que ce soit les textes qui mettent en scène son enfance qui aient un succès particulier : ils font office en quelque sorte de littérature de jeunesse.

Colette devient rapidement dans le secondaire un « classique mineur » (pour reprendre une expression de M.-O. André), ce qui lui assure une présence importante dans les manuels. À l’exception des histoires de la littérature les plus anciennes (ni Doumic dans l’édition de 1947 de son histoire de la littérature, ni Lanson et Tuffrau en 1932 ne la mentionnent), elle est en effet présente dans toutes les anthologies que j’ai analysées. Dans l’anthologie que Gendrot et Eustache consacrent au XXe siècle en 195444, c’est même la seule autrice présente.

Colette et ses lieux de vie

Le village de Saint-Sauveur est mentionné nommément dans tous les manuels dépouillés, que ce soit dans les notices biographiques ou dans les introductions. Les manuels de Gendrot et Eustache par exemple, ou ceux de Chevaillier et Audiat45 précisent même le département, l’Yonne. Lagarde et Michard reprendront cette tradition d’un ancrage territorial identifiable, puisqu’ils indiquent en début de notice que Colette « est née […] aux confins de la Bourgogne et du Morvan, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) ». Et plusieurs éditions de leur XXe siècle proposent en illustration pleine page la gravure représentant la « Maison de Colette à Saint-Sauveur-en Puisaye, par L.-A. Moreau »46.

Le seul autre domicile de Colette à être véritablement cité est le Palais-Royal. C’est le cas dans le Lagarde et Michard, qui indique ainsi : « Devenue, en 1935, Mme Maurice Goudeket, celle que l’on désigne toujours sous son nom-prénom de Colette s’est installée au Palais-Royal, au cœur même de Paris »47. Les autres lieux de vie de la romancière sont, au mieux, simplement évoqués. Gendrot et Eustache, par exemple, dans les introductions des extraits proposés, citent la Bretagne et la Provence, mais sans autre précision. Lagarde et Michard évoquent une « demeure provençale », mais sans indiquer où elle se trouve exactement. Décote et Sabbah en 1991 se limitent également à Saint-Sauveur et au Palais-Royal, et la vie de Colette semble conduire ainsi en droite ligne de sa maison natale à son dernier domicile parisien. C’est d’ailleurs le sens du commentaire de deux photographies de Colette dans une édition de 1995 du Lagarde et Michard xxe siècle (j’y reviens infra), qui les relie ainsi : « De Claudine à Colette. Que de chemin parcouru depuis l’adolescence (quinze ans : l’âge de Gigi) jusqu’à l’écrivain illustre, membre de plusieurs Académies et célèbre parmi les amis des chats ! »48.

« L’espace recomposé de l’enfance »

Le Palais-Royal est donc présent dans les biographies et dans certaines illustrations comme lieu de vie de Colette, mais c’est le village natal qui prédomine dans le choix des œuvres présentes dans les manuels. Comme l’a montré Marie-Odile André à partir d’un important corpus de manuels de toutes les époques, les trois œuvres-phares de Colette qui « occupent le centre du modèle scolaire » sont La Maison de Claudine, Les Vrilles de la vigne et Sido49. Quant aux nouvelles les plus présentes du recueil de la Maison de Claudine, ce sont celles qui mettent en avant les souvenirs d’enfance. On retrouve d’ailleurs cette suprématie dans les choix institutionnels : ce sont La Maison de Claudine et Sido qui ont été inscrites au programme de l’agrégation des Lettres en 1968, et Sido et Les Vrilles de la vigne au programme de la classe de première en 2022. Colette partage avec Sand une forme de relégation dans des sous-genres féminins, celui du roman régionaliste, mais aussi celui du roman autobiographique (voire du roman animalier).

Un grand nombre des extraits des manuels que j’ai dépouillés sont ainsi liés à Saint-Sauveur. Chevaillier et Audiat présentent trois extraits, dont un long passage de La retraite sentimentale qui fait revivre à la narratrice des souvenirs d’enfance. Gendrot et Eustache sélectionnent deux extraits seulement, dont le premier est tiré de la nouvelle « Jour gris » dans les Vrilles de la vigne ; le découpage du texte ouvre le passage sur cette phrase qui semble résumer le rapport de Colette à son village natal : « J’appartiens à un pays que j’ai quitté ». Dans ces mêmes années 1950-1960, Lagarde et Michard proposent quant à eux cinq extraits, dont trois sont des souvenirs d’enfance. Et dans les années 1980-1990, Décote et Sabbah font des choix assez similaires : sur quatre extraits, trois évoquent l’enfance, et l’on retrouve d’ailleurs l’extrait de « Jour gris » commençant par « J’appartiens à un pays que j’ai quitté ». Seul Mitterand en 1989 fait l’impasse sur l’enfance dans les extraits choisis, qui sont tirés de Chéri et de La Chatte. On pourrait dire, pour reprendre la formule de Marie-Odile André (p. 222) à propos de l’image scolaire de La maison de Claudine, que l’ancrage territorial de Colette dans les manuels est en réalité « l’espace recomposé de l’enfance ». Et ce biographème territorial n’est pas dénué lui non plus de stéréotypes : en lisant l’œuvre de Colette comme une œuvre autobiographique, on valorise également la figure maternelle de Sido.

De Claudine à « l’écrivain illustre »

La mise en avant de Saint-Sauveur, comme d’ailleurs celle du Palais-Royal, permet de passer sous silence la partie plus sulfureuse de la vie de Colette, et les maisons qui ont abrité ses amours moins conventionnelles. Comme l’a fait remarquer Marie-Odile André, « le schéma de base qui organise la présentation de la biographie de Colette reste longtemps et majoritairement fondé sur une dichotomie enfance/âge adulte » (p. 251). Pour s’en tenir à nos biographèmes territoriaux, les biographies scolaires de Colette permettent surtout de distinguer l’enfant de Saint-Sauveur et celle qu’on pourrait appeler la « bonne dame du Palais Royal » – en faisant l’impasse sur Colette journaliste, Colette mime, Colette amante de Missy, etc. Une page d’illustrations (p. 603) de l’édition de 1995 du Lagarde et Michard xxe siècle le résume parfaitement : sous le titre « Visages de Colette » au pluriel évocateur ne figurent en réalité que deux photographies de la romancière, l’une, à quinze ans, assise dans un hamac dans le jardin de Saint-Sauveur ; l’autre, vieille dame, à sa table de travail au Palais-Royal, avec son chat.

Cela dit, là où la « bonne dame de Nohant » était avant tout une figure maternelle et protectrice, l’image de Colette âgée au Palais-Royal permet de mettre en scène « l’écrivain illustre »50, la romancière reconnue et couverte d’honneurs, et véhicule ainsi d’autres représentations moins genrées : Colette a en effet posé à de nombreuses reprises dans son appartement du Palais-Royal, et de nombreuses photographies la montrent dans une posture d’écrivaine, le stylo à la main. On retrouve ces images dans certains manuels51. J’ai évoqué ci-dessus celle de Colette à son bureau dans le Lagarde et Michard de 1995. Une précédente édition (1973) proposait déjà trois photographies de Colette à sa table de travail, dont deux au Palais-Royal. Et c’est aussi un détail de Colette écrivant à sa table et avec son chat que choisit Mitterand en 1989 pour illustrer un extrait de La Chatte.

Pour conclure

Analyser des ancrages territoriaux, c’est donc se pencher sur un imaginaire de l’école, qui a contribué à des formes de patrimonialisation de la littérature à travers des récits biographiques. Cet imaginaire est tributaire de son époque, et les biographèmes territoriaux liés à Sand et à Colette ont clairement participé à des représentations féminines stéréotypées de ces autrices, même s’ils ont pu aussi véhiculer des images moins genrées, et contribuer, parfois timidement, à construire des figures d’autrices professionnelles, vivant de leur plume.

Mais les récits biographiques ont tendance à disparaître des manuels scolaires et comme je l’écrivais pour commencer, il est difficile de poursuivre cette enquête dans les manuels de littérature actuels : les très courtes notices biographiques des autrices ressemblent à celles des auteurs, en ce qu’elles ne mentionnent généralement quasiment aucun ancrage biographique en dehors de l’indication (au mieux) du lieu de naissance ou – éventuellement – de lieux évoqués directement dans l’un ou l’autre des extraits proposés. Le biographique est devenu cet « outil cassé »52 que l’on réduit le plus possible et que l’on remise même parfois dans les dernières pages des manuels. Et quand un manuel récent53 propose l’extrait des Vrilles de la vigne déjà évoqué, « J’appartiens à un pays que j’ai quitté », c’est sans mention du pays en question, ni dans le paratexte, ni même dans la très courte biographie de Colette en fin d’ouvrage, qui ne reprend aucun biographème territorial, ni Saint-Sauveur, ni le Palais-Royal. La croyance en un « ancrage territorial » de la littérature suscite en France un véritable tourisme littéraire54, mais il n’en est pas de même dans l’enseignement de la littérature, qui se méfie du biographique et des biographèmes de tous ordres. Si les ancrages territoriaux ont pu participer jusque dans les années 1980 à la construction de l’image des auteurs et des autrices, ils semblent plutôt, dans les manuels scolaires actuels, en voie de dissolution.

 


 

[1] Sur le sujet, voir notamment : Marie-Clémence RÉGNIER, Vies encloses, demeures écloses. Le grand écrivain français en sa maison-musée (1879-1937), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2023 ; Culture et Musées, 34, Maisons-Musées. La patrimonialisation des demeures des illustres, 2019, https://doi.org/10.4000/culturemusees.3474.

[2] « [La] mise en intrigue et en espace de représentations imaginaires et imagées de l’écrivain au moyen d’éléments dramaturgiques (décors, praticables, accessoires, mobilier…) » : RÉGNIER, op. cité, p. 147.

[3] Voir le site officiel des maisons de Victor Hugo, qui présente « la maison-œuvre de Victor Hugo » : https://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/guernesey/la-maison/visitez-hauteville-house-aujourdhui.

[4] Dans la présentation des espaces du musée : https://www.musee-balzac.fr/decouvrir/les-espaces-du-musee/.

[5] Roland BARTHES, « Sade, Fourier, Loyola », in Œuvres complètes, t. III, Paris, Seuil, 2002, p. 706.

[6] André LAGARDE et Laurent MICHARD, XIXe siècle (1re éd., 1953), Paris, Bordas, 1985, p. 155.

[7] Ibid., p. XXVI.

[8] Ibid., p. XXXVIII-XXXIX.

[9] Elizabeth EMERY, « Un ‘pèlerinage à l’oracle’ : Edith Wharton, Henry James et la patrimonialisation de la maison de George Sand à Nohant », Culture & Musées [En ligne], 34, 2019, § 40. DOI : https://doi.org/10.4000/culturemusees.3819.

[10] Pour une synthèse sur la spécificité de ces approches, voir Marie-France BISHOP, « Une question de méthode : l’approche historico-didactique en français », in A. Dias-Chiaruttini et C. Cohen-Azria (dir.), Théories-didactiques de la lecture et de l’écriture, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2017, p. 225-239.

[11] J’entends ici par « scolarisation » l’ensemble des processus qui sont à l’origine de la construction des objets scolaires : voir Nathalie DENIZOT, La culture scolaire : perspectives didactiques, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2021, p. 95 sq.

[12] Sur le sujet, voir pour Colette : Marie-Odile ANDRE, Les mécanismes de classicisation d’un écrivain : le cas de Colette, Metz, Université de Metz, 2000 ; et pour Sand : Nathalie DENIZOT, « George Sand, un classique scolaire ? », Les Amis de George Sand, 35, 2013, p. 159-170, https://hal.science/hal-01448147.

[13] Mathilde LABBE, « Introduction. La construction d’une France littéraire : ancrage, réception et création littéraires », Recherches & Travaux [En ligne], 96, 2020, § 2. DOI : https://doi.org/10.4000/recherchestravaux.1906.

[14] Christine PLANTE, « La place des femmes dans l’histoire littéraire : annexe ou point de départ d’une relecture critique ? », Revue d’histoire littéraire de la France, 3, p. 655-668, https://doi.org/10.3917/rhlf.033.0655.

[15] Gustave LANSON et Paul TUFFRAU, Manuel illustré d’histoire de la littérature française (1re éd., 1929), 3e éd., Paris, Hachette, 1932.

[16] André LAGARDE et Laurent Michard, Les grands auteurs français du programme, Paris, Bordas [5 volumes parus, du Moyen âge au xixe siècle entre 1948 et 1955].

[17] Laetitia PERRET, « Place des autrices dans les manuels de littérature en classe de première de 1987 à 2010 », in F. LE NAN, A. Brünig et C. Pergoux-Baeza (dir.), Voix des créatrices dans le monde. Une approche du genre en littérature, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 121-140, https://books.openedition.org/pur/87447?lang=fr.

[18] Chantal Théry, « Madame, votre sexe… Les auteurs de manuels et les femmes écrivains », Études littéraires, 14(3), 1981, p. 509–525, https://doi.org/10.7202/500557ar.

[19] Planté, art. cité.

[20] Nathalie Denizot, « Renouvèlement et classicisation : la scolarisation des genres (auto)biographiques au lycée (2001-2010) », Le Français aujourd’hui, 172, 2011, p. 35-42, https://doi.org/10.3917/lfa.172.0035.

[21] Lanson et Tuffrau, op. cit, p. 228.

[22] Martine REID (dir.), Femmes et littérature. Une histoire culturelle, t. I, Paris, Gallimard, 2020, p. 757.

[23] LABBÉ, art. cité, § 2.

[24] Robert HORVILLE, xviie siècle, Paris, Hatier, coll. « Itinéraires littéraires », 1988, p. 76

[25] Emmanuel BURY, « Espaces de la République des Lettres =: des cabinets savants aux salons mondains », in M. PRIGENT (dir.), Histoire de la France littéraire, Paris, PUF, 2006, p. 88-116.

[26] REID, op. cit, p. 756.

[27] On trouvera une reproduction de cette gravure et un commentaire sur le site de la BNF : https://essentiels.bnf.fr/fr/image/5c480c38-1e5c-4b52-82d2-7d46a7ceea06-mariage-la-ville-visite-accouchee.

[28] Pour les salons au xviie siècle et plus particulièrement l’hôtel de Rambouillet, voir REID, op. cit, p. 492 sq.

[29] Laetitia PERRET, art. cit.

[30] Nathalie DENIZOT et Laetitia PERRET, « Les autrices de manuels scolaires et l’histoire littéraire des femmes », Revue d’histoire littéraire de la France, 123 (4), 2023, p. 879-891.

[31] Ibid.

[32] Ibid.

[33] Sur cet ouvrage, voir les pages que lui consacre Martine Jey dans sa biographie de Lanson : Martine JEY, Gustave Lanson (1857-1934). Itinéraire d’un Professeur de la République, Paris, Classiques Garnier, 2025, p. 180 sq.

[34] Lanson et Tuffrau, op. cit.

[35] Voir la bibliographie. J’ai exclu les collections Perspectives et confrontations, chez Hachette et Textes et contextes chez Magnard : rompant volontairement avec les approches biographiques, ils ne proposent quasiment pas d’indications sur la vie des auteurs.

[36] Brigitte DIAZ, « Vie des grands auteurs du programme », Revue des sciences humaines, 224, 1991, p. 263.

[37] Denizot, art. cit.

[38] Balzac notamment a longtemps été vertement critiqué pour son style. Voir par exemple ce qu’écrit Doumic : « Les romans de Balzac sont touffus et d’une lecture souvent fatigante. [Il] s’attarde en des descriptions interminables […] il a des inventaires d’huissier, des notes de tapissier. Son style est de même encombré de détails, lourd, manquant d’air. » René DOUMIC, Histoire de la littérature française (23e éd.), Paris, Librairie Paul Delaplane, 1906, p. 564.

[39] Doumic, op. cit, p. 558.

[40] Pierre-Georges CASTEX et Paul SURER, Manuel des études littéraires françaises. xixe siècle (1re éd., 1950), Paris, Hachette, 1966, p. 179.

[41] Voir aussi Planté, art. cit, p. 666 : « La minoration de George Sand dans l’histoire littéraire, rapide et durable après la mort d’une romancière qui avait pourtant été considérée de son vivant comme dominant la production romanesque de son siècle, ne passerait pas toujours par une misogynie frontale, mais par une identification de ses choix esthétiques et de ses pratiques génériques comme féminins, du même coup situés du côté des vaincus d’une histoire littéraire qui voit le réalisme l’emporter sur l’idéalisme – sans qu’il soit facile de dire en quel sens s’établit la causalité, ni si elle fonctionne à sens unique. Réussir dans un genre considéré comme universel (ce qui revient de fait à le dire masculin, ainsi la tragédie, le roman réaliste) est pour une femme très difficile, réussir dans un genre féminin est une réussite dévaluée ».

[42] Ce sont eux qui soulignent.

[43] ANDRÉ, op. cit, p. 139.

[44] Fernand GENDROT et Firmin-M. EUSTACHE, Auteurs français. xxe siècle, Paris, Hachette, 1954, p. 199.

[45] Justin-René CHEVAILLIERet Pierre AUDIAT, Les textes français. xxe siècle, Paris, Hachette, 1950, p. 47.

[46] Par exemple André LAGARDEet Laurent MICHARD, xxe siècle, Paris, Bordas, 1962 (planche 126, non paginé). On trouvera cette gravure sur le site des Amis de Colette : https://www.amisdecolette.fr/la-maison/une-maison-livre/.

[47] LAGARDE et MICHARD, op. cit, 1962, p. 523-524.

[48] André LAGARDE et Laurent MICHARD, xxe siècle, Paris, Bordas, 1995, p. 603. Le soulignement en gras vient du manuel.

[49] ANDRÉ, op. cit, p. 217.

[50] LAGARDE et MICHARD, op. cit, 1995, p. 603. Cf. supra.

[51] Pour une analyse plus complète de ces images, voir le chapitre que leur consacre André, op. cit, p. 261 sq.

[52] Diaz, art. cit, p. 264

[53] Florence RANDANNE (dir.), Empreintes littéraires. 1ère, Paris, Magnard, 2019, p. 612.

[54] Voir Labbé, art. cit.

Résumé

Dans les manuels scolaires, les lieux associés à tel ou tel écrivain contribuent à construire le portrait de l’auteur. Mais qu’en est-il lorsque l’auteur est une autrice ? Les biographèmes liés aux lieux, dans les biographies des autrices, véhiculent-ils des représentations genrées ? C’est à ces questions que cet article cherche à répondre, en analysant plus précisément dans une approche historico-didactique les ancrages territoriaux de George Sand et Colette, à travers un corpus de manuels scolaires parus entre le début du xxe siècle et la période contemporaine.

 

Abstract

In school textbooks, the places associated with a particular writer help to build a portrait of the author. But what happens when the author is a woman? Do the biographemes linked to places in female authors' biographies convey gendered representations? This article seeks to answer these questions, by taking a historico-didactic approach to analyzing the territorial roots of George Sand and Colette, through a corpus of school textbooks published between the early 20th century and the contemporary period.

Introduction

La minoration des autrices dans les manuels scolaires

Une double minoration quantitative et symbolique

Des autrices d’intérieur

Une évolution récente

Présentation du corpus de manuels

Des histoires de la littérature et des recueils de morceaux choisis

L’épuisement de la « biophilie »

George Sand et Nohant

Le Berry et les romans champêtres

La « bonne dame de Nohant »

Une figure maternelle et matriarcale

Le cabinet de travail de Nohant

Colette, de la Puisaye au Palais-Royal

Un classique mineur

Colette et ses lieux de vie

« L’espace recomposé de l’enfance »

De Claudine à « l’écrivain illustre »

Pour conclure

Nathalie DENIZOT

Sorbonne Université – Inspé de Paris, CELLF (UMR 8599), équipe Prascoll

Nathalie DENIZOT, « Ancrages territoriaux d’autrices dans les manuels de littérature : George Sand et Colette », L’Entre-deux, 17 (1) | juin 2025 | URL : https://www.lentre-deux.com/?b=354 | consulté le 20-06-2025

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