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Numéro 17 | juillet 2025 | Des « lieux à soi »
Des « lieux à soi »
Promenades géocritiques en Normandie
Sonia ANTON
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Les ouvrages savants – recueil d’articles, actes de colloques, monographies – ont longtemps constitué les domaines réservés, sinon exclusifs, pour accueillir les résultats des recherches menées en littérature. Cette tradition postulait, et engendrait de fait, une frontière assez bien dessinée entre les chercheurs et les amateurs non spécialistes de littérature. Frontière qui séparait aussi l’institution universitaire des domaines relevant de la valorisation des territoires et des patrimoines littéraires, réservés au tourisme. Frontière enfin dissociant l’espace public, l’espace sensible, celui où nous évoluons quotidiennement, et les lieux de diffusion des savoirs : salles de conférence, bibliothèques, librairies spécialisées. Je force sans doute un peu le trait, mais mon propos est précisément de mettre en valeur les évolutions heureuses que connaît la recherche en littérature ces dix dernières années. Car les initiatives engagées pour partager les savoirs au-delà des laboratoires de recherche, les rendre accessibles aux habitants des villes, les inscrire dans l’espace public se sont multipliées. L’ouvrage Espaces, tourismes, esthétiques, dirigé par Bertrand Westphal et Lorenzo Flabbi, inaugurait, en 2009, une réflexion et un débat sur les articulations à construire, ébauchait un « laboratoire des possibles propre à libérer la littérature et les autres arts de la tour d’ivoire dans laquelle ils ont souvent été enfermés »1. Le propos, qui associait la discipline géographique et la littérature, était de faire émerger une nouvelle perception des lieux, en mettant très concrètement en regard l’espace et la représentation qu’en donnent les écrivains et les artistes. Ceci impliquait de s’appuyer sur des méthodologies innovantes, qui feraient dialoguer la recherche et le tourisme.

Parmi les dispositifs imaginés figurent les promenades littéraires, qui ont donné lieu à plusieurs journées d’études, où se sont rencontrés des chercheurs et des acteurs publics chargés de la valorisation des patrimoines littéraires2. La journée « Des lieux à soi ? » organisée à l’Université d’Artois3 en septembre 2024 participe de cette dynamique. Mais elle a eu aussi pour particularité de problématiser le motif de la promenade en interrogeant la place qu’occupent les figures féminines, tant sur leur territoire, que dans notre histoire littéraire et culturelle.

Pour nourrir des questionnements, je consacrerai cette contribution à livrer un retour d’expérience sur deux promenades littéraires conçues à l’université du Havre.

Comme je tenterai de le montrer, ces deux circuits ont eu pour vocation d’offrir une vision aussi large et diversifiée que possible des représentations littéraires associées à un lieu. J’ai voulu embrasser un champ chronologique étendu, œuvré pour que tous les genres littéraires soient représentés, y compris les correspondances, les journaux, les récits de fondation des villes. Parmi les partis pris que j’ai défendus, j’ai voulu que des auteurs « consacrés » par l’histoire littéraire puissent voisiner avec des écrivains moins reconnus. J’ai tenu également à ce que soient accueillis des auteurs jusqu’alors considérés comme « régionalistes », étiquette péjorative qui perd tout son sens dès lors que notre intérêt se porte précisément sur la relation aux lieux. Les deux promenades incluent naturellement des écrivaines. Mais, puisque je mentionne des partis pris, je tiens à préciser que ni la parité homme / femme, ni la question de la minoration du rôle femmes dans l’histoire littéraire et culturelle n’ont été alors des éléments déterminants dans le choix des textes et des étapes. La première promenade a été pensée en 2014. Les dix années qui se sont écoulées depuis ont été déterminantes dans le combat des femmes pour être reconnues dans toutes les sphères de la vie sociale, politique et culturelle. L’histoire littéraire qui nous a été enseignée à l’université, et qui continue bien souvent à l’être, a été écrite par des hommes. Aujourd’hui, d’innombrables femmes de lettres et artistes qui en avaient été exclues sont régulièrement redécouvertes et justement mises à l’honneur. Le parti pris des femmes aurait été assurément plus déterminant dans mes choix si j’avais construit cette promenade aujourd’hui.

La première promenade, installée de facto dans la ville du Havre en 2014, fêtait ses dix années d’existence à l’automne 2024, alors même que j’avais le plaisir d’intervenir à l’Université d’Artois pour la journée d’études « Des lieux à soi ». La seconde est destinée à se décliner en une série d’escales le long de la Seine. Je décrirai ce qui en constitue le premier prototype, installé dans la commune de Rives-en-Seine en 2021.

Je livrerai dans un premier temps le récit de la promenade littéraire du Havre, en détaillant notamment la méthode de recherche qui a présidé à son élaboration. Puis j’évoquerai le circuit littéraire imaginé sur les rives de la Seine, qui sera présenté comme son prolongement.

Enfin, je mentionnerai les difficultés majeures que j’ai pu identifier dans l’élaboration de ces deux dispositifs. Beaucoup d’entre elles questionnent le périmètre d’action du chercheur en littérature, considérablement élargi dès lors que son objet d’étude a pour vocation d’occuper l’espace public. J’évoquerai aussi la question de la pérennité de ces circuits, qui m’apparaît centrale.

La promenade littéraire du Havre

Les étapes de sa conception

Ma rencontre avec la ville du Havre

La géographie littéraire n’est pas ma première spécialité de recherche, et ce sont les hasards de la vie qui m’ont conduite à elle.

En effet, je suis recrutée à l’université du Havre en 2002, année où je découvre la ville pour la première fois. Je choisis de m’y installer, et m’attache alors à explorer mon nouveau territoire. L.-F. Céline, à qui j’ai consacré ma thèse, évoque la cité dans Mort à crédit. De fil en aiguille, je découvre d’autres textes littéraires qui mentionnent la ville dans la première moitié du XXe siècle. Puis de très nombreux romans du XIXe siècle (Balzac, Stendhal, Zola, Maupassant, Alphonse Karr, Octave Mirbeau, etc.). La ville est un grand port et a constitué un lieu de passage très fréquenté. Elle a aussi incarné au XIXe siècle une cité balnéaire prisée, ce dont témoigne la place que lui réservent les peintres impressionnistes. Les habitants que je rencontre et à qui je livre mes découvertes se montrent souvent surpris d’apprendre que la cité a pu intéresser des écrivains. Je prends alors la mesure de l’image négative dont souffre la ville. Le Havre a une histoire très singulière. Construite de toutes pièces par François Ier pour des raisons en grande partie militaire, elle ne jouit pas du prestige historique et archéologique des villes de Rouen, ni de Caen, qui lui sont voisines. L’identité de la cité est particulière. Érigée sur des marais, sa fragilité est presque inhérente à sa géographie et à son histoire, puisqu’elle est dès l’époque classique plusieurs fois bombardée par les Anglais, puis inlassablement rebâtie. Elle devient assez vite une cité de négociants (autour du commerce du café, du coton et de la traite négrière notamment), puis s’industrialise au XXe siècle pour se transformer en ville ouvrière, une ville « rouge », dirigée pendant plusieurs décennies par des maires communistes. Longtemps – y compris sous la plume des écrivains et artistes natifs, tels Raymond Queneau ou Jean Dubuffet –Le Havre est tenu pour une cité sans culture, écrasée par la capitale toute proche, et par les prestigieuses stations balnéaires de la côte d’Albâtre au nord (Étretat) et du Calvados au sud (Deauville). En septembre 1944, Le Havre est presque totalement rasé et la reconstruction confiée à Auguste Perret met du temps à être appréciée, sinon acceptée par les habitants. Il faudra attendre le classement de son architecture au Patrimoine de l’Unesco en 2005 pour que se transforme, progressivement, la perception de la ville.

Pendant mes premières années au Havre, je continue à explorer la ville, à arpenter ses rues, à interroger ses habitants, à appréhender son histoire. Dans le même temps, je lis tous les textes littéraires qui l’évoquent, je prospecte pour en découvrir de nouveaux. Et je décide d’y consacrer des recherches.

La découverte d’une théorie et d’une méthode : la géocritique

Je me tourne alors vers la géographie littéraire, qui est à appréhender à la fois comme une théorie littéraire et une méthode d’analyse. La lecture spatialisée de nos objets d’étude s’est développée dans toutes les sciences humaines depuis les dernières décennies du XXe siècle, phénomène que certains théoriciens ont qualifié de « spatial turn »4. De nombreux courants ont émergé, dont la géopoétique, qui associe la création poétique aux lieux, la cartographie littéraire, qui use de nouveaux outils pour l’analyse des textes, la géo-esthétique qui porte sur l’inscription des arts dans les espace publics ou naturels. À l’intérieur de ce paradigme vaste, je découvre les essais de Bertrand Westphal sur la géocritique5, et je suis séduite par les concepts et les analyses déployés, qui entrent fortement en résonnance avec à ce que je réalise au Havre de façon empirique.

La géocritique propose de rassembler le maximum de textes littéraires qui mentionnent un même lieu, sans prioriser d’époque, ni de genre. Elle pratique une analyse qui n’est plus centrée sur un auteur mais sur un espace, dessinant les contours de ce que j’appelle un « territoire littéraire », qui est à comprendre comme un entre-deux entre réel et fiction. Ce territoire rassemble à la fois les données géographiques référentielles et les représentations qu’en ont données les écrivains et les artistes. Elle s’alimente également des approches proposées par des écrivains spatialistes, qui, tels Michel Butor ou Georges Perec, ont associé l’écriture et l’espace, la page et le paysage.

Je finis par constituer un corpus de 150 œuvres où il est question du Havre de façon significative. J’organise des colloques, qui rassemblent des chercheurs venus de différents horizons, et accueillent une forme de polyphonie méthodologique et théorique, où cohabitent et se croisent des approches biographiques, historiographiques, psychanalytiques, thématiques, sociologiques, ou poétiques. La géocritique dresse un feuilletage de lectures et d’interprétations, dont il revient sans doute au chercheur-initiateur du projet de dessiner une synthèse, ce que j’ai tenté de faire en introduisant chacun des ouvrages collectifs.

En 2014, le corpus constitué regroupe sans distinction tous les genres, dont des textes des premiers temps de la ville qui racontent sa fondation et son histoire. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la frontière séparant l’historiographie, où abondent les procédés stylistiques, et l’écriture littéraire est ténue. La géocritique permet de dépasser la hiérarchie des canons et d’accueillir des œuvres jusqu’alors mises de côté de l’histoire littéraire, dès lors qu’elles rendent compte d’une représentation esthétisée de l’espace. Elle permet ainsi de revisiter certaines formes, dont les guides de voyages du XIXe siècle, qui racontent abondamment le parcours entre Paris et le Havre par train et par bateau. Elle n’exclut pas les productions dites « régionales », et invite au contraire à les redécouvrir par le prisme du lieu. En 2012, je propose de créer aux Presses universitaires de Rouen et du Havre une collection intitulée « Le Havre : territoire d’écriture » pour accueillir en partie des textes inédits. Elle compte à ce jour 5 volumes. Parmi eux, l’œuvre d’une femme des Lumières, Marie Le Masson Le Golt6, qui fait partie de des innombrables écrivaines et artistes oubliées de l’histoire littéraire, en grande partie parce qu’elles étaient des femmes.

Parvenue à cette étape de ma contribution, je me permets de renvoyer les lecteurs et lectrices aux textes7 que j’ai consacrés à présenter l’ensemble de ce corpus, ainsi qu’à une sélection d’études plus précisément dédiées à certains auteurs ou à certaines œuvres8.

La notion de « territoire littéraire » : des « espaces à soi ? »

J’insisterai par contre sur la notion de « territoire littéraire », qui a constitué la ligne d’horizon vers laquelle ont tendu mes lectures. Le Havre qui émerge de tous ces textes constitue un lieu de croisement, un tissage, un feuilletage qui se déploient dans la superposition des regards et dans les plis du temps. Dessiner la géocritique d’une ville revient sans doute à explorer le « génie du lieu » qu’évoque Michel Butor9. L’entreprise entre également en résonnance avec la théorie des mondes possibles, où les représentations de la ville finissent par avoir autant de réalité que la ville elle-même. L’idée que les personnages des romans puissent circuler dans le monde réel, comme nous circulerions dans les romans, est magnifiquement développée par Pierre Bayard dans Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? :

 

il est également vraisemblable que, profitant de la mobilité de l’espace littéraire et de cette ouverture des frontières qui perturbent la circulation dans le monde réel, les personnages de certaines œuvres de fiction en profitent pour passer d’un texte à l’autre et pour venir s’installer dans un monde qui leur paraît plus hospitalier 10.

 

Bertrand Westphal évoque une « hybridité ontologique [anon.1] [SA2] des espaces réels et fictionnels » :

 

l’un des enjeux majeurs de la géocritique sera de conduire le regardant ou celui qui re-produit l’espace en fonction du témoignage d’autrui à considérer ce qu’il regarde ou re-produit dans toute sa complexité. En d’autres termes, l’espace humain devra cesser de lui paraître évident ; ce qu’il perçoit devra devenir indice d’une compossibilité dont il lui incombera de définir la continuité 11.

 

Les travaux de Bertrand Westphal explorent une « poétique de la transposition » et rendent compte, je cite, d’une « dialectique (espace-littérature-espace) qui implique que l’espace se transforme à son tour en fonction du texte qui, antérieurement, l’avait assimilé »12. Michel Collot13, dans l’analyse qu’il opère sur l’œuvre de Michel Butor, use des métaphores de la « constellation », de la « condensation », de la « composition », où s’entremêlent les lieux réels, fictionnels et imaginaires.

La méthode géocritique réserve une place centrale à la question de la lecture et de la réception des textes littéraires. Elle confère au chercheur-lecteur un rôle singulier, dans la mesure où son regard devient le lieu où converge une multitude de visions. Le territoire littéraire devient sans doute aussi cet espace personnel qu’élabore le chercheur, alimenté par ses lectures et par sa propre sensibilité aux lieux et aux textes, par son expérience, ses affects et ses émotions. Il devient pays intérieur, où s’articulent et s’entremêlent l’imaginaire et le réel, la lecture et l’expérience du lieu. Rachel Bouvet évoque très justement cette « carte intime » que le chercheur-lecteur-géographe finit par dessiner : « carte intime donc, imaginaire que le lecteur construit lui-même avec tout ce qui compose sa propre subjectivité »14. J’explore l’hypothèse selon laquelle la géocritique accueillerait une forme d’interprétation poétique dans le champ de la recherche, en mobilisant un regard et un imaginaire singuliers. J’ai, en tout état de cause, tenté modestement de rendre compte de mon territoire littéraire du Havre, dans un ouvrage non académique, Le galet et la crevette, rêveries havraises au bord de l’eau15. Et la thématique qui a présidé à la journée d’étude de l’Université d’Artois, « Des lieux à soi ? » épouse très précisément mon expérience et mon ressenti, comme elle résonne avec les ouvrages de Rachel Bouvet. Il se trouve que nous sommes deux enseignantes-chercheuses, et deux femmes, qui défendons l’idée d’avoir sans doute construit des « espaces à nous ».

L’élaboration du circuit urbain

J’en viens au circuit de la promenade littéraire, installé dans la ville du Havre, et qui a été pensé en même temps que se déployaient ces recherches académiques. Les investigations menées à l’université éveillaient l’intérêt de nombreux habitants, et elles méritaient de trouver une déclinaison en dehors des murs de l’université. La géocritique postule par ailleurs une double interaction : si le réel alimente assurément la fiction, cette dernière est aussi en capacité de transformer le réel. Installer des bancs littéraires dans la ville rendait possible, de facto, ce postulat. Enfin, les orientations stratégiques prônées dans les universités en lettres et sciences humaines encourageaient l’entreprise. En effet, depuis au moins une décennie, les structures qui évaluent les chercheurs accordent une importance accrue à l’inscription des recherches en lettres dans le champ social, et promeuvent les actions de valorisation, susceptibles de donner une visibilité forte aux universités et aux territoires.

En 2012, la Région Normandie publie plusieurs appels à projet susceptibles d’accueillir des programmes de recherches littéraires coûteux. Je réponds à l’un d’entre eux pour la construction de cette promenade, et ma proposition est retenue.

Le contexte politique était aussi particulièrement favorable, grâce à la présence au Havre du jeune maire qu’était alors Édouard Philippe, qui venait de lancer un plan de lecture publique ambitieux. Enfin, ce projet s’inscrivait dans un mouvement en plein développement en France et en Europe qui touche au tourisme culturel, notamment littéraire. La promenade littéraire a donc été construite grâce à une étroite collaboration entre la Région, la ville et l’université, qui ont mutualisé leurs services, et a fait l’objet d’un triple financement.

Elle se présente de la façon suivante.

Présentation du circuit

Il s’articule autour de 20 bancs, au design identifiable, répartis dans le centre-ville du Havre.

 

Image 1 : Banc littéraire du Havre

 

Images 2 : Quai Colbert

 

Image 3 : Rue de Paris

 

Image 4: Square Saint Roch

 

L’ensemble forme un circuit qui peut se parcourir dans son intégralité, il faut compter deux bonnes heures de marche, dans la mesure où le circuit s’étend à la fois sur le centre-ville et sur tout le front de mer.

 

Image 5 : Circuit de la promenade littéraire du Havre

 

Mais le promeneur peut aussi se concentrer sur un quartier. Sur chaque blanc figure un caisson métallique où sont reproduites des citations d’écrivains et d’écrivaines évoquant précisément le lieu où le banc est situé, assorties d’une carte, d’une courte légende explicative, d’une liste des lieux et d’un QR code.

 

Image 6 : Caisson central

 

La légende mentionne l’identité de l’écrivain, l’ouvrage dont est extraite la citation. La liste des étapes invite le promeneur à se diriger vers d’autres bancs littéraires. Enfin, le QR code renvoie à un site internet, qui permet au visiteur de prendre connaissance de 150 textes mentionnant ces mêmes 20 lieux, toutes époques confondues, et de démultiplier les regards portés par les écrivains.

L’un des enjeux de cette promenade a été de construire un parcours pertinent du point de vue de la recherche littéraire, qui reste cependant évocateur et accessible à des non-universitaires, habitants du Havre tout d’abord, touristes d’autre part. Le choix des étapes a obéi à plusieurs principes.

En premier lieu, il était nécessaire que soit respecté un principe de diversité et de pluralité, permettant de confronter des points de vue et des regards différents sur la ville. La diversité porte tout d’abord sur les auteurs : le parcours mentionne 14 écrivains et deux écrivaines (Simone de Beauvoir et Maylis de Kerangal), figurant sur le titre des signalétiques. Les façons de faire référence à la ville sont plurielles. Certains textes sont extraits d’œuvres dans lesquelles Le Havre n’est pas nommé (la nouvelle « Le Panorama » de Georges Limbour) ; dans d’autres, la ville a été fictionnalisée (« Bouville » dans La Nausée). Les étapes du parcours prennent en compte plusieurs moments de l’histoire de la ville, elles en restituent des aspects importants et représentatifs (la tour François 1er détruite à la fin du XIXe siècle, la fonction centrale de la rue de Paris au début du XXe siècle, les phares de la Hève, etc.). Tous les bancs ont un lieu de la ville pour point de départ (le port, une villa célèbre, un square, un quartier, la gare, une rue, etc.). Certaines entrées s’opèrent par un auteur (signalétiques Balzac, Céline, Simone de Beauvoir, etc.) d’autres par une œuvre, soit que celle-ci soit très célèbre (Pierre et Jean, La Bête humaine, Bouvard et Pécuchet), soit qu’elle accorde une place capitale à la ville (Un rude hiver et L’Été 76, par exemple, sont des romans fortement ancrés au Havre). Un principe de diversité a également été respecté dans le rapport entre le référent et sa représentation : certains bancs évoquent un décor encore existant ; d’autres un cadre qui a été radicalement transformé. Au milieu du parcours figure le texte de Michel Leiris sur les bombardements de 1944, qui évoque un avant et un après la table rase opérée par la Seconde Guerre mondiale.

La promenade a aussi un enjeu touristique, et obéit à une exigence d’accessibilité. Les textes susceptibles d’être compris par le plus grand nombre ont donc été privilégiés. L’extrait est court et peut faire sens en soi, assorti de sa légende. Il est majoritairement descriptif, et renvoie précisément au lieu. Mais il peut aussi contenir des aspects narratifs qui invitent le lecteur à lire l’ouvrage pour poursuivre le récit. Le titre et la légende explicatives figurant sur chaque caisson ont été traduits en anglais. La présence d’un auteur américain (Henry Miller) a été pensé comme une invitation à s’approprier les représentations du Havre au-delà de la seule histoire littéraire française.

Le design du banc a été choisi par la ville, qui a opté pour une esthétique discrète, qui s’intègre au mobilier déjà existant tout en reprenant des motifs Perret. J’ai eu carte blanche pour le choix des extraits.

Réception

L’installation de ces objets curieux a eu pour conséquence de re-sémantiser certains lieux par rapport à leur environnement, de leur restituer, par la littérature, une épaisseur diachronique et une densité. Ces bancs littéraires, qui diffèrent des bancs publics ordinaires, questionnent la place de l’objet artistique et culturel dans l’espace public. Ce circuit participe ainsi aux réflexions menées, entre autres, par Michel de Certeau sur les espaces quotidiens16, qu’il transforme et invite à observer autrement. Certaines orientations des bancs sont insolites et déroutent. Le texte de Stendhal évoque la tour François 1er. Mais le banc où il figure a pour horizon les silos à essence du port, parce que c’est dans cette direction-là que le visiteur devait tourner son regard pour observer l’ancienne fortification. Le banc Balzac, installé dans une portion de rue peu fréquentée, rappelle que les lieux de vie et de sociabilité se sont déplacés au cours de l’histoire. Le circuit littéraire invite aussi à explorer la thématique de la promenade, qui a une histoire dans notre littérature. Elle interroge aussi l’esthétique et la poétique du banc (le banc Rousseau à Ermenonville venant sans doute en premier à l’esprit), dont on pourrait retracer l’histoire17. D’un point de vue anthropologique, et au regard des phénomènes d’accélération qui caractérisent notre monde, le banc et la promenade convoquent le ralentissement, proposent de faire arrêt sur le paysage, qui peut devenir paysage intérieur. Dans les travaux qu’il consacre à la géopoétique18, Kenneth White promeut une réappropriation des lieux par la poésie, explorés dans un mouvement nomade, puis restitués dans un geste de création pensé in situ. La géopoétique n’a pas été un élément fondateur ni déclencheur dans le désir de construire cette promenade. Mais avec le recul dont je bénéficie aujourd’hui, il me semble qu’elle entre en résonnance avec le principe même des promenades littéraires, qui invitent au mouvement dans l’espace.

Cette promenade a été extrêmement bien accueillie par la population havraise et continue à être appréciée, ce dont témoignent mes derniers échanges avec le service de la voierie de la ville. Le Havre connaît d’importants travaux depuis cinq ans. Pour chaque quartier concerné, la ville commence par désinstaller tout le mobilier urbain existant, puis elle sollicite les habitants pour savoir ce qui mérite d’être réinstallé. Les bancs littéraires font partie du mobilier auquel les habitants sont attachés. La promenade a bénéficié d’une belle couverture médiatique19. Elle a bénéficié enfin d’une reconnaissance institutionnelle, a reçu un prix de l’innovation, qui saluait notamment l’articulation entre recherche académique et recherche appliquée20.

J’évoquerai à présent le second circuit imaginé à l’université, qui a eu pour vocation de tester la reproductibilité du modèle, et était destiné à se déployer le long de la Seine. J’userai à nouveau de la forme du récit.

La géocritique de la Seine

Le contexte de l’appel à projet « Réinventer la Seine »

L’idée d’une autre promenade prend corps en 2017, au moment où l’État lance un appel à Projet intitulé « Réinventer la Seine ». Le programme du « Grand Paris », rebaptisé depuis « Axe Seine » génère une conjoncture politique et économique favorable pour accueillir des dispositifs de valorisation patrimoniale autour du fleuve. J’entame la géocritique du fleuve entre Le Havre et Paris, en opérant de la même manière que pour Le Havre. J’explore et rassemble des textes, j’organise un premier colloque, je monte un dossier auprès de la région Normandie, que j’intitule « GéoSeine ». Le projet est retenu et financé, je serai notamment accompagnée pendant 36 mois par une ingénieure d’études.

La première « Escale littéraire de la Seine » est inaugurée en 2021, à Rives-en-Seine, commune qui abrite MuséoSeine.

L’escale littéraire

L’Escale diffère du banc littéraire sur plusieurs points, car elle a été en partie pensée à partir des retours que nous avions recueillis sur la promenade du Havre. Les utilisateurs avaient notamment formulé avec une relative récurrence qu’ils n’avaient pas le réflexe de télécharger le QR code, et plébiscitaient un accès plus direct au site internet. C’était avant le Covid, qui a transformé nos usages du QR code, j’y reviendrai un peu plus avant. La réflexion a également porté sur la forme de l’objet banc. Nous avons imaginé un espace plus convivial, susceptible d’accueillir plusieurs personnes et d’offrir différentes formes d’assises et d’usages. L’escale a enfin été pensée comme un espace connecté qui permettrait, seul ou à plusieurs, de consulter un site internet in situ.

 

Image 7 : Escale littéraire de la Seine. Écran in situ

 

Nous nous trouvions à un moment où ces espaces numériques se multipliaient dans les musées, les gares, les offices de tourisme, les abris-bus. L’espace connecté était alors perçu par les collectivités comme un dispositif innovant pour livrer des contenus informationnels ou culturels21. Le site proposerait de naviguer, via un atlas, le long de 30 villes des bords de Seine.

 

Image 8 : Site Escale littéraire de la Seine, octobre 2024

 

L’Escale a aussi été pensée comme un objet artistique, pour embrasser la question de l’art dans l’espace public, interroger la notion « d’Art contextuel » (Paul Ardenne22), qui se démarque des pratiques traditionnelles en investissant l’espace urbain ou le paysage (performances de rue, art paysager en situation). L’Escale de Rives-en-Seine a donc été imaginée par un designer (par opposition à un fabriquant de mobilier urbain), pour que nous puissions obtenir un objet de forme inédite et originale, à partir d’un cahier des charges construit en collaboration avec l’école d’art et de design du Havre (ESADHaR).

 

Images 9 : Escale littéraire Rives-en-Seine

 

Image 10 : Escale littéraire Rives-en-Seine

 

Image 11 : Escale littéraire Rives-en-Seine23

 

L’objet installé à Rives-en-Seine est à considérer comme un prototype, la première escale d’une possible série qui pourrait se décliner le long du fleuve. En 2022, ce projet de circuit a été officiellement présenté comme l’un des dispositifs patrimoniaux retenus par l’Axe Seine. Mais les choses n’ont pas avancé depuis lors, pour des raisons qui m’apparaissent en grande partie opérationnelles .La promenade le long de la Seine diffère en effet de celle du Havre puisque le périmètre embrasse 350 km, inclut trois métropoles, plusieurs départements, plusieurs régions, une multitude de communes. L’enjeu est de réussir à fédérer ces territoires, et je crois que ceci constitue l’une des difficultés majeures dans l’avancement du circuit.

Depuis le lancement de « Réinventer la Seine », certains circuits multi-sites se construisent cependant et avancent assez bien. C’est le cas de la Seine à vélo par exemple, qui propose des arrêts, des points d’étape dans des lieux remarquables pour leur paysage ou leur histoire. Il faudrait imaginer sans doute de faire converger les circuits, de mutualiser les forces et les énergies.

En termes de géographie littéraire, il ne s’agit plus d’esquisser la géocritique d’une ville, mais d’un fleuve, et les questions soulevées sont aussi passionnantes que complexes. J’en présente les grandes lignes dans l’ouvrage collectif Le territoire littéraire de la Seine24, auquel je me permets de renvoyer les lecteurs et lectrices de cette contribution.

Satisfactions et difficultés

Après le récit de ces deux expériences, je souhaiterais évoquer ce que j’ai identifié comme des difficultés majeures dans leur déploiement. Mentionner aussi ce qui constitue également leurs faiblesses, mon objectif étant que cette analyse puisse entrer au service des chercheurs et chercheuses qui concevront, et conçoivent déjà, des circuits littéraires.

La question de la pérennité

La première question porte sur la pérennité des deux circuits, comme de celle des sites internet qui leur sont associés. Au Havre, les bancs littéraires ont vieilli, ceux qui étaient les plus exposés au public se sont dégradés, ce qui est dans l’ordre des choses. Le site web, hébergé sur les serveurs de l’université, a perdu, au fur et à mesure des mises à jour, plusieurs fonctionnalités. La reproduction des textes non libres de droit, sur les bancs comme sur le site, représente un coût important, et les contrats avec les éditeurs doivent être renouvelés tous les cinq ans. Le dixième anniversaire de la promenade du Havre a été l’occasion, pour l’université comme pour la ville, d’entamer une réflexion visant à redynamiser le dispositif, à imaginer une saison 2. Les caissons centraux des bancs se démontent, peuvent accueillir de nouveaux textes et de nouveaux auteurs. L’image du Havre a considérablement évolué en dix ans, et nous n’avons plus à démontrer que la ville a été précisément mentionnée par les écrivains. De nouvelles œuvres qui ont Le Havre pour décor ont été produites, et continuent à l’être régulièrement. Plus qu’un « territoire littéraire », la ville aussi devenue « un territoire d’écriture », c’est-à-dire un lieu depuis lequel on écrit, et où l’on vient pour écrire, grâce au master de création littéraire de l’université du Havre, qui jouit à présent d’une reconnaissance nationale, et accueille depuis 2012 des écrivains émergents de très grande qualité. La saison 2 aurait pour vocation de donner à découvrir davantage de textes contemporains. Il sera également question de renouveler l’esprit des extraits littéraires pour s’orienter vers des représentations du Havre poétiques et sensibles, où seront privilégiés la métaphore et l’imaginaire, l’ouverture vers un ailleurs, mentionnés les lumières, les couleurs, les sons, les odeurs. Les extraits seront sans doute aussi plus courts, plus graphiques, plus suggestifs. Les réflexions et les discussions sont en cours à l’heure où je rédige la présente contribution.

Par ailleurs, la fragilité des sites internet produits par des chercheurs, puis déposés sur des serveurs, est apparue d’une façon à la fois spectaculaire et malheureuse dans le cas de l’atlas littéraire de la Seine, qui a été piraté en octobre 2024 et n’est plus accessible actuellement. J’œuvre en ce moment même avec les différents services de l’université pour rendre les données à nouveau accessibles au public.

Enfin, et sans doute échaudée par cet incident, je suis de plus en plus encline à privilégier une inscription concrète et factuelle du texte littéraire dans l’espace. Le banc littéraire en a constitué une proposition, parmi beaucoup d’autres modalités possibles. Un exemple : la Métropole de Rouen a récemment sollicité des textes de la poétesse Alice Baude, qui ont ensuite été reproduits sur des abris à vélo

 

Image 12 : Lovélo Alice Baude, Métropole de Rouen Normandie

Le périmètre d’action du chercheur

Les difficultés rencontrées touchent également au périmètre d’action du chercheur en littérature. La recherche-action implique que nous élargissions notre champ de compétences vers des domaines très différents les uns des autres, que nous ne sommes pas habitués, qui plus est, à rencontrer dans la recherche académique. Il s’agit de réussir à articuler la relation entre la littérature et le tourisme, la littérature et l’économie, puis entre la recherche, la valorisation et la médiation. Le chercheur se trouve également placé au centre des nombreuses collaborations que son projet a générées, entre des institutions qui parfois n’avancent pas au même rythme, ou fonctionnent de façon différente. Ceci pose la question de l’évolution des contours du métier, encourage le développement de la « recherche-action », invite à imaginer des dispositifs de suppléance ou de complémentarité avec les acteurs culturels des territoires.

La question des subventions et des financements est naturellement cruciale. Le montage économique nous plonge, même malgré nous, dans des réalités d’ordre politique, car si ces financements publics témoignent de l’importance que des maires, des présidents de Région, ou des universités accordent à la littérature, ils répondent aussi à des choix stratégiques en termes d’investissement. Le financement de l’Escale littéraire a été complexe, et a mis en exergue une autre problématique, touchant à la distinction entre recherche et valorisation. J’ai en effet défendu l’escale auprès de la Région comme un dispositif scientifique, et obtenu un financement pour l’objet urbain, mais La Région a considéré que le site internet relevait de la valorisation et n’a pas souhaité in fine le financer. Il a donc fallu trouver de l’argent, négocier avec les prestataires.

Ces deux expériences questionnent la capacité à œuvrer de façon collective, et au-delà des frontières du laboratoire de recherche. Ces circuits ont mobilisé presque tous les services de l’université : le service financier puisqu’ils impliquent des procédures pour les conventions, les droits de cession des textes, les appels d’offre ; les équipes de valorisation de la recherche ; les services informatiques enfin, les sites web étant hébergés in situ. Il faut ajouter, parmi les interlocuteurs, les différents prestataires, puis les référents de chaque institution partenaire. On devient non seulement chef de projet, mais aussi chef d’équipe. J’ai eu parfois le sentiment de devenir chef d’entreprise. Ce statut de femme orchestre a sans doute constitué l’un des aspects les plus exaltants de l’aventure, le plus neuf pour moi, mais aussi le plus complexe. Car le pilotage d’ingénierie est un métier.

La pérennisation des circuits interroge également le dévouement du chercheur à son objet d’étude. Car avec les années, les interlocuteurs qui nous accompagnent à la naissance du projet, changent, de même que les politiques, les priorités, les budgets. Il faut beaucoup de ténacité pour continuer à faire exister. Je vous livre un détail concret, qui ressemble presque à une anecdote, mais qui illustre je crois ce que je veux exprimer. Les deux premières années de la promenade au Havre, je signalais au service de la voirie les caissons abîmés qui méritaient d’être remplacés. Puis j’ai arrêté de le faire, car ce n’était pas réellement mon rôle. Je croise encore assez régulièrement des habitants qui me disent : « Sonia, faites quelque chose, tel banc est abîmé », pensant qu’il s’agit de mes bancs. En réalité, la promenade ne m’appartient plus.

Dans mon récit, j’ai tantôt employé le « nous » tantôt le « je ». Dans l’émergence de l’idée puis dans la conception j’ai travaillé assez seule, sans doute parce c’est ainsi que j’avais été habituée à le faire. Puis j’ai été aidée par les différents services, très accompagnée, assistée par des ingénieurs d’études qui se sont succédés. Mais je regrette de ne pas avoir réussi à construire une équipe pérenne de chercheurs, pour partager les énergies, équilibrer les forces.


 

[1] Bertrand WESPHAL, Lorenzo FLABBI, Espaces, tourismes, esthétiques, Limoges, Presses universitaires de Limoges (PULIM), 2009, citation extraite de la quatrième de couverture.

[2] Penser la promenade littéraire, colloque international et interdisciplinaire Université de Nantes/ Université d’Angers, 11-12 mars 2021 ; Les nouvelles formes de patrimonialisation du littéraire, Journée d’étude de la Fédération nationale des Maisons d'écrivains et des patrimoines littéraires, Bruxelles, 1er décembre 2022

[3] « Des lieux à soi ? » : Projet de recherche-action autour de parcours touristiques littéraires au féminin / Journées d’études organisée par Marie-Clémence Régnier 5textes et Cultures) et Bénédicte Duthion (Université de Rouen Normandie), 17 septembre 2024.

[4] Les travaux de Gilles Deleuze et Félix Gattari sont notamment représentatifs de l’intérêt que toutes les sciences humaines vont commencer à porter à l’espace comme grille de lecture, par opposition au temps, qui avait prévalu jusqu’alors.

[5] Bertrand WESTPHAL, La Géocritique, réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007 (« Paradoxe »).

[6] Marie LE MASSON LE GOLFT, Coup d’œil sur l’état ancien et présent du Havre (1778) / Rouen, édition établie par Hervé Chabannes, PURH, 2017 (« Le Havre : territoire d’écriture », 3).

[7] Sonia ANTON, « Vers une cartographie littéraire du Havre », in Sonia ANTON (dir.), Le territoire littéraire du Havre dans la première moitié du XXe siècle, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2013, (« Le Havre :  territoire d’écriture, 2 »), p. 9-63 ; « La géocritique du Havre », in Sonia ANTON dir. Vers une cartographie littéraire du Havre, de Bernardin de Saint-Pierre à Pascal Quignard, Rouen, PURH, 2014, (« Le Havre : territoire d’écriture 3 »), p. 7-17.

[8] Sonia ANTON, « Pascal Quignard et la géocrique du Havre » in Les lieux de Pascal Quignard, actes du colloque du Havre, Gallimard, (« Les Cahiers de la NRF »), 2014, p. 21-25 ; « Bernardin de Saint-Pierre et Le Havre, d’hier à aujourd’hui » (co-écrit avec D. ROUET), in dans S. ANTON, L. MACÉ, G. THIBAULT (dir.), Bernardin de Saint-Pierre : idées, réseaux, réception, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (collection « Lumières normandes ») ; « Le Havre dans les romans de Maylis de Kerangal » / photographies d’Estelle Coletta, in 2017 et plus : revue culturelle du Havre, janvier 2016.

[9] Michel BUTOR, Le Génie du lieu, Paris, Grasset, 1958.

[10] Pierre BAYARD, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été, Paris, Minuit, 2012 (« Paradoxe »), p 113.

[11] Bertrand WESTPHAL (dir.), « Pour une approche géocritique des textes. Esquisse », La géocritique mode d’emploi, Limoges, PULIM, 2000, p. 28.

[12] Ibid, p. 21

[13] Michel COLLOT, Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014 (« Les Essais »).

[14] Rachel BOUVET et Audrey CAMUS (dir.), « Introduction », Topographies romanesques, Rennes, Presses universitaires de Rennes / Presses de l’université du Québec, 2011, p. 11.

[15] Sonia ANTON, Le Galet et la crevette : rêveries havraises au bord de l’eau, Fécamp, Terre en vue, 2017.

[16] Michel de CERTEAU, L’invention du quotidien, Paris, Gallimard, 1990 (« Folio Essais »)

[17] Voir l’intéressant et curieux ouvrage de Michael JACOB, Poétique du banc, Paris, Éditions Macula, 2014.

[18] Kenneth WHITE, L’Esprit nomade, Paris, Grasset, 1987.

[19] Carnets de Campagne, France inter, entretien avec Philippe Bertrand, 26 janvier 2015. http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1041081.

-« Le Havre à travers la littérature », Europe 1 matin, entretien mené par Marion Calais, 10 octobre 2014. http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/bonjour-monsieur-le-maire/sons/le-havre-a-travers-la-litterature-2255819.

[20] Voir aussi : Carnets de Campagne, France inter, entretien avec Philippe Bertrand, 26 janvier 2015. http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1041081. ; « Le Havre à travers la littérature », Europe 1 matin, entretien mené par Marion Calais, 10 octobre 2014. http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/bonjour-monsieur-le-maire/sons/le-havre-a-travers-la-litterature-2255819.

[21] Voir l’étude assez récente qu’en propose Philippe BAUDILLON, Réinventer la street expérience : hyperstories, espace public et mobilier urbain connecté, Paris, Hermann, 2018.

[22] Paul ARDENNE, Un Art contextuel, Paris, Flammarion, 2002.

[23] Parallèlement aux recherches menées dans mon laboratoire, des artistes et enseignants d’école d’art ont mené des workshops exploratoires mesur un bateau, en plongée, et dans le train Paris-Le Havre, qui ont donné matière à des performances et à des créations destinées à dessiner in situ et au présent un territoire esthétique de la Seine. Voir Les Seines possibles (collectif), Sonia ANTON et Alexandra SEHA (dir.), Le Havre, éditions de l’Esadhar, 2020.

[24] Sonia ANTON (dir.), Le Territoire littéraire de la Seine : géocritique d’un fleuve, Rouen, PURH, 2022.


Resituer simplement la position dans le débat entre fictionnalistes et «réalistes» ? Voir Lavocat F. et les théories de la fiction. Ça ne va pas de soi.

Je ne peux pas dire mieux que B. Westphal, dans la citation qui suit

Résumé

L’article propose un retour d’expérience sur deux promenades littéraires conçues à l’université du Havre : ces deux circuits ont eu pour vocation d’offrir une vision aussi large et diversifiée que possible des représentations littéraires associées à un lieu. Ils embrassent un champ chronologique étendu, œuvré pour que tous les genres littéraires soient représentés, y compris les correspondances, les journaux, les récits de fondation des villes. Parmi les partis pris, il en est un important : les auteurs « consacrés » par l’histoire littéraire voisinent avec des écrivains moins reconnus. Sont aussi accueillis des auteurs jusqu’alors tenus pour « régionalistes », étiquette péjorative qui perd tout son sens dès lors que notre intérêt se porte précisément sur la relation aux lieux. Les deux promenades incluent naturellement des écrivaines. Les dix années qui se sont écoulées depuis 2014, date de lancement des parcours, ont été déterminantes dans le combat des femmes pour être reconnues dans toutes les sphères de la vie sociale, politique et culturelle.

 

Abstract

This article provides feedback on two literary walks designed at the University of Le Havre. These two tours were designed to offer as broad and diverse a view as possible of the literary representations associated with a given place. They encompass a broad chronological scope, designed to ensure that all literary genres are represented, including correspondence, journals, and stories of the founding of cities. Among the biases, there is an important one: authors "consecrated" by literary history are included alongside lesser-known writers. Also included are authors previously considered "regionalists," a pejorative label that loses all meaning when our focus shifts specifically to the relationship to places. Both walks naturally include women writers. The ten years that have passed since 2014, when the tours were launched, have been decisive in the struggle of women to be recognized in all spheres of social, political, and cultural life.

La promenade littéraire du Havre

Les étapes de sa conception

Ma rencontre avec la ville du Havre

La découverte d’une théorie et d’une méthode : la géocritique

La notion de « territoire littéraire » : des « espaces à soi ? »

L’élaboration du circuit urbain

Présentation du circuit

Réception

La géocritique de la Seine

Le contexte de l’appel à projet « Réinventer la Seine »

L’escale littéraire

Satisfactions et difficultés

La question de la pérennité

Le périmètre d’action du chercheur

Bibliographie

 

Sonia ANTON

Université Le Havre Normandie, Groupe de Recherche Identités et Cultures (GRIC) EA 4314

Sonia ANTON, « Promenades géocritiques en Normandie », L’Entre-deux, 17 (1) | juillet 2025 | URL : https://www.lentre-deux.com/?b=347 | consulté le 09-07-2025

ANTON, Sonia (dir.), Le Territoire littéraire de la Seine : géocritique d’un fleuve, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2022.

— et SEHA Alexandra (dir.), Les Seines possibles (collectif), Le Havre, éditions de l’Esadhar, 2020.

— et ROUET Dominique, « Bernardin de Saint-Pierre et Le Havre, d’hier à aujourd’hui », in S. ANTON, L. MACÉ, G. THIBAULT (dir.), Bernardin de Saint-Pierre : idées, réseaux, réception, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2016 (collection « Lumières normandes »), p. 219-232.

— « La géocritique du Havre », in Sonia ANTON (dir.), Vers une cartographie littéraire du Havre, de Bernardin de Saint-Pierre à Pascal Quignard, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2014, (« Le Havre : territoire d’écriture 3 »), p. 7-17.

— « Le Havre dans les romans de Maylis de Kerangal » / photographies d’Estelle Coletta, in 2017 et plus : revue culturelle du Havre, janvier 2016, p. 45-55.

— « Vers une cartographie littéraire du Havre », in Sonia ANTON (dir.), Le territoire littéraire du Havre dans la première moitié du XXe siècle, Rouen, Publications universitaires de Rouen et du Havre, 2013, (« Le Havre : territoire d’écriture, 2 »), p. 9-55.

— Le Galet et la crevette : rêveries havraises au bord de l’eau, Fécamp, Terre en vue, 2017.

— « Pascal Quignard et la géocrique du Havre » in Agnès COUSIN DE RAVEL, Chantal LAPEYRE-DEMAISON et Dominique RABATÉ (dir.), Les lieux de Pascal Quignard, actes du colloque du Havre, Gallimard, « Les Cahiers de la NRF », 2014, p. 21-25.

 

ARDENNE, Paul, Un Art contextuel : création artistique en milieu urbain, Paris, Flammarion, 2002.

 

BACHELARD, Gaston, La poétique de la rêverie, Paris, PUF, 1960 (« Quadrige »).

 

BAUDILLON, Philippe, Réinventer la street expérience : hyperstories, espace public et mobilier urbain connecté, Paris, Hermann, 2018.

 

BAYARD, Pierre  Comment parler des lieux où l’on n’a pas été, Paris, Minuit, 2012 (« Paradoxe »).

 

BOUVET, Rachel et CAMUS, Audrey, Topographies romanesques, Rennes, Presses universitaires de Rennes / Presses de l’université du Québec, 2011.

 

BUTOR, Michel, Le Génie du lieu, Paris, Grasset, 1958 (« Les cahiers rouges »).

 

COLLOT, Michel, Pour une géographie littéraire, Paris, Corti, 2014 (« Les Essais »).

 

DE CERTEAU, Michel, L’invention du quotidien, Paris, Gallimard, 1990 (« Folio Essais »).

 

JACOB, Michael, Poétique du banc, Paris, Éditions Macula, 2014.

LE MASSON LE GOLFT, Marie, Coup d’œil sur l’état ancien et présent du Havre (1778) / édition établie par Hervé Chabannes, Rouen, PURH, 2017 (« Le Havre : territoire d’écriture », 3)

 

WESTPHAL, Bertrand et FLABBI, Lorenzo (dir.) Espaces, tourismes, esthétiques, Limoges, Presses universitaires de Limoges (PULIM), 2009.

— « Pour une approche géocritique des textes. Esquisse », in Bertrand WESTPHAL (dir.), La géocritique mode d’emploi (Bertrand Westphal dir.), Limoges, PULIM, 2000, p. 9-39.

— La Géocritique, réel, fiction, espace, Paris, Minuit, 2007 (« Paradoxe »)

 

WHITE, Kenneth, L’Esprit nomade, Paris, Grasset, 1987.