Les Oiseaux, représentés en 414 avant J.-C. aux grandes Dionysies, sont une des pièces les plus connues et les plus jouées d’Aristophane ; on peut citer parmi les mises en scène récentes qui ont fait date, celle de Jean-Louis Barrault, en 1985, dans une adaptation de Pierre Bourgeade et qui reprenait la musique composée par Georges Auric en 1928 pour Charles Dullin ; celle de Jean-Pierre Vincent au théâtre des Amandiers en 1989 sur un texte de Bernard Chartreux et une musique de George Aperghis ; celle d’Alfredo Arias à la Comédie-Française1, et enfin celle de Laurent Pelly créée à Toulouse en 2017. La pièce est devenue en 1971 à Lyon, L’opéra des oiseaux2 ; elle a été adaptée pour le cirque3, pour les marionnettes4 et a même connu une version en bandes dessinées5.
Sur les onze pièces conservées d’Aristophane, Lysistrata6 est de loin celle qui est actuellement la plus jouée, mais Les Oiseaux occupent néanmoins une place privilégiée dans l’histoire de la réception de l’œuvre du dramaturge, puisqu’elle est la première comédie7 du dramaturge à avoir été adaptée en français, en 1579 ; un siècle et demi plus tard, en 1729 – le XVIIe siècle accordant peu d’attention à un auteur jugé incompatible avec l’esthétique classique8 – l’académicien helléniste Jean Boivin rassemblait dans un même volume Œdipe, tragédie de Sophocle, et Les Oiseaux, comédie d’Aristophane9, signalant par là que ces deux pièces incarnaient à ses yeux l’une, la tragédie, et l’autre la comédie athéniennes.
Par ailleurs, Les Oiseaux sont probablement la pièce qui a suscité le plus d’adaptations10 et d’interprétations divergentes : le sujet de la comédie, la construction d’une cité des oiseaux dans le ciel, combine en effet une dimension musicale et presque féérique, à laquelle certains voudraient s’arrêter, et une réflexion politique sur l’utopie que chaque traducteur ou metteur en scène va tenter de faire correspondre à l’actualité et à ses convictions.
Mais pourquoi les oiseaux ? Certes les chœurs d’animaux sont récurrents dans l’œuvre d’Aristophane – oies, grenouilles, guêpes, et même cigognes dans une pièce perdue – mais dans cette œuvre satirique, les humains se métamorphosent en oiseaux, les oiseaux en dieux, et tous les citoyens d’Athènes aspirent à posséder des ailes pour s’envoler vers la cité idéale ; cet élan universel vers le ciel serait-il le signe de la folie des hommes ?
Dans un premier temps, nous allons présenter la place et le rôle des oiseaux dans la pièce d’Aristophane en nous appuyant sur la traduction la plus littérale, celle établie par Hilaire Van Daele sur le texte de Victor Coulon en 192811, autrement dit le Budé, texte qui n’est pas destiné à la représentation car les références culturelles et les attaques ad hominem seraient incompréhensibles aujourd’hui. Le théâtre d’Aristophane exigeant toujours une transposition pour la scène, nous étudierons dans un second temps une dizaine de traductions-adaptations et de mises en scène récentes ou anciennes en France, et qui ont, pour la plupart d’entre elles, privilégié l’axe politique.
Rappelons en quelques mots l’intrigue : deux vieillards athéniens, Pisthétairos et Evelpidès – « qui persuade ses compagnons » et « fils du bel espoir », ce qui a été traduit par « Ralliecopain » et « Belespoir »12 , ou encore « Copinon » et « Espéron »13 – partent à la rencontre du roi des oiseaux, Térée-La Huppe (Epops) pour lui demander si, dans ses courses ailées, il n’aurait pas trouvé un endroit tranquille où échapper à ses créanciers et bien vivre ; un tel lieu n’existant pas, Pisthétairos, séduit par la vie libre des oiseaux, a soudain une idée lumineuse : les convaincre de fonder une cité entre le ciel et la terre, où ils se feront adorer des hommes et réduiront les dieux à la famine en empêchant la fumée des sacrifices de monter jusqu’à l’Olympe. Ils deviendront alors les maîtres du monde, les nouveaux dieux.
D’abord méfiants et agressifs, les oiseaux se laissent convaincre. Tandis que les deux Athéniens sont dotés d’ailes par la vertu d’une « petite racine », les oiseaux construisent dans le ciel « Nephelococcugia », littéralement « la cité des nuées et des coucous », ou mieux encore « Coucouville-les-nuées ». La renommée s’en étend si vite qu’à deux reprises des groupes d’Athéniens – d’abord un poète, un diseur d’oracles, un inspecteur, un marchand de décrets, puis un fils rêvant de parricide, encore un poète et un sycophante – tentent d’obtenir le droit d’entrer dans la ville, dont ils sont chassés, parfois violemment, tant ils représentent les vices de la cité ancienne. Quant aux dieux, affamés, ils sont contraints de négocier. Sur les conseils de Prométhée, Pisthétairos, demande alors à Zeus la main de sa fille Royauté (« Basileia »). La comédie s’achève sur le mariage et l’apothéose de celui qui est devenu le « suprême dieu des dieux ».
L’œuvre d’Aristophane s’appuie sur une observation minutieuse du monde des oiseaux qui a attiré l’attention des ornithologues : ainsi soixante-dix-huit espèces, européennes ou exotiques, ont pu être identifiées14 ; l’entrée progressive du chœur dans le Parodos permet de distinguer, au milieu des jeux de mots, un peu plus de vingt-quatre oiseaux – ce qui implique vingt-quatre costumes différents –, l’entrée du flamant, du mède, du glouton, et de quelques autres s’achevant sur l’arrivée de la nuée piaillante et quelque peu effrayante d’« une pie, une tourterelle, une alouette, une fauvette, un hypothymis, une colombe, un nertos, un faucon, un ramier, un coucou, un rouges-pattes, une tête rouge, une poule sultane, une crécerelle, un plongeon, une vinette, une orfraie, un dryops »15.
Par le procédé de l’énumération16, et en choisissant des oiseaux d’autant plus familiers qu’une partie d’entre eux sert de nourriture aux Athéniens, le poète dramatique porte un regard attentif sur le monde aviaire ; il ne fait ainsi guère de doute que la construction de la cité de Coucouville-les-nuées, aussi imaginaire soit-elle, s’inspire de celle des nids et de l’admiration qu’ils ont toujours suscitée chez les hommes : « trente mille grues » ont ainsi « avalé des pierres », qu’elles ont apportées aux « râles », qui les ont « taillées à coups de bec » pour construire les fondations ; puis les « cigognes au nombre de dix-mille » ont façonné les briques des murailles, tandis que oies, canards préparaient le mortier que les hirondelles « portant la truelle derrière leur dos » emportent dans leur bec ; enfin les « pics-verts, charpentiers excellents […] ont équarri les portes »17. La magnifique cité aux proportions gigantesques est ainsi l’œuvre du génie propre des oiseaux18.
Mais les oiseaux vivent aussi parmi les hommes : ils ont le pouvoir de leur nuire – passereaux picorant les semences des récoltes, ou corbeaux crevant les yeux des brebis – ou de leur être bénéfiques, en détruisant les insectes et les nuées de sauterelles, en révélant les endroits où se trouvent les mines et les trésors, ou en annonçant les saisons et les tempêtes19. Cependant, aussi utiles qu’ils soient au paysan ou au marin, ils ne peuvent être qu’en « guerre »20 avec les hommes qui les chassent et les mangent et leur font subir mille cruautés, comme cet oiseleur qui « enfile les pinsons » ou « souffle les grives » – pour les faire paraître plus grosses – ou encore enfonce « leurs plumes » dans « les narines des merles »21 ; comble d’horreur, les victimes sont rôties et servies avec « du fromage râpé, de l’huile, du silphium, du vinaigre »22 ! On notera avec amusement que c’est armé de leurs « marmites », « broche », « saucière » et « assiette » – à la manière des héros rabelaisiens dans leur guerre culinaire contre les andouilles – que le couple comique des vieillards athéniens s’apprête à affronter les oiseaux, qui de leur côté affûtent griffes et becs pour en faire leur « pâture »23.
On pourrait dès lors s’attendre à ce que Pisthétairos devenu oiseau mette fin à l’ornithophagie ; or, il n’en est rien, puisque pour appâter les dieux, et tout particulièrement un Hercule aussi stupide qu’affamé, il se présente à la fin de la pièce armé d’instruments de cuisine pour faire griller sur scène des oiseaux… agrémentés de « fromage et de silphium » ! Mais ce sont là des condamnés politiques : « des oiseaux insurgés contre le parti démocratique des oiseaux et reconnus coupables »24. En devenant citoyens, les oiseaux sont sortis du règne animal ; ils sont désormais rôtis pour avoir commis un crime contre leur cité. Incontestable progrès !
Cette scène cannibalique n’est pas sans lien avec le personnage de Térée-La Huppe, autrefois roi de Thrace, à qui, pour venger le viol de sa sœur Philomèle, sa femme Procné fit manger leur fils, Itys ; tous les protagonistes de cette tragédie25 furent métamorphosés en oiseaux : Térée devint huppe, Procné rossignol, Philomèle hirondelle26. On retrouve dans ce mythe, qui sert probablement de matrice à toute la pièce, la classification ornithologique proposée par Pisthétairos, lorsqu’il prépare les paniers d’ailes pour les citoyens d’Athènes jugés dignes de rejoindre la cité des oiseaux ; il y a les ailes prophétiques, les ailes musicales, et les ailes marines ; les premières sont demandées par le fils qui cherche à tuer son père – futur héros de tragédie s’apprêtant à commettre une transgression lui ouvrant la voie de la métamorphose – et veut devenir aigle ; les secondes par le poète qui veut être rossignol ; les troisièmes par le sycophante qui demande à être hirondelle et qui a besoin d’ailes pour faire sa tournée des îles à la recherche de procès.
Si l’on reprend cette division ternaire, Térée-La Huppe, qui fait son entrée tout déplumé mais avec un grand bec menaçant, appartiendrait à la catégorie des oiseaux prophètes ; il serait dès lors doté d’un pouvoir surnaturel qui lui a permis d’établir son empire sur les oiseaux, en leur imposant une hiérarchie que jusque-là ils ignoraient27 et en leur apprenant le langage humain. Il est donc celui par qui la métamorphose arrive, hommes devenant oiseaux ou oiseaux se rapprochant des humains dont ils partagent désormais le langage. Térée adhère d’autant plus au projet de Pisthétairos qu’il veut se venger des dieux et est prêt à les défier dans une « ornithomachie », qui n’est pas sans rappeler la gigantomachie, la guerre des géants contre l’Olympe. Mais cette fois-ci le combat, dans une inversion toute carnavalesque, s’achèvera par la victoire des oiseaux sur les dieux et verra l’apothéose de l’homme-oiseau, nouveau maître de l’univers.
Pascal Thiercy28, le grand spécialiste français d’Aristophane, lit dans la pièce un schéma initiatique : Pisthétairos et Evelpide sont d’abord guidés dans l’autre monde par un choucas et une corneille, espèces traditionnellement associées à la magie ; ils y rencontrent le grand-prêtre, Térée-La Huppe, personnage surhumain et après un « agôn » victorieux avec les oiseaux – combat qui aurait pu être physique mais qui devient verbal –, ils obtiennent des ailes. Enfin, dans leur lutte contre les dieux, ils reçoivent l’aide d’un troisième maître : Prométhée. Il y a donc une hiérarchie des guides initiatiques : d’abord les oiseaux, puis un héros tragique métamorphosé en oiseau, enfin une divinité ; Pisthétairos devient alors dieu. Dans ce glissement des métamorphoses – de l’homme à l’animal puis au dieu-animal – se lit la trace d’un rituel totémique ; les animaux sont des divinités auxquelles chaque homme est relié : devenir animal est une étape pour devenir dieu, ou pour retrouver son origine divine.
Les oiseaux sont en effet présentés comme les dieux29 les « plus anciens et d’origine plus reculée que Kronos et les Titans et la Terre »30 ; preuve en est que la Perse fut autrefois gouvernée par un coq, raison pour laquelle « seul de tous les oiseaux, il porte la tare droite ». Quant à la Grèce, elle eut pour premier roi un milan, et l’Égypte un coucou. L’aigle de Zeus comme la chouette d’Athéna et les nombreux dieux ailés – Éros, Niké, Hermès – ne sont-ils pas le signe de cette prééminence des oiseaux, déchus de leur divinité originelle ?31 Le coryphée peut dès lors chanter dans la parabase – sorte d’entracte pendant lequel le chœur s’adresse directement au public, ici considéré comme de futurs oiseaux ou adorateurs des oiseaux – la nouvelle Genèse :
Au commencement était le Vide et la Nuit, et le noir Érèbe et le vaste tartare, mais ni la terre, ni l’air, ni le ciel n’existaient. Dans le sein infini de l’Érèbe, tout d’abord la Nuit aux ailes noires produit un œuf sans germe, d’où dans le cours des saisons naquit Éros le désiré, au dos étincelant d’ailes d’or […]. C’est lui, qui s’étant uni au Vide ailé, dans le vaste Tartare fit éclore notre race et la fit paraître première au jour32.
Les oiseaux, nés de l’œuf originel vide, et donc aussi plein de vent que la cité dans les nuées33, ont reçu le don de divination : ils sont à la fois « l’oracle d’Apollon », et les « muses prophétiques »34. Signe encore de leur lien avec la divinité, nombreux sont les oiseaux fabuleux, tel l’Alcyon qui vient se mêler à la nuée des oiseaux existants pour constituer le chœur. Quant aux dieux, ne privilégient-ils pas comme Zeus, la métamorphose aérienne ?
Proche des sphères célestes, l’oiseau incarne aussi le chant et la musique. La célèbre monodie de La Huppe appelant à lui les ses congénères se caractérise par une variation phonique et rythmique qui vise à imiter les chants des différents oiseaux :
Epopopoï popoï, popopopoï popoï, io io. Venez venez, venez35 tous ici mes frères ailés […] Races des picoreurs de grains au vol rapide, au doux babil […]. Gazouillez comme ceci d’une voix grêle et joyeuse : Tio tio tio tio tio tio tio tio ! […] et ceux des montagnes et les becqueteurs d’olives sauvages, et les mangeurs d’arbouse, vite, accourez à ma voix, Trioto ! trioto ! Totobrix !36
À cet appel répond la nuée d’oiseaux que l’on entend pépier en tumulte avant de les voir :
Torotorotorotorotix, kikkabau, kikkabau, torotorotorotorolililix !37
Ces onomatopées, probablement comiques et quelque peu cacophoniques, traduisent le langage des oiseaux et ses variations : sifflements, pépiements, gazouillements, cris. Mais c’est une joueuse de flûte qui incarne le rossignol – chant d’une mère, Procné, qui pleure à jamais son fils Itys – et c’est encore un flûtiste qui traduit le croassement du corbeau. Les oiseaux sont la musique de la nature ; il n’est donc guère surprenant que cette pièce, considérée comme la plus lyrique du théâtre grec, ait été l’objet de créations musicales sans cesse renouvelées.
Enfin, et notre analyse de la pièce originelle d’Aristophane s’arrêtera à ce dernier point, Les Oiseaux sont une allégorie du pouvoir des mots ; au sycophante qui réclame des ailes, Pisthétairos répond :
Pisthétairos. – De fait, vois-tu, en te parlant, je t’en donne.
Le Sycophante. – Et comment peux-tu, avec des paroles donner à un homme des ailes ?
Pisthétairos. – Tous, grâce aux paroles, s’élèvent sur des ailes.
Le Sycophante. – Tous ?
Pisthétairos. – N’as-tu pas entendu journellement chez les barbiers les pères parler de leur jeune garçon de la sorte « c’est épatant comme à mon garçon, les propos de Diitrephes38 ont donné des ailes pour l’équitation » ? « Le mien dit un autre, se sert des ailes pour la tragédie, son esprit a pris l’essor ».
Le Sycophante. – Ainsi les paroles donnent même des ailes ?
Pisthétairos. – Je l’affirme. Par eux la pensée s’élève et l’homme est exalté39.
Il existe une interprétation cynique de ce petit dialogue ; c’est par les mots que les démagogues – et donc Pisthétairos, maître de la persuasion comme l’indique son nom – transforment les citoyens d’Athènes en oiseaux, prêts à suivre celui qui les flattera et leur fera les promesses les plus farfelues ! Et une version plus joyeuse – même si Aristophane semble s’en moquer en chassant les poètes-rossignols40 de Coucouville-les-nuées – celle qui voit dans les paroles ailées une métaphore de l’inspiration poétique et dans Les Oiseaux d’abord et avant tout une cité de mots.
La pièce serait ainsi l’actualisation d’un certain nombre de proverbes ; « aller aux corbeaux » aurait à peu près la même signification qu’« aller au diable » et la promesse d’une « vie pleine de lait d’oiseau » serait celle d’un bonheur aussi parfait qu’inaccessible41 ; la matière proverbiale comme la masse impressionnante d’expressions usuelles renvoyant à la gent ailée signalent que Les Oiseaux sont d’abord une création dans et par le langage. Les références aux fables d’Ésope, celle qui fait de l’alouette le premier des oiseaux avant la création de la terre42, ou celle du renard et de l’aigle43 – Pisthétairos se représentant comme un renard ayant tout à craindre de l’aigle –, marquent aussi l’origine littéraire et pas seulement mythique de la métamorphose des hommes en oiseaux et vice-versa. Enfin, le nombre considérable de jeux de mots et de détournements verbaux – ainsi la cité « Polis » est construite sur le « polos » (axe qui relie le ciel à la terre), « Épops » la huppe renvoie à « Épos » le chant – permet de reprendre, encore une fois, l’analyse de Pascal Thiercy, qui voit dans cette comédie d’Aristophane celle où « l’on perçoit le mieux la domination incontestable du Logos sur la réalité »44.
Cette omniprésence de la gent ailée dans la langue usuelle, qui permettrait de dire que les oiseaux d’Aristophane ne sont pas tant réels ou mythologiques – d’autant plus qu’il est difficile de prendre au sérieux le « bric-à-brac mythique »45 présent dans la pièce –, qu’une matérialisation sur scène d’images présentes dans la langue, fait le bonheur des écrivains qui adaptent Aristophane ; transposant le même passage, celui ou le héraut annonce aux oiseaux que les hommes font tout pour les imiter46, Bernard Zimmer écrit dans son adaptation de 1928 :
Voilà les oiseaux à la mode ! C’est une folie ! On les imite en tout. Plus de grasse matinée ! Dès l’aube tout le monde debout ! Les voilà tous devenus végétariens ! Etonnant, ils ont inventé le jeu de l’oie et le jeu de pigeon vole… pour rire et s’amuser en société ! Aujourd’hui on se donne entre gens chics des noms d’oiseaux ! les femmes du monde affectent la démarche de la grue ! Sais-tu comme ils appellent une fausse nouvelle ? Un canard ! Une courtisane ? Une poule ! Un propriétaire ? Un vautour ! Une vieillerie ? Un rossignol ! 47
et Bernard Chartreux en 1989 :
Tiens, avant, sur terre, les hommes s’ennuyaient à mourir. Maintenant ils baillent aux corneilles. Avant ils s’entretuaient sans merci. Aujourd’hui ils se volent dans les plumes. Avant ils tombaient gravement malades. Ils se contentent de couver une petite grippe. Aujourd’hui on est gai comme un pinson, rouge comme un coq, curieux comme une pie, dodu comme une caille. Désormais le froid est de canard, la roupie, de sansonnet et le dindon, de la farce. On a changé les poltrons en poules mouillées, les pandores en poulets, les poulets en perdreaux, les étrons en colombins et les pucelles en oies blanches. On ne dit plus chic mais chouette, on défile au pas de l’oie, on vole à la tire, on marche sur des œufs, bref, on ne manque pas d’air48.
Victor-Henry Debidour, l’auteur d’une traduction très réussie d’Aristophane en 1966, tant elle arrive souvent à trouver des équivalents comiques aux plaisanteries de l’auteur antique, avait un jugement tranché sur Les Oiseaux :
Non pas utopie politique, ni rébellion impie, mais paradis de poètes. […] ces oiseaux de toutes tailles, de tout plumage et de tout caquet, ce sont les compagnons, les frères libres, innocents, pacifiques et joyeux qui montrent le chemin, sages d’une meilleure sagesse, fous d’une meilleure folie que les nôtres : c’est l’essaim des idées de poètes49.
Aucun lecteur, spectateur, ou metteur en scène n’est insensible à la dimension poétique et musicale de la pièce, mais affirmer l’absence d’« utopie politique » et pousser l’ornithophilie jusqu’à ne voir dans les oiseaux, pourtant si souvent effrayants, que des « frères libres, innocents, pacifiques et joyeux », c’est aller un peu loin. Il est difficile en effet d’oublier que la « Nepheloccocugia » est considérée comme la première utopie attestée dans le monde grec, Jean Servier allant même jusqu’à estimer qu’il s’agit d’une « utopie au sens vrai du terme puisqu’elle flotte dans les nuages entre ciel et terre », tout en étant « ancrée dans le présent d’Athènes » et « enracinée dans la pensée des hommes »50.
Aussi, si le choix d’adapter et/ou de mettre en scène Les Oiseaux se nourrit de la promesse d’un spectacle aussi merveilleux que fantaisiste, avec ses oiseaux-masques, ses chants, ses jeux de mots à sans cesse réinventer, la dimension politique est toujours présente, la gageure étant de maintenir une tension créatrice, largement favorisée par le texte originel, entre ces deux pôles.
Nous n’allons pas entrer dans le débat pour savoir s’il s’agit d’une utopie, ou d’une dystopie, ou encore contester l’appellation d’utopie51, car nombreux sont les ouvrages et les articles qui ont déjà traité ces questions52 ; nous allons seulement nous intéresser à la présence de cet enjeu politique et cela même dans les adaptations qui semblent a priori s’en éloigner complètement.
Comment ne pas commencer par celle de Pierre Le Loyer en 1579 ? Le titre, La Nephelococugie ou la nuée des Cocuz, repose sur un jeu de mots ; le coucou ayant donné en français le mot cocu – sens ignoré des Grecs qui en revanche faisaient aussi des « coucous » en guise de salutation familière – Le Loyer envisage donc la division sexuelle sous la forme de deux espèces, le « coucou-cocu » et la « caille coiffée » ou « la corne au cul », sa femelle. La pièce, très fidèle dans sa forme au modèle aristophanien, propose une transposition systématique de la comédie antique en farce, avec de nombreuses références rabelaisiennes.
Deux vieux cocus, Genin et Cornard, sont guidés par la Dive Bouteille au pays des cocus où ils rencontrent le roi, Jean Cocu. Pour combattre Priape qui menace leur royaume, Genin leur propose de bâtir une cité fortifiée dans le ciel, ce qui les effraie ; ne risqueraient-ils pas d’être attaqués par l’aigle et tous les oiseaux de proie ? Il les rassure :
Ostez tous ces esmoys,
Vous estes plus de Cocus mille foys
Que l’on ne void d’Oyseaux par tout le monde,
En l’air, en mer ou en la terre ronde53.
Tous les coucous chantent dès lors le frère jumeau de l’amour, le « Noble cocu […] dont la race feconde / Peuple aujourd’hui la plus grand’ part du monde ? »54 La pièce s’achève par le mariage du dieu Coquart avec la fille bâtarde de Jupiter, Zelotypie (la jalousie).
Mais cette pièce sur le cocuage introduit un topos utopique que l’on retrouve dans nombre de textes comiques de l’époque :
Sans nul scandale et sans aucun ennuy,
Les deux espoux pondent au nid d’autruy.
Ores à l’homme est la femme publique
Comme Platon veult en sa République,
Et l’homme aussi à la femme est commun
Et les enfans sont communs à chacun55.
Aussi règnent « La paix, l’amour et la saincte concorde56 » chez les oiseaux-cocus, qui connaissent « trois degrez dedans leurs republiques » ; la division ternaire, reprise de Platon, distingue ainsi les « cocus » « grands Roys », les « cocuans » « commis des Roys » et enfin les « cocus niays » « humbles Oyseaux, infimes populaires »57.
Nous allons sauter allégrement quelques siècles pour nous retrouver sur la scène du théâtre Antoine à Paris en 1911 : Lugné-Poe met en scène Les Oiseaux, une fantaisie en deux actes « d’après Aristophane »58 de Fernand Nozière. Pisthéterus et Evelpide sont là encore deux cocus, mais si le second a été trompé par sa jeune maîtresse, le premier l’a été par la « démocratie aux seins fatigués »59. La gent ailée symbolise ici clairement l’état sauvage ; La Huppe explique ainsi doctement à ses visiteurs le « sens des métamorphoses » :
Les dieux auraient pu nous anéantir ; mais ils ont réfléchi et ont conclu que nous ne paraissions criminels que parce que nous étions humains. En nous changeant en oiseaux, nos actions deviennent innocentes et banales. […] La femelle qui brise l’œuf et se délecte de la cervelle filiale n’est pas une meurtrière ici […]. Les principes sacrés de la morale varient de classe à classe, de genre à genre, d’espèce à espèce…60
Pisthéterus, indigné par ces propos, décide de mettre fin à « l’anarchie » des « libres oiseaux » et de les « réunir dans une vaste cité et leur donner des lois bienfaisantes » ; certes, quand il aura établi une « administration, une police, des tribunaux », les faibles seront toujours opprimés par les forts, mais « ils auront conscience de souffrir conformément aux décrets, d’agoniser avec ordre, d’être écrasés justement », ce qui sera une « grande consolation »61. Si l’appel de la Huppe reprend fidèlement les onomatopées d’Aristophane, c’est sur l’air de la Marseillaise qu’est chanté le « Torototototix »62 – et plus tard ce sera sur celui de L’Internationale que les oiseaux révoltés chanteront leur « Cui…cui… cui… cui… cui… cui… »63.
En s’appuyant sur le glaive (l’aigle, oiseau-guerrier) et le goupillon (le hibou-oiseau sacré), Pisthéterus vante les mérites de la cité idéale :
La nation est en ordre quand nous la gouvernons, quand on aperçoit partout une belle hiérarchie, quand l’oiseau ouvrier ou agriculteur rend hommage à l’oiseau propriétaire qui s’incline devant l’oiseau gouvernemental64.
La fin du premier acte met en scène un faune jouant de la flûte et une nymphe attirée par sa musique, dans un monde où les oiseaux ne chantent plus, car « ils ont écouté des fous et des scélérats, qui leur ont donné l’amour de l’ordre ». S’ensuit une description lyrique de la beauté du « peuple des oiseaux » qui « cueillait dans le ciel des étoiles » et qui est « désormais comme les autres peuples. Il admire les êtres primitifs et barbares. Il s’incline devant la raison humaine »65.
Le deuxième acte, qui multiplie les allusions à l’actualité politique, puisqu’il y est question de libre pensée, de cléricalisme, et d’antisémitisme66, est celui de la révolte des oiseaux contre un ordre totalitaire, où pour devenir « fonctionnaire », il faut dénoncer ses parents. La pièce s’achève sur l’effondrement de la cité que les ouvriers en grève ont refusé de consolider : les oiseaux se sont envolés, et les deux humains se retrouvent au sol ; il ne leur reste plus qu’à retourner à Athènes.
Cette anti-apothéose se retrouvera dans l’adaptation de Bernard Chartreux, pour la mise en scène de Jean-Pierre Vincent en 1989, La Cité des oiseaux67. Les deux personnages sont en quête d’une ville nommée Nyaka : « Nyaka rétablir la peine de mort, flanquer tous les métèques à la mer »68. Rencontrant les oiseaux – chez qui toutes les valeurs sont inversées – Pisthétairos décide de les faire rentrer dans « l’ère industrielle »69. Le héros civilisateur ne cachant rien de son dessein, donne son propre nom à la cité : « Pistetairopolis »70 ; « Les oiseaux sont des cons »71 constate avec amertume Evelpide. Ils n’échapperont à leur servitude volontaire que par un dénouement inattendu ; orage et tonnerre accompagnent en effet la chute de Pisthétairos qui n’a pu supporter le visage « affreux » de la souveraineté. Cela ne l’empêche pas de proposer à Evelpide de recommencer, cette fois « chez les poissons »72, cette pirouette indiquant que la volonté de puissance ne s’arrête pas sur un échec.
Nous allons enfin évoquer l’adaptation de Bernard Zimmer pour la mise en scène de Charles Dullin au Théâtre de l’Atelier en 1928, connu surtout pour ses principaux airs pour piano et chant composés par Georges Auric, qui seront repris par Jean-Louis Barrault en 1985 : « Le chant de la huppe », « Je suis dans les affaires », « Mort aux vieux » ou encore « l’homme politique », dont voici quelques extraits bien actuels :
Je vous vois
Pour la première fois
Je vous dois (bis)
Ma profession de foi.
Comme nous vivons en République
Le travail d’un homme politique
C’est de gagner des voix
Un élu
Ne doit pas s’entêter
J’évolue (bis)
C’est le terme adopté
Jamais d’opinion catégorique
Car tout pur régime démocratique
Craint la sincérité.
[…]
Étant donné que le pouvoir change
J’ai quelques convictions de rechange
Toujours prêtes sur moi !
[…]
Tour à tour aux partis qui m’embauchent
Fidèle à la droite… ou à la gauche…
Toujours passionnément73.
L’homme politique finira dans la volière, comme l’homme d’affaires, le général, le magistrat : seul sera épargné l’inventeur qui ne cherche pas à avoir des ailes mais à découvrir le secret du vol des oiseaux ; il est néanmoins chassé par Pisétaire (Pisthétairos) parce que son invention serait dangereuse pour les hommes74.
La pièce s’achève en chansons sur le couronnement et le mariage du héros, mais son compagnon Evelpide, fait dans son costume de cuisinier – il est chargé de la rôtisserie – un commentaire bien « mélancolique » : « Il n’y a pas six mois, voilà un gaillard qui criait « Vive la Révolution ! »75.
En un mot, presque toutes les adaptations modernes vont dans le sens qu’avait déjà perçu un certain H. Dauphin qui avait proposé une traduction nouvelle des Oiseaux en 1863 et écrivait :
Aristophane a voulu ridiculiser l’Utopie, et par un trait de son art, la tuer au milieu de son triomphe, en montrant à qui elle profite et […] en faisant voir […] qu’elle est et sera toujours un instrument de tyrannie aux mains d’un ambitieux habile76.
L’utopie est dangereuse, car elle pousse les citoyens à se donner à un tyran qui pense pour eux. Dans le texte d’Aristophane, le coryphée, représentant du peuple des oiseaux, se soumet en ces termes à Pisthétairos : « tout ce qui demande force et action, nous nous en chargerons ; tout ce qui réclame pensée et délibération, c’est sur toi seul que tout cela repose »77.
Cette lecture – probablement la plus fidèle au texte d’Aristophane – est donc dominante, même si on trouve quelques adaptations, qui en mettant l’accent sur la révolte contre les dieux, s’inscrivent clairement dans une perspective utopique ; ainsi dans une adaptation pour le cirque de 1955, jamais jouée, de Paul Arnold78, les oiseaux viennent libérer les hommes :
On ouvrit les cages, les resserres et les pigeonniers ; on abolit la servitude. Les bocages où guettait hier encore l’oiseleur retentissent de chant de liberté. A cette heure sur toute la terre, des hommes travaillent en fredonnant. L’amour irradie leurs yeux79.
Le cortège humain s’allie aux oiseaux dans sa guerre contre le ciel : le triomphe final est promesse de bonheur pour toute l’humanité. La révolution ne dévore plus ses enfants !
Cette lecture moderne – et anachronique – de la comédie d’Aristophane, déjà attestée chez Fontenelle80, est un autre aspect de la dimension politique de la pièce et nous laisserons la parole à Alfredo Arias, qui a monté la pièce en 2010, en transformant les oiseaux en oiseaux-comédiens :
De quoi parle la pièce ? De la fondation d’une utopie. Pour fuir une société injuste, les protagonistes rejoignent les oiseaux, changent le monde… Il s’agit moins de fonder une cité idéale, que d’instaurer une frontière avec les dieux, une barrière entre le pouvoir et les citoyens pour que les hommes puissent s’adresser autrement au pouvoir. Un rêve, une utopie qui va se fracasser parce que l’exercice du pouvoir est toujours le même81.
Les Oiseaux sont ainsi l’objet de réactualisations permanentes ; la perte de l’arrière-plan mythique, aussi ridiculisé qu’il soit par Aristophane lui-même, déplace dans les adaptations modernes le centre de gravité de la pièce vers une lecture principalement politique, faisant de cette cité des oiseaux une cité bien humaine.
Qui sont donc les oiseaux d’Aristophane ? Des doubles de nous-mêmes, « cervelles d’oiseaux » à l’esprit moutonnier, qui nous laissons abuser, enchanter même, par un Pisthétairos ? Ou le symbole d’une puissante aspiration à l’idéal ? Ou l’un et l’autre, comme si le rêve ailé n’était que l’autre face de la bêtise humaine ?
[1] Musique originale de Bruno Coulais.
[2] Composition musicale d’Antoine Duhamel, livret de Serge Ouaknine et Costa Ferris, décors et costumes de Jean Rapp, Opéra de Lyon.
[3] Les Oiseaux d’Aristophane, adaptation de Paul ARNOLD, conçue pour le cirque, La Revue théâtrale, Revue internationale du théâtre, Bordas, 29, 1954, p. 45-85 (cette adaptation est liée à la querelle du théâtre en rond et au rôle des clowns, sujets abordés dans le même numéro).
[4] Les Oiseaux, traduction de F. Rabbe pour « Le Petit-Théâtre des Marionnettes » à Paris, 1888.
[5] Les Oiseaux, texte de T. Apostolidis, dessins de G. Akokalidis, adaptation française de K. Augoustidis, C. A. Salonique, « Les comédies d’Aristophane en bandes dessinées », 1970.
[6] Lysistrata est « la pièce la plus représentée dans le monde au XXe siècle », Pascal THIERCY, Aristophane : fiction et dramaturgie, Paris, Belles Lettres, 1986, p. 329.
[7] Il reste quelques fragments du Ploutos traduit par Ronsard et qui a peut-être été joué au Collège de Coqueret mais l’authenticité en est contestée.
[8] Voir à ce sujet Malika BASTIN-HAMMOU, « Anne Dacier et les premières traductions françaises d’Aristophane : l’invention du métier de femme philologue », Littératures classiques, vol. 72, 2, 2010, p. 85-99. Nous pouvons néanmoins signaler que Les Plaideurs de Racine s’inspirent des Guêpes d’Aristophane.
[9] Paris, 1729. Jean BOIVIN dit De VILLENEUVE (1663-1726) est aussi l’auteur d’un Discours pour servir de préface à une traduction des Oiseaux d’Aristophane, dans Mémoires de l’Académie des Inscriptions, Mémoires de Littérature, 1711-1718, tome 6, p. 282-298.
[10] Goethe lui-même en a proposé une adaptation – Die Vögel – en 1780.
[11] ARISTOPHANE, Œuvres, tome III, Les Oiseaux, Lysistrata, texte établi par Victor Coulon, et trad. par Hilaire Van Daele, Paris, Les Belles Lettres, « Guillaume Budé », 1950.
[12] Traduction de Victor-Henry Debidour, Gallimard, folio, 1966.
[13] Traduction de Claude Barousse, Actes Sud, Babelio, 1996.
[14] Voir Nan DUNBAR, « Aristophane, ornitophile ou ornithophage », in Pascal Thiercy et Michel Menu (éd.), Aristophane : la langue, la scène, la cité, Actes du colloque de Toulouse, 17-19 mars 1994, Bari, Levante Editori Bari, 1997, p. 113-129.
[15] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit,, v. 301-304, p. 38-39.
[16] On en trouve d’autres dans le texte, par exemple aux v. 1290-1299, avec les noms d’oiseaux donnés aux hommes.
[17] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit,, v. 1121-1163, p. 78-80.
[18] On rappellera le propos de Michelet qui affirmait que les oiseaux pour se défendre de leurs prédateurs devaient s’associer en « gouvernement » et « réaliser la ville aérienne d’Aristophane », et prétendait que « ces deux choses, l’une difficile, l’autre qui semble impossible, l’oiseau les a réalisées », puisqu’en Afrique, une ville aérienne abritant trois cents nids dans un arbre aurait été découverte. Jules Michelet, La République des oiseaux, Condé-sur-Noireau, L’Herne, 2007, p. 15.
[19] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit,, v. 578-602, p. 51-52 et v. 708-715, p. 58.
[20] Ibid., v. 335, p. 40.
[21] Ibid., v. 1077-1084, p. 76.
[22] Ibid., v. 532-538, p. 49.
[23] Ibid., v. 327-365, p. 40-41.
[24] Ibid., v. 1583-1585, p. 100.
[25] Sophocle en fit une tragédie dont Aristophane se moque ouvertement.
[26] Les métamorphoses de Philomèle et Procné en hirondelle et rossignol sont inversées dans certaines versions du mythe.
[27] Voir la surprise des deux Athéniens rencontrant le serviteur de La Huppe (v. 60 sq, p. 26-27)
[28] Voir Pascal THIERCY, Aristophane : fiction et dramaturgie, Paris, Les Belles Lettres, 1986, IV, chap. I « La structure initiatique dominante », p. 305 sq.
[29] Jean BOIVIN écrit ainsi dans sa Préface sur les Oiseaux d’Aristote : « on peut cependant justifier le choix du sujet et des personnages. Les oiseaux étaient regardez des Payens comme ayant en eux quelque chose de divin. On croyait qu’ils avoient commerce avec les Dieux. La science des augures, qui faisoit partie de la religion, n’avoit pour objet que les oiseaux”, Œdipe, tragédie de Sophocle, et Les Oiseaux, comédie d’Aristophane, op. cit., 1739, p. 184.
[30] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 467-469, p. 46.
[31] Ibid., v. 481-516, p. 47-49
[32] Ibid. v. 693-699, p. 57-58.
[33] P. Thiercy voit dans cet œuf vide le « Nonsense » d’une « Cité qui ne repose que sur du vent, du verbe », cf. Aristophane : fiction et dramaturgie, op. cit., 1986, p. 115.
[34] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 723, p. 59.
[35] « Itô » est répété trois fois ; il signifie « venez » mais nombre de traducteurs en font un cri d’oiseau ; c’est là un des exemples du glissement du langage animal au langage humain.
[36] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 227-242, p. 34-35.
[37] Ibid. v. 260-262, p. 36. Nous pourrions aussi citer les chants du chœur v. 737-751, p. 58-59, et v. 769-784, p. 61.
[38] « Diitréphès s’était enrichi à vendre des bonbonnes munies de deux anses qu’on appelait des ailes » (note trad.).
[39] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 1437-1448, p. 93.
[40] Voir la scène avec le poète Cinesias, v. 1372-1410, p. 90-91.
[41] P. THIERCY, Aristophane : fiction et dramaturgie, op. cit., p. 116.
[42] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 471-476, p. 46.
[43] Ibid., v. 651-653, p. 55-56.
[44] P. THIERCY, Aristophane : fiction et dramaturgie, op. cit., p. 114.
[45] Jean-Claude CARRIÈRE, « Les métamorphoses des mythes et la crise de la Cité dans la Comédie ancienne », in Aristophane : la langue, la scène, la cité, op. cit., p. 413-442, p. 431.
[46] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 1277-1307, p. 86-87.
[47] Bernard ZIMMER, Les Oiseaux, adaptation libre en trois actes, Paris, Gallimard 1928, p. 76.
[48] Bernard CHARTREUX, La Cité des oiseaux, Montreuil, Écritures théâtrales 1989, p. 65.
[49] Victor-Henry DEBIDOUR Aristophane, Paris, Seuil, « Écrivains de toujours » 1979, p. 87.
[50] Jean SERVIER, Histoire de l’utopie, éd. complétée de 1991, Paris, Gallimard, « Folio-essais », 1991, p. 35.
[51] Coucouville-les-nuées est-elle vraiment une cité utopique ? Pour donner un seul exemple, alors que le Coryphée promet aux spectateurs un monde à l’envers, où seraient accueillis celui qui bat son père, l’esclave fugitif, ou celui qui a lâchement fui devant l’ennemi, Pisthétairos remet le monde à l’endroit ; il chasse le Parricide qui a rejoint Coucouville-les-nuées sur cette promesse, car dans la « loi antique inscrite sur les tables des cigognes », les cigogneaux « doivent à leur tour nourrir leur père » quand « ils sont en état de voler », Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 753-768, p. 60-61 et v. 1353-1357, p. 89.
[52] Voir Leo STRAUSS, Socrate et Aristophane, trad. O. Seyden, Combas, Éd. de l’éclat, 1996 (éd. anglaise 1993), p. 201-246 et Cécile CORBEL-MORANA, qui voit dans la pièce une « utopie primitiviste », Le Bestiaire d’Aristophane, Paris, Les Belles Lettres, 2012, chap. IV « Le sauvage et la cité dans Les Oiseaux », p. 171 sq.
[53] Pierre LE LOYER, La Nephelococugie ou la nuée des Cocuz 1578, Miriam Doe et Keith Cameron (éd.), Genève, Droz, T.L.F., 2004, v. 1016-1019, p. 138.
[54] Ibid., v. 869-870, p. 131
[55] Ibid., v. 3149-3154, p. 246.
[56] Ibid., v. 3135, p. 245.
[57] Ibid., sur cette tripartition, voir la tirade de Genin, v. 2753-2816, p. 228-230.
[58] Fernand NOZIÈRE, Les Oiseaux, Fantaisie en deux actes d’après Aristophane (trad. Lascaris), Paris, édité par L’Œuvre, 1911.
[59] Fernand NOZIÈRE, Les Oiseaux, op. cit., p. 2
[60] Ibid., p. 13.
[61] Ibid., p. 14-15.
[62] Ibid., p. 18.
[63] Ibid., p. 53.
[64] Ibid., p. 35.
[65] Ibid., p. 33.
[66] Le dieu de pierre – l’équivalent du dieu Triballe, et donc barbare chez Aristophane – qui ne prononce que des onomatopées finit par crier « Mor, mor, mor » puis « Raujuifs, Raujuifs », ce qui suscite l’incompréhension générale jusqu’à ce qu’on le juge « idiot », Ibid., p. 60.
[67] Bernard CHARTREUX, La Cité des oiseaux, op. cit., 1989.
[68] Ibid., p. 20.
[69] Ibid., p. 76.
[70] Ibid., p. 43.
[71] Ibid., p. 43.
[72] Ibid., p. 78. On peut rappeler qu’oiseaux et poissons ont été créés le quatrième jour de la création.
[73] Bernard ZIMMER, Les Oiseaux, adaptation libre en trois actes d’après Aristophane, Le Coup du deux décembre, Gallimard, NRF, 1928, p. 86-87.
[74] Ibid., p. 96-97.
[75] Ibid., p. 111.
[76] Les Oiseaux trad. nouvelle de H. Dauphin, Amiens, Imprimerie E. Yvert, 1863, préface, p. 4
[77] Les Oiseaux, trad. Hilaire Van Daele, op. cit., v. 637-638, p. 54.
[78] Les Oiseaux d’Aristophane, adaptation de Paul ARNOLD, conçue pour le cirque, La Revue théâtrale, Revue internationale du théâtre, op. cit., 1954, p. 45-85.
[79] Ibid., p. 75. Signalons que cette adaptation n’est pas aussi univoque, mais il est facile d’y lire en arrière-plan le grand rêve communiste.
[80] « Les Oiseaux d’Aristophane sont encore bien libres. Toute la pièce roule sur ce qu’une certaine ville des oiseaux que l’on a dessein de bâtir dans les airs, interrompant le commerce qui est entre les dieux et les hommes, rendrait les oiseaux maîtres de tout et réduirait les dieux à la dernière misère. Je vous laisse à juger si tout cela est bien dévot. Ce fut pourtant le même Aristophane qui commença à exciter le peuple contre la prétendue impiété de Socrate », FONTENELLE, Histoire des oracles, in Œuvres de Fontenelle, Paris, Jean-François Bastien, 1790, t. 2, p. 351.
[81] Les Oiseaux d’Aristophane, traduction, adaptation, mise en scène d’Alfredo Arias, L’Avant-scène théâtre, 1er avril 2010, n° 1281, « Les pièges de l’utopie », Rencontre avec Alfredo Arias, p. 161.
Résumé
Les nombreuses adaptations des Oiseaux d’Aristophane traduisent des interprétations pour le moins variées, si ce n’est antagonistes, de la pièce ; la fantaisie poétique, la dimension mythique et les enjeux politiques invitent auteurs et metteurs en scène à inscrire la comédie antique dans le temps présent et à interroger la notion d’utopie ; alors que la construction d’une cité dans les nuages incarne le désir d’envol de l’être humain, cette quête de l’idéal est dans le même temps la cible d’une satire débridée. Rêver d’avoir des ailes, serait-ce avoir une cervelle d’oiseau ?
Abstract
The numerous adaptations of Aristophane’s Birds represent at least varied interpretations, if not antagonistic; poetic fantasy, mythical dimension and political issues invite authors and directors to register the ancient comedy in present time and to question the concept of Utopia; whereas the construction of a city in the clouds incarnates the desire of flight of human beings, this search of the ideal is at the same time the target of an unbridled satire. To dream to have wings, does that mean having a bird’s brain ?
Les Oiseaux : enjeux multiples d’une métamorphose
Lectures et mises en scènes d’hier et d’aujourd’hui : la mise en exergue de l’enjeu politique
Marianne CLOSSON
Univ. Artois, EA 4028, Textes & Cultures, F-62000 Arras, France
BASTIN-HAMMOU, Malika, « Anne Dacier et les premières traductions françaises d’Aristophane : l’invention du métier de femme philologue », Littératures classiques, vol. 72, 2, 2010, p. 85-99.
CARRIÈRE, Jean-Claude, « Les métamorphoses des mythes et la crise de la Cité dans la Comédie ancienne », in Pascal Thiercy et Michel Menu (éd.), Aristophane : la langue, la scène, la cité, Bari, Levante Editori Bari, 1997, p. 413-442.
CORBEL-MORANA, Cécile, Le Bestiaire d’Aristophane, Paris, Les Belles Lettres, 2012.
DUNBAR, Nan, « Aristophane, ornitophile ou ornithophage », in Pascal Thiercy et Michel Menu (éd.), Aristophane : la langue, la scène, la cité, Bari, Levante Editori Bari, 1997, p. 113-129.
SERVIER, Jean, Histoire de l’utopie, éd. complétée de 1991, Paris, Gallimard, « Folio-essais », 1991.
STRAUSS, Leo, Socrate et Aristophane, trad. O. Seyden, Combas, Éd. de l’éclat, 1996.
THIERCY, Pascal, Aristophane : fiction et dramaturgie, Paris, Belles Lettres, 1986.