Une partie importante de la production poétique du XVIe siècle s’inscrit dans le genre de la pastorale, dont la diégèse se déroule dans un lieu topique : le locus amoenus dont les caractéristiques, bien connues ont été établies par Ernst Robert Curtius1. L’analyse des choix poétiques opérés autour du locus dans la poésie lyrique espagnole du XVIe siècle nous permettra de montrer que le paysage pastoral n’est pas un espace stable, mais qu’il connaît au contraire des mutations (étudiées, en France et à l’époque baroque, par Stéphane Macé)2. Cet espace poétique fait en effet l’objet de modifications, d’appropriations, de réécritures dont la plus originale est sans doute celle opérée par Francisco de la Torre, qui exprime une claire préférence pour les paysages inhospitaliers, marqués par la perte et la stérilité, pour des lieux hivernaux, hostiles, stériles, parcourus par des vents glacés. Au locus amoenus garcilasien, F. de la Torre oppose un locus horridus assumé, voire revendiqué.
Mais les choses ne sont pas si simples et schématiques, et nous verrons aussi que, chez Garcilaso et dans la poésie du XVIe siècle, le locus amoenus contient aussi, en germe, des éléments qui annoncent sa détérioration, sa destruction et sa conversion ultérieure en locus horridus. L’objet de la présente étude est de de montrer comment, dans la poésie lyrique espagnole du XVIe siècle, l’espace et, notamment, le paysage pastoral font l’objet de stratégies de réécriture et de re-signification et de nous interroger sur les fonctions et les significations de ces paysages.
Dans la poésie lyrique du XVIe siècle, un des lieux les plus emblématiques est le locus amoenus dont on trouve une des expressions les plus abouties dans la troisième églogue de Garcilaso :
Cerca del Tajo, en soledad amena,
de verdes sauces hay una espesura
toda de hiedra revestida y llena,
que por el tronco va hasta el altura
y así la teje arriba y encadena
que el sol no halla paso a la verdura;
el agua baña el prado con sonido,
alegrando la vista y el oído.
Con tanta mansedumbre el cristalino
Tajo en aquella parte caminaba
que pudieran los ojos el camino
determinar apenas que llevaba.
Peinando sus cabellos de oro fino,
una ninfa del agua do moraba,
la cabeza sacó, y el prado ameno
vido de flores y de sombras lleno
Movióla el sitio umbroso, el manso viento,
el suave olor de aquel florido suelo.
Las aves en el fresco apartamiento
vio descansar del trabajoso vuelo.
Secaba entonces el terreno aliento
el sol subido en la mitad del cielo.
En el silencio sólo se escuchaba
un susurro de abejas que sonaba (Égloga III, v. 57-80)3
Ces trois huitains (octavas reales) de la poésie de Garcilaso ont été considérés à juste titre comme fondateurs du mythe du locus amoenus dans la poésie espagnole du XVIe siècle. Ils contiennent en effet tous les ingrédients du lieu amène : l’herbe verte, les fleurs, le murmure de l’eau, le soleil, l’ombre des arbres, le temps printanier, le chant des oiseaux.
La poésie de Garcilaso joue véritablement, au XVIe siècle, un rôle de référent et de modèle, et les différents commentaires dont elle fait l’objet (réunis par Antonio Gallego Morell)4 l’installent, encore plus, dans ce rôle modélisant.
Mais la poésie du XVIe siècle va modifier ce locus amoenus en y introduisant des éléments perturbateurs qui rompent l’harmonie bucolique ou en l’inversant : le printemps devient alors hiver et le locus amoenus devient locus horridus. Parmi tous ces poètes, le plus original, celui qui porte cette démarche jusqu’à son terme le plus abouti est sans doute le mystérieux F. de la Torre, sur lequel on dispose de peu de données biographiques, dont la poésie évoque à de nombreuses reprises des paysages hostiles, hivernaux, glacés par le gel. Mais il serait caricatural d’opposer de manière radicale le locus poétique de Garcilaso à celui de F. de la Torre. En effet, les paysages de Garcilaso et de la poésie pétrarquiste portent déjà en germe des éléments qui annoncent sa subversion ou sa perversion.
La poésie de Garcilaso et d’autres poètes pétrarquistes du XVIe siècle, marque déjà, à certaines occasions, sa distance avec les codes qui régissent la représentation du locus amoenus en introduisant dans le lieu amène un certain nombre d’éléments perturbateurs qui vont rompre son harmonie. Nous avons tenté de répertorier ces éléments et de montrer comment, par leur récurrence, ils deviennent de véritables motifs poétiques que l’on retrouve d’un texte à l’autre, d’une écriture à l’autre.
Le premier motif qui rompt l’harmonie du locus amoenus est celui des épines sous les fleurs ou parmi les fleurs. Ce motif apparaît à deux reprises chez Boscán, dans un poème qui définit l’amour :
y veréys que están metidos
los espinos so las rosas5.
es un prado con mil flores,
pero más son los abrojos6.
Dans ce cas, le motif des épines mêlées aux fleurs a un sens clairement allégorique : il exprime les douleurs qui se mêlent aux joies, dans le sentiment amoureux. De même le Sévillan Gutierre de Cetina (1520-1554) évoquera les « bellas flores mezcladas con abrojos »7, symbole des chagrins mêlés aux plaisirs amoureux.
Un autre motif similaire est celui du serpent caché sous l’herbe (latet anguis in herba). Chez Garcilaso, ce motif apparaît dans la Troisième églogue qui évoque la mort d’Eurydice :
Eurídice, en el blanco pie mordida
de la pequeña sierpe ponçoñosa,
entre la yerba y flores escondida8.
Ce motif est également utilisé par Juan Boscán :
topó su pie con una ponçoñosa
bívora, que’n la yerva puesta ‘stava9.
Francisco Rico et María del Pilar Manero ont étudié les sources de ce motif garcilasien10. La source de Garcilaso réside dans le motif du latet anguis in herba, présent dans les Bucoliques virgiliennes (« Qui legitis flores et humi nascentia fraga/ frigidus, o pueri, fugite hinc, latet anguis in herba »)11. Ce même motif réapparaît chez Dante et Pétrarque :
che è occulto come in erba l’angue (Dante, Inferno, VII, v. 84)
so come sta tra’ fiori ascoso l’angue (Pétrarque, Triumphus Cupidinis, III, v. 57)
Questa vita terrena è quasi un prato,
che’l serpente tra fiori et l’erba giace (Pétrarque, Canzionere, XCIX, v. 5-6).
Il sera également repris par Poliziano :
E cosi mentre ogn’un dormendo langue,
ne’ lacci è involto onde già mai non esce:
ma come suol fra l’erba il picciol angue
tacito errare o sotto l’onde il pesce,
si van correndo per l’ossa e pel sangue
gli ardenti spiritelli e’l foco cresce12.
Un autre motif, assez proche, qui contribue également à la perversion du locus amoenus est celui de l’herbe ou des fleurs tachées de sang, qui figurent l’irruption de la violence et la mort dans l’espace amène. Ce motif apparait à deux reprises chez Garcilaso :
Las rosas blancas por allí sembradas
tornaba con su sangre coloradas13.
Cerca del agua en un lugar florido,
estaba entre la hierba degollada14.
F. de la Torre reprendra aussi, à son tour, l’image de l’herbe souillée par le sang du cerf blessé :
la fresca y verde hierba colorando
con la herbolada sangre que derrama15.
Ce motif de l’herbe tachée de sang produit un choc chromatique mais aussi symbolique : ingrédients essentiels du locus amoenus, qu’ils construisent comme un lieu de vie, de beauté et d’harmonie, les fleurs et l’herbe verdoyante s’opposent radicalement au sang répandu, symbole de la mort et de la violence qui viennent s’immiscer dans le lieu amène.
Un autre motif récurrent est celui des eaux devenues troubles, dont le tumulte exprime l’inquiétude ou la tristesse du sujet. Chez Pétrarque les eaux devenues troubles symbolisent le deuil de la nature, après la mort de Laure : « Vedove l’erbe et torbide son l’acque » (Pétrarque, Canzionere, 320, v. 6). Ce vers de Pétrarque a une importance fondamentale, dans la mesure où il relie la perversion du locus amoenus (ou sa transformation en locus horridus) à l’absence de la dame aimée : cette corrélation posée entre présence de la dame et équilibre du locus amoenus (ou, inversement, entre absence de la dame et dégradation du lieu amène) aura une importance fondamentale dans la poésie pétrarquiste.
Le motif des eaux devenues troubles, utilisé par Pétrarque est repris par toute une série d’autres poètes. Ainsi, la Canción I de Cetina évoque les eaux du fleuve, naguère claires, et devenues troubles : « Mientra corre tan turbio el claro río »16. Dans le sonnet 37 de Cetina, le berger Vandalio s’adresse à l’Océan et le trouble de ses larmes17. Suivant une démarche similaire, dans le sonnet 1 de Cetina, les eaux cristallines du locus amoenus sont remplacées par des eaux agitées et troubles :
mirando cómo va turbio y furioso
Betis corriendo al mar, […]18.
De même, le sonnet 36 évoque des fontaines aux eaux troubles :
Triste avecilla que te vas quejando
por feos ramos y por turbias fuentes19.
Plusieurs poèmes opposent les eaux cristallines, associées à un passé heureux, aux eaux troubles, image d’un présent douloureux, habité par le souci et l’inquiétude. Un des motifs les plus fréquents est aussi celui de l’eau troublée par les larmes du sujet poétique :
No más, como solía, jocundo y vago
te veo correr dorando tu ribera,
mas, turbio de mis lágrimas […]20
llorad, cansados, tristes ojos, tanto,
que turbe la corriente de este río
la vena larga de mi amargo llanto21.
Se plaindre au bord d’une eau devenue trouble par les larmes ou le chagrin constitue, à la Renaissance, un véritable topos littéraire, que Góngora tournera en dérision dans un de ses romances burlesques :
En la pedregosa orilla
del turbio Guadalmellato,
que al claro Guadalquivir
le paga tributo en barro
[…] estaba el pastor Galayo22.
Aux eaux délectables du locus amoenus, dans lesquelles les nymphes de l’Égloga III de Garcilaso aiment à se baigner s’opposent des eaux glacées, souvent associées à un paysage hivernal. L’Endecha VIII du livre III de F. de la Torre évoque « la ribera fría / de Jarama » et les froides fontaines :
cuando fuentes frías
laven el error
que causó el rigor
de mis agonías23.
Apparaissant chez Garcilaso, l’air empoisonné constitue aussi l’un des motifs qui contribue à la perversion du locus amoenus. Après la mort d’Elisa, le paysage se dégrade et l’air devient mortifère :
la malicia del aire corrompido
hace morir la hierba mal su grado24.
Dans une perspective similaire, le motif de l’herbe devenue amère constitue un topos de la poésie bucolique, où il connote le deuil et la douleur : lorsque le sujet poétique se consume de chagrin, ses bêtes broutent une herbe amère. Dans le sonnet 24 de Cetina, l’absence de la dame s’accompagne d’une perversion du locus amoenus exprimée par le motif de l’herbe devenue amère :
Si en las hierbas halláis amargo el gusto,
[…] no es fuera de razón, antes muy justo,
pues tan lejos estáis del alma mía,
que sea todo al revés lo que antes era25.
De même, F. de la Torre évoque l’herbe amère de la montagne gelée (« el pasto amargo de montaña yerta »26. Enfin, chez Lope, l’herbe amère sera l’aliment du troupeau du malheureux Belardo, endeuillé par la mort d’Elisa :
¡Oh qué amargos manojos
de retama y torvisco
pasce mi ganado aprisco!27
Au terme de ce premier examen des motifs ou éléments qui expriment une perversion du locus amoenus, trois observations peuvent être formulées. La première est que, comme on le constate aisément, le locus amoenus n’est pas un espace immuable et, au cœur de la nature riante, l’eau des rivières devient trouble, le soleil se voile et l’herbe devient amère. L’ordre et la perfection du locus amoenus éclatent sous la percée de la mort, du froid, de l’obscurité, de la perte et sous l’apparence lisse et parfaite du locus amoenus, se cache l’irruption des forces de mort et l’efflorescence du désordre.
Par ailleurs, la perversion du locus amoenus s’exprime à travers un certain nombre de motifs qui décrivent, tous, une démarche récurrente : dans tous les cas, l’élément agréable, caractéristique du lieu amène – les fleurs, l’herbe verte, l’eau claire, l’air parfumé – devient le lieu ou l’objet de la violence, du désordre, de la mort et de la perte.
Enfin, dans bien des cas, la perversion ou la détérioration du locus amoenus sont liées à l’absence de la dame aimée. Le paysage en deuil en raison de la mort de l’être aimé constitue d’ailleurs l’un des topoi de la poésie funèbre comme l’a signalé Eduardo Camacho28. Mais, au-delà de ces aspects traditionnels qui relèvent de stratégies de réemploi et de réécriture, c’est une véritable logique imaginaire qui émerge, dans laquelle la dame aimée apparaît véritablement comme la garante de l’harmonie du locus amoenus.
La corrélation, voire le rapport d’équivalence, qui sont ainsi posés entre présence de l’aimée/espace amène et absence de l’aimée/ détérioration de l’espace de la diégèse poétique constitue une représentation qui structure une grande partie des corpus poétiques du XVIe siècle. Lorsque la dame est présente (ou aimante), le locus amoenus conserve son équilibre et se maintient en tant qu’espace de vie, d’harmonie, de beauté, de lumière. Corrélativement, l’absence de la dame, sa mort (ou son indifférence cruelle) induisent une dégradation du locus amoenus.
Cette configuration imaginaire se manifeste clairement dans l’écriture de Garcilaso qui, on l’a vu, a un véritable rôle de modèle pour les poètes lyriques du XVIe siècle. La Première Églogue de Garcilaso décrit les effets de la mort d’Elisa sur la nature. La mort de la dame, représentée comme une entité solaire, dispensatrice d’harmonie et de vie, apparaît comme la cause explicite de la dégradation du locus amoenus et de sa transformation en lieu hostile, en locus horridus :
Después que nos dejaste
nunca pace en hartura el ganado ya, ni acude
al campo el labrador con mano llena.
No hay bien que en mal no se convierta y mude :
la mala hierba al trigo ahoga, y nace
en lugar suyo la infelice avena
la tierra, que de buena
gana nos producía
flores con que solía
quitar en sólo vellas mil enojos,
produce agora, en cambio, estos abrojos,
ya de rigor de espinas intratatable29.
L’écriture poétique tisse ainsi un réseau d’antithèses, opposant nostalgiquement un passé heureux, véritable âge d’or, caractérisé par l’abondance et la présence de la dame, à un présent funeste, marqué par la carence : au blé s’oppose la funeste avoine (la « infelice avena ») et les fleurs sont remplacées par les arbustes épineux. La même configuration imaginaire réapparaît à l’œuvre dans la Troisième Églogue, où l’absence de la dame aimée (ici, Filis), détermine un espace caractérisé par le manque et la stérilité. Le paysage ici décrit est un espace dégradé où l’herbe verte a disparu, et les feuilles des arbres sont tombées à cause du froid ou de la sécheresse. Le texte explicite que seul le retour de la dame rétablira le printemps et la verdure :
De la esterilidad es oprimido
el monte, el campo, el soto y el ganado ;
(...) las aves ven su descubierto nido,
que ya de verde hojas fue cercado ;
pero si Filis por aquí tornare,
hará reverdecer cuanto mirare30.
L’intégrité du locus amoenus dépend ainsi étroitement de la présence de la dame.
Les poètes pétrarquistes espagnols du XVIe siècle répètent à l’envi ces structures poétiques que l’on a vues à l’œuvre chez Garcilaso. Chez Gutierre de Cetina l’absence de la dame détermine un espace hostile, caractérisé par l’horror et le désordre :
Siendo de vuestro bien, ojos ausentes,
¿qué véréis donde vais que no os ofenda,
Obscuro sol, monstruosa luna horrenda
Tigres, osos, leones y serpientes
Oídos, ¿qué oiréis entre las gentes?
Llanto, sospiros, lágrimas, contienda.
¿Por cuál camino iréis o por cuál senda
que espinas no piséis, pies diligentes?
Boca, ¿qué gustarás? Mortal veneno31.
Là encore, le texte pose une étroite équivalence entre la présence de la dame et le paysage amène. La dame, assimilée à un astre solaire, garantit l’équilibre du lieu amène. Son absence induit un paysage marqué par l’obscurité (« obscuro sol », « monstruosa luna horrenda »), les épines, la douleur et le désordre.
Cette perversion du locus amoenus et sa conversion en locus horridus trouvent sans nul doute leur point d’aboutissement chez le poète Francisco de la Torre. Cependant F. de la Torre ne se limite pas à développer les codes qui régissent le locus poétique hérité de Garcilaso et du pétrarquisme : il se les approprie et leur donne un nouveau sens, et les inscrit dans une nouvelle configuration poétique où le locus horridus n’est plus (ou plus seulement) déploré, mais assumé, valorisé, et même revendiqué. Dans un article consacré au paysage chez ce poète32, Gethin Hughes a montré la distance prise par Francisco de la Torre vis-à-vis du locus amoenus garcilasien. Rompant délibérément avec le modèle du locus amoenus hérité de Garcilaso, des modèles italiens et classiques, la poésie de F. de la Torre élabore des paysages, inhospitaliers, de véritables loci horridi dont nous allons maintenant examiner les caractéristiques.
Une première catégorie de locus horridus développé par l’écriture de F. de la Torre est celle de la tempête, terrestre ou marine. L’Ode I du livre I s’ouvre sur une strophe qui décrit la nature en furie, des flots qui rejettent une barque sur la rive :
Mira, Filis, furiosa
onda, que sigue y huye la ribera,
y torna presurosa
echando al punto fuera
del agua el peso de la nao ligera33.
De la même manière l’Ode II s’ouvre sur une description de la tempête :
Amintas, nunca del airado Jupiter
la armada mano descompone umbrosa
selva de plantas, sin mostrar humana
su presencia divina.
Brama Neptuno, y usurpando el reino
de aquellos abrasados guerreadores
A las entrañas de su madre vueltos,
estiende su potencia;
[…].
Eolo con sus vientos temeroso,
(airada Tetis, Doris fiera huyendo)
sus mal regidos súbditos encierra
en el Cáucaso monte34.
Plusieurs poèmes évoquent la tempête, un paysage agité de vents violents, comme par exemple dans le livre II, l’Ode IV35. Chez F. de la Torre, comme chez Garcilaso, seule la présence de la dame apaise la tempête. C’est ce qu’affirme explicitement le sonnet 33 du livre I :
bella, si con la luz que sola adoro
la tempestad del viento y mar serena36.
Cette nature en furie entre en correspondance avec le topos (également présent dans la poésie de F. de la Torre) de la bataille d’amour, présent par exemple dans les sonnets 10 et 12 du livre I37. Le sonnet 10 s’ouvre ainsi sur un paysage qui décrit un champ de bataille désolé, après le combat : « Este real de Amor desbaratado,/ de rotas armas y despojos lleno »38. Le paysage poétique est ici l’expression extériorisée, spatialisée, visuelle et concrète d’un paysage intérieur marqué par le désordre des sentiments.
Une autre déclinaison du lieu est celle de la nuit. Beaucoup de poèmes de F. de la Torre évoquent la nuit, au point qu’on a parfois qualifié F. de la Torre de « poète de la nuit ». Dans le Livre I des vers lyriques les sonnets 3, 4, 5, 6, 7, 16, 20 sont entièrement consacrés à la nuit. Cette nuit apparaît dans certains poèmes comme une nox horrida, une nuit obscure, trouble, peuplée d’animaux effrayants, comme dans le sonnet 16 du livre I :
Turbia y escura Noche, que el sereno
cerco del cielo tienes escondido,
el mar revuelto, el suelo entristecido,
y el aire de noturnos mostruos lleno39.
Mais la nuit, chez F. de la Torre, apparaît aussi, suivant un processus de reconfiguration (voire d’inversion) des codes, que nous examinerons plus en détail dans la dernière partie de cette étude, comme une nuit « amie », une nuit douce et complice. L’écriture poétique de F. de la Torre opère alors un processus d’inversion et de re-signification, où les paysages et les temporalités que la tradition littéraire présentait comme hostiles deviennent amènes et accueillants, par la correspondance et l’harmonie qu’ils entretiennent avec les sentiments exprimés par le sujet poétique.
Certains de poèmes les plus originaux de F. de la Torre sont ceux qui évoquent l’hiver et des paysages hivernaux. La référence aux saisons n’est pas un élément original dans la poésie pétrarquiste italienne, espagnole ou encore portugaise40, mais F. de la Torre est sans nul doute l’un des poètes qui s’érige, dans ce cadre, comme une voix originale, par le protagonisme qu’il donne à l’hiver.
Le sonnet 8 du livre I évoque des paysages désolés, desséchés par le froid hivernal. Le je poétique exprime son espoir de voir revenir le printemps et le Zéphyr qui ressusciteront cette nature, rendue morte et silencieuse par l’hiver. Les sept premiers vers du poème évoquent tous les éléments du locus amoenus (les plantes et les fleurs, les eaux claires de la rivière et le chant des oiseaux) qui sont absents de l’espace poétique, habité au contraire par le froid, la stérilité et le silence de oiseaux :
Vuelve, Céfiro, brota, viste y cría
flores, plantas y yerbas olorosas;
el suelo dora, y de purpúreas rosas
blancas y rojas teje selva umbría;
al río el claro, y a la mansa y fría
aura templanza; y a las sonorosas
aves el canto restituye, ociosas
cuando el invierno el cielo las cubría41.
Dans le même poème, le sujet poétique affirme habiter un perpétuel hiver, et déplore que le ciel ne lui apporte jamais la douceur du printemps
Y nunca ¡oh Tiempo por mi mal rogado!
trais una primavera deseada
a la seca esperanza de mi vida42
Dans le même livre I, la Canción II évoque un chêne, dépouillé de son lierre par le froid hivernal. L’arbre au tronc et aux branches nues est ici une transparente métaphore du je poétique privé de la présence de sa dame :
Tú sólo despojado,
tú, que fuiste la gloria
y el ornamento de la selva umbría,
cuando el viejo nevado
siguiendo su vitoria
descompuso la gloria que en ti había.
Austro nevado y frío,
yerto y helado invierno
derribó tu belleza por la tierra43.
Le même motif est repris dans la Canción I du livre II, qui évoque le lierre fané, arraché à son arbre, et jeté sur le roc inhospitalier d’une montagne glacée par l’hiver (« la desierta piedra/ del yerto monte »44). Enfin, dans le livre III, l’Endecha 3 décrit un paysage hivernal, glacé et stérile :
Riguroso invierno,
cuya faz nevada
tiene deshojada
la del campo tierno ;
cuyas blancas sienes
de color nevado
me han a mi turbado
mil serenos bienes45.
Plus largement, la poésie de F. de la Torre évoque des paysages désolés, stériles, où l’élément végétal est remplacé par le minéral, et où la végétation riante du locus amoenus est remplacée par des plantes hostiles et épineuses. Dans le sonnet 31 du livre I, les larmes du sujet poétique tombent « entre duras piedras »46 : là encore, le poème donne au paysage un sens symbolique et métaphorique, où les pierres dures sont une image de la dame indifférente. Dans le sonnet 4 du livre II, les pas des bergers et bergères ne prennent plus place sur une herbe verte, mais sur une friche peuplée de chardons :
Detén, Filis cruel, detén el paso,
No te ofenda la planta riguroso
cardo cruel de tierra no labrada47.
L’Ode 1 et le sonnet 21 du livre I48 décrivent des espaces stériles, peuplés d’arbres dépouillés et d’épineux. Dans une perspective similaire, le sonnet 25 du livre II décrit des paysages désolés et funèbres : « cuajad los aires y cubrid los cardos/ de estos lugares de sepulcros feos »49. Marquant sa différence vis-à-vis des textes qui cultivent le locus amoenus, la poésie de F. de la Yorres marque sa préférence pour les espaces inhospitaliers. Marqués par l’hiver, l’obscurité, le froid, la stérilité ou au contraire le désordre et la violence des éléments ces paysages sont tout le contraire d’une Arcadie.
Cette présence récurrente, et puissante, du locus horridus dans la poésie de F. de la Torre est une réelle originalité. Jusque-là, le paysage hostile, dépouillé et hivernal était utilisé dans une logique de contraste, pour déplorer l’absence du soleil et du printemps, subsumé à la présence de la dame aimée. Mais chez F. de la Torre, le je poétique habite réellement ces espaces hostiles et hivernaux et se les approprie. Il nous appartient donc, en dernière instance de nous interroger sur les fonctions et les significations de ce locus horridus chez F. de la Torre
Le locus horridus dans la poésie de F. de la Torre a, souvent, une valeur métaphorique et symbolique, au service d’un message moral. Le paysage hivernal est avant tout une image (de la vieillesse ou des revers de Fortune) : il est là pour signifier autre chose que lui-même.
Ainsi, dans l’Ode 1 du livre I, la contemplation du paysage hostile fonctionne comme une « leçon » adressée à Filis, qui est invitée à jouir de sa jeunesse. La première strophe, que nous avons déjà citée, évoque la tempête marine qui secoue une nef fragile. Les strophes 2 et 3 évoquent des paysages désolés et stériles, peuplés de buissons épineux (« estériles abrojos »), une nature détruite par le froid :
Aquellas despojadas
plantas, que son estériles abrojos,
solían adornadas
de cárdenos y rojos
ramos lucir ante tus bellos ojos.
Vino del Austro frío
invierno yerto, y abraso la hermosa
gloria del valle umbrío,
y derribó la hojosa
corona de los arboles umbrosa50.
La thématique du carpe diem se manifeste à partir de la quatrième strophe, est étroitement reliée à la contemplation du paysage hostile, comme le montre le verbe « mirar », à l’impératif, qui ouvre le poème (« Mira, Filis, furiosa/ onda ») :
Agora que el oriente
de tu belleza reverbera, agora
que el rayo transparente
de la rosada Aurora
abre tus ojos, y tu frente dora;
antes que la dorada cumbre
de relucientes llamas de oro
húmida y argentada
quede, inútil tesoro
consagrado al errante y fijo coro,
goza Filis, del aura
que la concha de Venus hiere.
[…] Vendrá la temerosa
noche de nieblas y de vientos llena;
marchitará la rosa
purpúrea, la azucena
nevada mustia tornara de amena51.
De même dans l’Ode 2 du livre I la description de la tempête, suivie d’un retour au calme est une allégorie des passions qui agitent l’âme humaine52 (p. 90-91). Enfin, dans l’Ode 4 du livre I, la tempête et le vent glacé qui fane les fleurs sont une image des revers de Fortune qui affectent le je poétique mais qui pourraient aussi frapper sa destinataire, la belle Filis :
Viste resplandeciente
cielo, del cuerpo de las nubes suelto,
turbarse y el ardiente
soplo de Bóreas vuelto
dejar el mundo en sombra y agua envuelto?
[…]
Lucidas flores viste,
a quien, ¡oh Aurora! fuiste su Lucina
y viene el Euro triste,
y a la tierra reclina
la corona de hojas mortecina?
Así fue mi ventura,
y así, Filis, podría ser tu suerte53.
Mettre l’accent sur le locus horridus, développer des paysages nocturnes et hivernaux, marqués par la stérilité, la destruction de la vie, l’absence de chaleur et de soleil, c’est aussi mettre la mélancolie au cœur du texte. Il convient en effet de souligner la corrélation qui existe dans le substrat culturel entre la mélancolie, Saturne et les loci horridi.
Dans les systèmes de représentation du Moyen Âge et de l’époque moderne, une multitude de liens associent Saturne et la mélancolie au locus horridus, à des espaces marqués par le manque et la carence. Selon le De revolutionibus annorum de Messalah (traduit en latin et diffusé à la Renaissance, notamment à travers une édition imprimée à Nuremberg, en 1549), Saturne présage la destruction des récoltes, le froid rigoureux, la maladie, les guerres destructrices, les sauterelles, les tremblements de terre, les famines, les vents glacés54, c’est-à-dire tout ce qui crée un espace stérile et désolé. Pour le Libro conplido en los iudizios de las estrellas, « [Saturno] en la tercera faz de Aries danna las cosas sembradas e arranca los árboles e yerma los poblaciones »55. Pour Jerónimo Cortés, astrologue très populaire au Siècle d’Or dont le Lunario y pronóstico perpetuo est largement publié, jusqu’au XIXe siècle, Saturne règne sur les famines, la carence, la destruction des troupeaux et des récoltes et « significa esterilidades en los años, y carestías en los mantenimientos »56. Dans l’imaginaire médiéval et moderne, Saturne est donc lié à des espaces désolés, stériles, dévastés. Enfin, Saturne règne sur les loci horridi, comme les prisons, les grottes, les cimetières, les lieux sombres et déserts. Ainsi, comme l’écrit Andrés de Li, autre astrologue fort populaire au Siècle d’Or, dans son Repertorio de los tiempos (1546), « [Saturno tiene dominio] sobre prisiones, cuevas, sepulcros de muertos y todos lugares escuros y despoblados »57.
Par ailleurs, le goût des mélancoliques pour les loci horridi – notamment pour les cimetières – constitue l’un des topos du discours scientifique de la Renaissance. Guibelet affirme ainsi que, parmi les mélancoliques, « les uns cherchent les sepulchres […]. Les autres se promènent dans les ruines de vieux et anciens édifices »58. Alonso de Ledesma consacre un poème allégorique à la Mélancolie, dont la maison constitue un véritable locus horridus sombre, dépouillé et funèbre:
Vive en una casa sola,
grande, lobrega, y antigua,
tal que la goza de balde
porque ninguno la alquila59.
De son côté, l’iconographie confirme l’association de la mélancolie aux loci horridi : les représentations allégoriques de la mélancolie reproduisent souvent, en arrière-plan, un lieu hostile ou un espace habité par le désordre60. Privilégier le locus horridus sur le locus amoenus c’est mettre la mélancolie au cœur du texte
On l’a vu, de nombreux poèmes de F. de la Torre privilégient des espaces constitués d’arbres dépouillés, de rochers nus, de paysages hivernaux, parcourus par des vents glacés. Tous ces paysages sont marqués du sceau de la perte : loin d’être une féconde natura naturans, la nature représentée dans ces poèmes n’est que le reflet de la perte et du manque que déplore le sujet poétique.
Le locus horridus, marqué par le froid, le dépouillement, l’absence de soleil, de chaleur, de vie et de lumière voit, là encore, doté d’un sens symbolique métaphorique, illustrant l’absence de la dame-soleil. Plusieurs poèmes expriment cette idée. Dans le livre II, l’Ode 1 confirme cette signification métaphorique et sentimentale de l’hiver, suscité par l’absence et l’indifférence de la dame :
Yo triste, el cielo quiere
que yerto invierno ocupe el alma mía,
y que si rayo viere
se aquella luz del día,
furioso sea y no como solía.
Renueva Filis, esta
esperanza marchita, que la helada
aura de tu respuesta tiene desalentada.
ve primavera, ven mi flor amada61.
Assimilée de manière topique à un être solaire, la dame apparaît ainsi comme la garante de l’équilibre, de la fécondité et de l’harmonie du locus amoenus. Son absence de la dame-soleil entraîne une dégradation du paysage, qui évolue du locus amoenus printanier vers un locus horridus austère, dépouillé et hivernal. Le retour de la dame-soleil est d’ailleurs, de manière tout aussi topique, décrit comme une aurore, comme par exemple dans le sonnet 2 du Livre I :
Rompe la niebla de la noche fría,
de nieve y ostro y de cristal ornada,
de perlas orientales esmaltada,
rosada Aurora, y aparece el día.
[…] Tal a mis ojos la beldad divina,
del ídolo purísimo que adoro,
aurora clara, con tu paz parece » (p. 75) 62.
Une étroite corrélation étroite se tisse donc entre présence / absence de la dame et locus amoenus/ locus horridus.
Mais au-delà de ces aspects qui sont, au demeurant, assez topiques, c’est le regard sur l’espace dans la poésie de F. de la Torre qui nous intéresse : comment cet espace, décrit comme un locus hostile et dépouillé, est perçu. Or, dans ce domaine la poésie de F. de la Torre se révèle particulièrement intéressante et novatrice dans la mesure où l’espace hostile, le locus horridus, n’est pas seulement déploré, mais aussi célébré : le sens de cet espace s’inverse alors et d’hostile il devient accueillant.
Le locus horridus se mue en lieu accueillant parce qu’il y a une correspondance, une harmonie, entre le je poétique et son espace. Ainsi se crée un lien organique, une correspondance étroite entre le sujet lyrique et son espace. A un sujet lyrique marqué par la mélancolie et le manque de la dame aimée correspond un paysage marqué par les mêmes caractéristiques : le manque, le dépouillement, la carence, l’absence de chaleur, de lumière et de soleil. Le locus horridus devient accueillant justement parce qu’il est habité par le manque et parce qu’il entretient, de ce fait, avec le je poétique une relation de concordance.
Enciende ya las lámparas del cielo,
amiga y esperada Noche63.
L’espace hostile s’inverse ici en espace amène. Une image signe cette conversion du locus horridus en locus amoenus, c’est celle de la nuit ou du silence comme « manteau » qui enveloppe le sujet poétique :
Sigo, Silencio, tu estrellado manto
de trasparentes lumbres guarnecido,
enemigo del Sol esclarecido,
ave noturna de agorero canto (p. 78) 64.
Le locus ici décrit s’oppose au locus amoenus traditionnel, à l’espace printanier, ensoleillé, peuplé de fleurs, de bourdonnements d’abeilles et de chants d’oiseaux, dont on trouve une description topique dans la Troisième Églogue de Garcilaso. Ici, le silence nocturne s’oppose au bruissement des abeilles et au chant des oiseaux, l’obscurité au soleil. Mais ce paysage n’est plus hostile, mais amène car protecteur et en harmonie avec le je poétique.
La même démarche et le même changement de perspectives sont observables au sujet de l’hiver, qui, dans l’Endecha 3 du livre–III, n’est pas seulement déploré mais aussi invoqué par le sujet poétique comme un ami, un complice :
Riguroso invierno,
[…] A ti sólo agora
me vuelvo llorando,
que si te hallo blando
todo se mejora65.
L’hiver devient l’interlocuteur privilégié et complice du moi. Paradoxalement, l’espace marqué par le manque, le froid, l’obscurité devient accueillante et est recherchée.
***
On pourra donc, pour conclure souligner que l’écriture de l’espace chez F. de la Torre s’inscrit dans une dialectique faite de continuités et ruptures. Continuités dans la mesure où l’écriture de F. de la Torre reprend une série de topoi caractéristiques de la poésie pétrarquiste : la dame-soleil, l’association de la présence de la dame à un printemps ou à une aurore, l’assimilation de son absence à une nuit ou encore à un soleil caché par des nuages66.
Mais F. de la Torre renouvelle aussi, profondément, la représentation et la perception de l’espace dans la mesure où, dans son écriture poétique, la norme n’est plus le locus amoenus pastoral, mais un locus horridus qui reflète le paysage intérieur de la voix poétique. Plus encore, le locus horridus n’est pas tant déploré que célébré : cet espace est en quelque sorte adopté par je le poétique, qui s’approprie véritablement le locus horridus et le construit paradoxalement comme espace accueillant. Le sujet lyrique se démarque ainsi du locus amoenus traditionnel pour construire un espace qui est véritablement à son image¸ marqué par le manque, la stérilité, la perte, la mélancolie.
Certains lecteurs pourraient être tentés d’y voir une anticipation du romantisme (dont l’esthétique marque une préférence marquée pour les paysages tourmentés ou nocturnes, les ruines, les tempêtes). Nous pensons, plus simplement, qu’il faut aussi y voir un nécessaire renouvellement de l’expression artistique : quasiment cinquante ans après Garcilaso, il était impératif se renouveler et de réinventer une poésie pétrarquiste qui s’était appauvrie à force de répétitions. Ce renouvellement passe, entre autres stratégies, par une inversion des codes qui régissent la représentation de l’espace : du locus amoneus, on passe au locus horridus.
Un phénomène similaire est observable dans les natures mortes de la peinture hollandaise du XVIIe siècle, et plus spécifiquement dans les natures mortes à base de fleurs, où la représentation des fleurs se renouvelle avec des éléments qui suggèrent le locus horridus. L’exemple le plus frappant se trouve sans doute dans les tableaux d’Otto Marseus van Schrieck qui peint des fleurs dans des sous-bois sombres, qui remplace parfois les fleurs traditionnelles du bouquet hollandais (roses, tulipes et lys) par des chardons ou des champignons vénéneux, et qui ajoute dans ses tableaux des insectes, des batraciens ou reptiles inquiétants (crapauds, lézards ou serpents) à côté des fleurs67. L’interprétation de ces tableaux, qui renouvellent le genre de la nature morte de fleurs en l’inscrivant dans une atmosphère inquiétante, reste ouverte : on peut y voir l’idée, typiquement baroque, que la mort est au cœur de la vie. Dans tous les cas, ils traduisent, tout comme la poésie de F de la Torre, l’absolue nécessité de renouvellement dans des genres (poétiques ou picturaux) usés jusqu’à la corde par la répétition de mêmes thématiques et des mêmes sujets.
[1] Ernst Robert CURTIUS, European Literature and the Latin Middle Ages, traduction anglaise de Willard R. TRASK, New York, Routledge & Kegan Paul, 1953, p. 183-202.
[2] Stéphane MACÉ, « Les mutations de l’espace pastoral dans la poésie baroque », Études littéraires, volume 34, numéro 1-2, hiver 2002, p. 169-177, URL : https://doi.org/10.7202/007560ar.
[3] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga III, in Poesías castellanas completas, Elias L. RIVERS (éd.), Madrid, Castalia, 1996, v. 57-80, p. 211-212.
[4] Antonio GALLEGO MORELL, Garcilaso de la Vega y sus comentaristas, Madrid, Gredos, 1972.
[5] Juan BOSCÁN, Obras, I, 14, Carlos CLAVERÍA (éd.), Barcelone, PPU, 1991, p. 172
[6] Ibid., p. 174.
[7] Gutierre de CETINA, Sonetos y madrigales completos, Begoña LÓPEZ BUENO (éd.), Madrid, Cátedra, 1990, sonnet 79, p. 156.
[8] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga III, v. 130-132, in Poesía castellana completa, Consuelo BURELL (éd.), Madrid, Cátedra, 1988, p. 125.
[9] Juan BOSCÁN, Obras, I, 14, Carlos CLAVERÍA (éd.), Barcelone, PPU, 1991, p. 455.
[10] Francisco RICO, « De Garcilaso y otros petrarquismos », Revue de Littérature Comparée, avril-déc. 1978, p. 325-338. María del Pilar MANERO, Imágenes petrarquistas en la lírica española del Renacimiento, Barcelone, PPU, 1990, p. 279 et suiv.
[11] Cité par F. RICO, « De Garcilaso y otros petrarquismos », p. 327.
[12] POLIZIANO, Stanze per ma Giostra, II, XXI, v. 1-6. Je tire la référence de M. del P. MANERO, Imágenes petrarquistas, p. 281-282.
[13] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga III, v. 183-184, in Poesía castellana completa, C. BURELL (éd.), p. 127.
[14] Ibid., p. 128.
[15] Francisco de LA TORRE, La Bucólica del Tajo, Égloga V, in Poesía completa, María Luisa CERRÓN PUGA (éd.), Madrid, Cátedra, 1984, p. 258.
[16] Gutierre de CETINA, Canción I, in Obras, Joaquín HAZAÑAS Y LA RÚA (éd.), Séville, Imp. Francisco de P. Díaz, 1895, I, p. 214.
[17] Gutierre de CETINA, Sonetos y madrigales completos, Begoña LÓPEZ BUENO (éd.), Madrid, Cátedra, 1990, sonnet 37, p. 114.
[18] Gutierre de CETINA, Sonetos y madrigales completos, Begoña LÓPEZ BUENO (éd.), sonnet 1, p. 77.
[19] Ibid., sonnet 36, p. 113.
[20] Ibid., sonnet 240, p. 323.
[21] Francisco de LA TORRE, La bucólica del Tajo, Egloga I, in Poesía completa, María Luisa CERRÓN PUGA (éd.), Madrid, Cátedra, 1984, p. 221.
[22] Luis de GÓNGORA, Romances, Antonio CARREÑO (éd.), Madrid, Cátedra, 1985, p. 115.
[23] Francisco de LA TORRE, III, Endecha VIII, in Poesía completa, M. L. CERRÓN PUGA (éd.), p. 209.
[24] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga III, v. 347-348, in Poesía castellana completa, éd. C. Burell, p. 133.
[25] Gutierre. de CETINA, Sonetos y madrigales completos, B. LÓPEZ BUENO (éd.), sonnet 24, p. 101.
[26] Francisco. de LA TORRE, Poesía completa, M. L. CERRÓN PUGA, livre II, sonnet XI, p. 147.
[27] Félix LOPE DE VEGA, Obras Poéticas, José Manuel BLECUA (éd.), Barcelone, Planeta, 1969, p. 898.
[28] Eduardo CAMACHO, La elegía funeral en la poesía española, Madrid, Gredos, 1969, p.80.
[29] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga I, v.296-306, in Poesía castellana completa, C. BURELL (éd.), p. 45.
[30] GARCILASO DE LA VEGA, Égloga III, v. 345-352, in Poesía castellana completa, C. BURELL (éd.), p. 133.
[31] Gutierre de CETINA, Sonetos y madrigales completos, Begoña LÓPEZ BUENO (éd.) ; sonnet 83, p. 160.
[32] Gethin HUGHES, « Some comments on the pastoral lanscape of Francisco de la Torre », Hispanófila, 68, jan. 1980, p. 1-10.
[33] Francisco de LA TORRE, Poesía completa, M. L. CERRÓN PUGA (éd.), p. 82.
[34] Ibid., p. 90.
[35] Ibid., p. 161.
[36] Ibid., p. 113.
[37] Ibid., p. 87 et 89.
[38] Ibid., p. 87.
[39] Ibid., p. 95
[40] Sur ce sujet, voir notamment Soledad PÉREZ-ABADÍN BARRO, « La oda estacional hispano-portuguesa: secuelas horacianas y conexiones vernáculas en ‘Eis nos torna a nascer’», Bulletin of Spanish Studies, 95, 8, 2018, p. 931-955, URL : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14753820.2018.1516012.
[41] Francisco de LA TORRE, Poesía completa, op cit., p. 97.
[42] Ibid.,p. 97.
[43] Ibid., p. 118.
[44] Ibid., p. 150.
[45] Ibid., p. 197.
[46] Ibid., p. 128.
[47] Ibid., p. 136.
[48] Ibid., p. 82 et 169.
[49] Ibid., p. 178.
[50] Ibid., p. 82.
[51] Ibid., p. 82-83.
[52] Ibid., p. 90-91.
[53] Ibid., p. 103-104.
[54] MESSALAH, De revolutionibus annorum, Messalah / Ben Ezra, in Textos astrológicos medievales, trad. de Demetrio SANTOS, éd. Barath, s. l., 1981, p. 152-153.
[55] Aly ABEN RAGEL, Libro conplido en los iudizios de las estrellas, Gerold HILTY éd.), Madrid, R.A. E., 1954. p. 12-13
[56] Jerónimo CORTÉS, Lunario nuevo, perpetuo y general y Pronóstico de los tiempos, Madrid, Pedro Madrigal, 1598, p. 33-34.
[57] Andrés de LI, Repertorio de los tiempos (1546), éd. facsimilé d’Edison Simons, Barcelone, Antoni Bosch, 1978, p. 44 et 61, respectivement.
[58] Jourdain GUIBELET, Trois discours philosophiques, Evreux, Ant. Le Marié, 1603, p. 253.
[59] Alonso de Ledesma, Conceptos espirituales y morales, Eduardo JULIÁ MARTÍNEZ (éd.), Madrid, CSIC, 1969. II, p. 345.
[60] Raymond KLIBANSKY, Erwin PANOFSKY et Fritz SAXL, Saturne et la mélancolie, trad. sous la direction de Louis EVRARD, Paris, Gallimard, 1989, fig. 147, 148, 150, 151, 152, 153.
[61] Francisco de LA TORRE, Poesía completa, op cit., p. 143.
[63] Ibid., p. 81.
[64] Ibid., p. 78.
[65] Ibid., p. 197.
[66] Cette image apparaît notamment dans les deux premiers sonnets du livre II (F. de la Torre, Poesía completa, M. L. CERRON PUGA (éd.), p. 133 et 134).
[67] Voir par exemple : Otto MARSEUS VAN SCHRIECK, Chardon, reptile et papillons 61 x 50,5 cm, Musée de Grenoble-J.L. Lacroix, SA05 - Salle 05 ; Liserons (1660), Staatliches Museum Schwerin ou encore Serpents, crapauds et papillons, Musée des Augustins de Toulouse.
Résumé
Cette contribution analyse les représentations de l’espace dans la poésie lyrique espagnole du XVIe siècle. Lieu topique de la diégèse et de l’énonciation, le locus amoenus pastoral, occupe une place centrale occupe dans cette production littéraire. Cependant, le locus amoenus n’est pas un espace stable, il connaît des mutations, des dégradations et des perversions qui s’expriment à travers un ensemble de motifs récurrents dont la présente contribution propose une typologie et une analyse. L’analyse des choix poétiques opérés autour du locus dans la poésie lyrique met en évidence la profonde originalité de Francisco de la Torre, qui exprime une claire préférence pour des paysages inhospitaliers, hivernaux, marqués par la perte et la stérilité. Au locus amoenus traditionnel, F. de la Torre oppose un locus horridus assumé, voire revendiqué. L’étude de l’espace dans la poésie lyrique espagnole met en évidence comment le locus poétique s’inscrit dans des stratégies d’appropriations, de réécriture et de re-signification.
Esta contribución analiza las representaciones del espacio en la lírica española del siglo XVI. El locus amoenus, lugar tópico de la acción y de la enunciación lírica ocupa un lugar central en esta producción literaria. Sin embargo, el locus amoenus no es un espacio estable, sufriendo al contrario evoluciones, degradaciones y perversiones que se expresan a través de un conjunto de motivos recurrentes de los cuales se ofrecerá una tipología y un análisis. El análisis de estrategias poéticas en torno al locus poético pone de relieve la profunda originalidad de Francisco de la Torre, que manifiesta una clara preferencia por los paisajes inhóspitos, invernales, marcados por la pérdida y la esterilidad. Frente al locus amoenus tradicional, F. de la Torre adopta un locus horridus asumido e incluso reivindicado. El estudio del espacio en la lírica española pone de relieve cómo el locus poético se inscribe en un conjunto de estrategias de apropiación, reescritura y resignificación.
Vers une subversion du locus amoenus
Latet anguis in herba : le serpent parmi les fleurs
L’herbe et les fleurs tachées de sang
L’eau froide et l’air empoisonné
Perversion du locus amoenus et absence de la dame
Francisco de la Torre ou le locus horridus assumé
La tempête et la nature en furie : des paysages marqués par le désordre
Des paysages minéraux, dépouillés et hostiles
Fonctions et significations du locus horridus chez F. de la Torre
Des paysages au service d’un message moral
Le locus horridus, espace de Saturne et de la mélancolie
L’espace poétique, reflet du paysage intérieur : locus horridus et absence de la dame soleil
La conversion du locus horridus en locus amoenus : la concordance entre le je poétique et son espace
Christine OROBITG
Aix Marseille Université, CNRS, TELEMME, Aix-en-Provence
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