Un des plaisirs de la lecture repose sur notre identification aux personnages mis en scène par le texte mais aussi à deux instances que la critique évoque moins souvent : l’énonciateur, s’il se manifeste à travers des marques élocutoires fortes (narrateur dans le récit, voix lyrique ou épique en poésie), ainsi que l’auteur lui-même, auquel l’œuvre renvoie métonymiquement en tant que création littéraire. Bien que fantomatique et très à l’arrière-plan des autres instances1, l’auteur s’impose par exemple à nous quand notre admiration se mêle au plaisir que nous prenons à suivre l’intrigue qu’il nous propose. Dans une fiction, précisément parce que notre illusion n’est que partielle, l’écrivain se fait une place dans notre esprit en sollicitant une attention qu’on pourrait qualifier d’artefactuelle : vivant l’histoire narrée tout en appréciant la manière dont elle est conduite, notre conscience se clive volontiers entre une identification primaire aux personnages ou scènes constitutifs de la narration et une identification plus secondaire (réflexive et culturelle) à l’artiste qui a su nous séduire, ainsi qu’aux compétences qu’il déploie ; nous sommes alors face au récit comme face au concertiste quand, au plaisir musical de l’écoute, s’ajoute l’intérêt qu’éveille en nous sa virtuosité. Avec le recul c’est d’ailleurs toujours au bénéfice de l’écrivain que nous rapportons ce que nous avons lu, soit admiration pour son savoir-faire, soit souvenir de son univers : une parole entendue, une situation, un événement seront réputés balzaciens, proustiens ou houellebecquiens si quelque chose en eux nous rappelle nos lectures ; synthétique et globalisatrice, la mémoire nous fait oublier le narrateur au profit de l’auteur et la narration au profit de la création dont celle-ci est issue2.
Cet auteur qui vit en nous durant et après la lecture, pourquoi veut-on à ce point en connaître le visage ? Et, à l’inverse, pourquoi l’absence de portrait nous frustre-t-elle autant, comme le remarquent Federico Ferrari et Jean-Luc Nancy à propos de Sade et de Lautréamont ?3 A leur suite notre hypothèse est que, lorsque nous lisons, un déséquilibre s’instaure entre l’intensité des affects que nous projetons sur l’instance auctoriale qui hante notre lecture et l’immatérialité de sa présence effective. Qu’il joue le rôle d’autorité, par l’ascendant de sa pensée et de son art sur nous, de complice, à travers les situations transgressives qu’il a imaginées, ou de (faux) « frère » dans le cadre d’expériences partagées (« l’Ennui » dans « Au lecteur » de Baudelaire par exemple), l’auteur exerce une influence diffuse sans se fixer pour autant dans une image stable ; ses thèmes de prédilection, sa manière d’exposer les choses et son style, expansions de sa pensée et de sa personnalité, offrent, depuis le centre de l’œuvre, une collection d’indices relatifs à sa personne, mais qui n’atteignent pas à une iconicité précise et dont l’évanescence finit par nous frustrer. La même impulsion qui nous pousse à voir s’incarner les personnages au cinéma, aussi décevante l’expérience soit-elle, nous pousse alors à rechercher le portrait des écrivains que nous aimons, en dépit de la déception que nous encourons à nouveau.
Ce désir de visage peut paraître superficiel et anecdotique mais il est trop consubstantiel à l’expérience de la lecture pour qu’on en écarte l’étude. Comme le souligne Martine Lavaud à propos des manuels scolaires et de leur impact sur le jeune public, « cette intimité et cette irréversibilité de la première empreinte photographique sur la réception des textes renforcent la nécessité d’une phénoménologie et d’une pragmatique du portrait photographique d’écrivain dans le dispositif pédagogique de l’histoire littéraire »4. Certes avec leurs limites et leurs encombrants détails, les représentations externes offertes par le portrait dégradent les images internes, c’est-à-dire mentales, que nous nous forgeons de l’auteur à partir de ses livres (elles nous les rendent étrangères à nous-mêmes) mais loin de nous décourager, une fois la déception passée, nous recherchons encore le visage des écrivains que nous admirons, parce que l’identité historique et sociale de l’auteur auquel nous avons affaire nous fascine à son tour. L’auteur lu et l’auteur vu dans les médias sont ainsi l’objet d’une double visée, l’une tournée vers l’instance abstraite et démiurgique qui se dresse sur la scène psychique de la lecture, l’autre vers la personne sociale de l’auteur, dont le portrait et les apparitions publiques sont aussi une source d’identification et de fascination de la part de son public. Comme dans un stéréoscope déréglé, ces deux images de l’écrivain, l’une mentale, l’autre iconique, ne s’ajustent jamais totalement mais se croisent néanmoins dans notre rapport à la littérature, ce qui explique qu’il faille les étudier ensemble : fugitivement le Victor Hugo historique et social tel que nous le connaissons par ses portraits et par l’histoire littéraire prête son visage à la voix qui nous parle dans Les Misérables ou Les Contemplations, tandis qu’à l’inverse, nous projetons volontiers sur les portraits photographiques pris de lui durant l’exil l’atmosphère spectrale ou sublime de ses œuvres de l’époque (Les Contemplations ou Les Travailleurs de la mer par exemple).
Aujourd’hui une manière d’approfondir la question consiste à l’historiciser, en tentant de comprendre comment, à chaque époque, s’opère la double identification du lecteur à l’auteur imaginaire qu’il tire de l’œuvre lue ainsi qu’à la personnalité sociale et historique qui se présente à lui dans les images. Parmi les paramètres réglant la relation du public à l’écrivain comme être social (la seule que nous envisagerons ici), figure le facteur technique. Nous nous intéresserons ainsi au rôle joué par l’instantané entre 1880 et 1900, et, sur une suggestion de Martine Lavaud, plus précisément aux portraits exécutés par le comte Primoli (1851-1927), que les histoires de la photographie ne mentionnent que ponctuellement, en dépit de la grande richesse de sa production5. Personnalité mondaine de premier plan, sa passion pour la photographie d’une part, sa position sociale exceptionnelle d’autre part, le mirent en situation de photographier tout ce que l’élite parisienne et romaine de la fin du XIXe siècle comptait de célébrités, notamment d’artistes. Dans les nombreux albums mis en ligne par la fondation créée selon sa volonté après sa mort6, défilent ainsi des auteurs (Edmond de Goncourt, Alexandre Dumas fils, Tristan Bernard, Alphonse Daudet, Guy de Maupassant, François Coppée, Jules Claretie, Victorien Sardou, etc.), des acteurs et des actrices (Eleonora Duse, Sarah Bernhardt, Réjane, Marguerite Moreno, Coquelin cadet, etc.), des compositeurs (Charles Gounod, etc.), des peintres (Ernest Meissonier, Edgar Degas, etc.) ou des critiques en vue (Francisque Sarcey, Jules Lemaître, etc.). Pour comprendre en quoi de telles épreuves ont pu modifier l’image de l’artiste à la fin du XIXe siècle, on examinera la forme sous laquelle ces images ont circulé ainsi que les types d’interprétation que l’on peut en faire.
Descendant par sa mère de Lucien Bonaparte, Giuseppe Primoli vit à la fois en Italie et à Paris, où il fréquente assidûment le salon de sa tante, la princesse Mathilde, elle-même nièce de Napoléon et passionnée d’art. Entre autres artistes Musset, Flaubert, les frères Goncourt, Daudet ou Dumas fils contribuèrent à faire de ce salon un des plus brillants du Second Empire et de la Troisième République. Nombre d’artistes que le comte photographie appartiennent à ce que la sociologie appelle le « pôle dominant »7 du champ artistique de la fin du siècle, celui qui évolue près des sphères du pouvoir : ainsi des romanciers du courant psychologique (Paul Bourget, Paul Hervieu ou Abel Hermant), des dramaturges à succès (Victorien Sardou), des critiques en vogue (Jules Lemaître, Jacques Du Tillet) ou encore des écrivains directeurs de revue (Louis Ganderax, Henri Meilhac). En revanche parce qu’ils appartiennent à un autre monde ou ne correspondent pas aux goûts classiques de Primoli et de Mathilde, n’y figurent ni les naturalistes (à l’exception de Maupassant)8, ni les symbolistes (Mallarmé, Verlaine, Maeterlinck, etc.), ni les avant-gardes en général (Antoine ou Lugné-Poe par exemple, pour le théâtre), ce qui explique que les études littéraires aient encore peu exploité ces clichés, à l’exception des plus connus, comme le portrait de groupe des habitués du « Grenier »9 des Goncourt, à Auteuil.
À l’instar de son frère Luigi, lui aussi passionné d’instantanés, ou de Gabrielle Hébert10, épouse du peintre Hébert, autre familier de la famille, Giuseppe représente le type même du photographe amateur fortuné, tel qu’on le trouve à la fin du siècle, où se déploie toute une classe de rentiers enrichis pour qui la photographie devient un loisir de premier ordre. Assez aisé pour se vouer à sa passion sans compter, cet amateur n’est pas encore cet artiste « moyen » issu des classes « moyennes », que décrira Pierre Bourdieu dans Un art moyen (1965) ; élitiste, sa pratique prend sens par rapport aux rituels du milieu privilégié qu’il fréquente. En 1888, l’année où Kodak sort le premier appareil portatif grand public, une revue à succès du Théâtre du Palais royal intitulée Les Joyeusetés de l’année brocarde ce nouveau type social dans un tableau où l’on voit une « baigneuse de Trouville poursuivie par un photographe instantané et mondain »11. Exécuté par l’atelier Nadar, le portrait de l’acteur chargé de jouer l’indiscret confirme l’élégance et la distinction du personnage12.
Fig. 1. Hugonnet [Palais-Royal], Les Joyeusetés de Paris [i.e Les Joyeusetés de l'année], tirage de l’Atelier Nadar, 1888 (Source gallica.bnf.fr / BnF)
Même si, en 1853, le journal La Lumière (1851-1867) évoque déjà le photographe amateur (sous le nom de « photographe artiste »13), il ne se réfère alors qu’à une passion individuelle, partagée par quelques initiés généralement versés dans les Beaux-Arts, non à un phénomène collectif assignable à une catégorie sociale à part entière.
Un obstacle apparemment insoluble se présente cependant à qui veut évaluer l’influence des portraits d’artistes saisis par Giuseppe : contrairement à ceux de Nadar, pris en atelier et publiés en particulier dans Les Contemporains célèbres (périodique paru entre 1887 et 1888) ou aux portraits de Dornac et de Mairet, pris chez l’artiste lui-même et destinés au livre et à la presse, les instantanés du comte ont été rarement édités, du moins en France. A titre d’exception, on peut mentionner les six clichés que La Vie moderne emploie en 1890 dans un article consacré au concours d’art dramatique du Conservatoire14, ainsi que quelques images de la vie italienne parues dans les numéros suivants. Les photos de Giuseppe et de Luigi sont si peu destinées à la publication que, lorsque Le Monde illustré du 25 août 1894 reproduit sans leur accord des instantanés de la vie intérieure au Vatican (attribués à Luigi), s’ensuit un procès en raison du préjudice moral subi, cette publicité inattendue ayant fortement indisposé le pape et son entourage15. S’agissant de Giuseppe, un témoignage de Jules Claretie confirme sa réticence à livrer ses photos aux médias : « Il pourrait publier, s’il n’était pas si galamment discret, un panthéon de nos grands hommes dans l’intimité, avec leur geste habituel »16.
La seconde difficulté concerne l’interprétation de ces images. Parce qu’elles ne revendiquent aucune appartenance à un courant esthétique en particulier (pas d’ambition « pictorialiste » chez Primoli), ne relèvent pas d’un rituel bien défini, contrairement au portrait en atelier ou posé chez soi, et n’appartiennent à aucun genre stabilisé, puisque le sujet pris en mouvement oscille entre présence, scène et portrait, on peut légitimement se sentir démuni pour leur donner un sens. Que dire de Gounod discutant avec Mathilde à Saint-Gratien, résidence de campagne de la Princesse, ou de Dumas fils en conversation avec un jardinier ? Qu’ajouter à l’image de Marguerite Moreno et Coquelin Cadet arpentant une allée ombragée (1890) ? Avec l’instantané une nouvelle dimension de l’existence entre dans l’image, l’anodin, cette forme dégradée du quotidien qui met parfois l’interprétation en échec.
Il suffit pourtant qu’un lien apparaisse entre deux objets pour qu’un sens émerge ; la corrélation établie ajoute au premier les qualités, fonctions ou valeurs dont le dote sa relation au second et offre ainsi une direction à l’esprit de l’interprète. De ce point de vue quatre grilles de lecture nous semblent susceptibles d’enrichir l’interprétation des portraits du comte17. La première est biographique et consiste à établir un lien sémiotique entre le contenu des images et le parcours de vie des personnalités photographiées ainsi que du photographe lui-même18. Par exemple le cliché de François Coppée conversant avec Primoli dans son palais romain (1890)19 conduit nécessairement à s’interroger sur les circonstances qui ont pu conduire le poète en ces lieux : l’image concorde mal avec l’auteur imaginaire qu’on tire de la lecture des Humbles (1872).
La seconde grille de lecture est sociologique et consiste à relier le contenu des images aux codes et rituels de la vie mondaine dont elles émanent : en quoi trahissent-elles ou renforcent-elles le principe de distinction et de sélection à partir duquel ce milieu intègre ou exclut chacun de ses membres ? Comment la différenciation peut-elle s’opérer, alors qu’en s’industrialisant l’instantané démocratise la pratique photographique et traite tout le monde de la même manière ? Parce que l’espace mondain possède ses propres codes, une interprétation spécifiquement « mondaine » de ces images nous paraît ainsi possible.
La troisième grille de lecture est médiatique et consiste à analyser le potentiel informatif de telles images, puisqu’en se professionnalisant (avec l’interview et le reportage), la presse des années 1880 donne à l’information, dégagée de tout effet littéraire, une valeur spécifique20. Dans la mesure où elles ont été rarement publiées, ces images ne peuvent recevoir de valeur médiatique que de l’extérieur, c’est-à-dire du regard des autres, comme lorsque Jules Claretie regrette la trop grande discrétion du comte dans Le Temps, ou quand Le Monde illustré édite les instantanés du Vatican sans l’autorisation des deux frères. Dans ce cas très particulier, c’est l’environnement de l’artiste qui confère leur signification aux images, non son intention personnelle.
Vient enfin l’interprétation esthétique de ces portraits, qui ne vise pas à survaloriser leur réussite technique (Primoli n’a pas la maîtrise de professionnels comme Mairet ou Dornac), mais à comprendre à quelles formes visuelles inédites l’instantané l’a confronté, quelles réponses il a su apporter, en amateur, aux défis que lui lançait la saisie du mouvement et comment les écrivains portraiturés ont bénéficié, consciemment ou objectivement, de son talent.
L’approche biographique des albums du comte excédant les limites d’un simple article, la lecture « mondaine » des images nous offrira une première entrée, à vrai dire peu empruntée par la critique photographique, alors que, de Primoli à Jacques-Henri Lartigue en passant par la photo de mode, toute une tradition associe ce médium à la distinction et à l’élégance. Notre hypothèse est qu’entre la photo de famille, réservée aux proches, et la photo de presse, qui commence à se répandre après 1890 grâce aux progrès de la photogravure, le milieu fréquenté par le comte constitue un espace de diffusion intermédiaire autosuffisant.
Une première raison à cette autosuffisance vient de ce que l’espace mondain est déjà, en lui-même, un espace de communication ; comme l’écrit Guillaume Pinson, il est la « forme par excellence de l’être-ensemble et de la rencontre »21. Outre les endroits propres à son exercice, comme les salons, les palais ou les lieux de villégiature, la mondanité se déploie plus abstraitement dans l’espace topologique que tissent les multiples interrelations qu’un homme comme Primoli n’a cessé d’instaurer toute sa vie entre ses différents correspondants, en particulier italiens et français. Dans ce jeu relationnel incessant, les photos qu’on prend, qu’on montre ou qu’on donne jouent les fonctions pragmatiques de contact, de ciment et même de relai entre les différents acteurs impliqués, puisqu’elles maintiennent le lien au-delà de la rencontre effective22. Le témoignage d’Henri de Régnier traduit bien la consubstantialité qui caractérise la pratique du comte entre rencontre mondaine et activité photographique :
Il était même un peu Européen. Il avait fréquenté toutes les célébrités de tous les pays et les avait même, pour la plupart photographiées, car il n’allait guère sans emporter avec lui son « appareil » dont l’objectif lui avait fourni d’innombrables clichés. L’un d’eux, dont il était fier, montrait le pape Léon XIII en promenade dans les jardins du Vatican23.
Edmond de Goncourt, racontant à deux reprises dans le Journal comment Primoli le « régale »24 en lui projetant ses photos à la lanterne magique, ou telle lettre du jeune Romain Rolland, alors pensionnaire à l’École française de Rome, décrivant le comte « quelques lots de photographies instantanées dans ses poches »25, montrent bien qu’à défaut de circuler dans la presse, ses portraits circulent dans le milieu qu’il fréquente, habituant ses contemporains à se voir ou à voir les autres au quotidien et en mouvement. Parmi les lieux où les images de Giuseppe et Luigi s’exposent se trouvent aussi certaines vitrines de magasins italiens26 ainsi que la section « Les amateurs » de l’Exposition internationale photographique de Milan, en 1894. Les épreuves des deux frères y font forte impression :
Monsieur le comte Joseph a des épreuves intéressantes, pour ainsi dire littéraires, car ses portraits nous rapportent des portraits frappants de toutes les illustrations parisiennes, telles que Dumas, Claretie, Canrobert, Sarcey, Meissonier, Coppée, Guy de Maupassant, de Goncourt, Edison, etc27.
Ainsi le « panthéon » d’instantanés dont rêve Claretie existe bel et bien, mais à défaut de prendre la forme éditoriale d’un album de célébrités ou d’une page dans la presse, c’est encore dans un espace mondain qu’on le voit se déployer, celui d’une exposition où figurent d’autres images d’amateurs, dont les auteurs sont aussi des aristocrates pour la plupart. Grâce à Joseph le cercle de la Princesse Mathilde se reconstitue en image à Milan.
On pourrait d’abord s’étonner du succès rencontré par de tels clichés. La mutation technique entraînée par la rapidité des émulsions comprend de nombreux facteurs de déclassement, aussi bien pour l’opérateur que pour les sujets qu’il photographie. Romain Rolland ne cache pas l’agacement que lui inspirent les intempestives interventions photographiques de Primoli au sein du rituel mondain :
Primoli s’est impertinemment posté en face du cardinal, lui barrant le chemin de la sacristie, avec son ridicule appareil de photographie. Et au buffet il a 2 ou 3 fois photographié les petits gâteaux et les gens qui bâfraient. Non, on ne sait pas jusqu’à quel point peut être portée cette manie, agaçante et même insolente pour les autres28.
Une forme de rabaissement social menace le photographe, parce qu’à rebours de la politesse mondaine, qui vise à fluidifier les rapports sociaux, il prend le risque de les dégrader en s’interposant entre les personnes ou en entravant leur action. Même si l’impertinence est autorisée à celui qui possède la légitimité sociale (volontiers « enfant terrible »29, Primoli cultive les écarts), elle trouve sa limite avec les hommes d’Église : bien qu’anecdotique, l’allusion au cardinal, entravé ici dans sa marche, fait écho au lien profond que l’innovation technique entretient avec le sacrilège. Rapportée par L’Écho de Paris, une mésaventure de Luigi montre que le même scandale pouvait intervenir en milieu princier : surpris en train de photographier le Prince de Galles, héritier du trône, « comme un vulgaire lapin »30, l’indélicat se voit immédiatement chassé de la tribune aux courses de Goodwood, où il était parvenu à se faire inviter. Trop démocratique pour un tel milieu, l’instantané n’y a pas droit de cité, du moins sans l’autorisation des intéressés.
La même menace concerne le sujet photographié, pour des raisons qui tiennent aux propriétés mêmes du médium : en indexant l’image sur la durée pour la fixer, la photo instantanée fait déchoir la célébrité du milieu atemporel dans lequel la tenait jusque-là la pose immobile en studio. A l’abri des trivialités de la vie quotidienne, le sujet figé sur les fonds neutres de Nadar ou de Carjat est comme ces stars photographiées par Harcourt qu’évoque Roland Barthes dans Mythologies : l’image le sacralise parce qu’il n’y fait rien ; généralement pris en buste, il ne repose sur aucun sol et n’existe que pour lui-même31. Si, habitué aux portraits peints, le public de 1850 a pu trouver prosaïques les premières productions au collodion, rétroactivement l’instantané révèle au spectateur les liens conscients ou inavoués que ces photos entretenaient encore avec la peinture ainsi que la part intrinsèque d’idéalisme qui y subsistait32. A l’inverse une fois prise en mouvement et au quotidien, la célébrité photographiée subit une sorte de chute originelle : comme Adam et Ève chassés du paradis terrestre, elle se voit immergée dans une temporalité ordinaire, où elle vit une existence commune.
Fig. 2. Triel-sur-Seine. Colette Dumas, Geneviève Bizet et Guy de Maupassant en bateau sur la Seine (© Fondation Primoli)33
Par rapport au célèbre buste de Maupassant pris en atelier par Nadar (1890), toute une série de réductions semblent ainsi affecter l’écrivain photographié en barque : pris depuis la rive, il n’occupe plus qu’une petite partie de l’image, là où, régie par une distance codifiée et contrainte, la pose statique en atelier le plaçait au premier plan. Soumis par son activité à une durée qui le domine et le dépasse, il subit aussi une forme de réduction temporelle, puisque son image ne tire plus sa signification que de l’instant précis où elle a été prise. Enfin saisi en train de ramer, Maupassant voit son identité sociale réduite aux circonstances du moment, de sorte que sa fonction d’écrivain recule dans un arrière-plan invisible, recouverte par l’écran d’une activité ordinaire. De ce triple ancrage spatial, temporel et circonstanciel résulte un effet d’éloignement entre le sujet photographié et le spectateur d’aujourd’hui, que ne compense qu’en partie l’identification que favorise par ailleurs la transformation du « Grand Écrivain » en individu semblable à nous.
L’image instantanée s’indexe d’autant mieux sur la durée que, de 1880 à 1888, les innovations qui en instituent l’usage visent toutes à réduire l’écart entre la vitesse de la prise de vue et celle du sujet en mouvement. De nature chimique, la découverte du gélatino-bromure d’argent permet ainsi au photographe de prendre gestes et scènes au vol, selon l’expression classique, ou encore : sur le vif. Peu usitée avant 1840, l’expression sur le vif se développe avec le réalisme naissant, pour souligner qu’une distance a été réduite entre l’œuvre et la réalité : dans L’Avant -propos à la Comédie humaine (1842), Balzac se vante ainsi d’avoir « moul[é], pour ainsi dire, sur le vif »34 la société de son temps. Associé à l’idée de saisie, sur le vif souligne plus spécifiquement le caractère mobile de l’objet à représenter, contrairement à « prendre au vol », qui valorise symétriquement la vélocité et l’habileté de l’artiste, par exemple du dessinateur capable de réaliser rapidement ses esquisses. Significativement un journal comme La Lumière (1851-1867) n’utilise que quatre fois saisir ou prendre sur le vif, en ne l’appliquant, qui plus est, qu’à des textes littéraires. Les chroniqueurs y préfèrent des expressions comme « attraper la ressemblance au vol », qui soulignent les performances techniques de la chambre noire, et, selon un principe de remédiation bien connu, gardent un lien avec le portrait dessiné. A partir de 1880, où, comme le remarque André Gunthert, on discute moins de la fabrication de l’image, puisqu’elle s’est simplifiée, que du motif lui-même35, sur le vif prend le relai, en particulier dans la presse.
De nature ergonomique, la « Révolution Kodak »36 (1888), comme l’appelle François Brunet, ajuste aussi la rapidité de la prise de vue sur celle des objets, puisque la légèreté inédite d’appareils devenus portatifs permet à l’opérateur de les suivre dans leur déplacement. Ce sport d’un nouveau genre, que le Petit journal appelle « la poursuite de l’instantané »37, est facilité par deux autres inventions dues aussi à Kodak et de nature mécanique cette fois : l’obturateur, qui autorise la prise de vue à des vitesses supérieures aux capacités humaines de manipulation38, ainsi que le film, commercialisé dans les années qui suivent et avec lequel il devient possible d’enchaîner les clichés et de fixer les différentes étapes d’un processus quel qu’il soit. Affectant à la fois le contenu de la mimésis, l’artiste qui la produit et le support de l’image – en l’occurrence le film qu’on fait défiler – l’instantanéité opère un recadrage complet de la pratique photographique autour du mouvement : un opérateur en mouvement photographie un sujet en mouvement avec un mécanisme en mouvement. Dans ce nouveau cadre de référence, qui place le dynamisme des choses et des êtres au premier plan de l’image, la pose statique n'est plus constitutive du portrait mais une modalité parmi d’autres de sa mise en scène.
Dans le témoignage de Romain Rolland, d’autres facteurs de dégradation menacent le sujet photographié :
Gigi a photographié le pape dans son jardin, tout cassé, appuyé sur sa canne ; il a photographié Madame Carnot, descendant de voiture, vue de dos ; il a photographié hier encore au Capitole l’impératrice d’Allemagne. Loulou est encore plus enragé ; en société, dans un salon, on entend tout à coup : « Clic ! Clac ! » ; ça y est, vous êtes photographié. Ils emportent des appareils microscopiques dans leur chapeau, dans les boutonnières de leur habit. Il n’y a rien à faire ; tout le monde est instantanéisé à tour de rôle39.
Outre sa chute dans le temps, tel Adam et Ève le sujet découvre la mortalité (ici le pape est « tout cassé, appuyé sur sa canne »), les contraintes du corps (on pense aussi au célèbre cliché de Degas sortant des vespasiennes), la nécessité du travail (Madame Carnot en représentation40, ailleurs Réjane entrant Au Conservatoire), voire la sexualité (ainsi dans le motif de la baigneuse prise par surprise). De manière plus élémentaire encore, une fois prises en mouvement, ces personnalités prestigieuses se soumettent aux automatismes du quotidien : elles marchent, s’assoient, mangent, saluent, conversent, comme tout le monde. C’est Madame Carnot descendant de voiture ou, dans d’autres albums, Dumas fils pris de dos montant un escalier. Surtout la mobilité et la discrétion des appareils, que Romain Rolland décrit « microscopiques » (c’est la mode des appareils « détectives »41), font perdre au sujet photographié le contrôle de son image : Madame Carnot « vue de dos » n’a pas nécessairement conscience d’être « instantanéisée » et même quand le sujet sait que le photographe opère, comme Gounod conversant avec la Princesse Mathilde42 (1893), rien ne prouve qu’il ait consenti à la prise de vue. L’appareil portatif et l’instantanéité dissocient l’espace-temps de l’opérateur de celui de sa cible43, là où la photo posée les relie par une trame commune. Alors qu’en atelier la pose résulte, plus ou moins nécessairement, d’un compromis entre le client et le photographe, l’artiste photographié au vol est dépossédé de lui-même, et, à l’instar de Rimbaud, se découvre « autre » dans les images qu’on lui tend. Ainsi tandis qu’en se soumettant à l’immobilité, le client des années 1850 risquait de perdre la ressemblance (« ressemblance garantie » annonçait la porte des ateliers), c’est sa prestance, c’est-à-dire le contrôle de sa personne tout entière, que risquait de perdre l’homme « instantanéisé » des années quatre-vingt.
La forme passive « instantanéisée », utilisée par Romain Rolland comme par la presse, ajoute à la performance technique une connotation morale, puisqu’elle met l’accent sur l’impuissance de la cible : « il n’y a rien à faire ». Converti en un état subi, l’instant de la prise de vue se transforme rétroactivement en véritable dispositif de capture : « tout le monde est instantanéisé à tour de rôle ». Alors que la photo au collodion automatise la production matérielle de l’image mais valorise la relation de l’opérateur à son client (par exemple « ce tact rapide qui vous met en communion avec le modèle »44, comme l’écrit Nadar en 1857), en augmentant la cadence des prises de vue, l’instantané automatise l’acte photographique lui-même, ruinant ainsi l’interaction avec l’autre. Le néologisme instantanéisé suggère plus précisément une idée de paralysie, que renforce sa proximité avec d’autres participes comportant le même sème, comme les classiques foudroyés et statufiés – aux résonances bibliques : on pense à la femme de Loth, changée en statue de sel – ou les participes plus modernes tétanisé, employé en psychiatrie pour décrire la contracture des muscles chez l’hystérique45, électrocuté, créé en 1889 sur le modèle anglais to electrocute et que la presse popularise en relatant la première exécution à la chaise électrique (1892) aux Etats-Unis, ou encore dynamité, lui aussi tragiquement d’actualité avec les attentats anarchistes des mêmes années (1892-1894) : « […] on ne sait si la société française ne sera pas mise à cul, et si un gros morceau de Paris ne sera pas dynamité […] »46, écrit Edmond de Goncourt dans le Journal. Ainsi que la cause en soit la poudre, la foudre, l’électricité, une crise nerveuse ou l’appareil photographique, tout un paradigme de la saisie du sujet par l’instant se déploie en cette fin de siècle, au croisement du mythe et de la modernité. Quant à l’onomatopée « Clic ! Clac ! », employée par Romain Rolland et ses contemporains pour traduire le bruit du Kodak, telle une image dialectique, elle aussi condense l’ancien et le moderne47, puisque les romanciers l’emploient traditionnellement pour faire entendre le coup de fouet du cocher faisant partir sa voiture. D’un côté l’âge de la lenteur, où les déclenchements sont encore contrôlés par la main humaine, de l’autre l’âge de la vitesse, où, se succédant mécaniquement, ils semblent échapper à toute volonté.
Chassé du paradis perdu et saisi à son insu, le sujet « instantanéisé » fait ainsi l’expérience d’une série de décentrements qui s’ajoutent aux réductions qu’on évoquait à propos de Maupassant en barque. A l’énergie centripète du portrait en atelier, qui se focalise sur le modèle, succède la puissance centrifuge d’une image qui déporte son centre de gravité vers des instances extérieures au sujet lui-même. N’étant plus nécessairement l’unique objet du cliché, comme les autres l’artiste partage son existence visuelle avec son environnement. Dans l’image de Coquelin cadet et Marguerite Moreno marchant dans une allée, le spectateur pourra s’intéresser tantôt à l’un, tantôt à l’autre, tantôt au couple qu’ils forment dans la photo, tantôt au personnage situé un peu à l’arrière-plan, le célèbre Docteur Blanche en l’occurrence.
Fig. 3. Coquelin cadet et Marguerite Moreno (©Fondation Primoli)
Contrairement au portrait posé, qui fait de l’individu le foyer du sens, simultanéiste par nature l’instantané ne se focalise que facultativement sur le sujet principal. En termes narratologiques, ce dernier n’est plus qu’un actant parmi tous ceux qui composent la scène à laquelle il participe. Outre la centralité, le modèle perd aussi la frontalité qui domine dans le portrait en atelier, puisqu’avec l’instantané l’opérateur le saisit sous de multiples angles (impossible de se sculpter une image idéale de soi-même, sauf si le photographe joue le jeu). Enfin en multipliant les clichés, l’instantané fait perdre à chacun son unicité et par conséquent l’habitude qu’avait jusqu’ici le public de cerner la célébrité portraiturée à travers une seule image. Comme le remarque Jules Claretie à propos des épreuves du comte : « aujourd’hui tout homme un peu célèbre a des centaines de portraits officiels et des milliers d’instantanés qu’on lui a pris à son passage »48. Où est la vérité du sujet à travers toutes ces épreuves ? Fragment d’une réalité en devenir, chacune des images semble devoir être complétée par la suivante, de sorte que le portrait d’une personnalité perd ses frontières traditionnelles pour s’élargir, potentiellement, à l’ensemble des clichés qui ont été pris d’elle au cours de son existence. C’est pourquoi, à l’imitation de l’album, un journal comme l’Excelsior élargira volontiers le portrait de l’homme du jour à une mosaïque d’épreuves disposées sur la même page, comme en 1923 pour le centenaire de la naissance de Renan49.
Une fois détrôné par l’instantané, que gagne l’artiste à être pris au quotidien ? On peut faire l’hypothèse qu’il bénéficie de la fonction intégratrice du médium photographique, telle que l’a mise en lumière Pierre Bourdieu dans Un art moyen à propos de l’album de famille. Dans la plupart de ses usages privés, compte moins la qualité des clichés que leur aptitude à renforcer l’unité du cercle familial, en particulier quand arrive un nouvel enfant50. Pourquoi n’en irait-il pas de même du cercle mondain ? Et ceci aussi bien pour le sujet photographié que pour le photographe, car dans certains cas c’est Primoli lui-même qui se sent flatté d’être au contact de tel ou tel artiste51. Même pris en train de « bâfrer » des petits gâteaux, comme le raconte Romain Rolland, l’invité « instantanéisé » et parfois le photographe tirent avantage d’une image capable de prouver qu’ils étaient là, intégrés à une communauté choisie, apte à reconnaître leur talent.
Une telle intégration est d’autant plus spectaculaire, qu’en raison de ses performances techniques l’instantané surprend la personnalité visée au cœur même du rituel auquel elle participe. Dans le numéro où sont publiés les clichés de Primoli, La Vie moderne est enthousiasmé par le fait qu’en dépit d’un éclairage faible, Francisque Sarcey (en barbe blanche, au premier plan) ait été « pris dans l’intérieur même de la salle du Conservatoire »52. Très réussie en effet, l’épreuve de Primoli saisit avec netteté le critique le plus redouté de Paris au milieu des autres spectateurs.
Fig. 4. « Les concours du Conservatoire », La Vie moderne, n° 32, 10 août 1890 (source : gallica.bnf.fr /BnF)
Outre sa capacité à opérer en basse lumière, l’instantané capte l’artiste au cœur des interactions sociales parce qu’en plus d’arrêter les mouvements au vol, il les enregistre dans leur simultanéité. Dans Un bureau de coton à La Nouvelle-Orléans (1873) Degas représente avec virtuosité les gestes convergents, divergents ou parallèles qui animent à chaque instant un même lieu.
Fig. 5. Edgar Degas, Un bureau de coton à La Nouvelle-Orléans, 1873, huile sur toile, 73 x 92 cm (source : ville de Pau)
Alors que traditionnellement le temps inscrit son empreinte dans l’espace du tableau, ici le processus s’inverse, puisque c’est l’instant qui sert de cadre à l’image et commande le choix des gestes et attitudes dans lesquels les personnages sont représentés. Souvent perçu comme un facteur de décomposition de la durée, puisqu’il en suspend le cours, l’instant révèle ici sa puissance de synthèse : lui seul est apte à saisir ces interactions qu’on appelle des scènes, configurations visuelles qui, parce qu’elles impliquent gestes et concomitance des gestes, étaient jusque-là interdites à la photographie, sauf mimées à l’arrêt, comme dans les photos de théâtre ou les saynètes pour stéréoscope. Dans une photographie de Primoli prise à l’Exposition Universelle de Paris (1889)53, Louis et Henri Meilhac, accompagnés de Louis Ganderax, exploitent bien les performances scéniques de l’instantané, dans la mesure où, au lieu de poser simplement, ils miment l’acte de poser.
Fig. 6. Paris. Louis Ganderax (au centre) et Henri Meilhac (à droite) à l'intérieur du village javanais de l'Exposition universelle, 1889 (© Fondation Primoli)
L’un rajuste son manteau, l’autre touche son haut de forme en guise de salut, le troisième se campe sur ses jambes un poing sur la hanche, autant d’actions que les participants auraient spontanément évitées du temps du collodion, en raison de la lenteur des émulsions et du risque de flou. Posant pour lui-même mais aussi avec les autres, chacun sait qu’il est en train de faire du portrait une scène, et semble prendre plaisir à renvoyer au photographe une image de son opération. Ainsi à l’éthos solitaire du modèle pris en atelier succède ici une valeur plus sociale : la complicité entre les différents protagonistes impliqués dans la prise de vue.
Paradoxalement le prosaïsme de telles images offre à l’artiste mondain un facteur de distinction supplémentaire, dans la mesure où la banalité des circonstances montre qu’il a été invité dans les temps faibles de la high life. Bon guide en la matière, Jules Claretie explique ainsi que les vrais amis ne viennent jamais le jour de réception de la maîtresse de maison : « Pourquoi viendraient-ils ? Ils seraient confondus dans le stock banal des relations forcées. S’ils viennent, c’est le jour qui n’est pas le " jour " […] »54. Alexandre Dumas fils en pause sur une terrasse55, Jacques du Tillet et Jules Lemaître sur un trottoir, Paul Hervieu devant un réverbère se présentent devant l’objectif du comte en dehors de toute occasion officielle, du moins apparente. Intégratrice par nature, la photo se fait alors sélective à son tour, puisqu’à côté des relations obligatoires, elle crée le cercle rapproché des relations désirées. Ce faisant elle enrichit la vie mondaine d’une qualité aussi précieuse que rare : l’intimité. Dans son article de 1903 pour Le Figaro, justement consacré au salon de la Princesse Mathilde, c’est ce sentiment que retient Proust, quand il évoque les échanges de la maîtresse de maison avec les écrivains de la génération précédente : « Mérimée, Flaubert, Goncourt, Sainte-Beuve sont venus là chaque jour dans une intimité vraie »56, s’enthousiasme-t-il. En régime mondain, l’intimité est ce moment d’exception où, l’affectivité s’ajoutant à la connivence, le code social se dépasse lui-même pour accéder à l’infini de la nature et de la vérité. Par une sorte de tourniquet axiologique qui rappelle ce que Barthes écrit de « l’écrivain en vacances »57 dans Mythologies, le prosaïsme des situations enregistrées ouvre ainsi à une forme de sublime, puisque l’artiste capté au quotidien surmonte le sacrifice qu’il fait potentiellement de sa dignité par l’accès à une distinction plus haute.
Si, aux yeux de Primoli, les cercles mondains représentent un espace autosuffisant de production et de diffusion de ses instantanés, la convoitise que ses images suscitent déborde largement le grand monde et en étend la valeur à des usages médiatiques dont les critères d’évaluation sont différents de ceux que l’on a rencontrés précédemment. Les hyperboles éditoriales à l’aide desquelles ses clichés sont mentionnés dans la presse traduisent bien leur attractivité : à côté du « panthéon » d’instantanés dont rêve Claretie, on trouve aussi l’image de la grande peinture, comme dans ce numéro de L’Illustration qui, sans publier d’image, évoque la présence du comte au Conservatoire avec le même enthousiasme que La Vie moderne. Regrettant que son âge ne lui ait pas permis de saisir la jeune Sarah Bernhardt « s’apprêtant à concourir », puis « furieuse de son accessit », puis « embrassant sa petite sœur qui la console », le journaliste conclut que « toutes ces épreuves intimes seraient aujourd’hui comme des tableaux d’histoire »58.
Certes monumentaliser et historiciser la vie « intime » de l’artiste a quelque chose de disproportionné, voire d’oxymorique, mais le geste montre la valeur exceptionnelle que celle-ci prend aux yeux des médias. Contemporain de la psychologie naissante, l’instantané donne accès à la vie réactionnelle du sujet, là où, refoulant toute émotion, la pose statique en atelier ne livre son intimité qu’à travers une expression composée. Les italiques sur les « épreuves » subies par la jeune Sarah, déçue de son accessit, soulignent cette dimension réactive du portrait pris sur le vif ; la syllepse rend les « épreuves » photographiques consubstantielles aux émotions du modèle. Comme toujours quand une nouvelle liaison symbolique se crée entre une réalité inédite et le monde des médias, les anciennes formes sont convoquées pour en traduire et en valoriser l’existence, après quoi une recomposition a lieu, qui associe la nouvelle réalité au moyen de représentation et de communication le mieux adapté. Après avoir hybridé l’instantané au panthéon et au tableau d’histoire, les contemporains assigneront finalement à la grande presse illustrée la tâche de restituer la vie intime de la célébrité du moment.
Pour approfondir la comparaison entre les rites mondains et les rites médiatiques de reconnaissance de l’artiste, la notion de dispositif peut être utile, dans la mesure où les trois dimensions technique, pragmatique et symbolique qui entrent dans sa définition s’appliquent aux deux pratiques59 ; à l’instar des médias, les rites sociaux demandent des supports et des accessoires, capables de réguler des interactions humaines, tout en véhiculant des valeurs.
D’un point de vue symbolique, en régime mondain la valeur accordée à la personnalité portraiturée relève encore de cette éthique de la gloire venue de l’Ancien Régime, qu’elle repose sur le nom, le titre ou le talent personnel du modèle. D’un point de vue pragmatique ensuite, les portraits des personnalités honorées s’adressent aux membres du cercle et non au grand public, comme l’illustre cette scène de salon rapportée par Proust dans son article sur la Princesse Mathilde :
Le petit salon est déjà si plein de monde que les plus anciens habitués montrent le chemin du hall où les moins intimes vont admirer avec une certaine timidité, comme les écoliers sous l’œil du maître, les trésors d’art qui y sont rassemblés. On s’arrête devant le portrait du prince impérial par Madeleine Lemaire, le portrait de la princesse par Doucet, le portrait de la princesse par Hébert, où elle a de si beaux yeux, de si douces perles60.
En transformant en cours magistral le commentaire des portraits accrochés dans le hall, « les plus anciens habitués » font de la visite une expérience sérieuse et privilégiée, dans un climat de déférence aux antipodes des impertinences de la presse mondaine. L’exemple montre enfin que, d’un point de vue technique, les cercles fréquentés par l’artiste honorent les personnalités en vue à l’aide de médias traditionnels, comme la peinture ou la sculpture. Pas question de photographies ici, même si, en réalité, elles interviennent fréquemment dans ce type de soirée, que ce soit sous la forme d’albums, posés sur des guéridons61, ou sorties des poches du photographe amateur, comme le note Romain Rolland. Moins prestigieux que le portrait peint, l’instantané se distingue alors par sa dimension narrative intrinsèque : parce qu’il montre des scènes quotidiennes et résulte de rencontres, il se prête immédiatement à l’anecdote. La mésaventure de Luigi, chassé de l’entourage du Prince de Galles pour l’avoir photographié en douce, est racontée par le chroniqueur de L’Écho de Paris à propos d’une visite faite par lui à Edmond de Goncourt, au cours de laquelle ce dernier lui montre le fameux portrait des habitués du Grenier, pris par Giuseppe sur le perron de la maison d’Auteuil62. Le récit d’une prise de vue en entraîne spontanément un autre, dans le cas présent parce que Joseph et Louis sont frères, mais aussi plus généralement parce que toute prise de vue recèle potentiellement une histoire. Prolongement naturel de l’image qui la suscite, l’anecdote mondaine en est enfin l’équivalent verbal par sa brièveté, son actualité et sa dimension scénique : « Passé la soirée d’hier avec le Comte Primoli qui excelle dans les instantanés de la photographie comme dans ceux de la conversation »63, note par exemple un journaliste du Gaulois, dans une de ses chroniques mondaines. Entre le discours anecdotique et l’image le parallèle est établi par les contemporains eux-mêmes.
Pour sa part la presse des années 1880 constitue un tout autre dispositif de promotion des artistes. En régime médiatique l’éthique de la gloire s’hybride au processus de la célébrité, qui appartient à une autre époque de l’Histoire, beaucoup plus récente. Montrant bien le passage de l’une à l’autre64, Antoine Lilti situe le basculement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, au moment où naît l’esprit démocratique. Avec la célébrité la distinction des individus n’est plus qualitative mais quantitative : leur supériorité se mesure prioritairement au nombre d’admirateurs qui en suivent les faits et gestes, ce qui explique l’importance que prend l’industrialisation des médias dans le processus. D’un point de vue pragmatique, le public de la personnalité célébrée n’est plus un cercle d’invités et d’initiés mais tout citoyen susceptible de s’informer et de donner son opinion : « D’une importance particulière pour l’histoire de la célébrité est l’apparition conjointe de l’opinion publique, comme réalité et comme principe, et d’un nouvel idéal du moi, fondé sur la revendication d’authenticité individuelle »65 note l’historien. De cette « authenticité » nouvelle accordée à l’individu résultent enfin des techniques particulières de représentation et de communication, libérées de tout impératif esthétique dans la mesure où elles n’ont d’autre fonction que d’informer sur le quotidien des personnalités concernées. Entre autres techniques se développent l’interview et le reportage du côté de l’écrit et l’instantané du côté des images66.
Le divorce que la célébrité entraîne entre l’artiste comme individu, désormais au premier plan, et l’artiste comme auteur, dont l’œuvre n’a pas nécessairement été lue, modifie la relation que le public entretient avec son portrait. Dans les portraits statiques en atelier, l’écrivain est encore associé à ses livres, parce qu’une analogie s’établit entre la clôture posturale que lui impose sa fixité et la clôture éditoriale qui isole ses productions du reste du monde. Les deux autonomies autorisent une assimilation de l’individu à son œuvre. En revanche, parce qu’il est pris dans le quotidien, l’artiste « instantanéisé » n’appartient plus à la même trame d’espace-temps que ses productions artistiques. D’un seul coup ses gestes, ses fréquentations, les objets qui l’entourent se voient dotés d’une valeur incommensurable, étrangère à son œuvre, un peu comme dans ces visioconférences où le moindre objet aperçu chez notre interlocuteur nous donne le sentiment d’accéder à une vérité plus profonde sur ce qu’il est vraiment. Le voyeurisme moral qu’éveillent en nous les visages en gros plan pris en atelier cède alors la place à un voyeurisme plus sociétal, qui cherche dans les objets de nouveaux relais vers l’intime. Certes la conversation entre François Coppée et Primoli dans le palais du comte à Rome aiguise notre curiosité, mais nous intéressent aussi les fauteuils, le guéridon, le foisonnement des plantes, les papiers à terre (apparemment des journaux), autant de signes du mode de vie mi-luxueux mi-bohème mené par Giuseppe et qui intriguait déjà ses contemporains.
Fig. 7. Rome. De gauche à droite : Alexis Axilette, François Coppée et Giuseppe Primoli au Palais Primoli, 1890 (© Fondation Primoli)
Ainsi tandis que le portrait posé en atelier et en gros plan favorise une lecture physiognomonique de l’artiste, puisqu’on y cherche les marques de son caractère et de son génie, le portrait instantané développe une lecture « psychopathologique » de la vie quotidienne, dans laquelle chaque objet devient le symptôme d’une faiblesse, d’une force ou d’un mystère à déchiffrer chez celui qui le détient.
En régime mondain, on l’a vu, le prosaïsme des circonstances est un signe de distinction, puisqu’il atteste de l’intimité de l’artiste avec son hôte ; en régime médiatique il est la promesse d’une information. Les lieux touristiques ou de loisirs qui figurent dans nombre des images du comte nous renseignent ainsi sur les nouveaux champs d’exercice de la mondanité, dont historiens et critiques ont bien montré l’élargissement à partir du Second Empire : « tout un imaginaire de la mode, du sport, de la villégiature, du vedettariat littéraire et théâtral […] contribue à ouvrir la référence mondaine et à la fondre dans ce que le sociologue Thorstein Veblen nommait naguère la "classe de loisir" »67, explique Guillaume Pinson dans Fiction du monde. Venise où Primoli photographie Eleonora Duse, le Conservatoire où il saisit les actrices en herbe, les expositions, hippodromes ou lieux de villégiature qui défilent dans ses albums, à l’instar de Saint-Gratien (pour la Princesse Mathilde), Champrosay (pour Alphonse Daudet), ou Marly (pour Victorien Sardou), témoignent de cette évolution. Par sa précision l’instantané se voit ainsi enrichi d’une valeur nouvelle que nous n’avons pas encore mentionnée : la véracité, cette modalité tout à la fois empirique et morale de la vérité, dont l’information est désormais le véhicule en raison de son objectivité d’une part, de la déontologie qui doit présider à son extraction d’autre part.
On comprend mieux dès lors la séduction qu’exerce sur Jules Claretie « Alexandre Dumas […] arrêté devant le fameux sphinx de M. Sardou, à Marly, et songeant devant ce sphinx à la Route de Thèbes »68.
Fig. 8. Alexandre Dumas fils (© Fondation Primoli)
Non seulement l’image atteste de l’intimité mondaine entre deux personnalités reconnues du monde littéraire, mais journalistiquement parlant, elle informe le public sur cette fameuse propriété de Marly qui défraie la chronique en raison de la qualité de ses invités ainsi que de la double rangée de sphinx qui en ornent l’allée. Ironiquement ou pas, Dumas fils méditant devant le Sphinx resacralise aussi la fonction de l’écrivain et témoigne d’un art de la pose improvisée qui est à l’origine d’une nouvelle esthétique sur laquelle on reviendra.
L’attraction exercée par l’information brute dérive aussi de la structure oppositionnelle dans laquelle elle est encore prise autour de 1890 (la différence fait la valeur) et que l’habitude se chargera ensuite de faire oublier. Les polémiques de l’époque montrent que, du côté de l’écrit, l’information tient son originalité de son opposition à l’idée : « il paraît constaté, que le journalisme d’autrefois, ou du moins celui qu’on appelait le journalisme à idées, a fait place au journalisme nouveau […] et qui est le journalisme à information »69 constate Jules Claretie en 1897. Comme l’a montré Alain Vaillant, depuis 1836, date à laquelle La Presse d’Émile de Girardin et Le Siècle d’Armand Dutacq industrialisent le quotidien, l’analyse et l’argumentation, dominantes dans la grande presse politique, cèdent la place à une relation plus « représentative »70 entre le journal et la vie sociale, contemporaine de la naissance du réalisme dans le roman et qui culminera avec l’assomption du fait divers dans la grande presse de la fin du siècle.
Du côté des images maintenant, quel est l’équivalent de la défunte idée ? Sur les ruines de quel système symbolique déchu l’information visuelle impose-t-elle sa valeur intrinsèque ? Il ne peut s’agir que de cette fameuse pose statique, si longtemps recherchée et dont l’artificialité se voit désormais critiquée. Déjà en 1871 Ernest Legouvé faisait le procès de la pose, en expliquant que chacun y masque sa véritable nature : « Plus d’un, j’en suis sûr, en s’asseyant sur la chaise photographique, a pris sa pose préférée, sa physionomie de prédilection, celle qui exprime non pas ce qu’il est, mais ce qu’il croit être »71. Nous sommes loin de la « ressemblance intime »72 qu’en 1857 Nadar entendait transmettre au spectateur en portraiturant ses amis. Or sous la pression de l’instantané le procès contre la pose statique s’intensifie dans les années 1880-1890, comme le montre le commentaire enthousiaste du Monde illustré à propos des photos du Vatican par Luigi :
Au-dedans, branle-bas général, tout le monde est sur le pont. Suisses, gendarmes, palatins, gardes nobles évoluent dans les cours, les salles, les galeries. Ici, les camériers ; plus loin, les chevaliers de Malte, qui ressemblent à des amiraux, et leur bailli à un mousquetaire ; ailleurs des chanoines, des cardinaux, puis la livrée, tout ce qui doit paraître, enfin, avoir une attitude et jouer un rôle. Cet envers de rideau, dans son extraordinaire variété, un photographe amateur, Monsieur Luigi Primoli, nous le donne en une suite d’instantanées fort piquants. Nous publions quelques-unes de ces scènes, qui sont autant de traits de la vie intérieure du Vatican que la plume ne saurait rendre. Il y a là tout le naturel, tout l’abandon, et aussi toute la gaieté des coulisses, avant que le « metteur » ait ordonné les groupes, fixé les gestes, discipliné les poses73.
Alors que l’idée et la pose ramènent la réalité à l’unité d’une forme pour l’une, d’un concept pour l’autre, l’instantané est du côté de la « variété », de « l’abandon », de la « gaieté des coulisses », ou encore du « piquant », terme habituellement réservé à la conversation mais qui, en contexte scénique, désigne la forme esthétique, parce que visuellement réfléchie, de l’instant. À l’instar de l’argumentation, qui impose autoritairement à la réalité l’unicité d’un sens, la pose fait désormais figure de dressage disciplinaire : l’instantané intervient « avant que le "metteur" ait ordonné les groupes, fixé les gestes, discipliné les poses ». L’opposition entre la coulisse et la scène exploitée dans le passage figure puissamment le nouvel espace conquis par l’information, tandis que l’image du rideau, dont l’instantané montrerait l’envers (« cet envers de rideau »), rejoint le motif archétypal du dévoilement, traditionnellement associé à la révélation de la vérité. Qu’on abolisse « l’idée » ou qu’on photographie en marge des « poses » instituées par l’ordre social et relayées par les photographies officielles, c’est toujours un écran qui tombe et une réalité neuve qui se manifeste.
Prise entre un régime mondain pourvoyeur de distinction et un régime médiatique générateur d’informations, la production photographique de Primoli présente ainsi une intéressante hybridité, bien à l’image de celle que connaît la mondanité de la fin du XIXe siècle : « D’une mondanité de la connivence et du capital social », écrit Guillaume Pinson, « le XIXe siècle a été le cadre d’un passage vers une mondanité de la célébrité, plus moderne et résolument médiatique »74. La pratique des frères Primoli est d’autant plus hybride que si leurs images, vouées à la mondanité, circulent peu dans les médias, leur pratique y est en revanche souvent évoquée, au même titre que leurs autres activités75. La médiatisation de leur passion entraîne indirectement celle des photographies qu’ils prennent, si bien qu’à côté du corpus des images vues, peut aussi être répertorié celui des images sues, à leur tour influentes sur les esprits du temps, même si elles n’ont d’existence que mentale. Ainsi de ce cliché de Luigi, montrant l’impératrice Eugénie visitant incognito le jardin des Tuileries, où se trouvait son ancien palais, détruit sous la Commune. Lors du procès contre Le Monde illustré, le substitut fait directement allusion à cette scène, que deux journaux au moins ont rapportée trois mois plus tôt :76 en faveur du plaignant il indique « qu’on se le rappelait passant dans le jardin des Tuileries, et s’arrêtant pour saisir l’impératrice qui y cueillait une fleur »77. Ainsi une image que personne n’a vue mais qui a fait parler d’elle dans la presse se met à exister aux yeux de la collectivité, jusqu’à entrer dans la délibération d’un magistrat. Le tribunal se jugera finalement incompétent pour évaluer la qualité esthétique des photographies et l’affaire se terminera par un non-lieu.
Plus largement encore, en habituant le lecteur à imaginer les personnes au quotidien, en particulier les artistes, le processus technique d’ « instantanéisation » se meut en modèle cognitif. Les clichés imaginaires de Sarah Bernhardt « s’apprêtant à concourir » ou « embrassant sa petite sœur qui la console » illustrent l’habitude prise par les contemporains de se forger mentalement leurs propres scènes instantanées, dont le participe présent fixe ici la progressivité. Avec les nouveaux appareils le public se met à tout voir en mouvement, y compris les artistes de son temps ; devenu un « interprétant » au sens de Peirce, c’est-à-dire un signe mental capable d’encoder la réalité, l’instantané étend là aussi son empire au-delà des photographies qui ont été effectivement prises et publiées.
En régime médiatique, l’effet de l’instantané est, plus précisément, de synchroniser l’habitus de l’écrivain fin de siècle avec le monde historique78 des années 1900, caractérisé, on le sait, par une accélération spectaculaire de la vie sociale, que ce soit sous l’effet de la technique ou, politiquement, de la démocratie, avec ses changements rapides de gouvernement. Créé en 1910, Excelsior par exemple trouvera normal de suivre le grand écrivain à la manière d’un homme d’État, à l’instar d’Anatole France, que le journal photographie systématiquement au cours de ses déplacements en province ou à l’étranger79. Dans la France de 1910 un auteur n’est pas seulement un homme qui médite mais un esprit en mouvement capable de comprendre un monde en mouvement, jusqu’à incarner parfois, comme chez Paul Morand, « l’homme pressé »80 du XXe siècle.
Une approche esthétique des photos de Primoli peut paraître superfétatoire au regard des enjeux mondains et médiatiques que nous venons de croiser. Que le comte cherche à produire la meilleure image possible semble à première vue marginal par rapport aux fonctions d’intégration et d’information jouées par le portrait instantané. Pourtant si l’entourage de Primoli s’est volontiers prêté à la prise de vue, c’est sans doute qu’il en attendait plus que de simples souvenirs. S’agissant des écrivains, quelque chose de leur statut d’auteur se jouait nécessairement à cet instant précis, dans la mesure où, comme l’a montré Erving Goffman, chacun sculpte en permanence une certaine image sociale de lui-même, y compris dans les circonstances les plus banales. Le divorce que l’instantané favorise entre l’individu et son œuvre, quand il nous montre l’auteur au quotidien, se voit ainsi contrebalancé par de nouvelles stratégies de présentation de soi, susceptibles de tisser un lien nouveau entre la personnalité prise sur le vif et sa fonction d’artiste. Ainsi pour les contemporains comme pour nous, à travers le Maupassant photographié dans sa barque en 1889 a toute chance de transparaître l’auteur de « Sur l’eau » (1876).
Au centre de la nouvelle pratique se trouve cet art de la pose improvisée, que nous avons déjà croisé et dont la responsabilité revient à la fois à l’opérateur et au sujet qui se prête à la prise de vue : « On se sent photographié et les plus graves personnages s’y prêtent de bonne grâce »81 note par exemple le journaliste du Monde illustré à propos du personnel du Vatican saisi par Luigi. Déjà éduqué à l’instantané, le passant des années quatre-vingt-dix manifeste une conscience photographique de lui-même qui le conduit à contrôler son image, tandis que l’opérateur commence à développer cet « art du regard » par lequel on définira l’esthétique photographique au XXe siècle. « Vraiment, Primoli a un certain talent, ainsi que disent les peintres, pour piger le motif — un motif faisant tableau »82 remarque ainsi Edmond de Goncourt, après une séance de projection à la lanterne magique. Apparu vers 1840 au sens de « voler » quelque chose, en contexte artistique le terme argotique piger signifie « attraper du regard ». Appliqué familièrement aux rapins en quête d’un bon sujet, il enregistre le déplacement qu’au même moment l’impressionnisme opère de la vue vers le regard – un regard capable de saisir les choses sur le vif83 et pas seulement « d’après nature », pour reprendre l’expression plus statique du français classique. Dans la presse des années quatre-vingt, piger le motif est aussi intimement lié aux escapades à la campagne ou à la mer que favorise le développement du chemin de fer.
Aujourd’hui l’esthétique du bon « motif » nous paraît aller de soi, mais en 1895, le public ne voit encore qu’un simple enregistrement dans l’instantané. « Sont-ce des photographies « instantanées », ou des photographies de « pose artistique » ? […] Toute la question est là »84 résume Louis Fabulet, le journaliste du Soleil lors du procès de Luigi contre Le Monde illustré. Instantané et pose s’excluent encore mutuellement, ce qui permet à l’avocat du journal incriminé d’exclure toute compensation financière en faveur du plaignant : considérant que ses images tirent leur éclat de la qualité de la lumière italienne et de la pompe pontificale elle-même85, il ne lui reconnaît aucun mérite, donc aucun droit à revendiquer un dédommagement. Cette opposition factice entre enregistrement et « pose artistique » est justement ce que la pose improvisée déconstruit, puisque la capture s’y associe à la composition, l’immédiateté au calcul, la spontanéité à la réflexivité. À l’instar de tout recadrage, l’ancienne opposition s’internalise et devient le principe structurant d’un système élargi.
Qu’apporte à l’artiste fin de siècle ce nouvel art du portrait ? Dans les cercles que fréquente Primoli, il réalise l’utopie d’une fusion parfaite entre élection artistique et élection sociale : ironique ou pas, le cliché montrant Alexandre Dumas fils « arrêté devant le fameux sphinx de M. Sardou »86 illustre la capacité de l’écrivain à rester artiste en toute occasion ; que ce sphinx renvoie à la Thèbes grecque ou à la Thèbes égyptienne, Dumas posant devant lui allie aux plaisirs mondains de la promenade dans un lieu de villégiature réputé l’aptitude de tout artiste à déchiffrer les grands mystères de l’Humanité. A la pose statique du Génie romantique, élaborant son œuvre au sein de la divine Nature, succède la pose en mouvement du génie mondain, œuvrant au cœur des interactions sociales. Et de même qu’il revenait à la peinture de célébrer l’art romantique de la méditation (ainsi du portrait de Chateaubriand rêvant seul devant Rome, par Girodet), l’instantané célèbre l’aptitude de l’écrivain fin de siècle à observer, interpréter ou méditer sur le moment.
Dans un tel contexte, la photographie est plus que le témoin ou le relai des poses de l’artiste en activité ; imprégnant les esprits de son dispositif, elle favorise une nouvelle conception de la création artistique elle-même. L’indexation de la mimésis sur la durée d’une part, la pose improvisée d’autre part, réalisent, chacune à leur niveau, le fantasme d’une convertibilité quasi immédiate de la vie en représentation, et, mieux encore, de la vie en art. Le court-circuit est d’abord lexical car instantané abolit le lien que photo-graphie entretenait encore avec la mimésis. Certes photos (la lumière) place la nature à l’origine de l’image et révoque la main traçante de l’artiste, mais il s’agit d’une lumière anthropomorphisée, censée « dessiner » ou « écrire », comme l’indique graphein, qui possède les deux sens en grec. Avec l’instantané au contraire, le temps seul prend le contrôle, et, comme on l’a vu, semble capturer de lui-même ses victimes. Source d’une nouvelle crise de la représentation, ce court-circuit hante aussi les genres littéraires de l’époque qui cultivent la même économie de moyens, comme le recueil de chroniques (Claretie avec La Vie à Paris), le journal (celui des Goncourt par exemple) ou le monologue dramatique (saynettes prises sur le vif, où excelle Coquelin cadet).
L’abolition de la représentation trouve son point culminant dans la figure du dandy, puisqu’il fait de son comportement en société une œuvre en soi. Avec lui, la conversion de la réalité en art est immédiate, soit par l’image qu’il offre de lui-même au public de ses admirateurs, soit par le regard qu’il jette sur les choses pour en nourrir sa conversation. Voir et se donner à voir sont les deux faces d’une même posture, érigée elle-même en pratique artistique. Montesquiou représenté le nez en l’air par Giovanni Boldini (en 1897) ou Alexandre Dumas fils, « dont l’œil bleu acéré sait avoir, quand il le faut, une douceur profonde »87, illustrent le primat donné au coup d’œil à la fin du siècle. Les contemporains eux-mêmes comparent volontiers entre eux les regards du mondain, du photographe, du journaliste ainsi que de l’écrivain naturaliste ou « psychologue ». À propos des dramaturges à succès, prompts à nourrir leurs comédies de leurs rencontres, Jules Claretie se demande par exemple « comment il se trouve encore des maîtresses de maison pour ouvrir leurs portes à ces spirituels satiriques qui semblent apporter leur esprit d’observation comme ils apporteraient, en poche, un kodak »88. On pourrait en dire de même du journaliste, par exemple de Georges Duroy, dont les regards jetés « comme des coups d’épervier »89 à l’incipit de Bel-Ami trahissent à la fois l’assurance du prédateur et l’acuité d’observation du futur reporter.
Dès lors on comprend mieux pourquoi Proust situe dans le moi profond de l’auteur l’œuvre que celui-ci a pour mission de développer. Échappant à l’espace, au temps et aux relations sociales, le moi profond libère l’artiste de la tutelle hégémonique de ce coup d’œil superficiel jeté sur les choses qui domine dans l’espace médiatico-mondain de la fin du siècle. Si la Recherche se plait à représenter les personnages qui exercent un tel regard, elle ne cesse aussi d’affirmer son indépendance à l’égard de leur activité, qu’il s’agisse de la mondanité, que Marcel se donne le droit de critiquer dès l’article de 190390, de la photographie, dont il fait un de ses repoussoirs esthétiques, du journalisme, qu’il ne pratique que ponctuellement, ou d’une représentation réaliste des choses, dans laquelle il ne voit qu’un « misérable relevé de lignes et de surfaces »91. La transfiguration de la réalité par la mémoire et le style est le meilleur antidote qu’on puisse imaginer à ce simple coup d’œil lancé autour de soi, dont se contentent nombre de ses contemporains.
Les trois grilles de lecture mondaine, médiatique et esthétique que nous avons appliquées aux portraits instantanés de Primoli n’épuisent pas l’émotion très particulière que ses clichés procurent au spectateur d’aujourd’hui. Comme l’a bien montré Martine Lavaud92, rétrospectivement c’est la condition mortelle de nos auteurs préférés qui nous frappe, quand on les découvre photographiés au cœur de leur vie quotidienne. Nous émeuvent la précarité et la fugacité de leur existence, et, à travers elles, de la nôtre, en miroir. Or à cette première émotion peut en succéder une autre, exactement symétrique : notre admiration pour la manière dont des individus semblables à nous sont parvenus à s’arracher, grâce à leurs œuvres, aux limites temporelles et spatiales de leur propre existence. Cette émotion particulière, il revient à André Malraux de l’avoir exprimée dans le texte fameux où il voit dans toute grande production artistique un « anti-destin »93, c’est-à-dire une trace capable de nier le néant auquel toute chose est promise. « Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur » (Mallarmé), l’œuvre littéraire n’aura jamais paru aussi immarcescible que depuis que circulent les images fugitives de ses fragiles auteurs.
[1] Rappelons qu’en 1961 Wayne C. Booth évoque sous le nom « d’auteur implicite » la figure que nous construisons à partir de notre lecture (Wayne C. BOOTH, The rhetoric of Fiction [1961], University of Chicago Press, 2010) et que la poétique des textes s’y intéresse à partir d’autres dénominations (« auteur impliqué » ou « auteur inféré » notamment). A ce sujet voir Mélanie GRENIER, « L’auteur implicite. Pertinence d’une notion controversée ». URL : https://penserlanarrativite.net/archives/1422. Consultation le 10-09-2022.
[2] Sur la question de la mémoire des œuvres voir, Katerine GOSSELIN et Christophe PRADEAU (dir.), Tangence. Le devenir-souvenir du roman. Poétique de la lecture romanesque, n° 120, 2019. Si du récit ne restent que des fragments dans la mémoire du lecteur, il semble en revanche que le roman comme création y perdure comme un tout (un monde).
[3] Federico FERRARI et Jean-Luc NANCY, Iconographie de l’auteur, Paris, Galilée, 2005, p. 13. Par « auteur » ils entendent, non le producteur de l’œuvre, détaché de son produit, mais le produit de l’œuvre elle-même : « L’œuvre met en jeu une reconnaissance : non pas la reconnaissance d’une identité déjà donnée ailleurs (une œuvre de X ou Y) mais la reconnaissance de ceci qu’il y a là de l’identité (sans quoi, il n’y aurait pas de différence entre cette œuvre et cette autre) » (Id., p. 11).
[4] Martine LAVAUD, « Envisager l’histoire littéraire », COnTEXTES [En ligne], 14 | 2014, URL : http://journals.openedition.org/contextes/5925. Consultation le 10-09-2022.
[5] Pour un parallèle entre les portraits littéraires d’écrivains et leur portrait photographique, notamment les instantanés de Primoli, voir Martine LAVAUD, « La chambre noire de la mémoire. Souvenirs littéraires et stimuli photographiques », in Vincent LAISNEY (dir.), Le Portrait littéraire, Presses universitaires de Liège, 2017, p. 99 et suiv. Martine Lavaud en décrit ainsi l’originalité : « auteur de milliers de clichés, Primoli a fabriqué une gigantesque réserve de souvenirs qui rompit avec les codes sclérosés de la photographie de son temps » (p. 102).
[6] https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico. Consultation le 29/10/2022.
[7] Sur la cartographie de ce « pôle dominant » du champ littéraire, voir Christophe CHARLE, Paris fin de siècle, Paris, Le Seuil, 1998. L’auteur remarque qu’en privilégiant les avant-gardes, les études littéraires « biaisent en même temps la géographie du champ littéraire qui […] est fondamentalement bourgeoise […] » (p. 61). Les photographies de Primoli font justement apparaître toute cette vie littéraire mondaine dont la mémoire collective n’a souvent retenu que des noms.
[8] Sur le statut à part de Maupassant : ibid. p. 44. Primoli est aussi en contact avec Zola, qu’il reçoit à Rome.
[9] URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-025026?ssid=fotografico. Consultation le 1/11/2022.
[10] Sur les mille six cents plaques de verre laissées par Gabrielle Hébert, voir Laure Huault Nesme, « À Saint-Gratien ou à Rome, de la pause à la pose », in Un soir chez la Princesse Mathilde, op. cit., p. 317-323.
[11] La Lanterne, 10 septembre 1888, p. 3. Dans cette revue à succès en trois actes et sept tableaux de Albert de Saint-Albin, le rôle est tenu par « Mlle Descorval, superbe et très fine en "baigneuse surprise par un photographe amateur" » (Fernand BOURGEAT, Vert-Vert, 9 septembre 1888, p. 2). Elle y joue aussi un faux billet de cinq cents francs et la Tour Eiffel.
[12] La presse parle de M. Huguenet (et non Hugonnet). Il s’agit en effet de Félix Huguenet, embauché au théâtre du Palais Royal en 1888. Je remercie Arnaud Rykner de m’avoir indiqué cette image. Sur la photo de théâtre voir Arnaud RYKNER, La Photographie de théâtre en France du Second Empire à la Belle Époque, Paris, Cohen, 2023.
[13] Sur le photographe « artiste » voir Ernest LACAN, « Le photographe, esquisse physiologique du photographe artiste », La Lumière, n° 3, 15 janvier 1853, p. 11.
[14] La Vie moderne, n° 32, 10 août 1890, p. 1-4. L’article « au Conservatoire » loue la qualité des clichés en ces termes : « Nous donnons un groupe pris sur le vif dans la cour d’honneur du Conservatoire par le comte Primoli. Nous avons pu faire un agrandissement fort réussi de cet instantané, ce qui prouve l’excellente qualité du cliché ». (id., p.3).
[15] « Autour du Vatican (clichés instantanés de M. le comte Luigi Primoli) », Le Monde illustré, 25 août 1894, p. 117-129. Le détail du procès, très instructif sur la vision de l’instantané et du droit d’auteur en 1895, est donné par Louis FABULET, « Chronique judiciaire. "Effets de lumière" », Le Soleil, 3 mars 1895, p. 2. Celui qu’il appelle « Le comte » est sans doute Luigi, puisque c’est à lui que les photos sont attribuées dans l’article incriminé, mais on peut supposer que les deux frères se sont concertés, d’autant qu’ils photographient souvent ensemble au Vatican.
[16] Jules CLARETIE, « La Vie à Paris », Le Temps, 20 août 1896, p. 2.
[17] Pascal Durand propose de lire la photo d’écrivain sur trois niveaux : la personne, la personnalité et le personnage (c’est-à-dire l’écrivain en tant qu’incarnation de la Littérature). Dans notre découpage, la personne correspond à l’approche biographique ; la personnalité à l’approche mondaine ; quant au personnage, avec sa dimension quasi allégorique, il pourrait relever à la fois de l’approche esthétique (la pose doit montrer la Littérature à travers l’auteur) et de l’approche médiatique (en tant que les médias sacralisent l’Artiste et l’Art à travers lui). Voir Pascal DURAND, « De Nadar à Dornac. Hexis corporelle et figuration photographique de l’écrivain », COnTEXTES [En ligne], 14 | 2014, URL : https://journals.openedition.org/contextes/5910. Consultation le 11/11/2022.
[18] Pour un rapprochement entre certaines photos et les témoignages contemporains, voir Lamberto VITALI, Un fotographo fin de siècle. Il conte Primoli, Turin, Giulio Einaudi editore, 1968.
[19] URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-031180 Consultation le 1/11/2022.
[20] Voir à ce sujet les travaux de Marie-Ève Thérenty, notamment Marie-Ève ThÉrenty, La Littérature au quotidien. Poétiques journalistiques au XIXe siècle, Paris, Éditions Le Seuil, coll. « Poétique », 2007.
[21] Guillaume PINSON, Fiction du monde. De la presse mondaine à Marcel Proust, Montréal, Presses de l’université de Montréal, 2008, Introduction, p. 14.
[22] Dans une lettre datée de 1895, Giuseppe envoie à Edmond de Goncourt « six épreuves de groupe » qu’il le « prie de distribuer aux intéressés » (Silvia DISEGNI, « J. Primoli et E. de Goncourt : Lettres et textes inédits », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, n° 5, 1997, p. 277. URL : https://www.persee.fr/doc/cejdg_1243-8170_1997_num_1_5_1456. Consultation le 2-11-2022).
[23] Henri de RÉgnier, « Le comte Primoli » dans De mon temps, Paris, Mercure de France, 1933, URL : https://obvil.sorbonne-universite.fr/corpus/critique/regnier_de-mon-temps#body-3 Consultation le 31/10/2022. Sur ce témoignage voir M. LAVAUD, « La chambre noire de la mémoire », art. cit.
[24] Edmond et Jules de GONCOURT, Journal. Mémoires de la vie littéraire, Ricatte (éd.), Paris, Robert Laffont, 1989, t. III, 4 décembre 1895, p. 1200. L’autre allusion est du 9 août 1890 (p. 459).
[25] Romain ROLLAND, lettre du 17 juin 1890, Printemps romain, Choix de lettres de Romain Rolland à sa mère (1889-1890), Paris, Albin Michel, 1954, p. 316.
[26] L’article de Louis Fabulet indique que Le Monde illustré n’a fait que reproduire des photos, envoyées de Rome par son voyageur spécial et « qu’on voyait répandues, paraît-il, dans tous les magasins des villes italiennes » (Louis FABULET, « Chronique judiciaire. "Effets de lumière" », Le Soleil, 3 mars 1895, p. 2).
[27] Louis GIOPPI, « l’Exposition internationale photographique, à Milan, en 1894. Les amateurs », Le Moniteur de la photographie, 1894, n° 17, 1er septembre 1894, p. 266. La liste des photographes exposés montre bien la nature aristocratique de cette pratique, par ailleurs faite pour se démocratiser.
[28] R. ROLLAND, Lettre du 30 juin 1890, op. cit., p. 339.
[29] Selon l’expression de Henri de RÉgnieR, en conclusion à son portrait de Primoli (voir note 23).
[30] Raitif de la Bretonne, « Pall-Mall semaine », L’Écho de Paris, 25 décembre 1894, p. 2.
[31] Barthes écrit : « L’acteur d’Harcourt est un dieu ; il ne fait jamais rien : il est saisi au repos. » (Roland BARTHES, « L’acteur d’Harcourt », Mythologies (1957), Paris, Points Seuil, 1970, p. 23).
[32] Comme le montre André Gunthert, l’instantané est ce qui donne, techniquement, son autonomie esthétique à la photographie, par opposition aux liens que la camera obscura des peintres et la photo au collodion entretenaient encore avec la peinture (André GUNTHERT, « Esthétique de l’occasion. Naissance de la photographie instantanée comme genre », Études photographiques, n°9, mai 2001, p. 64‑87, URL : https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/243#bodyftn35) Consultation le 2/11/2022.
[33] Nous remercions l’unité de recherche PLURIELLES de l’Université Bordeaux Montaigne d’avoir bien voulu financer les droits de reproduction des images de cet article issues de la Fondation Primoli.
[34] Honoré de BALZAC, « Avant-propos », La Comédie humaine (Pierre CITRON éd.), Paris, Seuil,1965, p. 53.
[35] André Gunthert montre bien le basculement (André GUNTHERT, op. cit., p. 64‑87, URL : https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/243#bodyftn35 (Consultation le 2/11/2022).
[36] François BRUNET, La Naissance de l’idée de photographie, Paris, Presses Universitaires de France, 2000, p. 213 et suiv.
[37] JEAN SANS TERRE, « Tous photographes ! », Le petit journal, 26 janvier 1892, p. 1. Consacré au photographe amateur ce long article décline tous les thèmes auxquels est alors associé l’instantané (mobilité, notamment associé à la bicyclette, ubiquité, indiscrétion, etc.).
[38] À ce sujet André Gunthert écrit : « Instrument de précision, l’obturateur des années 1880 autorise le passage de la “chambre” à l’"appareil" photographique. Il est le principal vecteur par où l’outil d’enregistrement – autrefois vulgaire boîte – devient à proprement parler une machine. » (A. Gunthert, op. cit., p. 64‑87, URL : https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/243#bodyftn35. Consultation le 2/11/2022).
[39] R. ROLLAND, lettre du 8-9 janvier 1890, op. cit., p. 111-112. Cité par Laure Huault Nesme, « À Saint-Gratien ou à Rome, de la pause à la pose », in Un soir chez la Princesse Mathilde. Une Bonaparte et les arts, op. cit., p. 317. « Gigi » est le diminutif de Giuseppe tandis que « Loulou » désigne Luigi.
[40] Cécile Carnot est l’épouse du Président Sadi Carnot (URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-004169?ssid=fotografico. Consultation le 1/10/2022).
[41] Comme le rappelle André Rouillé dans les pages très éclairantes qu’il consacre à l’instantané (André ROUILLÉ, La Photographie, Paris, Folio essais, 2005, p. 115).
[42] À Saint-Gratien, dans la maison de campagne de la Princesse Mathilde. URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-030722?ssid=fotografico. Consultation le 1/11/2022.
[43] Ce qu’André Rouillé formule ainsi : « personnages et opérateurs semblent évoluer dans des univers étrangers l’un à l’autre, se faire face sans contact » (A. Rouillé, La Photographie, op. cit., p. 116).
[44] Nadar, Mémoire pour la revendication de la propriété exclusive du pseudonyme Nadar (1857), in André ROUILLÉ, La Photographie en France. Textes et controverses : une anthologie (1816-1871), Paris, Macula, 1989, p. 240.
[45] À propos de « la grande attaque hystérique », Georges Gilles de la Tourette évoque les « brèves et rapides oscillations du membre tétanisé » (Georges Gilles DE LA TOURETTE, Traité clinique et thérapeutique de l’hystérie d'après l'enseignement de la Salpêtrière, 3 vol., Paris, Librairie Plon, 1895, tome 2, p. 33). Nombre de mouvements, d’actualité en cette fin de siècle, comme la convulsion ou la trépidation, mais aussi psychiquement la névrose, associent contradictoirement la dépense d’énergie à une paralysie.
[46] Edmond et Jules de GONCOURT, Journal. Mémoires de la vie littéraire, Ricatte (éd.), Paris, Robert Laffont, 1989, t. III, 1er mai 1892, p. 700.
[47] Walter Benjamin désigne par « image dialectique » les motifs capables de condenser deux âges de l’humanité. Ils apparaissent notamment lors des moments de transition : « Car, tandis que la relation du présent au passé est purement temporelle, la relation de l'Autrefois avec le Maintenant est dialectique : elle n'est pas de nature temporelle, mais de nature figurative » (Walter BENJAMIN, Paris, Capitale du XIXe siècle. Le livre des Passages, trad. de l’allemand par Jean Lacoste, Paris, éditions du Cerf, 1989, p. 480).
[48] Jules CLARETIE, « La Vie à Paris », Le Temps, 20 août 1896, p. 2.
[49] L’Excelsior, 27 février 1923, p.1.
[50] Pierre BOURDIEU, Un art moyen, Paris, Les éditions de Minuit, 1965, première partie, ch. 1, p. 39.
[51] À ce sujet voir Silvia diségni, « J. Primoli et E. de Goncourt : Lettres et textes inédits », Cahiers Edmond et Jules de Goncourt, 1997 (5), p. 254-281, URL : https://www.persee.fr/doc/cejdg_1243-8170_1997_num_1_5_1456. Consultation le 32/10/2022. Dans la lettre IV datée du 9 octobre 1880, c’est Primoli qui demande à Edmond de Goncourt de l’introduire dans l’atelier du peintre Nittis, qu’il souhaite connaître (p. 260). De même, pour Adrien Goetz, tout en bénéficiant de l’accueil de la Princesse Mathilde, ce sont aussi les écrivains qui contribuent à son prestige et à sa légende (Adrien Goetz, « Mathilde, une Bonaparte en quête d’auteurs », in Un soir chez la Princesse Mathilde, op. cit., p. 228).
[52] « Au conservatoire », La Vie moderne, 10 août 1890, p. 3. Le chroniqueur commente : « Malgré le peu de lumière et la presque instantanéité de la pose (les modèles ayant posé à leur insu), le résultat obtenu est très suffisant. » (id.).
[53] URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-030814. Consultation le 1/11/2022.
[54] Jules CLARETIE, La Vie à Paris, Paris, (1ère éd. 1883), 2e éd., Paris, Victor Havard éditeur, 1883, ch. XXXVII, 9 novembre 1983, p. 441.
[55] URL : https://archivio.fondazioneprimoli.it/archivio/fotografico/IT-PRI-FT0001-032500?ssid=fotografico. Consultation le 1/11/2022.
[56] Marcel PROUST, « Un salon historique. Le Salon de S.A.I. la Princesse Mathilde », Le Figaro, 25 février 1903, p. 3.
[57] R. BARTHES, op. cit., p. 29.
[58] RASTIGNAC, « Courrier de Paris », L’Illustration, 26 juillet 1890, p. 70.
[59] Je reprends la définition formalisée que j’en avais proposée en 2008, inspirée des analyses de Bernard Vouilloux dans le même ouvrage (Philippe ORTEL, « Vers une poétique des dispositifs », in Philippe ORTEL (dir.), Discours, image, dispositif, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 33-60).
[60] Marcel PROUST, « Un salon historique. Le Salon de S.A.I. la Princesse Mathilde », Le Figaro, 25 février 1903, p. 3.
[61] Sur le rôle de l’album au XIXe siècle, voir Philippe HAMON, « L’album ou la nouvelle lecture », Imageries. Littérature et image au XIXe siècle, Paris, José Corti, 2001, p. 327-362.
[62] Raitif de la Bretonne, « Pall-Mall semaine », L’Écho de Paris, 25 décembre 1894, p. 2. Le chroniqueur raconte qu’Edmond de Goncourt décroche le portrait du cadre d’une glace. Ce témoignage confirme qu’il y a bien, de manière latente, un « horizon photographique » des espaces habités par l’écrivain, comme le suggère Bernard Vouilloux à propos du Grenier (Bernard VOUILLOUX, « Une collection d’unica. Les livres à portraits d’Edmond de Goncourt », COnTEXTES [En ligne], 14 | 2014, URL : https://journals.openedition.org/contextes/5919. Consultation le 10/11/2022).
[63] GROSCLAUDE, « La petite gazette », Le Gaulois, 16 mai 1896, p. 1. Mes italiques.
[64] Antoine LILTI, « Introduction. Célébrité et modernité », Figures publiques. L'invention de la célébrité, 1750-1850, Paris, Fayard, 2014.
[65] Ibid., p. 22.
[66] Sur le croisement de l’instantané, du reportage et de l’information voir Adeline WRONA, « Le portrait : un genre informatif », Face au portrait. De Sainte-Beuve à Facebook, Paris, Hermann, 2012, p. 178-191. Adeline Wrona y traite notamment de l’interview photographique de Chevreul par Nadar père et fils (dans Le Journal illustré du 5 septembre 1886).
[67] Guillaume PINSON, op. cit., Introduction, p. 9.
[68] Jules CLARETIE, « La vie à Paris », Le Temps, 20 août 1896, p. 2. Deux rangées de cinq sphinx égyptiens ornent l’allée. Les sphinx ont été initialement moulés pour l’Exposition universelle de 1867.
[69] Jules CLARETIE, La Vie à Paris . 1897, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1898, préface, p. VI.
[70] Alain VAILLANT, « Le naturalisme : l’esthétique du roman à l’ère du journal », in L’Art de la littérature. Romantisme et modernité, Paris, Garnier, 2016, deuxième partie, p. 242.
[71] Ernest LegouvÉ, « À propos d’un album photographique. Lu dans la séance publique annuelle des cinq Académies le mercredi 25 octobre 1871 », URL : https://www.academie-francaise.fr/propos-dun-album-photographique. Consultation le 4/11/2022.
[72] Nadar, Mémoire pour la revendication de la propriété exclusive du pseudonyme Nadar, op. cit., p. 240.
[73] « Autour du Vatican (clichés instantanés de M. le comte Luigi Primoli) », Le Monde illustré, 25 août 1894, p. 129. Mes italiques.
[74] Guillaume PINSON, op. cit., p. 36.
[75] L’activité de collectionneur de Giuseppe défraie par exemple la chronique, comme lorsqu’il vend sa collection de timbres, au prix exorbitant de 150 000 francs (La petite Gironde du 6 janvier 1896, p. 1).
[76] L’histoire est racontée dans Le journal du 3 décembre 1894 (p. 1) et reprise dans le Gil Blas par un journaliste dont un ami a vu le cliché à Rome (JEAN-JACQUES, « Nouvelles », Gil Blas, 17 janvier 1895, p. 2).
[77] Louis FABULET, « Chronique judiciaire. "Effets de lumière" », Le Soleil, 3 mars 1895, p. 2.
[78] Je reprends l’expression à Pierre BOURDIEU, Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, Paris, Seuil, 1992, p. 441.
[79] On suit par exemple Anatole France en Touraine (Excelsior, 13 novembre 1921, p. 1) puis un mois plus tard à Berlin (Excelsior, 13 décembre 1921, p. 1).
[80] Le roman de Paul Morand L’homme pressé date de 1941. Il traite du culte moderne de la vitesse.
[81] « Autour du Vatican (clichés instantanés de M. le comte Luigi Primoli) », Le Monde illustré, 25 août 1894, p. 129.
[82] E. et J. de GONCOURT, Journal, op. cit, t. III, 4 décembre 1895, p. 1200.
[83] Sur le lien entre impressionnisme et instantané, voir le recueil de poèmes de Jean Ajalbert (Jean AJALBERT Sur le vif. Vers impressionnistes, Paris, Tresse et Stock, 1886).
[84] Louis FABULET, « Chronique judiciaire. "Effets de lumière" », Le Soleil, 3 mars 1895, p. 2.
[85] Selon l’avocat du journal : « Ce n’est donc point au comte Primoli que revient le droit de se prévaloir de la forme artistique de ses photographies, c’est aux personnages de la cour pontificale elle-même » (Ibid., p. 2).
[86] Jules CLARETIE, « La Vie à Paris », Le Temps, 20 août 1896, p. 2.
[87] Charles VOGEL, « Alexandre Dumas pittoresque et caricatural », Comoedia, 29 juillet 1924, p. 1.
[88] Jules CLARETIE, La Vie à Paris. 1899, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1900, ch. 1, p. 10. Mes italiques.
[89] Guy de MAUPASSANT, Bel-Ami, Philippe BONNEFIS (éd.), Paris, Albin Michel, 1983, p. 15.
[90] « Un artiste ne doit servir que la vérité et n’avoir aucun respect pour le rang. Il doit simplement en tenir compte dans ses peintures, en tant qu’il est un principe de différenciation, comme par exemple la nationalité, la race, le milieu » (Marcel PROUST, « Un salon historique. Le Salon de S.A.I. la Princesse Mathilde », Le Figaro, 25 février 1903, p. 3).
[91] Marcel PROUST, Le Temps retrouvé, in À la recherche du temps perdu, éd. par Pierre CLARAC et André FERRE, Paris, Gallimard, 1954, « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, p. 885.
[92] Lors du colloque « Portraits fugitifs. Le portrait photographique d'écrivain, de l'instantané au film : naissance du mouvement (1888-1918) », organisé par Martine Lavaud les 2 et 3 décembre 2021 à l’université d’Artois.
[93] La célèbre formule « L’art est un anti-destin » se trouve dans André MALRAUX, Les Voix du Silence, Paris, Gallimard, 1951, p. 637.
Résumé
Les premiers instantanés d’écrivains pris dans leur quotidien à la fin du XIXe siècle ont-ils modifié l’image que les lecteurs se sont faite de l’activité littéraire ? Nous tentons de répondre à cette question à partir des instantanés amateurs pris par le comte Giuseppe Primoli (1851-1927). Pour déchiffrer ces images apparemment anodines, quatre grilles de lecture sont proposées : biographique, mondaine, médiatique et esthétique. Il s’agit aussi de comprendre comment des photographies qui ont été rarement publiées du vivant de l’auteur ont néanmoins pu circuler et agir sur les esprits.
Abstract
Did the first snapshots of writers taken in their daily lives at the end of the 19th century change the image that readers had of literary activity? We attempt to answer this question using the amateur snapshots taken by Count Giuseppe Primoli (1851-1927). In order to decipher these seemingly innocuous images, four reading grids are proposed: biographical, worldly, media and aesthetic. The aim is also to understand how photographs that were rarely published during the author's lifetime were nevertheless able to circulate and influence people's minds.
Philippe ORTEL
Université Bordeaux Montaigne, PLURIELLES (UR 24142)
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