Le tournant des années 1880 est marqué par l’invention et le développement de la photographie instantanée. Dans cette période Étienne-Jules Marey a inventé la prise de vues en rafale au moyen du fusil photographique qui permet, lors de projections à l’Académie des sciences dès 1882, de saisir les mouvements du vol des oiseaux, par exemple avec Pélicans volants sur plaque fixe. Aux États-Unis, à Philadelphie, un volume comportant de très nombreuses séries de photos successives, prises par Eadweard Muybridge, est publié en 1887 sous le titre d'Animal Locomotion1. Il constitue un répertoire de mouvements à valeur scientifique, pour saisir la décomposition des actions, mais il est aussi destiné au travail des peintres et permettait ainsi de percevoir les étapes du galop d’un cheval, imperceptibles à l’œil nu (Fig. 1) et (Fig 2). En 1891, un brevet, portant sur l'animation d'images photographiques et la fabrication réussie d'une première caméra argentique, est déposé par Edison et Dickson. Le film Dickson Greetings (1891)2 qui fixe le mouvement du bras d’un homme, a pu être considéré comme le tout « premier » film. D’une durée initiale de 10 secondes, il est réalisé au Kinétographe, avec un film de 19 mm, à six perforations rectangulaires arrondies en bas de chaque photogramme, dans un format remplacé, dès 1893, par le 35 mm3. L’invention du « cinématographe »4 des Frères Lumière a lieu avec une première projection en 1895.
Fig. 1. Muybridge. Planche 646. Animal locomotion. Domaine public
Fig. 2. Muybridge. Planche 247. Animal locomotion. Domaine public
La photographie instantanée, comme le cinéma, sont marqués par ce désir de saisir le mouvement et la vitesse, désir d’emblée présent dans l’histoire de la photographie, comme ont pu le montrer les travaux d’André Gunthert5. Dans son livre sur La Photographie instantanée, paru en 1886, Albert Londe indiquait déjà que « bien des amateurs […] ne rêvent que de photographier des chevaux de course ou des trains express »6. On se souvient que le cinéma des premiers temps use effectivement de moyens pour valoriser la représentation du mouvement – avec L’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat7, filmé en 1895 et projeté à Lyon en 1896, par exemple –, comme peuvent aussi le faire des photographies du jeune Lartigue dans la période8 (Fig. 3). De fait, Maxime Gorki, après avoir assisté pour la première fois à une projection de films Lumière, définit le cinématographe comme « de la photographie en mouvement »9.
Fig. 3. Jacques-Henri Lartigue. Madeleine VAN WEERS, jeune cousine du photographe, rue Cortembert, Paris, 1905. Fonds MAPS
Cependant, la saisie rapide des innovations techniques successives ne rend pas véritablement compte de la présence du temps dans les images : la prise de vue à temps de pose court immobilise, comme l’indiquait Maurice Merleau-Ponty : « les vues instantanées pétrifient le mouvement »10. Ce critère lui servant alors, dans L’Œil et l’esprit, à dévaloriser la photographie face à la peinture et à la sculpture11. Alors que la chronophotographie décompose le mouvement, et que la photographie instantanée le fige, le cinéma est valorisé comme l’accomplissement d’un désir majeur de l’époque. Le phénomène participe de cette idéologie du « progrès », dominante dans la seconde moitié du XIXe siècle. Mais on doit ajouter que la conception du temps induite par cette vision associe le temps à une successivité linéaire, héritée du fleuve héraclitéen et le réduit alors à n’être qu’une bande de défilement, selon un modèle emprunté à l’espace dont la pensée bergsonienne montre pourtant l’insuffisance dans la période12. Arnaud Claass a rappelé qu’« on a souvent assimilé l’image photographique, et plus généralement l’image fixe, à une unité extraite du déroulement d’un film » ; symétriquement, une vision récurrente fait « de la photographie une sorte de cinéma en puissance »13. La confrontation – ou le lien – entre ces deux dispositifs de vision se produit autour de 1900, comme l’a montré un travail collectif dirigé par Laurent Guido et Olivier Lugon14. Le socle épistémologique que ces travaux proposent pour l’analyse permet de se déprendre des a priori qui viennent d’être évoqués.
De fait, dans la période étudiée, des innovations techniques vont aussi montrer la force du lien entre les deux domaines que sont la photographie et le cinéma : par exemple avec les « images changeantes » que constituent les portraits issus de photographies à réseaux lignés (Fig 4). La formulation d’« images changeantes » vient d’Estanave15, un des dépositaires de brevet pour cette technique qui permet de donner à voir un mouvement sur une seule surface photographique : il s’agit de proposer trois prises de vue imbriquées les unes dans les autres, en fines bandes verticales qui vont constituer un seul négatif. Comme l’a indiqué Kim Timby, la publicité d’un studio parisien qui recourt à cette technique valorise le procédé en le désignant comme « le cinéma dans une seule photo ». Si les portraits ainsi constitués ne sont pas ceux de célébrités et serviront longtemps pour la publicité, ce qui est alors proposé au spectateur est effectivement la saisie d’« un mouvement sans défilement : plusieurs images étant inscrites dans une seule vue »16. Une autre conception du temps est alors à l’œuvre, d’ordre mémoriel, sur le modèle d’un empilement de strates, pour le dire en écho des formulations bergsoniennes. Ainsi, l’image recèle – et donne à voir au spectateur – un moment partagé lors de la prise de vues. À partir de ces perspectives, j’examinerai pour commencer ce qui semble un phénomène majeur qui apparaît dans la période considérée : le développement massif de portraits d’écrivains ou de peintres qui ont lieu lors d’une visite à l’artiste.
Fig. 4. E. Estanave. Plaque autostéréoscopique. Libre de droits
On peut rappeler rapidement le contexte de ce phénomène : Zola a fait des années 1880 « l’âge de l’enquête »17. Pour l’écriture de De l’Intelligence, paru en 1870, Taine avait effectivement interrogé des écrivains sur ce qui est à l’œuvre dans le processus de création romanesque. Flaubert avait répondu à cette demande par deux lettres. En revanche, L’Enquête sur l'évolution littéraire est conduite par Jules Huret à partir de conversations effectives avec une soixantaine d’écrivains18. Elle paraît dans L′Écho de Paris à partir de mars 1891. Souvent citée pour caractériser cette expansion du régime de l’enquête à la fin du XIXe siècle, elle est effectivement la première à s’attacher massivement au monde littéraire19.
Alors que se développe le reportage, l’interview d’écrivain serait inaugurée en 1884, selon Philippe Lejeune et Jean-Marie Seillan20 : les interviews de Jules Huret et de Frédéric Lefèvre sont des chroniques qui proposent des « portraits d’actualité »21. Le portrait d’écrivain apparaît alors selon le protocole des « visites au grand écrivain » dont Olivier Nora a analysé les enjeux22. Ces visites vont permettre de donner à lire des interviews où la voix du grand homme est présente, au discours direct ; elles permettent aussi de livrer au grand public des images. La visite inscrit le grand homme dans son espace intérieur en développant le culte de cette « Élite artiste »23 qui s’est développée au fil du XIXe siècle.
Les portraits photographiques des célébrités du temps vont souvent se faire images du créateur à sa table ou devant son chevalet, dans une assez fidèle emprise du modèle pictural : on peut penser à L’Atelier du peintre (1855) de Courbet qui renouvelle la tradition qu’exemplifiait Vélasquez, en mettant en scène pauvres ou actionnaires, ainsi que ses amis : on reconnaît dans la partie droite de ce tableau Alfred Bruyas, Proudhon, Champfleury assis sur un tabouret, et Baudelaire à l’avant-plan. On pense également au Zola (1868) de Manet qui s’inscrit dans le contexte daté d’une reconnaissance amicale. Le portrait pictural vient d’évoluer et les liens familiaux ou amicaux se donnent ainsi à voir, à l’âge de la démocratie, lorsque la peinture de genre n’est plus un genre mineur. Cependant, la « culture de masse »24 qui se développe à la Belle Époque (1890-1914), avec les grands tirages de presse et le développement d’une presse spécialisée, permet aussi la diffusion massive des entretiens avec les artistes, comme des vues photographiques de plus en plus aisées et moins coûteuses à reproduire. Pour saisir très concrètement ce contexte d’époque, on peut penser à l’article de Maupassant paru dans Le Gaulois, en mars 1881, qui rend compte de sa lecture du livre d’Edmond de Goncourt, La Maison d’un artiste au XIXe siècle, paru la même année chez Charpentier : ainsi devenu visiteur de la maison d’Edmond de Goncourt, il peut « s’entretenir directement avec lui »25 et voir le détail de son mobilier et de ses collections dans une proximité virtuelle avec un des grands hommes qui s’installent alors comme figures dominantes dans le champ littéraire de la fin du XIXe siècle.
Si l’on examine les productions visuelles dans la période, la photographie « posée » est encore souvent le moyen de mettre en scène l’artiste ou l’écrivain en situation de représentation publique26; certes un matériel plus commodément transportable permet le développement de ces visites à domicile, où le créateur est saisi comme figure iconique27, en tension avec des marqueurs indiciels venant assurer un principe de reconnaissance complexe28. De fait, les vues se multiplient à présent dans une diversité des postures : l’écrivain est debout devant sa bibliothèque, ou assis à son bureau ; le peintre, lui, est vu, dans l’atelier, pinceau à la main ou au repos près d’une de ses productions29. Le travail de Dornac (1858-1941) est exemplaire à cet égard, avec la série Nos contemporains chez eux qui regroupe plus de quatre cents clichés pris entre 1887 et 1917 (Fig. 5). Les vues paraissent régulièrement dans Le Monde illustré entre 1890 et 1900. On trouve également des prises de vues faites par des familiers qui vont, à leur tour, recourir à la saisie du peintre en situation, selon des modalités variées, comme on peut le voir pour Cézanne, photographié par des amis peintres : Émile Bernard en 1905 ou Maurice Denis, qui le montre au travail, en extérieur. (Fig. 6) Ces portraits, qui donnent à voir la posture du créateur, ne cessent pas de se développer ensuite au cours du XXe siècle. Le cinéma de reportage s’inscrit massivement et durablement dans la continuité de cette pratique : on pense aux nombreuses photos de Matisse dans son atelier30 ou de Céline dans sa Maison de Meudon, à son bureau, les pinces à linge tenant les liasses de brouillon pour chaque page du roman en cours d’écriture.
Fig. 5. Edmond de Goncourt, par Dornac, Nos contemporains chez eux. Entre 1885 et 1895. Musée Carnavalet
Fig 6. Maurice Denis. Cézanne peingnant dans le chemin des Lauves à Aix (1906). Rue des Archives
L’artiste dans son milieu de travail est alors pleinement saisi dans sa fonction sociale devenue visible jusque dans l’espace privé : l’accès est donné à l’intimité du lieu où se fait la création et permet de construire la posture de l’homme célèbre, jusque dans la mise en scène de l’espace d’où partent les livres ou les toiles. Elizabeth Emery31 a montré le lien entre le développement du photojournalisme et la naissance de ces lieux de création appelés à devenir des lieux patrimoniaux, ces maisons-musées d’écrivains ou d’artistes qu’elle a étudiés entre 1881 et 1914. L’élite artiste se substitue ainsi pleinement à l’élite aristocratique :
Le choc de l’apparition physique du grand homme est à la mesure de ce qu’elle a d’improbable : c’est le miracle d’une idée qui se matérialise, d’un concept qui s’incarne, d’une œuvre qui se fait chair32.
La récente identification d’un jeune homme présenté comme « Marcel Proust » dans une séquence filmique – le jeune écrivain aurait été filmé lors d’un mariage33 – et l’engouement médiatique suscité par cette « trouvaille » supposée34, relèvent de cette fascination : celle qui survient lorsqu’on pense identifier un homme célèbre, saisi sur un support visuel. La célébrité vient à rebours chercher, dans les traces de moments oubliés, la présence de celui que sa production, passée à la postérité, rend immortel35.
En revanche, on peut être tenté de voir quelques spécificités autres, liées en particulier aux appareils que vont acquérir des amateurs fortunés : ces machines qui permettent de produire une « photographie instantanée », selon les titres des ouvrages d’Albert Londe ou de Josef-Maria Eder qui s’y intéressent dès 188636. Ces appareils, surtout utilisés par des amateurs, ont permis une production autre, demeurée longtemps peu exploitée, qu’il s’agisse de la diffusion ou de la recherche. Pour éclairer la spécificité de ces prises de vues on peut penser à une vue de Marcel Proust qui pose en guitariste avec une raquette de tennis, donnant une aubade pour la sœur de Reynaldo Hahn en 1895 (Fig. 7), ou mettre en regard deux images de Cézanne : celle, faite par un proche, le peintre Émile Bernard, qui met en scène un portrait de l’homme en peintre devant sa production, et une autre prise qui saisit simplement le geste banal et quotidien d’un vieil homme alors qu’il sort une chaise dehors pour s’installer au soleil (Fig 8).
Fig. 7. Marcel Proust en 1895. Archives de la BNF
Fig. 8. Cézanne devant l’Atelier des Lauves, en avril 1906. Photographie du collectionneur Karl Ernst Osthaus qui lui a rendu visite. Bildarchiv Foto Marburg
Il s’agit donc à présent d’observer trois cas de saisies photographiques faites par des proches avec un matériel qui permet de réduire le temps de pose, grâce à l’évolution technique de l’obturateur37 – à partir de 1880 – , puis d’utiliser une pellicule en 1884 avec des appareils légers, plus aisément transportables – les Foldings proposés par la maison Kodak en particulier – qui vont permettre des prises de vue en série, lors d’un moment privilégié, partagé par le photographe, familier d’artistes ou de milieux littéraires.
Le nom du comte Joseph Napoléon Primoli38 s’impose ainsi comme un exemple assez remarquable de ces photographes amateurs qui proposent un renouvellement des pratiques photographiques. Primoli a eu comme précepteur Théophile Gautier, il est le neveu de la Princesse Mathilde, et fréquente son salon parisien qui accueille artistes et écrivains : comme on le lit dans À l’Ombre des jeunes filles en fleurs, elle est « l'amie de Flaubert, de Sainte-Beuve, de Dumas »39 mais aussi des Goncourt, de Dumas fils, de Reynaldo Hahn ou du jeune Marcel Proust. Primoli reçoit également écrivains, artistes et comédiennes à Rome.
Parce qu’il est invité lors d’événements et de cérémonies officielles, certaines photographies de Primoli ont intéressé la presse et ont été médiatisées : elles participent de ce qui a été évoqué précédemment à propos des poses de l’écrivain à sa table ou du peintre près de son tableau. Ainsi, une vue sur le perron d’Edmond de Goncourt, en 1890, a paru dans L’Illustration et donne ainsi un accès privilégié aux personnalités qu’il s’agit de connaître et reconnaître dans le groupe de célébrités mis en scène (Fig 9). Primoli peut représenter l’artiste chez lui comme il le fait pour François Coppée par exemple. Mais ses portraits jouent avec le désir du grand public de voir l’homme célèbre saisi sur le seuil de son lieu privé : ainsi voit-on Edmond de Goncourt chez lui, ou François Coppée à sa fenêtre. Les albums qui conservent des prises de vues, moins souvent retirées en noir et blanc, peuvent montrer la sérialité des prises dans un moment partagé même si on isole souvent l’une d’elles, sur le mode d’une sélection des « meilleures » photographies sur une planche contact. Si l’on regarde les albums référencés comme « Instantanés de célébrités » aux Archives Primoli40, on peut ainsi trouver les prises de vues différentes faites à l’occasion d’un même événement.
Fig. 9. Comte de Primoli. Sur le perron d’Edmond de Goncourt. 1890. Libre de droits
Tel est le cas d’un moment de canotage, en 1889 (Fig. 10), pour lequel on garde souvent cette image de Guy de Maupassant mis en valeur avec les deux femmes qu’il accompagne – Geneviève Straus (Madame Bizet) et Mme Maurice Lippmann, née Colette Dumas d'Hauterive. Les trois personnes sont ici en pause pendant la promenade en barque et regardent l’objectif. Comme l’a indiqué Louis Marin, en ce cas :
En immobilisant ou plutôt en ralentissant le temps des changements, les mouvements de l'apparence, […], le portrait posé, tente de faire accéder et comme émerger à la surface l'essence singulière d'un sujet, la permanence, la maintenance d'un Moi41.
Pause et/ou pose peuvent consacrer ainsi une figure célèbre. En revanche, une autre vue du même moment donne davantage l’impression d’une prise sur le vif et d’une scène où le rameur est effectivement en mouvement, suivi par une autre embarcation où se tient le photographe. Là, une des femmes est de dos, présente mais pas reconnaissable ; de même le visage de Maupassant en rameur, pris dans le mouvement, est moins aisément identifiable. Sur un autre mode, le portrait de Degas, sortant d’un édifice public, place l’homme célèbre en situation triviale et banale comme les autres hommes (Fig. 11) ; il est de ceux qui peuvent susciter le parallèle entre le travail de Primoli et le goût pour « l’instant décisif » qui sera celui d’Henri Cartier-Bresson, selon sa formule, dans la préface d’Images à la sauvette paru en 1952. La saisie rapide et efficace permet de donner à voir la sortie d’une pissotière, lieu où peuvent aller aussi des célébrités, vus en hommes comme les autres : le procédé relève d’une sorte de mise à distance plaisante, participant autrement au jeu de cette abondance de portraits qui consacrent les célébrités dans la période.
Fig. 10. Comte de Primoli. Colette Dumas Lippmann, Geneviève Straus, Guy de Maupassant, 1889. Creative commons
Fig. 11. Comte de Primoli. Edgar Degas sortant d’un « édifice public ». 1889. Fondation Primoli
Les albums de Primoli présentent également des prises plus marquantes peut-être dans la perspective adoptée ici : des vues d’écrivains de loin, voire de dos, identifiés simplement par la légende manuscrite apposée dans l’album, ce qui peut alors relever d’une logique tout autre que la photographie qui consacre les célébrités. Il est alors impossible d’utiliser une connaissance du portrait d’écrivain tel qu’il peut être vu en frontispice d’un de ses livres ou dans un support de presse. On peut mettre en parallèle ce constat avec le fait que la production photographique comporte les vues de Rome, Naples et Florence, selon le point de vue d’un photographe connaisseur de Stendhal. Primoli saisit alors la vie dans les villes, des inconnus dans leurs activités quotidiennes, pris au passage, sur le mode de ce qu’on nomme aujourd’hui la Street photography ; il propose de nombreuses scènes de rues, et s’attache alors à des anonymes.
Dans l’ensemble de sa production, on compte aussi des séries relevant du reportage photographique ou filmique : il peut s’agir de captations d’événements publics – l’exposition universelle de 1889 par exemple – ou de moments privés qui peuvent bénéficier d’une visibilité médiatique, compte tenu des milieux fréquentés. Cependant, à la différence de modernes paparazzi, celui qui les saisit pratique une observation participante : il est un témoin, dans une saisie mémorielle et, si le protocole assez standard d’un compte rendu visuel est souvent suivi, quelques angles de vue choisis, des prises de plus près par exemple, peuvent donner à voir la place singulière de l’opérateur. En la circonstance, si un écrivain ou un peintre était présent, son image serait fixée sans aucune mise en valeur spécifique de sa fonction : seuls le référencement ou le titre de la photographie vont indiquer un nom propre qui peut engager aujourd’hui chez le récepteur un sentiment d’effraction dans la vie d’un homme célèbre, alors que la photographie initiale était souvent simplement conservée par le photographe dans ses archives, ou un album, valant à la fois comme trace et empreinte d’événements de la vie personnelle. Le second cas qui semble significatif est celui de Martial Caillebotte.
Le frère du peintre est devenu musicien et compositeur mais, avant de développer cette pratique, il s’est tout d’abord consacré à la photographie en amateur. Alors qu’aujourd’hui on tend à découvrir ou redécouvrir ses productions musicales42, il est également possible de retrouver des photographies qui le saisissent dans sa posture de musicien, tout comme les tableaux qui le montrent au clavier, selon la logique des représentations du créateur à l’œuvre. Cependant, devenu photographe, il propose, par exemple, des cartes postales emblématiques de la vie du temps et sans mention de noms propres. Le titre d’une exposition consacrée aux deux frères en 2011 au Musée Jacquemart-André était significatif : Dans l’intimité des frères Caillebotte43. La mise en parallèle donnait ainsi à voir des scènes privées. Parmi celles saisies par le photographe, une scène de pique-nique permet de saisir un moment partagé, dans une prise de vue qui semble faite à l’insu des participants.
On peut mentionner une photographie de Gustave Caillebotte, faite par son frère Martial vers 1892. Le peintre est photographié sur la place du Carroussel – donc devant le Louvre – avec son chien. Le lieu peut rappeler au spectateur informé la fonction sociale du peintre mais la prise de vue le situe assez loin des bâtiments, à l’extérieur, comme un des passants anonymes. Le personnage marche dans la direction de l’opérateur, parait en plan rapproché et semble venir vers le spectateur de l’image. L’homme fait ici route avec son chien et la photographie rend compte de cette proximité en donnant à voir un lien avec l’animal. De fait, la pratique des deux frères vient en peinture, comme en photographie, s’attacher très massivement aux sujets du quotidien en mettant en scène des loisirs et des goûts communs. Les lieux privés, comme les activités partagées – pour la voile, la natation ou un déjeuner familial sur l’herbe (Fig. 12) – sont l’occasion, pour l’un et l’autre, de saisir des images neuves et des moments banals où la vie de l’époque et les activités nouvelles veulent être saisies, plutôt que d’offrir au spectateur la traditionnelle reconnaissance de célébrités. Une image du peintre devient ainsi celle d’un homme simplement assis sur des marches (Fig 13).
Fig. 12. Martial Caillebotte. Dejeuner sur l’herbe de la famille Caillebotte (Maurice Minoret, Marie et Geneviève Caillebotte, Marie et Camille Minoret, beaux-parents de Martial Caillebotte, Jean Caillebotte, fils de Martial et Marie Caillebotte, Joséphine Fléchon). Carte postale.
Fig. 13. Martial Caillebotte. Renoir à Montmartre. Vers 1885. Libre de droits
Les prises photographiques de Martial Caillebotte manifestent un souci très singulier et remarquable de l’originalité du point de vue : dans la saisie en plongée que l’on peut apprécier pour des scènes de vie familiale, comme pour les saisies du Paris haussmannien. Cette recherche de points de vue autres, différents des pratiques majoritaires présentes dans le domaine de la photographie – comme de la peinture – manifeste de façon forte la présence d’un sujet singulier dans la scène. Le regard du photographe est ainsi lui-même inscrit dans l’image, par le choix du cadrage et d’angles de prise de vue surprenants et neufs : il se donne à voir au récepteur.
Un dernier cas peut à présent retenir l’attention, celui de Natanson.
Fondateur de La Revue blanche – tout d’abord en Belgique en 1889 – avec ses deux frères Thadée et Alexandre Natanson, et auteur dramatique sous le pseudonyme d’Alfred Athis, Natanson est aussi présent comme journaliste dans le journal de Jaurès, L’Humanité. Il occupe donc dans le champ littéraire et artistique une place privilégiée pour saisir des vues de ses amis peintres ou écrivains. Louis Alfred Natanson a ainsi une activité de photographe amateur. De fait, à partir de 1871, lorsque les parents des trois frères arrivent en France, Alfred Natanson étudie à Paris au lycée Condorcet où il rencontre parmi ses condisciples, Vuillard, Maurice Denis, Marcel Proust, Daniel Halévy ou Lugné-Poe. De 1893 à 1905, la femme de son frère Thadée, Misia, est modèle pour Bonnard, Vuillard, Vallotton, Toulouse-Lautrec, Renoir, Odilon Redon. Elle fréquente Mallarmé, Colette, Picasso et Proust qui a pu s'inspirer d'elle pour le personnage de Madame Verdurin. L’appareil photographique participe ainsi de la vie collective dans ce milieu privilégié.
Les productions de Louis-Alfred Natanson permettent de saisir ces moments partagés, où une pose/pause dans les activités permet aussi la mise en scène de personnalités célèbres, qu’il s’agisse d’une partie de boules ou d’un pique-nique qui joue au Déjeuner sur l’herbe (Fig 14). Ces images sont prises au Relais et montrent les réunions familiales et amicales qui ont alors lieu à Villeneuve-sur-Yonne. On peut observer qu’une vue de repas au dehors permet au photographe d’inscrire son regard dans l’image ; il est seul à tourner les yeux vers l’objectif de son appareil et use peut-être d’un retardateur44 (Fig. 15). Les vues prises à l’occasion des funérailles de Stéphane Mallarmé sont significatives : les amis sont rassemblés, après la cérémonie, à l’extérieur d’une maison, le dimanche 11 septembre 1898 ; dans la même prise de vue, un portrait s’attache à Auguste Renoir qui ne semble pas pris dans les conversations échangées entre les autres membres du groupe. L’image saisit un état singulier de la personne : la persona ou les différents jeux possibles avec le masque postural – qu’il soit mis à distance ou oublié pour un instant – ont alors disparu. De fait, les prises de vues d’Alfred Natanson se débarrassent des indices de reconnaissance liés aux fonctions sociales et aux marqueurs de posture. On le voit par exemple avec des portraits d’Henri de Toulouse Lautrec, dans le même lieu et sans doute issus du même moment : le peintre lit son journal ou semble saisi au repos dans la quiétude d’une sieste postprandiale (Fig. 16). Le lien amical et la confiance sont alors ce qui se donne à voir. Plus encore, d’autres images ont l’intérêt de montrer parfois de singuliers portraits, eu égard aux normes du temps en matière de cadrage en particulier. (Fig 17). On peut ainsi penser à une prise qui représente les jeunes gens du mouvement dada en 1919, munis de moustaches et barbes postiches qui font d’eux des parodies de figures marquantes de la IIIe République (Fig 18). Mais surtout des portraits de Natanson, au cadrage extrêmement serré, paraissent ressaisir la personne, loin de tout autre élément relevant de la mise en scène ou de la posture. Ainsi ces figures célèbres identifiées par la légende – Félix Fénéon, vers 1899, Henri de Toulouse Lautrec ou Pierre Bonnard vers 1890 – sont dénuées de tout attribut, de tout contexte. Quand l’homme-œuvre s’absente parce que l’ami ne voit plus qu’un visage, l’inventivité photographique semble se développer.
Ainsi, Primoli pouvait mettre à distance les postures de ses amis, les saisir parfois dans une vue ironique contrastant avec leur place sociale, comme dans le cas de Degas sortant de la pissotière. Mais il photographiait aussi l’homme célèbre de dos, en jouant avec l’anonymat, comme dans ses photographies de rues faites dans les villes d’Italie. Martial Caillebotte donnait à voir des liens : celui de son frère avec le chien Bergère, loin du Louvre. Natanson propose les traits et des états momentanés de ses proches : la tristesse de Renoir par exemple, ou la singularité intime d’un visage vu de très près.
Fig. 14. Natanson. Déjeuner sur l’herbe. Avec Vuillard et Natanson. Vers 1893. Libre de droits
Fig. 15. Nantanson. Déjeuner au Relais. Vers 1898-1899. Libre de droits
Fig. 16. Henri de Toulouse-Lautrec. Vers
1898. Collection
Annette Vaillant
Fig. 17. Natanson. Ker-Xavier Roussel, Édouard Vuillard, Romain Coolus, Félix Vallotton. 1899. Libre de droits
Fig. 18. Dada 3, janvier 1919. Anonyme. © Paris, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet. Cliché Suzanne Nagy
À terme, il semble que les prises de vues de la période considérée donnent à voir des représentations de l’homme célèbre et manifestent les jeux multiples de mises en scène des écrivains et des peintres qui se développeront tout au long du XXe siècle. Dans ce contexte, les amateurs ouvrent aussi la voie d’une recherche photographique qui n’est pas près de s’interrompre. Le point de vue peut se faire subjectif et se marquer dans les choix esthétiques : le goût de scènes particulières, les jeux avec les codes les plus prégnants, ou des cadrages originaux. Les prises de vue témoignent d’un événement de la vie publique mais parviennent aussi à montrer des images du quotidien le plus banal.
La question n’est donc pas celle d’une vitesse de prise qui figerait le mouvement pour seulement construire des icones, immobilisant à jamais le flux de la vie, par et dans un instant, valant comme octroi d’éternité. Des empreintes d’un moment partagé avec l’opérateur sont sensibles, les marques d’une co-présence, les indices d’un état45. Comme l’écrit Jean-Pierre Montier : « une photographie instantanée, en tant que point de durée variable, ouvre sur les aspects subjectifs, qualitatifs, de la conscience temporelle »46.
[1] Les onze volumes comportent 100 000 photographies, des collotypes.
[2] Visible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dickson_Greeting
[3] Le britannique William Kennedy Laurie Dickson (1860-1935) a ainsi travaillé sur plusieurs matériels permettant de produire des images animées. Il a également proposé en 1894 un essai de film sonore basé sur le « Kinétophone » produit avec Thomas Edison : Violin Player [Le Joueur de Violon], visible en ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dickson_Experimental_Sound_Film
[4] Le mot vient du brevet déposé par Léon Bouly, en 1893, pour un appareil dérivé de la chronophotographie.
[5] On peut voir André GUNTHERT, « Daguerre ou la promptitude. Archéologie de la réduction du temps de pose », Études photographiques, n° 5, novembre 1998, p. 5-27. Ou les commentaires suscités par la nouvelle technique du collodion, valorisée à ce titre dans les textes du temps : « le collodion active à un tel point l'impression photographique, que l'on peut reproduire, par son emploi, l'image des corps animés d'un mouvement rapide, tels que les vagues de la mer soulevées par le vent, une voiture emportée sur un chemin, un cheval au trot, un bateau à vapeur en marche avec son panache de fumée et l'écume qui jaillit au choc de ses roues. » (Louis FIGUIER, « La Photographie », Les Merveilles de la science, Paris, Fume, Jouvet et Cie, t. III, 1869, p. 66 ; cité par André GUNTHERT, « La légende du cheval au galop », Romantisme, n° 105, octobre 1999, p. 23-34, p. 25 pour la citation).
[6] Albert LONDE, La Photographie instantanée, Paris, Gauthier-Villars, 1886, p. 122.
[7] Visible en ligne :
https://en.wikipedia.org/wiki/File:L%27Arrivee_d%27un_train_en_gare_de_la_Ciotat,_1895.ogv
[8] Lartigue (1894-1986) constitue dès son enfance une œuvre photographique colossale découverte seulement au milieu des années 1960. Richard Avedon en a fait un superbe livre : Jacques-Henri LARTIGUE et Richard AVEDON, Diary of a century, Viking, 1970, également publié en France : Instants de ma vie, avec une postface de Richard Avedon, Paris, Chêne, 1970.
[9] Maxime GORKI, « Le Cinématographe Lumière », Valérie Pozner (trad.), 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, n° 50, décembre 2006, p. 121-125, p. 121 pour la citation. Voir également I.M. PACATUS [Maxime GORKI], « Brèves remarques », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], http://journals.openedition.org/1895/494 ainsi que Valérie POZNER, « Gorki au cinématographe : ‘J’étais hier au royaume des ombres’… », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, n° 50, décembre 2006, p. 89-113. En ligne : http://journals.openedition.org/1895/1232
[10] Maurice MERLEAU-PONTY, L'Œil et l'esprit, Paris, Gallimard, 1964, p. 79-80.
[11] On peut lui opposer sur ce point le travail de Gombrich qui indique : « Si la perception, à la fois du monde visible et des images n’était pas un processus temporel, un processus particulièrement lent et complexe, les images statiques ne pourraient stimuler en nous les souvenirs et les anticipations du mouvement ». Ernst- Hans GOMBRICH, « Moment and Movement in art », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1964 ; repris dans The Image of the Eye. Further Studies in the Psychology of Picturial Representation [1982], Londres, Phaïdon, 1999, p. 61 pour la citation.
[12] Et ce, dès la parution de l’Essai sur les données immédiates de la conscience d’Henri Bergson en 1889 chez Félix Alcan. Voir en particulier le chapitre II : « De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée ».
[13] Arnaud CLAASS, Du Temps dans la photographie, Paris, Filigranes éditions, 2014, p. 12 pour les deux citations.
[14] Laurent GUIDO & Olivier LUGON (dir.), Fixe/Animé. Croisements de la photographie et du cinéma au XXe siècle,Lausanne, L’âge d’homme, 2010.
[15] Eugène ESTANAVE, « Images changeantes à deux et trois aspects sur plaque autostéréoscopique », CRAS, séance du 10 janvier 1910, t. 150, p. 95, cité par Kim TIMBY, « Images en relief et images changeantes. La photographie à réseau ligné », Études photographiques, n°9, mai 2001, p. 124-147, note 25. L’article donne à voir de nombreuses images produites par Estanave avec ce système. En ligne : https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/246?lang=en
[16] Kim TIMBY, « ‘Le Cinéma dans une seule image’. Le portrait animé des années 1910 », Fixe/Animé. Croisements de la photographie et du cinéma au XXe siècle, op. cit., p. 117-131, p. 126 pour la citation. On peut voir également : Kim TIMBY, « Images en relief et images changeantes. La photographie à réseau ligné », Études photographiques, n°9, mai 2001, p. 124-147.
[17] Émile ZOLA, Le Roman expérimental [1880] in Œuvres complètes, Henri MITTERAND, Claude BONNEFOY et al. (éd.), t. VII, Paris, Cercle du livre précieux, 1968, p. 1297 pour la citation.
[18] En particulier Renan, Edmond de Goncourt, Émile Zola, Guy de Maupassant, Huysmans, Anatole France, Octave Mirbeau, Maurice Barrès ou Verlaine et Mallarmé. Sur le développement de ces enquêtes voir en particulier Marie-Ève THÉRENTY, « Sacre de l’événement/sacrifice de l′écrivain. Les enquêtes littéraires dans le quotidien avant l’affaire Dreyfus », in Martine LAVAUD et Marie-Ève THÉRENTY (dir.), L’Interview d’écrivain, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2004. En ligne : http://books.openedition.org/pulm/320
[19] Voir pour le développement au cours du siècle du régime de l’enquête : Dominique KALIFA, « Enquête et ‘culture de l’enquête’ au XIXe siècle » in Romantisme, Paris, Armand Colin, 2010/3, n°149, p. 3-23.
[20] Philippe LEJEUNE, Je est un autre : l'autobiographie de la littérature aux médias, Paris, Seuil, 1980.
Ainsi que Jean-Marie SEILLAN,« Identité générique et contraintes éditoriales : l’exemple de l’interview littéraire à la fin du XIXe siècle », Loxias, n°4, mars 2004. En ligne : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=31. Voir également sur cette question Martine LAVAUD et Marie-Ève THÉRENTY, « Avant-propos », L’Interview d’écrivain, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, op. cit. En ligne : https://books.openedition.org/pulm/314
[21] Philippe LEJEUNE, op. cit. , p. 109.
[22] Olivier NORA, « La visite au grand écrivain » in Les lieux de mémoire : la nation, Pierre Nora (dir.), Paris, Gallimard, 1986, t. II, p. 563-587.
[23] Nathalie HEINICH, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005.
[24] Voir Jean-Yves MOLLIER et Jocelyne GEORGE, La Plus Longue des Républiques (1870-1940), Paris, Fayard, 1994, p. 325.
[25] Guy de MAUPASSANT, « Maison d’artiste », Le Gaulois du 12 mars 1881, p. 2-13. En ligne : https://fr.wikisource.org/wiki/Maison_d%E2%80%99artiste
[26] Voir le travail de Jérôme MEIZOZ. En particulier : Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine, « Érudition », 2007 ; La Fabrique des singularités. Postures II, Genève, Slatkine, « Érudition », 2011 et Jérôme MEIZOZ, « Cendrars, Houellebecq : Portrait photographique et présentation de soi », Le Portrait photographique d'écrivain, COnTEXTES, Revue de sociologie de la littérature, n°14, 2014. En ligne : http://journals.openedition.org/contextes/5908.
[27] La diffusion de nombreuses photographies de Hugo, en exil à Jersey, entre aout 1852 et octobre 1855 a été exemplaire à cet égard. L’atelier de photographie installé à Marine Terrace par Auguste Vacquerie, Charles et François-Victor Hugo, se consacrait au portrait afin de développer en France la diffusion des images du poète absent.
[28] Voir en particulier le numéro d’Image & Narrative, dirigé par David MARTENS et Anne REVERSEAU et dédié à Jean-Pierre MONTIER, sur les Figurations iconographiques de l'écrivain/Iconographic figurations of the writer, Image & Narrative, Vol. 13, n° 4, 2012. En ligne :
http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/issue/view/26.
[29] Pascal DURAND, « De Nadar à Dornac », Le portrait photographique d’écrivain, Jean-Pierre BERTRAND, Pascal DURAND et Martine LAVAUD (dir.), COnTEXTES, n°14, 2014. En ligne :
[30] La série se poursuivant bien au-delà, on pense à Robert Capa en visite à Cimiez en 1949, quand Matisse prépare les dessins pour la Chapelle de Vence.
[31] Elizabeth EMERY, Le Photojournalisme et la naissance des maisons-musées d'écrivains en France. 1881-1914 [2012], Dominique PETY (préf.), Jean KEMPF et Christine KIEHL (trad.), Chambéry, Presses universitaires Savoie Mont Blanc, 2016.
[32] Olivier NORA, « La visite au grand écrivain », art. cit., p. 575.
[33] Film de la famille Greffulhe : mariage d'Armand de Guiche et Élaine Greffulhe, Centre national du cinéma et de l'image animée, 1904. En ligne : http://poleproust.hypotheses.org/1483#more-1483.
[34] Voir la contestation de cette identification supposée dans un article d’André GUNTHERT, « Voir Proust », L’Image sociale, Carnet de recherches, 21 février 2017. En ligne : https://imagesociale.fr/4121
[35] C’est ce que montre le titre de l’article défendant la reconnaissance du jeune Proust dans le film : Jean-Pierre SIROIS-TRAHAN, « Un spectre passa… Marcel Proust retrouvé », Revue d’études proustiennes, n° 4, 2016-2, p. 19-30.
[36] Albert LONDE, La Photographie instantanée, Paris, Gauthier-Villars, 1886 ou Josef-Maria EDER, La Photographie instantanée. Son application aux arts et aux sciences, trad. de l’allemand par O. Campo, Paris, Gauthier-Villars, 1888.
[37] Voir André GUNTHERT, « Photographie et temporalité. Histoire culturelle du temps de pose », Images Re-vues, Hors-série n°1, 2008, En ligne : http://journals.openedition.org/imagesrevues/743
[38] Roberta INNAMORATI & Enrico VALERIANI, (éd.), Giuseppe Primoli, fotografo europeo, Rome, Edizioni Quasar, 1982.
[39] Marcel PROUST, À l'Ombre des jeunes filles en fleurs, Pierre-Louis REY (éd.), Paris, Gallimard, « Blanche », 1992, t. II, p. 110.
[40] Ce corpus a donné lieu à une exposition à Turin en 2015.
[41] Louis MARIN, « Le présent de la présence », préface au livre de Denis BERNARD et André GUNTHERT, L'Instant rêvé. Albert Londe, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1993, p. 18.
[42] Un disque a été enregistré en 2011 pour faire connaître ses compositions.
[43] Voir sur cette exposition la présentation et le film sur le site du Musée. En ligne : https://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/dans-lintimite-freres-caillebotte-0
[44] L’un des modèles de retardateur les plus anciens, l’Autopoze est breveté en 1902 aux États-Unis. Le retardateur Kodak est introduit en 1918, comme l’indique André GUNTHERT : « La consécration du selfie », Études photographiques n°32, Printemps 2015. En ligne : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3529. Cependant Misia ayant divorcé de Thadée Natanson en 1905, on peut hésiter vu la date donnée pour le référencement de la photographie.
[45] Voir le travail de Peter Wollen qui distingue différents genres photographiques en termes d’« aspect » : Peter WOLLEN : « Feu et glace », Photographies, nº 4, p. 17-21.
[46] Jean-Pierre MONTIER, « La photographie… ‘dans le Temps’. De Proust à Barthes et réciproquement » in Proust et les images. Peinture, photographie, cinéma, vidéo, Jean CLÉDER & Jean-Pierre MONTIER (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 69-114, p. 82 pour la citation.
Résumé
Le tournant des années 1880 est marqué par le développement de la photographie instantanée. Le film Dickson Greetings (1891) put par ailleurs être considéré comme le premier film, avant le cinématographe des Frères Lumière (1895). Pourtant, au-delà d’une saisie chronologique du temps, du mouvement et de la vitesse, une autre conception est à l’œuvre, d’ordre mémoriel, sur le modèle, selon une formulation bergsonienne, d’un empilement de strates. Il semble alors que l’image recèle et donne à voir un moment partagé lors de la prise de vues. L’étude des enjeux liés aux visites à l’écrivain ou au peintre, comme l'observation des productions de photographes amateurs (Primoli, Martial Caillebotte, Natanson), permettent de saisir quelques spécificités de ce moment historique.
Abstract
The turn of the 1880s sees the invention and rise of instant photography. Dickson Greetings (1891), which records the movement of a human arm, has been acknowledged as the very "first" movie, and before the "cinématographe" of the Lumière brothers is invented, with the first projection happening in 1895. These two technological innovations are imbued by a desire to grasp movement and speed, in a time where the idea of Progress is prevalent. However, it is not only a matter of a linear and chronological idea of time, but also a notion centered on memory, on a superposition of strata – to use a contemporary Bergsonian phrasing. It seems then that image can hold – and show the audience – a shared moment, that of the filming. Some specific aspects of this moment in history can be better understood through the study of the visits to writers or painters and published in the press, as well as through the productions of three amateur photographers – Primoli, Martial Caillebotte and Natanson.
Dominique MASSONNAUD
UHA / ILLE
BERGSON, Henri, Essai sur les données immédiates de la conscience, Paris, Félix Alcan, 1889.
CLAASS, Arnaud, Du Temps dans la photographie, Paris, Filigranes éditions, 2014.
DURAND Pascal, « De Nadar à Dornac », Le portrait photographique d’écrivain, Jean-Pierre BERTRAND, Pascal DURAND et Martine LAVAUD (dir.), COnTEXTES, n°14, 2014. En ligne : http://journals.openedition.org/contextes/5933.
EDER, Josef-Maria, La Photographie instantanée. Son application aux arts et aux sciences, trad. de l’allemand par O. Campo, Paris, Gauthier-Villars, 1888.
EMERY, Elizabeth, Le Photojournalisme et la naissance des maisons-musées d'écrivains en France [2012], 1881-1914, Dominique PETY (préf.), Jean KEMPF et Christine KIEHL (trad.), Chambéry, Presses universitaires Savoie Mont Blanc, 2016.
FIGUIER, Louis, « La Photographie », Les Merveilles de la science, t. III, Paris, Fume, Jouvet et Cie, 1869.
GOMBRICH, Ernst- Hans, « Moment and Mouvement in art », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1964, repris dans The Image of the Eye. Further Studies in the Psychology of Picturial Representation [1982], Londres, Phaïdon, 1999.
GORKI, Maxime, « Le Cinématographe Lumière », Valérie Pozner (trad.), 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, n° 50, décembre 2006, p. 121-125.
— [Pseud. I.M. PACATUS], « Brèves remarques », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], http://journals.openedition.org/1895/494.
GUIDO, Laurent & LUGON, Olivier (dir.), Fixe/Animé. Croisements de la photographie et du cinéma au XXe siècle, Lausanne, L’âge d’homme, 2010.
GUIDO, Laurent & LUGON, Olivier (dir.), Fixe/Animé. Croisements de la photographie et du cinéma au XXe siècle, Lausanne, L’âge d’homme, 2010.
GUNTHERT, André, « Daguerre ou la promptitude. Archéologie de la réduction du temps de pose », Études photographiques, n° 5, novembre 1998, p. 5-27.
— « La légende du cheval au galop », Romantisme, n° 105, octobre 1999, p. 23-34.
— « Photographie et temporalité. Histoire culturelle du temps de pose », Images Re-vues, Hors-série n°1, 2008, en ligne : http://journals.openedition.org/imagesrevues/743.
— « La consécration du selfie », Études photographiques, n° 32, Printemps 2015. En ligne : http://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3529.
— « Voir Proust », L’Image sociale, Carnet de recherches, 21 février 2017. En ligne : https://imagesociale.fr/4121.
—, et BERNARD, Denis, L’Instant rêvé. Albert Londe, avec préface de Louis MARIN, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1993.
HEINICH, Nathalie, L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », 2005.
INNAMORATI, Roberta & VALERIANI, Enrico, (éd.), Giuseppe Primoli, fotografo europeo, Rome, Edizioni Quasar, 1982.
KALIFA, Dominique, « Enquête et ‘culture de l’enquête’ au XIXe siècle » in Romantisme, Paris, Armand Colin, 2010/3, n° 149, p. 3-23.
LARTIGUE Jacques-Henri & Richard AVEDON, Diary of a century, Viking Press, 1970.
— Instants de ma vie, avec une postface de Richard AVEDON, Paris, Chêne, 1970.
LAVAUD, Martine & THÉRENTY, Marie-Ève, « Avant-propos », L’Interview d’écrivain, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, n° 10, 2004. En ligne : https://books.openedition.org/pulm/314.
LEJEUNE, Philippe, Je est un autre. L'Autobiographie de la littérature aux médias, Paris, Seuil, 1980.
LONDE, Albert, La Photographie instantanée, Paris, Gauthier-Villars, 1886.
MARTENS, David & REVERSEAU, Anne (dir.), Figurations iconographiques de l'écrivain/Iconographic figurations of the writer, numéro dédié à Jean-Pierre MONTIER, Image & Narrative, Vol. 13, n 4, 2012. En ligne :
http://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/issue/view/26.
MAUPASSANT, Guy de, « Maison d’artiste », Le Gaulois, 12 mars 1881, p. 2-13. En ligne : https://fr.wikisource.org/wiki/Maison_d%E2%80%99artiste.
MEIZOZ, Jérôme, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur, Genève, Slatkine, « Érudition », 2007.
— La Fabrique des singularités. Postures II, Genève, Slatkine, « Érudition », 2011.
— « Cendrars, Houellebecq : Portrait photographique et présentation de soi », Le Portrait photographique d'écrivain, COnTEXTES, Revue de sociologie de la littérature, n° 14, 2014. En ligne : http://journals.openedition.org/contextes/5908.
MERLEAU-PONTY, Maurice, L'Œil et l'esprit, Paris, Gallimard, 1964.
MOLLIER, Jean-Yves & GEORGE, Jocelyne, La Plus Longue des Républiques (1870-1940), Paris, Fayard, 1994.
MONTIER, Jean-Pierre, « La photographie… ‘dans le Temps’. De Proust à Barthes et réciproquement » in Proust et les images. Peinture, photographie, cinéma, vidéo, Jean CLÉDER & Jean-Pierre MONTIER (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003, p. 69-114.
NORA, Olivier, « La visite au grand écrivain » in Les lieux de mémoire : la nation, Pierre Nora (dir.), Paris, Gallimard, 1986, t. II, p. 563-587.
POZNER, Valérie, « Gorki au cinématographe : ‘J’étais hier au royaume des ombres’… », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, n° 50, décembre 2006, p. 89-113. En ligne : http://journals.openedition.org/1895/1232.
PROUST, Marcel, À l'Ombre des jeunes filles en fleurs, Pierre-Louis REY (éd.), Paris, Gallimard, « Blanche », 1992, t. I et II.
SEILLAN, Jean-Marie, « Identité générique et contraintes éditoriales : l’exemple de l’interview littéraire à la fin du XIXe siècle », Loxias, n°4, mars 2004. En ligne : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=31.
SIROIS-TRAHAN, Jean-Pierre, « Un spectre passa… Marcel Proust retrouvé », Revue d’études proustiennes, n° 4, 2016-2, p. 19-30.
TIMBY, Kim, « ‘Le Cinéma dans une seule image’. Le portrait animé des années 1910 », Fixe/Animé. Croisements de la photographie et du cinéma au XXe siècle, Laurent GUIDO, Olivier LUGON (dir.), Lausanne, L’âge d’homme, 2010, p. 117-131,
— « Images en relief et images changeantes. La photographie à réseau ligné », Études photographiques, n° 9, mai 2001, p. 124-147. En ligne : https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/246?lang=en.
THÉRENTY, Marie-Ève, « Sacre de l′événement/sacrifice de l′écrivain. Les enquêtes littéraires dans le quotidien avant l′affaire Dreyfus », in Sylvie TRIAIRE, Marie BLAISE, Marie-Ève THÉRENTY, (dir) L’Interview d’écrivain. Figures bibliques d’autorité, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2004. En ligne : http://books.openedition.org/pulm/320.
ZOLA, Émile, Le Roman expérimental [1880] in Œuvres complètes, Henri MITTERAND, Claude BONNEFOY et al. (éd.), t. VII, Paris, Cercle du livre précieux, 1968.