La série The Young Pope, écrite par Paolo Sorrentino et Umberto Contarello, tournée par l’écrivain et réalisateur oscarisé,1 et produite par Hech Be O et Canal+, a été diffusée en 2016, en dix épisodes. En 2017, elle a eu un sequel, The New Pope, d’une durée presque identique (neuf épisodes), mais pour des raisons de temps et aussi de cohérence interne, mon intervention va se concentrer sur la première série.
Comme on le sait, The Young Pope met en scène le pontificat d’un jeune pape américain, Lenny Belardo (Jude Law), 47 ans, élu de manière inattendue par un conclave divisé entre le candidat du courant progressiste, le pragmatique et puissant secrétaire d’État Voiello (Silvio Orlando), et celui des conservateurs, le rigoureux théologien américain Spencer (James Cromwell), qui est en quelque sorte le guide spirituel de Belardo. En commençant par le nom choisi (Pio XIII), le nouveau pape indique son désir de s’inspirer d’ une tradition éloignée du contemporain, et il se montre assez excentrique par rapport aux usages et aux formalités de la Curie : il refuse de se montrer en public, il reporte le traditionnel discours aux cardinaux, il ne suit pas les indications sur la conduite politique de l’Église que lui suggère Voiello, et il s’entoure d’outsider, comme le « mystique » Monseigneur Bernardo Gutierrez (Javier Camara), avec qui il a des conversations théologiques, le naïf Tommaso Viglietti, confesseur de tous les cardinaux de la Curie, qu’il utilise pour apprendre les secrets du Vatican, et surtout sa secrétaire personnelle Sister Mary (Diane Keaton), la directrice de l’orphelinat auquel il avait été confié enfant par ses deux parents hippies. Cet événement se révèle central dans l’expérience de Belardo, qui ne s’est jamais remis de la « blessure profonde » de cet abandon : d’une part, il rêve, imagine et parfois tente de retrouver ses parents, dont les traces faibles mènent à Venise ; d’autre part, il est fortement influencé par le « vide profond » de cette absence des figures parentales même dans sa propre conception de Dieu et dans la direction hyper-régressive qu’il donne à son pontificat.
En fait, il veut rétablir l’autorité de Dieu dans l’Église, entourer sa propre personne d’une allure de mystère, restaurer la liturgie tridentine, nourrir un sentiment d’attente, et il se montre également rigide sur des principes tels que l’interdiction absolue de l’avortement (et même du divorce), l’aversion pour les homosexuels (mis dans le même sac que les pédophiles) et les lois sur la fin de vie. Ce n’est que dans les trois derniers épisodes de la série, et notamment après le meurtre de son ami de collège Dussolier (Scott Shepherd) et la mort de Spencer, que Pie XIII montre un adoucissement progressif de son comportement: il accepte de se rendre en Afrique pour son premier voyage pastoral, de différencier les homosexuels des pédophiles, et d’inaugurer une relation avec les fidèles dans laquelle trouve sa place une conception de Dieu comme amour, charité et compréhension de l’autre, plutôt que comme la menace d’un père mystérieux, distant et sévère.
La série étant centrée sur le pape et les vicissitudes de la curie, il n’est pas surprenant que la basilique Saint-Pierre y apparaisse plusieurs fois, mais une analyse visant à déterminer si la cathédrale est simplement un lieu dans le décor ou si elle prend des significations particulières dans l’économie complexe de l’œuvre ne peut ignorer certaines distinctions, et doit tenir compte d’un fait surprenant.
Il s’agit du fait que la série s’ouvre et se ferme sur une « cathédrale », ou plutôt sur une basilique, mais qu’il ne s’agit pas de Saint-Pierre, mais de Saint-Marc à Venise : dans la scène d’ouverture, dans ce qui s’avérera être un rêve du pape nouvellement élu, nous voyons en effet Belardo émerger à travers une pyramide humaine d’enfants apparemment morts, « empilés » devant la porte de la basilique Saint-Marc : un signe, qui s’éclaircira avec le temps, de la centralité que le traumatisme de l’abandon dans l’enfance conserve pour le nouveau pontife, qui est littéralement généré par cette expérience, tout comme le lieu vénitien acquiert une signification par rapport aux traces minimales laissées par ses parents.
La basilique revient, sous forme de rêve ou d’imagination, deux fois encore au cours de la série : au début du septième épisode, lorsque, pour tenter de refermer cette blessure qui s’avère déstabilisante, on fait croire au pape que ses parents se sont révélés en lui envoyant l’embout de la pipe que son père lui avait laissée au moment de son abandon et qu’il avait ensuite perdue, de sorte que, dans l’attente de la rencontre avec le couple, qui s’avérera par la suite être une imposture, il rêve de la même montagne d’enfants, d’où émerge cette fois la mère, et d’une étreinte avec ses parents. Et dans le dernier épisode, lorsque, en regardant des enfants endormis dans les musées du Vatican, il s’imagine comme un enfant, seul, la nuit, sur la place Saint-Marc.
Mais il est encore plus significatif que ce soit dans ce même lieu, cette fois « réel », que la série s’achève, avec le discours « de réconciliation et d’ouverture » que Pie XIII prononce du balcon de la basilique sur une place finalement pleine de fidèles, parmi lesquels il cherche avec un télescope le couple de ses parents: et, les ayant trouvés, il est terrassé par une malaise, qui clôt la série et fait planer le suspense sur le sort di pape, dont la chute dans un coma irréversible est révélée dans la suite.
Plus encore que l’incipit onirique, ce final « réel » de la série permet d’analyser la fonctionnalisation des espaces du Vatican, à condition de les distinguer en au moins cinq typologies :
a) la basilique proprement dite, elle-même articulée en extérieurs et intérieurs ;
b) la Chapelle Sixtine, distincte et séparée de la basilique, en tant que chapelle principale du Palais Apostolique, mais potentiellement investie elle aussi d’une signification symbolique, tant en raison de l’extraordinaire notoriété de son appareil figuratif, que de sa fonction de siège actuel du conclave (et c’est ainsi qu’elle apparaît dans le 1er épisode du sequel The new Pope)
c) les Musées du Vatican ;
d) le palais apostolique, avec le bureau et les appartements du pape ;
e) les jardins du Vatican (et de Castel Gandolfo).
Examinons-les rapidement mais en détail, en nous concentrant en particulier, en raison du thème de la conférence, sur le premier d’entre eux, mais en considérant que sa signification s’éclaire aussi en fonction des autres.
Commençons par l’extérieur de la basilique.
Parmi les images de la basilique, certaines ont une fonction référentielle, métonymique et connective : il s’agit principalement des tournages « extérieur-jour » de l’ensemble du complexe, dans lesquels la coupole de Michel-Ange se détache naturellement, et qui servent essentiellement à indiquer au spectateur que ce que nous allons voir se déroule au Vatican, compris comme un décor générique (peut-être après des séquences se déroulant ailleurs).
D’autres extérieurs sont plus significatifs : en particulier, ceux consacrés à (ou centrés sur) la place, filmés, à l’exception du premier discours de Pie XIII après l’élection, comme essentiellement vides : ce vide est le résultat de l’abandon progressif des fidèles rejetés par les attitudes et les politiques du pape, mais il a peut-être parfois une autre signification, qui fait allusion non pas à l’absence des fidèles, mais à quelque chose d’autre. Ce que nous allons examiner en détail.
a) Elle apparaît immédiatement, dans le premier épisode, remplie de fidèles attendant de rencontrer le nouveau pape, qui s’adresse à eux de manière très dure (« qu’avons-nous oublié ? nous avons oublié Dieu »). On ne découvre qu’à la fin du discours qu’il n’a été que rêvé, ou imaginé, par Belardo.
b) Dans le deuxième épisode, le discours est effectivement prononcé : la place est pleine de fidèles de plus en plus heurtés par les paroles dures du pape : Sorrentino nous montre une fille dans la foule, les journalistes, la silhouette de Belardo, qui a disposé les lumières de manière à cacher son visage. Le discours prononcé est exactement celui que le pape avait imaginé dans le premier épisode : Belardo dit « vous avez oublié Dieu ! », il exprime son mépris pour ceux qui ont des doutes sur Dieu, il nie la liberté et l’émancipation ; la pluie et les éclairs tombent sur la place, symboliquement.
c) Dans le 3e épisode, la place apparaît vide et un peu plus loin avec seulement Ester, la jeune fille épouse du garde suisse Pierre, incapable d’avoir des enfants et maîtresse d’un préposé à la personne du pontife; la signification de cette présence sera bientôt claire : alors que le reste des fidèles se sent progressivement rejeté et éloigné de l’Église de Belardo, quelques âmes choisies saisissent son charme, devinent ou pressentent son caractère sacré et voient en lui une émanation directe de la divinité: ce n’est pas un hasard si, au cours de la série, Ester sera remise sur le droit chemin du mariage et sur celui de la prière authentique et non pas rituelle, pour devenir l’objet du premier « miracle » de Belardo, en tombant finalement enceinte de son mari.
d) Dans le 5e épisode, la place et la basilique forment la toile de fond de la Via della Conciliazione lorsque Belardo – ainsi que son homologue dans Habemus papam (2011) de Moretti– sort la nuit avec son vieil ami Dussolier, et lorsqu’ils discutent sur le pont. Cependant, il est intéressant ici que la banale excursion à la recherche de cigarettes produise une rencontre (chaste) dans le hall d’un hôtel avec une escorte qui voit la lumière de Dieu dans les yeux du pape (qui est en costume et méconnaissable dans sa fonction). Je dis intéressant parce que si, comme l’interprètent les critiques, cette aventure réécrit la rencontre du Christ avec la prostituée, alors l’éloignement de Saint-Pierre n’est pas l’habituelle fuite temporaire du fardeau de la responsabilité (comme l’interprète Voiello), mais l’occasion d’une réécriture moderne de l’Évangile qui a lieu précisément en dehors et loin des lieux du rituel et du culte.
e) Ces derniers lieux apparaissent plutôt désolément vides, dans le sixième épisode, d’abord au crépuscule, alors que des enfants de chœur se promènent devant la place ; puis la nuit, avec des garçons qui jouent en lançant des frondes lumineuses vers le ciel. Dans cette atmosphère crépusculaire, le jeune Sanchez, un homosexuel non admis à la prêtrise en raison de la nouvelle enquête très stricte sur les aptitudes sexuelles des candidats (note : sur les aptitudes, pas les pratiques) ordonnée par Belardo, par « vengeance » se tue en se jetant de la balustrade de la terrasse de la basilique. Attention, car, avant cet épisode, la terrasse de la basilique était un autre lieu « fonctionnalisé », comme le site des conversations isolées de Belardo avec Thomas, le confesseur de la Curie, grâce auxquelles il apprend tout ce qui se passe au Vatican, mais qu’il « récompense », non seulement par la promesse d’un cardinalat, mais aussi par des réponses « mystiques » sur la demeure de Dieu, souvent données en regardant le ciel. Nous sommes au point culminant des contradictions du pontificat de Belardo, et aussi de celles déclarées par Sorrentino : d’une part, il semble exalter le pouvoir du pape de réinventer et de redécouvrir la foi en dehors des lieux et des rituels banals et vides; d’autre part, dans le suicide de Sanchez, il « enregistre », pour ainsi dire, comment le rigorisme théologique de Belardo aliène et exclut précisément l’ecclesia, comprise comme communauté, la vide de ses fidèles et fait des victimes innocentes.
f) Dans le septième épisode, son ami Dussolier le lui fera remarquer depuis la même terrasse, lorsqu’il lui reproche son manque de piété et qu’il lui demande de pouvoir retourner au Honduras. Il s’agit en effet d’un nouvel « éloignement » provoqué par Belardo, qui s’avérera définitif et tragique, puisque Dussolier y trouvera lui aussi la mort aux mains d’un trafiquant de drogue, qui se venge cependant non pas de son intransigeance morale, mais de sa liaison avec sa femme. Dans le même épisode, la place Saint-Pierre apparaît enfin pleine, mais seulement lorsque Spencer l’imagine au moment où le pape est en train de répéter son discours, puisque l’intransigeance de Belardo a maintenant décidé la Curie à conspirer contre lui et à se débarrasser de lui en lui faisant signer sa démission à son insu.
g) Alors qu’elle est encore presque déserte le huitième épisode, avec seulement quelques fidèles qui écoutent la messe récitée en latin et de dos, selon la liturgie tridentine. Cependant, le premier voyage pastoral que Belardo est décidé à effectuer dans ce même épisode produit la bonne nouvelle d’une augmentation des demandes d’audience sur la place Saint-Pierre, signalant comment l’adoucissement progressif du pape ouvre une nouvelle saison dans les relations qu’il entretient avec la communauté des fidèles.
h) À vrai dire, la place apparaît encore vide, le soir, dans le dernier épisode, mais ce qui compte ici, c’est plutôt la neige qui y tombe, qui est un symbole de beauté (comme l’indique une déclaration de Belardo aux enfants dans le musée) plutôt que de gel.
Parlons maintenant un peu de l’intérieur de la basilique, qui n’apparaissent que quatre fois dans la série, et ils sont toujours associés à la présence du « mystique » Bernardo Gutierrez, pratiquement le seul représentant de la curie pour lequel le pape a de l’affection ; dans trois d’entre eux, le pape apparaît avec Bernardo, et dans un seul, les deux sont en compagnie d’autres personnes :
a) la première apparition a lieu dans le premier épisode, avec une image de la Pietà de Michel-Ange, que le pape contemple en compagnie de Bernard, engagé dans une conversation « sincère », dans laquelle il parle de sa mère (« on finit toujours par la mère ») et confirme son aversion pour les touristes « parce qu’ils ne font que passer » ; la scène doit être mise en relation et en contraste avec celle qui précède immédiatement, dans laquelle il ouvre accidentellement une porte menant aux Musées du Vatican, se retrouvant devant le flot de touristes et les évitant immédiatement.
b) La deuxième occurrence est similaire : nous trouvons à nouveau le pape seul avec Gutierrez, le sujet est à nouveau théologique, et concerne la lumière et la vocation. À cette occasion, la même basilique apparaît également dans un flash-back qui nous ramène au moment de la vocation de Gutierrez, lorsqu’y apparaît une jeune femme qui, filmée de dos par la caméra, se révèle être la Vierge Marie.
c) L’intérieur de la basilique, sous la forme d’une chapelle recouverte de marbre, réapparaît dans le quatrième épisode, dans lequel nous retrouvons le pape et Gutierrez, mais cette fois alors que le premier participe malgré lui à une cérémonie de baptême, au cours de laquelle, après avoir baigné le front des nouveau-nés, il répète automatiquement « elle te ressemble » avant même de regarder les parents, de sorte qu’il commet une gaffe en disant cela, à propos d’une fille noire, à une mère blanche.
d) Dans le même épisode, la basilique Saint-Pierre apparaît à nouveau : Bernard Gutierrez, après avoir accepté à contrecœur la mission du pape de se rendre à New-York pour traiter l’affaire Kurtwell, a, encore une fois, dans une chapelle de la basilique une vision de la Vierge qui le rassure partiellement, en lui disant qu’elle continuera à protéger l’enfant qu’il était.
L’espace de la basilique semble donc être réservé par Sorrentino à la plus grande sacralité, étant associé à la figure qui, du moins aux yeux du pape, la représente le mieux au sein de la Curie, à savoir Gutierrez. Ce caractère sacré apparaît toutefois incompatible avec la présence d’autrui, même avec un rite aussi fondateur du christianisme que le baptême : l’épisode peut être interprété comme un signe de l’antipathie spontanée (ou l’envie) que Belardo éprouve pour les enfants qui ont (encore) des parents, mais il s’inscrit dans un système où, comme nous le verrons dans un instant, les personnes en chair et en os, surtout dans leur dimension collective, sont exclues ou éloignées du sacré et de ses lieux, ou, si elles y sont, sont vécues par le pape avec agacement.
Dans la série il y a également quatre occurrences de la chapelle Sixtine, mais elles sont beaucoup plus longues :
- La première, dans l’épisode 5, se produit à l’occasion de la première allocution aux cardinaux, très attendue ; elle voit l’entrée solennelle du pape, revêtu de tous ses ornements (entrecoupée du souvenir de ses parents lorsqu’ils l’accompagnaient à l’orphelinat), et puis le manifeste politique de Pie XIII. Il s’élève contre l’œcuménisme et la tolérance et déclare que l’Église, charisme de la vérité, n’a aucune raison de regarder vers l’extérieur et doit redevenir interdite ; que le fanatisme est amour ; que l’Église est devenue populaire grâce à l’estime et l’amitié, mais qu’il veut l’amour absolu et la dévotion totale à Dieux. Il professe encore que quelques personnes dignes de confiance valent mieux que de nombreux cœurs vidés de Dieu, que le péché n’est plus pardonnable ad libitum, que ce ne sont pas la courtoisie et les bonnes manières qui comptent, mais seulement l’obéissance. Il ajoute qu’il ne négociera pas, qu’il n’est pas soumis au chantage et que tout compromis est proscrit, comme pour Jésus sur la croix.
- Dans le sixième épisode, la chapelle Sixtine revient pour une nouvelle rencontre entre le pape et les cardinaux, et dans le neuvième il y a la discussion théologique entre Spencer et le Pape qui défend l’idée que l’avortement est un crime ; dans le dixième, nous assistons à l’investiture comme cardinal du confesseur Tommaso, accomplissement tardif d’une promesse toujours reportée (ce qui permettra à Viglietti d’être élu pape dans The new Pope).
Ainsi, la Sixtine est-elle caractérisée comme le lieu des cérémonies officielles au sein de la Curie, et aussi comme le lieu « politique » ; même le dialogue avec Spencer diffère des conversations avec Bernard dans la basilique parce que dans la Sixtine nous assistons à une confrontation dure, concernant la doctrine et la politique, et non à une conversation détendue et amicale qui a pour objet la vocation et la présence réelle de Dieu dans la vie des deux protagonistes.
a) Les Musées du Vatican apparaissent dans le premier épisode, d’une manière très significative : Belardo, qui ne connaît pas encore le Palais Apostolique, ouvre une porte et se retrouve face au flot de touristes ; il est alors aperçu par un enfant qui, le reconnaissant, s’exclame « le pape ! », sans que les autres ne s’en aperçoivent avant que Belardo ne referme la porte. Cette scène est intéressante car le pape refuse d’entrer en relation avec le « plein » d’humains que lui offre l’expérience touristique.
b) Cette attitude est confirmée dans la deuxième occurrence des Musées, dans le dernier épisode. On dit d’abord au pape qu’il devra guider les enfants dans la visite ; plus tard, le jour venu, le pape, qui est déjà en route pour la « conciliation », fait face aux enfants avec une attitude apathique et ennuyée, au point qu’il les gronde en disant que s’il pleut, c’est leur faute car ils se sont manifestement mal comportés et qu’ils ont fait pleurer le ciel ; les enfants en sont mortifiés et commencent à pleurer, vainement réconfortés par la tentative maladroite de Belardo de dire qu’il plaisantait. La tension est telle que l’attaché de presse est obligé de les emmener en leur promettant des chips et des bonbons, et en envoyant un regard désapprobateur au pape. Peu après, Belardo dialogue avec un enfant qui regarde le tableau de la femme barbue qui allaite, puis observe deux d’entre eux, endormis sur un canapé, et dont les corps forment une croix : une scène qui ravive le souvenir de l’enfant qu’il était, à Saint-Marc, que nous l’avons déjà mentionnée.
Malgré deux occurrences seulement, les Musées du Vatican constituent en quelque sorte l’espace d’une rencontre avec une partie de la communauté dans son moment récréatif, une rencontre à laquelle le pape se refuse radicalement la première fois, et à laquelle il se soumet à contrecœur la deuxième fois : c’est toutefois à cause de la rencontre avec l’enfant absorbé dans sa contemplation, et puis avec les deux dormeurs, qu’il changera de disposition2.
Nous ne nous attarderons guère sur le palais apostolique, auquel on peut rattacher plusieurs espaces : le réfectoire, les appartements du pape et de Sœur Marie, mais surtout le bureau dans lequel Belardo s’affronte, souvent en se disputant, avec Voiello, Sœur Marie et le secrétaire de presse, mais aussi avec d’autres cardinaux, ou avec des invités (le premier ministre italien faisant allusion à Renzi, le Groenlandais, etc.) Il s’agit donc fondamentalement d’un lieu fonctionnel et sécularisé, où le sacré est une exception, ce qui n’est pas surprenant.
Le discours change pour les jardins du Vatican, qui reviennent fréquemment dans la série, et sont des lieux de rencontres et de conversations entre le pape et d’autres personnages (avec Gutierrez dans le 3e, avec Esther dans les 4e et 5e), mais aussi en l’absence du pape (par exemple entre Voiello et Sœur Marie), ou des occasions de contemplation par le pape de moments de la vie du Vatican (en particulier des religieuses qui font la lessive). Ils apparaissent caractérisés positivement, comme un lieu de paix, de réflexion et de rencontres, et aussi comme un lieu où le sacré se manifeste.
C’est le cas des épiphanies nocturnes du kangourou, un animal venu d’Australie, offert en cadeau au nouveau pape et dans lequel il voit une créature spéciale et symbolique (4e) et qu’il voit sauter dans le 5e ; ce n’est pas un hasard s’il apparaît mort (avec une plaie sanguinolente) dans le 8e épisode, c’est-à-dire au plus fort de la crise qui déterminera le changement de Belardo, reproduisant symboliquement les morts violentes des jeunes Sanchez et Dussolier.
Mais c’est aussi le cas du souffle de Dieu, qui s’y manifeste sous la forme d’un vent soudain qui fait bruisser les branches des arbres lors de la mort naturelle de Spencer, au 9e, et surtout par le biais de la vision de la bienheureuse Juana, la jeune fille qui s’occupait des enfants malades dont un cardinal lui parle toujours, au 10e.
Cette caractérisation positive des jardins est conforme à l’idée que le sacré est produit ou se manifeste en dehors des espaces qui lui sont spécifiquement destinés, comme l’Église au sens strict, plutôt dans les espaces extérieurs, libres et sereins, mais aussi dans des espaces impensables, comme la place de l’autoroute Naples-Rome où, au retour de son voyage en Afrique, le pape se met à prier la nuit en demandant à Dieu de mettre fin aux injustices causées par Sœur Antonia, la missionnaire qui vole l’eau à ceux qu’elle est censée aider: elle meurt promptement, frappé par la maladie, à la minute-même.
Au sein de la riche production critique sur The Young Pope, les références au sujet que nous traitons ne sont pas nombreuses et semblent surtout génériques.
Dans une critique, Monti écrit que Sorrentino « a trouvé son habitat naturel dans les couloirs du Palais apostolique, entre Michel-Ange et le Bernin », et souligne la continuité existante entre le cadre de l’œuvre et les autres films du réalisateur, en particulier avec La Grande Beauté, en affirmant que « Après tout, entre Rome et la Cité du Vatican, la distance n’est pas très longue »3 :
Précisément, les environnements, les décors et les espaces sont traités avec une telle habileté qu’ils soulignent le contexte presque poétique. La cinématographie, les mouvements de caméra et le savoir-faire esthétique reflètent tellement, peut-être trop, la figure de Lenny Belardo : aussi beaux, aussi ostentatoires que vides4.
Jurišić-Jurišić remettent même en question la catégorie du non-lieu, en référence probable aux extérieurs ou aux intérieurs du Palais Apostolique, et ils évoquent l’influence possible de la photographie de Luigi Ghirri,
avec ses paysages parfois suspendus, qui ne semblent pas réalistes et frôlent la métaphysique dechirienne, […] des paysages dépourvus de figures humaines mais jamais dépourvus de l’intervention de l’homme dans le paysage, le tout rendu par l’utilisation de couleurs délicates et non saturées, fondamentales tant dans la poétique de Ghirri que dans celle de Sorrentino, qui les utilise pour transformer le Vatican en un non-lieu froid et aseptisé ou en une hétérotropie foucaldienne5.
Quant à la relation entre cette esthétique et le sens général de la série (s’il y en a un), pour Andrea Franzoni The Young Pope « n’est pas une fiction religieuse et n’a pas d’ambitions théologiques particulières. Elle entend plutôt réfléchir sur le pouvoir et en particulier sur sa visibilité » ; « elle met en scène le défi de la représentation de l’invisible » et la scène de son premier discours sur la place Saint-Pierre « est très efficace et clarifie le projet esthético-philosophique de Sorrentino qui, dans la figure du pape Belardo, cherche une coincidentia oppositorum entre le noir et le blanc, l’intérieur et l’extérieur, le visible et l’invisible »6.
Par certains aspects, la lecture de Andrea Bernardelli est similaire, car il remet en question la figure de Belardo, en concluant qu’il s’agit d’un « personnage opaque », dont « nous ne connaissons pas les motivations, et même lorsque nous pensons avoir intuitionné le mécanisme interne de ses choix, nous sommes déstabilisés par une décision ou un comportement inattendu » et « il n’y a pas de projet narratif du protagoniste que le spectateur peut être en mesure de partager sans réserves pour des raisons de focalisation (d’alignement) »7.
La lecture de Gabriele Prosperi se révèle très intéressante, parce qu’il parle, à propos de cette série, d’« une nouvelle condition de réception dans laquelle le spectateur dispose non seulement des outils pour interpréter librement le texte, mais aussi de la capacité d’exploiter l’absence d’un sens reconnaissable afin d’en élargir la signification »8. Cette lecture ne contredit pas ce que nous avons dit jusqu’à présent : chacun peut trouver dans la série le sens qu’il veut, ou presque. Peut-être pas l’évocation d’un nouveau rigorisme fondé sur des principes absolus et des oppositions fortes qui ne sont pas tolérables à l’époque contemporaine, puisque la faible trajectoire narrative de la série semble justement démentir ce choix avec l’adoucissement progressif du Pape. Mais au moins une voie médiane (qui sera explicitée dans The new Pope) dans laquelle la recherche de verticalité et d’absolu qu’entreprend Belardo, si éloignée du quotidien moderne, peut néanmoins sembler utile pour atteindre un nouveau point d’équilibre : et en fait les ennemis initiaux de Belardo, le cardinal Voiello en tête, semblent ensuite non seulement fascinés par son charisme, mais aussi substantiellement convaincus qu’il n’avait pas entièrement tort après tout. Cependant, d’un autre côté, dans la parabole du jeune pape, on peut aussi lire précisément le dépassement humain (chrétien) d’une conception de la divinité - telle que celle poursuivie initialement - si dure, rigoureuse et " verticale " qu’elle rappellait le Dieu de l’Ancien Testament.
C’est dans ce sens que se trouve l’une des contributions les plus ambitieuses et les plus importantes sur The Young Pope, celle de nature principalement théologique de Travis LaCouter, qui a remis en question la réinterprétation par Sorrentino d’une problématique classique, celle de l’absence et de la présence divine (deus absconditus).9 Sans trop entrer dans les détails – et par manque de compétence en la matière – on ne peut ici manquer de faire référence à certaines déclarations importantes et argumentées de LaCouter, qui d’une part rejoignent la lecture de Marlow-Mann, reprise par Kilbourn,10 concernant le caractère ambigu ou antipathique des protagonistes masculins dans les films de Sorrentino, mais d’autre part reprennent celle (de Vigni) selon laquelle ce sont des « masques », construits de telle manière qu’ils sont à la fois fascinants et incapables de produire une « identification » normale de la part du spectateur, et ils sont pourtant bien destinés à se fissurer pour révéler leur vraie nature, évoluer et dévoiler leur véritable identité11.
En ce sens, LaCouter identifie les trois discours du pape (le discours dur du deuxième épisode, celui prononcé dans les haut-parleurs lors du voyage en Afrique et le discours final de « réconciliation » sur la place Saint-Marc) comme les étapes d’une évolution dans la manière d’interpréter la relation avec « l’absence de Dieu », et comme une trajectoire progressive du deus absconditus au deus revelatus, dans laquelle, cependant, l’éloignement des fidèles provoqué par le premier discours du pape a également une fonction (et n’est pas une fausse piste ou une erreur).
D’autre part, LaCouter fait explicitement référence au cadre et aux espaces romains lorsqu’il affirme que « The Young Pope s’inscrit clairement dans une forme cinématographique spécifique du postmodernisme, même si elle est propre à Rome et à ses environs » et, reprenant une réflexion de Holdaway et Trentin, affirme qu’il existe « un sens “historico-matérialiste” du postmodernisme qui est spécifique au “territoire ambivalent et dialectique” qu’est la Rome contemporaine, stratifié et superposé par plus de deux millénaires de contradictions classiques et capitalistes »12 et que c’est précisément cette deuxième forme de postmodernisme qui « s’avère décisive » pour le portrait de la papauté par Sorrentino, dans la mesure où Belardo est un personnage contradictoire et « tout comme la Rome postmoderne “se présente” comme un site de “cohabitation et de coexistence” plutôt que de signification exclusive ou singulière »13.
En laissant de côté les questions plus subtilement théologiques, ce qui compte pour nous dans cette riche argumentation, ce sont deux aspects, l’un de méthode et l’autre de contenu : le premier est le rapport, mis en évidence par LaCouter, entre la dissimulation de Dieu et le vide, ou plutôt les vides, que le vécu personnel et exalté de Belardo entraîne et produit : lesquels vides auraient ainsi une signification « théologique », et non pas fortuite ou purement esthétique ; la seconde est l’affirmation d’une trajectoire, d’un changement progressif, chez Belardo, qui autoriserait à trouver dans le cours de la série une direction et un sens, sinon un « message » théologique. La lecture savante, pointue et généreuse de LaCouter ne semble cependant pas résoudre toutes les ambiguïtés de la série ni épuiser, en les interprétant, toutes les contradictions de Belardo.
Essayons de nous en tenir le plus possible aux données textuelles :
1. L’attitude rigoriste du pape, dans les 7 premiers épisodes de la série, reflète sans doute sa quête personnelle : abandonné par ses parents, il rejette l’horizontalité propre à la modernité, et aussi à l’église moderne, pour courir après une dimension verticale qui reflète sa quête personnelle de ses parents. Dans cette dimension, même l’opposition vide-plein acquiert un sens : Belardo rejette la coïncidence du sacré et du plein (des touristes dans les musées, des fidèles sur la place), car son sacré personnel est absent, et donc vide (il avoue même ne pas croire en Dieu), et ne se révèle que de manière épiphanique, ou exceptionnellement déterminé par la puissance de sa propre tension (les miracles). Le vide qu’il produit est en ce sens la conséquence d’un projet explicite (le discours de la chapelle Sixtine), qui façonne l’ensemble de l’Église à son image.
2. Dans les trois derniers épisodes, Belardo change progressivement d’attitude : apparemment, ce qui le pousse dans une nouvelle direction, vers l’acceptation des autres et la conception de Dieu comme amour et sourire, c’est la prise de conscience des conséquences mortelles de sa rigueur antérieure (la mort de Sanchez) et des peines humaines (la mort de Dussolier), ainsi que peut-être la conscience de l’imperfection humaine (l’alcoolisme et l’homosexualité de Bernardo, le comportement de Dussolier lui-même). Il s’agirait d’une belle parabole, qui trouve son accomplissement dans le discours adressé à la foule sur la place Saint-Marc. Mais, à y regarder de plus près, ce discours est le résultat d’un stratagème, très humain et politique, à tel point qu’il a été suggéré par Voiello : selon lequel les parents du pape n’apparaissent pas parce qu’ils ne sont pas d’accord avec sa ligne rigoriste – et que donc, pour les voir, il doit faire quelque chose de différent. Voilà pourquoi Pie XIII annule son voyage en Amérique, pourtant déjà organisé, pour la réunion annuelle des anciens enfants guéris par la bienheureuse Juana, pour enfin se manifester publiquement sur la place Saint-Marc. Et il est vrai qu’il prononce un discours de conciliation (« Dieu est le sourire »), mais il le fait avant d’avoir repéré ses parents dans la foule (et nous ne pouvons exclure qu’il le fasse pour qu’ils ne quittent les lieux). Et lorsqu’il les retrouve grâce à sa lorgnette, et qu’il les voit partir, il est frappé d’une maladie presque mortelle. L’abandon de la verticalité et l’acceptation de la coexistence possible du sacré et du plein (des croyants) ne vont donc pas sans une certaine instrumentalisation.
3. Il serait sans doute trop facile de voir, dans la recherche personnelle de ses parents de la part de Belardo, un reflet de la condition existentielle du réalisateur. Rappellons qu’il a consacré à ce sujet, après la série en question, son film le plus sincère et le plus autobiographique : C’était la main de Dieu (2021), un titre qui provient de la célèbre phrase prononcée par Maradona à propos du but marqué de la main lors de la finale de 1986 contre l’Angleterre, mais que le réalisateur lui-même reprend à son compte, de façon plus ou moins ironique et amère, également en référence à l’accident domestique qui lui a enlevé ses parents au même moment.
Le parallèle entre Sorrentino et Belardo va cependant au-delà de cet élément biographique. Comme on l’a noté, Pie XIII exalte le pouvoir de l’imagination, et présente lui-même les caractéristiques d’une figura Christi, sinon d’une figura Dei, au point d’être comparé, dans la série, au Messie. Mais si Belardo est un créateur qui identifie le sacré au vide dans lequel l’imagination épiphanique peut être produite, plutôt qu’à la plénitude médiocre et quotidienne dans laquelle l’horizontalité imparfaite et impure de la communauté prend place, Sorrentino est aussi, du point de vue cinématographique, un créateur d’images et d’épiphanies figuratives qui ne peuvent se distinguer, et devenir sacrées, que dans le vide (ou presque) de la narration, dans les contradictions d’une narrativité faible.
D’ailleurs, si le sacré est vide, le vide est sacré. Pour Belardo, bien sûr, mais pour Sorrentino aussi.
[1] Là encore, il existe un texte édité lié au film (Paolo SORRENTINO, Il peso di Dio. Il vangelo di Lenny Belardo, Torino, Einaudi, 2017), mais sa nature est proche d’une novélisation, ou mieux encore d’une anthologie de pensées et de blagues qui restituent la philosophie du pape protagoniste. Sur Sorrentino en tant que réalisateur et scénariste cfr. Pierpaolo ANTONELLO, « Rivalità intermediali e destino della letteratura in La grande bellezza di Paolo Sorrentino », in Denis BROTTO et Attilio MOTTA (éd.), Interferenze. Registi/scrittori e scrittori/registi nella cultura italiana, avec un entretien avec Gianni Amelio, Padova, Padova University Press, 2019, p. 161-171 ; mais permettez-moi de me referer aussi à Attilio MOTTA, « Disincanto e palingenesi: intersezioni tematiche e stilistiche tra cinema e letteratura in Sorrentino », in Guido BALDASSARRI, Valeria DI IASIO, Giovanni FERRONI, Ester PIEROBON (éd.), I cantieri dell’italianistica. Ricerca, didattica e organizzazione agli inizi del XXI secolo. Atti del XVIII congresso dell’ADI -Associazione degli Italianisti (Padova, 10-13 settembre 2014), Roma, Adi editore, 2016, URL : https://www.italianisti.it/pubblicazioni/atti-di-congresso/i-cantieri-dellitalianistica-ricerca-didattica-e-organizzazione-agli-inizi-del-xxi-secolo-2016/Motta_sorrentino.pdf.
[2] D’une certaine manière, l’expérience d’un visiteur de musée est également liée à la séquence d’ouverture (Opening Credits) de la série, qui voit Belardo marcher devant une galerie de tableaux célèbres (« un excursus chronologique rapide, avec lacune évidente, des moments les plus significatifs de l’histoire et de l’art du christianisme et de l’église ») traversée par une comète, qui « se transforme en une météorite qui renverse le pape Wojtila de Cattelan », symbolisant, selon la déclaration du metteur en scène, le christianisme, « qui commence avec une comète qui, au cours des siècles, prend des formes différentes et mystérieuses comme une météorite et puis, peut-être, de différentes manières, se transforme en un rocher » : Paolo SORRENTINO, « La sigla di The Young Pope spiegata da Paolo Sorrentino : “Quel Pio XIII somiglia a me” », L’Huffington Post, 18 novembre 2016, URL : https://www.huffingtonpost.it/2016/11/18/quadri-sigla-young-pope_n_13074200.html.
[3] Danilo MONTI, « The Young Pope – Analisi della serie di Paolo Sorrentino », Filmpost.it, 22 avril 2018, URL : https://www.filmpost.it/serie-tv/the-young-pope-analisi/ : « ha trovato tra i corridoi del Palazzo Apostolico, tra Michelangelo e Bernini, il suo habitat naturale» et «In fondo, tra Roma e Città del Vaticano, la strada non è poi molta ».
[4] Ibid. : « Proprio gli ambienti, le scenografie e gli spazi sono gestiti con una maestria tale da enfatizzare il contesto quasi poetico. L’operazione svolta dalla fotografia, dai movimenti di macchina e dalla perizia estetica riflettono tanto, forse troppo, la figura di Lenny Belardo: tanto belli, tanto ostentati quanto vuoti ».
[5] Srecko JURIšIć, Paula JURIšIć, « Paolo Sorrentino, la cultura delle serie TV e Young Pope », Studia universitatis hereditati, 4 (2), 2016, p. 61-72, p. 68 : « con i suoi paesaggi talvolta sospesi, che non sembrano realistici e sconfinano nel metafisico dechirichiano, […] paesaggi privi di figure umane ma mai privi dell’intervento dell’uomo sul paesaggio, il tutto reso attraverso l’uso di colori delicati e non saturi, fondamentali sia nella poetica di Ghirri che in Sorrentino che se ne avvale per trasformare il Vaticano in un non – lieu freddo e asettico o in un’eterotopia foucaultiana ».
[6] Andrea FRANZONI, « The Young Pope. L’estetica del vuoto », SettimanaNews, 3 novembre 2016, URL : http://www.settimananews.it/cultura/the-young-pope-lestetica-del-vuoto/ : « non è una fiction religiosa e non ha particolari ambizioni teologiche. Essa intende piuttosto riflettere sul potere e in particolare sulla sua visibilità », « mette in scena la sfida della rappresentazione dell’invisibile » et « [La scena] è molto efficace e chiarisce il progetto estetico-filosofico di Sorrentino, che nella figura di Papa Belardo cerca una coincidentia oppositorum tra bianco e nero, interno e esterno, visibile e invisibile ».
[7] Andrea BERNARDELLI, « The Young Pope : il papa cattivo », E/C (Revue dell’Association Italienne des Études Sémiotiques), XII (2017), 20, 15 novembre 2017, p. 5 :« Non ne conosciamo le motivazioni e anche quando pensiamo di avere intuito il meccanismo interiore delle sue scelte veniamo spiazzati da una decisione o da un comportamento inatteso » et « non esiste un progetto narrativo del protagonista che lo spettatore si possa trovare inevitabilmente a condividere per motivi di focalizzazione (di alignment) ».
[8] Gabriele PROSPERI, « Tra TV e GIF quality : The Young Pope come esempio di complessità televisiva », AOFL XI (2016), 2, p. 120-136, p. 124 :« una nuova condizione fruitiva in cui lo spettatore non ha solo gli strumenti per interpretare liberamente il testo, ma anche la capacità di sfruttare l’assenza di un significato riconoscibile col fine di espanderne il senso ».
[9] Travis LACOUTER, « “God smiles” : The Rhythm of Revelation in Sorrentino’s “The Young Pope” », Religions 12 : 806, 2021, p. 1-17, URL : https://doi.org/10.3390/rel12100806.
[10] Alex MARLOW-MANN, « Beyond (Post-)Realism : A Response to Millicent Marcus », The Italianist, XXX, 2010, 2, p. 258-68; Russell KILBOURN, The Cinema of Paolo Sorrentino: Commitment to Style, New York, Columbia University Press, 2020.
[11] Franco VIGNI, La maschera, il potere, la solitudine: Il cinema di Paolo Sorrentino, Firenze, Aska Edizioni, 2017.
[12] T. LACOUTER, op. cit., p. 2-3 : « The Young Pope clearly operates within a specific cinematic form of postmodernism, even one particular to Rome and its environs » et « there is an “historico-materialist” meaning of postmodernism that is specific to the “ambivalent and dialectical territory” that is contemporary Rome, layered and overlayered by more than two millennia of classical and capitalist contradictions ».
[13] Ibid., p. 3 : « it is the second, more specific form of postmodernism that proves determinative for his portrait of the papacy an institution caught between the first and twenty-first centuries » et « And yet just as postmodern Rome “presents itself” as a site of “cohabit[ation] and coexist[ence]” rather than exclusive or singular meaning ».
Résumé
Cet essai analyse la présence et les modes de représentation de la cathédrale, et plus généralement des espaces du sacré, dans la série télévisée The Young Pope (Sorrentino, 2016): le rôle joué par la basilique Saint-Marc à Venise, qui ouvre et ferme la série; la fonctionnalisation de Saint-Pierre et de sa place, souvent désolée et vide, comme la sacralité rigide et hautaine prêchée par le Pape Belardo avant son adoucissement final; les jardins du Palais Apostolique ou encore des lieux " quelconques ", qui deviennent le cadre de l’épiphanie d’une sacralité plus humaine, inattendue et authentique.
Abstract
This essay analyses the presence and modes of representation of the cathedral, and more generally of spaces of the sacred, in the television series The Young Pope (Sorrentino, 2016): The role played by St. Mark’s Basilica in Venice, which opens and closes the series; the functionalization of St. Peter’s and its square, often desolate and empty, as the rigid and haughty sacredness preached by Pope Belardo before his final softening; the gardens of the Apostolic Palace or even "ordinary" places that become the setting for the epiphany of a more human, unexpected and authentic sacredness.
Attilio MOTTA
Université de Padoue (Italie)
ANTONELLO, Pierpaolo, « Rivalità intermediali e destino della letteratura in La grande bellezza di Paolo Sorrentino », in Denis BROTTO et Attilio MOTTA (éd.), Interferenze. Registi/scrittori e scrittori/registi nella cultura italiana, avec un entretien avec Gianni Amelio, Padova, Padova University Press, 2019, p. 161-171.
BERNARDELLI, Andrea, « The Young Pope : il papa cattivo », E/C (Rivista dell’Associazione Italiana di Studi Semiotici), XII (2017), 20, 15 novembre 2017
FRANZONI, Andrea, « The Young Pope. L’estetica del vuoto », SettimanaNews, 3 novembre 2016, URL : http://www.settimananews.it/cultura/the-young-pope-lestetica-del-vuoto/
JURIšIć, Srecko, JURIšIć, Paula, « Paolo Sorrentino, la cultura delle serie TV e Young Pope », Studia universitatis hereditati, 4 (2), 2016, p. 61-72.
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LACOUTER, Travis, « “God smiles”: The Rhythm of Revelation in Sorrentino’s “The Young Pope” », Religions 12 : 806, 2021, p. 1-17, URL : https://doi.org/10.3390/rel12100806.
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MOTTA, Attilio, « Disincanto e palingenesi: intersezioni tematiche e stilistiche tra cinema e letteratura in Sorrentino », in Guido BALDASSARRI, Valeria DI IASIO, Giovanni FERRONI, Ester Pierobon (éd.), I cantieri dell’italianistica. Ricerca, didattica e organizzazione agli inizi del XXI secolo. Atti del XVIII congresso dell’ADI - Associazione degli Italianisti (Padova, 10-13 settembre 2014), Roma, Adi editore, 2016, URL : https://www.italianisti.it/pubblicazioni/atti-di-congresso/i-cantieri-dellitalianistica-ricerca-didattica-e-organizzazione-agli-inizi-del-xxi-secolo-2016/Motta_sorrentino.pdf.
PROSPERI, Gabriele, « Tra TV e GIF quality : The Young Pope come esempio di complessità televisiva », AOFL XI (2016), 2, p. 120-136.
SCIANDIVASCI, Simonetta, « The Young Pope : il giovane papa di Sorrentino è Bergoglio allo specchio », Linkiesta, octobre 2016, URL : https://www.linkiesta.it/2016/10/the-young-pope-il-giovane-papa-di-sorrentino-e-bergoglio-allo-specchio/.
SORRENTINO, Paolo, « “The Young Pope”, Paolo Sorrentino : “Mi intrigava l’idea di un papa non riconducibile agli altri” », [interview], Ciak magazine, 21 octobre 2016, URL : https://www.ciakmagazine.it/serie-tv/the-young-pope-paolo-sorrentino-ami-intrigava-lidea-di-un-papa-non-riconducibile-ad-altria/
─, « La sigla di The Young Pope spiegata da Paolo Sorrentino : “Quel Pio XIII somiglia a me” », L’Huffington Post, 18 novembre 2016, URL : https://www.huffingtonpost.it/2016/11/18/quadri-sigla-young-pope_n_13074200.html.
─, Il peso di Dio. Il vangelo di Lenny Belardo, Torino, Einaudi, 2017
VIGNI, Franco, La maschera, il potere, la solitudine : Il cinema di Paolo Sorrentino, Firenze, Aska Edizioni, 2017.