Auteur italien contemporain parmi les plus célèbres hors d’Italie – avec Italo Calvino, Umberto Eco ou encore Elena Ferrante – Dino Buzzati (1906-1972) est surtout connu en Italie et dans le monde pour son œuvre littéraire : ses romans, parmi lesquels le Désert des Tartares, et ses nouvelles fantastiques dont certaines sont devenues des références du genre ; elles sont regroupées dans le volume Sessanta racconti1 (soixante récits) qui a obtenu le premio Strega en 1958 (l’équivalent du prix Goncourt français). Dino Buzzati est né en Vénétie en 1906 mais il a passé toute sa vie à Milan où il a notamment travaillé comme journaliste pour le quotidien milanais Corriere della Sera. Pris d’une véritable passion pour sa ville d’élection, Buzzati l’évoque directement dans certains de ses romans, par exemple dans Un amore (Un amour) paru en 19632. Milan y est explorée et sublimée de façon explicite ou plus indirectement dans de nombreux textes comme Racconto di Natale3 (Conte de Noël) qui se déroule justement dans la cathédrale de Milan. Les lieux buzzatiens ont été identifiés par les chercheurs et leur tâche a été largement facilitée par le travail artistique de l’auteur puisqu’il se présentait lui-même d’abord comme un peintre. Il a clairement dessiné une géographie intime, réelle et imaginaire, dans ses œuvres picturales. Sa production iconographique est substantielle et de grande qualité (l’article italien de Wikipédia en recense 63 et précise que la recension est partielle) : elle a été à l’origine de nombreuses expositions et croise, du point de vue stylistique, certaines des caractéristiques de la bande dessinée avec une approche surréaliste, parfois symboliste, pour parvenir à des solutions esthétiques très originales. Sur sa propre inclination à la peinture et au dessin, Buzzati s’est souvent exprimé, avec humour et parfois dans un esprit joyeusement provocateur :
Le fait est que je suis victime d’une équivoque cruelle. Je suis un peintre qui, par hobby, pendant une période qui s’est malheureusement prolongée, a fait aussi office d’écrivain et de journaliste. Mais peindre et écrire pour moi au fond c’est la même chose. Que je peigne ou que j’écrive je poursuis toujours le même but, celui de raconter des histoires4.
Buzzati, s’il est souvent perçu, à raison, comme un citadin milanais typique, est aussi un amoureux de la montagne qu’il a pratiquée avec ardeur et constance pendant toute sa vie ; l’un de ses romans intitulé Barnabò delle Montagne (Barnabé des montagnes), paru en 1933, se fait largement l’écho de cet enthousiasme. L’une de ses passions fut l’alpinisme qu’il exerçait dans les montagnes des Dolomites chaque été, lorsqu’il retournait séjourner en Vénétie, le lieu familial de l’enfance et de la nostalgie. Il a aussi raconté ses rêves, quasi obsessionnels, d’escalade dans la ville de Milan et en particulier ses songes d’ascension sur la cathédrale de Milan.
Fig 1 : Duomo di Milano5
La cathédrale de Milan est l’un des hauts lieux buzzatiens : elle apparaît dans ces textes de façon directe ou allusive, elle est aussi présente dans ses œuvres picturales. Repère culminant de la ville principale de l’Italie du nord, la cathédrale de Milan est caractéristique d’une architecture verticale gothique ; sa position centrale et sa masse imposante, l’espace de son parvis font d’elle un lieu de rencontre et de passages, de rendez-vous mais aussi un lieu propice aux fantasmagories. D’un style plus français qu’italien caractérisé par l'étirement horizontal du monument et par l’écrasante différence de hauteur entre les nefs, l’édifice relève en partie seulement du style gothique lombard. Pour mémoire, elle a été édifiée en 1386 par la volonté des Visconti et elle a subi, par la suite, de nombreux remaniements néogothiques : le style du Duomo provient de l’ensemble des travaux et des transformations des siècles passés, au fil du temps il a perdu ses caractéristiques originelles mais il concrétise plutôt une « idée gothique », fruit d’une réinterprétation continuelle. C’est une image qui raconte une histoire, la grande Histoire de la ville et la petite histoire, en l’occurrence celle de Dino Buzzati telle qu’elle apparaît dans son tableau Piazza del Duomo di Milano réalisé en 1952.
Giuliano G. Mauri (1938-2009) est un artiste environnemental qui appartient au courant Art in nature (actif dans les années Soixante-dix) et se rapproche, pour certains de ses aspects, de la démarche des Land Artistes. À l’origine, il s’est intéressé à la photographie avant de découvrir sa propre passion : les arbres. Il a été surnommé le « tisserand des bois » car, au cours de sa carrière d’artiste « auxiliaire » de la nature, il a beaucoup planté, sculpté, édifié : des moulins, des tours, des temples, à la manière d’un tisserand, mais il est surtout devenu célèbre en bâtissant des cathédrales monumentales et végétales. Ses matériaux de création sont la terre, la pluie, le soleil, les branches, les troncs et les cordages ainsi que quelques clous. Interrogé sur son travail, G. Mauri déclare, en son temps, que la cathédrale est l’œuvre qui représente le mieux son idée de création, le fait de sculpter avec la nature pour l’accompagner comme un « second sculpteur », il s’agit précisément de faire de la croissance même de la plante son objet de création6. Son but revendiqué est de mettre en garde les humains contre les dégâts infligés aux sites naturels en conférant à la nature un caractère sacré. Il se place donc délibérément dans une position secondaire, la création première revenant à l’énergie de la Nature. La notion de sacralité apparaît de façon récurrente dans ses commentaires où il insiste sur la nécessité de « révéler une forme, un espace dans lequel l’homme peut parvenir à établir un dialogue avec la nature »7 c’est-à-dire sur l’importance d’ouvrir un nouvel espace qui est aussi celui de la contemplation.
Croiser les regards sur ses deux personnalités éloignées l’une de l’autre et sur leurs œuvres a priori très dissemblables, nous permet cependant de percevoir ce qui les unit : une forme, celle de la cathédrale et une approche, celle de sa matérialité sous forme de variations. Se révèle alors un autre paysage élémentaire qui fait surgir une cathédrale dans tous ses états matériels.
Fig. 2 : peinture Buzzati8
Le tableau représente un lieu étrange qui confond les temps et les espaces dans une vision quasiment fantastique. Pour l’auteur, la place du Duomo et sa cathédrale sont d’abord des repères géographiques, des points pivots dans un espace à la fois familier et imaginé, voilà pourquoi ce monument cathédral se prête particulièrement aux déplacements oniriques. Ainsi le Duomo condense-t-il des images des rêves, des souvenirs, des désirs et des divagations éveillées qui font référence aux multiples escalades de l’alpiniste amateur dans les Dolomites comme aux retours réguliers du Milanais dans sa Vénétie natale chargée d’affects. Il s’agit aussi d’une fantaisie qui consisterait à escalader la montagne monumentale de Milan, à savoir sa cathédrale ainsi qu’il le rapporte lui-même. L’ancien nom de ces montagnes, « les Monts pâles », fait allusion à la pierre blanche qui les constituent et qui réfléchit la lumière, il fait significativement écho au marbre clair de Candoglio9 utilisé pour la construction du Duomo.
Piazza del Duomo di Milano est l’un des tableaux les plus célèbres de Buzzati, il représente le Duomo comme une montagne avec sa silhouette massive, ses aiguilles, ses pinacles et ses pâturages verts figurant le parvis. La description du tableau se prête à une sorte de confusion lexicale qui rend compte de la condensation des images caractérisant ce tableau puisque les termes « aiguilles » « massifs » « pinacles » conviennent – en italien comme en français – tout autant pour décrire la montagne que la cathédrale. La montagne et la ville sont unies dans une unique représentation, une image qui figure à la fois la présence et l’absence : le rappel du modèle originel montueux et son actualisation dans la forme de la cathédrale. La fonction polysémique des termes fait surgir un ensemble de falaises rocheuses, de murailles et de forteresse qui n’est pas sans évoquer Il Deserto dei Tartari10 (Le désert des Tartares), l’œuvre majeure publiée en 1940. On distingue sur le tableau de lourds édifices indéterminés quant à leur fonction, on aperçoit ici et là des anfractuosités pouvant suggérer des crevasses ou bien les fenêtres d’un gratte-ciel, on devine sur l’espace profane des personnages à peine ébauchés qui peuvent évoquer les bergers de la vallée ou les étals des vendeurs citadins. Le Duomo de Buzzati est une paroi rocheuse très escarpée et la place est un pré verdoyant ; ce sont, à l’évidence des rappels de l’origine formelle des lieux – en Italie, les places sont parfois des anciens prés (prati), comme à Padoue , ou des champs (campi), comme à Venise ou à Sienne, c’est-à-dire des espaces vides naturels que la ville a façonnés en autant de places. L’image créée par le peintre produit un hypertexte narratif riche de renvois et de liens significatifs. Le tableau évoque le temps mixte de l’enfance et de l’âge adulte, la jeunesse et la vieillesse : une confusion des sentiments transfigurée par l’image fantastique de la cathédrale. L’auteur procède par superposition d’images et reprend la démarche surréaliste : l’association libre, le recours au rêve et au jeux psychiques, un ensemble de pratiques inventives mises en œuvre dans le but de faire jaillir un sens nouveau, ici la cathédrale est une montagne et vice versa. C’est sur la puissance polysémique du monument que se fonde le travail de Buzzati. Le tableau se fait vision, oscillant entre un retour dans le passé et l’anticipation d’un futur ultra modern ; le peintre évoque lui-même un rêve éveillé qui donne la clé de compréhension de son tableau :
J’ai imaginé la place du Duomo transformée en une sorte de ruine dolomitique : le Duomo, les arcades, le Palais royal sont devenus les falaises et au milieu une prairie où on coupe du foin […] En effet, l’idée de faire le pré avec les gens qui coupent le foin m’est venue en roulant sur une route de montagne. Il y avait un pré en bas où ils étaient en train de couper le foin et tout autour il y avait toutes ces choses11.
Notons que Buzzati, en utilisant l’expression tutte queste cose (toutes ces choses) pour désigner ce qui entoure le pré, procède à une sorte de banalisation de la montagne qui devient, dans son regard, un objet indéfini et donc potentiellement modulable. Le commentaire du tableau nous ramène cependant au réel, aux montagnes et aux exploits de l’alpiniste. L’œuvre s’inspire d’un lieu authentique appelé Cima Canali12, un sommet haut de 2900 mètres situé dans la région alpine du Trentin-Haut-Adige, il évoque également les trois sommets Cime di lavaredo13 qui se trouvent dans la région de Belluno.
Fig. 3 : Cima Canali
Fig. 4 : Cime di Lavaredo
La pierre de marbre clair dont est faite la cathédrale convoque le souvenir des montagnes blanches de son enfance, elle réunit dans une seule image le vécu du citadin milanais et celui du passionné de la montagne. Le commentaire de Buzzati évoque un sentiment de dépaysement qui reprend les thématiques récurrentes de la recherche buzzatienne : débusquer, révéler et restituer l’étrangeté du monde qui nous entoure y compris, et peut-être surtout, le plus familier. C’est une démarche qui caractérise un courant littéraire précis intitulé le « réalisme magique »14 et qui se fonde sur un dispositif – qui fut d’abord pictural15 – consistant à faire surgir un élément surnaturel ou perçu comme magique dans un cadre réaliste, voire banal et perçu comme normal. Dans le tableau, si le cadre naturel est bien réel, l’atmosphère suspendue et quasiment hiératique de la scène picturale est renforcée par la présence d’éléments insolites comme ces deux nuages immobiles et étirés à la forme étrange. Ces nuages fonctionnent comme un indice interprétatif car ils font écho à la nouvelle déjà citée, Racconto di Natale, dans laquelle Buzzati décrit la cathédrale de Milan en ces termes : « la cathédrale immense, pour en faire le tour, une vie ne suffirait pas, et il y a un tel enchevêtrement de chapelles et de sacristies que, après des siècles d’abandon, certaines sont restées quasiment inexplorées »16. Dans ce texte, l’évêque de Milan, seul dans la cathédrale le soir de Noël, se retrouve confronté à la disparition brutale de Dieu : abandonnant le lieu sacré, il va se mettre en quête de la présence divine d’abord sur le parvis puis dans les rues et les maisons alentours, en vain. Il se résout alors à quitter la ville et s’avance dans la campagne blanchie par la neige : il lève finalement les yeux vers le ciel et découvre : « tout au fond précisément à l’horizon, Dieu resplendissait comme un nuage oblong »17. L’intertexte fait surgir la question du sacré que Buzzati aborde à sa manière par le biais de ses divagations poético-picturales et littéraires sur le Duomo.
L’étymologie – et la définition qui en découle – du terme « monument » est riche d’enseignements : c’est un édifice imposant par sa taille et notable par son intérêt historique ou esthétique, par sa valeur religieuse ou symbolique ; on parle parfois des monuments de la nature en référence aux créations de la nature qui sont remarquables par leur dimension et leur caractère grandiose. C’est ce que rappelle justement Georges Sand dans ses Nouvelles :« Malheureusement, ces monuments de la nature [les grands arbres] deviennent chaque jour plus rares devant les besoins de la civilisation et les exigences de l'industrie »18. Chez Buzzati ce ne sont pas les arbres qui fondent ses réflexions sur notre rapport à la nature mais les pierres, celles de la cathédrale qui ont été arrachées à la roche naturelle, à la montagne. S’affirme peut-être ici une sorte de pressentiment écologique, Buzzati semble implicitement s’interroger, par le biais du tableau, sur la réversibilité des emprunts faits à la nature : d’une certaine manière Buzzati redonne à la montagne ce que la cathédrale lui a pris. Sans vouloir forcer l’interprétation, il demeure que l’œuvre de Buzzati redimensionne autrement à la fois la montagne et la cathédrale. Les évocations du caractère énigmatique des éléments qui nous entourent, qu’il s’agisse de lieux naturels, d’objets ou d’êtres, sont typiques du registre fabuleux de l’auteur dont les thèmes de prédilection sont le passage du temps et la place du mythe. En 1935 Buzzati publie Il segreto del bosco vecchio19 (Le secret du vieux bois), dans ce texte il fait de la forêt un lieu mystérieux, quasi mystique, peuplé d’esprits et d’animaux qui parlent ; il mêle ainsi le genre fantastique et la forme fabuleuse pour explorer le jeu des temporalités et le rapport que les contemporains entretiennent avec le mythe. Avec cet ouvrage, il se met en quête de « quelque chose » d’ancien et d’oublié, quelque chose de secret et de sacré, comme une instance enfouie dans nos mémoires, dans nos rêves et dans notre inconscient20, en mesure de donner au monde qui nous entoure un sens nouveau. Il s’agit toujours pour l’auteur de révéler ce qui demeure sous-jacent et ignoré mais qui s’affirme comme essentiel par son caractère élémentaire. Le secret du vieux bois est sans doute emblématique d’une démarche à laquelle il restera fidèle par la suite et qui s’offre comme clé de lecture de la « cathédrale montagne » du tableau buzzatien.
Dans les Écritures, la montagne est sacrée, c’est un lieu privilégié pour rencontrer Dieu. Dans l’imaginaire collectif, rappelle la philosophe, spécialiste de la spiritualité, Marie-Madeleine Davy dans son livre La Montagne et sa symbolique21, elle insiste sur les caractéristiques intrinsèques de la montagne qui est vue comme le lieu de l'effort, de l'initiation, de la solitude, de l'émerveillement et du sentiment de l'universel ; elle la définit comme une voie d’accès privilégiée à la découverte de soi, propice au questionnement sur la spiritualité et la sagesse. Rappelons aussi que du point de vue étymologique le dôme/duomo c’est le toit de la maison, métaphoriquement c’est le toit du monde, lequel est symboliquement figuré par une montagne. Le Duomo c’est historiquement, dans un pays de culture chrétienne comme l’Italie, la maison du seigneur. En ce qui concerne Buzzati, le seigneur peut prendre de multiples facettes, il est facétieux – comme dans le Conte de Noël – mais omniprésent dans ses œuvres. Cet intérêt pour le sacré et son mystère nourrit sans équivoque l’esprit et l’œuvre de Buzzati. À titre d’exemple, entre parodie et sentiment de la transcendance, sa dernière œuvre picturale consiste en une série de « peintures en forme d’ex voto » qui représentent I miracoli di Val Morel22 (Les miracles de Val Morel) : un recueil de récits en forme de fiction littéraire qui s’élabore autour de l’histoire de sainte Rita, les textes sont illustrés et accompagnés de brèves didascalies. Buzzati raconte sa recherche vaine d’un hypothétique sanctuaire de la sainte, il découvre finalement que ce prétendu lieu de culte n’est rien d’autre qu’une « grosse masse » recouverte d’ex voto. Ces ex voto ont été dessinés par l’auteur pour illustrer son récit. Les miracles en question sont extravagants, voire comiques ou ridicules mais ils racontent aussi avec tendresse la naïveté et les croyances populaires des pauvres gens qui s’adressent à leur sainte pour exprimer leurs craintes existentielles : destin, amour, mort, folie et surtout surgissement de l’inattendu ou de l’incompréhensible. Il s’agit des thèmes de prédilection de l’auteur. Un exemple de ce mélange entre sujet sacré et divertissement parodique nous est fourni par le récit du Rouge-gorge géant. L’histoire du Rouge-gorge est inspirée d’une légende de Noël très connue en Italie : dans la nouvelle le volatile se transforme en oiseau géant, pour enlever « Dominique de l’Assomption la jeune promise, à son fiancé et l’emporter dans les montagnes des Dolomites ; cependant sainte Rita veille à la protection de la jeune fille et oblige le Rouge-gorge à libérer Dominique.
Fig. 5 : EX VOTO Rouge-gorge23
Un tel mélange des genres nous rappelle la place centrale qu’occupe la montagne lorsqu’il s’agit d’imaginer une histoire fantastique et suggère une fascination buzzatienne pour l’histoire sacrée.
Buzzati était-il croyant ou athée : on ne le sait pas, les avis sont contrastés, mais en général il apparaît comme un non croyant, pétri de spiritualité naïve. À l’évidence l’intérêt de Buzzati pour le sacré s’exprime à travers cette obsession de la cathédrale montagne qui déroule un récit sur la destinée humaine. Pour l’anecdote, et en guise de conclusion pour cette première partie, en 2013 a été tourné un film qui raconte l’épopée contemporaine authentique du dernier berger nomade d’Italie, Renato Zucchelli, lequel, en 2011, a mené ses brebis sur le parvis du Duomo pour donner une visibilité à ce monde de la montagne si proche de la ville de Milan et si lointain des nouveaux enjeux de la modernité.
Fig. 6 : Pastore24
Le dernier berger avait un rêve : « que les enfants de la ville, qui ne savent rien de son monde à lui, rencontrent ses moutons. Un véritable événement »25. Un événement que le metteur en scène Marco Bonfanti transforme en une sorte de happening et qu’il commente ainsi :
Mon film est un documentaire parce que le protagoniste est un personnage réel, toutefois je le présente de mon point de vue et j’ai procédé comme si je tournais un film de fiction. La caméra n’est jamais portée, pour chaque plan elle était sur son pied. De plus, c’est moi qui ai suggéré à Renato de conduire ses moutons Piazza Duomo à Milan pour que les enfants les rencontrent, comme on le voit à la fin. […] Je voulais amener le fragment d’un monde en voie de disparition dans un lieu déshumanisé, typique de ce que sont devenues toutes les métropoles. Mon film est profondément triste. Il ne parle pas seulement de la fin d’un monde, d’un mode de vie englouti par la modernité, mais aussi de la fin de tout. C’est un destin auquel on ne peut s’opposer, si ce n’est comme Renato, à la manière d’un titan qui lutte pour que survive une forme de vie dont il est l’un des derniers représentants26.
Le tableau de Buzzati semble anticiper l’initiative du berger : sur le parvis de la cathédrale, les bergers, hommes des montagnes, sont inexorablement happés par la ville et cette mise en scène raconte l’attente et l’inquiétude où nous laisse l’ignorance de nos origines et l’incertitude de nos fins dernières.
Fig. 7 : Cattedrale vegetale27
La cathédrale appartient à ce temps médiéval que l’historien Elie Faure décrit comme le temps de l’artiste ouvrier qui s’émancipe en érigeant collectivement une cathédrale gothique, à la recherche d’un absolu qui le dépasse. Cette vision de la cathédrale comme force d’élévation, arrachement à la terre et quête verticale de lumière rencontre l’imagerie populaire contemporaine telle qu’elle apparaît dans le roman de Ken Follett, Les Piliers de la terre, paru en 1989. L’historien Alain Corbin affirme, quant à lui, dans La douceur de l’ombre, que l'arbre a la capacité de sacraliser l'espace, il expose l’idée, déjà énoncée par François-René de Chateaubriand, que la forme de la cathédrale imite celle de la forêt :
On ne compte plus les arbres oratoires ou temples, les chapelles perchées dans les branches. Et puis il y a la croix en bois qui signe là, où elle est plantée, la présence de Dieu. […] Chateaubriand va jusqu'à écrire que les forêts ont inspiré l'architecture gothique ! La forêt aurait fourni des modèles à travers ses feuilles, bouquets, bourgeons, volutes ou entrecroisements de rameaux à l'art gothique et les architectes auraient mis dans leurs œuvres " jusqu'au bruit des vents et des tonnerres, qui roule dans la profondeur des bois ". Son Génie du christianisme a ressuscité l'admiration pour le style gothique et permis sa réhabilitation. Une chose est sûre, la présence de l'arbre modifie la perception de l'espace, mais cela dépasse le religieux, c'est un sentiment païen28.
L’idéal esthétique des Romantiques puise largement à la source médiévale, voilà pourquoi ils sont à l’origine d’une nouvelle forme de sacralisation de l’arbre et par l’arbre. Cette pensée ne relève pas du discours rationnel mais se rapporte plutôt à la puissance du symbole et c’est bien à cet imaginaire que se réfère un artiste comme Giuliano Mauri quand il s’emploie à faire pousser une cathédrale dans la terre. Pour Mauri l’artiste n’est qu’un exécutant inspiré par des lieux qui appellent l’œuvre : « ce sont les lieux qui choisissent l’œuvre, pas moi, pas le commanditaire, pas l’argent, pas le désir »29. L’artiste postule implicitement que la forme de la cathédrale préexiste à l’invention humaine, comme le suggère Alain Corbin lorsqu’il convoque Chateaubriand. C’est au nom d’une forme de spiritualité laïque que Mauri prétend œuvrer avec la nature qui l’inspire et avec laquelle il entend communiquer au moyen d’un dialogue intime et silencieux. Ainsi Mauri précise-t-il son rapport au sacré :
Je suis athée, mais j’ai un grand respect pour la spiritualité. Me mettre continuellement en contact avec la nature, telle est ma liturgie. Il y a des lieux que j’ai créés qui ont disparu, pourri, ils n’existent plus : mais leur mémoire demeure, peut-être dans un arbre qui a grandi de travers pour faire place à mon travail. Ce concept d’éternité me fascine30.
G. Mauri se vit comme un artiste inspiré, par le lieu, par le temps qui passe, par les forces supérieures de l’esprit qui lui permettent, à lui personnellement, d’interpréter une forme préexistante à travers son action exercée sur un espace naturel. En intervenant sur la nature, pour confier ensuite son propre travail aux soins de cette même nature, l’artiste prétend accéder à une dimension sacrée qu’il compare à l’action du paysan qui fait pousser du blé dans son champ. Le geste créateur est à la fois le plus modeste qui soit et en raison de sa simplicité même – qui lui confère une authenticité – il acquiert une dimension spirituelle. Dans cette optique, Mauri souhaitait respecter fidèlement le cycle naturel de la croissance et du pourrissement des arbres ; son intervention se voulait éphémère :
Entrer en relation avec le processus naturel, sans l’offenser, sans chercher à en abuser Dans mon travail j’aimais imaginer que je me mettais en relation avec la grande aventure de la nature, sans l’offenser, sans chercher à en forcer le cours : j’essayais d’établir un dialogue, pas de me prévaloir d’un geste. Et le dialogue avec la terre, le fleuve, les végétaux me rapprochait de ces éléments dans une même volonté de grandir, de tendre vers un ciel qui n’était plus si lointain mais bien physiquement immanent31.
Les branchages étaient destinés à se décomposer lorsque les arbres, au bout d’une vingtaine d’années, seraient assez grands pour se passer de tuteurs ; in fine la cathédrale avait donc vocation à redevenir forêt. Toutefois la grande beauté de la cathédrale végétale voulue par l’artiste jardinier a rapidement attiré des curieux et des amoureux du lieu mais aussi, au fil du temps, des touristes par dizaines venus en cars pour admirer le monument. Ce succès inattendu a fini par déplaire fortement à l’artiste car les visiteurs qui stationnaient en nombre à proximité du lieu sacralisé entraient clairement en contradiction avec les intentions du tisserand des bois. Selon lui, le lieu devait concrétiser une démarche spirituelle fondée sur la méditation et la recherche de communion avec la nature. Voilà pourquoi il se déclarait prêt à renoncer à son œuvre pour « retourner dans les bois ».
Fig. 8 : Cathédrale sous la neige32
L’idée d’auxiliariat est centrale pour comprendre la démarche de Mauri, elle est liée à celle du caractère cyclique de la création. Mauri, quand il contribue à restaurer le processus naturel, n’imite pas la nature, il s’emploie plutôt à révéler son essence, voilà pourquoi le retour à l’état sauvage fait intégralement partie de l’œuvre. Le refus de respecter cette consigne révèle une forme d’incompréhension du travail de Mauri et pointe aussi, sans doute, des visées plus mercantiles. Le projet de Mauri a été pris dans une contradiction typique de notre époque contemporaine, en œuvrant à réenchanter le monde afin de protéger la beauté naturelle, il a paradoxalement et involontairement favorisé une forme de consommation touristique des lieux qui entrait en contradiction avec son dessein. Une troisième cathédrale a été édifiée à Lodi quelques temps après sa mort sur les indications de l’artiste. Les arbres qui la constituaient ont été contaminés par un champignon qui leur a transmis une maladie mortelle. Les responsables du lieu, afin d’éviter des chutes d’arbres ou de branches, ont décidé de détruire l’édifice végétal au grand dam des admirateurs du monument. Constatons toutefois que ce champignon a, en quelque sorte, répondu aux souhaits de l’artiste en contribuant au respect du cycle biologique.
La Cathédrale de Mauri est une tentative de fusion entre art, nature et religiosité : ce n’est pas seulement une œuvre architecturale mais aussi une entreprise esthétique-spirituelle. Le sentiment d’élévation s’exprime conjointement par l’élan mystique auquel invite une cathédrale et par la croissance naturelle des arbres33. Giuliano Mauri affirme que son travail consiste simplement à « jouer avec des branches » et il ne se définit ni comme un land artiste, ni comme un architecte, ni même comme un artiste tout court mais seulement comme un « artisan de l’imaginaire ». Son travail souligne le lien qui unit nature et spiritualité – lequel prend un sens particulièrement pertinent au moment où la question écologique s’impose à nous de façon impérative –. Sa démarche met en valeur la matérialité fondamentale et originelle de la cathédrale : née d’un désir humain, elle s’enracine malgré tout dans un terreau à la fois minéral et végétal.
Nous concluons cette présentation en évoquant deux autres variations imaginaires concernant la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Suite à l’incendie de Notre-Dame, le journal Libération a invité des artistes à imaginer librement la reconstruction du monument, l’article s’intitule Notre-Dame, des lendemains qui changent34. Lorenzo Mattotti et Jerry Kramsky ont présenté leur projet en ces termes :
En début de soirée, le feu dévora la flèche, amoureuse des flammes qui l’enveloppaient et l’illuminaient d’une beauté éphémère. Elles s’étaient déjà lassées d’elle, dans leur fougue de tout réduire en cendres. Et puis l’incendie n’eut plus rien à dire, seulement de la tristesse. Une profonde tristesse qui, le matin venu, l’incendie maîtrisé, imprégnait encore les murs de l’église. Maintenant, elle devrait demeurer ainsi, seule avec ses murs nus, ouverte et sans toit. On devrait y cultiver herbes et plantes médicinales des traditions les plus anciennes. Et dans cette verdure y élever les anges, qui arpenteraient la ville avec leurs bruissements d’ailes et leurs murmures, dans la langue angélique dont nous, humains, ne percevons que le silence. Durant 1 200 ans35.
Le champ lexical employé par l’auteur – feu, flammes, cendres, herbes, plantes, verdure – fait surgir un univers sauvage et élémentaire qui exprime à la fois une nostalgie (profonde tristesse) pour les savoirs faire anciens et désormais perdus mais aussi pour des aspirations nouvelles de type écologique dont le dessin de Mattotti se fait l’écho autour d’une fantasmagorie.
Fig. 9 : Mattotti ND Paris36
Autre exemple significatif, celui de Gilles Clément botaniste et artiste jardinier, inventeur du concept de Tiers paysage. Clément développe une théorie qui est d’abord une forme de vie pour le futur : la forme jardinière qui allie des objectifs écologiques, artistiques et existentiels. Il s’agit d’une approche poétique et spirituelle des enjeux globaux qui pèsent sur le jardin planétaire, voilà pourquoi il propose de « ménager les sites frappés de croyance comme indispensable territoires d’errements de l’esprit » 37. La rhétorique de G. Clément, c’est aussi celle du réenchantement, grâce à laquelle on peut instruire l’esprit du non et approcher la diversité avec étonnement. Le Tiers paysage est constitué d’espaces dévastés comme des friches industrielles ou des endroits ignorés parce qu’ils ont été abimés ou saccagés. Ce sont des lieux où la nature a repris ses droits en échappant à la domination humaine, ce sont des fragments indécidés que Clément propose de délaisser – non pas de protéger – et d’oublier : c’est ce qu’il nomme « la déprise » et c’est ce qui compose le Tiers paysage. Dans cette perspective, l’espace du jardin planétaire devient le lieu privilégié du questionnement, il invite à des retours à « l’humus » et à une esthétique de l’humilité. Après l’incendie de la cathédrale parisienne, Gilles Clément imagine ce lieu dévasté comme un possible tiers paysage, un espace libre et ouvert, réservé aux plantes et aux errements de l’esprit :
Puisque la lumière est enfin entrée dans ce lieu, on pourrait en faire un jardin ! […] La dernière aventure de Notre-Dame est un envol du chapeau par la force des flammes. Et brutalement, on y voit clair. Pourrait-on bénéficier de cette offre en ce siècle délicat des gestions de l'énergie ? Alors installons une serre, un jardin et, pourquoi pas cultivons-y une vigne grimpante pour en tirer un vin de messe unique au monde !38
Notre-Dame-Des-Plantes est un autre exemple de ces divagations poétiques qui racontent les enjeux de notre temps. Il ne s’agit pas ici de discuter de la reconstruction réelle de la cathédrale – à l’identique ou bien modifiée – mais plutôt d’accueillir ces propositions comme autant de variations imaginaires sur la cathédrale. Le titre choisi par Clément pour son ouvrage dont nous reproduisons ici la couverture illustrée, s’il réaffirme l’importance du monument, confère surtout aux « plantes » une majesté nouvelle.
Fig 10 : Gilles Clément. Notre-Dame des plantes39
L’intuition de Buzzati et les propositions de Mauri, Mattotti ou Clément lient la cathédrale contemporaine aux enjeux écologiques d’aujourd’hui. Sans pour autant la désacraliser ou l’actualiser artificiellement, ils la repensent, la recomposent et, dans certains cas, la subliment en faisant resurgir l’image d’une cathédrale ancrée dans la matière qui la constitue, une cathédrale élémentaire faite de pierre, de bois, de terre, d’air et d’herbes folles.
[1] Dino BUZZATI, Sessanta racconti [1958] in Giulio CARNAZZI (a cura di), Buzzati opere scelte, I Meridiani, Mondadori, 2012.
[2] Dino BUZZATI, Un amore, Milano, Mondadori, 1963.
[3] Dino BUZZATI, Racconto di Natale, nouvelle parue en 1943 sur le Corriere della Sera, publiée dans Sessanta racconti.
[4] Dino BUZZATI, Le storie dipinte, a cura di Lorenzo Viganò, Milano, Oscar Mondadori, 2013. Nous traduisons.
[5] Cathédrale de Milan Figure 1 Creative Commons CC0 License.
[6] On trouve sur le site dédié à Giuliano Mauri toutes les photographies de ses œuvres et de nombreuses interviews auxquelles nous renvoyons ici : http://www.giulianomauri.com/.
[7] Giuliano MAURI, Propos de Mauri rapportés dans la revue en ligne Urbanitas2011 : http://www.urbanitasonline.com/urbanitas-2011/.
[8] Dino BUZZATI, Piazza del Duomo di Milano, 1952. Figure 2. Adapg. Autorisation numéro.
[9] Le marbre de Candoglio a été préféré aux briques rouges, pourtant plus typiques du gothique lombard, pour ses qualités de résistance et surtout pour ses facultés à être travaillé avec une extrême finesse : il s’agissait de rivaliser avec les grandes cathédrales gothiques européennes, notamment françaises.
[10] Dino BUZZATI, Il Deserto dei Tartari, [1940], Milano, Arnoldo Mondadori, 1989. Récit dans lequel la forteresse/montagne s’affirme comme la véritable protagoniste du roman fantastique.
[11] Interview de Dino BUZZATI in La Milano di Dino Buzzati, https://www.mpcmail.it/mpc/indexmpc.htm. Nous traduisons.
[12] Cima Canali, Trento. Figure 3 Creative Commons CC0 License.
[13] Cime di Lavaredo, Belluno. Figure 4 Creative Commons CC0 License.
[14] Dino Buzzati appartient à ce courant tout comme Italo Calvino ou Massimo Bontempelli, le maître du genre – qui s’est rapidement développé en Amérique latine – étant Jorge Luis Borges.
[15] C’est au critique d’art allemande Franz Roh qu’on doit cette appellation introduite en 1925.
[16] Dino BUZZATI, Racconto di Natale in La Boutique del mistero, Mondadori, Milano 1968 p. 74. Nous traduisons.
[17] Ibid, p. 76.
[18] Georges SAND, Nouvelles lettres d’un voyageur, [1876], Paris, Editions des femmes, 2005, p. 277.
[19] Dino BUZZATI, Il segreto del bosco vecchio, [1935] Milano, Mondadori, 2010. Il s’agit du second roman de l’auteur.
[20] Dans les années Trente, les textes de Sigmund Freud sur l’interprétation des rêves et sur l’inconscient ont été traduit et largement diffusés, discutés dans toute l’Europe et singulièrement en Italie, lieu de prédilection du psychanalyste. Marco Levi Bianchini fut le premier traducteur des œuvres freudiennes en italien entre 1915 et 1921.
[21] Marie-Madeleine DAVY, La Montagne et sa symbolique, Paris, Albin Michel, 2005.
[22] Dino BUZZATI, I miracoli di Val Morel, Garzanti, Milano, 1971.
[23] Il Pettirosso gigante in Dino BUZZATI, I miracoli di Val Morel, Garzanti, Milano 1971. Figure 5. Adapg. Autorisation numéro.
[24] Marco BONFANTI, L’ultimo pastore, 2012. Figure 6. Photogramme tiré du film.
[25] Marco BONFANTI, propos recueillis par Caterina TARICANO, Cinecittà News, 27 novembre 2012, https://festival-villerupt.com/.
[26] Ibid.
[27] Giuliano MAURI, Cattedrale vegetale, Creative Commons CC0 License.
[28] Alain CORBIN, La douceur de l'ombre. L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, Paris, Fayard, 2013, p. 23.
[29] Giuliano Mauri. Architetture dell’immaginario. Imaginary architectures, Studio Azzurro e Francesca REGORGA (dir.), Soveria Mannelli, Rubbettino, 2015 p. 14. Nous traduisons.
[30] Il secondo scultore, http://www.giulianomauri.com/.
[31] Propos de Mauri rapportés dans la revue en ligne Urbanitas2011.
[32] Giuliano MAURI, Cattedrale vegetale, Val sella 2001, Figure 8. http://www.giulianomauri.com/.
[33] Signalons aussi La Cathédrale verte (De Groene Kathedraal, 1968) est plantée de peupliers d'Italie, située près d'Almere, aux Pays-Bas conçue par Marinus BOEZEM. Elle imite la taille et la forme de la Cathédrale Notre-Dame de Reims.
[34] Notre-Dame, des lendemains qui changent, https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiA2NuEjLj9AhW3TaQEHQ5zAFoQFnoECA0QAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.liberation.fr%2Farts%2F2019%2F04%2F24%2Fnotre-dame-des-lendemains-qui-changent_1723157%2F&usg=AOvVaw2GfoQz2A3goawwp0VNy_Ie.
[36] Lorenzo MATTOTTI, Verdure in Libération : Notre-Dame, des lendemains qui changent, 2019. Capture d’écran pour l’illustration de l’article.
[37] Gilles CLEMENT, Manifeste du Tiers paysage, p. 59.
[38] Gilles CLEMENT, Notre-Dame-Des-Plantes, Paris, Bayard, 2021. Quatrième de couverture.
[39] Ibid. Figure 9. Couverture du livre.
Résumé
À l’heure où la cathédrale Notre-Dame de Paris est entrée dans une phase de reconstruction, suite à l’incendie qui l’a substantiellement détruite, nous invitons à repenser l’imaginaire qui lui est attaché, à l’aune de la matière élémentaire qui la compose : la pierre, le bois, la terre. L’article se propose d’examiner les créations de deux artistes italiens qui ont imaginé des monuments « élémentaires », cathédrale montagne ou cathédrale forêt, invitant à replacer la cathédrale dans son contexte médiéval originel tout en la reliant significativement aux enjeux écologiques actuels.
Abstract
At a time when Notre-Dame de Paris cathedral has entered a phase of reconstruction, following the fire which substantially destroyed it, we invite you to rethink the imaginary field attached to it, in terms of the elementary materials that compose it: stone, wood, earth. The paper aims to examine the creations of two Italian artists who imagined «elementary» monuments, mountain cathedral or forest cathedral, inviting to place the cathedral in its original medieval context while connecting it significantly to current ecological issues.
Brigitte POITRENAUD-LAMESI
Université de Caen Normandie. Laslar UR4256
BUZZATI, Dino, Sessanta racconti [1958] in Giulio CARNAZZI (a cura di), Buzzati opere scelte, I Meridiani, Mondadori, 2012.
─, Il segreto del bosco vecchio, [1935] Milano, Mondadori.
─, Un amore, Milano, Mondadori, 1963.
─, Racconto di Natale, [1943] in Sessanta racconti puis Dino BUZZATI, Racconto di Natale in La Boutique del mistero, Mondadori, Milano 1968.
─, I miracoli di Val Morel, Garzanti, Milano, 1971.
─, Le storie dipinte, (a cura di) Lorenzo Viganò, Milano, Oscar Mondadori, 2013.
─, Il Deserto dei Tartari, [1940], Milano, Arnoldo Mondadori, 1989.
Interview de Dino BUZZATI in La Milano di Dino Buzzati, https://www.mpcmail.it/mpc/indexmpc.htm.
BONFANTI, Marco, propos recueillis par Caterina TARICANO, Cinecittà News, 27 novembre 2012, https://festival-villerupt.com/.
CLEMENT, Gilles, Manifeste du Tiers paysage, Paris, Sens et tonka, 2014.
, Notre-Dame-Des-Plantes, Paris, Bayard, 2021.
CORBIN, Alain, La douceur de l'ombre. L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours, Paris, Fayard, 2013.
DAVY, Marie-Madeleine, La Montagne et sa symbolique, Paris, Albin Michel, 2005.
MATTOTTI, Lorenzo, KRAMSKY, Jerry, Verdure in Libération : Notre-Dame, des lendemains qui changent, 2019. Capture d’écran pour l’illustration de l’article.
MAURI, Giuliano, http://www.giulianomauri.com/: photographies de ses œuvres et interviews de l’artiste.
REGORGA, Francesca (dir.), Giuliano Mauri. Architetture dell’immaginario. Imaginary architectures, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2015.
SAND, Georges, Nouvelles lettres d’un voyageur, [1876], Paris, Editions des femmes, 2005.