La Gargouille est une créature solaire et nocturne.
À minuit, quand résonnent les douze coups de son église, abandonnant son vêtement de pierre,
Elle déguerpit de son perchoir et disparaît dans les ténèbres.
Rares sont ceux qui ont osé la poursuivre.
Plus rares encore ceux qui pourraient affimer connaître ses humeurs et ses penchants.
Les gargouilles – car c’est un peuple innombrable – sont des êtres de mystère1.
Un élément architectural fortement associé à l’imaginaire de la cathédrale est la gargouille ; ainsi Michael Camille a-t-il consacré un ouvrage aux gargouilles de Notre-Dame de Paris2, en montrant comment elles racontent l’histoire du monument, et particulièrement celui de sa restauration au XIXe siècle, et les différentes projections qu’elles révèlent sur le Moyen Âge. Or si la cathédrale fait l’objet de nombreux documentaires destinés à la jeunesse, ce sont plutôt les gargouilles qui semblent attirer les auteurs de fiction pour la jeunesse, à l’exception de Notre-Dame de Paris3. En effet, en tant que personnages, ces dernières viennent enrichir la galerie des monstres traditionnels de la littérature pour enfants. Dans ce cas, la gargouille comme les autres monstres est un Janus Bifrons : selon l’âge des destinataires, elle est une compagne amicale et fidèle pour le jeune héros ou la jeune héroïne ; à l’opposé, elle se fait menaçante et retrouve sa nature initiale dans les fictions destinées aux plus grands. Mais nous verrons également que certains auteurs la réinscrivent dans un patrimoine culturel, imaginaire où elle se trouve associée, directement ou indirectement à d’autres monstres sans doute perçus comme plus familiers. Nous évoquerons alors le cas particulier d’une œuvre destinée à de très jeunes enfants, entre fiction et documentaire, dans laquelle la gargouille semble le meilleur témoin, et le meilleur interlocuteur par rapport au public visé, pour raconter l’histoire de Notre-Dame de Paris, et revenir sur l’incendie qu’elle a subi. Cela nous amènera à présenter certains albums, dans lesquels les personnages de gargouilles retrouvent si l’on peut dire leur statut originel, et deviennent des éléments centraux de la cathédrale tout en la révélant, avec cette fois des perspectives nettement esthétiques et poétiques.
Produit en 1996, par les studios Disney, le dessin animé Le Bossu de Notre-Dame4, adaptation à destination de la jeunesse de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo (1831) et le processus de novélisation5 qui s’en est suivi ont sans doute contribué à mettre en vogue des personnages de gargouilles sympathiques dans la littérature de jeunesse6 ; en effet, Quasimodo a pour amies trois gargouilles de pierre qui sont ses confidentes : Rocaille, Muraille et La Volière. Dans le roman originel, Quasimodo est fortement associé aux gargouilles7 et d’après les producteurs du dessin animé « l’idée que les gargouilles parlent est en partie suggéré par Hugo »8. En évoquant le dessin animé, Michael Camille remarque à propos des personnages, qu’il rapproche d’ailleurs de celui de Mickey : « Leurs rondeurs souriantes et leurs yeux écarquillés sont typiques de Disney »9. L’auteur poursuit ainsi :
Dans l’anthropomorphisme de Disney, l’animal se voit tout à la fois célébré et ridiculisé : à l’image de Quasimodo, les créatures de pierre deviennent de gentils poupons qui attendrissent l’enfant présent en chacun d’entre nous10.
Il constate par ailleurs que :
Étonnamment, ce sont des intellectuels américains qui ont reproché à ce dessin animé d’avoir trahi l’esprit de Hugo. […] Les chimères stéréotypées du dessin animé expriment tout le contraire de l’étrangeté : elles projettent une notion simpliste du désir humain11.
Or, reprenant des propos du philosophe François Lyotard, Michael Camille soulignait précédemment que les Américains se sont intéressés aux gargouilles en tant que symboles de la « sombre altérité » du continent et du passé qu’ils avaient quittés12. En tant que personnage à réinventer, la gargouille peut devenir le réceptacle de nombreuses projections, ce qui explique sans doute l’expression de « Gargouilles blanches » qu’emploie Michael Camille pour évoquer le gothique américain de Winslow Homer à Disney, en faisant de toute évidence allusion à l’essai de Corbusier Quand les cathédrales étaient blanches13, qu’il a cité au début du chapitre concerné.
Mais les trois sympathiques gargouilles du dessin animé de Walt Disney ayant visiblement inspiré, même indirectement, d’autres auteurs pour la jeunesse, nous nous proposons d’infléchir le sens que donne Michael Camille à l’adjectif « blanches » accolé aux gargouilles américaines, dans l’idée qu’elles peuvent recevoir des projections très différentes. En effet, à l’autre bout du spectre, les personnages de gargouilles dans des fictions américaines destinées à un public adulte retrouvent leur image de monstre maléfique et effrayant14. Ainsi, nous pouvons désigner par gargouilles blanches (versus sombres), dans des fictions françaises adressées à la jeunesse, des personnages de gargouilles se situant du côté du gentil monstre de compagnie.
Pour illustrer notre propos, dans l’album intitulé Adélaïde de Tomi Ungerer, justement publié à New-York en 195915, l’héroïne, un petit kangourou ailé, s’en va explorer le monde et visite entre autres à Paris deux monuments incontournables : la Tour Eiffel et Notre-Dame. Or, au sommet de la cathédrale, elle est « effrayée par d’horribles gargouilles » et « rassurée par le sourire de l’ange ». Cependant, les gargouilles que l’on rencontre dans plusieurs livres illustrés pour enfants entre 6 et 10 ans se situent davantage du côté de l’ange (gardien) et sont d’ailleurs ailées, et douées de parole. Ainsi, les jeunes héros, garçons ou filles, ont dès le départ du récit une amie gargouille, leur alter-ego, tel que Josselin dans Le Prince Jojo de Sophie Dieuaide16 – avec la précision dès le résumé de couverture que la gargouille n’est pas très bien élevée – ou la jeune Hilary avec sa gargouille de compagnie dans le cycle « Le trésor de l’enchanteresse » de Caroline Carlson17… Dans d’autres fictions, la gargouille est une « vraie » gargouille d’église, qui se lie d’amitié avec le jeune héros comme dans la série « Gaspard de Paris » de Paul Thiès18, ou le cycle de Joann Lennon « Les mystères de la gargouille »19.
Pour des lecteurs plus âgés, les personnages de gargouilles s’inscrivent cette fois dans l’imaginaire de la statue maléfique, dans des œuvres entre fantastique et fantasy, comme dans le cycle « Stoneheart » où prennent vie des statues de Londres, dont les gargouilles, ou alors dans celui d’Arthur Ténor20 « Les Voyages extraordinaires », où le héros est fait prisonnier par d'étranges cavaliers médiévaux dont le chef est une gargouille gothique monstrueuse.
Dans plusieurs polars historiques pour la jeunesse, la cathédrale devient de nouveau le lieu du crime ; or dans deux récits21 prenant pour cadre le chantier de la cathédrale d’Amiens, les auteures s’emparent chacune à sa manière du topos de la gargouille maléfique. Dans Le secret de la cathédrale, Colin, le héros, sculpte une gargouille avec tellement de précision qu’elle commence à lui donner des inquiétudes :
Sa gargouille en gestation lui paraissait parfois si vivante qu’il la regardait avec crainte. Il poursuivait alors sa tâche du bout des doigts, les bras tendus, comme si elle allait tout à coup s’animer et se jeter sur lui22.
Mais ce n’est en réalité qu’une fausse piste, car le criminel est ailleurs… Dans Meurtres à la cathédrale23, le meurtrier qui sévit sur le chantier porte un hideux masque de gargouille afin de marquer sa nature démoniaque. On peut également citer dans la série « L’apprentie alchimiste » d’Arthur Ténor – auteur déjà cité plus haut, Le fantôme de Notre-Dame24, dans lequel c’est un homme-gargouille qui sévit.
Enfin, certaines œuvres jouent sur un processus de métaphorisation : dans le roman Madame Gargouille25 d’Orianne Charpentier, le jeune Ézéchiel déteste la concierge de son immeuble, Georgette Gargon, toujours en train de l’invectiver – il faut dire que le garçon n’est pas en reste de bêtises ou de provocations. Mais lorsqu’il subit l’épreuve de la séparation de ses parents, « Madame Gargouille » se révèlera un véritable soutien au grand cœur. Il faut mentionner également La Gargouille26 d’Armande Auray : dans ce roman, Paul, un petit orphelin, a été recueilli par Mme Fistule qui ne le traite pas très bien. Or lorsque cette dernière passe devant l’église du village, elle reçoit systématiquement un jet d’urine de la gargouille sur son chapeau ; il s’agit en fait d’une mesure de rétorsion de la part du marionnettiste Icare27 qui veut venger Paul… Le titre joue sur à la fois sur les sens propre et figuré, entre la gargouille du toit de l’église qui arrose Madame Fistule, l’effet de miroir avec le physique d’Icare d’un côté, et le comportement monstrueux de Madame Fistule de l’autre.
Et dans Professeur Gargouille28 de Charles Gilman, qui s’inscrit dans le genre de la fantasy, Mattéo arrive dans un collège où ne se passent que des choses étranges et inquiétantes, et son professeur de sciences Garfield Gouille semble particulièrement démoniaque. L’éditeur a eu une idée originale pour la première de couverture : lorsqu’on la fait bouger, on voit la tête de ce professeur, à l’air tout à fait respectable, se métamorphoser en tête de démon29.
Nous ferons, pour terminer ce premier point sur le double visage de la gargouille en littérature de jeunesse, une rapide incursion dans la bande dessinée pour la jeunesse, où l’on retrouve la partition gentille gargouille / gargouille maléfique. Dans la série en bande dessinée de Filippi et Etienne, intitulée « Gargouilles »30, Grégoire, qui vient d’arriver en Bretagne et habite en face d’une collégiale devient l’ami de la gargouille Phidias qui le fait passer dans un monde parallèle où les attendent de nombreuses aventures. On peut citer également le tome 1 de la série « Enola et les animaux extraordinaires » de Joris Chamblain et Lucile Thibaudier, aux bien nommées éditions de La Gouttière, dans lequel le premier patient de la jeune vétérinaire pour animaux fantastiques est une gargouille tout à fait inoffensive31. En revanche dans le tome 5 de la série de Laurent Audoin, et Amélie Sarn32, intitulé « Les gargouilles de Notre-Dame », ces dernières, animées de mauvaises intentions33, se mettent à semer la zizanie dans Paris.
Nous continuons cette exploration sur le personnage de la gargouille dans la littérature de jeunesse par deux albums médiévalistes34 qui ont pour point commun d’évoquer des personnages de gargouilles parmi d’autres monstres s’inscrivant dans un imaginaire médiéval-fantastique : il s’agit de Gargouilles, sorcières et compagnie35 de l’auteure illustratrice Elzbieta et de Gargouilles et Vampires du poète américain Jack Prelustky36.
Gargouilles, sorcières et compagnie se situe entre bestiaire merveilleux, recueil d’histoires fantaisistes liées aux animaux associés au personnage de la sorcière, et recettes magiques. On y trouve également une histoire d’ogre. Sur les pages jaunies de l’album est reproduit visuellement le grain de papier des manuscrits anciens, où se trouvent d’ailleurs des graphies à moitié effacées comme pour suggérer le palimpseste. Ce grimoire prétend faire illusion sur son authenticité avec humour et s’inspire directement de l’iconographie médiévale et ses motifs, voire les reproduit, tout en les associant à des éléments inattendus et du cru de l’auteure. Parmi les différentes histoires, on trouve celle d’une gargouille37 recueillie par une sorcière ; ensemble elles font des escapades nocturnes, en veillant toujours à revenir avant le point du jour, car la gargouille, qui peut se métamorphoser la nuit, retrouve aussitôt sa nature minérale38 avec les rayons du soleil et peut chuter lourdement. Après une mésaventure de ce genre, la sorcière lui trouve une place d’apprentie gargouille sur le clocher de l’église du village, mais sa protégée évolue jusqu’à devenir gargouille de cathédrale, et pas la moindre, puisqu’il s’agit de Notre-Dame de Paris… Cependant, elle garde l’habitude de ses envolées nocturnes en compagnie de sa mère adoptive.
La jeune gargouille retourne ensuite sur le clocher de son église. L’illustration de la première de couverture de l’album est en lien avec cette histoire.
L’album de Jack Prelutsky évoque de manière hétéroclite différents monstres ou personnages maléfiques issus de l’imaginaire européen, qui font l’objet de poèmes humoristiques : trolls, vampires, basilic, griffon, ogres, croque-mitaines, gnomes, gobelins, sorcières, loups-garous, et gargouilles. On peut interpréter cet album – et d’autres également de ce même poète – comme une façon de se réapproprier tout un imaginaire des monstres, mais il est intéressant de constater que la gargouille figure au même titre que les autres dans cette « galerie », et que relevant d’un patrimoine matériel, elle devient ici également l’élément d’un patrimoine immatériel. Trois poèmes lui sont consacrés : dans le premier, « La berceuse de maman Gargouille »39, cette dernière souhaite à sa progéniture de faire « de beaux cauchemars » ; par effet d’écho, dans « La chanson des bébés gargouilles »40, ces derniers supplient leur maman de ne pas les envoyer au lit car ils aimeraient déployer leurs ailes, survoler les rues animées – les gargouilles sont censées dormir le jour – et en profiter pour effrayer les passants. Dans le poème intitulé « La gargouille sur le toit »41, qui termine ce recueil sous forme d’album, une gargouille menaçante prévient l’éventuel impie des châtiments qu’elle pourrait lui infliger ; le champ lexical s’inscrit dans les registres de la monstruosité et de l’effroi : « griffes bien acérées », « ailes de pierre déployées », « la caresse glaciale », « la caresse fatale » et le texte joue sur la possible animation soudaine de la gargouille, tandis que dans l’illustration, ses yeux rouges font la bascule vers le fantastique et évoque d’autres créatures comme le loup-garou et le vampire. Mais il s’agit malgré tout d’une peur au second degré, les jeunes lecteurs auxquels s’adresse l’ouvrage ayant désormais le recul suffisant pour jouer à avoir peur, comme un peu plus jeunes ils s’amusaient à avoir peur du loup.
Si la démarche des deux auteurs est semblable, dans la mesure où ils choisissent d’associer des histoires ou des poèmes à des personnages archétypaux tels que la sorcière ou l’ogre en y ajoutant aussi la gargouille, qui donne un air de renouvellement, celle du poète américain semble relever du geste anthologique, puisque la galerie de monstres évoquée dans son album paraît exhaustive. Ce geste anthologique relève visiblement d’une transmission culturelle sur un mode ludique, qui révèle que la gargouille a désormais rejoint les autres personnages de monstres ou monstrueux ayant déjà fait l’objet d’une réappropriation dans la culture américaine, au point d’apparaître dans le titre de l’album à côté des vampires.
Nous allons aborder à présent une œuvre pour de jeunes enfants, dans laquelle le personnage de la gargouille ne relève ni du compagnon d’aventures, ni du monstre menaçant, même s’il y est fait écho. De plus, cette œuvre se situe dans sa matérialité entre livre et album42, mais aussi entre fiction et documentaire comme nous allons le voir, ce qui en fait un cas particulier parmi les différentes productions étudiées.
Rêves de Gargouille43 a été écrit par Diane Marnier, conférencière dans les musées de Paris, après l’incendie de Notre-Dame de Paris le 15 avril 2019.
Sur la page de garde, on lit sous le titre la mention « Conte », de même que sur la quatrième de couverture ; cependant, la présentation qui suit évoque une fiction entre « fable et récit architectural ». Pour nous, il pourrait rentrer également dans la catégorie des docufictions ; en effet, s’il prend la forme d’un récit, on y trouve beaucoup de passages explicatifs, puisqu’il s’agit d’apporter des informations élémentaires sur la cathédrale ; le récit est d’ailleurs suivi d’un glossaire constitué de ce qui correspond visiblement aux mots-clés du récit, qui apparaissent d’ailleurs en majuscules et en gras dans le texte44.
Rêves de Gargouille raconte l’histoire d’une petite gargouille aux traits enfantins45 appelée Cyclopède, située dans la tour Sud de la cathédrale, là où se trouve Emmanuel le Bourdon, la plus grosse cloche de Notre-Dame. Le récit évoque la naissance de Cyclopède sous les doigts du tailleur de pierre Maître Rémi, son « papa »46, puis les dégâts occasionnés par la Révolution et la restauration orchestrée par Viollet-le-Duc, notamment la pose de la flèche47. Mais le récit bifurque ensuite : Cyclopède s’ennuie et essaie de trouver différents moyens de se divertir, plus ou moins heureux. Or un jour, elle voit des flammes sur le parvis de Notre-Dame et décide de les aspirer pour jouer au dragon, complètement à contre-emploi ; se rendant compte de son erreur, elle aspire l’eau des pompiers de Paris et contribue à sauver la cathédrale. Ce récit à hauteur de jeune enfant est une façon de revenir sur l’histoire de la cathédrale et celle de l’incendie, en passant par une image parlante, qui associe bêtise d’enfants jouant avec le feu comme le fait Cyclopède, et la figure du dragon.
Dans les précédents récits que nous avons évoqués, le personnage de la gargouille s’est autonomisé et n’a plus de lien avec la cathédrale, ou assez ténu. Dans les albums que nous allons évoquer à présent, les gargouilles retrouvent leur nature originelle et donnent accès à la rêverie, la contemplation ; soit la cathédrale reste à l’arrière-plan mais porte le récit par tout l’imaginaire qui lui est associé, notamment par le biais de Notre-Dame de Victor Hugo ; soit les gargouilles deviennent l’élément essentiel de la cathédrale et la magnifient. Dans tous les cas, les albums se caractérisent par un mouvement ascensionnel.
L’album de Claude Clément, La funambule et l’oiseau de pierre48, est paru en 1992 ; l’éditeur n’indique pas d’âge spécifique en ce qui concerne les destinataires, mais l’album est référencé sur un site dédié à la littérature de jeunesse comme Ricochet49. Par ailleurs l’auteure a écrit de nombreux récits pour la jeunesse.
Le texte, qui s’apparente à un long poème narratif, met en scène un badaud – à première vue, un « oiseau de pierre », qui ne sera jamais désigné directement comme une gargouille, et une jeune funambule.
La première double-page liminaire avant la double-page de titre, pleinement illustrée et sans texte, représente la surface d’un mur urbain de ciment patiné50, où se superposant à des peintures ou graffitis antérieurs, trois dessins au pinceau à la façon de ce que l’on appellerait aujourd’hui le street art reproduisent l’élan, puis l’envol d’un oiseau blanc, évoquant un phénix.
Sur la première double-page du récit51, on voit sur la page de gauche ce qui évoque un tableau, par son cadrage, où dominent les couleurs sombres avec des effets de gradation, représentant à l’intérieur une sorte d’immense oiseau noir s’apparentant à un dragon avec ses serres puissantes, dont on peut imaginer qu’il vient de se poser sur le haut d’un édifice.
Illustration 1 : Claude Clément, ill. Frédéric Clément, La funambule et l’oiseau de pierre, Milan 1992, troisième double-page
Les questions qui ouvrent le texte de la page de droite accentuent le caractère mystérieux et chimérique52 de la créature :
Était-ce un dragon de légende ramené
par un chevalier d’un voyage au bout de ses rêves ?
Un oiseau rescapé du temps où les hommes n’existaient pas ?
Ou le songe fou d’un artiste qui avait modelé ce monstre
à l’image de son inquiétude ? Personne n’en savait plus rien53.
La suite du texte en revanche est explicite sur la nature de cette dernière, même si le mot de gargouille comme nous l’avons indiqué précédemment n’est jamais prononcé dans l’album54, mais le registre est extrêmement poétique et la fin du texte insiste sur son caractère impénétrable :
Gardien des rêves, du mystère, tout seul dressé
contre l’oubli, de son regard énigmatique, il contemplait
la ville obscure dont il devenait la mémoire55.
La seconde double-page du récit évoque ce dont l’oiseau a été témoin, c’est-à-dire la métamorphose de la ville :
Il avait
vu glisser les
siècles sur les
pavés du grand parvis. Des pierres s’étaient effritées. Dans la
poussière des chantiers, d’autres matières
avaient pris place. En face de la cathédrale,
une tour de verre et de métal avait surgi, reflétant l’or des crépuscules et des lumières de la ville56. […]
Tous les jours, face à la cathédrale, un homme seul qui observe « de temps à autre le ciel, la rue, l’oiseau, les gens », s’installe au même bistrot en face de la cathédrale. Et cet homme écrit… Il devient alors le témoin des efforts que déploie chaque jour une jeune funambule, qui est aussi danseuse, pour rejoindre l’oiseau de pierre, en tendant à chaque fois son fil de plus en plus loin. Tout au long des quelques jours que dure l’histoire, sont évoqués différents artistes offrant des spectacles de rue : musiciens, équilibristes, cracheurs de feu ; Moyen Âge et temps moderne se superposent, donnant une dimension intemporelle à l’histoire.
Par ailleurs, la cathédrale n’est jamais identifiée de manière explicite comme étant Notre-Dame de Paris, mais sa reproduction à la manière d’un lavis57 apparaît sur un mur58, face à un graffiti représentant l’homme témoin de l’histoire entre la funambule et l’oiseau de pierre installé devant un verre…
Un jour d’été où menace l’orage, la jeune funambule, après de nombreux entraînements et tentatives, en prenant toujours plus de hauteur59, accroche son fil au sommet de la tour de verre, « jusqu’au cou du monstre agrippé à la cathédrale » faisant le lien entre deux mondes et deux époques :
Illustration 2 : Claude Clément, ill. Frédéric Clément, La funambule et l’oiseau de pierre, Milan 1992, onzième double-page
Mais le tonnerre éclate, elle trébuche et « le monstre des inquiétudes » déploie ses « ailes géantes », tandis que « ses serres immenses » se détachent de « la dure prison de pierre où elles étaient pétrifiées depuis déjà presque mille ans »60. Quand l’oiseau de pierre observait du haut de la cathédrale, depuis des siècles, la vie des hommes et des scènes quotidiennes, c’est cette fois l’homme assis et les passants qui regardent vers le ciel :
Illustration 3 : Claude Clément, ill. Frédéric Clément, La funambule et l’oiseau de pierre, Milan 1992, treizième double-page
La toute dernière double-page, celle de couverture, représente, en écho à la première double page, le même oiseau « phénix », comme dessiné au pochoir, en train de voler sur un fond bleu ; de même que précédemment, le vol de l’oiseau est composé de trois dessins montrant ses mouvements d’ailes successifs, donnant l’impression d’une animation. L’oiseau de pierre saturé de noir dans le prologue du récit semble s’être métamorphosé en oiseau céleste et lumineux.
Cet album plein de mystère et d’onirisme, qui convoque l’imagination du lecteur, ouvre une porte vers l’imaginaire, la poésie, la création. Si la cathédrale reste à l’arrière-plan du récit – et de même dans l’illustration, elle est omniprésente, ne serait-ce que par les références à Notre-Dame de Paris de Victor Hugo ; l’histoire d’amour qui y est racontée semble liée au roman originel par un jeu de transposition, permettant d’inventer un lien hors-norme entre une jeune artiste de rue – qui renverrait à Esmeralada – et une créature monstrueuse – qui renverrait à Quasimodo, si proche des gargouilles ; sans doute une chimère de l’homme assis, qui est sans doute un poète, plusieurs fois représenté en train d’écrire, notamment dans les dernières doubles pages…
Le second album61, simplement intitulé Cathédrale62, raconte également une histoire d’ascension et de transcendance, en lien cette fois avec la cathédrale de Strasbourg63, dans un contexte médiéval ; le récit tient du conte. John Howe, connu pour sa collaboration avec le réalisateur Peter Jackson pour l’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux de Tolkien, en est l’auteur et l’illustrateur.
Nathanaël, le jeune héros, fils de forgeron, est pris un matin « pas comme les autres » de l’envie irrésistible d’aller à l’assaut de la cathédrale pour mieux la découvrir, au lieu de se rendre dans l’atelier de son père :
Vue de la place où se dressait la Cathédrale, la ville paraissait tassée dans la brume. Le monument lui-même semblait jaillir jusqu’aux nuages et, même si les gens sérieux ne s’en étaient jamais aperçu, il soutenait la lune. Or, contrairement aux petits enfants, aucun adulte ne lève plus jamais la tête. Ils ont tous le nez plongé dans leurs petites affaires et ne font guère attention aux gargouilles de la Cathédrale qui claquent des doigts avec insolence et se chatouillent le ventre en narguant les passants. Mais Nathanaël percevait ces choses-là64.
D’emblée sont étroitement associées la cathédrale et ses gargouilles, et le passage cité exprime l’idée que seul un regard d’enfant peut redonner vie à ces dernières, et que seule sa curiosité peut l’amener à découvrir ce qui est au-delà du visible, pour mieux rêver la cathédrale65. De plus, on peut voir en Nathanaël un reflet de l’auteur qui aurait gardé son âme d’enfant et dont la cathédrale garde intacte sa capacité d’émerveillement, d’autant que John Howe dédie cet album à son père.
C’est donc une exploration par l’extérieur de la cathédrale que réalise le jeune garçon. En effet, il se met à l’escalader inlassablement, perdant d’ailleurs la notion du temps, jusqu’à ne plus voir la ville. Ses premiers interlocuteurs sont des corbeaux66, puis un roi, et enfin des gargouilles67. Celles-ci se révèlent d’ailleurs de grandes conteuses. Mais d’autres se montrent fort désagréables, à tel point qu’une affreuse gargouille qu’il rencontre le jette dans le vide et il a juste le temps d’être rattrapé par de puissants doigts qui sont ceux d’un dragon.
La suite évoque une cathédrale comparée à un grand arbre négligé par son jardinier68 depuis des siècles, que le jeune garçon explore désormais avec l’agilité d’un écureuil et alors que la pluie tombe. L’illustration qui accompagne le texte donne à voir des gargouilles semblant surgir de cet arbre immense pour vomir des trombes d’eau, qui ressemblent à autant de cascades puissantes69.
Nathanaël, déterminé à poursuivre l’escalade, finit par accéder à une petite plate-forme tapissée de mousse où le rejoint son ami le corbeau Rathbone. Il vit alors une expérience inoubliable, sur ce qui lui semble incarner « le toit du monde »70, avant de redescendre chez lui, de retrouver son père. Il deviendra un grand forgeron.
La postface de l’album, « Le chœur des légendes », s’apparente à un texte poétique dans lequel le poète, arrivé à dix-neuf ans à l’école des arts décoratifs de Strasbourg, évoque sa fascination absolue pour la cathédrale :
Pendant quatre ans, je l’ai regardée, j’ai approché ses vertiges, touché la pierre rêche et douce au plus haut de sa flèche, coulé des heures lentes et solitaires à palabrer avec ses statues. Bien sûr, elle m’avait séduit dès le premier regard. Je devins son captif. Elle fut mon château, mon royaume, mon Europe trouvée à l’envers de mon pays trop neuf, où l’histoire, écrite à grands traits d’acier et de verre fumé, n’a pas encore eu le temps de prendre une ride71.
Plus loin, l’auteur précise qu’il a toujours préféré la cathédrale de l’extérieur car « trop de solennité l’éloigne ». Il ajoute :
Mais ses défis, ses folies, les ricanements païens de ses gargouilles m’enchantent. Je l’ai laissée m’arracher, m’envoûter, me hanter. J’ai dit oui à sa magie. Elle me laisse la ré-inventer72.
La cathédrale est déchristianisée, mais reste sacrée73.
Cathédrale, qui réunit merveilleux et réalisme dans le récit et l’illustration, le registre visuel du grotesque par la présence des gargouilles, et le sublime par l’ascension de Nathanaël74, possède une véritable dimension hugolienne, ceci d’autant que l’auteur de Notre-Dame avait lui-même réalisé l’ascension de la tour de la cathédrale de Strasbourg, dont la hauteur l’avait fort impressionné75. John Howe évoque d’ailleurs dans « Le chœur des légendes » que ce qui fut pour lui le premier éblouissement correspond au début de cet « inlassable "voyage perpendiculaire" que célébrait Victor Hugo »76 en évoquant son ascension de la tour. Et comme dans le roman de Hugo, les gargouilles sont la voix de la cathédrale…
Après Cathédrale, le dernier album que nous présenterons est celui de Paul Rouillac, et dont le titre fait d’emblée écho à celui de l’album de John Howe : Gargouilles77… Ce dernier a obtenu le Grand Prix de Bologne du Livre de Jeunesse en 2013. Cet album est un livre animé, qui prend ici la forme du pop up, le principe étant que l’image se déploie en trois dimensions lorsque l’on ouvre la page où elle se trouve. Ainsi, le mouvement ascensionnel des personnages que nous constations dans les albums de Claude Clément et de John Howe est ici inscrit dans l’acte même de création – ou recréation de l’artiste.
Les gargouilles représentées font partie de la Galerie des Chimères de Notre-Dame de Paris78. Le format du pop up permet de les animer par le mouvement de déploiement initié par l’ouverture de chaque double page, mais aussi de leur redonner leur volume ; sur un fond noir se déploient alors sept créatures de papier, à l’image de leurs modèles de pierre dans les couleurs primaires jaune, rouge et bleu, ou encore couleur terre de Sienne. Chaque créature est accompagnée d’un texte explicatif dont le titre désigne indirectement cette dernière ou son contexte. Les textes permettent d’évoquer tour à tour les fonctions pratiques79 et symboliques80 des gargouilles, d’expliquer leur évolution architecturale81, tout en présentant également les chimères82, « statues diaboliques, purement décoratives » qui « se moquent des petits humains que nous sommes ». Sont évoquées également des statues ayant une place particulière dans l’imaginaire de Notre-Dame, comme Le Stryge83, ou des statues liées à la mythologie grecque, mais auxquelles la religion chrétienne a prêté une signification particulière, comme le phénix84.
Illustration 4 : Paul ROUILLAC, Gargouilles : un livre pop-up avec Danielle Védrinelle, Mango Jeunesse, Paris, 2012, 1ère double-page : « Dragon d’eau »
Illustration 5 : Paul ROUILLAC, Gargouilles : un livre pop-up avec Danielle Védrinelle, Mango Jeunesse, Paris, 2012, 2e double-page : « Hurler avec les loups »
Illustration 6 : Paul ROUILLAC, Gargouilles : un livre pop-up avec Danielle Védrinelle, Mango Jeunesse, Paris, 2012, 3e double-page : « Sur un balcon… »
La Galerie des Chimères fait l’objet de l’une des doubles pages : une chimère s’y déploie85 et le texte intitulé « Bestiaire de Notre-Dame » accompagnant cette sculpture de papier évoque la rénovation de Notre-Dame par Viollet-le-Duc et la création des cinquante-quatre statues qui seront installées dans la Galerie des Chimères. Enfin, la dernière double-page fait apparaître une épure de Notre-Dame de Paris en noir, aérienne, avec des gargouilles placées à gauche et à droite de chacune des deux sculptures de papier se faisant face, qui représentent les façades avant et arrière de la cathédrale. Un poème de Jean de La Ville de Mirmont, poète romantique, intitulé « La Gargouille » accompagne cette « apparition » de Notre-Dame.
À travers ses gargouilles et ses chimères, Gargouilles constitue un hommage à Notre-Dame tout en évoquant son histoire. Objet hybride entre documentaire et livre d’art, l’album permet une approche sensible et esthétique d’un monument patrimonial connu dans le monde entier86, en invitant à la découverte, la contemplation, à son rythme.
Pour conclure, cette exploration de la place de la gargouille comme personnage dans la littérature de jeunesse révèle des aspects très différents selon la perspective des auteurs. Dans le premier cas, la gargouille vient enrichir la galerie des monstres et donne le change ; pour les plus jeunes, elle représente pour l’enfant un compagnon d’aventures complice et protecteur. Pour les récits adressés aux plus grands, elle s’inscrit dans l’imaginaire du monstre animé propre notamment au mouvement gothique ; de ce fait, certains récits la réinscrivent dans l’espace de la cathédrale. Les albums d’Elzbieta et de Prelutsky replacent quant à eux la gargouille dans un imaginaire médiéval fantastique, mais avec une tonalité d’ensemble plutôt facétieuse, pour des jeunes lecteurs qui seront en mesure d’apprécier le second degré. Nous avons également étudié le cas très particulier du petit livre de Diane Marnier, à vocation pédagogique, et dans lequel la petite gargouille raconte à la fois son histoire et celle de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Dans des albums d’auteurs pour la jeunesse – et le plus souvent illustrateurs, la gargouille redevient de nouveau statue, et son lien organique avec la cathédrale est affirmé. Selon des modalités originales, ces œuvres font des gargouilles l’élément emblématique et essentiel de la cathédrale, pour mieux la célébrer, voire la réinventer. Ainsi les gargouilles, qui intriguent, amusent les visiteurs aux abords des cathédrales, deviennent dans ces albums des « passeuses » qui font accéder dans tous les cas à la rêverie, l’expérience de la contemplation et/ou à la découverte de cathédrales patrimoniales, en convoquant la curiosité et l’émerveillement.
[1] Prologue de « La Gargouille. Histoire vraie d’une petite bestiole trouvée dans un arbre », ELZBIETA, Gargouilles, sorcières et compagnie, Rouergue, 2002, p. 13.
[2] Michael CAMILLE (trad. Béatrice et Jean-Claude Bonne), Les Gargouilles de Notre-Dame, médiévalisme et monstres de la modernité, Paris, Alma, 2011. M. Camille emploie aussi le terme de chimères, emprunté à Viollet-le-Duc, qui ont pour différence avec les gargouilles de ne pas faire fonction de gouttière : Ibid. avant-propos, p. 31 et 32.
[3] Cette cathédrale fait en effet exception, et ce au-delà de la littérature de jeunesse française (et plus largement les productions culturelles adressées à la jeunesse) : voir le numéro 1 de l’année 2022 de la revue en ligne de littérature de jeunesse et de littérature générale Publije (université du Mans) portant sur le sujet « Adapter, récrire, ressusciter Notre-Dame de Paris : échos d'Hugo dans les films, illustrations, bandes dessinées, jeux vidéo et autres formes abrégées ou hybrides pour la jeunesse » : https://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/issue/view/24.
[4] Dans Publije, n°1,2022, op. cit., voir à propos du dessin animé l’article de Guillaume PEYNET, « Les chansons du Bossu de Notre-Dame », dans lequel l’auteur analyse les nombreuses fonctions de ces dernières et notamment, l’hommage à la cathédrale : https://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/article/view/179. Sur la cathédrale de Notre-Dame de Paris en soi dans la littérature de jeunesse, nous citerons particulièrement la première et très riche des deux contributions de Marlène Fraterno et Anne Schneider dans ce même numéro : Marlène FRATERNO, Anne SCHNEIDER, « Les réécritures de Notre-Dame de Paris en littérature de jeunesse : réactualisation croisée d’un récit et d’un monument ? Récit fantasmé, objet sacralisé, monument muséographié » : https://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/article/view/172.
[5] Pour la France, Walt DISNEY, Le Bossu de Notre-Dame, Paris, Hachette, 1996. Sur les 96 pages que comporte l’album, les gargouilles apparaissent juste après Quasimodo (p. 14-15) et sont nommées « ses fidèles compagnes de pierre ». Tout au long de leur apparition, elles l’encouragent (p. 16-17 et 70-71), lui prêtent assistance (p. 78-79) ; finalement, en une sorte de prologue, elles commentent le dénouement du récit, assises sur le parapet de la cathédrale, vues de dos, de manière surplombante. Il existe également des aventures dérivées du dessin animé : Quasimodo doit récupérer ses trois amies de pierre tombées de leur balcon lors d’un violent orage, puis dans la charrette d’un paysan qui en a gardé une et vendu les autres à un capitaine et à un forgeron (Walt DISNEY, Le Bossu de Notre-Dame. Quasimodo, l’ami fidèle, Paris, Hachette, 2015).
[6] La grande majorité des fictions que nous allons présenter ont été publiées après 1996 et particulièrement dans les années 2000-2020.
[7] Dans le chapitre trois de son ouvrage (Les Gargouilles de Notre-Dame, op. cit.), « Monstres du romantisme : les gargouilles de Victor Hugo », M. CAMILLE rappelle à quel point le roman de Hugo a donné une impulsion décisive à la restauration du monument, dans laquelle l’écrivain a été fortement impliqué, mais aussi en quoi cette œuvre « en a influencé les formes mêmes, notamment celles des chimères de la balustrade » (Ibid., p. 103). En ce qui concerne Quasimodo, M. Camille rappelle en citant Hugo comment le personnage principal se confond avec la cathédrale dont il est l’âme, tout au long du roman, mais plus particulièrement avec les gargouilles – qui fascinent l’auteur, et qui « par analogie deviennent les porte-parole du bâtiment tout entier » (Ibid., p. 106), tout en étant investies « d’une inquiétante humanité » (Ibid., p. 109).
[8] Cité par M. CAMILLE, op. cit, chap. 9, « Monstres des médias : les gargouilles au XXe siècle », p. 338. Si dans le dessin animé les producteurs ont néanmoins fait en sorte que les gargouilles apparaissent comme le fruit de l’imagination de Quasimodo (voir la citation, Ibid., p. 338), cela n’est plus du tout suggéré dans la novélisation. Et dans l’aventure dérivée citée dans la note précédente, le fait que les trois gargouilles aient la faculté de parler reste un secret entre elles et Quasimodo, qu’il partage à la fin avec Esmeralda, qui l’a aidé.
[9] Ibid., p. 337. Dans le numéro de Publije, n°1 (2022) cité plus haut, Christian Chelebourg montre comment « l’adaptation de Notre-Dame de Paris par les studios Disney en 1996 s’inscrit dans la stratégie d’implantation du parc Euro Disney à Marne-la-Vallée », représentant la cathédrale « comme une attraction monumentale ». Parmi de nombreux éléments, il évoque également la suite de 2002 qui rétablit une fin heureuse, à contresens du texte hugolien, « et consacre l’intégration de Quasimodo au Disneyverse » (nous reprenons des éléments du résumé de l’article) : Christian Chelebourg, « L’histoire d’une firme… et d’un livre. Disney et The Hunchback of Notre-Dame », Publije, n°1 (2022), op. cit. : https://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/article/view/175.
[10] M. CAMILLE, op. cit., p. 338.
[11] Ibid., p. 339.
[12] Ibid., p. 329. Ces réflexions servent d’introduction à la troisième partie du chapitre 9 consacrée au gothique américain de Winslow Homer à Disney, mais en réalité l’auteur évoque également les avatars post-modernes de la figure de la gargouille aux États-Unis dans les films d’épouvante ou de science-fiction, le rock gothique, les séries télévisées.
[13] LE CORBUSIER, Quand les cathédrales étaient blanches, Paris, Bartillat, 2012 [1937]. Dans cet essai, l’architecte traite des nouvelles cathédrales qu’incarnent à ses yeux les gratte-ciels américains et donne sa vision idéale de l’organisation urbaine et architecturale de Manhattan.
[14] C’est ce que nous évoquons dans l’avant-dernière note : M. CAMILLE, op. cit., p. 340-343.
[15] Tomi UNGERER, Adélaïde, texte français Adolphe Chagot, Paris, L’École des loisirs, édition française (édition originale : Adelaïde, Harper & Row, New York, 1959), 1978.
[16] Sophie DIEUAIDE, ill. Clotilde PERRIN, Prince Jojo 1er, Casterman, « Roman Benjamin », Paris, 2004.
[17] Caroline CARLSON, trad. Bee FORMENTELLI, « La très honorable ligue des pirates (ou presque) », t. 1 : Le trésor de l’enchanteresse, Paris, Bayard Jeunesse, 2015. Nous mettons à la fois en italiques et entre guillemets les titres de cycles ou de séries.
[18] Paul THIÈS, ill. Benjamin STRICKLER, « Gaspard de Paris », t. 1 : « Le monstre des toits », Paris, Flammarion jeunesse, « Romans Castor », 2019.
[19] Joan LENNON, ill. David WYATT, « Les mystères de la gargouille », t. 1 : Le Roi et l’Orphelin, Gallimard jeunesse, « Folio cadet classique », Paris, 2009.
[20] Arthur TÉNOR, « Les voyages extraordinaires », t. 3 : Voyage extraordinaire sur le continent des épopées, Paris, Plon jeunesse, 2008.
[21] Ces deux récits sont évoqués dans l’article d’Yvon HOUSSAIS, « Représentations du Moyen Âge dans la littérature de jeunesse : clichés et ruptures (2000-2006) », in Caroline Cazanave, Yvon Houssais (dir.), Médiévalités enfantines. Du passé défini au passé indéfini, Presses universitaires de Franche Comté, Annales littéraires de Franche Comté, n°891, 2011, p. 157-170, p. 168-169. Ces deux romans sont représentatifs d’une rupture avec les romans de chevalerie pour la jeunesse qui s’inscrivaient dans une topographie qui était celle du triptyque château-village-forêt : le cadre de la ville permet un retour au polar, avec notamment pour théâtre la cathédrale. Dans ces récits, les auteurs ont à la fois l’intention de divertir et de transmettre des savoirs sur le Moyen Âge, et en l’occurrence, sur les cathédrales et leur construction.
[22] Béatrice NICODÈME, Le secret de la cathédrale, Paris, Livre de poche jeunesse, 2006, p. 82.
[23] Martine POUCHAIN, Meurtres à la cathédrale, Paris, Gallimard jeunesse, 2000.
[24] Arthur TÉNOR, « L’apprentie alchimiste », t. 3 : Le fantôme de Notre-Dame, Paris, Nathan, 2008.
[25] Orianne CHARPENTIER, ill. Béatrice ALEMAGNA, Madame Gargouille, Paris, Gallimard, « Hors Piste », 2006.
[26] Armande AURAY, images d’Agnès COLOMBIER, La Gargouille, Paris, éditions Messidor/La Farandole, 1990.
[27] Précisons justement qu’Icare est difforme et renvoie à la figure de Quasimodo, avec la même gentillesse, car enfant, il a sauté du toit de l’église pour voler avec les ailes qu’il s’était fabriquées avec de vraies plumes : p. 45-48.
[28] Charles GILMAN, « Le collège Lovecraft », t. 1 : Professeur Gargouille, Bayard, 2015.
[29] On peut en avoir une idée en utilisant ce lien : https://www.qwant.com/?q=professeur+gargouille&t=images.
[30] Dominique-Pierre FILIPPI et Étienne JUNG, Gargouilles, Genève, Les Humanoïdes associés, « Les 3 masques », 2002-2012.
[31] Joris CHAMBLAIN, Lucile THIBAUDIER, « Enola et les animaux extraordinaires », t. 1 : La gargouille qui partait en vadrouille, Amiens, Les éditions de la Gouttière, 2015.
[32] Laurent AUDOIN et Amélie SARN, « Les aventures fantastiques de Sacré-Cœur », t. 5 : Les gargouilles de Notre-Dame, Poitiers, éd. Lézard Noir, « Le Petit lézard », 2014. La série contient douze tomes ; le jeune héros, Sacré Cœur, est amené à chaque fois à mener une enquête en lien avec un monument ou un lieu emblématique de Paris où commencent à se produire des évènements étranges.
[33] On trouve évidemment des gargouilles maléfiques dans la bande dessinée pour adultes ou jeunes adultes, comme dans la suivante : Serge LHEMAN, ill. Stéphane CRÉTY, « Masqué », t. 3 : chimères et gargouilles, Paris, Delcourt, « Neopolis », 2013.
[34] Nous entendons par cet adjectif des albums puisant dans l’imaginaire médiéval, en l’occurrence, ici, les personnages et différentes créatures évoqués.
[35] ELZBIETA, op. cit. L’auteure-illustratrice avait précédemment publié en 1990 Le Grimoire de sorcière par Galimatia Farigoule. Recettes, usages et histoires secrètes, Pastel, École des loisirs, 1995 [1990].
[36] Jack PRELUTSKY, ill. Peter SÍS, adapté de l’anglais par Alice Marchand, Gargouilles et Vampires, Paris, Grasset Jeunesse, 3 octobre 2001 (édition originale 1999, pour Greenwillow Books, département de William Morrow & Company, New York, USA). J. Prelutsky avait précédemment publié, également illustrés par Peter Sís, La Nuit des dragons, Paris, Grasset Jeunessse, 1997 et Les Sorcières du lundi, Paris, Grasset Jeunessse, 1997, traduits par Cécile Wajsbrot. Il s’agit également de portraits ou récits sous la forme de poèmes.
[37] « La Gargouille. Histoire vraie d’une petite bestiole trouvée dans un arbre », in ELZBIETA, op. cit., p. 13-16. L’histoire suivante, « La petite fille au miroir », est aussi une histoire dans laquelle on retrouve une gargouille : cette fois, c’est une petite fille délaissée par son oncle et enfermée dans une chambre qui se lie d’amitié avec une gargouille qu’elle avait éblouie avec un miroir : Ibid., p. 18-20.
[38] Elzbieta utilise ici le motif de la métamorphose et des pouvoirs qui cessent au petit matin pour des créatures comme le vampire ou le loup-garou.
[39] J. PRELUTSKY, op. cit., p. 10-11. L’illustration du poème (la partie de gauche essentiellement) est aussi l’image de la première de couverture de l’album ; on y voit les bébés gargouilles prendre la posture des célèbres trois singes, dont l’un se met les mains sur la bouche, l’autre sur les oreilles, et le dernier sur les yeux, comme pour se protéger du mal, ou paraître faussement sages.
[40] Ibid., p. 20-21.
[41] Ibid., p. 38-39.
[42] La distinction entre livre et album repose sur des différences en ce qui concerne leur matérialité, mais surtout sur la relation entre texte et image. Nous nous référons principalement aux travaux de Sophie VAN DER LINDEN, qui montre qu’une caractéristique centrale de l’album est que le récit est porté à la fois par le texte et l’image, avec des modalités très différentes selon les œuvres. En l’occurrence, dans le cas de Rêves de gargouille, il est évident que les illustrations, très présentes, constituent plutôt des points de repère pour l’enfant et bien sûr un agrément : on peut donc considérer qu’il s’agit d’un petit livre (de format carré, à la couverture souple).
[43] Diane MARNIER, ill. Louise DEPREZ, Rêves de gargouille, Nantes, Amalthée, 2020. Présentation par l’éditeur : https://www.editions-amalthee.com/catalogue-livres-editions-nantes/jeunesse/reves-de-gargouille/.
[44] Ces mots ou groupes nominaux sont : « Une gargouille », « Un tailleur de pierre », « La cathédrale Notre-dame de Paris », « Emmanuel le Bourdon », « Eugène Viollet-le Duc », « La flèche », « Les douze hommes verts ».
[45] Cf. les gargouilles de Disney que nous évoquions plus haut ; p. 8, Cyclopède, la gargouille, est décrite comme une « créature au long cou et à la bonne bouille ».
[46] Ibid., p. 6.
[47] Pour le coup la Galerie des Chimères n’est en revanche pas évoquée du tout.
[48] Claude CLÉMENT, ill. Frédéric CLÉMENT, La funambule et l’oiseau de pierre, Toulouse, Milan, 1992. Non paginé.
[49] Cependant sur le site « Babelio », où sont commentés à la fois des livres pour enfants en littérature générale, le commentaire mis en exergue signale « pour lecteurs chevronnés », et il est vrai que l’album est exigeant.
[50] Selon l’adage « Les murs ont des oreilles », c’est en fait ce mur qui porte tout le récit, par les graffitis, les dessins sous forme de tableaux que l’on y observe.
[51] On peut considérer que cette troisième double-page, qui vient juste après la double-page de titre, représente, avec la suivante, le prologue du récit.
[52] À la fois illusoire et monstrueux. La disposition même du texte renforce sa dimension poétique.
[53] Ibid., troisième double-page de l’album et première double-page du récit, page de droite pour le texte.
[54] En revanche celui de « chimère » sera employé plus loin, onzième double-page.
[55] Ibid., troisième double-page de l’album et première double-page du récit, page de droite pour le texte.
[56] Ibid., quatrième double-page de l’album et deuxième double-page du récit, page de gauche pour le texte.
[57] Sans doute une allusion à Victor Hugo qui pratiquait cette technique avec talent.
[58] À la cinquième double-page. Sur la page de titre (deuxième double-page), on remarque, s’insérant dans le titre entre le déterminant « La » et le mot « funambule », ce qui apparaît comme une estampe de la cathédrale.
[59] Tout au long de ces tentatives, l’oiseau se met à sortir d’abord imperceptiblement de son immobilité de pierre, par un frémissement (texte de la huitième double-page), puis des larmes (texte de la dixième double-page), jusqu’à la dernière tentative de la funambule où il déploie ses ailes (texte de la douzième double-page).
[60] Douzième double-page.
[61] Outre l’onirisme, la poésie, les éléments qui rapprochent Cathédrale et La funambule et l’oiseau de pierre, il faut préciser que John Howe a illustré plusieurs des albums de Claude CLÉMENT, dont La ville abandonnée, Casterman, « Les albums Duculot », 2004, où sur une double page sont représentées des gargouilles.
[62] John HOWE, Cathédrale, Bueb & Reumaux, La Nuée Bleue, 1994 [1987] (manuscrit original traduit en français par Christophe Gallaz. Postface « Le chœur des légendes », écrite en collaboration avec Danièle Brison). On peut voir les somptueuses images de l’album, dont celles que nous allons évoquer, par le lien suivant : https://www.qwant.com/?q=john+howe+cath%C3%A9drale&t=images.
[63] Au moment où elle a été édifiée, cette dernière était le plus haut monument de la chrétienté : https://www.oeuvre-notre-dame.org/web/ond/cathedrale-de-strasbourg/en-quelques-chiffres.
[64] J. HOWE, op. cit., texte de la deuxième double page du récit.
[65] On peut considérer cette escapade verticale qui dure en fait deux jours comme un rêve du jeune garçon…
[66] Voir les sixième et septième double-pages de l’album, en partant de la première double-page du récit. Pour les corbeaux, la cathédrale est une montagne, ce qui prépare la métamorphose de sa façade plus loin, les jets d’eau devenant cascades qui passent au milieu d’une végétation luxuriante à la treizième double-page. En voulant leur expliquer ce qu’est une cathédrale, Nathanaël leur dit que « c’est comme une grande maison. Sauf que personne n’y habite, à moins que… ». Les corbeaux confirment à Nathanaël que la cathédrale est désertée par les hommes (septième double-page). Il est intéressant de rapprocher cet échange de l’importance aux yeux de Victor Hugo des textes et des images pour ranimer Notre-Dame, parallèlement à sa restauration (voir M. CAMILLE, op. cit., haut de la page 104), car c’est cela le cœur de la démarche de John Howe, pour celle de Strasbourg, « sa » cathédrale. Enfin, l’arbre tordu au sommet au sommet de l’une des flèches autour duquel volent des corbeaux fait visiblement allusion, de manière détournée, au tableau du peintre romantique Caspard DAVID FRIEDRICH, L’arbre aux corbeaux, (Krähen auf einem Baum), 1822, au Musée du Louvre. Mais les corbeaux sont ici des guides et non des oiseaux de mauvais augure.
[67] Voir les dixième, onzième et douzième double-pages (textes et images) du récit. La neuvième et somptueuse double-page, toute en image, présente des têtes de gargouilles qui semblent s’élancer à la fois de gauche et de droite, comme pétrifiées dans leur mouvement, et au milieu se trouvent des corbeaux, volant, ou immobiles, et la perspective converge vers deux d’entre eux semblant prêts à se défier. En utilisant le lien indiqué en note 62, on peut voir cette image qui correspond à la première de la deuxième série.
[68] Cela résonne, évidemment, fortement avec le texte de Gilles CLÉMENT, Notre-Dame-des-plantes, Paris, Bayard, coll. « Grand ouvert », 2021.
[69] Image de la treizième double-page (en partant de la première double-page du récit), que l’on peut voir également en utilisant le lien indiqué en note 62 : il s’agit de la cinquième image de la première série.
[70] Le jeune garçon a l’expérience d’un voyage cosmique fulgurant, sur le dos d’un dragon, escorté par des nuées de corbeaux : voir à la quinzième double-page (en partant de la première double-page du récit), page de gauche pour l’illustration : en utilisant le lien indiqué en note 62 pour la regarder, l’image correspond à la quatrième de la première série.
[71] J. HOWE, op. cit., « Le chœur des légendes », première page. Nous précisons que pour des raisons pratiques, nous n’avons pas respecté le découpage du texte qui évoque plutôt des vers et donc un poème. Sur le fond, les propos de John Howe donnent une résonnance particulière à la réflexion évoquée plus haut de Michael CAMILLE alors qu’il s’apprête à évoquer le gothique américain de Winslow Homer à Dysney (op. cit., p. 329) : « Pour le philosophe François Lyotard, les États Unis sont un continuum de blancheur, une surface vide qui ne connaît ni les rides de l’histoire ni les simples apories d’un passé où se terrent les monstres médiévaux. Les Américains se sont intéressés aux gargouilles en tant que symboles de cette sombre altérité, comme les fantômes du continent sinistré qu’ils avaient laissé derrière eux… ».
[72] Ibid., troisième page.
[73] Nous avons pu constater la convergence des images employées par des mouvements ésotériques avec les images poétiques de John Howe, mais les perspectives sont évidemment différentes : Michael Camille cite ainsi Salomon Resnick, écrivant à propos des gargouilles de Notre-Dame de Paris qu’« elles ne sont pas des statues mais des symboles issus d’une forêt immémoriale, des gardiens du rêve "anscestral" » : M. CAMILLE, op. cit., ch. 9, p. 328.
[74] Dans un registre moins solennel, on peut voir un écho au célèbre tableau de Friedrich, considéré comme caractéristique du mouvement romantique, dans la contemplation finale du jeune garçon après son ascension jusqu’au sommet de la tour de la cathédrale que l’on voit de dos, scrutant l’horizon dans un ciel houleux : Caspar David Fridriech, « Le Voyageur contemplant une mer de nuages », 1818, Kunstalle de Hambourg.
[75] Dans Victor HUGO, Lettres, Le Rhin, 1842. N’ayant pu avoir accès à l’œuvre originale, nous renvoyons à l’extrait dans lequel Victor Hugo narre cette ascension, sur le site Théâme.
[76] J. HOWE, op. cit., deuxième page.
[77] Paul ROUILLAC, Gargouilles : un livre pop-up avec Danielle Védrinelle, Paris, Mango Jeunesse, 2012. Non paginé. Toujours sous la forme du pop-up, l’auteur a également publié Masques, un livre pop-up avec Danielle Védrinelle Mango jeunesse, 2011 ; Créatures fantastiques, Paris, Seuil Jeunesse, 2015 ; Zodiaque : créatures célestes, avec Loraine Capelier, Paris, Seuil jeunesse, 2016.
[78] Nous indiquons un lien permettant de voir certaines pages de l’album, notamment le démon sortant des flammes, en jaune, le phénix, en rouge et Notre-Dame en noir (dernière double-page) :
https://www.qwant.com/?q=Paul+Rouillac+Gargouilles&t=images.
[79] P. ROUILLAC, op. cit., « Dragon d’eau », première double page. Ce dernier est également reproduit sur la première de couverture de l’album. Voir la photographie insérée plus bas.
[80] Ibid., deuxième double page, « Hurler avec les loups ». Voir la photographie insérée plus bas.
[81] Ibid., cinquième double page, « Armée de pierre ». Sur fond rouge apparaît une gargouille de papier en noir, exactement au centre de la double-page ; de chaque côté se trouve un rabat noir, qui lorsqu’on le lève, fait apparaître une autre gargouille ; ainsi la page déployée permet de faire surgir trois créatures. De plus, en regard du texte explicatif en bas du rabat droit, on trouve sur le rabat de gauche une citation extraite de Notre-Dame de Paris, en police blanche et agrandie, évoquant les innombrables sculptures de diables et de dragons de la cathédrale.
[82] Ibid., troisième double page, « Sur un balcon… ». Voir la photographie insérée plus bas.
[83] Ibid., septième double-page, « La reine des démons » (le stryge est à l’origine un monstre féminin). Pour l’anecdote, dans un album pop-up de petit format destiné à de très jeunes lecteurs où sont présentés des monuments, institutions ou spécialités de Paris, Notre-Dame est mentionnée à la fin, avec la légende « Les gargouilles de Paris surveillent la ville depuis des siècles » ; on voit le buste du Stryge, à qui une bulle prête ces paroles : « J’en ai assez de cette vue ! » : Andy MANSFIELD, Virginie BORDEAUX (trad.), Paris en pop-up, édition française, traduit et adapté de l’ouvrage POP-UP PARIS, Lonely Planet Junior, 2017.
[84] Le phénix évoqué correspond visiblement à l’oiseau aux ailes déployées – mais pas identifié par Michael Camille à un phénix – dont on voit la photographie dans l’ouvrage de ce dernier : M. CAMILLE, op. cit., photographie n°53, p. 27.
[85] Il s’agit du démon sortant des flammes.
[86] Pour des informations supplémentaires sur les choix de l’auteur, voir Ouest France : https://www.ouest-france.fr/bretagne/paimpol-22500/paul-rouillac-vit-brehat-et-cree-des-gargouilles-en-pop-303679.
Résumé
Dans cet article est interrogé le statut de la gargouille en tant que personnage dans la littérature de jeunesse, en se posant la question de son lien avec l’imaginaire de la cathédrale. On distingue alors deux grands types de choix narratifs et esthétiques. Dans le premier cas, la gargouille devient un personnage à part entière, et permet alors d’élargir le spectre des créatures monstrueuses selon différents registres et modalités. Dans le second, elle retrouve ses spécificités et se réinscrit alors pleinement dans l’imaginaire de la cathédrale, dont elle devient un élément de sublimation.
Abstract
In this article, the status of the gargoyle as a character in children’s literature is questioned, asking the question of its connection with the imagination of the cathedral. There are two main types of narrative and aesthetic choices. In the first case, the gargoyle becomes a character in its own right, and allows to expand the spectrum of monstrous creatures according to different registers and modalities. In the second, it rediscovers its specificities and is then fully reintegrated into the imagination of the cathedral, of which it becomes an element of sublimation.
La gargouille, entre monstre de compagnie « z’ailé » et statue maléfique
Un hapax : une petite gargouille cracheuse de feu
Gargouilles et cathédrales aériennes : une ascension vers le ciel
Isabelle OLIVIER
Université d’Artois, « Textes et Cultures », UR 4028
AUDOIN, Laurent, SARN, Amélie, Les aventures fantastiques de Sacré-Cœur, t. 5 : « Les gargouilles de Notre-Dame », Poitiers, éd. Lézard Noir, « Le Petit lézad », 2014.
AURAY, Armande, images d’Agnès Colombier, La Gargouille, Paris, éditions Messidor/La Farandole, 1990.
CAMILLE, Michael, trad. BONNE Béatrice et Jean-Claude, Les Gargouilles de Notre-Dame, médiévalisme et monstres de la modernité, Paris, Alma, 2011 (The Gargoyles of Notre-Dame : Medievalisme and the Monster of Modernity, Chicago, The University of Chicago Press, USA, Illinois, 2009).
CARLSON, Caroline, trad. FORMENTELLI, Bee, « La très honorable ligue des pirates (ou presque) », t. 1 : Le trésor de l’enchanteresse, Paris, Bayard Jeunesse, 2015.
CHAMBLAIN, Joris, THIBAUDIER, Lucile, « Enola et les animaux extraordinaires », t. 1 : La gargouille qui partait en vadrouille, Amiens, Les éditions de la Gouttière, 2015.
CHARPENTIER, Orianne, ill. ALEMAGNA, Béatrice, Madame Gargouille, Paris, Gallimard, « Hors Piste », 2006.
CHELEBOURG, Christian, « L’histoire d’une firme… et d’un livre. Disney et The Hunchback of Notre-Dame », Publije, n°1, 2022 : « Adapter, récrire, ressusciter Notre-Dame de Pari : échos d'Hugo dans les films, illustrations, bandes dessinées, jeux vidéo et autres formes abrégées ou hybrides pour la jeunesse », partie 2 :
https://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/article/view/175.
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