I loved my Lolita, this Lolita, pale and polluted, and big with another’s child, but still gray-eyed, still sooty-lashed, still auburn and almond, still Carmencita, still mine; Changeons de vie, ma Carmen, allons vivre quelque part où nous ne serons jamais séparés; Ohio? The wilds of Massachusetts ?1
Lolita2 est un roman dans lequel le voyage et les déplacements sont omniprésents : d’une part à travers la vie fictive du narrateur qui nous conte son récit mais aussi par l’écriture, qui, à de nombreuses reprises dans le texte, transporte le lecteur de la langue anglaise à la langue française. Nabokov, dont le parcours biographique explique son multilinguisme, donne à la plume de son narrateur une part de cette multiplicité, car si Nabokov est trilingue, Humbert Humbert est quant à lui bilingue. Dès lors, si l’auteur rythme sa prose anglophone de xénismes, donc de mots étrangers inattendus, l’intertexte du roman offre aussi un récit interculturel. En effet, nombreux sont les spectres apparents d’auteurs étrangers dans le roman et on y retrouve cette notion de déplacement ; le lecteur est propulsé dans les méandres de l’immense culture littéraire de Vladimir Nabokov qui, à l’instar de son narrateur Humbert Humbert, fut également professeur de lettres. En revanche, ces multiples références à des auteurs comme Mérimée, Flaubert, Proust, etc., ne sont pas explicites et peuvent passer inaperçues pour ceux qui ne partagent pas ce bagage culturel3. Par exemple, la citation qui ouvre cet extrait de Lolita, est une citation employée par le narrateur de la célèbre nouvelle Carmen de Mérimée que voici :
Changeons de vie, Carmen, lui dis-je d’un ton suppliant. Allons vivre quelque part où nous ne serons jamais séparés. Tu sais que nous avons, pas loin d’ici, sous un chêne, cent vingt onces enterrées4…
Mais qui n’est pas un familier de cette œuvre française peut évidemment passer à côté de cette référence faite par Nabokov et l’interpréter tout autrement. Ces observations nous enjoignent à nous demander dans quelle mesure nous pouvons parler du texte de Lolita comme un texte au langage hybride et non pas comme un texte empruntant simplement des expressions idiomatiques à la langue française. Par là nous interrogerons cette idée de langue déplacée. Dès lors, nous commencerons par exposer les prémices de ce travail en abordant brièvement quelques éléments biographiques de la vie de Vladimir Nabokov et de celle de son narrateur. Dans un second temps, nous aborderons la question de l’alternance codique, c’est-à-dire ici la place de la langue française dans le texte original de Lolita. Alors nous exposerons l’importance de l’influence culturelle française sur ce roman de Vladimir Nabokov. Ces premières parties s’appuieront sur de nombreux travaux qui traitent du lien qu’entretient Nabokov avec la langue française. Dès lors, cette réflexion expose aussi une visée synthétique non exhaustive des ouvrages existants à cet égard. Enfin, nous nous interrogerons sur le fait même que la langue de Lolita fut déplacée (par Nabokov et les réalisateurs que sont Stanley Kubrick et Adrian Lyne) au sein d’un scénario afin d’être adaptée au cinéma et donc à un tout autre langage.
Afin de bien comprendre la nature hybride de Lolita, il paraît utile de faire un détour via la biographie de l’auteur. Lolita, roman de Vladimir Nabokov dont le titre résonne familièrement aux oreilles de tous, est un roman dont la langue est celle d’un écrivain déplacé, un écrivain exilé polyglotte dont le parcours biographique explique le multilinguisme linguistique de son écriture.
Nabokov naît en 1899 à Saint-Pétersbourg au sein d’une famille cultivée de la noblesse russe. Dès son plus jeune âge il reçoit des cours de langues et, d’après certaines de ses biographies, le jeune Vladimir aurait même appris à lire l’anglais avant le russe5. Sa nourrice suisse francophone, Cécile Miauton, lui apprit aussi le français. Stanislas Gauthier, qui réfléchit à cette question du trilinguisme qui traverse l’œuvre entière de Nabokov, rappelle que Vladimir Nabokov et son frère, enfants, « pouvaient lire et écrire l’anglais avant d’être autonomes en russe »6.
Aussi, lors d’un entretien7 avec Bernard Pivot dans l’émission « Apostrophes », Nabokov raconte qu’à trois ans il parlait mieux l’anglais que le russe, et évoque le rôle de cette même mademoiselle Cécile Miauton (Mademoiselle O dans son autobiographie) dans son apprentissage des langues étrangères. À cela il ajoute « à douze ans je connaissais tous les poètes bénis de la France » et ce, après avoir arpenté la bibliothèque de son père, précise-t-il.
Le plurilinguisme de cette enfance n’est peut-être pas aussi complet qu’il le prétend : Laure Troubetzkoy8 modère les propos de l’auteur en expliquant tout de même que sa première nourrice était russe et qu’il parlait le russe avec sa mère lors de son enfance. Quoi qu’il en soit, cela nous renseigne quant aux influences qui formèrent l’auteur de Lolita.
En 1917, la victoire des Bolcheviques pousse à l’exil les Nabokov, qui deviendront alors ce qu’on appelle communément des Russes blancs. Vladimir Nabokov, comme une grande partie de la jeunesse issue des familles de Russes blancs immigrées en Europe, étudiera en Angleterre, à l’université de Cambridge. Ses études porteront sur la littérature française. Il s’installera à Berlin et fuira l’Allemagne en 1937 pour la France avec sa femme Véra, qui est russe et juive, puis finira aussi par fuir la France (en 1940) pour s’installer enfin aux États-Unis. C’est dans le contexte de cette vie qu’il faut penser les questions de la langue, des langues et des cultures. Car, pour Nabokov, il n’est pas aisé de se cantonner à une seule langue ni à une seule nationalité. Quand il lui est demandé quelle est sa langue préférée, il répond de la manière suivante : « Mon esprit répond : l’anglais, mon cœur : le russe, mon oreille : le français »9. Il ne s’agit pas de simagrées, puisque ses publications démontrent un réel plurilinguisme littéraire : il écrit ses neuf premiers romans ou ses recueils de poésie en langue russe, huit autres en anglais et un seul texte de fiction en français, Mademoiselle O. Mais au-delà de ces textes, il écrira un bon nombre d’articles scientifiques en russe ou en anglais, participera à la première traduction française de Lolita (aux côtés d’Eric Kahane), écrira son autobiographie en russe puis en anglais et ce, à partir d’un texte qu’il avait, dans un premier temps, écrit en français. Ceci nous montre déjà à quel point les langues s’entremêlent chez Nabokov.
S’il n’a que peu écrit en français, son rapport à la France ne se restreint pas aux seules années où il y vécut. Le français est une des langues de son enfance, et sa connaissance de la littérature française est immense du fait de ses études et de son éducation familiale. Nous délimitons ici notre propos à Lolita, mais le français est une langue très présente dans les autres romans anglophones de Nabokov10. Ce parcours biographique explique donc la nature cosmopolite du bagage culturel que possède Nabokov et nous offre de nombreuses pistes d’analyse afin d’aborder les textes de l’auteur, ce que nous allons faire dès à présent à la lumière des lignes qui composent Lolita.
De fait, chaque lecteur de Lolita remarquera qu’au sein même de la prose anglophone apparaissent de nombreux mots ou expressions en français. Dans un premier temps, cela se justifie dans le texte par les origines biographiques du narrateur qui, à l’instar de celles de son auteur, sont plurielles. En effet, Humbert Humbert naît d’un père suisse d’origine autrichienne et d’une mère anglaise et grandit sur la Côte d’Azur. De plus, toujours comme son auteur, Humbert Humbert est un narrateur polyglotte aussi à l’aise en français qu’en anglais qui souhaite mettre en avant son éducation. Ces informations biographiques permettent à Nabokov de justifier les mots étrangers employés par son narrateur.
Pour le chercheur Michael Wood, l’utilisation du français dans le roman participe à une certaine « sophistication pédante »11 du langage parlé par le narrateur, comme nous pouvons le lire dans l’introduction de l’ouvrage Vladimir Nabokov et la France12. Lara Delage-Toriel aborde aussi cette notion du pédantisme dans un article13 dédié. Pour la chercheuse, Humbert Humbert, en tant que professeur de français, est un pédant dans les deux sens du terme : le premier (précepteur, maître d’école) selon les origines du mot et le second, péjoratif, dénotant ainsi la prétention. En effet, Humbert Humbert tente, à travers son récit, de séduire son lectorat et de le convaincre afin que cette audience puisse lui pardonner l’impardonnable. La seule arme du narrateur est sa prose, qu’il soigne minutieusement. Son bilinguisme devient une marque de son éducation. L’emploi du français par le narrateur sert donc à consolider l’image d’un personnage intellectuel de par son éducation, son métier et sa personnalité.
La langue française étant aussi une part de son histoire intime (il est né en France d’un père suisse francophone et y a étudié puis travaillé), elle permet au narrateur de ménager un certain effet de proximité avec son lecteur et de le duper en lui donnant un sentiment de familiarité. La langue française est alors employée dans le but de manipuler. Elle devient un accessoire appartenant aux éléments fondateurs du masque du narrateur qui, à son tour, se fera prendre à sa propre supercherie. Le français sert à « séduire » les lecteurs mais aussi les personnages du roman.
Effectivement, d’après Bénédicte Bintein14, Lolita se sert du français pour amadouer Humbert Humbert qui écrit avec ironie que Lolita l’employait seulement lorsqu’elle jouait « la très bonne petite fille » : « Used French only when she was a very good little girl »15. On notera que ce passage du roman est celui qui amorce la fuite de Lolita. Nous comprenons que l’utilisation du français par Lolita à cet instant précis est un instrument de duperie qui participera à convaincre Humbert de quitter Beardsley. Ainsi, le français est vu par Lolita comme un moyen de séduire Humbert Humbert.
L’utilisation d’une autre langue dans un texte ne suffit peut-être pas à définir ce texte comme hybride. Pour aller plus loin dans cette analyse, nous pouvons aborder le surgissement du français dans le texte de Nabokov par le biais de l’alternance codique, ou « code switching » en anglais, qui est définie par la linguiste Shana Poplack comme :
La juxtaposition de phrases ou de fragments de phrases, dont chacun d’eux – donc les fragments de phrases – est en accord avec les règles morphologiques et syntaxiques (et éventuellement phonologiques) de sa langue de provenance16.
Cela signifie que le changement de langue peut intervenir à tout moment, dans une phrase, ou peut concerner une phrase parmi d’autres, un mot au sein d’une phrase etc., comme cela s’organise dans la pensée des personnes bilingues. Ce que démontrent de fait les différentes études17 neurologiques et linguistiques qui abordent la question du bilinguisme est que les personnes bilingues peuvent jongler entre les différentes langues pratiquées sans aucune difficulté ou nécessité de réflexion particulière, même s’il peut exister une certaine hiérarchisation de ces langues. C’est en effet de la sorte que les xénismes de Humbert Humbert s’organisent, et cela s’observe dès les prémices du texte dans lesquelles on voit apparaître le français :
He, mon cher petit papa, took me out boating and biking, taught me to swim and dive and water-ski, read to me Don Quixote and Les Misérables, and I adored and respected him and felt glad for him18…
L’observation de la construction de cette phrase illustre la définition de l’alternance codique et en prête un exemple. Effectivement, l’expression « mon cher petit papa » définit et qualifie plus précisément le pronom personnel « he ». Ce groupe nominal en langue française est apposé au sujet pronom personnel anglais, et a donc pour fonction celle de complément du pronom. Si on se fie aux règles grammaticales du français, il s’agit d’une expansion détachée, et cela par des virgules. Cette apposition a une valeur explicative. De plus, ce groupe nominal détaché est écrit en italique, ce qui le démarque typographiquement. Dès lors, si Humbert Humbert semble avoir procédé à un échange de langue très « naturellement », ce passage au français ne passe pas inaperçu, appuyant ainsi son importance dans le texte. Cela confirme la nécessité de distinction et surtout de mise en exergue qui s’accorde avec l’usage du français par le narrateur. L’édition Penguin Modern Classics ne fait aucune annotation à ce sujet et ne traduit pas ce groupe nominal. Cette phrase n’est qu’un exemple parmi d’autres mais ce qu’il faut retenir est que ces alternances codiques sont fréquentes et se manifestent au sein du roman. Ce n’est donc pas une citation mais l’emmêlement syntaxique de deux langues.
Quel est l’effet de ce procédé littéraire ? En reprenant notre exemple, on constate aussi la manière dont Humbert Humbert implique son lecteur en le propulsant dans son univers intime. On comprend que « mon cher petit papa » devait être l’expression employée par le narrateur pour appeler son père lorsqu’il était enfant. Le français est donc une langue de l’intime, intime tout comme l’est pour lui la culture littéraire européenne dont il cite Don Quichotte et Les Misérables. Ainsi, cette alternance codique possède une visée stylistique, jugée nécessaire par le narrateur, et elle semble réservée à un usage précis. Alors, pour habituer ses lecteurs anglophones à cet entremêlement syntaxique et linguistique, Nabokov a choisi de le traiter autrement que comme de simples citations en langues étrangères et a travaillé un certain effet de récurrence.
En effet, comme le relève et l’explique Julie Loison-Charles dans son ouvrage Vladimir Nabokov ou l’écriture du multilinguisme : mots étrangers et jeux de mots, dont une part du travail recense tous les xénismes de l’œuvre de Nabokov, il y a des expressions ou termes français qui reviennent souvent dans ce roman de Nabokov, ce qui produit cet effet de récurrence. Les voici : « Soi-disant », deux fois ; « Comme on dit », deux fois ; « Cadeaux », cinq fois ; « Nous connûmes », 3 fois »19. Les expressions répertoriées par Julie Loison-Charles tiennent aussi, comme l’exemple cité plus haut, de la notion d’alternance codique car ce sont des mots étrangers qui surgissent au sein même de la langue anglaise. L’expression « Nous connûmes » est employée trois fois en guise d’introduction de paragraphe. Pour l’autrice, cette récurrence permet de réduire l’impression d’étrangeté de cette langue autre par un lecteur anglophone qui n’aurait aucune notion de français. Elle ajoute que cet effet de récurrence permet aux lecteurs de mémoriser la formulation étrangère car, comme elle le met en lumière à l’aide de l’exemple suivant, Nabokov commence ce cycle de répétitions en proposant une traduction de cette occurrence : « We came to know – Nous connûmes, to use a Flaubertian intonation (…) »20. En outre, nous pouvons ajouter, en reprenant cette idée de « pédantisme » abordée plus tôt, que cette récurrence de même que ces références à Flaubert ou quelques mots plus tard à Chateaubriand permettent aussi à Humbert Humbert de conserver son statut d’homme érudit et de professeur, ce qui lui offre une position dominante par rapport aux autres personnages, comme Charlotte Haze qu’il ne cesse de dénigrer et dont il moque l’utilisation du français, « that awful French. »21 De plus, la chercheuse nous fait remarquer que l’arrivée du xénisme est prévenue par des marques typographiques22. En voici un exemple :
This book is about Lolita ; and now that I have reached the part which (had I not been forestalled by another internal combustion martyr) might be called ‘Dolorès Disparue,’ there would be little sense in analyzing the three empty years that followed23.
En effet, les termes français sont inclus dans le texte en italique et se démarquent donc des autres occurrences, respectant ainsi les conventions d’écriture pour les mots étrangers. Mais, en s’appuyant sur les travaux de Jacqueline Authier-Revuz consacrés à l’hétérogénéité du langage, Julie Loison-Charles souligne que l’emploi d’une typographie différente, « c’est s’arrêter sur le mot lui-même dans sa dimension matérielle pour signaler que ce mot ne va pas de soi, que l’on prend de la distance par rapport à celui-ci »24. Cela ajoute au caractère « pédant » du changement instantané de langue car l’utilisation du français par le narrateur ne doit donc pas passer inaperçue pour son lecteur.
Parmi les xénismes récurrents relevés par Julie Loison-Charles, le « nous » de l’expression « nous connûmes » est quant à lui employé à d’autres reprises : trois fois pour « nous connûmes » où ce « nous » désigne Humbert Humbert et Lolita ; mais aussi une première fois au cœur de l’expression « entre nous soit dit » (p. 128) dans laquelle ce « nous » désigne plutôt le narrateur et son lecteur. Cet « entre nous » se fait encore révélateur d’une recherche de complicité du narrateur avec son lecteur. Nous le savons d’emblée, il s’agit d’un récit confession comme la préface nous l’indique : « Lolita, or the Confession of a White Widowed Male »25 et donc d’un texte dont l’auteur en quête de rédemption est à la recherche d’un lecteur complice et compréhensif. Le français reste ici la langue de l’intime. D’ailleurs, ce « nous » emprunté à la langue française apparaît encore dans le roman mais fait l’objet d’un double emprunt. En effet, il s’agit d’un emprunt au français mais aussi au texte de Mérimée : « Changeons de vie ma Carmen, allons vivre quelque part où nous ne serons jamais séparés »26.
Ce « nous » représente encore Humbert Humbert et Lolita mais ce « pronom personnel » est un « nous » emprunté à Prosper Mérimée car la phrase entière est en fait une citation issue de la nouvelle27 de l’auteur français, Carmen, publiée en 1847. Ce « nous », dans la nouvelle de Mérimée, est aussi un « nous » comprenant le narrateur de la nouvelle, Don José amoureux, et l’objet de son amour, ici Carmen. Cette nouvelle tragique de Mérimée finit par la mort de Carmen, assassinée par son amant. On peut aussi imaginer que la mort de Lolita en couche est in fine le résultat d’une fatalité à laquelle l’a assujettie Humbert Humbert en la brisant alors qu’elle n’était qu’une enfant. D’ailleurs, dès les débuts de leur périple, Humbert a le sentiment oppressant de voyager avec le fantôme d’un être qu’il aurait tué, ce qui renforce en un sens l’analogie avec la nouvelle de Mérimée : « It was something quite special, that feeling : an oppressive, hideous constraint as if I were sitting with the small ghost of somebody I had just killed »28.
Cette utilisation de Mérimée par Humbert nous permet d’aborder la question de l’intertextualité dans le roman de Lolita. Car d’après Bénédicte Bintein, Nabokov a « hésité un temps à choisir le français comme terrain de création avant de finalement se décider pour l’anglais »29. Comme évoqué lors de l’introduction, le français est une langue agréablement musicale pour Nabokov, il y est donc attaché. Cet attachement vient probablement de son goût pour de nombreux auteurs français, auteurs dont les œuvres apparaissent même à travers Lolita, comme un hommage.
Comme le fait remarquer Ole Nyegaard30, l’apparition de Flaubert est remarquable au moins à deux reprises. Le premier exemple est le nom qu’Humbert Humbert donne à la professeure de piano de Lolita qu’il nomme Miss Emperor, faisant alors référence à la professeure de piano de Madame Bovary, Madame L’Empereur, qui n’était finalement qu’un alibi pour masquer ses rendez-vous galants, tout comme pour Lolita. Puis, dans les phrases qui suivent, le narrateur se trompe sur le nom de son collègue Gaston et le nommera Gustave, tout en se corrigeant rapidement. Cependant, Gustave nous renvoie évidemment à Gustave Flaubert31 qui venait d’être évoqué indirectement dans le roman de Nabokov à travers la référence à Madame Bovary. On peut alors imaginer que la référence à l’auteur trottait encore dans la tête du narrateur, ce qui donne au récit un effet d’immédiateté renforçant ainsi l’effet de réel qui est travaillé par Nabokov tout au long de son roman32.
Ces jeux intertextuels sont donc nombreux et ne se réfèrent pas seulement à ces auteurs précédemment cités. Nous pouvons aussi remarquer la présence de Marcel Proust à cet égard.
En effet, dans son article « Geôle, enjôler, enjoliver : surveiller et (p)unir dans Lolita »33, René Alladaye met en évidence la présence des intertextes La Prisonnière et Albertine Disparue. Lorsque Lolita disparaît, Humbert Humbert parle de son récit qui, après la disparition de Lolita, pourrait se prénommer « Dolorès Disparue », apparaissant dans le texte du roman en français, entre guillemets et en italique34. Au-delà des références évidentes à Proust par Humbert Humbert qui lui-même explique avoir écrit à propos de l’auteur français, certaines scènes du roman semblent être des réécritures de l’œuvre proustienne. René Alladaye en donne les exemples qui suivent que nous allons contextualiser. Ainsi, lorsque Lolita s’endort à l’hôtel des chasseurs enchantés, la scène que décrit le narrateur est fortement ressemblante à une scène que l’on retrouve chez Proust dans La Prisonnière (sans oublier non plus que Lolita est la captive d’Humbert Humbert, légalement son beau-père) :
The door of the lighted bathroom was ajar; in addition to that, a skeleton glow came through the Venetian blind from the outside arclights; these intercrossed rays penetrated the darkness of the bedroom and revealed the following situation. Clothed in one of her old nightgowns, my Lolita lay on her side with her back to me, in the middle of the bed. Her lightly veiled body and bare limbs formed a Z. She had put both pillows under her dark tousled head: a band of pale light crossed her top vertebrae35.
Proust :
En entrant dans la chambre, j’étais resté debout sur le seuil, n’osant pas faire de bruit, et je n’en entendais pas d’autre que celui de son haleine venant expirer sur ses lèvres, à intervalles intermittents et réguliers, comme un reflux, mais plus assoupi et plus doux. Et au moment où mon oreille recueillait ce bruit divin, il me semble que c’était, condensée en lui, toute la personne, toute la vie de la charmante captive, étendue là sous mes yeux36.
Si l’extrait de Nabokov n’est évidemment pas un « copier-coller » de celui de Proust, nous pouvons quand même retenir l’influence potentielle de l’auteur français sur le Russe qui lui rend hommage à travers son roman Lolita. Pour René Alladaye, il est évident que cet intertexte n’est pas « gratuit » et qu’il fait référence à l’univers carcéral fort présent dans Lolita37, car c’est assurément le portrait d’une captive endormie que nous décrit ici Humbert Humbert. Le chercheur continue à montrer les accointances qui existent entre les deux textes et explique que tous deux expriment les points de vue de personnages masculins en « gommant » les perspectives féminines. Nous pouvons, en effet, percevoir à travers ces deux extraits un sentiment de fascination qu’exercent des figures masculines sur leur prisonnière mais aussi une façon de les objectiver et de les posséder. Pour Humbert, il s’agit de « sa Lolita » tandis que le narrateur proustien récolte en lui le souffle d’Albertine comme pour en posséder métaphoriquement l’existence. Endormies, ces figures féminines deviennent le réceptacle de tous les fantasmes.
Ces différents exemples sont loin d’être exhaustifs mais nous montrent la prégnance de la culture littéraire française au sein du roman de Nabokov, ce qui prouve peu à peu la vraisemblance du métissage du roman Lolita qui fut aussi adapté au cinéma. Si nous nous permettons d’aborder ici la question de ce roman au cinéma, c’est parce que le français n’y est pas totalement absent ; cependant, avant d’introduire la question de l’adaptation cinématographique du métissage du texte de Vladimir Nabokov et afin de conclure ici la question de l’intertexte, il nous faut aborder la présence d’Edgar Allan Poe qui, parmi celle de tant d’autres auteurs européens au sein des pages de Lolita, nous démontre ce multiculturalisme littéraire de l’œuvre nabokovienne. La brève analyse de cette présence du poète américain nous permettra de montrer que ces références intertextuelles employées par Nabokov ne passent pas inaperçues aux yeux de Kubrick qui réalise la première adaptation (1962).
En effet, on décèle aussi des auteurs non francophones comme Edgar Allan Poe évidemment avec des références à « Annabel Lee », poème célèbre de l’auteur américain. L’influence de Poe n’est d’ailleurs pas des moindres et les amours de Humbert Humbert renvoient au poème de ce dernier, « Annabel Lee ». Le nom d’Annabel Leigh réfère clairement au titre du poème, tandis que le surnom « Lolita » possède le son « Li » soit « Lee », comme l’écrit d’ailleurs Humbert Humbert dans les toutes premières lignes de son journal : « Lolita, light of my life, fire of my loins. My sin, my soul. Lo-lee-ta: the tip of the tongue taking a trip of three steps down the palate to tap, at three, on the teeth. Lo. Lee. Ta »38.
Ici, le « Lee » est enfermé au cœur du nom. Lolita n’est pas la jeune Dolores Haze, mais le personnage que le narrateur/prédateur crée, un fantasme. Elle est le produit de cette projection, celle d’un amour perdu trop tôt par le narrateur, son premier amour Annabel Leigh morte à l’âge de treize ans. C’est ce qu’évoque le thème du poème « Annabel Lee », dans lequel la jeune défunte est enfermée par Humbert Humbert à jamais dans le personnage de Lolita. Tout comme la narratrice de Poe, Humbert Humbert fut traumatisé par la perte de son Annabel jusqu’à ce qu’elle en devienne une obsession.
Aussi, cette langue nabokovienne cosmopolite qui fut déplacée lors de différents exils fut déplacée d’un médium à un autre : du roman à l’écran. En effet, ces références à l’œuvre de Poe se retrouvent aussi adaptées au sein de l’adaptation de Lolita au cinéma par Kubrick. C’est James Mason, interprète de Humbert Humbert, qui récitera les célèbres vers du poète. Le poème cité ne sera pas « Annabel Lee » mais « Ulalume ». Ce qui est intéressant ici, c’est que « Ulalume » évoque la question du retour : le narrateur du poème retourne sur la tombe de sa bien-aimée perdue, comme Humbert Humbert qui retourne à son Annabel, amour perdu et jamais consommé, à travers Dolores Haze, comme si Lolita représentait ce caveau, cette tombe du poème. Le « Lo » et le « Ta » renfermant le « Lee » qui représente, par jeux de sonorités, de mots et de représentations, Annabel. Ainsi, ce transfert projeté sur Dolores Haze par Humbert Humbert est mis en scène par Nabokov à l’aide des poèmes de Poe, ce que Kubrick adapte à sa manière. Par ailleurs, le français, même si très rare, peut s’entendre dans le film de Kubrick. En effet, la narration du récit s’ouvre, après la séquence de l’assassinat de Quilty, sur des images de déplacements (plan d’un avion qui survole New York City puis d’un taxi qui arrive dans la commune de Ramsdale). Cette séquence est celle de l’arrivée de Humbert Humbert aux États-Unis, qui, à travers une voix off, explique aux spectateurs les raisons de son voyage liées à son bilinguisme et à sa connaissance des littératures américaine et française. Mais les rares mots français que les spectateurs pourront entendre n’émaneront pas de Humbert Humbert comme dans le roman mais de Charlotte Haze, dont le personnage très caricatural cherche à se distinguer par l’emploi d’une langue étrangère. « Monsieur », dit-elle à Humbert lors de leur première rencontre durant laquelle elle tente déjà de le séduire. La connaissance de la langue française par Charlotte est en fait non existante, elle ne connaît que quelques mots très simples qui participent à une vision stéréotypée de la France qu’une Américaine n’ayant jamais quitté son continent pouvait avoir dans les années 50 : « voilà », « madame », « monsieur », « Paris », « France » et « chéri ».
Le mot « voilà » est répété par Charlotte Haze lorsque celle-ci révèle son jardin à Humbert Humbert qui, lui, découvre surtout pour la première fois Lolita. Ainsi, la vision de Lolita est associée à un mot français. Par ailleurs, « voilà » est un terme répertorié par le Cambridge Dictionary comme une exclamation utilisée lorsque quelqu’un montre à d’autres personnes quelque chose qu’il vient de réaliser ou d’obtenir. Dès lors, Charlotte Haze ne fait qu’emprunter des expressions françaises qui sont in fine entrées dans la langue anglaise comme l’expression « c’est la vie », qu’elle emploiera aussi. Humbert prononce, quant à lui, un seul mot français au sein du film, le mot « chéri », mais ce mot n’est pas de lui, car il est issu de la lettre de Charlotte à son égard, ponctuée par ce français bien à elle que Humbert méprise tant dans le roman. Était-ce là un choix de la part de Kubrick ? Peut-être était-il compliqué pour le réalisateur de faire parler en français James Mason, l’acteur qui interprète Humbert Humbert avec un accent parfait afin de rendre crédible son bilinguisme ? Ou peut-être avait-il simplement jugé peu intéressant de montrer ce mélange langagier à l’écran.
De même, dans la version de Lyne, le premier mot en français, « Monsieur Humbert », est prononcé par Charlotte Haze avec un accent français. Elle poursuit en disant qu’elle chérit la langue française, tandis que Humbert, mal à l’aise, comprenant ses intentions de séduction, tente de s’échapper en prétextant une conférence sur Baudelaire à New York. Les occurrences en français sont seulement prononcées par la voix de Charlotte, comme le « chéri » de sa lettre qui est déjà existant dans le roman originel et dans le film de Kubrick. Le français conserve cet aspect pédant dans les films, mais est tourné au ridicule. Plutôt que d’être une marque d’érudition il devient un signe d’ignorance. Dès lors, les réalisateurs de ces adaptations ne semblent pas avoir conservé cet aspect prétentieux que revêt le personnage de Humbert Humbert à travers l’usage du français. Pourtant, nous pouvons émettre l’hypothèse que cet aspect du narrateur attaché à la langue française se présente aussi comme un indice pour le lecteur, afin que celui-ci ne se laisse pas duper par ce dernier. Par conséquent, cet usage du français dans le roman pourrait être adopté dans un double objectif. Par Humbert Humbert pour duper mais, à son opposé, par Vladimir Nabokov comme indice laissé à la portée des lecteurs pour démasquer ce narrateur, ce que nous ne retrouvons pas dans les films du fait d’un mode de narration totalement différent.
Au cinéma, l’emploi de la première personne est moins évident que dans un roman, dès lors le spectateur peut facilement oublier qu’il assiste au déroulement d’un récit subjectif qui est celui du narrateur. Bien sûr, la voix off se fait parfois entendre mais son rôle est mineur. Ces versions cinématographiques de Lolita mettent donc difficilement en avant ce récit tendancieux à la première personne. Cela s’explique par le fait que Humbert Humbert est toujours présent dans le cadre de la caméra et la caméra ne semble presque jamais adopter le point de vue du professeur. C’est-à-dire que le spectateur ne voit que très rarement à travers les yeux du personnage (à l’aide de ce qu’on appelle une caméra subjective), ce qui lui permettrait peut-être de mieux saisir la subjectivité du récit projeté à l’écran. Ici, ce n’est plus le narrateur qui raconte mais l’image qui montre. Toutefois, il existe des exceptions comme, par exemple, une scène coupée du film d’Adrian Lyne qui met en scène le regard de Humbert. Cette scène est une adaptation de la scène du sofa, scène dans laquelle le narrateur atteint un orgasme alors que Lolita joue sur ces genoux. Dans cette séquence, le spectateur voit à travers les yeux du narrateur, qui regarde la fillette comme un véritable objet de désir complètement sexualisé. Cette scène est, comme dans le roman, précédée par des avertissements de la part de Humbert Humbert, qui tente d’amadouer son spectateur pour que celui-ci ne le juge pas trop durement et c’est ainsi que la voix off se fait entendre. Ce qui est intéressant dans cette séquence, c’est justement la différence de regards qui est mise en avant. Celui de Humbert Humbert évoque de son point de vue une scène de rapport sexuel avec la fillette : les images sont au ralenti, transformant les expressions de Lolita dont le visage surexposé par une lumière artificielle exprime la jouissance. Ces images contrastent avec la « réalité », dont le rythme plus vraisemblable des plans qui s’enchainent montre une Lolita qui chante et s’amuse tout en mangeant une pomme. Par surcroît, c’est dans cette scène coupée que Lolita chante « Carmen, my little Carmen », ce qui nous renvoie au destin funeste de Lolita et aux références empruntées à la littérature française dans le texte de Nabokov, comme évoqué plus haut39. Cette référence à la nouvelle française de Prosper Mérimée est donc adaptée à l’écran par le réalisateur britannique.
Mais si dans le roman, Humbert Humbert tente de duper son lectorat par les mots, il semblerait que dans les films ce dernier tente de duper ses spectateurs par l’image et la structure de son récit. C’est pourquoi, peut-être, la langue française n’y trouve pas autant sa place que dans le texte original.
Pour conclure, ce qui ressort de cette étude du roman est le mélange entre la culture américaine et européenne et en particulier française. L’Amérique est éminemment présente évidemment avec la langue anglaise, les nombreuses références à Edgar Allan Poe, l’évocation des états et des paysages de ce continent, mais la culture française est représentée par un narrateur européen qui grandit sur la Côte d’Azur, qui traduit du français à l’anglais, et dont les références ainsi que les influences littéraires sont en grande partie françaises. L’utilisation du français au sein même du récit illustre cela. Il a un double usage : il renforce d’une part le pédantisme du narrateur et tourne en ridicule (pour le narrateur) les autres personnages le maîtrisant moins. Le français devient un symbole fort de l’intellectualisme et de l’érudition du narrateur, de même qu’une marque de l’exil de ce dernier. Car Lolita se veut aussi un récit de l’exil. Cette question de l’exil et de la langue nous aura permis de nous poser la question de l’adaptation écranique en lien avec la littérature multilingue en nous demandant dans quelle mesure le cinéma peut-il rendre compte de ce mélange des langues et des cultures qui structure l’identité de l’œuvre adaptée.
[1] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, p. 278.
[2] Le titre de cette communication « Lolita, la langue déplacée. » s’inspire d’un article de Yannicke Chupin « L’écrivain déplacé dans Lolita et Pnin de Vladimir Nabokov » (2009).
[3] Expression empruntée à la théorie du « lecteur modèle » d’Umberto Eco. Umberto ECO, Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985.
[4]Prosper MÉRIMÉE, Carmen, Chap. III, https://www.ibibliotheque.fr/carmen-prosper-merimee-mer_carmen/lecture-integrale/page35.
[5]Stanislas GAUTHIER, « Une œuvre trilingue peut-elle être originale ? », Revue de littérature comparée, vol. 342, n° 2, 2012, p. 217-232.
[6] Op. cit.
[7] Extrait issu d’une série d’émissions diffusées par France Culture : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/vladimir-nabokov-14-la-vraie-vie-de-vladimir-nabokov.
[8] Op cit.
[9] Vladimir NABOKOV, Parti pris, Paris, Éditions 10/18, 2001, p. 59. Citation que l’on retrouve aussi dans sa langue originale au sein du prologue du livre de Julie LOISON-CHARLES, p. 12 « My head says English, my heart Russian, my ear, French ».
[10] Je renvoie ici à la lecture du très complet ouvrage Vladimir Nabokov et la France sous la direction de Yannicke CHUPIN, Agnès EDEL-ROY, Monica MANOLESCU et Lara DELAGE-TORIEL, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017.
[11]Michael WOOD, «Do you mind cutting out the French? Nabokov’s disinvention of Europe», in Yannicke CHUPIN, Agnès EDEL-ROY, Monica MANOLESCU et Lara DELAGE-TORIEL, Vladimir Nabokov et la France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017, p. 16.
[12]Yannicke CHUPIN, Agnès EDEL-ROY, Monica MANOLESCU et Lara DELAGE-TORIEL (dir.), Vladimir Nabokov et la France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017.
[13] Lara DELAGE-TORIEL, « Le Pédantisme dans Lolita », Sillages critiques [Online], 11, 2010.
[14] Bénédicte BINTEIN, « Le français, langue de séduction fallacieuse dans l’œuvre de Vladimir Nabokov : une esthétique de l’ambiguïté », in Yannicke CHUPIN, Agnès EDEL-ROY, Monica MANOLESCU et Lara DELAGE-TORIEL, Vladimir Nabokov et la France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017, p. 128.
[15] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 207.
[16] Shana POPLACK, 1980, citée par Mohammed Zakaria ALI-BENCHERIF, « L’alternance codique arabe dialectal/français dans des conversations bilingues de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés », Linguistique, Université Abou Bakr BELKAÏD de Tlemcen (Algérie), 2009.
[17] Il existe en effet certaines études qui s’interrogent sur le fonctionnement des cerveaux des personnes bilingues comme par exemple : Leida TOLENTINO et Natasha TOKOWICZ, « Across languages, space and time », Studies in Second Language Acquisition, vol. XXXIII, n 1, février 2011.
[18] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 10.
[19] Julie LOISON CHARLES, Vladimir Nabokov ou l’écriture du multilinguisme : mots étrangers et jeux de mots, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2016, p. 83.
[20]Vladimir NABOKOV cité par Julie LOISON CHARLES, Vladimir Nabokov ou l’écriture du multilinguisme : mots étrangers et jeux de mots, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2016, p. 83.
[21] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 68.
[22] Julie LOISON CHARLES, Vladimir Nabokov ou l’écriture du multilinguisme : mots étrangers et jeux de mots, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2016, p. 43.
[23] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 253.
[24] Julie LOISON CHARLES, Vladimir Nabokov ou l’écriture du multilinguisme : mots étrangers et jeux de mots, Presses Universitaires de Paris Nanterre, 2016, p. 43.
[25] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 3.
[26] Ibid. p. 278.
[27]La nouvelle de Mérimée est disponible en ligne à l’adresse suivante : https://bibliothequenumerique.tv5monde.com/livre/115/Carmen. L’expression dont il est question se trouve à la page 37.
[28] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 140.
[29] Benedicte BINTEIN, Le français, langue de séduction fallacieuse dans l’œuvre de Vladimir Nabokov : une esthétique de l’ambiguïté, in Yannicke CHUPIN, Agnès EDEL-ROY, Monica MANOLESCU et Lara DELAGE-TORIEL, Vladimir Nabokov et la France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2017, p. 129.
[30] Ole NNYEGAARD, « The leitmotif racket in Lolita—marginal notes on Nabokov’s use of motifs », Miranda [Online], 3, 2010.
[31] Lire à ce sujet la thèse de Léopold REIGNER, Le Flaubert de Nabokov : interprétation, continuité et originalité, soutenue le 30 novembre 2018.
[32] À travers la fausse préface et le choix d’une écriture proche de celle d’un journal intime.
[33] René ALLADAYE, « Geôle, enjôler, enjoliver : surveiller et (p)unir dans Lolita », Sillages critiques URL : http://journals.openedition.org/sillagescritiques/1682 https://doi.org/10.4000/sillagescritiques.1682.
[34] Voir la citation précédemment citée : « This book is about Lolita ; and now that I have reached the part which (had I not been forestalled by another internal combustion martyr) might be called ‘Dolorès Disparue,’ there would be little sense in analyzing the three empty years that followed ».
[35] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, p. 128.
[36] Cité par René ALLADAYE, op. cit.
[37] Lire l’article de René ALLADAYE, op. cit.
[38] Vladimir NABOKOV, Lolita, Londres, Penguin Modern Classics, 2006, p. 7.
[39] Aussi, lire l’article de Marie BOUCHET sur la musique et les chansons dans Lolita : Marie BOUCHET, « Music and Songs in Lolita, novel and film », Miranda [Online], 3, 2010.
Résumé
Lolita est l’œuvre d’un auteur déplacé, Vladimir Nabokov, dont le multilinguisme transparaît à travers ses romans. Au sein même de Lolita, la langue étrangère qui fait son apparition est le français alors que le roman est écrit en anglais. Cependant il ne s’agit pas de simples emprunts lexicaux, mais aussi d’emprunts culturels, car son intertexte renvoie à des auteurs français tels que Proust, Mérimée et Flaubert. Nous souhaitons interroger ce roman de Nabokov comme une œuvre cosmopolite. Enfin, nous verrons que le bilinguisme du narrateur se perd dans les deux adaptations cinématographiques.
Abstract
Lolita is the work of a displaced author, Vladimir Nabokov, whose multilingualism shines through his novels. Within Lolita itself, the foreign language that makes its occasional appearance is French. However, it is not a matter of simple lexical borrowings, but also of cultural ones. Indeed, the intertext of the novel includes various French authors such as Proust, Mérimée and Flaubert. We want to interrogate this novel by Nabokov as a cosmopolitan work. Finally, we will see that the narrator’s bilingualism is lost in two cinematographic adaptations.
Julie LESNOFF
EHESS / CRAL
ALI-BENCHERIF, Mohammed Zakaria, « L’alternance codique arabe dialectal/français dans des conversations bilingues de locuteurs algériens immigrés/non-immigrés », Linguistique, Université Abou Bakr BELKAÏD de Tlemcen (Algérie), 2009.
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