L’étude des métissages est un l’un des sujets les plus féconds dans le champ des sciences humaines et sociales. L’idée du métissage remet en question l’histoire de l’humanité et de ses origines. Aussi, les théoriciens, quels qu’ils soient et quels que soient les contextes historiques, ont tenté et essayent encore de rendre accessible la complexité des relations humaines tant sur le plan démographique que matériel ou encore immatériel. Et c’est toute la question du rapport à l’altérité qui est posée dans un « jeu » d’inclusion / d’exclusion au sein duquel l’invention de la figure du Métis constitue le symbole. À travers les mots et les contextes historiques, la construction du Métis, chargée de stéréotypes et de fantasmes, montre l’aspect fractal et catégoriel de la représentation de l’humanité. Aussi comment passe-t-on d’un Métis fictionnel à la construction d’une ipséité métisse ?
Sur le plan étymologique, les termes de Métis et de métissage sont systématiquement rattachés au terme latin mixticius ou au terme grec hybrida. Or, dans les faits, ces mots servent surtout à exprimer l’idée et les différents types de « mélanges ». Les unions entre peuples existent dans l’Antiquité1, mais les individus nés de ces unions ne sont pas catégorisés comme Métis en tant que groupe.
Les travaux en histoire ancienne2 montrent que, dans l’Antiquité, il n’existe pas de mots qui correspondent aux termes récents de Métis ou métissage. Les civilisations grecque et romaine ne nous livrent aucun équivalent de termes tels que « quarteron », « câpre », ou « mestif ».
En Afrique du Nord ancienne, pour nommer la population de Carthage, Tite-Live et Diodore de Sicile utilisent le terme de Libyphéniciens. Tite-Live écrit notamment qu’ils étaient « mêlés », mi-phénicien, mi-libyen (« libyphoenices mixtum punicum afris genum »)3 et que de nombreux colons tyriens se sont unis à des femmes libyennes. Les sources épigraphiques4 nous apprennent que les Carthaginois n’attachaient d’importance qu’à la descendance en ligne masculine5.
Dans la Cyrénaïque antique, certains Libyens ont été entièrement intégrés dans la cité de Cyrène par des unions mixtes avec des Grecs et ce, dès la fondation de la ville. Dans son Hymne à Apollon, Callimaque6 incorpore les Libyens au mythe de la création de Cyrène. Selon l’auteur, ces unions seraient à la base du peuplement de Cyrène puisque les premiers colons grecs, arrivant de l’île de Théra, n’avaient pas amené d’épouses. Il ajoute que certains parmi eux ont fondé leur foyer en s’unissant à des femmes libyennes. Ces unions se sont poursuivies puisque, vers 322-321, la promulgation du Diagramma7 de Ptolémée Sôter permet aux enfants nés de pères grecs et de mères libyennes de devenir citoyens de Cyrène. Cet édit nous apprend également que la population de Cyrène s’est accrue par le fait de ces nombreux mariages entre Grecs et Libyens. Sur ce point, l’onomastique révèle l’existence, dans les villes grecques de Cyrénaïque, d’éléments libyens (ou libyques) attestés par les sources épigraphiques grecques de cette région8.
À Lepcis Magna, Salluste signale la fréquence des mariages mixtes9 entre Phéniciens et Numides. Son ouvrage, le Bellum Africum10, relate l’existence dans cette province de nombreux hybridae, c’est-à-dire d’enfants nés de l’union des colons italiens et de femmes libyennes. Enfin, dans le Tell Nord-Est Tunisien, l’onomastique montre que des colons romains ou leurs descendants non seulement se sont mêlés aux populations locales, mais ont adopté des cognomina locaux. Autrement dit, les noms employés dans la vie quotidienne pouvaient laisser croire à une origine libyenne ou punique.
C’est à la fin du Moyen Âge, avec l’expansion européenne dans le monde, que le phénomène des métissages va transformer les sociétés existantes et conduire à la formation de sociétés nouvelles. La catégorie du métis semble être dans un premier temps une catégorisation sociale et non pas ethnique dans les débuts de la conquête espagnole en Amérique11. En effet, pendant toute la première modernité, les relations sociales et ethniques vont être marquées par une perception de l’altérité basée notamment sur l’intolérance religieuse envers les non-chrétiens. Les dénominations vont donc chercher à souligner les différences de statut ou de classe sociale.
Cette perception de l’altérité va ensuite progressivement aboutir à la mise en place d’un critère de partition ethnique basé essentiellement sur la couleur de la peau. La création de ce marqueur va être érigée en critère absolu et irréfutable dans la définition et la qualification de la différence dont le Métis sera le modèle. Et c’est la notion médiévale de sang qui va régir ces sociétés nouvelles à haut niveau de métissage biologique pour mieux mettre en évidence, à la fois, les vertus héréditaires des anciens chrétiens, la « bassesse » des nouveaux convertis au christianisme et les « vertus de la blancheur », soulignant « l’impureté » des individus aux origines non-européennes, notamment les Africains noirs et les Métis. C’est une véritable société de l’épiderme qui se met en place. La combinaison de tous ces éléments, ainsi que les profils sociaux et ethniques des populations locales, vont donner lieu à la création arbitraire d’une multitude de catégories ethniques et sociales qui vont à la fois être entérinées par diverses législations et intériorisées sur le plan identitaire par les différents acteurs sociaux, qu’ils soient dominants ou dominés.
En créant des catégories basées sur la couleur de l’épiderme12, ces sociétés vont parachever la création racialisée de chaque individu et, au fur et à mesure que les transformations sociales se consolident, de nouvelles variations sémantiques apparaissent. Ainsi, à partir d’une représentation fantasmée du mélange entre le Noir et le Blanc sera déclinée toute une palette de tons permettant de classifier les individus dans un processus d’exclusion / inclusion. C’est ce qu’illustre en 1549 la Cédule Royale signée à Valladolid qui présente la hiérarchie socio-raciale13 de l’île de Saint-Domingue en fonction de variations chromatiques. Ainsi, les Mulatos désignent les « enfants de Noirs et de Blancs » ; les Grifos, les « enfants d’Indiens et de Noirs » ; les Mestizos, les « enfants d’Indiens et de Blancs » ; les Tercerones, les « enfants de Mulâtres et de Blancs » ; les Cuarterones, les « enfants de Tercerones et de Blancs ». À cela s’ajoute les Libertos qui désignent les « Noirs ou Mulâtres sortis du système esclavagiste » ; les Negros définissent les « esclaves noirs », et les Blancos les « Espagnols de souche et descendants de Blancs ».
Entre le XVIIe siècle et le XIXe siècle, l’ensemble de ces catégorisations vont être chosifiées par la construction d’un lexique des plus inédits dont témoignent les nombreuses définitions dans les dictionnaires français14. Ces définitions vont désormais fixer durablement le contenu sémantique des vocables métis et métissages et les rattacher inévitablement à la notion de « race ».
Ainsi, en 1667, pour qualifier les Métis dans les colonies françaises d’Amérique, le Père Du Tertre, missionnaire dominicain, note que :
[L]es enfants qui naissent de ces approches illégitimes sont communément appelés Mulâtres dans toute l’Amérique, aussi bien chez les Espagnols et les Portugais (parmi lesquels ce crime est aussi ordinaire qu’il est rare dans nos Antilles) que chez nos habitants, faisant sans doute allusion aux mulets, parce que ces pauvres enfants sont engendrés d’un blanc et d’une noire, comme le mulet est le produit de deux animaux de différente espèce. Ils tiennent aussi quelque chose de leur père et de leur mère, de mesme que les mulets participent aux qualités de ceux qui les engendrent : car ils ne sont pas tout blancs, comme les François, ni tout noirs comme les Nègres ; mais ils ont une couleur plombée qui tient de tous les deux. Les cheveux approchent de ceux du père quant à la longueur, mais ils tiennent de ceux de la mère quant à la frisure, qui ressemble à de la laine noire15.
Dans cette description, en plus d’insister sur le caractère illégitime de ces naissances, les métis sont associés au crime et rabaissés au rang d’animaux.
Tout au long du XVIIIe siècle et ce, jusqu’à la première moitié du XXe siècle, en France, le Métis va devenir l’un des principaux objets d’études anthropologiques en lien avec les sciences médicales et botaniques. Les travaux qui en découlent vont qualifier et entériner cet autre qui semble bousculer et troubler un monde empreint de préjugés.
Le naturaliste Georges-Louis Leclerc de Buffon, en 1749, dans son Histoire naturelle de l’homme, et plus précisément dans le chapitre intitulé « Variétés dans l’espèce humaine » écrit :
« la terre est en quelque sorte peuplée de Métis qui constituent toutes ces catégories intermédiaires qui permettent de passer avec des progressions presque insensibles du blanc au noir, au jaune, au cuivré »16.
Il précise également que les variétés humaines sont issues d’une souche initiale de couleur blanche, qui s’est adaptée selon les milieux et les climats d’habitation.
En 1764, le Dictionnaire philosophique de Voltaire comporte un article « métissage » dans lequel les Mulâtres sont considérés comme « une race bâtarde d’un Blanc et d’une Noire ou d’un Noir et d’une Blanche »17. Voltaire exprime encore ce mépris pour le métissage quand, à propos des Lapons, il défend l’idée que « seules sont vigoureuses les races qui ne sont pas croisées »18.
En 1771, Le Dictionnaire de Trévoux fait acte d’un sens élargi du mot « Métis » :
Métif se dit aussi des hommes qui sont engendrés de père et de mère de différentes qualités, pays, couleur ou religion. Cet enfant est Métif, engendré d’un père esclave et d’une mère libre, d’un Maure et d’une Espagnole. En Espagne, on appelle Mulatro, celui qui est engendré de père et de mère de différentes couleurs, ou de religion, qui participe de l’un et de l’autre, comme le mulet participe de deux natures ; c’est une fort grande injure. On appelle aussi métif un enfant né d’un Indien ou d’une Espagnole, ou au contraire dans le pays on les appelle Créoles. Au Pérou, on appelle également Métis ceux qui sont nés d’un Espagnol et d’une Sauvage19.
En 1780, Guillaume-Thomas Raynal, dans son Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, propose les résultats d’une enquête démographique dans les colonies des Indes occidentales et des Indes orientales. Il dresse un inventaire de ce qu’il nomme « différentes races et mélanges de races : Chapetons, Créoles, Métis, Nègres, Indiens »20. Pour le Métis, il précise que « ce n’est qu’après trois générations que la couleur ne diffère en rien de celle des Blancs, tous très basanés »21.
À partir du XVIIIe siècle, l’essor du racisme scientifique vient souligner l’existence et le caractère biologique des « races »22, en contribuant à renforcer l’idée d’une supériorité de l’homme blanc par rapport à l’homme noir. Dans cette séparation duale, le Métis devient la pierre angulaire de ce système de représentations en agissant comme une ligne de démarcation. C’est ce que montrent au XVIIIe siècle les écrits de Moreau Saint-Méry23 à propos de la population de Saint-Domingue. Celui-ci considère que chaque individu se compose comme l’assemblage de 128 parties qui correspondent à 128 positions d’ascendance. Et dans l’observation des résultats produits par les métissages, les catégories de métis vont être édictées en fonction de proportions d’ascendance blanche ou noire24. Comme le souligne Jean-Luc Bonniol, ce système se fonde sur un schéma généalogique qui :
[…] mesure des coefficients d’ascendance caractérisant les individus. Le premier élément de ce système est la stricte séparation installée entre les Blancs et tous les autres, ramenés, quel que soit leur degré de coloration ou de décoloration, à l’autre couleur primitive pour la raison qu’ils en sont en partie issus. C’est la logique de la ligne de couleur qui sépare la descendance blanche de l’autre et enferme le groupe blanc derrière une véritable ligne de démarcation. Il convient de rejeter au-delà de cette ligne de démarcation tous les individus qui sont considérés comme étant d’ascendance mêlée25.
Cette partition, qui fonde son existence sur des considérations génétiques aléatoires, est exclusivement liée à la généalogie et à la filiation. La couleur de la peau va en être la caractéristique visible. Dans ce schéma, la définition et la classification des Métis l’érigent comme un des symboles de la racialisation des sociétés coloniales par la domination des groupes humains à travers une pseudo-étude génétique basée essentiellement sur la notion de sang.
La littérature scientifique et politique de la modernité va entériner la classification des Métis. Et le lexique utilisé dans les différentes sociétés coloniales, quels que soient les contextes historiques, montre une séparation nette entre ce qui est défini comme pur en opposition à ce qui est considéré comme impur. Ce Métis à qui l’on assigne une représentation et que l’on qualifie désormais de « Mulâtre, de Quarteron ou encore de Griffon », qui est à la fois l’autre mais aussi le même, va désormais incarner le mépris, la répulsion voire la monstruosité. Il symbolise en effet les fantasmes et les interdits liés aux relations charnelles. Le Métis porte également en lui le sens péjoratif de « mélange », de « souillure ». Il correspond à une combinaison de pièces différentes dont le produit n’appartient à aucune catégorie. Il incarne l’ambivalence même du mélange qui suscite à la fois fascination et répulsion, fierté et déshonneur, et dont la seule issue est celle du rejet et de l’exclusion car il dérange en questionnant la fonctionnalité fictionnelle d’un sang pur lui-même lié à l’obsession des origines. Cet Autre va alors exacerber le paradigme de la généalogie26 comme fondement originel de la pureté face à la peur de la décadence de l’humanité.
Ces différents aspects sont amplifiés au XIXe siècle, notamment dans le champ de l’anthropologie dont le questionnement concerne essentiellement « le sang, l’ascendance et la connexité »27. Les sciences de l’homme alors étroitement liées aux sciences de la nature vont en partager « les méthodes descriptives et taxinomiques »28 pour légitimer la dangerosité du Métis. C’est dans ce contexte que Joseph-Arthur de Gobineau, dans son ouvrage Essai sur l’inégalité des races humaines, va s’évertuer à montrer que le résultat du mélange des races s’apparente à une hybridation fatale dont le risque est le déclin de l’humanité29. Dans cet essai, les Métis30 sont considérés comme des produits condamnés d’avance à la stérilité31. Ils sont synonymes de désordre32, de dégénérescence, et prennent parfois l’apparence de créatures monstrueuses33.
Ces considérations se vérifient également dans les divers comptes-rendus de la société d’anthropologie de Paris à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Ainsi, en 1880, Alfred Marche, à propos de la population des Philippines, écrit que :
[…] les naturels de ce pays, du moins à Manille, sont presque tous de sang mêlé. Ils sont petits de taille, les membres inférieurs grêles et assez laids […]. Les Métis, qui se marient entre eux, sans retour vers un sang pur, dégénèrent très vivement34.
Ces réflexions qui font état d’observations arbitraires vont permettre l’émergence dans les sciences humaines de disciplines telles que « l’ethnologie comprise ici comme connaissance de l’homme et du degré de civilisation »35 Dans ce cadre et dans une tentative de légitimer les différentes études produites sur les Métis, la Société Américaniste de Paris propose en 1898, une enquête comprenant vingt-six questions sur le « croisement des Blancs et des Peaux-Rouges »36. En plus de nommer les catégories de métis37, ce questionnaire prend essentiellement en compte les notions de fécondité, de qualités physiologiques et intellectuelles, les degrés de métissage et le nombre de générations nécessaires, afin de savoir si les descendants de Métis peuvent redevenir semblables soit au Blanc, soit à l’Indien.
De la même manière, en 1907, la Société d’Anthropologie de Paris décide de la mise en place d’une Commission Permanente « chargée d’ouvrir une enquête scientifique sur les croisements humains entre races nettement différentes, et sur les Métis issus de ces croisements. »38 Le postulat posé est le suivant :
On doit entendre, d’une façon générale, par Métis, les individus provenant de l’union de deux personnes appartenant à des races nettement différentes. Rejetant toute théorie a priori sur l’origine des types humains, nous entendons par race pure tout type ethnique actuellement bien constitué et suffisamment stable pour avoir mérité une appellation définie. Nous appelons donc métissage des unions entre Blanc et Nègre, Jaune et Blanc, Nègre et Indien d’Amérique, Européen et Hindou, Sémite et Européen, Nègre et Chinois, etc. Les parents du Métis peuvent être tous les deux de race pure, ou être eux-mêmes, tous les deux, des Métis, ou être, l’un, un Métis, l’autre, de race pure39.
Ce questionnaire a pour objectif de répertorier les « métis descendant de parents de race pure », et la « fécondité des unions ». Cette enquête a également pour objectif d’étudier les « enfants ou Métis du 1er degré », les « Métis descendant de parents Métis » et enfin les « autres types de Métis »40.
Cette dévalorisation permanente des enfants nés de la rencontre impériale pose finalement en filigrane un problème moral. Pour les sociétés coloniales, les Métis sont la preuve vivante de la transgression de la frontière entre dominant / dominé, colon / colonisé. Dans la colonie belge du Congo, en 1913, Joseph Pholien affirme que :
[…] par la nature même des choses, les Métis bénéficient des qualités et subissent les tares des deux races qu’ils représentent. Influencés par l’élément blanc, ils auront pour la race de couleur un réel mépris ; ils auront de la haine pour la race blanche, au sein de laquelle ils ne seront jamais admis sur pied d’égalité. Dès lors, dédaignant leur mère et détestant leur père, ils semblent justifier la boutade : Dieu a fait l’homme blanc et l’homme noir, le diable a fait le Métis41.
En France, dans un système colonial fondé entre autres sur la citoyenneté, les Métis soulèvent également un problème politique car se pose la question de leur intégration. Cela est illustré par le Rapport du 4 novembre 1928, adressé au Président de la République, concernant l’accession à la qualité de citoyen français des Métis franco-indochinois d’origine européenne et nés de parents légalement inconnus. Ce décret :
[…] permet à tout individu né en Indochine de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, et présumé de race française, de se prévaloir de la qualité de citoyen français sous certaines conditions. Pour cela une action juridique devra être intentée devant la Juridiction française par l’Intéressé lui-même s’il est majeur ou, s’il est mineur, soit par le ministère public, soit par une société protectrice de l’enfance agréée par l’administration. La présomption que le père et la mère demeuré légalement inconnu est d’origine française pourra être établie par tous les moyens, notamment par le nom de l’enfant, le fait qu’il a reçu une formation, une éducation et une culture françaises, sa situation dans la société. Le jugement reconnaissant la qualité de citoyen français à un enfant mineur lui désignera en même temps un tuteur. Ce jugement devra dans tous les cas être transféré sur les registres de l’état civil français et tiendra lieu d’acte de naissance42.
En définitive, du XVIe siècle à la première moitié du XXe siècle, la place du Métis est établie. Elle passe d’une définition et d’une catégorisation fictionnelle à la mise en place d’un statut et d’une identité chosifiée.
Dès la deuxième moitié du XXe siècle, la figure du Métis va progressivement se démarquer des stéréotypes, des fantasmes et des catégories des anciennes idéologies comme des anciennes anthropologies coloniales de dégénérescence génétique, de transgression, d’impureté, de souillure et de péché.
Les notions de Métis et de métissage vont donc faire l’objet d’une création lexicale et sémantique abondante dans le champ des métaphores44. En témoignent les nombreux vocables qui, comme le souligne Philippe Chanson45, « viennent au secours » du métissage. L’idée étant que « si le métissage est indéfinissable, il n’est pas inénarrable »46. Pour l’ensemble des penseurs et chercheurs s’étant emparé de la notion de métissage, « la métaphore est utile car elle ne décrit ni ne définit avec exactitude, mais toujours déplace, suggère, transpose, transporte au-delà de. »47 Comme le souligne François Laplantine, la valeur de la métaphore en tant qu’instrument est d’offrir « un sens à côté du sens, un autre sens dans le sens, donc plusieurs sens entremêlés mais qui ne sont pas néanmoins confondus »48.
Autrement dit, la métaphore est reconnue comme l’outil par excellence pour penser la réalité si complexe et mouvante du métissage, car elle offre un mode de connaissance qui permet de l’explorer en tant que processus et non en tant que résultat figé et réifié par la figure du métis.
Parmi ces métaphores, quatre d’entre elles retiennent particulièrement l’attention. Il s’agit de la métaphore du rhizome ; celle du branchement ; de l’oscillation et enfin de la pensée métisse.
La métaphore du rhizome, développée par le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari, est une pensée « anti-généalogique »49. C’est une analogie végétale qui a pour objectif de penser l’existence de toutes choses et de toutes natures comme une mise en connexion de multiples réseaux, en perpétuel mouvement et aux ramifications infinies. Les affiliations et les appartenances du sujet sont multiples, ce qui remet complètement en cause la question de la filiation et donc de l’origine.
La métaphore du branchement50 entre en résonance avec celle du rhizome. Développée par l’anthropologue Jean-Loup Amselle, cette notion cherche à déconstruire les présupposés et les imaginaires portés sur l’origine des civilisations, des objets ou des idées. Le fait métis s’entrevoit alors comme un branchement en continu sur toute une série de réseaux et de signifiants qui peuvent être tour à tour branchés, débranchés, dérivés, connectés ou permutés, et ceci dans n’importe quel registre (anthropologique, sociétal, linguistique, religieux). Là également se retrouve la dimension anti-généalogique du métissage.
Quant à la métaphore de l’oscillation51, elle permet, selon l’anthropologue François Laplantine, de penser au mieux, aussi bien concrètement que pathologiquement le vivre métis. En écho avec les notions de mouvement permanent et d’identité narrative (développée par Paul Ricœur)52, l’oscillation métisse traduit une alternance entre une multitude de pôles qui se manifeste par une sorte de tremblement vécu par un sujet se retrouvant forcément en tension dans une position toujours indéterminée, celle qu’il nomme « l’entre ». Cela induit que « le métis n’est jamais vraiment lui-même en totalité et qu’il n’est toujours qu’une part de ses parts qui le métissent53 ». Ainsi, la modalité du métissage, chez François Laplantine, n’est ni un archétype de valeur, ni une fascination imaginaire qui porte à idéaliser une supra-unité en devenir. C’est un cheminement de vie qui consiste, selon ses termes, « à habiter son moi à plusieurs »54, à découvrir comment l’ensemble fonctionne et repérer où peuvent se situer les zones de flottement et d’incertitude d’un composé métis55.
Enfin, avec la notion de pensée métisse élaborée par l’historien Serge Gruzinski, c’est l’étude du phénomène du métissage dans la dimension historique de la rencontre entre Espagnols et Autochtones en Amérique aux XVIe et XVIIe siècles, qui permet de comprendre comment s’est formée la conception même du métissage au sein d’une société. « C’est en pensant l’intermédiaire »56, c’est-à-dire en rappelant le caractère aléatoire du processus de création des sociétés métissées qui sont à l’origine de toutes les cultures, que l’on peut dépasser le métissage en tant que réalité biologique.
Ces différentes métaphores ont en commun de s’opposer nettement aux questions d’origine et de généalogie, de pureté et d’ethnicisation. Serge Gruzinski note toutefois que « l’explosion des catégories ne signifie pas pour autant la disparition des a priori, pas plus que la pyrotechnie des mots ne suffit à balayer les habitudes si anciennes »57.
Car, d’une part, ce qui fait encore et toujours obstacle à la compréhension d’une pensée métisse est la production des catégories d’identité, de stabilité et d’antériorité qui privilégient l’origine et le sang en opposant le pur et l’impur. Cela se vérifie particulièrement et actuellement en Polynésie française. Sur ce territoire, « bien que considéré comme harmonieusement métissé »58, la catégorisation de la population est particulièrement marquée par des classifications ethniques qui sont employées pour distinguer ce qui est « pur » en opposition à ce qui est « métissé ». Cette dichotomie se traduit par l’appellation Polynésiens ou Tahitiens pour la partie de la population considérée comme originelle et les « Demis », qui correspondent aux Métis entre « Blanc » et « Polynésien ». Sur le plan historique, cette catégorie de Métis apparaît dans les années 1920 et est issue des mariages mixtes entre les familles de chefs Polynésiens et les Européens. Comme le souligne Laura Schuft, « les modalités dynamiques de catégorisation en tant que Demi renvoient à la fois à des symboles ethniques, identitaires et sociaux dont le genre, le statut socio-économique, et les rapports de pouvoirs »59.
Et d’autre part, la métaphore ne remplace pas aussi aisément des croyances ancrées et des réalités identitaires devenues des entités politiques, comme c’est le cas notamment au Canada. Lié au contexte historique colonial du XVIIe au XXe siècle, la société canadienne est une société métisse, au sens biologique du terme, née de la rencontre et des unions entre les populations autochtones amérindiennes et les colons français et anglais60. Or la particularité du Canada et du Québec réside dans la création d’un statut Métis par la Loi Constitutionnelle de 1982 sur les Indiens. Depuis cette date, le développement de plusieurs communautés et associations métisses a amené le gouvernement canadien à statuer en faveur de la reconnaissance des droits ancestraux et autochtones aux membres d’une communauté métisse historique de la province de l’Ontario. Il s’agit du jugement Powley de 2003. L’arrêt Powley précise :
Le mot Métis à l’article 35 ne vise pas toutes les personnes d’ascendance mixte indienne et européenne, mais plutôt les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes, façons de vivre et identité collective reconnaissables et distinctes de celles de leurs ancêtres Indiens ou Inuits d’une part et de leurs ancêtres Européens d’autre part. Les communautés métisses ont vu le jour et se sont épanouies avant que les Européens ne consolident leur emprise sur le territoire et que l’influence des colons et des institutions politiques du vieux continent ne devienne prédominante61.
L’attribution du statut de Métis, établie dans le jugement Powley, s’attache donc essentiellement à des critères sociaux par affiliation, des critères culturels et historiques. Toutefois, pour être reconnu comme Métis, « il ne suffit pas d’être issu d’une ascendance mixte, mais d’être relié par ascendance ou par affiliation sociale à une communauté métisse »62. Ainsi, dans le contexte canadien, c’est la revendication de la création identitaire qui crée le Métis. Car si, comme le souligne Jean Morisset, « les Métis sont le Canada et le Canada est issu du métissage »63, Laurier Turgeon rappelle que « le sujet métis reste largement dénigré et marginalisé comme il l’était pendant la période coloniale. »64 D’où des revendications politiques, sociales, juridiques et territoriales en lien avec des revendications identitaires associées à la réflexion sur l’autochtonie. De plus, la contingence identitaire à travers la définition de « métis » pour les Métis du Canada montre la complexité dans laquelle sont inclus et exclus ceux qui s’identifient comme Métis. C’est notamment ce que souligne Denis Gagnon car :
[…] comment élargir la compréhension du métissage, des enjeux qui s’y rattachent et des différentes stratégies identitaires qui en découlent notamment à travers le métissage comme processus culturel et le Métis comme sujet, sans tomber dans l’écueil de l’essentialisation et de l’ethnicisation65.
Comme dans la plupart des sociétés post-coloniales, la catégorie de Métis correspond donc à « une catégorie de la pratique qui rejoint la réinvention culturelle »66, c’est-à-dire « la reprise ostentatoire des faits de mélanges, dans un cadre de stratégies identitaires et luttes de reconnaissance reliées à des enjeux idéologiques et politiques »67.
Finalement, tour à tour historique, identitaire, fictive ou réelle, la figure du Métis témoigne d’une forme d’interdit de naissance toujours vivace dans les esprits quelles que soient les tentatives de redéfinition.
Et aujourd’hui encore, malgré la volonté éthique de rompre avec la binarisation des populations entre le Blanc et le Noir, la perception commune des individus dits « Métis » se conçoit encore à partir de normes chromatiques et phénotypiques, donc en référence au sang. Les expressions telles que « caramel, chocolat au lait, café au lait, cannelle »68, perdurent en dépit des avancées scientifiques dans le domaine de la génétique. Or, la figure du Métis et la question métisse qui en découlent ne sont que des inanités biologiques dont la finalité est le refus de l’altérité. Refus de l’autre dénoncé entre autres par l’historien Lucien Febvre69 dans son ouvrage Tous des Sang-Mêlés, afin de prouver que « dans n’importe quelle société fondée sur le racisme institutionnel, le Métis ne révèle pas seulement l’injustice de ce système, il souligne aussi sa non-viabilité et son incohérence »70.
[1] Fatima Ouachour, « L’Afrique du Nord ancienne à la croisée des mondes Libyque, Phénicien et Romain. Étude des métissages et des processus d’interconnexion et d’entrelacement culturels », in Sylvia Capanema, Quentin Deluermoz, Michel Molin et Michel Redon (dir.), Penser les métissages : pratiques, acteurs, concepts, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015, p. 485-499.
[2] Michel Casevitz, « Sur la notion de mélange en grec ancien (mixobarbare ou mixhellène ?) », Nicole Fick et Jean-Claude Carrière (dir.), Mélanges Étienne Bernand, in Annales littéraires de l’Université de Besançon (coll.), n°444, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 121-139. Evelyne Samama, « Étymologies des métissages », in Bernard Grunberg et Monique Lakroum (dir.), Histoire des métissages hors d’Europe, Nouveaux mondes ? Nouveaux peuples ?, GRMAE, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 13-26. Frédérique Biville, « Métissage culturel, métissage linguistique dans l’antiquité gréco-romaine. Dire le métissage à Rome », in Aux sources du métissage culturel : aspects scientifiques, linguistiques et artistiques dans l’Antiquité, Journée de la CNARELA, Nice, 27 et 28 octobre 2008.
[3] TITE-LIVE, Histoire Romaine, livre XXI, texte établi et traduit par Alain HUS, « Collection des Universités de France », Paris, Les Belles Lettres, 1977, 22, p. 3.
[4] Jean-Marie LASSÈRE, Ubique Populus, Ubique Populus : peuplement et mouvements de population dans l’Afrique romaine de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 a. C. - 235 p. C.), Paris, éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1977, p. 39.
[5] Gilbert et Colette Charles-Picard, La vie quotidienne à Carthage au temps d’Hannibal, IIIe siècle avant J.C., Paris, Hachette,1958, p. 82.
[6] Callimaque, Hymne à Apollon, Joseph TRABUCCO (trad.), Paris, Classiques Garnier, 1933, p. 85-86.
[7] S.E.G., IX, 1.
[8] Olivier Masson, « Grecs et Libyens en Cyrénaïque d’après les témoignages de l’épigraphie », Antiquités Africaines, tome 10, 1976, Aix-en-Provence, éditions du CNRS, p. 49-62.
[9] Cité par Jean-Marie LASSERE, Ubique Populus, Peuplement et mouvements de population dans l’Afrique romaine de la chute de Carthage à la fin de la dynastie des Sévères (146 av. J.-C. – 235 ap. J.-C.), Préface de Marcel LE GLAY, Paris, Éditions du Centre National de la Recherche Scientifique, 1977. p. 56.
[10] Lloyd Arthur Thompson, « Observations on the Perception of Race in the Early Roman Empire », PACA, volume 17, 1983, p. 1-21. Lloyd Arthur Thompson, L.A., « Roman Perceptions of Blacks », in Scholia 2, Natal Studies in Classical Antiquity, Durban, 1993, p. 17-30 ; Lloyd Arthur Thompson, « Romans and Blacks », London, 1989 ; L.A. THOMPSON, « The Concept of Purity of Blood in Suetonius’ Life of Augustus », Museum Africum 7, 1981, p. 35-46 ; Lloyd Arthur Thompson, Africa in Classical Antiquity, Dakar, 1969.
[11] Jean-Paul ZuÑiga « la voix du sang. Du métis à l’idée de métissage en Amérique espagnole », Annales, Histoire, Sciences Sociales, 54e année, n°2, 1999, p. 425-452.
[12] Florence Gauthier, L’Aristocratie de l’épiderme. Le combat de la Société des Citoyens de Couleurs 1789-1791, Paris, CNRS éditions, 2007.
[13] Richard KONETZKE, Colección de documentos para la historia de la formación social de Hispanoamérica 1493-1810, t. 1, 1493-1592, Madrid, CSIC, 1953, p. 256. Encore aujourd’hui en République dominicaine par exemple, la figure du Métis s’inscrit dans une véritable variation chromatique. Ainsi, les termes suivants illustrent ce fait : Azul : Noir très foncé, tirant sur le bleu ; Haitiano : Haïtien ; Prieto : Noir foncé ; Negro abisinio / cenizo / retinto : Noir très foncé, couleur des cendres (ceniza) ; Negro : Noir ; Moreno : Brun proche du noir ; Moreno limpio : Brun un peu plus clair, « propre » ; Mulato : Mulâtre ; Trigueño : Mulâtre proche de la couleur du blé (trigo) ; Indio oscuro : Indien foncé ; Chocolate : Chocolat ; Indio canela : Indien cannelle ; Indio : littéralement : indien: mulâtre clair ; Indio claro : Indien clair, couleur proche du blanc ; Indio lavao littéralement : indien lavé, proche de indio claro ; Indio quemado littéralement : indien brûlé, peau un rien foncée ; Jabao : Clair qui pourrait passer pour blanc si ce n’étaient les traits de son visage et son type de cheveu ; Pinto : Clair avec de nombreuses taches de rousseur et grains de beauté ; Leche/leche bambí : littéralement lait bambi du nom d’une marque de lait en poudre pour enfants ; Blanco : Blanc ; Rubio : Blond ; Gringo : Américain blanc ; Blanco desteñido : littéralement blanc déteint ; Jojoto : Blanc anémique ; Jinchao : Blanc avec des traits « ordinaires » ; Amarillo : Jaune, uniquement employé pour les asiatiques.
[14] Béatrice Didier, « La notion de métissage à travers les dictionnaires du XVIIIe siècle », in Jean-Claude Carpanin Marimoutou et Jean-Michel Racault (éd.), Métissages, t. I: Littérature-Histoire, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 35-50
[15] Jean-Baptiste DU Tertre, Histoire générale des Antilles habitées par les Français, (éd. 1667- 1671), Paris, Hachette BNF, 2012, p. 533.
[16] Georges-Louis Leclerc, Comte de Buffon, Histoire naturelle, générale et particulière avec la description du cabinet du roi, Paris, imp. Royale, 1766, t. XIV, p. 311.
[17] Cité par Sylviane ALBERTAN-COPPOLA, « La Notion de métissage à travers les dictionnaires du XVIIIe siècle », in Jean-Claude Carpanin Marimoutou et Jean-Michel Racault (éd.), Métissages, t. I : Littérature-Histoire, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 41.
[18] Loc. cit.
[19] Ibid., p. 42.
[20] Béatrice Didier, « Le métissage de L’Encyclopédie à la Révolution : de l’anthropologie à la politique », in Jean-Claude Carpanin Marimoutou et Jean-Michel RACAULT (éd.), Métissages, t. I, Littérature-Histoire, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 11.
[21] Guillaume-Thomas Raynal, Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, tome I, livres I-V, Édition critique établie par le comité éditorial : Anthony Strugnell (dir.), Andrew Brown, Cecil Patrick Courtney, Georges Dulac, Gianluigi Goggi et Hans-Jürgen Lüsebrink, Ferney-Voltaire, Paris, Centre International d’Étude du XVIIIe siècle, 2010.
[22] Jean-Luc Bonniol, « Penser et gérer l’hérédité des caractères discriminants dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes », Rives nord-méditerranéennes, 24, 2006, p. 1-11
[23] MOREAU DE SAINT-MÉRY, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l’Isle Saint-Domingue, Philadelphie, 1797, Société française d’Histoire d’Outre-Mer, Paris, édition de 1958.
[24] Jean-Luc Bonniol, « Penser et gérer l’hérédité des caractères discriminants dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes », Rives Méditerranéennes, 24, 2006, p. 1-11.
[25] Jean-Luc Bonniol, op. cit., p. 4.
[26] Jean-Paul Zuñiga, « La voix du sang. Du métis à l’idée de métissage en Amérique espagnole », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 54e année, no2, 1999, p. 430.
[27] Robert Gordon Latham, Man and his Migrations, Londres, John Van Hoorst, 1851, p. 74.
[28] Claude Blanckaert, « Chronologiques : le tournant historiciste des sciences humaines », in Arnaud Hurel et Noel Coye (dir.), Dans l’épaisseur du temps, Publications scientifiques du Muséum, p. 8.
[29] Joseph-Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races, Paris, Éditions Pierre Belfond,1854.
[30] Ibid. Notons que dans cet essai, le mot Métis est cité 49 fois ; Métisse 15 fois ; Hybride 3 fois ; Mulâtre 8 fois ; Mélange 76 fois ; Sang 246 ; Pur 29 ; Dégénération 10 ; Immixtion 8 ; Dégénérés 9 ; Trouble 10 ; Anomalie 6 fois.
[31] Ibid., p. 127.
[32] Ibid., p. 199.
[33] Ibid., p. 125.
[34] Alfred Marche, « Des naturels et des métis des Philippines », Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, 403e séance, IIIe série, tome 3, 1880. p. 164
[35] Claude Blanckaert, « Chronologiques : le tournant historiciste des sciences humaines », in Arnaud Hurel et Noel Coye (dir.), Dans l’épaisseur du temps, Paris, Publications Scientifiques du Muséum, p. 3.
[36] Jean Louis Armand de Quatrefages, « Questionnaire relatif aux résultats du croisement des Blancs et des Peaux-Rouges dans le sud-ouest des États-Unis », Journal de la Société des Américanistes, tome 2, Paris, Hôtel de la société nationale d’acclimatation, 1898, p. 53-56.
[37] Métis, Quarteron, Quinteron, Sixteron.
[38] Société d’anthropologie de Paris, « Questionnaire sur les métis », Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, séance du 4 juillet 1907, Ve Série. Tome 9, 1908. p. 688.
[39] Ibid., p. 689.
[40] Op. cit.
[41] Joseph, Pholien, « La condition juridique et sociale des métis et des indigènes », Extrait du Bulletin de la Société belge d’études coloniales, 5, 1913, p. 4.
[42] Rapport au Président de la République Française, « Statut des métis nés de parents légalement inconnus en Indochine », Paris, le 4 novembre 1928.
[43] Noah Trevor, Trop noir, trop blanc, Une enfance sud-africaine dans la peau d’un métis, Marseille, éditions Hors d’Atteinte, 2021, p. 35.
[44] La liste des métaphores est loin d’être exhaustive. Parmi elles nous avons : Ajout, Arlequin, Branchement, Bricolage, Mosaïque, Butinage, Désordre, Divers, Greffe, Hybridisme, Identité narrative, Kaléidoscope, Mélange, Nuage, Opacité, Oscillation, Palimpseste, Présences, Reliance, Rhizome.
[45] Philippe Chanson, Variations métisses. Dix métaphores pour penser le métissage, Anthropologie prospective, Belgique, Academia Bruylant, 2011.
[46] Ibid., p. 194.
[47] Ibid., p. 32
[48] François Laplantine et Alexis Nouss, 2001, Métissages, de Arcimboldo à Zombi, Paris, Pauvert, 2001, p. 415
[49] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Rhizome, Paris, éditions de Minuit, 1976
[50] Jean-Loup Amselle, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Paris, Flammarion, 2001.
[51] François Laplantine et Alexis Nouss, Le métissage. Un exposé pour comprendre. Un essai pour réfléchir, Paris, Flammarion,1997.
[52] Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
[53] François Laplantine, Le social et le sensible. Introduction à une anthropologie modale, Paris, Téraèdre, 2005, p. 12.
[54] François Laplantine et Alexis Nouss, Métissages, de Arcimboldo à Zombi, Paris, Pauvert, 2001, p. 15.
[55] François Laplantine, De tout petits liens, Paris, Les Mille-et-une nuits, 2003, p. 59.
[56] Serge Gruzinski, Pensée métisse, Paris, Fayard, 1999, p. 42.
[57] Ibid., p. 16.
[58] Laura Schuft, « Devenir « demi » en Polynésie française : les enjeux de l’ethnicité, du statut socioéconomique et du genre », Anthropologie et Sociétés, vol. 38, n° 2, 2014, p. 67.
[59] Ibid., p. 68.
[60] Les travaux de Laurier Turgeon, Denis Gagnon, Hélène Giguère, entre autres et en lien avec ceux de Gilles Havard, du côté français abordent largement ces aspects.
[61] Gouvernement du Canada (2003), Cour suprême du Canada - Arrêt Powley, 2003 CSC 43. Document accessible à l’adresse https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/fra/1100100014413/1535468629182.
[62] Elise Begin, Les dynamiques identitaires chez les Métis-Autochtones en Abitibi-Témiscamingue, Université Laval, Québec, 2010, p. 48.
[63] Jean Morisset, « Les métis et l’idée du Canada », The Canadian Journal of native Studies, III, 1, 1983, p. 199.
[64] Laurier Turgeon (dir.), Regards croisés sur les métissages, Canada, Presses de l’université de Laval, 2003, p. 221.
[65] Denis Gagnon et Hélène Giguère, « Introduction : Le métissage, un processus identitaire incontournable et des enjeux négligés », in Denis Gagnon et Hélène Giguère (dir.), L’identité métisse en question : Stratégies identitaires et dynamismes culturels, Canada, Presses universitaires Laval, 2012, p. 1-13.
[66] Christian Ghasarian, « La Réunion : acculturation, créolisation et réinventions culturelles », Ethnologie française, « Outre-mers : statuts, cultures, devenirs », XXXII, 4, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 663-676.
[67] Benoît Carteron et Estelle Laboureur, « Se définir Caldoche et Métis en Nouvelle-Calédonie : complexité identitaire et clivages politiques », in Perrier L. (éd.), avec la coll. de O. Quitero et M. Bottero, L’altérité et l’identité à l’épreuve de la fluidité, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 83.
[68] Sandrine Valcke, « Être de parents "blanc" et "noir" dans la France d’aujourd’hui », Hommes et Migrations, n°1239, Septembre- octobre 2002. Africains, citoyens d’ici et de là-bas. p. 99.
[69] Lucien Febvre et François CRouzet, Nous sommes tous des Sang-mêlés, manuel d’histoire de la civilisation française, Paris, Albin Michel, 2012.
[70] Trevor Noah, Trop noir, trop blanc, Une enfance sud-africaine dans la peau d’un métis, Marseille, éditions Hors d’Atteinte, 2021, p. 35.
Résumé
Le métissage est une réalité qui est pensée différemment selon les contextes historiques. L’étude des sociétés à travers la littérature scientifique montre que le lexique utilisé entre le XIXe et une grande partie du XXe siècle induit une séparation nette entre ce qui est défini comme pur, en opposition avec ce qui est considéré comme impur, dont le Métis, l’hybride et le sang-mêlé sont les archétypes. Aussi, de quelle manière à travers la littérature scientifique, la figure du Métis passe-t-elle d’une « inanité » biologique à une réalité sociale hiérarchisante efficace ?
Abstract
Miscegenation is a reality that is thought of differently in various historical contexts. The study of societies in scientific literature shows that the terminology used in the 19th and a large part of the 20th century introduces a clear separation between what is defined as pure and what is considered impure, of which the half-breed, the hybrid and the mixed-blood are the archetypes. So, how has the figure of the mestizo moved from a biological « inanity » to an effective hierarchical social reality in scientific literature?
La figure du Métis : une construction lexicale chromatique
La figure du Métis : d’une fiction biologique à une fiction statutaire
Le métis : de « l’interdit de naissance » à l’émergence d’une figure politique
Fatima OUACHOUR
Université de Nantes, CRHIA – EA 1163
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