« Make me beautiful…
Make me…
A perfect soul,
A perfect mind,
A perfect face,
A perfect life… »2
Dans sa somme critique La Littérature fantastique en France, Marcel Schneider met en parallèle l’histoire de Pygmalion/Galatée3 et celle de La Vénus d’Ille de Mérimée, en indiquant que :
Les Grecs, qui ont fait le complet inventaire de nos désirs et les ont illustrés par une fiction poétique, connaissaient bien l’attirance de l’homme pour la statue […]. C’est que la statue « incarne » la beauté désarmée, complice, docile à nos vœux et qui éternise le désir. Que la déesse de bronze qui domine la nouvelle de Mérimée respire la méchanceté ne lui enlève aucune séduction, au contraire4.
De nombreux commentateurs n’hésitent pas à évoquer la naissance biblique d’Ève elle-même, créée non pas d’une côte d’Adam, mais « à côté » d’Adam, dit l’hébreu (lecture du rabbin Delphine Horvilleur). Quoi qu’il en soit, au croisement de plusieurs mythèmes fantastiques (l’animation de l’animé figurant une sorte d’hyper-thème), l’Ur-Text ovidien5 du sculpteur Pygmalion se révèle d’abord à nous par un écho plutôt misogyne : c’est parce qu’il trouve les femmes chypriotes (les Propétides) « immorales » que Pygmalion supplie Vénus de lui accorder cette faveur exorbitante, exceptionnelle : transformer un être d’ivoire (sculptée par lui) en être de chair ; par un renversement dialectique assez pervers, ce sont alors les femmes « naturelles » qui, punies par Aphrodite pour leur dévergondage, se changent peu à peu en statues d’ivoire… Ainsi la vie se retire-t-elle d’un côté, pour affluer de l’autre. Deux enfants naîtront de cette union entre toutes inattendue : Paphos et Matharmé. Voilà, si je puis dire, pour les « soubassements » de la légende…
Le chercheur américain Meyer Reinhold soutient que le nom même de Galatée6 n’est pas systématiquement « donné » à la jeune femme, et que ce n’est qu’au cours du XVIIIe siècle qu’il lui sera affecté sans restriction – singulièrement dans la pièce de J.-J. Rousseau, Pygmalion, en 17627 ; il est certain en tout cas que, dans la narration d’Ovide, la seule Galatée présente est une nymphe, courtisée par le cyclope Polyphème qui, furieux de se voir préférer un certain Acis, l’écrase pour se venger (livre XIII) ; en revanche, l’objet aimé par Pygmalion demeure absolument anonyme.
Cet exemple frappant d’obsession masculine inspira de nombreux peintres8, en particulier Edward Burne-Jones dans ses deux « séries » de quatre tableaux, Pygmalion and The Image, peints successivement en 1868-1870 puis en 1878. Il est aisé d’y lire une mise en abyme : peinture d’une sculpture… et d’un sculpteur, et même parfois sculpture d’une sculpture, et de son créateur en train de la façonner… fonction spéculaire dont Balzac9, Poe10 ou Zola11 nous offrent de nombreuses déclinaisons dans leurs propres œuvres. De là à penser que Galatée est l’allégorie de l’inspiration artistique visitant ses élus mérite de poser encore quelques pas, car il y faut le croisement de deux énergies : le geste démiurgique de l’artiste, arrachant à la matière une création plus réussie que l’être humain, et le souffle thaumaturgique, animant cette même matière du principe vital ; or l’union des deux demeure rarissime.
Mais il nous faut dépasser ces productions littérales pour indiquer d’abord la surabondante « postérité » de cette légende : M. Schneider signale, entre autres curiosités, un récit de Noël Devaux intitulé Euphémisme12, qui raconte l’animation d’une statue antique ; son acquéreur, terrifié, la fait détruire, alors qu’elle ne demandait visiblement qu’à lui (com)plaire.
Pourtant, croyons-nous, c’est bien d’un des mythèmes de l’âge d’or selon Hésiode (Les Travaux et les Jours) que semble descendre la notion même d’androïde : abondance, longévité, mort adoucie… et pourquoi pas renovatio mundi. On pourrait presque parler de mythe récessif (car écrit très tôt). Souvenons-nous que la connaissance, selon Francis Bacon, est une épouse (comme Galatée pour Pygmalion) ; or Épiméthée et Prométhée, chargés d’équiper le monde, l’un en fournissant les êtres vivants, l’autre en donnant le feu et la sagesse politique, sont eux aussi traversés par l’histoire de Pandore : cette jeune vierge d’argile est bel et bien fabriquée par les dieux pour rendre les hommes fous de désir et d’amour ; Épiméthée oublie toutes ses promesses en la voyant et l’épouse, amenant la discorde et les fléaux ; Pandore et Galatée… deux visages pour une même quête ? Peut-être même peut-on parler de « bio-mythe », selon lequel Gaïa la Terre (apparemment inanimée) serait un organisme vivant, et le cyborg une réponse de la culture populaire à la mobilisation des anciens topoï : un ruissellement de mythes dérivés, du coup !
L’intérêt vient donc bien surtout de la vocation résolument funeste (ou pour le moins dysphorique) des « suites », ou des « variations » ; Balzac, Poe, James, Schwob, Ewers, Eichendorff, Gautier, Maupassant, Hoffmann, Jensen, Maurice Renard, ou bien sûr le Villiers de l’Île-Adam de L’Ève future (1886)… tous ont donné une tournure tragique aux successives réécritures du mythe. Aussi est-ce à partir de trois exemples éclairants, dans leur diversité et leurs champs de signifiance résolument hétérogènes, que j’aimerais construire mon propos. Il s’agit en effet d’animer la matière – mais selon quelles modalités, et dans quel but ? Si la visée érotique et esthétique de Pygmalion est assez claire, bien d’autres mondes de représentation devront être sollicités, afin d’apporter des réponses conformes à notre propre horizon.
J’évoquerai d’abord l’œuvre de Gaston Leroux, La Poupée sanglante (1923), qui réunit les deux grandes figures fantastiques du XIXe siècle : la créature artificielle (Frankenstein) et la créature surnaturelle (Dracula) ; nous interrogerons donc les subtilités d’une Galatée éventuellement vampirique, comme contamination de deux réseaux intertextuels majeurs ; puis nous reviendrons sur l’un des opus les plus glaçants de la filmographie d’Almodovar, La Piel que habito (2011), amorçant une réflexion « genrée » sur la notion même de re-création d’un être, pour enfin parvenir au monde selon Real Humans – autrement dit la coexistence parfois harmonieuse, parfois conflictuelle, entre humains et humanoïdes, dans une société très semblable à la nôtre, mais dont l’avancée technologique a peut-être paradoxalement sonné la dernière heure.
Notons tout de suite que dans chaque reprise du thème, tout se passe un peu comme si la lumière qui baigne l’histoire de Galatée s’était assombrie, obscurcie, au fil des récritures innombrables qui l’ont accompagnée, des variations inquiétantes ou ludiques, charmantes (My Fair Lady) ou terrifiantes (Real Humans), que Galatée a suggérées dans notre monde de représentations. Comme exemple de Pygmalion peu connu mais emblématique, nous pourrions citer le roman de Kurt Münser (Pygmalion, 1919), auteur mort en exil en Suisse en 1944 (car juif) ; un baryton, Felix, est amoureux d’Helena, mais il la perd ; il bâtit alors une marionnette et lui donne les traits de l’aimée… On retrouvera cette trame jusque dans la série Buffy contre les vampires, dans lequel un personnage, Spike, se fait faire un robot à l’image de celle qu’il aime et qui le déteste : Buffy, justement ; dans cette même saison V (épisode 15), un geek particulièrement doué, Warren, se fabrique une « petite amie » robotique qui le poursuit partout en exigeant de l’amour. Mais lui, passé à autre chose, ne la supporte plus, sans pouvoir pour autant la détruire… Buffy devra la « tuer », tout en restant près d’elle lorsque la pauvre automate, incapable de concevoir ce qu’est la mort, sent décliner une à une toutes ses fonctions, avant de s’enfoncer dans la « nuit » de ses circuits détruits.
Ces relectures rejoignent les grands récits des origines, dans lesquels il est dit que le titan Prométhée a formé l’homme avec une motte d’argile, et que la déesse Athéna lui a insufflé la vie… ce que narre aussi la kabbale : un rabbin praguois du XVIe siècle, dans la tradition juive, aurait donné vie au « Golem », gigantesque homme d’argile qu’un mot inscrit au front anime ou désarme : « emet » (la vérité) ; mais si la première lettre est effacée, alors ne reste que « met », autrement dit, la mort. C’est évidemment cette problématique, réactivée dans Frankenstein, qui passionne Gaston Leroux dans son diptyque La Machine à assassiner (1923), puisque c’est à une femme qu’il confie non pas la réalisation technique d’un automate, mais bien le dessin et la confection de son beau visage13, double inversé de la face couturée de la créature de Mary Shelley, exhibant ses sutures avec la détermination du désespoir.
En effet, comme le rappelle Isabelle Krzywkowski : « Qui est le monstre ? celui qui, sans nom ni origine, est un être hors nature ? qui est, ou devient, un révolté et un assassin acharné ? ou n’est-ce pas plutôt le créateur irréfléchi ? »14. Or c’est exactement la récurrente et crucifiante question que ne se cessent de se poser les trois « savants » du roman, confrontés à leur indomptable créature ; le repentir « paternel » de l’horloger Norbert – l’automate a enlevé sa fille – contamine la fierté « scientifique » de la réussite technique de son Gabriel ; son neveu, fiancé à Christine, n’arrive pas à renoncer tout à fait à son triomphe d’inventeur, et leur dialogue témoigne de ce dilemme :
– Tais-toi !… Tais-toi !… je comprends, je comprends trop !… mais Christine !… Ah ! qu’avons-nous fait ?… qu’avons-nous fait, mon Jacques ?… »
Et le vieil horloger se prit à pleurer.
« Vois-tu, Jacques, nous sommes maudits !… Il n’est pas permis à l’homme de faire revivre ce qui est mort !…
Alors, mon oncle, marchons comme les animaux, les yeux éternellement fixés sur la terre… et broutons !…15
La jeune femme, amoureuse sans se l’avouer de l’automate dont elle a dessiné le visage, vit dans la terreur d’une confrontation entre son fiancé l’ingénieur Jacques Cotentin et la créature elle-même, douée d’une force colossale :
Le pas de la statue du Commandeur n’apporta pas plus d’effroi à Don Juan, à l’heure où tout se paye, que le bruit du pas de Gabriel ne versa d’épouvante au cœur de Christine […]. Christine avait-elle été moins coupable que le prince des libertins ? Plus que le grand cynique, n’avait-elle pas foulé aux pieds les lois divines et humaines ?16
La scène s’achève sur le cri désespéré de Jacques : « Pygmalion aimait sa statue… Moi je la déteste !… »17. Le soupçon de vampirisme qui pèse du début à la fin sur le malheureux automate (« sanglante », comme Bloody Mary Tudor) vient certes d’un malentendu, mais colore tout le récit d’un cramoisi féroce, censé recouvrir les méfaits d’un aristocrate pervers grand consommateur de fraîches et jeunes ouvrières ; mais au fond peu importe puisque à la fin rien ne subsistera, ni la superbe machine pourtant innocente, ni le marquis vampire…
Il en va exactement de même avec le savant Victor Frankenstein, lui-même né on s’en souvient d’une rêverie fiévreuse de Mary Shelley ; un « méta-rêve » en quelque sorte, puisqu’il va créer le créateur en même temps que la créature, et que le « monstre » ainsi mis au monde n’est autre que le roman lui-même ; cet « enfant »-là, célébré et commenté depuis 1818, ne mourra pas, lui au moins ! Victor hérite du rêve, et le narre ainsi :
Je dormis bien un peu, mais en proie à des rêves terrifiants. Je voyais Elizabeth, radieuse de santé, […]. Surpris et charmé, je l’enlaçais, mais tandis que je posai mon premier baiser sur ses lèvres, elles devinrent livides comme celles d’une morte ; […] j’eus l’impression de tenir dans mes bras le cadavre de ma défunte mère18.
Bien entendu ce passage retient particulièrement l’attention de la critique, qui y lit une sorte d’intervalle collapsé entre le dispositif du texte et la mythologie du récit de création. Pourtant, le savoir et le pouvoir procèdent aussi par transgression, par raptus soudain et impérieux ; le critique Byron R. Wells voit dans Frankenstein un rêve plus étiologique que futuriste, car la créature ne vient pas signifier le lendemain de l’homme, elle vient seulement témoigner d’une élévation vers la surhumanité, ici ternie en subhumanité, mais porteuse d’une paradoxale espérance :
Le monstre assure la surveillance des frontières du possible. Situé aux limites des connaissances humaines, il sert d’avertissement […]. Le monstre de l’abjection habite cette géographie marginale de l’Extérieur, au-delà des limites du Pensable, un lieu qui est doublement dangereux […]19.
Cette réécriture, ou ré-articulation grinçante et horrifique de Pygmalion, pose avant tout la question de la responsabilité praticienne, que ce soit celle de l’artiste, du savant ou de l’intellectuel en général. Animer quelle matière… et pour lui laisser quel possible et quel efficace, s’interroge la critique : « Le monstre, comme l’enfant, est né innocent et capable de violence, d’où la nécessité de l’encadrer afin qu’il apprenne à agir de façon convenable – c’est-à-dire en fonction de sa nature sociale »20, dit Valérie de Courville Nicol, pour qui il est clair que le « vrai » monstre est le jeune savant dénaturé et désocialisé.
Enfin, dans son étude « Femme parfaite sur commande », Tony Keen met en parallèle Pygmalion, Prométhée et… Victor Frankenstein, pour en cerner aussi le schéma rupturel :
La réécriture la mieux connue du mythe est, bien entendu, la pièce de George Bernard Shaw Pygmalion, écrite en 1912 […]. Cependant, ce qui distingue les deux actes créateurs, celui de Pygmalion et celui de Prométhée, est que le premier a pour but explicite de fournir au créateur un partenaire amoureux ou sexuel21.
Il évoque ainsi le roman The Cosmologie of the Wider World (Jeffrey Ford, ) ainsi que The Holy machine de Chris Beckett (2004) qui met en scène un « bordel de robots » dont les clients – humains – tombent parfois amoureux de leurs partenaires synthétiques… N’est-ce pas aussi, plus ou moins, l’argument de la série Dollhouse (Joss Whedon, 2009-2010) ?
Le remarquable article de Sophie Bourdais : « L’homme face aux robots, science ou fiction » pose à peu près toutes les questions – bien sûr vulgarisées – que la robotique androïde adresse à l’homme :
Depuis la nuit des temps, l’homme en a toujours rêvé, statues animées, automates mystérieux, Golems incontrôlables… Bien avant que les premiers robots, androïdes et cyborgs sortent de son cerveau, l’être humain a voulu fabriquer un autre lui-même. Pourquoi ? Pour défier son créateur, au risque d’être cruellement puni, comme l’insinue un imaginaire occidental ancré dans la mythologie grecque et les religions du Livre ? […] Ancêtres du robot, le golem de la tradition juive, la créature de Frankenstein imaginée par Mary Shelley se rebellent contre leurs créateurs respectifs… 22
Il existe pourtant des variations particulièrement perverses de ce schéma « basique », et nous aimerions en présenter une, hautement intrigante.
Sorti en 2011, le film d’Almodovar La Piel que habito adapte « explicitement » le roman de Thierry Jonquet, Mygale, mais il doit également beaucoup à Vera, l’un des Contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam ; Vera est d’ailleurs le prénom donné à la mystérieuse captive qui sert de cobaye aux expériences du Dr Robert Ledgard. Le titre est à entendre très littéralement : c’est bien une autre « peau » que la supposée Vera « habite », puisqu’elle est en fait le résultat de la folie vengeresse de son hôte ; il lui a donné le visage de son épouse morte, et peu à peu on comprend que cette jeune femme est en fait un garçon, castré et transformé en femme, parce qu’il avait séduit la fille du médecin, laquelle s’est suicidée dans une crise d’angoisse sans doute schizophrénique.
Fou de douleur, Ledgar (Poe ?) séquestre le suborneur, Vicente, puis commence toute une série d’opérations dont le garçon ressort à chaque fois de plus en plus mutilé, féminisé, méconnaissable – jusqu’à enfin incarner la femme parfaite, née à grands coups de bistouri, d’hormones, de greffes… et de vulvo-vaginoplastie. Mais cette nouvelle Galatée attend son heure : ayant fini par persuader son geôlier qu’elle est maintenant éprise de lui, elle circule plus librement, réussit à le tuer ainsi que la servante Marilia et rentre enfin chez sa mère… sous l’apparence que la science lui a désormais donnée pour toujours !
Notons que cette « castration/transformation » est aussi au cœur d’un opus très noir de John Ajvide Lindqvist, Lät den rätte komma in, en français Laisse-moi entrer. Sa diégèse sert de scénario au film éponyme Morse, mais après « édulcoration » des fait les plus choquants – en particulier la pédophilie du « monstre » Hakan Bengtsson, et la castration d’Elias/Eli… Tourné par Tomas Alfredson en 2008, ce film a été immédiatement suivi de son remake américain, dirigé par Matt Reeves, le réalisateur de Cloverfield (2008). Le titre est sensiblement le même : au Let the Right One In de la version originale pour l’international, s’est substitué un Let Me In (2010)… encore plus conatif.
Ces Galatées récalcitrantes sont bien au cœur de la problématique d’Isabelle Krzywkowski, qui oppose les « simples » répliques biomorphes fabriquées à la chaîne par la technologie aux êtres animés in fine du souffle salvifique : « loin du pouvoir divin que le romantisme assignait à l’artiste, la technique crée un artefact auquel l’homme choisit de croire »23. Le même questionnement agite et informe Battlestar Galactica (2004-2009) :
La manière dont Hésiode décrit la fabrication par Héphaïstos de Pandore, faite de terre et d’eau, résonne avec celle dont les humains construisent les Cylons, faits de métal et de silicone. […] Les correspondances entre Pandore et les femmes Cylons ne se limitent pas à des échos conceptuels : le détail de leurs descriptions offre également des ressemblances frappantes. Toutes deux incarnent la séduction et la fourberie24.
Pour nous détourner un peu de tant de noirceur, songeons aussi aux Galatées infiniment plus légères et souriantes que sont Eliza Doolittle dans la pièce de Shaw et la comédie musicale de George Cukor, ainsi que la modeste petite secrétaire du film Populaire, façonnée par son patron jusqu’à devenir une virtuose mondiale de la vitesse dactylographique (Régis Roinsard, 2012) : le mythe est inépuisable, et ses variations infinies.
A priori peu de liens apparaissent entre l’étrangeté horrifique de Morse (roman et film dont je viens de parler) et la série futuriste Real Humans25, à part le fait en soi peu signifiant d’être suédois et de proposer une réalité alternative aux lois « naturelles » communément admises.
Or, si l’on considère plus attentivement les deux propositions surnaturalistes, de grands pans de familiarité se distinguent alors : le corps – le corps mutilé et transformé d’Eli, ou celui, robotisé et informatisé, des hubots – pose la même question du sur- ou du sub-humain ; la marchandisation, la réification de nos objets de désir peuvent-elles nous transformer en vampires, ou nous amener à traiter des machines mieux que nos propres frères humains ?
Mais cette « humanité », si problématique dans les deux œuvres envisagées, se retourne comme un gant : un robot peut aimer, souffrir… si ses circuits sont assez sophistiqués ; alors qu’en est-il de notre compassion, de notre tolérance, si nous refusons à l’hybride brusquement autonome les soins et l’intérêt que nous accordions à l’esclave qui nous servait dans nos besognes rebutantes ? La jeune vampire Eli, qui tue pour se nourrir et se venger, n’a-t-elle pas plus d’humanité que l’entourage d’Oskar, enfant martyrisé par ses camarades de classe dans l’indifférence quasi générale ?
En-deçà ou au-delà de ce que nous avons coutume de considérer comme socialement acceptable ou « politiquement correct », le soudain surgissement de ces êtres, conçus dans un autre monde/mode de représentations que le nôtre, figure-t-il l’intersigne de l’apocalypse, ou manifeste-t-il seulement l’ubris de notre dévoration économique et ontologique de tout Umwelt ?
La déterritorialisation portée par Real Humans procède d’une autre nature, en tout cas au début : série fantastique d’anticipation alternative, Real Humans/Akta Människor, créée par Lars Lundstrom (2012-2013), imagine que les humains partagent désormais leur vie avec des « robots » infiniment perfectionnés, les « hubots » – contraction entre « humains » et « robots », en opposition ironique avec le titre… En effet, furieux d’être dépossédés par ces « machines », des opposants s’organisent en groupes de résistance « 100 pour 100 humains », assez fascisants d’ailleurs, tandis qu’en face quelques hubots mystérieusement «libérés » mènent une guerre de conquête tout aussi violente.
Le défi est fort et, comme le dit le « pitch » de Real Humans : « Qu’avons-nous encore fabriqué ? »… Comme dans Morse, des lieux emblématiques vont surgir, sorte de « parcs à thème » dénaturés et dévoyés, version cauchemardesque d’un Disneyworld du sexe et du massacre ; c’est le cas du Hub Battle Land, univers en miniature où se rejouent Westworld/Mondwest26 (tir à balles réelles sur les « beaufs » violeurs venus « dézinguer » des humanoïdes). Béa, clone de l’épouse de David Eischer et mère de Léo, tire la « morale » de ce conflit sans espoir : « Nous voulons être des transhumains libres… Et toi, quel est ton rêve ? – Que ça s’arrête, supplie Roger. Que tout redevienne comme avant. – Rien ne s’arrêtera, prévient Béa. Vous nous avez créés. Désormais, nous vivrons ensemble » (dialogue rapporté dans « C’est Robot pour être vrai », chronique télé de Samuel Gonthier27).
La sur-utilisation amène la rupture : le hubot gériatrique Odi, auquel est tellement attaché le vieux Lennart (père de l’avocate Inger), est le premier à dysfonctionner… et les pots de confiture de fraise qu’il laisse mécaniquement tomber au sol préfigurent le sang dont il sera couvert, quand il lui faudra démembrer, à la tronçonneuse, le corps d’un malfrat exécuté par une bande rivale. Pourtant Lennart – avant de lui-même mourir et de ressusciter sous forme d’un clone insupportable – se démène pour cacher Odi, y compris des regards de la soupçonneuse Vera, la hubote qui lui a succédé et se comporte en véritable dragon domestique… toute amidonnée de bleu et de rose, comme Dolorès Ombrage dans Harry Potter.
Car sous la norme officielle (« recyclage » des hubots déficients dans une usine à composants) se dissimule bien entendu une foule de trafics, de reventes en douce, de « bidouillages » des blocages Asimov, visant par exemple à transformer un hubot « entraîneur sportif » en… amant exceptionnel, puisque c’est ce que demandent deux des personnages féminins ! Rick et Thérèse vont former un couple pendant quelque temps, mais les velléités d’autonomie du hubot forcent Thérèse à se débarrasser de lui, par amour pour son fils, qui ne le supporte pas. Devenu un guerrier ingérable au Hub Battle Land, Rick n’aura de cesse de se venger de « Roger », l’époux humain de Thérèse, qu’il considère comme le responsable emblématique de ses malheurs. L’humain a déchu, et déçu ; son frère bionique28 en mime la violence, l’oppression, la cruauté et la bêtise… pourtant, des gestes peuvent aussi retisser un lien, fragile et menacé.
David Eischer, le programmeur des hubots, a lui aussi fait de son fils Léo un être hybride, après la noyade accidentelle de celui-ci ; entouré de clones (en particulier Mimi, qu’il aime d’abord comme un fils, puis comme un amant), il mène les hubots libérés par un mystérieux « code » vers un eldorado évidemment inatteignable ; il meurt, désespéré mais enfin pacifié, ayant réussi à retrouver Mimi, devenue Anita dans une famille « normale », tandis que sa petite troupe connaît des destins contraires : la mort pour la plupart, ou des transformations étranges, telle celle de Flash, devenue sous le nom de Florentine l’épouse légale d’un homme, et la mère adoptive d’une enfant : tout lui sera retiré, sauf sa dignité finalement reconnue d’être humain…
Certes, l’avocate Inger essaie de défendre le droit des hubots à entrer, par exemple, dans une boîte de nuit avec la femme qui les « aime »… sans être refoulés ou abreuvés d’insultes (« Pacman » !). Mais la discrimination s’appuie sur le fait que pour parvenir à ce statut quasi humain ils ont été trafiqués, et donc le piège se referme : porter plainte équivaudrait à les dénoncer pour ce qu’ils sont, des monstres… et à les condamner à la destruction, pudiquement nommée « recyclage », exactement comme dans les camps de la mort où tout était euphémisé. C’est pourquoi le créateur de la série rappelle le caractère résolument métaphysique, peut-être même eschatologique de ces « enfants de David » : « Comme dans Her, le film de Spike Jonze, nous interrogeons notre capacité à nous connecter, dans tous les sens du terme, à autre chose qu’à un être humain » (entretien avec Pierre Langlais, de Télérama).
Mais le sacrifice le plus porteur de sens, rédempteur par son altruisme et sa spontanéité, c’est celui de Mimi/Anita, qui se télécharge à elle-même un fichier infecté qui va la tuer, afin de traduire des documents pour aider Inger Engman, sa « patronne » et amie… qui sinon risque de perdre un important client. Car un « virus » décime les hubots… Lundström y voit de nombreuses homologies avec des minorités elles aussi tenues en suspicion et en lisière : « La manière dont certains personnages de la série se comportent avec les hubots est proche du sort réservé aux immigrés traités comme s’ils étaient moins qu’humains » (entretien accordé à Arte magazine).
Il n’en demeure pas moins que les hubots « libérés » tuent aussi de pauvres gens (Niska et Bea étant largement les plus implacables), et que la violence « esclavagiste » des trafiquants en tout genre n’est guère plus écœurante que la violence « vindicatrice » des Enfants de David, prêts à tout pour retrouver le code informatique qui, une fois chargé, leur donnera enfin une âme… En ce sens, le couple formé par Douglas (humain) et Florentine (hubot) est la promesse d’un avenir réconcilié, mais il se heurte aux haines virulentes des deux côtés : le hubot Gordon tue Douglas, car il refuse de voir sa sœur heureuse avec un « ennemi de classe », tandis que l’ex-épouse de Douglas se fait remettre tout l’héritage… une « machine » ne pouvant hériter d’un homme.
Pourtant, Mimi aux portes du néant (elle est désactivée car infectée) et Florentine, par son chagrin et son sens maternel indiscutable, forcent le respect des juges et se verront enfin reconnaître le statut tant envié d’êtres humains « à part entière » quoique entièrement à part… De l’autre côté de la barrière, des humains se déclarent « transhumainsexuels » autrement dit : THS (Tobias en particulier), tandis que de nombreux adolescents se déguisent en hubots29 pour revendiquer leur gout « hubot friendly » ; entre l’homme augmenté et le robot humanisé, les lignes enfin s’effacent… quelques instants.
Dans l’interview qu’il accorde à Libération, Lars Lundström tombe d’accord avec le journaliste qui souligne « qu’une connexion n’a pas tardé à être établie entre la société scandinave, réputée pour son caractère très policé, et l’uniformisation que suppose la prolifération des robots » ; le téléaste insiste sur l’ambiguïté de ce rapport au « non-humain » (le critique Jean-Paul Colin ose le néologisme « le ne-plus humain »), porteur parfois de plus de valeurs que les « akta manniskor » du titre : « Et quand un humain veut imposer un rapport sexuel à une hubot, je voulais que le spectateur y voie une forme de viol… »30.
En plus des hubots et des clones suédois, on peut enfin citer le thriller de Sarah Lotz, Trois, dans lequel elle imagine des androïdes nommés « substibots », créés à l’effigie des personnes aimées et décédées, pour supporter leur absence… Mais bien sûr le surnaturel « non-scientifique » s’en mêle, et l’un des robots semble animé d’une personnalité autonome, celle d’un enfant survivant d’un crash aérien : « Bonjour, répète l’androïde. – C’est toi, Hiro ? demande l’Américaine. La folie pure et simple de la situation la frappe enfin. Elle est au Japon. Elle parle avec un robot. Elle est en train de parler à un putain de robot. – C’est moi »31.
« Galatée n’est jamais véritablement éprise de Pygmalion : il est comme un Dieu pour elle, ce qui rend la relation trop inégale pour être plaisante »32. Pour conclure, nous voudrions rappeler quelques fondamentaux : si la figure du couple Pygmalion/Galatée fascine autant, c’est parce qu’elle surplombe une histoire qui finit bien… ce qui n’est pas courant dans la cosmogonie antique. Elle unifie en sa narration des thématiques aussi sensibles et profuses que la (re)naissance, la magie de l’art, l’amour plus fort que la mort… ou que le néant, l’animation de la matière inerte, et tant d’autres mythèmes, dont la broderie finale constelle en d’innombrables références.
La femme de « marbre », devenue chair et sang aux bras de celui qui l’a créée, c’est le double ensoleillé du sombre Victor Frankenstein, ou du savant33 de L’Homme au sable, incapable, lui, de donner à l’Olimpia pourtant précieuse autre chose qu’une imitation saccadée de la vie et de la danse… quant au Château des Carpathes, il renvoie le lecteur à ces « machines désirantes » que sont les miroirs et les tableaux, pour le fétichiste baron de Gortz, épris jusqu’à la mort d’une voix séraphique.
Galatée plongée dans les ombres : le chef d’œuvre de Bioy Casares, L’Invention de Morel (1940), fonctionne lui aussi comme le double inversé du mythe original ; là où l’amour et la grâce divine animaient la matière, l’art (cinématographique) et la passion (funeste) plongent dans la mort celle qui ne sera pas sauvée, trop belle Faustine vitrifiée pour l’éternité. La problématique se répète quasi à l’infini, avec les deux chefs d’œuvre que sont Vertigo, d’Alfred Hitchcock (1958), et Phoenix, de Christian Petzold (2015). Chaque fois un homme recrée désespérément un simulacre de femme, bien sûr à partir d’une autre femme… sans se rendre compte que c’est deux fois la même, et qu’il reste aveugle à ce qui crève les yeux de tous : la deuxième femme, la « Galatée », n’est que la reconstitution d’un mensonge criminel, ou d’un anéantissement tellement horrible qu’il est évidemment refusé et refoulé par le coupable.
Ainsi, la lecture judéo-chrétienne de Galatée s’est-elle chargée d’opprobre, qui culmine dans ces propos de Nathalie Prince : « Folie, suicide, nostalgie amoureuse menacent le sujet désirant, et ces histoires d’amour, hautement improbables, demeurent assurément inquiétantes »34.
[1] Nous faisons ici référence à la série culte Real Humans (Akta Människor, 100 pour 100 humains), créée par le Suédois Lars Lundstrom (2012). Le terme d’« hubots » est une contraction entre « humains » et « robots », en opposition ironique avec le titre…
[2] On aura reconnu le générique grinçant de Nip/Tuck, opportunément intitulé A perfect lie (Ryan Murphy, USA, 2003-2010) ; précisons juste que Murphy est également le réalisateur d’American Horror Story…
[3] Ou « Galathée », selon l’orthographe française souvent choisie.
[4] Marcel Schneider, La Littérature fantastique en France, Paris, Fayard, 1964, p. 238-239.
[5] C’est dans le livre X des Métamorphoses qu’Ovide raconte cette histoire d’amour improbable – entre l’artiste et son œuvre, certes, mais aussi entre un vivant et un objet… et si l’on veut pousser plus loin l’analyse, entre un « père » et son enfant, ce qui bien sûr renvoie à un tout autre domaine. Mais il est bien clair qu’il n’invente nullement ce mythe, dont les composantes sont déjà attestées chez Philostéphanos de Cyrène (222-206 av. J.-C. ; c’est en se référant à Clément d’Alexandrie (le « Protreptique aux Grecs ») et à Arnobe (Adversus nationes libri) que les spécialistes parviennent à cette conclusion. Pour Julien D’Huy cependant, c’est dans le vieux fonds libyen (3000 av. J.-C.) que se situerait la racine de la légende, parvenue chez les Grecs entre le VIIe et le Ier siècle. (« Il y a plus de 2000 ans, le mythe de Pygmalion existait en Afrique du nord », Préhistoires Méditerranéennes [En ligne], 4, 2013, mis en ligne le 22 janvier 2015, consulté le 01 septembre 2015. URL : http://journals.openedition.org/pm/814.
[6] « Galatea » veut dire blanche comme le lait (donc l’ivoire), tandis que Pygmalion (« Pugma ») fait allusion au bras/coude dont l’artiste a besoin pour ciseler.
[7] Meyer Reinhold, « The Naming of Pygmalion’s Animated Statue », The Classical Journal, 66 (4), 1971, p. 316-319.
[8] Jean-Léon Gérôme, Girodet, Paul Delvaux… Sans compter les sculpteurs Robert Le Lorrain, ou Étienne Maurice Falconnet.
[9] Le Chef d’œuvre inconnu (1831).
[10] Le Portrait ovale (1842).
[11] L’Œuvre (1886).
[12] Une des cinq nouvelles du recueil La Dame de Murcie, Paris, Gallimard, 1961, p. 31-56.
[13] On peut lire intégralement l’article de Denis Mellier, « L’adaptation télévisée de La Poupée sanglante », in Daniel Compère (dir.), Le Rocambole no 62, Les Bagages de Gaston Leroux, printemps 2013, p. 91-102.
[14] Isabelle Krzywkowski, s. v. « Frankenstein », Encyclopédie du fantastique, Valérie Tritter (dir.), Paris, Ellipses, 2010, p. 334-337, p. 336.
[15] Gaston Leroux, La Poupée sanglante, t. 2 : La Machine à assassiner, Paris, Le Livre de poche, 1976, p. 66.
[16] Ibid., p. 159.
[17] Ibid., p. 158.
[18] Mary W. Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne, trad. Joe Ceurvorst, dans Les Évadés des ténèbres, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 1989, p. 302-479, p. 339.
[19] Byron R. Welles, « Liberté et monstruosité à l’âge des Lumières », in Pierre Nobel et François Jacob (dir.), Entre Dieu et Diable, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 101-116, p. 104-105.
[20] Valérie de Courville Nicol, « La gouvernance de soi dans trois récits gothiques anglais », in Alain Pessin et Marie-Caroline Vambremeersch (dir.), Les Œuvres noires de l’art et de la littérature, , Paris, L’Harmattan, 2002, t. II, p. 129-142, p. 136.
[21] Tony Keen, « Femme parfaite sur commande ; le mythe de Pygmalion dans deux romans de science-fiction et de fantasy », in Mélanie Bost-Fievet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, Paris, Garnier, 2014, p. 205-213, p. 208.
[22] Télérama 3298, 27/3/2013, p. 24-28, p. 24.
[23] Isabelle Krzywkowski, s. v. « créature artificielle », in Encyclopédie du fantastique, op. cit., p. 180-183, p. 182.
[24] Tom Garvey, « Les leçons d’Hésiode dans Battlestar Galactica », in L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, op. cit., p. 215-228, p. 225.
[25] Lars Lundstrom, Suède, 2012-2013.
[26] Le film de Michael Crichton (1973) évoquait déjà la même problématique : un parc d’attraction où l’on vient massacrer des humanoïdes, qui évidemment vont se révolter et liquider à leur tour les humains brusquement totalement démunis ! On ne compte plus les œuvres d’anticipation où les androïdes sont préposés à soulager la misère sexuelle des humains, comme dans A.I. Intelligence artificielle (Steven Spielberg, 2001), Blade Runner (Ridley Scott, 2007) ou encore la BD L’Incal, de Moebius et Alexandro Jodorowsky.
[27] Télérama 3304, 8/5/2013, p. 162.
[28] La Fourmi électrique (1968), roman de l’américain Philip K. Dick, raconte comment un ingénieur, Garson Poole, découvre à l’occasion d’une blessure à la main qu’il n’est pas un humain, mais un « robot organique », comme le lui dit une infirmière compatissante mais docile au système : « Vous êtes un homme qui a réussi, Mr Poole. Malheureusement vous n’êtes pas un homme mais une ‘fourmi électrique’ ». Chez Isaac Asimov, deux techniciens, Gregory Powell et Donovan, installent des robots sur des planètes lointaines. L’un de ces robots, Q T-1 (surnommé Cutie) semble plus intelligent que l’ensemble de ses composantes ne devrait l’autoriser ; il se pose en effet des questions existentielles qui inquiètent ses « assembleurs » : « J’ai le net sentiment que mon existence doit s’expliquer de façon plus satisfaisante. Car il me semble bien improbable que vous ayez pu me créer » (« Raison », I, Robot, trad. Pierre Billon, Paris, J’ai Lu, 1972). Le texte datant de 1950, la scène se déroule en 2015… troublante synchronie. On peut lire aussi Les Futurs mystères de Paris, I, de Roland C. Wagner (Paris, éd. Fleuve noir, 1996), et les innombrables études scientifiques consacrées à la question, au choix : Emmanuel Monnier, Le Siècle des robots, dans Science et vie, hors série, n° 247, juin 2009 ; La Recherche, 433, septembre 2009 ; Ruth Aylett, Robots, des machines intelligentes et vivantes ? (Paris, éd. Solar, 2004). Citons enfin des BD comme Sillage (Buchet et Morvan, éditions Delcourt) ; Ghost in the shell, Masamune Shirow, éditions Glénat ; Stargate, V… ou encore des jeux, tels Starcraft ou Avatar.
[29] Voir « La vie à travers le hubot », Télérama 3356, 7/5/2914, p. 70.
[30] Bruno Ischer, « Bien humain » (portrait de Lars Lundström), Libération, 13/5/2014, p. 36.
[31] Sarah Lotz, Trois, Michel Pagel (trad.), Paris, Fleuve Noir éditions, 2014, p. 517.
[32] G. B. Shaw, Pygmalion, 1912.
[33] Le duo méphistophélique Spalanzani/Coppélius des Contes d’Hoffmann restitue à la perfection ce grimaçant visage d’un Pygmalion raté.
[34] Nathalie Prince, s. v. « Pygmalion », in Encyclopédie du fantastique, op. cit., p. 779-780, p. 780.
Résumé
Du mythe de Pygmalion à L’Invention de Morel (A. Bioy Casares), les récits abondent pour raconter comment animer la matière inerte, la rendre désirable et même désirante… Mais on ne se joue pas impunément des lois intangibles de la Création, et la plupart des tentatives s’achève en désastre absolu ; la sérialité, qui s’est emparée de ce thème, en propose des déclinaisons tout aussi tragiques, aux prolongements glaçants (Real Humans, The Westworld). Même si Galatée épouse Pygmalion, les autres « créatures » ne connaissent que déréliction et cruel anéantissement.
La Poupée sanglante… une « Galatée » vampirique ?
Isabelle-Rachel CASTA
Univ. Artois, EA 4028, Textes & Cultures, Arras, F-62000, France
Aylett, Ruth, Robots, des machines intelligentes et vivantes ?, Paris, éd. Solar, 2004.
BOURDAIS, Sophie, « L’homme face aux robots, science ou fiction », Télérama 3298, 27/3/2013, p. 24-28.
Courville Nicol, Valérie de, « La gouvernance de soi dans trois récits gothiques anglais », in Alain Pessin et Marie-Caroline Vambremeersch (dir.), Les Œuvres noires de l’art et de la littérature, Paris, L’Harmattan, 2002, t. II, p. 129-142.
D’Huy, Julien, « Il y a plus de 2000 ans, le mythe de Pygmalion existait en Afrique du Nord, Préhistoires Méditerranéennes [En ligne], 4, 2013, URL : http://journals.openedition.org/pm/814.
Encyclopédie du fantastique, Valérie Tritter (dir.), Paris, Ellipses, 2010.
Garvey, Tom, « Les leçons d’Hésiode dans Battlestar Galactica », in Mélanie Bost-Fievet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, Paris, Garnier, 2014, p. 215-228.
Gonthier, Samuel, « C’est Robot pour être vrai », Télérama 3304, 8/5/2013, p. 162.
Ischer, Bruno, « Bien humain » (portrait de Lars Lundström), Libération, 13/5/2014, p. 36.
Keen, Tony, « Femme parfaite sur commande ; le mythe de Pygmalion dans deux romans de science-fiction et de fantasy », in Mélanie Bost-Fievet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, Paris, Garnier, 2014, p. 205-213.
Krzywkowski, Isabelle, s. v. « créature artificielle », Encyclopédie du fantastique, Valérie Tritter (dir.), Paris, Ellipses, 2010, p. 180-183.
—, s. v. « Frankenstein », Encyclopédie du fantastique, op. cit., p. 334-337.
La Recherche, 433, septembre 2009.
Mellier, Denis, « L’adaptation télévisée de La Poupée sanglante », in Compère, Daniel (dir.), Le Rocambole no 62, Les Bagages de Gaston Leroux, printemps 2013, p. 91-102.
Monnier, Emmanuel, Le Siècle des robots, Science et vie, hors série, 247, juin 2009.
Prince, Nathalie, s. v. « Pygmalion », Encyclopédie du fantastique, Valérie Tritter (dir.), Paris, Ellipses, 2010, p. 779-780.
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Schneider, Marcel, La Littérature fantastique en France, Paris, Fayard, 1964.
Télérama 3356, « La vie à travers le hubot », 7/5/2914, p. 70.
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