En évoquant la littérature didactique du Moyen Âge, Pierre-Yves Badel constate que « le lecteur moderne éprouve quelque sentiment de découragement et d’ennui devant cette littérature plus que devant tout autre texte, et cette impression n’est pas sans influencer l’image que l’on se fait du Moyen Âge »1. Le collégien ou le lycéen pourrait très bien éprouver ce même sentiment lorsqu’il se voit confronté à un texte médiéval dont la langue lui demeure inconnue et dont la culture et l’histoire lui semblent à tort obsolètes, comme l’illustre par exemple, avec humour, le titre du séminaire organisé en 2017 par la Maison de la Recherche de la Sorbonne : « Obsolète, désuet, anachronique »2.
Ainsi, interroger la place que l’on doit accorder à la littérature et à la culture médiévales dans l’enseignement secondaire c’est, selon Isabelle Olivier, réfléchir sur « le profit culturel et didactique que représentent les lettres médiévales pour l’enseignement de la littérature et pour l’enseignement en général »3, tout en essayant d’apporter des solutions à l’inappétence que cette étude peut susciter.
Puisque le Moyen Âge figure dans les nouveaux programmes de français, en seconde et en première, mais également dans les programmes de la nouvelle spécialité humanités, littérature et philosophie de première, comment lutter contre ce sentiment de « découragement et d’ennui » évoqué par Pierre-Yves Badel qu’éprouvent certains jeunes lecteurs face à des textes jugés à tort surannés ? Comment concilier la lecture de la littérature médiévale et les pratiques modernes liées au numérique et aux nouvelles technologies ? Les nouveaux moyens informatiques ne pourraient-ils pas constituer un apport déterminant ?
Comme le souligne en effet Florent Coste, « loin de ne jouer qu’un rôle auxiliaire et ancillaire, l’informatique provoque un saut qualitatif qui engage une transformation des manières de fabriquer les objets littéraires »4. Ces nouvelles pratiques inclinent à enrichir nos méthodes pédagogiques afin de repenser un nouveau rapport au texte médiéval et à son enseignement.
Je propose donc d’explorer quelques pistes d’exploitation de cinq sites qui ont numérisé des textes et des manuscrits médiévaux, puis d’analyser en quoi cette digitalisation, en « spectacularisant le texte »5, en le transformant en image, apparaît « comme un transformateur culturel et social »6 qui ouvre de nouvelles perspectives propres à attiser l’intérêt et la curiosité des jeunes lecteurs.
Il s’agira ainsi d’apporter quelques réponses à la question des supports possibles et des objectifs liés à l’enseignement de la culture médiévale en observant comment l’exploitation didactique et pédagogique des textes et manuscrits médiévaux numérisés permet une approche pluridisciplinaire qui mêle l’étude du texte littéraire à celle de sa matérialité, de son illustration par l’image, de son rapport à l’art, à la langue, voire à son statut archéologique et historique, tant il appert que, selon Samuel Archibald, « le choc du numérique rappelle l’existence immémoriale de cette médiation technique, d’une matérialité du langage, de la culture et du texte »7.
J’ai choisi de vous présenter cinq sites ayant numérisé des textes et des manuscrits médiévaux dont deux d’entre eux ont fait l’objet d’une analyse détaillée et approfondie lors du colloque international intitulé « Autour de Florimont, textualité médiévale et textualité numérique », auquel j’ai participé en décembre 2018, à Grenoble8.
Le premier, nommé DigiFlorimont9, édité par Marta Materni, de l’université de Grenoble, en collaboration avec le Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Italie Europe (le LUHCIE), recense et présente les manuscrits du Roman de Florimont, d’Aimon de Varennes, écrit en 1188, qui relate les aventures du roi Florimont, père de Philippe de Macédoine et grand-père d’Alexandre le Grand.
Ce site se décrit comme
une archive, l’archive d’une tradition littéraire, celle du Roman de Florimont, dans ses composantes manuscrites, textuelles, narratives et linguistiques. DigiFlorimont est de plus un laboratoire, où l’on expérimente autour de cette rencontre entre les méthodes philologiques et les instruments numériques d’analyse et de représentation10.
Le deuxième site, bien plus connu, se nomme Gallica et se présente comme
la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France et de ses partenaires. En ligne depuis 1997, elle s’enrichit chaque semaine de milliers de nouveautés et offre aujourd’hui accès à plusieurs millions de documents11.
Le troisième site se nomme Mandragore12 et constitue la base des manuscrits enluminés de la BnF. La page d’accueil explique, notamment, que
chaque notice comporte de nombreuses données relatives au décor, y compris l’environnement textuel, et les conditions de production, lieu et date, nom d’artiste lorsqu’il est connu. Actuellement plus de 80.000 de ces notices sont accompagnées d’une image numérisée.
Le quatrième site, de notoriété publique, s’intitule Dictionnaire Électronique de Chrétien de Troyes13. Il résulte de la collaboration de Pierre Kunstmann, de Hiltrud Gerner, de May Plouzeau, d’Ineke Hardy et de Gilles Souvay. Ce dictionnaire numérique consacré à Chrétien de Troyes constitue
à la fois un lexique complet de cet écrivain du XIIe siècle et une base textuelle qui permet de lire ou d’interroger les transcriptions de ses cinq romans (Érec, Cligès, Lancelot, Yvain et Perceval).
Enfin, j’ai choisi d’exploiter également le site qui s’intitule La Bibliothèque numérique des enfants14 qui se présente comme
un nouvel espace entièrement dédié aux jeunes de 8 à 12 ans, véritable introduction à l’univers de l’écrit et de l’image. Tous les types de livres sont représentés dans cette bibliothèque : abécédaires et imagiers, récits animaliers, encyclopédies, aventures, récits de fiction, contes et légendes, livres d’art et de poésie…
Les programmes de français en première préconisent l’étude du roman et du récit du Moyen Âge au XXIe siècle. Ils requièrent de
préciser et [d’] approfondir l’étude interne de l’œuvre au programme, [d’]en varier les modalités et [de] la situer dans l’histoire de la littérature et dans son contexte.
Les trois œuvres au choix sont cette année :
· Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves, en lien avec le parcours : individu, morale et société.
· Stendhal, Le Rouge et Noir, en lien avec le parcours : le personnage de roman, esthétiques et valeurs.
· Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien, en lien avec le parcours : soi-même comme un autre.
La séquence s’inscrit dans un parcours autour du roman de Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves et s’intitule « À la rencontre du roman d’amour ». Elle a pour objectif d’étudier en cinq séances les origines médiévales du roman, en découvrant ce qu’est un manuscrit, d’où vient le mot « roman » et comment certains récits du XIIe siècle ont pu inspirer les romans d’amour en général et celui de Madame de Lafayette en particulier.
La première séance a pour objectif d’étudier la matérialité du texte littéraire en général et du roman, en particulier, tant il appert que le manuscrit invite « à se pencher sur les conditions matérielles de l’écriture et de la copie […] »15.
Cette séance exploite la page liminaire du manuscrit D., numérisé sur le site DigiFlorimont et conservé à la Bibliothèque nationale de France, à Paris.
En parcourant également la première page du manuscrit numérisé sur Gallica16, les élèves découvrent qu’au Moyen Âge, le manuscriptus est, selon Fabienne Henryot,
un cahier écrit à la main pour la transmission d’une œuvre, […]. L’imprimé relègue progressivement le manuscrit au rang d’antiquité respectable, en imposant, plus que la reproductibilité à l’infini, d’autres mises en pages et d’autres repères de lecture ; il rehausse aussi la rareté du manuscrit qui devient un objet à protéger17.
En observant la page liminaire de Florimont, les élèves comprennent qu’au Moyen Âge, un manuscrit constitue un objet rare et précieux. Comme le soulignent Wagih Azzam, Olivier Collet et Yasmina Foehr-Janssens :
À la différence de la période moderne où le livre intervient dans presque toutes les formes de cultures et dans bien des aspects de la vie quotidienne, il n’est qu’un accessoire occasionnel, et l’on dirait volontiers, délibéré, pour une fraction de la communauté humaine des XIIIe, XIVe et XVe siècles. Loin d’être aussi banalisé et éphémère qu’aujourd’hui, il possède le plus souvent une fonction bien définie, utilitaire, lorsque sa vocation n’est pas symbolique, et représente un bien pérenne18.
Les élèves peuvent aussi admirer les miniatures qui illustrent et rehaussent le texte. Ils prennent conscience du travail difficile de précision de l’artisan copiste et de l’enlumineur, tant il est vrai que, selon Fabienne Henryot,
au temps de la prolifération de l’imprimé et de l’écrit immatériel, le manuscrit ne cesse plus de fasciner, par la patience que sa fabrication requiert, par le miracle de sa conservation, par la compétence (linguistique, paléographique, etc.) qu’il exige de l’historien19.
Les élèves perçoivent ainsi que les manuscrits enluminés constituent de véritables œuvres d’art et que
plus que toute autre œuvre plastique, l’enluminure permet de visualiser le passé. En tant qu’« art mineur », en tant qu’interprétation d’une œuvre littéraire, la miniature est un document inestimable sur la façon de percevoir la littérature, de l’interpréter, sur les images que les œuvres antiques évoquaient aux gens de l’époque, sur la manière dont elles étaient modernisées, sur leur rapport avec les conceptions de l’évolution de la culture sacrée20.
La deuxième séance entre en continuité avec la première en s’appuyant sur l’étude d’un extrait du roman de Florimont21. Elle a pour objectif de consacrer une plus grande place à la lecture et à l’écriture dite subjective, centrée sur la singularité de chaque élève, afin de favoriser le processus d’appropriation du langage littéraire en général, et du roman médiéval, en particulier,
la lecture littéraire et l’écriture littéraire « de création » constitu[a]nt […] des moyens de s’approprier les œuvres22.
Cette séance est constituée d’un résumé succinct, illustré par le site de Mandragore.
Elle s’appuie sur l’histoire d’amour entre Romadanaple et Florimont pour préparer les séances suivantes. Le résumé explique comment le père de Romadanaple, Philippe de Macédoine, soucieux de préserver la beauté sans pareille de sa fille, décide que celui qui souhaiterait la voir devrait le servir trois ans au terme desquels il se verrait récompensé par un baiser de la jeune fille. Pendant plusieurs années, de nombreux contes et marquis viennent servir le roi pendant trois ans, pour obtenir le baiser, puis repartent. Florimont, qui vient de connaître un douloureux échec amoureux, est attiré par cette beauté légendaire et se résout à proposer ses services au roi Philippe. Il lui offre de l’aider à vaincre ses ennemis en échange de voir sa fille sans délai. Le roi accepte. Romadanaple et Florimont s’éprennent l’un de l’autre dès le premier regard.
Après avoir lu et commenté ce résumé, le professeur propose ensuite aux élèves une écriture dite subjective dont le sujet est le suivant : En vous inspirant des différentes enluminures que vous avez vues du Roman de Florimont, expliquez comment vous écririez, en tant qu’auteur de romans dits courtois, la première rencontre de Romadanaple et de Florimont.
Cet exercice permet aux élèves d’adopter une posture d’auteur et ainsi, selon Christa Delahaye, de
donner à connaître un monde que l’on fait sien dans le geste même de sa présentation à l’autre23.
La troisième séance s’appuie sur la lecture de l’extrait de la première rencontre de Florimont et de Romadanaple en français moderne pour enrichir la correction de l’écriture subjective et préparer la séance suivante :
Et quant la chambre fut overte,
Dedens fut et cleire et aperte :
Li amor[s] de l’Ile selee
Fut perdue a cele entree.
Contre le roi vet la meschine,
Les puceles et la roÿne
Dames i avoit et puceles
Et de cortoisses et de beles ;
Mai lor biaté mout poc valoit,
Que la fille le roi veoit :
Tant les sormontoit de biaté
Com li soulous fait de clarté
Et les estoiles et la lune.
Sa biaté toloit a chascune ;
Tote biaté estoit occure
Contre si bele criature.
Si com la lune se desment
Quant li soulous ses rais estent,
Qu’ele n’ait pooir de clarté,
Ensi perdoient lor biaté
Seles qui furent joste li ;
Cil en estoient esbahi. (v. 6153-6174)
[…]
La pucele mout doucement
Non pas de droit, mai sutilment
Esgardoit le povre perdu ;
Mout per li plot quant l’ot veü. (v. 6185-6188)
Traduction en français moderne :
Et dès que la chambre fut ouverte,
La lumière jaillit à l’intérieur :
Comme s’avançait la jeune fille,
S’éteignit l’amour de l’île Celée.
La jeune fille va vers le roi,
Les damoiselles et la reine,
Il y avait nombre de dames et de jeunes filles,
Toutes courtoises et belles,
Mais leur beauté valait bien peu
Dès que l’on voyait la fille du roi :
Tant elle les surpassait de beauté,
De même le soleil surpasse par sa lumière
Les étoiles et la lune,
De même sa beauté obscurcissait la leur.
Toute beauté devient obscure
Devant si belle créature.
Tout comme la lune au ciel disparaît,
Dès que le soleil darde ses rayons,
Et qu’elle en perd sa lumière,
Ainsi les femmes qui l’accompagnaient
Voyaient-elles leur beauté s’effacer,
Devant l’éclat de sa lumière.
La pucelle tout doucement,
Non pas tout droit mais subtilement,
Regardait le Pauvre Perdu.
Il lui plut bien quand elle l’a vu.
Des recherches documentaires sur ce qu’est le roman courtois en général et sur la fin’amor, en particulier, permettent aux élèves de comprendre quelles sont les principales caractéristiques de cette nouvelle éthique amoureuse qui se définit comme un amour affiné, un amour parfait, ou un pur amour24, selon les expressions de Charles Baladier, l’adjectif fin exprimant parfaitement,
l’idéal élitiste du modèle troubadouresque, qui connote la purification et la perfection et s’applique par excellence à une conception qui met le raffinement, la patience et l’ascèse au cœur de ses préoccupations25.
En comparant le résultat de leurs recherches, leur travail d’écriture, et la version d’Aimon de Varennes, les élèves peuvent ainsi découvrir par eux-mêmes si leur vision du roman courtois est pertinente et comment le texte littéraire met en œuvre ce type de récit.
La quatrième séance s’attache à une étude plus spécifique d’un passage en ancien français afin de montrer aux élèves ce qu’est la langue romane et comment elle a donné son nom, métonymiquement, au genre romanesque. Les élèves relisent les vers 6159 à 6163 en français moderne, puis en ancien français :
Dames i avoit et puceles
Et de cortoisses et de beles ;
Mai lor biaté mout poc valoit,
Que la fille le roi veoit :
Tant les sormontoit de biaté [...].
Traduction en français moderne :
Il y avait là dames et pucelles,
Toutes courtoises et toutes belles.
Mais leur beauté valait bien peu
Dès que l’on voyait la fille du roi :
Tant elle les surpassait de beauté […].
Cette traduction, enrichie d’une rapide étude comparative, peut très bien servir de support à une leçon grammaticale sur la proposition relative, ainsi qu’à une courte initiation à l’ancien français en offrant la possibilité aux élèves de découvrir d’une part comment le français moderne a évolué, puis de comprendre pourquoi le terme « roman » a donné son nom au genre. En effet, comme l’explique Emmanuèle Baumgartner,
durant tout le Moyen Âge, le terme le « roman » ne désigne pas une forme littéraire, mais la langue vernaculaire, le français, par opposition au latin, la langue des lettrés, des savants, des clercs, et, pendant longtemps, la seule langue de la culture. Des expressions comme « mettre en roman » ou « faire un roman », si fréquentes chez les auteurs médiévaux, ne signifient rien d’autre, au sens strict, que traduire, adapter un texte, du latin en français, ou écrire, composer directement une œuvre en français. Quant au terme de « roman », de sens très vague, il qualifie, dans les œuvres elles-mêmes ou dans les rubriques des copistes, des textes narratifs d’intentions, de contenus, de structures très disparates, vies de saints, traités didactiques, chroniques historiques, récits, arthuriens ou autres, dont le seul trait commun est d’être écrits en (ancien) français26.
La cinquième et dernière séance fait l’objet d’une étude comparative de trois extraits. Elle a pour objectif de montrer dans quelle mesure la littérature courtoise a pu influencer consciemment ou inconsciemment les auteurs en général et Madame de Lafayette en particulier.
Le premier extrait est celui de Florimont, d’Aimon de Varennes, vers 6153 à 6174 et vers 6185 à 6188, analysés lors des séances précédentes.
Le deuxième est constitué d’un extrait de Cligès, de Chrétien de Troyes27, des vers 2775 à 2798. Cligès et Fénice se rencontrent pour la première fois. Tout le monde admire leur beauté. Les deux jeunes gens s’éprennent l’un de l’autre dès le premier regard :
Clygés, si biax com il estoit,
Devant le roi son oncle estoit,
Et cil qui ne le conoissoient
De lui esgarder s’angoissoient ;
Et ausi li autre s’angoissent,
Qui la pucele ne conoissent,
Qu’a mervoilles l’esgardent tuit. (Cligès, v. 2775-2781)
Traduction en français moderne :
Clygès, beau comme il était,
Se tenait devant son oncle,
Et ceux qui ne le connaissaient pas,
Restaient ébahis devant lui en le regardant,
De même que les autres,
Qui ne connaissaient pas la jeune fille,
La contemplaient tous comme une merveille.
Le dernier extrait est celui du chapitre 2 de La Princesse du Clèves28. Il narre également la première rencontre du duc de Nemours et de la princesse.
[Mme de Clèves] se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord ne pouvoir être que Monsieur de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il parut difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Madame de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement. Monsieur de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit la révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration.
Ces trois extraits racontent l’événement à l’origine de la relation amoureuse entre les deux amants, à savoir, leur première rencontre. Elle appartient de droit « au code romanesque » par son statut de « scène-clé, à laquelle se suspend la chaîne narrative »29.
Selon Jean Rousset, la scène de rencontre prototypique est formée d’éléments dynamiques de « mise en scène » répartis en trois catégories qui s’enchaînent : l’effet, l’échange et le franchissement. L’effet correspond au coup de foudre, marqué à la fois par sa soudaineté et son intensité. L’échange équivaut à la communication verbale et non verbale entre les héros. Enfin, le franchissement abolit la distance qui les sépare rendant ainsi possible leur union30.
Les trois extraits assignent un rôle déterminant à l’isotopie du regard mutuel qu’échangent les deux amants et au coup de foudre provoqué par leur beauté respective.
L’on peut dès lors utiliser le site du Dictionnaire Électronique de Chrétien de Troyes et tout son potentiel lexicologique afin de découvrir le sens de certains mots du texte de Cligès et les faire entrer en résonance avec celui d’Aimon de Varennes et de Madame de Lafayette.
Par exemple, en cliquant sur le mot esgarder (v. 2778), les élèves découvriront que le terme vient du verbe garder, lui-même issu de wardôn et qu’il signifie « regarder ».
En cliquant ensuite sur le verbe garder, ils découvrent une page du dictionnaire électronique de l’ancien français et constatent que le mot germanique wardôn signifiait probablement « diriger son regard vers ».
Les élèves sont ainsi à même de se rendre compte que le foudroiement est
provoqué par le regard. Il peut être unilatéral – bien souvent le personnage masculin est saisi par la beauté de la femme qui surgit telle une apparition – ou mutuel quand ils sont tous deux frappés de stupeur31.
Les élèves peuvent ainsi montrer que « l’échange des regards, en une formule invariable, déclenche un processus que nous savons déjà irréversible »32.
En cliquant sur l’adjectif biax (v. 2775), les élèves notent également que, même si la beauté relève à la fois de qualités physiques et morales, selon la définition, dans les trois textes, la séduction passe par l’admiration des qualités essentiellement physiques, dans une approche physiognomonique de la description.
La comparaison des trois extraits amène ainsi une réflexion diachronique de la scène topique de la rencontre amoureuse et du traitement plus ou moins original qu’en fait Madame de Lafayette. Loin de sacrifier aux horizons d’attente du lecteur, tel que Hans Robert Jauss l’a théorisé33, Madame de Lafayette s’est réapproprié l’isotopie de la perception visuelle afin de susciter de fortes émotions propres à rendre compte de l’amour naissant.
Au terme de cette séquence, nous avons vu, à l’instar d’Isabelle Olivier, que
la littérature médiévale pourrait […] constituer au lycée un excellent levier pour une approche de la notion même de genre littéraire, qui constitue un point nodal de la recherche théorique en littérature. […] Mais surtout, la littérature médiévale pourrait permettre d’éprouver des catégories génériques et textuelles telles que définies par l’histoire littéraire et par là, de s’intéresser à leurs transformations, leurs évolutions, touchant par l’exemple les réflexions menées par les théoriciens des genres34.
En entrant en outre dans l’ère du dispositif numérique, la littérature médiévale s’inscrit également dans une ère de renouvellement non pas du texte, mais de notre rapport au texte. Comme le soutient Samuel Archibald :
L’inattention à la matérialité des supports est un tribut qu’une théorie du texte ne peut plus payer. Le choc du numérique rappelle l’existence immémoriale de cette médiation technique, d’une matérialité du langage, de la culture et du texte35.
Plus précisément, l’étude de quelques pages de manuscrits numérisés et de leurs enluminures, ainsi que de leur transcription, leur traduction, et leur analyse littéraire facilite, selon Jean-Michel Fourgous, « le passage d’une pédagogie ‘frontale’ à une pédagogie ‘active’ »36 à même de « provoquer un saut qualitatif qui engage une transformation des manières de fabriquer les objets littéraires »37.
En étudiant la littérature médiévale au prisme du numérique, nous inscrivons le passé littéraire dans une pratique plus moderne de la lecture et de l’écriture, rejoignant ainsi, il me semble, l’idée que défend Patrick Laudet, Inspecteur Général de l’Éducation Nationale, à propos des programmes du collège. Il expliquait, en effet, que
si le temps n’est plus où il était acquis que le passé avait valeur pour nourrir le présent, la conséquence pédagogique en est qu’il faut « lire les œuvres du passé au présent », sans quoi on ne transmettra que des œuvres privées de sens. Lire les œuvres du passé au présent : il ne s’agit pas de brandir systématiquement la bannière de l’actualité, ni de se livrer par démagogie à tous les anachronismes au risque de projeter sur les textes anciens des questions qui ne sont pas les leurs. Peut-être même les études littéraires doivent-elles viser à l’accueil bienveillant, pourquoi pas admiratif, de l’altérité radicale de certains passages, qui parlent d’autres façons de sentir le monde et de le comprendre. Mais ces précautions prises, lire les œuvres au présent, c’est les mettre en perspective, les faire résonner (raisonner ?) par rapport à notre temps38.
[1] Pierre-Yves BADEL, Introduction à la vie littéraire du Moyen Âge, (Paris, Bordas, 1 janvier 1969), FeniXX réédition numérique, 2018, chapitre 24.
[2] Séminaire organisé à la Maison de la Recherche de la Sorbonne (rue Serpente, Paris), dont les comptes rendus sont disponibles à cette adresse : https://questes.hypotheses.org/1680.
[3] Isabelle OLIVIER, « Enjeux et perspectives d’une culture médiévale au lycée », Perspectives médiévales [Online], 36 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, URL : http://journals.openedition.org/peme/8060 ; DOI : 10.4000/peme.8060.
[4] Florent COSTE, « La Littérature en numérique », La Vie des idées, Paris, Collège de France, 2017, ISSN : 2105-3030, URL : http://www.laviedesidees.fr/La-litterature-en-numerique.html.
[5] Oriane DESEILLIGNY, « Matérialités de l’écriture : le chercheur et ses outils, du papier à l’écran », Sciences de la société [En ligne], 89 | 2013, mis en ligne le 20 juin 2014, URL : http://journals.openedition.org/sds/224 ; DOI : 10.4000/sds.224.
[6] Ibidem.
[7] Samuel ARCHIBALD, Le Texte et la technique, Montréal, Le Quartanier, 2009, p. 23.
[8] Autour du Roman de Florimont. Approches multidisciplinaires à la complexité textuelle médiévale, Quaderni di Francigena, n°2, Padova, Dipartimento di Studi Linguistici e Letterari, 2020.
URL : https://phaidra.cab.unipd.it/detail/o:452058?mycoll=o:452059, consulté le 18 novembre 2021.
[9] http://digiflorimont.huma-num.fr/flsite/florimont.html, consulté le 18 novembre 2021.
[10] Idem. Page de présentation du site, consulté le 18 novembre 2021.
[11] https://gallica.bnf.fr/html/und/a-propos, consulté le 18 novembre 2021.
[12] http://mandragore.bnf.fr/html/accueil.html, consulté le 18 novembre 2021.
[13] http://www.atilf.fr/dect/, consulté le 18 novembre 2021.
[14] http://enfants.bnf.fr/reserve/livres/alexandre/index.htm, consulté le 18 novembre 2021.
[15] Fabienne HENRYOT (éd.), L’Historien face au manuscrit. Du parchemin à la bibliothèque numérique, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 2012, p. 13.
[16] https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10549431k/f9.image, vv consulté le 18 novembre 2021.
[17] F. HENRYOT, op. cit., p. 10.
[18] Wagih AZZAM, Olivier COLLET et Yasmina FOEHR-JANSSENS, « Cohérence et éclatement : réflexion sur les recueils littéraires du Moyen Âge », Babel, Toulon, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Toulon, 16, 2007, p. 31-59.
[19] F. HENRYOT, op. cit., p. 7.
[20] Jean-Pierre A. CALOSSE, Les Manuscrits enluminés, New York, Parkstone Press International, 2011, p. 30.
[21] AIMON VON VARENNES, Florimont, ein altfranzösischer Abenteuerroman zum ersten Mal mit Einleitung, Anmerkungen, Namenverzeichnis und Glossar unter Benützung der von Alfred Risop gesammelten handschriftlichen Materialien herausgegeben von Alfons Hilka, Halle, Niemeyer (Gesellschaft für romanische Literatur, 48), 1933.
[22] Sébastien OUELLET, « Un Dispositif didactique pour favoriser l’appropriation de la littérature. Mise à l’essai d’activités de lecture-écriture au Québec et en France », Les Dossiers des sciences de l’éducation, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 35, 2016, p. 123-142.
[23] Christa DELAHAYE, « Intention d’auteur, intention d’artiste », in Jean-Louis DUMORTIER et Marcel LEBRUN (éd.), Une Formation littéraire malgré tout : enseigner la littérature dans les classes « difficiles », Échos du colloque d’Aix-en Provence (octobre 2005), Namur, Presses universitaires de Namur, 2006, p. 31-38.
[24] Charles BALADIER, Monique DAVID-MENARD, Dominique IOGNA-PRAT, Christopher LUCKEN, « L’Amour au Moyen Âge. Autour du livre de Charles Baladier, Érôs au Moyen Âge. Amour, désir et ‘delectatio morosa’ », Médiévales, 40, Vincennes, Presses Universitaires de Vincennes, 2001, Rome des jubilés, Étienne Hubert et Odile Redon (dir.), p. 133-157.
[25] Alain CORBELLARI, « Retour sur l’amour courtois », Cahiers de Recherches Médiévales et Humanistes, 17, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 375-385.
[26] Emmanuèle BAUMGARTNER, Le Récit médiéval, Paris, Hachette, 1995, p. 4.
[27] CHRÉTIEN DE TROYES, Œuvres complètes, Daniel Poirion (éd.), Cligès, texte établi, traduit, présenté et annoté par Philippe Walter, Paris, Gallimard, « NRF », « Bibliothèque de la pléiade », 1994, p. 239-240.
[28] MADAME DE LAFAYETTE, La Princesse de Clèves, Paris, Gallimard, « Folio », 778, 1972, chapitre 2, p. 153-155.
[29] Jean ROUSSET, Leurs Yeux se rencontrèrent. La scène de première vue dans le roman, Paris, Librairie José Corti, 1981, p. 7.
[30] Ibidem, p. 43.
[31] Frédéric CLAMENS-NANNI, « Nos regards se croisaient : réécritures de la rencontre amoureuse chez Christian Oster », Littératures, Toulouse, Presse Universitaires du Midi, 74, 2016, p. 67-76.
[32] J. ROUSSET, op. cit., p. 80.
[33] Hans Robert JAUSS, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p. 53-55.
[34] I. OLIVIER, art. cit.
[35] S. ARCHIBALD, op. cit., p. 23.
[36] Jean-Michel FOURGOUS, Rapport sur la modernisation de l’école par le numérique « Réussir l’école numérique », Chantilly, La Documentation Française, 2010. p. 105-115.
[37] F. COSTE, art. cit.
[38] Patrick LAUDET, « Place et enjeux de la littérature dans les nouveaux programmes du collège », Eduscol / ministère de l’Éducation Nationale, Les nouveaux Programmes de français au collège (Séminaires interacadémiques dans les académies de Paris, Lyon, Bordeaux et Lille du 20 janvier au 17 mars 2009), octobre 2009, p. 5, URL : https://cache.media.eduscol.education.fr/file/actes/72/5/actes_francais_au_college_124725.pdf.
Résumé
Cet article présente une séquence d’enseignement de la littérature en classe de première s’appuyant sur l’exploitation de cinq sites ayant numérisé des textes et des manuscrits médiévaux. Le déroulé des séances permet de montrer en quoi cette digitalisation, en spectacularisant le texte, en le transformant en image, apparait comme un transformateur culturel et social qui ouvre de nouvelles perspectives propres à attiser l’intérêt et la curiosité des jeunes lecteurs. L’ensemble de la séquence illustre l’idée selon laquelle la numérisation des textes médiévaux provoque un saut qualitatif engageant une transformation des manières de fabriquer les objets littéraires.
Abstract
This article presents a literature teaching sequence in class of première based on the exploitation of five sites that have digitized medieval texts and manuscripts. The course of the sessions shows how this digitalization, by spectacularizing the text, by transforming it into an image, appears as a cultural and social transformer which opens up new perspectives capable of arousing the interest and curiosity of young readers. The entire sequence illustrates the idea that the digitization of medieval texts provokes a qualitative leap, initiating a transformation in the ways of making literary objects.
Nathalie LECLERCQ
Membre associé à titre secondaire de l’EA 173-CERAM, Sorbonne Nouvelle - Paris 3.
Sources primaires
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