À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, la discipline historique commence de s’imposer. Des universitaires se dotent alors de critères, de pratiques et d’institutions, qui séparent ce qu’ils produisent des autres discours sur le passé. Sans répudier totalement ce que faisaient avant eux les praticiens de l’histoire, ils instituent leur corporation comme la spécialiste et la référence en matière de connaissance du passé, et produisent des discours et savoirs qui se répandent au-delà des universités, notamment par des productions destinées au grand public et leur quasi accaparement de l’enseignement scolaire. Le processus commence dans les États allemands, il s’étend ensuite progressivement dans le reste de l’Occident, avant de gagner le monde. En France, cette institutionnalisation date des années 1870, en Espagne d’une vingtaine d’années après. Un demi-siècle plus tôt, la littérature avait créé un genre, largement connecté à des formes préexistantes, qui prit rapidement le devant de la scène des récits sur le passé : le roman historique. En 1856, Alexandre Dumas revendiquait : « nous avons la prétention d’avoir, sur ces cinq siècles et demi, appris à la France autant d’histoire qu’aucun historien »1. La discipline historique allait devoir faire sa place dans un champ largement occupé par des historiens qu’elle entendait dépasser, mais aussi par des romanciers.
Aujourd’hui, la discipline historique bénéficie d’une position centrale parmi les évocations du passé. Elle ne rechigne pas à commenter et à discuter les productions romanesques qui touchent à l’Histoire. Et ce sont souvent des historiens qui préfacent les rééditions des grands romans historiques du XIXe siècle. Parfois même, certains spécialistes d’histoire en publient. Réceptive, la corporation universitaire s’élève occasionnellement en experte, dénonçant alors des romans œuvrant tendancieusement sur le passé ou avec un traitement très déficient de l’information historique. Sur certaines périodes, les historiens interviennent fréquemment, ou sont sollicités, pour donner leur avis, en particulier sur des romans abordant la Shoah, la France de Vichy ou l’Espagne franquiste.
Cet article propose l’examen de deux situations extrêmement contrastées. La première concerne le rejet radical, et sans appel, de romans historiques situés au Moyen Âge, se vendant alors à des millions d’exemplaires, par des médiévistes. Cette polémique étonne, car il est extrêmement rare que des historiens dressent un tel rempart contre des œuvres littéraires. L’autre, totalement opposée, consiste en louanges, dressées par un moderniste réputé, au roman historique d’un auteur espagnol, félicitations qui expriment explicitement une certaine « jalousie » envers les réussites de l’écrivain. Le cas est d’autant plus remarquable que cet historien, unanimement reconnu pour ses travaux de recherche, a lui aussi écrit des romans, et en particulier un véritable roman historique.
Nous devons cependant tenir la chambre des époux […], non point pour le lieu de ces fades idylles dont nous entretient aujourd’hui en France le roman historique dans son impérieuse et inquiétante floraison, mais bien pour le champ d’un combat, d’un duel, dont l’âpreté était fort peu propice au resserrement entre les époux d’une relation sentimentale fondée sur […] le souci de l’autre2.
Ces paroles, Georges Duby les prononce en 1982 ou 1983, à l’université d’Oxford. « chambre des époux », « roman historique », il vise La Chambre des Dames de Jeanne Bourin, roman historique qui narre la vie des Brunel, orfèvres à Paris au milieu du XIIe siècle, et qui remporte un immense succès depuis sa sortie en 1979.
Un peu plus tôt, dans un livre pionnier sur l’histoire du mariage, le médiéviste avait déjà dit son désaccord, mais discrètement. Il y examine un petit récit où le roi veut donner, comme récompense à son chambellan, l’orpheline du comte de Gâtinais. Or, puisque le chambellan est aussi le vassal de son père, la demoiselle refuse l’union, mais :
Dûment chapitrée par la reine, enfermée dans la chambre des dames – qui n’était pas ce qu’on dit trop souvent qu’elle fut, mais un petit monde clos, sournois, le champ d’un évident terrorisme interne – la pucelle finit par céder3.
En 1984, Duby est plus explicite quand il défend l’utilité, puisque les « transformations qui s'opèrent dans les rapports masculin-féminin » constituent l’« un des changements les plus bouleversants de la société actuelle », des recherches sur les femmes à l’époque féodale :
En expliquant rationnellement quel était ce rapport à une époque ancienne, l'historien peut aider, sinon à résoudre, du moins à approcher d'une manière plus lucide et solide le problème dont nous parlons et que nous vivons. Cela est d'autant plus nécessaire qu'une véritable mystification idéologique est en cours à propos, justement, de la condition féminine dans la société féodale. Je m'élève avec force contre la thèse colportée par certains d'une prétendue promotion de la femme durant cette période. […] Ces gens, pour des motifs conscients ou inconscients, s'efforcent de noyer et dissoudre les problèmes actuels, posés par les luttes des femmes pour leurs droits, en essayant de persuader le public que dans une société archaïque tout cela allait bien mieux et que c'est au fond le mouvement même de l'histoire qui a détérioré la condition féminine de notre temps. Je pense ici à Régine Pernoud, et pire encore, au feuilleton « La Chambres des Dames »4.
Cette fois, Duby désigne une des coupables : Régine Pernoud, archiviste-paléographe, auteure, en 1980, de La Femme au temps des cathédrales5. Mais il ne daigne toujours pas mentionner le nom de la romancière, que Pernoud a conseillée, et dont elle a préfacé la saga.
À côté de la dure réplique que lance Robert Fossier en mars 1985, Duby n’avait procédé qu’à quelques piques feutrées. Professeur à Paris I, président du Comité des travaux historiques, ce médiéviste réagit rudement dans un hebdomadaire grand-public. Duby avait montré la voie dans le Nouvel Observateur en pointant « ceux et celles qui nous rebattent aujourd’hui les oreilles de fadaises à propos d’une prétendue promotion de la femme au XIIe siècle »6. Dès son titre, la charge de Fossier est radicale : « Jeanne Bourin : tout faux ». Jusqu’ici, écrit-il, l’écrivaine enchaînait les romans sur les XIIIe et XIVe siècles, « et ne suscitait chez les historiens que sourire ou léger agacement ». Mais, avec Le Grand Feu, elle s’attaque au XIe, période totalement renouvelée par la recherche, pour y placer « une intrigue […] banale, pour ne pas dire niaise », des « fadeurs indigestes » et des personnages anachroniques qui usent de « propos incongrus ». Alors que « [n]otre auteur se pique […] de “ressusciter et de nous révéler un autre Moyen Age” : elle y patauge et y fourvoie son lecteur » par des clichés. Plus encore que « la purée de notions anachroniques » du roman, le médiéviste dénonce qu’il y ait « tromperie auprès d’un public peu informé » à qui l’on dit « que Mme Bourin a réuni une “énorme documentation” : au mieux, elle n’y a rien compris ; au pire elle écoule sciemment une marchandise trafiquée. Qu’on le sache au moins ! »7.
Face à cette charge, qui vise aussi les instances qui accordent des prix, et indirectement les éditeurs, la préfacière, et les critiques qui valorisent la qualité historique du roman, Jeanne Bourin publie un droit de réponse et engage maître Varaud8. Ses treize « réfutations prouvant le sérieux de [s]a documentation » ne convainquent pas Fossier, qui persiste : la romancière a retenu treize reproches, pourtant il en a fait vingt-quatre, son argumentation n’est pas pertinente car elle « repose sur des ouvrages de seconde main ou sur des extraits dépouillés de leur exacte concordance chronologique ». Puis il assène un dernier coup : l’auteure, qui centre son roman sur le mariage, ignore la réforme grégorienne « qui a profondément modifié le “modèle matrimonial” d’Occident » et ne s’appuie que sur des sources postérieures à l’époque de son intrigue9.
En privé, Fossier fut plus acerbe, en témoigne sa lettre du 16 mars 1985 :
La vivacité de votre réponse montre que j’ai visé juste : je n’entendais pas m’en prendre à votre honneur dont je ne sais ce qu’il vient faire là-dedans, mais à la considération que vous vous portez ou que vous porte le nombre de gogos qui vous lisent ! […] J’ai averti la rédaction de L’Express que je m’en tiendrai […] à une réponse de quelques lignes n’ayant pas l’intention d’engager […] une querelle érudite dont j’espère que vous voudrez bien, à l’avance, imaginer que vous sortirez écrasée.
L’universitaire conclut en distinguant deux sortes de romans historiques :
Ceux qui affabulent entièrement, genre Trois Mousquetaires et qu’on lit sans croire au décor, et les vrais qui se fondent sur une documentation de première ou deuxième main, et non pas le genre que vous suivez : livres médiocres en place de ceux qui valent, fragments mal placés ou mal compris […] C’est une tromperie que je dénonce, même s’il apparaît qu’elle est (dois-je dire hélas ou heureusement ?) involontaire10.
La romancière ne releva pas. Vice-président du jury de l’agrégation d’histoire de 1980 à 1984, vice-président de l’APHG, etc., donc très connecté à l’enseignement secondaire, Fossier enfonça le clou dans un article sur les difficultés d’enseigner les acquis de la recherche dans le secondaire. Il commence par l’idée que le Moyen Âge est à la mode : « Publications et officines audiovisuelles se l'arrachent. Jeanne Bourin talonne Umberto Eco et Régine Pernoud Georges Duby. » Le jeu d’oppositions trace deux camps : la littérature et l’histoire de piètre qualité face à la littérature et à l’histoire sérieuses. Plus loin, il fait revenir la romancière :
Car quel rapport existerait-il entre le collègue érudit […] qui déclare superbement : « Que me chaut du programme de 5e, j'ai mon séminaire, le PEGC de base auquel on a attribué d'enseigner l'histoire en prime, et dame Bourin ? ».
Fossier rappelle ensuite que les « polygraphes plus ou moins vergogneux qui étalent dans leurs ouvrages anecdotiques beaucoup d'ignorance et beaucoup d'assurance », avec « un zèle infatigable à tromper le lecteur », figurent parmi les voies d’accès à la période médiévale. Malheureusement, leurs « livres s'arrachent […] leurs auteurs sont bien connus du public, notamment des parents d'élèves ». S’ils ont pu éveiller « une curiosité pour le Moyen Age », ils entrainent : « la nécessité de la rectifier en deuxième lecture ; […] on pourrait songer, exercice d'école, à faire des critiques très formatrices sur chaque page de la “Chambre des Dames” »11.
Les universitaires n’ont pas bougé pour défendre Jeanne Bourin… sauf Pierre Chaunu. Sollicité par Le Figaro, le bouillant polémiste, remarquable historien et auteur régulier de comptes rendus dans le quotidien, explique : « “Je ne comprends pas ces accusations […]. On a ‘corrigé’ Mme Bourin comme l’étaient les étudiants par les pions d’avant 1968.” » Il considère que ses détracteurs ont réagi avec « “des chipotages” » et jugé comme une thèse un « “un roman historique” », genre dont la « “finalité […] est de donner du plaisir” ». Il avance ensuite que Le Grand Feu dispense une « qualité d’information » que l’on ne trouve pas dans « “un roman historique sur cent” » et que Jeanne Bourin y « “a donné parfaitement […] le ‘climat’ du Moyen Age.” » Le professeur à Paris IV donne deux raisons à la réaction outrancière de ses collègues. D’abord : « “Leur idéologie inspire leur jugement.” » Ils ne peuvent apprécier l’évocation d’une « “passion amoureuse, sensuelle, mais dans le cadre du mariage […] Jeanne Bourin chante le bonheur conjugal : scandale !” » Ensuite, une allergie frileuse au roman historique, alors que le genre offre un « “moment de distraction” » qui « “réconcilie avec le passé” » et permet de « “renouer avec nos racines” », de stimuler le goût de l’histoire12.
Plus tard, Chaunu ne renouvellera pas ses accusations idéologiques, fréquentes chez ce traditionaliste, pour se focaliser sur la répulsion irraisonnée des médiévistes. Dans une compilation d’articles, il inclut son compte rendu très favorable, paru dans Le Figaro du 15 septembre 1984, de La Recluse de Jacques Doyon. En quelques lignes, il explique pourquoi il fait suivre sa recension du très érudit Le Péché et la peur de Jean Delumeau par un tel ouvrage :
Le livre de Doyon est un récit ou, si vous préférez, un roman historique ou une histoire qui accepte d’imaginer quand le document explicite vient à manquer. Doyon dans la Recluse […], voire n’en déplaise à quelque cuistre galonné, le Grand Feu de Jeanne Bourin (Table ronde), […] sont des romans qui rendent des atmosphères, instruisent en distrayant, distrayent en édifiant, racontent sans rabaisser13.
« cuistre galonné », – Fossier avait usé du terme, quand listant diverses erreurs, il précisait : « tout cela pourrait passer pour des exigences de cuistre » – Chaunu ne mâche pas ses mots, pourtant il dit du bien de Fossier et Duby dans ce volume, et ailleurs. Mais il est alors bien seul parmi sa corporation à défendre Jeanne Bourin.
D’autres historiens critiquent alors la romancière. Jacques Le Goff qualifie sa production de « médiocre »14, et plus tard dira qu’il fait « une grimace indulgente », car il trouve l’auteure sympathique et que cette « façon » qu’il « n’aime pas – de faire de l’histoire » a donné « à beaucoup de gens le goût de l’histoire », mais en fournissant une « image du Moyen Âge […] fausse »15. Des médiévistes québécois la classent parmi les productrices de « romans sentimentaux » qui brassent les anachronismes et concluent que sa « prose n’est pas littérature savante, […] pas un mélange intéressant de connaissances et d’imagination » mais « la création de son moyen âge ou, pour être plus précis, d’un âge de sa vie et de son désir qu’elle projette dans des siècles dont l’exotisme plaît »16. Dès 1981, Marcel Gillet, professeur à l’université de Lille, dans un numéro de la Revue du Nord consacré à l’histoire des femmes, présentait la contribution de son collègue médiéviste, en la rapprochant de lignes de Duby de 198117, comme suit :
Avec son talent de sabreur habituel, Michel Rouche fait un mauvais sort à la vue idyllique que Régine Pernoud contribue à répandre sur La femme au temps des cathédrales, Régine Pernoud qui est en fait la véritable source à laquelle puise abondamment la romancière à best-sellers Jeanne Bourin.
Michel Rouche s’oppose radicalement à Pernoud qui soutient que la
place de la femme au sein de la société est allée de l'apogée médiéval au nadir du XIXe siècle. Elle n'a fait que se dégrader continuellement à partir du XIVe siècle sous l'influence de la bourgeoisie urbaine et des clercs universitaires misogynes.
Il lui reproche d’avoir élaboré un volume, à « la fois ouvrage de combat et œuvre hagiographique », avec « l'art de choisir les arguments et les textes qui justifient sa thèse » : « Avant le XIVe siècle tout est rose. Après tout est noir ».
Le médiéviste n’aborde pas directement Jeanne Bourin, juste par allusion :
Régine Pernoud s'égare dans l'anecdote et passe à côté des grands problèmes. Souhaitons que la publicité qu'elle fait au Moyen Age et les conseils qu'elle souffle à certains auteurs à la mode soient de plus en plus authentiques, éloignés d'un style "troubadour" naïvement admiratif18.
La virulence de ces médiévistes interroge. Depuis les débuts de la discipline historique, il y eut des moments d’humeur envers des fictions, mais rien de comparable avec l’intensité des attaques contre un roman auquel il fallait, selon les mots d’une élève de Duby, « faire pièce »19.
Manifestation d’une répulsion radicale envers le genre ? Non. L’article de Fossier20, et d’autres interventions, ne répudient pas le roman historique. D’ailleurs, la corporation a bien reçu Le Nom de la Rose, publié en 1982 en français21. Umberto Eco aurait-il bénéficié d’indulgence en raison de son identité d’universitaire et de ses relations parmi les milieux historiens, protections dont ne bénéficiait pas l’écrivaine française ? Si ces facteurs ont joué dans l’impact du roman de l’Italien, il ne faut pas les exagérer puisque des non universitaires ont été bien accueillis. Par exemple, Marcel Jullian :
Toutes proportions gardées, [le Maître de Hongrie] me parait offrir un contrepoint romanesque réel aux travaux qui se réclament de l'histoire des mentalités : l'entreprise de Marcel Jullian est loin d'être sans rapports avec celle que Carlo Ginzburg dans Le Fromage et les Vers a menée […]. Il ne s'agit pas moins que d'une réflexion sur la réalité médiévale, tout aussi importante, sinon plus, que la simple narration de la réalité telle que les romans historiques prétendent la mener22.
Si le problème n’était pas le roman historique en tant que tel, était-ce une question de médiocrité ? On remarquera que Médiévales, tout en liant son succès aux « scènes caractéristiques de tout roman sentimental de notre siècle, qui mettent aux prises “des gens comme nous” », reconnaît que dans La Chambre des Dames les lecteurs « trouvent […] une mine d'informations sur la vie quotidienne d'une certaine catégorie de la population du XIIe siècle », et ne s’emporte pas contre la préface de Régine Pernoud23. Et aucun roman historique, y compris les plus affligeants, n’a subi un tel abattage de la part de pontes médiévistes.
Cette saga et son auteure étaient-elles trop catholiques ? Cette dimension a pu jouer ; mais seule, elle n’explique rien. Michel Rouche était publiquement un fervent catholique, et Georges Duby collabora étroitement avec Philippe Ariès, lui aussi catholique convaincu, pour l’Histoire de la vie privée.
Alors, jalousie devant l’immense succès de la série de la romancière24, prolongé par un feuilleton télévisé de dix épisodes diffusés entre le 23 décembre 1983 et le 24 février 1984 sur TF1, qui obtint une forte audience et relança les ventes ? Dans ce cas, les médiévistes auraient dû s’emporter contre Les Rois maudits de Maurice Druon qui, après avoir triomphé en romans, connut une adaptation télévisée qui suscita l’engouement, ou contre Le Nom de Rose, vendu par millions, puis adapté au cinéma par Jean-Jacques Annaud. Toutefois, cette réussite éditoriale compte dans les réactions. Fossier parle de « l'écœurant succès des “romans” historiques »25. Et Duby évoque « des auteurs qui ont malheureusement un grand impact sur le public, parce qu'ils disposent de l'utilisation des mass-médias » et indique qu’il :
est fâcheux qu'on ait porté cette présentation pleine d'anachronismes à la télévision à un moment où l'on est enfin amené à penser qu'il est nécessaire d'enseigner l'histoire autrement dans les établissements scolaires ; à un moment où l'on sait également que l'enseignement ne passe pas seulement par l'école, mais aussi par d'autres voies, notamment celles de la télévision. C'est dans ce contexte qu'est présenté aux Français un feuilleton d'une ample médiocrité, tant formelle que scientifique, une ridicule fable mystificatrice dont les protagonistes sont des pantins sans consistance historique. Cela est au premier chef vrai de tous les personnages féminins, qui se comportent en bourgeoises du XIXe siècle26.
L’impact médiatique des romans de Jeanne Bourin, et de la série télévisée, pèse beaucoup dans l’opposition des médiévistes. Cependant, il se combine avec la posture adoptée par l’auteure, c’est-à-dire la façon dont elle se présente et se définit dans les médias. L’écrivaine prétend ne pas écrire des « romans historiques », mais pratiquer le « “roman dans l’Histoire” » :
Ce n’est pas un roman de cape et d’épée, mais qui se veut rigoureusement fidèle pour l’environnement non romanesque. Je garantis toutes les pièces d’origine : j’ai vérifié aussi bien la longueur des rues que les recettes de cuisine27.
En mai 1983, alors que son roman connaît la gloire, elle expose ses conceptions. Le roman historique s’est attiré une mauvaise réputation par des réalisations peu respectueuses du passé, aussi elle préfère une autre appellation pour insister sur le fait que ses fictions sont rigoureuses et offrent « un voyage dans le temps » permettant « d’accéder à la connaissance des siècles disparus », « de les approcher enfin en nous glissant dans la peau des gens qui ont vécu (ou qui auraient pu y vivre) »28. Elle dit alors grand bien de la corporation historienne :
La recherche française se trouve à la pointe de cette discipline en Europe depuis que, sur la lancée d’Henri Pirenne, Lucien Febvre et Marc Bloch fondèrent, en 1929, les « Annales d’histoire économique et sociale » […], ils ont totalement renouvelé l’étude du passé.
Elle poursuit par l’idée qu’au vu des avancées de la recherche historique, qui a tant appris sur « la vie quotidienne » des gens d’autrefois, les romanciers sont :
obligés de changer leurs méthodes de travail. La documentation y a pris une place prépondérante. Devenue leur souci majeur, elle les a conduits à beaucoup plus de rigueur dans leur approche d’une science avec laquelle on ne pouvait plus ruser, et le public, lui ne s’y est pas trompé.
Le coup de chapeau aux Annales n’atténuera pas la colère des médiévistes. Jeanne Bourin les désigne peut-être dans cette remarque : « Auprès de certains censeurs, le succès actuel de ce genre littéraire ne suffit pas à le débarrasser de la vieille suspicion qui pesait sur lui, et ne parvient pas à le réhabiliter pleinement ».
Pour eux, loin de se nourrir aux apports des continuateurs des pionniers qu’elle cite, elle met en mauvaise littérature des conceptions fausses trouvées chez une historienne – « Je suis une disciple de Régine Pernoud », répète-t-elle souvent – dont ils n’apprécient pas les travaux29.
La Chambre des Dames arbore en quatrième de couverture :
Une documentation rigoureuse donne au moindre détail une authenticité que Régine Pernoud, éminente médiéviste, s’est plu à confirmer dans sa préface.
Ladite préface explique :
Voilà pourquoi une médiéviste ne pouvait moins faire à la lecture du roman de Jeanne Bourin, que de saluer une œuvre dans laquelle les personnages sont bien ceux qu’elle rencontre aussi à travers les chroniques, les actes de donation et les rôles de compte30.
Régine Pernoud, en particulier dans La Femme au temps des cathédrales, avance qu’à partir du XIIe siècle une période faste s’ouvre, avec « quatre cents ans de grand épanouissement, où la femme jouait vraiment le premier rôle »31. Vision fausse, selon beaucoup de médiévistes, qui y voient une généralisation abusive à partir de cas exceptionnels32, une exaltation du catholicisme, et une lecture naïve de la littérature courtoise. De plus, ils jugent qu’en vulgarisant, l’historienne a trop abandonné la rigueur historique, et a sombré dans l’histoire romancée. En réagissant virulemment contre des romans qui transposent ses idées et qu’elle valide, ils stipulent fermement que cette vision du Moyen Âge et cette manière de pratiquer l’histoire ne sont pas du tout les leurs, et que la romancière n’a pas nourri ses fictions des acquis de la discipline historique, mais d’une histoire mal faite. Certainement, pour un chercheur comme Fossier, promoteur de l’archéologie médiévale, constater que ses apports, puisque Jeanne Bourin remercie l’archéologue du site de Fréteval, débouchent sur de tels livres, est accablant33.
Fossier notifie clairement que le problème avec de tels romans n’est pas leurs erreurs. Il convoque d’ailleurs une autre romancière :
on en lit parfois de pareilles sous des plumes plus averties. S’il suffisait de dresser ce constat, je renverrais le lecteur à « La Pierre angulaire », de Zoé Oldenbourg, d’une autre envergure, et la comparaison m’éviterait plus long discours.
Ce qu’il leur reproche, et avec lui d’autres spécialistes, c’est de revendiquer révéler la vérité sur le Moyen Âge en disant s’appuyer sur le savoir des médiévistes.
Pour ces historiens, il est encore plus irritant de constater que Jeanne Bourin s’arroge la qualité d’historienne. D’abord, parce qu’elle prétend que ses romans permettent d’accéder au passé. Ensuite, parce qu’elle se désigne comme telle34. Surtout, parce qu’elle parle en historienne, en reprenant nombre d’idées de Régine Pernoud, de sujets médiévaux dans ses interviews et conférences, dans Historia35, et dans de multiples interventions sur divers thèmes historiques dans la presse généraliste.
En 1981, l’émission « 30 Millions d’amis » ouvre un reportage sur Jeanne Bourin par : « historienne, spécialiste incontestée du XIIIe siècle français »36, signe qu’une portion du grand-public la perçoit ainsi. Une partie de la presse la place dans les rangs des historiens, de même que des universitaires aux États-Unis :
lorsque certains historiens n'hésitent pas à franchir le pas et à prendre la plume du romancier. Ce fut le cas de la médiéviste Jeanne Bourin, qui a connu un des plus grands succès de librairie […] avec La Chambre des dames37.
Jeanne Bourin est historienne […]. L’ouvrage, comme le dit Régine Pernoud dans la préface, est fortement documenté38.
La confusion est d’ailleurs telle que lorsque Jacques Le Goff reçoit la médaille d’or du CNRS en 1991, le Journal de l’institution lui demande : « Que pense l’historien de l’œuvre d’autres historiens plus “publics” comme Jeanne Bourin ou Alain Decaux ? »39.
Bien entendu, dans cette polémique, il y avait une dimension éditoriale et politique. Le Figaro et la Revue des deux Mondes, où son mari André Bourin était critique littéraire, et d’autres revues et journaux, plutôt à droite et traditionnalistes, soutenaient Jeanne Bourin ; tandis que les praticiens de la discipline historique avaient des relais au Nouvel Observateur ou à l’Express. Cependant, au cœur de la réaction des médiévistes, dominait la défense de leur position de spécialistes et le déni de l’étiquette historienne pour une romancière qui envahissait leur territoire.
En 1998, après dix années de silence, Miguel Delibes publie El Hereje, fiction sur le parcours personnel, spirituel et affectif d’un luthérien de Valladolid : Cipriano Salcedo, et la chronique de la première communauté protestante de Valladolid, jusqu’à son écrasement par la volonté de l’empereur et de l’Église. En retraçant ce passé violent, Delibes livre aussi une forte réflexion sur le récent et le contemporain, et un plaidoyer pour le respect de l’autre, la tolérance religieuse, le rejet des intégrismes et des totalitarismes.
L’historien français Bartolomé Bennassar était au moins doublement concerné par ce roman. D’abord, comme référence érudite. Le livre se déroule au XVIe siècle et à Valladolid, ville de naissance et de résidence de Delibes ; or, l’universitaire a écrit une thèse, devenue un classique : Valladolid au siècle d'or40. Salcedo est aux prises avec l’Inquisition, une des spécialités de Bennassar41. Delibes, qui a utilisé les travaux de l’hispaniste, le remercie, ainsi que d’autres chercheurs, à la fin du livre42. Ensuite, en ami. Des liens unissaient les deux hommes43. De plus, il y avait longtemps que l’historien faisait connaître à ses étudiants les œuvres de Delibes. Dès la fin des années 1960, il avait étudié Cinco horas con Mario dans un cours de Deug innovant44. Mais Bennassar fut aussi sollicité en expert. En effet, Libération demanda à cette sommité de l’histoire espagnole de juger le récit en historien. À sa critique très positive du roman45, Jean-Baptiste Harang a joint une interview de son ancien professeur46. Bennassar s’y révèle très admiratif : les personnages, inventés ou non, sont « dans la vraisemblance de l’époque » car développés finement à partir des documents et des travaux historiques. L’historien pourrait discuter quelques menus détails, mais le romancier est sûr : « je ne l’ai jamais pris en flagrant délit d’anachronisme », « Delibes a écrit un grand livre » historique :
il a mis à leur juste place le rôle des femmes dans l'accueil de la Réforme, il a parfaitement mis en scène l'importance des voyages dans la diffusion des idées, on circulait énormément en Europe à cette époque, et montré avec pertinence comment la Réforme, au-delà des idées directement religieuses, était un vecteur de modernité47.
Lors d’un colloque en 2013, à l’occasion d’une exposition organisée par la Fundación Miguel Delibes sur le processus d’écriture de El Hereje, Bennassar réitéra son admiration pour « un impresionante relato histórico »48.
Même s’il ne s’est pas exprimé sur le sujet, Bennassar a aussi lu El Hereje en praticien du roman historique. En effet, en 1995, il avait publié Les tribulations de Mustafa des Six-Fours49. Ce récit se présente comme la transcription du manuscrit autobiographique incomplet d’un chrétien, né dans un petit village près de Toulon en 1560, capturé en mer à l’âge de 10 ans par des musulmans, puis envoyé en exil forcé vers le Maghreb, où il passe trente-six années tumultueuses. Après moult aventures, et notamment une période en tant que rameur sur un des bateaux d’un corsaire d’Alger, il acquiert sa liberté, devient musulman et turc, et réussit une carrière impressionnante de raïs (capitaine corsaire) qui le mène au sommet de la corporation. Plus tard, il revient en terre chrétienne. Cette odyssée, le narrateur de 64 ans la raconte dans une langue truculente, en 1628, alors qu’il sent poindre la fin de ses jours, dans la Relation des voyages, évasions, tribulations du sieur François Cocardon, alias Mustafa des Six Fours.
Le livre s’achève sur le retour de l’aventurier, dans sa quarante-septième année, à Six-Fours. La narration reste suspendue : le héros fonde une compagnie de transports et souhaite partir à la recherche de Yasmina, sa femme algérienne qui a disparu. Un « Avertissement » signale que le « manuscrit se termine ici », que plusieurs détails indiquent qu’il « existait certainement un second cahier » mais dont on n’a pas pu « trouver la moindre trace »50. La postface joue avec le lecteur : « Tel est le manuscrit. Authentique ou affabulation ? ». Elle éclaire l’interrogation par diverses informations érudites, indique que plusieurs noms des protagonistes sont historiques et que des documents confirment maints détails du récit, et poursuit : « Il n’existe que deux hypothèses : ou bien le manuscrit est authentique, ou bien le faussaire est un historien »51. Puis elle fournit des références bibliographiques pour guider les lecteurs désireux « d’autres confirmations de la fiabilité de cette histoire ». La postface conclut sur une dernière question : peut-on considérer comme véritable cette histoire alors qu’on ne trouve pas trace du procès du prétendu auteur dans les archives de l’Inquisition ?
Il n’y a aucune volonté d’ambiguïté sur le genre du livre : la couverture arbore l’appellation « roman » ; la quatrième parle d’un « très grand roman d’aventure » où, « en créant l’inoubliable personnage de Mustafa des Six-Fours, l’auteur nous projette avec jubilation au cœur d’un siècle à la fois rude et flamboyant » ; la présentation de Bartolomé Bennassar, et la rubrique « Du même auteur », le désignent comme historien. L’universitaire a imaginé cette aventure, après avoir écrit, avec son épouse : Les Chrétiens d’Allah52. Cette étude, basée sur des sources judiciaires et quelques chroniques et relations des XVIe et XVIIe siècles, analyse le parcours de chrétiens capturés par des musulmans, en mer ou lors de razzias dans les littoraux, emmenés en esclavage dans l’Empire Ottoman, quelques-uns y atteignant des fonctions élevées. Beaucoup de ces captifs se convertirent à l’islam ; certains sous la contrainte, en particulier enfants ; d’autres délibérément, pour sortir de la servitude, pour tirer des avantages de la situation, ou encore par adhésion sincère à la foi musulmane. Après leur évasion ou capture par des flottes chrétiennes, ils furent presque tous traduits en justice devant les tribunaux de l’Inquisition qui dressèrent sur eux de riches dossiers lors de procès en réconciliation. Dans la « Postface » des Tribulations de Mustafa, Bennassar s’amuse. Les noms qu’il invoque figurent dans son enquête historique, ou en sont très près, et leurs parcours ressemblent, pour les plus surprenants, à celui de François. Ainsi, la postface renseigne sur « Antoine de Naus (ou Nahours) originaire de de Six-Fours, […] revenu à Majorque où il a été absous ad cautelam par le tribunal de l’Inquisition », ce qui renvoie à la fiche établie à partir des sources sur « Antonio de Naus », né à Six-Fours en 1586, capturé au large de la Sardaigne à 14 ans et qui, contrairement à François, ne passa pas par Alger ou le Maroc, mais par Bizerte et Tunis, avant de rejoindre Alexandrie, puis Majorque, où il se présenta au tribunal de l’Inquisition en 160653.
Les tribulations de Mustafa est explicitement un roman ; pourtant certains hispanistes l’ont mentionné comme un livre d’un tout autre statut. Dans une large synthèse sur la société espagnole ancienne, Teofilo F. Ruiz, historien américano-cubain de l’UCLA, quand il aborde l’esclavage au XVIe siècle, renvoie à quelques travaux puis ajoute : « See also the enchanting book by Bartolomé Benassar (sic), Les tribulations de Mustafa »54. Mais, dans un autre livre, après avoir cité Les Chrétiens d’Allah, il a ce commentaire : « See also his engaging fictional/historical account of a well-known figure, Mustafa des Six-Fours, Les tribulations de Mustafa des Six-Fours »55. Commentaire bizarre, car le héros de ce récit n’est pas une « well-known figure » puisqu’inventé. De même, Maximiliano Barrio Gozalo, spécialiste d’histoire moderne à l’université de Valladolid, convoque d’abord une source – Alonso de Mendoza, qui a recueilli fin XVIe le témoignage d’un galérien espagnol – puis poursuit :
Al leer los consejos de Guevara es fácil imaginar la vida de los galeotes, expuestos a intensos esfuerzos físicos, que un remero francés, cautivo en Argel, resume con estas palabras: “No conozco hombre que puede merecer un castigo tan horrible como el de la vida de remero, cuando uno es esclavo, por espantosos que fueran sus crímenes… Teníamos que hacer nuestras necesidades sin salir del banco y soportar la pestilencia con el calor del día”56.
Il avance donc, en indiquant les pages où il a pris ces mots57, le livre de Bennassar comme un document d’époque ; ce qu’il n’est pourtant pas, et qu’il n’a jamais prétendu puisqu’il s’affiche explicitement comme un « roman »58.
Dans le geste d’écrire un roman historique, il y avait, de la part de Bennassar, certainement un goût et un talent pour l’écriture littéraire. En effet, cet historien a commis plusieurs romans contemporains. Dans son autobiographie, il confie : « Depuis l’adolescence, j’étais taraudé par l’envie d’écrire. » Très tôt, avant son départ pour les archives espagnoles, il avait terminé un premier roman, « mauvais » et refusé par les éditeurs malgré une lettre encourageante de Julliard59. Par contre, Le Baptême du mort, publié en 1962, rencontra un beau succès, et une adaptation remarquée au cinéma60. D’autres romans suivirent, mais avec moins d’échos, en 1964 et 196861. « Déconfit » par la réception contrariée par les événements de Mai du troisième, il s’éloigna de l’écriture romanesque : « je jugeai que la littérature était une maîtresse infidèle et qu’il était préférable de me donner tout entier à l’histoire ». Un séjour en Colombie en 1974, l’inspira néanmoins, mais sept éditeurs refusèrent le manuscrit. « Écœuré », il ne le ressortit que presque vingt ans plus tard d’un tiroir pour le proposer, sur le conseil d’un ami, à Bernard de Fallois62.
Étonnamment, dans ses souvenirs, Bennassar rappelle ses « ambitions littéraires », revient sur ses relations avec la littérature – « maîtresse infidèle » – et ses romans, mais ne parle pas des Tribulations de Mustafa des Six-Fours63. Silence sur ce titre lorsqu’il commente l’œuvre de Delibes, silence encore quand il se retourne vers ses œuvres littéraires. Dans sa production, ce livre est profondément singulier. Qu’y fait-il ? Il imagine, à partir des sources qu’il a travaillées pour une investigation historienne et de l’étude qu’il en a tirée, les souvenirs d’un individu qui aurait pu figurer dans les archives qu’il a consultées. Par-là, il invente une vie possible de jadis et celles des compagnons d’infortune de son héros et des divers protagonistes qu’il a croisés, bref, des existences et individus qui n’ont pas eu lieu mais qui ne détonneraient pas dans le passé. Dans Les Chrétiens d’Allah, il a examiné des cas issus des archives, dressé des types de parcours de renégats, apporté des vérités certifiées, déployé des hypothèses et laissé dans l’incertitude certains sujets. Dans son roman historique, à partir des mêmes informations, il a inventé des destins possibles, et les a racontés selon la perspective de quelqu’un qui aurait vécu il y a environ quatre siècles. Au-delà de retrouver le plaisir et le divertissement de l’écriture qui l’ont toujours taraudé, Bennassar a certainement appréhendé son roman comme un moyen d’explorer et rendre compte de situations réelles d’autrefois qui le fascinaient, une façon de prolonger l’enquête historique sous une autre forme.
L’entretien de Bennassar à Libération sur El Hereje a pour titre : « “les historiens sont un peu jaloux” » Ce constat, l’hispaniste le formule ainsi :
« on est un peu jaloux, car là où l'historien s'arrête faute de sources, le romancier poursuit. Delibes a fait un travail formidable, ma vision des choses ne change pas par rapport à ce que j'avais découvert, au contraire, il lui donne un ton, un accent, une couleur, que l'historien ne peut pas écrire mais qu'il ressent. J'ai eu du bonheur à retrouver écrit ce que j'avais ressenti ».
Face au roman de Delibes, qui a exploité nombre de sources qu’il a travaillées et d’autres qu’il connaît bien, Bennassar confie que le romancier a pu mettre en scène, à partir des mêmes données que lui, des éléments qu’il ressentait, mais qu’il ne pouvait écrire avec la poétique historienne. Un livre d’histoire expose et questionne le passé, tente de le rendre compréhensible aux lecteurs d’aujourd’hui, use d’argumentations, de citations, de réflexions sur les traces qui subsistent et d’hypothèses pour construire une évocation et des explications de faits et attitudes d’autrefois. Au risque d’alourdir son propos de précautions énormes, ou de s’éloigner des canons acceptables du discours historique, une partie de ce que l’historien a ressenti pendant l’enquête n’a pas intégré Les Chrétiens d’Allah. Par contre, en écrivant les mémoires imaginaires prêtés à François Cocardon, Bennassar a pu évoquer ces aspects, et a donc poursuivi l’investigation historique d’une autre façon.
« là où l'historien s'arrête faute de sources, le romancier poursuit » déclare Bennassar dans l’entretien. Jeune assistant à Toulouse, il donna comme thème à un cours de « Français historique » pour l’année de propédeutique « L’Histoire dans la littérature et l’art contemporain ». Il y abordait de grandes séries romanesques, d’abord françaises, puis étrangères, et y a adjoint rapidement des œuvres picturales, cinématographiques, etc. Certainement, l’enseignant avait rencontré – sa remarque semble s’en faire l’écho – cette réflexion de Barbey d’Aurevilly :
Or, où les historiens s'arrêtent ne sachant plus rien, les poètes apparaissent et devinent. Ils voient encore, quand les historiens ne voient plus. C'est l'imagination des poètes qui perce l'épaisseur de la tapisserie historique ou qui la retourne, pour regarder ce qui est derrière cette tapisserie, fascinante par ce qu'elle nous cache...64.
En œuvrant sur le sujet des renégats dans les deux genres, l’historique d’abord, le romanesque ensuite, Bennassar avait pu voir, et donner à voir, davantage qu’en s’investissant dans une seule modalité de voyages vers le passé. Dans son entretien, l’hispaniste précise : « “Delibes a réussi un exploit formidable : donner un destin, un véritable destin à ses personnages, les historiens ne rendent compte que de leur existence” ». Bennassar avance que le romancier a donné vie à des personnages alors que l’historien ne fait qu’évoquer des individus du passé. Des vies comparables à celles de Salcedo survivent par bribes dans les archives, le chercheur peut, à la suite de longues et prudentes investigations sur leurs traces, dire des choses sur elles. L’écrivain, à partir des mêmes vestiges et du savoir historique, crée une existence vraisemblable, non attestée, non vécue, mais qui n’aurait pas juré dans Valladolid au XVIe siècle. En travaillant sur le sujet des renégats, Bennassar a rencontré une foule de parcours singuliers, il s’est passionné pour eux, a cherché à les comprendre, et à les faire comprendre par une enquête historique qui tire de l’oubli des existences dont les archives ont retenu des aspects. Son livre, bâti à partir des traces de vie d’autrefois, constitue un beau cercueil qui couvre de commentaires des gens qui ont existé. Par contre, en inventant un récit vraisemblable autour du premier cercle des luthériens espagnols, en les faisant parler, réagir, décider, réfléchir, Delibes les fait vivre. Et de cela, l’historien est un peu « jaloux » ; mais, une fois, avec Les tribulations de Mustafa des Six-Fours, il avait fait de même. Peut-être, est-ce par admiration de l’art de Delibes qu’il n’a pas rappelé cet essai dans ses souvenirs.
Cette conviction de Bennassar que le romancier peut investiguer, et mettre en mots, des éléments du passé que l’historien ne peut toucher, ou alors qu’avec d’infinies précautions, se retrouve dans sa biographie de Cortès. En effet, plusieurs fois il y fait appel à un grand écrivain. Comme ici :
C’est à Tlaxacala que Cortés et Malintzin devinrent amants. Une liaison passionnée à ce qu’il semble mais nous ne possédons ni déclarations ni écrits. L’historien n’a pas les ressources du romancier. Il ne peut comme le fait Carlos Fuentes, se mettre dans la peau et l’esprit de Geronímo de Aguilar qui avait l’expérience des femmes indiennes et qui, par le truchement de l’écrivain, rêve les étreintes de Cortés et de Malintzin65.
Bennassar envie Carlos Fuentes qui, en inventant les réflexions du traducteur initial de Cortès à partir de frêles données historiques, évoque des traits de la relation du Conquistador avec la Malinche. Mais il sait aussi qu’en agissant de même il sortirait de la poétique historienne. Plus loin, il cite encore l’écrivain, mais cette fois sa nouvelle « Les fils du conquistador » : « “On ne sait pas exactement à quel moment se défit cette passion. Au cours de l’année 1523, vraisemblablement, quand nous devînmes une gêne pour ses ambitions politiques et matrimoniales” »66.
C’est « Martin II » qui écrit. Il est un des deux fils de Cortès que Fuentes met en scène : Martin I étant le garçon que le conquistador a eu avec Juana de Zuñiga qu'il revînt épouser en Espagne et qu'il abandonna ensuite, Martin II le fruit de ses amours avec doña Marina, « celle qu'on surnommait la Malinche, l'interprète sans laquelle Cortès n'aurait rien conquis »67.
Les deux Martin sont attestés. Fuentes les a imaginés se souvenant de leur père et de leurs mères, et s’affrontant sur leurs mémoires. Bennassar se réfère encore ailleurs aux propos prêtés à Martin II :
dès lors, Juana de Zúñiga devint celle qu’elle aurait pu ne pas devenir. Il faut lire Carlos Fuentes, l’historien ne saurait ni mieux faire, ni mieux dire. Voici une page d’histoire dans une langue superbe. C’est Martín, son fils, qui parle68.
Et il cite alors longuement – sa note ajoute : « On pourrait prolonger la citation »69, signe qu’il acquiesce totalement à son contenu et y trouve le meilleur portrait de la réaction de Juana de Zúñiga envers les incartades du conquistador70 –, avant de dresser un bilan général sur l’attitude de Cortés envers les femmes.
En recourant à Carlos Fuentes, Bennassar n’orne pas sa biographie de Cortés de phrases qui viennent corroborer prestigieusement son exposé d’historien. S’il cite des extraits de ses nouvelles, c’est qu’il estime que l’écrivain mexicain touche à des éléments essentiels, notamment certains que l’historien ne peut évoquer avec sa poétique, et les rend d’une façon remarquable. Son commentaire dans la bibliographie cèle cet avis : « Enfin, on ne laissera pas s’enfuir l’occasion de lire ou relire Carlos FUENTES, L’Oranger »71.
Dans son travail d’historien, Bennassar a toujours considéré certains romans comme des évocations stimulantes du passé72, complémentaires des siennes. Une fois, il en a composé un qui reprenait un sujet investi en chercheur, donc un roman pleinement historique. L’entreprise était un délassement littéraire, mais aussi un moyen d’aborder par une voie différente des êtres et des destins qui l’avaient bouleversé, de prolonger l’évocation et l’enquête historique par la fiction, de réaliser certains fantasmes d’historien : écrire des faits rien que des faits, alors que la poétique historienne et l’état des sources obligent à beaucoup de conditionnel et d’hypothèses ; produire ce qui aurait pu être une trace du passé, en être le maître, alors que le chercheur est toujours sous son autorité ; faire parler une victime de l’histoire, une de celles dont la voix ne s’est inscrite dans les vestiges du passé que par la contrainte.
De ces deux parcours au sein des réceptions très contrastées de deux romans historiques par la discipline historique se dégagent deux traits plus généraux.
D’abord, et peut-être paradoxalement, c’est lorsque les œuvres littéraires sont les plus mal reçues qu’elles exercent le plus d’effets sur les historiens. Chez Duby, cette idée se ressent sur plusieurs plans : engagement public, thème de recherche, écriture, et même conception générale de la société médiévale. En premier donc, dans son engagement citoyen. Il avait ressenti la force de la télévision sur les représentations du passé du plus grand nombre par le succès de ses émissions « Le Temps des cathédrales » diffusées en 198073. Sans nul doute, l’impact du feuilleton « La Chambre des Dames » l’a incité à s’impliquer en faveur de programmes culturels de qualité, ce qui l’amena à présider la SEPT (« Société d'Édition de Programmes de Télévision ») qui deviendra le pôle français de la chaîne franco-allemande Arte74. Ensuite, dans l’orientation de ses recherches. Certes, le sujet des femmes était apparu tôt dans ses préoccupations scientifiques75. Mais c’est à partir des années 1980 que Duby commence de publier spécifiquement sur ce thème. Qu’il y ait dans cette inflexion la concrétisation d’une curiosité spécifique préalable, la volonté d’élargir son appréhension de la société féodale et un questionnement des mutations contemporaines est indéniable. Cependant, l’omniprésence des conceptions de Pernoud et Bourin a agi comme un aiguillon qui l’a poussé à les contrecarrer par divers travaux – projets collectifs éditoriaux d’ampleur comme l’Histoire des femmes en Occident et l’Histoire de la vie privée et livres personnels jusqu’aux ultimes volumes des Dames du XIIe siècle. Évidemment, il ne faudrait pas réduire sa production des quinze dernières années à cette seule dimension, mais elle compte énormément. On retrouve le même stimulant chez l’anthropologue et historienne Françoise Sabban. Quand paraît le livre sur la cuisine du Moyen Âge de la romancière76, elle le dénonce comme une « accumulation d’inepties ». Mais, quelques années après, avec d’autres auteurs, elle en reprend le concept – dresser l’histoire de la cuisine de cette époque et proposer des recettes faisables aujourd’hui – dans un ouvrage érudit, et plaisant, d’ailleurs préfacé par Duby77.
Les effets de la polémique ne pesèrent pas que sur les thématiques de recherche de Duby, mais aussi sur sa poétique et sa vision des femmes des temps féodaux. Nombre de ses textes, de façon discrète, ou par des piques directes, incluent dans l’énonciation la réfutation des idées de Pernoud et Bourin. De plus, des médiévistes, notamment américaines78, tout en reconnaissant son rôle crucial dans l’accession de l’histoire des femmes à la respectabilité scientifique, ont critiqué son obsession d’une société féodale totalement patriarcale et misogyne qu’il nommait « Mâle Moyen Âge »79. Il y a là un effet de sources, puisque Duby traite des dames nobles, qu’il approche surtout avec des textes littéraires et religieux si défavorables pour elles. D’autres études, qui ont abordé les femmes des villes et des campagnes au travail, les voient moins subordonnées aux hommes. De même, par l’analyse de chartes, de testaments, etc., d’autres enquêtes ont révélé des dames de l’aristocratie, non « muettes et dominées », comme chez le médiéviste, mais « parfaitement insérées dans leur monde, […] membres importants, respectés et influents de leur famille et de la société »80. Certainement, sa volonté de repousser la vision idyllique des deux auteures alors très influentes a pesé dans ses conceptions et l’a amené à noircir la condition féminine de cette époque81. Enfin, dans ses écrits sur l’histoire des femmes, Duby use d’une poétique extrêmement prudente. Il insiste sur les difficultés de l’enquête, sur l’impossibilité, avec des sources où l’on entend que des hommes, avec cet « imaginaire-écran – au double sens du terme : de barrière, qui forme obstacle à la vision directe, et de surface de projection pour les peurs et les désirs des hommes »82 – de saisir la réalité des femmes au-delà des discours que l’on tenait sur elles, et donc de faire davantage qu’une histoire de ce que l’on disait d’elles83. Cette manière, déjà repérable dans des œuvres antérieures, gagne en intensité dans ses écrits sur cette thématique84. Sans en faire, là encore, l’unique ressort, Duby, par ce style, s’opposait au ton assuré, presque péremptoire, des deux auteures qu’il rejetait.
Ensuite, cette polémique, comme l’enthousiasme de Bennassar, montrent qu’il subsiste une « irréductible pluralité de l’histoire »85, c’est-à-dire une diversité très forte de producteurs de discours sur le passé : romanciers, journalistes, historiens amateurs, complotistes, mémoires collectives… Cette variété des évocations du passé s’explique surtout par deux raisons simples. Elles participent éminemment à la construction et aux évolutions des divers degrés de l’identité et des mémoires des individus, des groupes, des communautés, des nations, des États, et donc touchent à des sujets potentiellement sensibles pour tous – les discussions de comptoir portent plus facilement sur le passé que sur la physique quantique ou la génétique des textes. Elles apparaissent aisément praticables, puisqu’aligner des propos qui assurent dire le passé semble abordable à beaucoup. D’autres savoirs, par exemple la physique ou la géomorphologie, se sont imposés comme les seuls acteurs de leurs domaines, l’histoire non. Et la littérature reste une des concurrentes fortes de ses productions. Dans le cas de Jeanne Bourin, le principal moteur de la colère des médiévistes était le risque d’indistinction, d’effaçage des frontières, avec une écrivaine et des romans qui n’étaient pas pires que d’autres, mais qui s’arrogeaient le label « histoire ». En conséquence, cette situation a finalement été salutaire pour le savoir, car l’irritation s’est muée en un défi stimulant pour la recherche.
[1] Alexandre Dumas, Les Compagnons de Jéhu, tome II, Paris, Michel Lévy Frères, 1868, p. 247.
[2] Georges DUBY, « Que sait-on de l'amour en France au XIIIe siècle ? » (The Zaharoff lecture for 1982-1983), in Georges DUBY, Féodalité, Paris, Gallimard, 1996, p. 1399-1411, p. 1405.
[3] Georges DUBY, Le Chevalier, la Femme et le Prêtre. Le mariage dans la France féodale (1re éd. 1981), Ibid., p. 1344.
[4] Georges DUBY, « Les femmes et la révolution féodale », La Pensée, 238, mars 1984, p. 5-15, p. 7-8.
[5] Régine PERNOUD, La Femme au temps des cathédrales, Paris, Stock, 1980.
[6] Georges DUBY, « Troubadour n’est pas féminin », Le Nouvel Observateur, 962, 15 avril 1983, p. 96
[7] Robert FOSSIER, « Jeanne Bourin : tout faux », L’Express, 8-14 mars 1985, p. 112-113.
[8] « Droit de réponse. Jeanne Bourin et le XIe siècle », L’Express, 5-11 avril 1985, p. 122.
[9] « Robert Fossier précise », Ibid.
[10] Lettre citée par Delphine NAUDIER, « Jeanne Bourin, une romancière historique aux prises avec les universitaires en 1985 », in Nicole PELLEGRIN (dir.) Histoires d’historiennes, Saint-Étienne, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2006, p. 307-332, p. 328.
[11] Robert FOSSIER, « Moyen Age en université, Moyen Age dans les lycées et collèges », Médiévales, 13, 1987, p. 9-12, p. 9-10.
[12] Jean PASTREAU, « Fausse querelle autour du Grand Feu », Le Figaro, 3 mai 1985. Le Figaro avait donné une recension très favorable du roman le 15 février 1985.
[13] Pierre CHAUNU, Au cœur religieux de l'histoire, Paris, Éditions Perrin, 1986, p. 67.
[14] Cité par Michel MARAN, « L’histoire saisie par la biographie », Esprit, 117-118 (8/9), août-septembre 1986, p. 125-132, p. 126.
[15] Yves DEGUIHEM, « Le Moyen Âge selon Jacques Le Goff », Journal du CNRS, décembre 1991, repris, à la mort de l’historien, en avril 2014, URL : https://lejournal.cnrs.fr/articles/le-moyen-age-selon-jacques-le-goff.
[16] Jeanne VALOIS, André SEGAL, « L’épreuve Bourin », Memini, 20, octobre 1990, p. 34-37, p. 36-37.
[17] « À l'occasion de son propre livre, Le chevalier […], Georges Duby s'en est pris également au phallocratisme réel du soi-disant “amour courtois” », Marcel GILLET, « Pas d'histoire, les femmes du Nord ? », Revue du Nord, 63 (250), juillet-septembre 1981, p. 559-568, p. 561.
[18] Michel ROUCHE, « La femme au moyen âge, histoire ou hagiographie ? », Ibid., p. 581-584, p. 582 et 584.
[19] Elle regrettait que l’Histoire des femmes n’aborde pas directement l’habitat : « la maison médiévale est très peu différenciée, il n'y a pas de chambre réservée aux femmes, encore moins de cour […]. Pourquoi ne pas avoir consacré un chapitre à cette question, ne serait-ce que pour faire pièce à La Chambre des dames de Jeanne Bourin qui répand partout ses clichés ? », Monique Zerner, « G. Duby & M. Perrot, s. dir., Histoire des femmes en Occident. 2 : Le Moyen Âge, s. dir. C. Klapisch-Zuber », L'Homme, 34 (130), 1994, p. 175-179, p. 179. URL : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1994_num_34_130_369750.
[20] « Le roman historique est un genre littéraire difficile, auquel ne devraient s’exercer que les plus habiles », R. FOSSIER, « Jeanne Bourin », op. cit., p. 112.
[21] « un univers envoûtant, dont on ne sortira à regret que grâce à la fin apocalyptique », « un roman tel qu'il est difficile d'en parler, quelques mots ne pouvant prétendre en résumer les multiples facettes ni surtout exprimer le plaisir énorme qu'on a eu à le lire et le relire... », Irène ROSIER, « Umberto Eco, Le Nom de la Rose […] 1982 », Médiévales, 3, 1983, p. 141-142 ; « La grande réussite du Nom de la Rose est de montrer excellemment comment s'imbriquent le débat politique […] et le théologique », J. F., « Umberto Eco, Le Nom de le Rose », Médiévales, 3, 1983, p. 142-146, p. 42-143.
[22] Michèle OUERD, « Les moyen âge romanesques du XXe siècle », Médiévales, 3, 1983, p. 89-96, p. 93.
[23] Ibid., p. 92-93.
[24] « la vente avait atteint 1 700 000 exemplaires pour la Chambre des dames, et 1 820 000 pour Le Jeu de la tentation », « Le nouveau Jeanne Bourin est arrivé », Livres Hebdo, 28 janvier 1985.
[25] R. FOSSIER, op. cit., p. 12.
[26] G. DUBY, « Les femmes », op. cit., p. 8.
[27] Éric OLLIVIER, « Jeanne Bourin. La guerre de Cents Ans a détruit la société équilibrée au Moyen Âge », Nice Matin, 27 mai 1979.
[28]« Sous les cendres de l’histoire, le retour de l’imagination » et paru le 19 mai 1983, cet article figure dans le Dossier documentaire sur Jeanne Bourin (« Dos Bou ») de la Bibliothèque Marguerite Durand, mais sans références. D. NAUDIER, op. cit., p. 323, indique « Nouvelles littéraires, 19 mai 1983, p. 28 ». J’ai consulté ce journal, mais n’y ai pas trouvé trace de cet article.
[29] « Régine Pernoud est assez mal vue dans le milieu des historiens de l’université. […]. Ses ouvrages figurent dans la plupart des bibliothèques universitaires et parfois dans les bibliographies. Cependant, elle est en général tenue à l’écart. Il s’agit d’une prudente réserve, d’un ostracisme tacite plutôt que déclaré », Jean-Louis BENOÏT, « Défendre le Moyen Âge : Les combats de Régine Pernoud », in Valérie CANGEMI et al. (dir.), Le savant dans les Lettres, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, URL : http://books.openedition.org/pur/52860. Jacques Le Goff estimait davantage que nombre de ses collègues ses livres, il a postfacé la réédition de Régine PERNOUD, La libération d’Orléans : 8 mai 1429, Paris, Gallimard, 2006 (1969). En 1972, Pierre Nora propose à Duby d’écrire pour la collection « Archives ». Il évoque d’abord un projet autour du procès de Jeanne d’Arc. Puis il indique que la place semble prise par Régine Pernoud qui « inonde le marché de plusieurs “Jeanne d’Arc” » et qui a déjà publié chez Julliard. Il conclut : « il est difficile (mais pas impossible) de paraître, d’entrée de jeu, tenir le tout pour nul et non avenu” », cité par Benoît MARPEAU, « L’historien, l’éditeur et l’œuvre : un itinéraire de Georges Duby », Les Cahiers du CRHQ, 2012, p. 1-27, p. 5-6 (URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00718801/document).
[30] Jeanne BOURIN, La Chambre des Dames, Paris, Le livre de poche, 1988 (1979), p. 10
[31] Régine PERNOUD, Histoire et lumière, Paris, Cerf, 1998, p. 40.
[32] Duby le dit de façon directe dans un des relais des thèses de Pernoud et de Bourin, « De là à parler de promotion pour elles [les femmes], c’est franchement exagéré ! », « Georges Duby : méfions-nous de nos fantasmes », (entretien avec P. Giron), Historia, 436, mars 1983, p. 80-82, p. 82.
[33] « que M. Claude Leymarios, archéologue, directeur du chantier de fouilles du château de Fréteval, trouve ici le témoignage de toute ma gratitude et de mon amitié. Durant les années passées à composer ce livre, il n’a cessé de me fournir les renseignements les plus éclairants sur le site », Jeanne BOURIN, Le Grand Feu, Paris, Gallimard, Folio, 1995 (1988), p. 601-602. L’écrivaine remercia l’archéologue sur le site, André GRASSARD, « Le roman de Fréteval », Le Matin, 13 juin 1985.
[34] Le Who’s Who, qui repose sur des informations données par les personnalités choisies, la présente comme « Romancière, Historienne » ; un exemple dans la presse : lors de son élévation au grade de chevalier de la Légion d’honneur, elle écrit : « je considère cette récompense comme la plus belle reconnaissance de mon travail d’historien. », Le Figaro, 14 avril 1994.
[35] Quelques exemples : Jeanne BOURIN, « La femme devient dame », Historia, 392, juillet 1979, p. 107-114 ; « Le sillage parfumé au Moyen Âge », Historia, n° 433, décembre 1982, p. 78-81 ; « Vivre en ville au XIIIe siècle », Historia, 421, décembre 1981, p. 58-66 ; « Pour le meilleur et pour le pire au Moyen Âge », Historama : histoire magazine, 2, avril 1984, p. 12-19.
[36] « Jeanne Bourin : la tendresse du XIIIe siècle », 30 millions d’amis, 28 février 1981.
[37] Marc BERTRAND, « Roman Contemporain et Histoire », The French Review, 56 (1), 1982, p. 77–86, p. 82 (par un professeur de civilisation et cultures françaises à Stanford dans la revue de l’American Association of Teachers of French).
[38] Madeleine RAAPHORST-ROUSSEAU, « L'Année Littéraire 1979 », The French Review, 53 (6), 1980, p. 900-913, p. 905.
[39] « Le Moyen Âge selon Jacques Le Goff », op. cit.
[40] Bartolomé BENNASSAR, Valladolid au siècle d'or. Une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle, Paris/La Haye, Mouton, 1967.
[41] Bartolomé BENNASSAR (dir.), L'inquisition espagnole XVe-XIXe siècles, Paris, Hachette, 1979.
[42] « Aparte los libros y autores expresamente mencionados en la novela, hay historiadores como Jesús A. Burgos, Bartolomé Bennassar, […] que con sus obras me han ayudado a reconstruir y conformar una época (el siglo XVI). A todos ellos expreso por estas líneas mi reconocimiento », Miguel DELIBES, El Hereje, Barcelone, Ediciones Destino, 2001 (1998), p. 499.
[43] Ils se rencontrèrent lors des recherches de thèse de Bennassar. Le site de la Fundación Miguel Delibes fournit quatre lettres de l’historien à l’écrivain : http://fondomigueldelibes.fundacionmigueldelibes.es/index.php/carta-de-miguel-delibes-seti-n-sobre-1417.
[44] « avant que ne s’applique la loi Faure (1969) sur l’enseignement supérieur, les étudiants des deux premières années de DEUG bénéficiaient d’un enseignement sur les aspects historiques d’une langue de leur choix. […] Jean-Pierre Amalric [et] Bartolomé Bennassar […] avaient sélectionné avec subtilité deux œuvres fortes et dissemblables – Bartolomé Bennassar connaissant personnellement un des auteurs retenus. J’ai été séduit par cette Espagne découverte grâce à la patience et aux commentaires de nos maîtres et à la lecture, tellement éclairante sur le drame espagnol, de Aproximación a la historia de España de Jaime Vicens Vives et, dans une approche radicalement différente et combien plus déroutante, de Cinco horas con Mario du grand romancier vallisoletan, Miguel Delibes », Michel Combet, « Bartolomé Bennassar, chercheur-enseignant », Les Cahiers de Framespa, Hors-série 1, 2020, URL : http://journals.openedition.org/framespa/7772.
[45] Jean-Baptiste Harang, « Delibes, le feu sacré », Libération, 30 mars 2000, p. 1-2.
[46] L’historien a raconté cette sollicitation : « recibí una llamada de uno de mis antiguos estudiantes de Historia que había logrado una carrera de periodista […]. Él […] sabía que tenía cierta relación con Miguel Delibes. Me dijo que acababa de leer L’hérétique, que le había entusiasmado, y me pidió una entrevista para hablar de la novela. […]. Charlamos dos o tres horas o más de la novela », Bartolomé BENNASSAR, « A propósito de El Hereje, de Miguel Delibes », in Antonio Sánchez del Barrio, Alfonso León López (dir.), El viaje de los libros prohibidos Miguel Delibes, El Hereje, Valladolid, Fundación Miguel Delibes, 2014, p. 43-47, p. 43.
[47] Jean-Baptiste Harang, « Bartolomé Bennassar : “les historiens sont un peu jaloux”. Rencontre avec un spécialiste de l'Espagne et de l'Inquisition », Libération, 30 mars 2000, p. 3.
[48] B artolomé BENNASSAR, « A propósito », op. cit., p. 47.
[49] Bartolomé BENNASSAR, Les tribulations de Mustafa des Six-Fours, Paris, Critérion, 1995.
[50] Ibid., p. 177.
[51] Ibid., p. 179-180.
[52] Bartolomé BENNASSAR et Lucile BENNASSAR, Les Chrétiens d’Allah : l’histoire extraordinaire des renégats, XVIe et XVIIe siècles, Paris, Perrin, 1989.
[53] La MSHS de Toulouse a numérisé les fiches établies par les Bennassar, voir https://fms.db.huma-num.fr/fmi/webd/Renegats. Pour la fiche d’Antonio de Naus : http://architoul.huma-num.fr/files/original/ccd827dc7ca165996e2fed0a45f38896.pdf. Voir aussi la fiche de Sébastien Spetech dont Bennassar parle dans la « Postface » et dans Les Chrétiens d’Allah, op. cit., p. 193, et qui a inspiré « Sébastien le Polonais », qui aida François à réapprendre les prières catholiques pour faire bonne figure devant l’Inquisition (Les tribulations, op. cit., p. 162).
[54] Teofilo F. RUIZ, Spanish Society, 1400-1600, London /New York, Routledge, 2001, n. 34 p. 117 ou la réédition Spanish Society, 1348-1700, Londres/New York, Routledge, 2017, n. 34 p. 129.
[55] Teofilo F. Ruiz, The Western Mediterranean and the World: 400 CE to the Present, Malden, Wiley Blackwell, 2018, n. 13 p. 225.
[56] Maximiliano Barrio Gozalo, « Los cautivos españoles en Argel durante el siglo illustrado », in Cuadernos Dieciochistas, 4, 2003, p. 135-174, p. 155 et « El corso y el cautiverio en tiempos de Cervantes », in Investigaciones historícas: Época moderna y contemporánea, 26, 2006, p. 81-114, p. 102.
[57] « Bennassar, B., El Galeote de Argel. Vida y hechos de Mustafa de Six-Fours, Barcelona, 1996, p. 45 y 49. » (p. 43-45 de l’édition française).
[58] Les différentes éditions espagnoles (El Galeote de Argel. Vida y hechos de Mustafa de Six-Fours, Barcelone, Edhasa 1996, puis par Planeta De Agostini en 2003, enfin par El País en 2005) portent en couverture, comme en quatrième de couverture, la mention « Novela histórica ».
[59] Bartolomé BENNASSAR, Pérégrinations ibériques. Esquisse d'ego-histoire, Madrid, Casa de Velázquez, 2018, p. 25 et 79.
[60] Bartolomé BENNASSAR, Le Baptême du mort, Paris, R. Julliard, 1962 (réédité, après son adaptation au cinéma, sous le titre Le Dernier Saut en 1969).
[61] Bartolomé BENNASSAR, Le Coup de midi, Paris, Julliard, 1964 ; Une fille en janvier, Paris, Julliard, 1968.
[62] Bartolomé BENNASSAR, Toutes les Colombies, Paris, de Fallois, 2002.
[63] D’autant plus qu’il écrit à propos des Chrétiens d’Allah : « Mieux encore, je découvris que je pouvais “écrire” sans passer par le roman. », B. Bennassar, Pérégrinations, op. cit., p. 92.
[64] Jules BARBEY D’AUREVILLY, Une Page d’Histoire (1603), Paris, Alphonse Lemerre, 1886, p. 19 (nouvelle consacrée à Julien et Marguerite de Ravalet, exécutés en 1603 pour adultère et inceste).
[65] Bartolomé BENNASSAR, Cortès : le conquérant de l’impossible, Paris, Payot, 2001, p. 259. L’historien cite la nouvelle « Les deux rives », in Carlos Fuentes, L’oranger, Paris, Gallimard, 1995 (1993), p. 31.
[66] Ibid., p. 260. Il y a vraisemblablement un problème avec cette citation car on ne rencontre pas ces mots dans la nouvelle, mais quelque chose d’approchant : « Mon père nous abandonna après la chute de Mexico, car ma mère ne lui était plus d’aucune utilité pour conquérir et qu’elle lui était plutôt une gêne pour régner. », « Les fils du conquistador », in C. Fuentes, Ibid., p. 60.
[67] Ibid.
[68] Ibid., p. 264-265.
[69] Ibid., n. 14 p. 334.
[70] « Les fils du conquistador », in C. Fuentes, op. cit., p. 73-75.
[71] B. BENNASSAR, Cortès, op. cit., p. 345.
[72] Dans son Franco (Paris, Perrin, 1994), il cite plusieurs fois, et de manière élogieuse, Francisco Umbral (Leyenda del Cesar Visionario, Barcelone, Ed. Seix-Barral, 1992 ; Madrid 1940. Memorias de un joven facista, Barcelone, Ed. Planeta, 1993), les mémoires apocryphes de l’antifranquiste Marcial Pombo imaginé par Manuel Vásquez Montalbán (Autobiografía del general Franco, Barcelone, Ed. Planeta, 1992).
[73] « Il m’avait aussi montré l’usage que l’historien professionnel devrait faire de la télévision. Pas plus que le livre, il ne doit abandonner aux amateurs cet outil de communication prodigieusement efficace : grâce à lui l’audience de la bonne histoire peut s’étendre indéfiniment. », Georges DUBY, L’Histoire continue, Paris, Odile Jacob, 2001 (1991), p. 183.
[74] Voir le chapitre « De la télévision », Ibid., ou Georges DUBY, « Télévision de service public : quel contenu ? », in Le Débat, 61, septembre-octobre 1990, p. 73-75.
[75] Jacques DALARUN, « Les femmes, les sources, l’intrigue », in Patrick BOUCHERON et Jacques DALARUN (dir.), Georges Duby, portrait de l’historien en ses archives, Paris, Gallimard, 2015, p. 389-413, p. 397-398.
[76] « textes introductifs dont le seul mérite est d'exister. […] la présentation qui prétend nous instruire sur le repas médiéval n'est qu'une mise bout à bout d'un certain nombre d'idées reçues, de lieux communs et de quelques connaissances récentes dans le domaine, sans le moindre essai de réflexion ou d'analyse », « le livre entier est une occasion perdue pour le lecteur, qui […] n'aura quasiment rien appris sur la cuisine médiévale », « accumulation d'inepties qui démontre que J. Bourin n'a pas cherché à prendre au sérieux ses textes », Françoise Sabban, « Jeanne Bourin, Les recettes de Mathilde Brunei, Cuisine médiévale pour table d'aujourd'hui », Médiévales, 7, 1984, p. 113-118, 113-114 et 116.
[77] Françoise SABBAN et al., La Gastronomie au Moyen Age. 150 recettes de France et d’Italie, Paris, Stock, 1991.
[78] Amy Livingstone, « Pour une révision du “mâle” Moyen Âge de Georges Duby », Clio, 8, 1998, p. 139-154.
[79] Georges Duby, Mâle Moyen âge. De l’amour et autres essais, Paris, Flammarion, 1988.
[80] A. Livingstone, op. cit, p. 140.
[81] Marcel Gillet, « Histoire de Douai (sous la direction de Michel Rouche), 1985 », Revue du Nord, 69 (275), octobre-décembre 1987, p. 896-900, p. 897, semble dans la même perspective quand il refuse les conclusions de Monique Mestayer, conservateur aux archives de Douai, tirées des papiers de la ville, à propos des droits et protections des femmes aux XIIIe et XIVe (déjà exposées dans « Les contrats de mariage à Douai du XIIIème au XVème siècle, reflets du droit et de la vie d'une société urbaine », Revue du Nord, 61 (241), avril-juin 1979, p. 353-380) et les rapproche de « l’avis de Régine Pernoud et de sa médiatrice Jeanne Bourin pour qui la fin du Moyen Age est un âge d'or pour la femme française ».
[82] Michelle PERROT, « Georges Duby et l'imaginaire-écran de la féminité », Clio, 8, 1998, p. 13-28, p. 24.
[83] Danielle Bohler, « “Je n’ai entrevu que des ombres flottantes, insaisissables…” Le travail de l’écriture », Ibid., p. 45-63.
[84] Jacques DALARUN, « L’abîme et l’architecte », in DUBY, Féodalité, op. cit., p. XI-XII.
[85] Voir le chapitre « L’irréductible pluralité de l’histoire », in Krzysztof Pomian, Sur l’histoire, Paris, Gallimard-Folio, 1999, p. 387-404.
Résumé
Auteurs de romans historiques et praticiens de la discipline historique interviennent sur le même champ : le passé. Entre eux existent des rapports de concurrence, émulation, inspiration, coopération, assimilation, etc. Cet article examine deux situations contrastées. La première concerne le rejet radical des romans historiques de Jeanne Bourin par de nombreux médiévistes. La seconde est l’admiration profonde et publique de Bartolomé Bennassar pour El Hereje de Miguel Delibes, qu’il appréciait en tant qu’historien, mais aussi comme auteur de romans, notamment d’un roman historique.
Abstract
Historical novelists and historians of the historical discipline practice in the same field: the past. Between them exist relations of competition, emulation, inspiration, cooperation, assimilation, etc. This article examines two contrasting situations. The first concerns the radical opposition against the historical novels of Jeanne Bourin by many medievalists. The second is the deep and public admiration of Bartolomé Bennassar for El Hereje by Miguel Delibes, which he appreciated as a historian, but also as an author of novels, especially a historical novel.
Des médiévistes levés contre Jeanne Bourin
Bartolomé Bennassar, admiratif et « jaloux » de Miguel Delibes
Laurent BROCHE
Université du Zhejiang (Hangzhou)
Barbey d’Aurevilly, Jules, Une Page d’Histoire (1603), Paris, Alphonse Lemerre, 1886.
Barrio GozalO, Maximiliano « Los cautivos españoles en Argel durante el siglo illustrado », in Cuadernos Dieciochistas, 4, 2003, p. 135-174
—, « El corso y el cautiverio en tiempos de Cervantes », Investigaciones historícas: Época moderna y contemporánea, 26, 2006, p. 81-114.
BENNASSAR, Bartolomé, Le Baptême du mort, Paris, R. Julliard, 1962.
—, Le Coup de midi, Paris, Julliard, 1964 ;
—, Valladolid au siècle d'or. Une ville de Castille et sa campagne au XVIe siècle, Paris/La Haye, Mouton, 1967.
—, Une fille en janvier, Paris, Julliard, 1968.
— (dir.), L'inquisition espagnole XVe-XIXe siècles, Paris, Hachette, 1979.
— et Lucile BENNASSAR, Les Chrétiens d’Allah : l’histoire extraordinaire des renégats, XVIe et XVIIe siècles, Paris, Perrin, 1989.
—, Franco, Paris, Perrin, 1994,
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—, Cortès : le conquérant de l’impossible, Paris, Payot, 2001.
—, Toutes les Colombies, Paris, de Fallois, 2002.
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