« Les ‘vrais’ romans historiques sont ceux qui inscrivent et problématisent une aventure individuelle dans un devenir historique ». Telle est la définition que propose André Peyronie dans l’introduction à un ouvrage collectif intitulé Le romanesque et l’historique : marge et écriture1. Si l’on accepte cette définition, c’est bien à cette catégorie, celle des « vrais romans historiques » qu’appartient l’ouvrage que je me propose d’analyser, dans le cadre de la réflexion menée au sein de cette rencontre, sur les liens qu’entretient la littérature avec la récupération de la mémoire historique, avec la quête et la construction d’une identité que l’on peut appeler « nationale ». En effet, La condesa Doña Sancha. La Dama de piedra, biographie romancée écrite par David Dumall Puértolas et publiée en 20102, est consacrée à la vie de l’infante Sancie, fille du roi Ramire Ier d’Aragon, depuis sa naissance en 1045 jusqu’à sa mort, survenue au printemps 1097. Elle inscrit « l’aventure individuelle » de Sancie – ses jeunes années auprès de ses frères, son mariage avec le comte Ermengol III d’Urgell, son veuvage et son retour en Aragon, sa gestion de monastères et de terres – dans « le devenir historique » du royaume d’Aragon, car la biographie de l’infante se déroule dans un moment très particulier de l’histoire du territoire aragonais : ce XIe siècle où le territoire naît, se construit et se positionne sur l’échiquier politique péninsulaire, précisément au cours des règnes des trois premiers rois d’Aragon – Ramire Ier, Sanche Ramírez et Pierre Ier, respectivement père, frère et neveu de Sancie. Le romancier fait vivre au lecteur toutes les étapes de la vie de l’infante, fortement impliquée dans la vie de la cour et, au-delà, dans la consolidation même du royaume et sa consécration identitaire. Il est vrai que la position géographique du territoire et sa subordination plus théorique que pratique à deux monarques – rappelons que Ramire, qui reçoit en héritage de son père Sanche III le Grand le comté d’Aragon au titre de royaume, est soumis, d’une part, au vasselage du roi de Pampelune Garcias III, son frère et, d’autre part, au vasselage de la France, comme tous les comtés catalans, lorsqu’il annexe les territoires de Ribagorce et de Sobrarbe gouvernés par l’un de ses autres frères, Gonzague – offrent à ses premiers dirigeants une importante marge de manœuvre politique. Celle-ci s’épanouit essentiellement dans des actions militaires contre la taifa de Saragosse qui permettent au roi Ramire de donner une cohésion au conglomérat territorial sur lequel il règne et de gagner, de surcroît, l’appui de l’aristocratie impliquée dans cette lutte armée3. Cette politique d’expansion territoriale, quoique freinée par les ambitions castillanes, se poursuit au cours du règne du successeur de Ramire, Sanche Ramírez, jusqu’à la « guerre des trois Sanche » qui se déroule au cours des années 1065-1067 pour le contrôle des territoires autour de Burgos et de la Rioja, impliquant Sanche Ramírez d’Aragon, Sanche IV de Pampelune et Sanche II de Castille. C’est le régicide dont est victime Sanche IV de Pampelune, assassiné (par son frère Raymond) à Peñalén en 1076, qui permet à Sanche Ramírez de réunir sous une même couronne le royaume de Pampelune et l’Aragon.
L’infante Sancie est le témoin direct et omniprésent de ces événements ; en tout cas, c’est ainsi que la présente l’auteur du roman La Dama de piedra, et cette image correspond assez fidèlement à celle qu’ont transmise les historiens : si l’infante n’est pas présente sur le champ de bataille lors des affrontements entre le roi al-Muqtadir et son père ou, plus tard, son frère, elle reçoit à distance les échos de leurs échecs ou de leurs succès, comme les batailles de Graus et la prise de Huesca ; elle semble également être une précieuse et puissante conseillère auprès de Sanche Ramírez, devenu roi, dans plusieurs domaines, notamment la réforme ecclésiastique et elle participe pleinement de la vie politique du royaume. Son poids historique est cependant assez mal connu, surtout du grand public à qui s’adresse l’ouvrage de David Dumall Puértolas et hors des frontières de l’actuel Aragon. Les travaux des historiens ont pourtant permis de mettre au jour un nombre non négligeable de documents attestant la présence de Sancie auprès de son frère et de son neveu, Pierre Ier4. De Sancie, l’on connaît presque exclusivement le magnifique tombeau, jadis sculpté pour le monastère de Santa Cruz de la Serós, où l’infante a reposé après sa mort, et conservé depuis 1622 dans le couvent des Bénédictines de Jaca, après le transfert des religieuses de Santa Cruz dans cette ville. Le sarcophage de pierre, qui a sans doute contenu les restes de l’infante, comme l’a démontré une étude menée par des chercheurs de l’université de Saragosse5, est considéré comme l’un des joyaux de l’art roman aragonais6. Sa décoration – symbolique sur trois de ses côtés, figurative sur le dernier – est tout à fait remarquable7. L’un des côtés présente en effet l’image de trois femmes avec, au centre, ce que l’on considère communément comme le portrait de Sancie. L’infante – s’il s’agit bien d’elle – y apparaît assise sur une chaise en croix, un livre à la main ; ce sont peut-être là les signes de sa dévotion ou de son activité gestionnaire du monastère de Santa Cruz de la Serós où elle a passé une partie de son existence et qu’elle a administré en personne8. On a voulu reconnaître, du reste, dans les deux femmes qui entourent l’infante sur cette représentation ses sœurs Thérèse et Urraque qui auraient également passé leur vie à Santa Cruz de la Serós9.
C’est le personnage de Sancie, cette « dame de pierre »10 quelque peu mystérieuse et méconnue, qui interroge l’historien et le romancier. Ledit romancier n’est pas, d’ailleurs, ce que l’on pourrait appeler un « écrivain professionnel », et n’est pas non plus un spécialiste du moyen âge. D’après les indications données par son éditeur, il livre là sa deuxième biographie, après un premier ouvrage consacré en 2008 à Fermín Arrudí, surnommé « el gigante de Sallent », un colosse exhibé dans divers pays en raison de sa taille exceptionnelle à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. David Dumall Puértolas semble donc s’intéresser à des personnalités aragonaises hors du commun, et affectionne tout particulièrement le genre biographique11. Publié, comme le précédent ouvrage, dans la collection « Personajes » des éditions Delsan, consacrée à des figures de l’histoire d’Espagne, La Dama de piedra ne présente pourtant aucune indication préliminaire quant à son genre, et seul l’épilogue et une phrase contenue dans les remerciements finaux laissent échapper le terme « novela » au détour d’une phrase12. Ce roman pourrait d’ailleurs être considéré comme une enquête sur la vie de Sancie, et peut-être plus largement sur la place des femmes dans la société médiévale, puisque des commentaires à ce sujet pointent ça et là. En effet, la narration ne s’affranchit aucunement des contraintes de la réalité temporelle, ni de la chronologie, et mêle continuellement faits et fiction – ce que d’aucuns ont pu appeler « faction »13. En insistant sur l’aventure d’un individu, en s’emparant d’épisodes peu exploités par les spécialistes par manque de sources, en comblant grâce à la fiction les zones d’ombre du parcours de cet individu, voire les « vides » de l’histoire, le roman propose une vision fortement personnalisée de l’histoire du royaume d’Aragon. La narration, cependant, ne prête pas simplement attention aux faits historiques ayant marqué les règnes des trois premiers rois d’Aragon avec un profond souci d’exactitude. Dans son désir de récupérer un passé méconnu, le récit interroge aussi le passé et explore sa généalogie. Le roman de David Dumall Puértolas met ainsi en fiction les origines du royaume d’Aragon et les processus d’identité, et contribue à construire la mémoire de ce territoire.
On s’interrogera donc sur le projet de l’auteur qui fait revivre dans son roman une figure exceptionnelle du passé, dont il clame du reste la modernité, en lui prêtant un visage et une voix. Dans un entretien accordé au quotidien Diario de Aragón au moment de la sortie de son livre, David Dumall Puértolas a en effet déclaré, à propos de la comtesse Sancie :
[…] Fue un personaje importantísimo, que debería haber pasado a la historia como la mano derecha y fiel aliada del que posiblemente fue el rey más importante de Aragón. […] Una mujer fuerte y luchadora, valiente, adelantada a su tiempo, al igual que su hermano Sancho Ramírez. A ambos les tocó una tarea de consolidar el incipiente reino de Aragón. Lo hicieron a base de ideas aperturistas14.
On s’attachera ici à exposer comment La Dama de piedra met en scène la construction des premiers temps du royaume d’Aragon et son identité. On montrera en premier lieu comment l’œuvre fait le récit des origines du royaume en mêlant précision documentaire et volonté démonstrative. On analysera ensuite comment l’auteur interroge ce passé en mettant au cœur du dispositif narratif le parcours de vie et les actions d’une femme déterminée et influente. On examinera enfin la façon dont les éléments historiques qui construisent le cadre de cette biographie sont « saisis par la fiction »15 et font sens, conduisant à comprendre le présent à la lumière du passé. C’est en effet cet héritage et cette identité – comme fondement du présent – que le prologue du livre, rédigé par Belén Luque Herrán, directrice du musée diocésain de Jaca – un musée consacré à l’art médiéval – relève :
En definitiva, gracias a estas páginas podremos comprender cómo Doña Sancha fue una pieza clave de esa partida de ajedrez que se jugó en el siglo XI, sentando las bases de este reino y de la ciudad de Jaca, y de la que todavía somo deudores los aragoneses del siglo XXI16.
Comme c’est le cas pour de nombreux romans historiques, La Dama de piedra de David Dumall Puértolas cherche à « dire vrai » tout en présentant une version romancée de la vie de son personnage principal. Pour ce faire, le récit s’appuie sur des recherches historiques et sur la documentation à disposition des chercheurs. C’est du reste ce que soulignent les remerciements que l’auteur adresse à la fin de son livre, dans une énumération où apparaissent les noms d’historiens reconnus :
Agradecimientos.
A los autores, eruditos e historiadores que han dedicado su trabajo al estudio de la historia y el arte del primitivo Reino de Aragón, que me han servido como base documental para la redacción de esta novela : Domingo Buesa Conde, Antonio Durán Gudiol, Antonio García Omedes, José María Lacarra y de Miguel, Ana Isabel Lapeña Paúl, David L. Simon y Antonio Ubieto Arteta17.
C’est au souci de vérité historique et de justification de l’entreprise elle-même que répond également l’inclusion de divers élements dans le paratexte : outre la caution apportée par le prologue de la directrice du musée de Jaca, le paratexte contient en effet un arbre généalogique des premiers rois d’Aragon et un glossaire final de termes latins ou « médiévaux » dont le sens doit être explicité. De plus, le déroulé même du roman est illustré par une série de vingt-trois photos qui font écho au texte : on trouve ainsi rassemblés le portrait de Sancie, la statue du roi Ramire Ier, une vue de la tour de l’église de Santa Cruz de la Serós, une autre du monastère de Siresa, mais aussi une photo du sueldo jaqués, de la vara jaquesa, du célèbre ajedrezado ou encore de l’inscription du nom ‘Bernardus’ sur certaines pierres de l’église Saint-Sernin de Toulouse. Tous ces éléments, on le verra, contribuent à la véracité du récit en apportant un appui documentaire et en déclarant, par ricochet, l’intention esthétique et littéraire du récit. À cela, on peut ajouter une autre particularité de l’écriture du texte : l’auteur choisit de transcrire à diverses reprises des documents d’époque – comme c’est le cas, par exemple, pour un fragment du fuero que Sanche Ramírez concède à la ville de Jaca en 107718. S’il modernise la langue de ces documents, le romancier prend en revanche le parti d’inclure systématiquement dans son texte des termes latins ou médiévaux avec une orthographe ou une forme archaïsantes – Pampeluna pour Pamplona, reyno pour reino, Iacca pour Jaca, Gradus pour Graus, sorores pour hermanas ou encore des termes aragonais : votilleres pour botelleros, skançanos pour camareros, eitán pour ayo, etc. – qui apparaissent en italiques. Cette « coloration » médiévale provoque une distance avec le lecteur d’aujourd’hui et contribue à faire du récit une sorte de chronique des premiers temps du royaume d’Aragon19.
Le roman veut en effet dire un moment particulier du territoire aragonais, celui de son positionnement sur l’échiquier politique péninsulaire après la mort de Sanche III le Grand et de la construction de son identité territoriale et politique. Ramire est en effet le fils illégitime du roi Sanche III, et le romancier s’emploie à démontrer par son récit qu’en dépit de cette situation il est un grand roi, et que ses descendants le sont aussi. Face aux menaces castillanes, d’une part, et maures, d’autre part, le roi Ramire déclare par exemple :
Con la ayuda de los seniores aquí presentes, y con la de vuestras aguerridas mesnadas, demostraremos a esos moros hijos de Satán que somos un reyno fuerte. Atacaremos desde Loarre la plaza de Bolea, ya me encargaré yo de sobornar a algunos amigos de tez morena que conocemos […]. Mientras, mi sobrino pamplonés que se las apañe como pueda, ese no me da miedo, bastante tendrá con aguantar a su tío castellano20.
C’est également par les alliances que la royauté entend être consolidée afin de construire une lignée prestigieuse :
Su enlace [il s’agit du comte Ermengol III] con la infanta Sancha de Aragón no era la única alianza de la dinastía de Urgell, que desde décadas vivía en estrecha relación con los condes de Barca Nova. Esta doble boda que estaba a punto de celebrarse suponía abrir las puertas a una posible triple unión en un único gran reyno, vasto, cristiano y poderoso, que se extendiera desde los límites de Pampeluna hasta el Mediterráneo ;
[…] llevo años peleando para que tú [Ramire s’adresse à sa fille Sancie] y tus hermanos heredéis un gran reyno, para que os convirtáis en una estirpe aragonesa, orgullosa de serlo, que allá por donde vayáis no os miren como los hijos que Pampeluna no quiso21.
Le mariage de Sanche Ramírez avec Isabelle d’Urgell permet du reste de « perpetuar la dinastía real que comenzó su padre »22. L’héritier est présenté comme un roi incarnant « la nueva generación del monarca aragonés : fuerte, confiado, culto, responsable, astuto, valiente y devoto de su Dios y de su tierra »23.
Cette terre est celle qui cherche sa place sur l’échiquier politique péninsulaire. L’image quelque peu galvaudée du jeu d’échec est de fait amplement utilisée par l’auteur qui fait de l’infante Sancie l’une de ses pièces maîtresses :
Para este cometido, la condesa Sancha había sido de nuevo la pieza clave, la cuñada cercana que preparaba a Isabel para ser mujer, esposa y madre dentro de la familia real aragonesa ;
En esta nueva ausencia del rey, Sancha era una vez más la pieza que cubría los huecos en la retaguardia del tablero de ajedrez24.
Dans le roman, l’insistance sur la légitimité de la construction du territoire aragonais comme entité politique est illustrée, voire démontrée, par une forme de « récit des origines » fondé sur la consolidation des frontières du territoire, le renforcement de la monarchie et une ouverture vers le reste du monde chrétien, ainsi que par la définition d’une ‘mémoire collective’ ancrée, comme on le verra, dans un passé glorieux et dans le développement d’un patrimoine artistique singulier.
L’accent est en effet mis dans La Dama de piedra sur la politique de conquête territoriale agressive des rois Ramire Ier et Sanche Ramírez, car la représentation de la figure royale comme chef militaire pratiquant une politique expansionniste et de distanciation de la royauté pampelonnaise, aboutissant à l’annexion de la Navarre, participe du renforcement de la monarchie. Le romancier présente les « délires expansionnistes » de Ramire Ier en ces termes :
[…] seguía con sus largas ausencias, provocadas por sus ansias de ampliar y fortalecer su reyno ;
[…] su carácter empecinado le hacía perseverar en sus delirios conquistadores […]25.
Ces désirs expansionnistes légitiment aussi l’éducation que le roi entend donner à son héritier :
Se acercaba a los cuarenta años de edad, y antes de que su vejez le impidiera proseguir con sus campañas, debía asegurarse de que su estirpe, representada en su hijo el infante Sancho Ramírez, continuaría con su labor de expansión del reyno con totales garantías26.
Le dénigrement dont le Cid et les Castillans font l’objet dans le roman – car la défaite de Graus contre les Maures et la mort du roi Ramire sont attribuées, dans le récit qu’en fait Sanche Ramírez à sa sœur, à une traitrise des Castillans, dont sont complices le Cid et son père Diego Laínez27 –, participe également de la légitimation de l’expansion territoriale de l’Aragon. Celle-ci, cependant, trouve sa pleine mesure dans la croisade que les Aragonais mènent contre les Musulmans. Appuyé par la papauté dans sa lutte contre al-Andalus, l’Aragon se pose en effet en royaume « sacré » dans la péninsule :
Ahora somos un reyno sacro, y sería un vil acto de herejía que cualquier otro territorio cristiano quisiera batallar en nuestra contra28.
Cette sacralisation du royaume ne repose pas seulement sur la sanction légitimatrice des conquêtes militaires. Elle est nourrie par le développement de la réforme ecclésiastique menée par Sanche Ramírez – réformes grégorienne, norme bénédictine imposée à tous les monastères, lutte contre la simonie, abandon du rite mozarabe ou « hispanique » et adoption du rite romain. La première messe selon le rite romain est célébrée dans le monastère de San Juan de la Peña, haut lieu de la royauté aragonaise29. Inféodé à Rome, l’Aragon est alors considéré par la papauté comme un « royaume pilote » :
[…] llegaban las numerosas cartas remitidas por la Santa Sede, que había encontrado su particular reyno piloto en el que ensayar su estrategia unificadora de la Iglesia romana30.
L’identité aragonaise se construit également grâce sa politique matrimoniale internationale, conduisant à une ouverture vers le monde franc. Ramire Ier, mais aussi Sanche Ramírez – que l’auteur qualifie de « ‘extranjerizado’ Sancho Ramírez »31 – prennent épouses au-delà des Pyrénées. Le romancier relève avec une certaine insistance l’apport de ces unions, sur le plan culturel et symbolique. Ermisende, première épouse de Ramire, est louée pour sa beauté et son savoir acquis à la cour de Barcelone : elle apprend d’ailleurs elle-même à lire à sa fille Sancie et lui transmet des connaissances historiques qui retracent les exploits et les vicissitudes des ses ancêtres32. La seconde épouse du roi, Inés de Béarn, est également française et présentée comme une femme belle et cultivée. Quant à l’infant Pedro, il épouse lui aussi une Française en la personne d’Inés d’Aquitaine. Ces alliances apportent à la dynastie aragonaise en construction une forme de « plus-value carolingienne » non négligeable.
La définition identitaire du royaume prend en effet tout son sens dans le rattachement à un passé glorieux que dessinent légendes et hauts faits des lointains ancêtres. L’importance des racines passées est illustrée par l’intérêt porté à l’histoire, à l’éducation et aux bibliothèques pleines de livres tout au long du roman33. Par ailleurs, si le romancier rappelle, dans la construction de cette mémoire collective, la bâtardise de Ramire au seuil de son texte, il fait aussi appel à ce que l’historiographie connaît sous le nom de « légende de la reine calomniée »34, un récit que René Cotrait et Ramón Menéndez Pidal considèrent d’origine aragonaise35 et qui est fortement valorisant pour le premier roi aragonais. Selon cette légende, Ramire reçoit en effet sa part du royaume de son père Sanche III le Grand pour avoir sauvé de l’infâmie la reine, accusée par son fils aîné Garsias d’adultère, et après avoir été « adopté » ou « légitimé » par un accouchement symbolique – en passant sous les jupes de la reine36. Cette légende, on le voit, est hautement légitimatrice. Elle n’est pas la seule qu’exploite David Dumall Puértolas, les légendes permettant en effet d’exprimer une histoire collective. La mémoire du royaume prend également appui sur le récit du miracle d’Euroise, princesse originaire de Bohème martyrisée pour avoir refusé d’abandonner sa foi dans le Christ, et dont un berger retrouve miraculeusement les restes au XIe siècle37. Il s’agit là d’un récit extrêmement topique, que le romancier actualise cependant pour qu’il soit porteur de sens : rapportés à Jaca par les soins de l’infante Sancie elle-même, les restes de la sainte sont placés dans une urne sous l’autel de la nouvelle cathédrale en construction et devient ainsi la sainte patrone du centre du pouvoir aragonais38. Il n’est pas jusqu’à l’intérêt que Sancie porte à cette légende qui ne soit d’ailleurs qualifié de « miraculeux ». Si à ceci l’on ajoute le transfert des reliques de saint Indalecio depuis Almería jusqu’à San Juan de la Peña, on peut voir dans l’instrumentalisation de ces récits légendaires la construction d’une identité lignagère et patrimoniale. Dans l’univers romanesque de La Dama de piedra, le recours à ces récits permet en effet d’expliquer le développement d’une « nouvelle » voie vers Saint-Jacques de Compostelle passant par le monastère San Juan de la Peña39, et surtout, de la ville même de Jaca, devenue siège de la royauté. C’est du reste avec beaucoup d’insistance que le romancier évoque la politique de « grands travaux » menée par les premiers rois aragonais, qui conduit à la renovation de divers monastères, dont San Juan de la Peña et Santa Cruz de la Serós dont on a déjà dit le lien avec la lignée royale – San Juan de la Peña devient nécropole royale – :
Paralelamente a las campañas militares, el rey Ramiro había emprendido una serie de obras con las que intentar reforzar las estructuras de un territorio caracterizado por la disgregación de sus escasos habitantes en profundos valles, agrestes montes, calzadas y cañadas quebradizas… un terruño con una orografía difícil de ordenar y aún más de gobernar. En ese momento había comenzado el traslado del pequeño palacio de la fortaleza de Iacca, buscando un emplazamiento menos expuesto de la meseta en donde se asentaba el antiguo; a pocos metros de ahí se había comenzado la reforma de la iglesia de San Pedro. En Santa Cruz continuaban las obras de ampliación del monasterio de Santa María de las Sorores […]40.
Le roi Sanche Ramírez et sa sœur Sancie imaginent quelques années plus tard la construction d’une grande ville, propice aux échanges, une capitale pour un royaume d’hommes libres. La construction de la ville et son développement – nouvelle monnaie, nouveaux courants commerciaux – participent donc du renforcement de la monarchie aragonaise :
Tenéis que concebir una ciudad universal, abierta por sus puertas al norte, sur, oriente y poniente, un cruce de caminos y culturas, y dotarla de leyes, para que sus hombres vivan en libertad ;
Una ciudad, una capital para su reyno, un gran templo, nuevo obispado... todo ello regulado por unos Fueros, para una capital y un reyno de hombres libres, que llevaban asociados la acuñación de nueva moneda y la creación de una nueva medida para los trosellos, la vara jaquesa, grabada a cincel en una de las jambas de la entrada sur de la nueva catedral, el monumental edificio que seguía creciendo, majestuosa y altiva, compitiendo con las cumbres pirenaicas que asomaban por el norte41.
Le déplacement volontaire du tracé de la voie de pélérinage vers la Galice, que l’auteur attribue à Sanche Ramírez, entend apporter au jeune royaume d’Aragon un lien avec le reste de l’Europe en plus de substantielles retombées économiques42. Cette valorisation du chemin de Saint-Jacques s’accompagne d’un intérêt particulièrement aigü pour le nouveau style roman, dont le roi et sa sœur Sancie soutiennent avec ardeur l’implantation sur leur territoire. La narration de La Dama de pierra opère d’ailleurs une identification entre la construction du royaume et l’introduction de l’art roman :
[…] un reyno de hombres libres, cultos, pacíficos, esforzados en el desarrollo de su territorio y no en la conquista del vecino, adornado por un arte figurativo, unos edificios convertidos en romances tallados sobre las piedras, un Románico Pleno para un reyno pleno, donde sus habitantes pudieran correr tan libres como las aguas que le daban su nombre... un Reyno de Aragón por donde fluyeran salvajes los ríos de la prosperidad43.
On verra un peu plus avant le rôle que Sancie joue dans ce développement ; c’est à elle que le romancier attribue en quelque sorte « l’invention » du taqueado jaqués, ce décor à damier destiné à symboliser l’éternité44.
Enfin, la construction de cette mémoire collective, territoriale et artistique, s’appuie sur une légende pour dévoiler l’origine du drapeau aragonais. Cette légende, dont certains éléments semblent véridiques, lie une fois de plus le royaume à la Papauté en lui concédant une forte légitimité :
[…] desde ese norte llegaban las numerosas cartas remitidas por la Santa Sede […]. Unas cartas anudadas por cintas de los colores pontificios, que al ser entregadas en este sacro reyno después de tan largo viaje, llegaban deshilachadas, fundiendo ambos colores en incontables bandas. La historia de Aragón se escribiría desde este momento sobre el fondo de una bandera, trenzada a base de innumerables bandas pontificias, historias y leyendas de un tablero de ajedrez de casillas rojas y amarillas45.
Ce qui fait dire à David Dumall Puértolas :
Y es que si por algo se estaba caracterizando el reinado de Sancho Ramírez era por sus aires extrajeros, por las influencias llegadas desde el exterior y que abarcaban todos los ámbitos. La reforma Cluniacense, el arte Románico Pleno, la liturgia romana, la peregrinación de gentes extranjeras a través de sus caminos... Aragón se había convertido en un territorio esponja, que se embebía de las influencias que venían desde el otro lado de los Pirineos, incluso los matrimonios de la dinastía Ramirense enlazaban a la familia real con los nobles del norte...46.
Dans la construction de l’identité lignagère, territoriale et artistique que dessine le roman de David Dumall Puértolas, l’infante Sancie joue, on l’a entrevu, un rôle primordial. Conçu comme une biographie romancée, La Dama de piedra fait de l’infante le fil d’Ariane de la narration. On s’attachera donc maintenant à montrer comment le parcours de ce personnage est révélé, afin de s’inscrire dans la quête de l’identité aragonaise.
Vos habéis sido el alma del nacimiento de nuestro reyno, sin vuestra fuerza, no hay ejército ni rey que tenga ánimo para derrotar al enemigo47.
Ces derniers mots que le roi Sanche Ramírez adresse à sa sœur avant la bataille de Huesca dénoncent l’exceptionnalité de l’infante Sancie. Fille, sœur et tante des trois premiers rois aragonais, placée au cœur du pouvoir politique par les circonstances historiques, Sancie prend en effet vie et fait entendre sa voix dans une narration où tout concourt à mettre en scène son action et son pouvoir. Soucieux de faire connaître le rôle de l’infante dans la construction de l’identité du royaume, David Dumall Puértolas insiste, dans l’épilogue de son ouvrage et en dehors du cadre romanesque, sur cet objectif :
Y dejando el terreno de lo ficticio, lo real es que Doña Sancha fue un personaje excepcional, sin el cual los orígenes de esta tierra que llamamos Aragón serían bien distintos. Un personaje que, de no ser por su majestuoso sarcófago, hubiera pasado desapercibido para muchos historiadores, por el hecho de ser una mujer dentro de unos reinos guerreros y patriarcales, en los que las grandes empresas políticas, sociales, religiosas, artísticas y militares, recaían en las manos de los hombres48.
L’auteur construit pour ce faire le portrait et la vie de Sancie sur un jeu entre convention et écart, et parsème son récit « d’indices signifiants ».
Le lecteur est tout d’abord frappé par la volonté du romancier de présenter la modernité de l’infante Sancie, comme s’il cherchait à la fois à relever et à abolir la distance entre le passé médiéval et ses lecteurs. Cette modernité s’exprime essentiellement dans l’indépendance de cette femme hors du commun qu’est Sancie et sa capacité à gérer son avenir. Dans un monde gouverné par les hommes, où les femmes n’ont que peu de place, comme les réflexions que l’auteur prête à l’infante elle-même le soulignent, Sancie cherche à s’affranchir des conventions et exprime ses désirs de liberté :
A su corta edad, la infanta se sentía muy unida a su hermano Sancho ; en ocasiones, se desahogaba con él, haciéndole ver lo afortunado que era al haber nacido varón. Una y otra vez renegaba de su condición de infanta, pues había comprendido que vivía en un mundo andrógino, en el que sus hermanos, por el único hecho de ser varones, merecían la atención de su padre rey, mientras ella debía aprender las maneras de una mujer casta, decente, educada en la fe y la obediencia a los varones, y sufrir continuamente la indiferencia de su padre, por el único y gran defecto de haber nacido niña49.
La construction du roman tout entier permet l’expression de cette indépendance et de cette volonté de liberté. La trajectoire de Sancie s’écarte en effet d’un modèle conventionnel qui est celui des femmes médiévales – ou traditionnellement attribué aux femmes médiévales, le roman reproduisant en cela un discours topique qui pourrait être nuancé – pour rendre manifeste la participation de la comtesse au devenir du royaume. C’est sur les « écarts » du parcours de l’infante que porte l’essentiel de la narration – sans que ces « écarts » soient pour autant en contradiction avec ce que l’on sait de la vie de Sancie. L’infante a bien administré terres et monastères, contribué à reserrer les liens avec la Papauté, reçu la encomienda comme « tenente abadesa » du monastère San Pedro de Siresa – un monastère masculin, ce qui est effectivement inhabituel – lorsque celui-ci a été déclaré chapelle royale50 et administré le diocèse de Pampelune de 1082 à 1083, en attendant l’arrivée du légat du Pape, Frotard de Thomières51. Chronologique et linéaire, le récit suit le parcours de l’héroïne de sa tendre enfance à sa mort, couvrant ainsi l’entier de son existence, et les diverses facettes de sa vie personnelle et publique. S’il est vrai que la narration énonce en de brefs « sommaires » – pour reprendre une terminologie bien connue – des périodes de la vie de l’infante moins significatives, ou peu révélatrices selon le romancier de son positionnement sur l’échiquier politique – comme c’est le cas pour son séjour prolongé à Santa Cruz de la Serós au cours de son adolescence, où les contacts avec ses frères sont rares et où la jeune fille poursuit son éducation dans un monde de femmes52 – le « personnage Sancie » ne quitte jamais le devant de la scène. Événements, conflits et négociations, histoire familiale et développement territorial, tout est rapporté à l’existence de l’infante, et Sancie personnifie l’histoire du territoire aragonais. Le récit offre au lecteur, en d’autres endroits, la reconstitution de scènes dialoguées permettant de s’attarder sur certains épisodes marquants de l’histoire du royaume ou de mettre en valeur certains aspects de la personnalité de Sancie et de faire entendre sa voix. C’est le cas, par exemple, de la rencontre de Sancie avec Rodrigue Díaz de Vivar à Saragosse, dont la teneur relève plus de l’imagination romanesque que de la véracité historique ; au cours de cette rencontre, les paroles blessantes et humillantes pour le Cid que le romancier prête à la jeune Sancie dénoncent le ressentiment de cette dernière envers celui qu’elle considère comme un traitre et comme l’un des responsables de la mort de son père à Graus53. D’autres scènes et d’autres discours font ainsi valoir l’avènement du personnage principal : la comtesse Sancie est donc au cœur de l’Histoire et au cœur du roman. Elle est du reste identifiée par l’auteur au destin même du royaume, dans l’adversité comme dans la prospérité :
Parecía como si la infanta, casi ya condesa, tuviera que cargar con todos los males que azotaban a su reyno ;
[…] fue hija de rey, hermana de rey, y tía quasi mater de rey. Este reyno no sería el mismo si ella no hubiera existido, su espíritu impregna hasta las tierras más recónditas de Aragón54.
Et c’est pourquoi le romancier fait d’elle un être exceptionnel, qualifiant ses actions, qui accompagnent très tôt la politique visonnaire de son frère Sanche Ramírez, de « novatrices » :
[…] la visión aperturista del infante Sancho, quien encontraba apoyo a sus iniciativas en su hermana ;
[…] la renovadora visión de su hermana Sancha55.
Le schéma narratif employé pour dérouler en ce sens la biographie de Sancie est celui de la « vocation », dans lequel le récit d’une vie est destiné à montrer l’adéquation du héros à son destin ; en d’autres termes, il est démontré que Sancie devient ce qu’elle est. Une série d’épisodes anticipe ainsi le devenir de l’infante, la biographie manifestant la fin du récit par des indices signifiants. Ceux-ci étant très nombreux dans le roman, on se contentera de n’en signaler que quelques exemples, démontrant que Sancie est « destinée » à assumer le rôle qu’elle assume effectivement. Enfant, dans la pénombre d’une salle du monastère San Juan de la Peña, sous les étendards des armées aragonaises, – et alors qu’elle n’est pas censée se trouver là puisque femmes et enfants se sont alors retirés –, elle écoute les projets de son père et des seigneurs du royaume après le décès du roi Garsias de Pampelune, parmi lesquels l’alliance avec le comté d’Urgell ; la petite Sancie se trouve donc associée aux ambitions expansionnistes de son père, pour y prendre part56. Par ailleurs, très tôt – c’est-à-dire dès l’âge de trois ans ! –, elle s’intéresse à la taille de la pierre, aux constructions et à la décoration des édifices religieux en pierre, et de nombreux épisodes du roman en font état57. Ceci permet d’expliquer son implication quelques années plus tard dans le développement de l’art roman en Aragon : forte de cet intérêt58, Sancie prend notamment en charge le suivi de la construction de la tour de l’église Santa María de Santa Cruz de la Serós et de la cathédrale de Jaca59. Ayant reçu dès son plus jeune âge une éducation très soignée grâce à sa mère, incluant lecture et connaissance du passé, Sancie peut aussi se charger de l’éducation de ses neveux Pierre et Alphonse60. Enfin, les liens profonds que Sancie entretient avec son frère Sanche Ramírez durant son enfance annoncent la complicité qui les unit plus tard dans la conduite des affaires du royaume61, et tout particulièrement dans la réforme ecclésiastique, et ce, contre l’évêque Garsias, opposé à l’introduction de la réforme grégorienne. Le romancier précise que le roi peut compter, dans la conduite de la réforme ecclésiastique, sur l’habileté – « su intrigante habilidad »62 – de sa sœur la comtesse.
La biographie de Sancie se trouve de cette manière parsemée d’indices hautement signifiants. Fondé sur la redondance, le récit que propose La Dama de piedra offre l’illusion d’une causalité, qui n’est pourtant que pure construction fictionnelle.
Le roman La Dama de piedra de David Dumall Puértolas répond donc, on le voit, à une stratégie argumentative. La construction romanesque de la biographie de l’infante Sancie imaginée par l’auteur a pour objectif de questionner la place de ce personnage dans les premiers temps de l’histoire aragonaise. L’infante passe de cette façon du statut de personnage oublié à celui de figure politique incontournable. L’auteur revisite pour cela la vie de la comtesse Sancie et crée un univers romanesque destiné à servir le propos qu’il s’est fixé. Cette reconstruction met en œuvre divers procédés : le romancier dote les acteurs de l’histoire de sentiments contemporains, ce qui permet d’abolir la distance qui les sépare des lecteurs, s’empare des épisodes historiques peu documentés et exacerbe certains ingrédients romanesques pour donner du poids à sa démonstration.
S’il est vrai que le souci de vérité historique guide continuellement le propos de l’auteur de La Dama de piedra et que le narrateur extradiégétique apporte çà et là des précisions d’ordre événementiel, les personnages reçoivent non obstant un traitement romanesque qui fait entrer leur intimité dans le récit. Sentiments et émotions sont ainsi instrumentalisés au cours d’une narration particulièrement personnalisée, qui fait la part belle à la sphère privée. De Sancie, dont l’histoire ne semble avoir conservé qu’une image figée dans la pierre, David Dumall Puértolas relève la profonde humanité : ses pensées, ses peurs, ses désirs nourrissent ainsi la représentation d’une enfant, d’une jeune fille, puis d’une femme de chair et d’os, à la fois proche et lointaine. Le romancier livre à son lecteur la douleur que l’infante ressent à la mort de sa mère64, la tristesse, mêlée de ressentiment, provoquée par les longues absences de son père65 et la souffrance qu’elle endure en raison du comportement vulgaire de son époux, le comte Ermengol III66. Diverses scènes dévoilent également son intime proximité avec son frère Sanche Ramírez67. Ces sentiments forgent, dans l’édifice romanesque qui est celui de l’auteur, la détermination et l’indépendance de Sancie. C’est ce que montrent les pensées que l’auteur prête à Sancie après le décès du roi Ramire Ier et celui du comte Ermengol :
Aún no había cumplido los veinte años y ya era huérfana de padre y madre y viuda. La breve experiencia de su tormentoso matrimonio le había endurecido el corazón, su alma ardía en rabia, clamaba venganza, y no sabía exactamente a base de qué o quién podría saciar sus deseos; quizás los enemigos del rey serían ahora sus enemigos. […] En estos momentos su vida ya no dependía de los designios de su padre, ni de su marido, tampoco tenía descendencia de la que preocuparse. Su único objetivo ahora era convertirse en la mano derecha de su hermano rey, y nada ni nadie le iba a frenar en sus ansias de independencia de todo poder68.
Si l’infante exprime également à plusieurs reprises son regret d’être une femme, elle se montre aussi particulièrement entreprenante. C’est soutenue par sa seule dame de compagnie, qu’elle se rend au château de Larrés pour récupérer les restes de sainte Euroise69. C’est avec aplomb qu’elle s’oppose à son frère Garsias au sujet de la réforme grégorienne et qu’elle l’écarte en faveur d’autres ecclésiastiques venus de France – comme Raymond Dalmaci, désigné comme évêque de Roda. C’est avec détermination qu’elle exige d’administrer le monastère de Siresa70 et l’évêché de Pampelune. C’est avec courage qu’elle remplit une mission diplomatique auprès du roi de Saragosse al-Muqtadir71. La peinture des sentiments éprouvés par le personnage-Sancie est également scandée dans le roman par un élément récurrent : le désir de l’infante de voir un jour la mer. Lorsqu’elle n’est qu’une enfant, elle en imagine l’immensité et le mouvement ; plus tard, elle en réclame la description à son frère puis, sur le point de mourir, regrette de ne l’avoir pas connue72. C’est même le souhait que l’infante exprime dans un dernier souffle : « Bernardo, llevadme a ver el mar ». Ce souhait inaccessible d’être confrontée à l’immensité témoigne du désir de liberté que le biographe cherche à attribuer à son héroïne.
D’autres personnages se voient également dotés de sentiments destinés à les valoriser ou les rabaisser. On relèvera ici, à titre d’exemple, la caractérisation négative du personnage de l’évêque Garsias, fondamentalement jaloux, et dont les actions marquent un profond désaccord avec le reste de la famille royale. Opposé à l’introduction de la réforme grégorienne, incarnée par Sancie, dans le royaume, il est dépeint comme un homme colérique et violent – il en vient à gifler l’infante lors de l’une de leurs confrontations73. Persuadé d’être dépossédé de son pouvoir, l’évêque laisse aussi éclater sa colère lors de l’arrivée des restes de sainte Euroise à Jaca :
Una vez más, la condesa Sancha conseguía el favor del rey en contra del infante García. La balanza siempre caía hacia el mismo lado, y el infante destinado a ser un día obispo estaba cansado de la situación. Sin tener ninguna confirmación, ni siquiera noticias del estado de las gestiones para conseguir su nuevo estatus espiscopal, había visto nacer de la noche a la mañana a una nueva patrona, virgen y mártir, proveniente de tierras extranjeras74.
Plus que mû par la jalousie, Garsias se montre en réalité incapable d’accepter le rôle joué par une femme dans le domaine ecclésiastique, fût-elle la sœur du roi :
En una sociedad construida al antojo de los hombres, Garcia no asimilaba que la persona encargada de guiar los pasos del legado y de transmitir sus deseos al rey fuera una mujer, aunque fuese ésta una condesa hermana del monarca ;
Cada vez que se pronuncia vuestro nombre [commente Sanche Ramírez devant sa sœur] el odio rezuma por sus ojos, está celoso de que delegue tan importantes funciones en vos75.
Le romancier exploite par ailleurs les zones d’ombre de l’histoire personnelle de l’infante, et des autres personnages présents dans le roman. C’est le cas par exemple du sort de l’infante Thérèse sur lequel les historiens divergent. David Dumall Puértolas prend le parti de ne pas lui donner d’existence dans l’univers fictionnel qui est le sien, puisqu’il annonce le décès de Thérèse trois jours après sa naissance et la mort de sa mère en couches. On pourrait interprêter ce choix de romancier comme une sorte de dérobade face à l’incertidude des spécialistes et l’impossibilité de s’appuyer sur des documents et des travaux scientifiques. Ou bien considérer que l’absence de la petite Thérèse dans l’économie du roman est porteuse de sens... Il n’est guère aisé de trancher en la matière, car si le décès de la mère et de la fillette plonge la jeune Sancie dans une profonde tristesse et la condamne à l’unique compagnie de son autre sœur, Urraque, il laisse également place à l’invention d’un autre personnage dont le rôle est important. Ce personnage d’origine maure, également nommé Thérèse, fait office de dame de compagnie de Sancie. C’est en tout cas ce que déclare l’auteur en refermant son roman76 : sa Thérèse est une invention et n’a rien à voir avec l’infante du même nom. Concubine du comte Ermengol III, maltraitée par ce dernier, la Maure Azeeza-Thérèse devient la confidente de Sancie qui la prend sous sa protection77. Elle participe du reste à un épisode fortement romancé que l’auteur situe en 1086 dans la ville de Saragosse, alors tenue par les troupes du Cid. Le récit de cet événement est destiné à dévaloriser l’infant Garsias en même temps que le roi castillan Alphonse VI. En effet, missionné à Saragosse pour demander la libération des ecclésiastiques retenus par le Cid, l’évêque Garsias est soupçonné par sa sœur de trahison. L’infante conçoit alors un stratagème – digne d’un roman d’aventures ! – pour démasquer son frère : elle organise la venue de danseuses, dont sa proche confidente Thérèse, dans le palais de la Aljafería pour espionner les conversations des nobles ; grâce à sa maitrise de la langue arabe, Thérèse démasque les traites78.
Dans l’espace fictionnel, cet épisode se solde du reste par la mort de l’infant Garsias, et c’est là une autre zone d’ombre exploitée par le romancier. Ce dernier comble en effet les incertitudes des historiens sur la disparition de Garsias par un récit haut en couleurs, dans lequel l’infante Sancie est chargée d’assassiner son frère :
–Sancha, –hablaba pausadamente el rey– vos debéis ocuparos de que el obispo no llegue de regreso a Iacca. Debemos eliminarle, pero quiero que su muerte sea discreta. Hay que intentar que no llegue a su diócesis donde cuenta con personas que podrían prestarle ayuda. […] el obispo no debe morir con violencia, su facción está en mi contra, y si su cuerpo fuera encontrado con herida de hierro en nuestros territorios, pensarían que he sido yo el culpable.
–Confiad en mí. Hermano, creo que sé cómo eliminar a García sin levantar sospechas79.
L’assassinat de Garsias est perpétré par l’infante elle-même qui, après s’être procuré des champignons vénéneux – on apprend qu’il s’agit d’amanites phalloïdes ! –, empoisonne son frère avec un délicieux civet de lapin préparé par ses soins. Frère et sœur, ajoute le romancier, en conçoivent cependant une forte culpabilité :
Desde la muerte de García, el rey y la condesa no tenían la misma complicidad. Seguían compartiendo su visión de reyno, se vanagloriaban por todo lo conseguido gracias a su mutuo apoyo: una ciudad, un fuero, una cátedra, un obispado, un nuevo rito, nueva moneda... pero en sus conciencias pesaba la cruel muerte de su hermano80.
Ces épisodes, qui démontrent combien l’auteur de La Dama de piedra joue avec les registres et les codes romanesques, ne sont pas les seules distorsions du matériau historique que présente le roman. C’est sur le terrain des sentiments amoureux que se joue l’essentiel de la construction fictionnelle. L’auteur imagine en effet une idylle entre l’infante Sancie et le tailleur de pierre Bernard, qui mène à bien les travaux de l’église de Santa Cruz de la Serós, et plus tard de la cathédrale de Jaca. Tous les ingrédients de la description d’une relation amoureuse sont présents : la rencontre et le coup de foudre tout d’abord ; puis les échanges et l’approfondissement du sentiment amoureux ; un baiser volé – dont l’initiative revient à l’infante – enfin, avant l’inéluctable séparation et, bien entendu, les retrouvailles in extremis81.
On peut affirmer sans risque que c’est là pure invention. Cet ingrédient romanesque qu’est l’idylle amoureuse représente cependant plus qu’un passage obligé destiné à satisfaire les attentes des lecteurs de roman historique. Il fait sens, dans la mesure où le rapprochement de Sancie et de Bernard, provoqué par l’intérêt de l’infante pour l’art roman et ses représentations, permet à l’auteur d’avancer plusieurs hypothèses pour combler les vides de l’Histoire. C’est à ce Bernard que le romancier attribue, par exemple, l’invention et la confection du célèbre « ajedrezado jaqués », cet ornement en damier qui est l’une des principales frises ornementales de l’époque romane. C’est à lui aussi que l’auteur attribue le projet de sculpter le tombeau de l’infante Sancie, et que réalisent ensuite ses enfants revenus en Aragon à la demande de l’infante82. David Dumall Puértolas prend ici une nouvelle fois parti, puisqu’il donne un nom et une existence au « maestro del sarcófago de doña Sancha » dont l’identité est encore aujourd’hui un mystère. Il fait de cet inconnu le tailleur de pierre et le maître du chantier de la cathédrale de Jaca, rejoignant ainsi les hypothèses des historiens de l’art, dont les travaux ont démontré des correspondances entre les sculptures de certains chapiteaux de Santa Cruz de la Serós, de la cathédrale de Jaca et de San Pedro de Huesca et le sarcophage de la comtesse Sancha conservé dans le monastère des Bénédictines de Jaca. Il le relie de ce fait – et par le jeu de renvoi aux photos qu’il inclut –, à Bernardus Guilduinus dont on trouve la signature sur les pierres de l’église Saint-Sernin de Toulouse et sur l’un des chapiteaux de la cathédrale de Jaca. Le romancier prolonge là les espaces laissés inexplorés par les chercheurs, alimentant son imagination grâce aux vestiges du passé.
Grâce à la construction romanesque et à la stratégie narrative qui sont celles de La Dama de piedra, l’auteur David Dumall Puértolas entend revisiter l’histoire du royaume d’Aragon, en donnant corps et voix à la comtesse Sancie. L’objectif essentiel de son roman – on l’a vu dans les déclarations mêmes de l’auteur dans la presse et dans le paratexte –, est bien là : faire connaître le rôle de l’infante dans les origines du royaume aragonais et faire apprécier aux lecteurs le parfum de cette « petite révolution médiévale »83 qui s’est jouée alors. L’objectif est aussi ailleurs, semble-t-il : dans le souci de valoriser le patrimoine architectural et artistique jaqués et, au-delà, aragonais, de rappeler le rôle pionnier de l’Aragon dans l’introduction de la réforme grégorienne, de redonner à ce territoire une place aujourd’hui minimisée dans l’histoire nationale. L’auteur cherche t-il à divulguer le savoir des historiens qu’à l’évidence il fréquente ? Pense t-il faire lui-même œuvre d’historien ? Peut-on voir aussi dans ce roman, de façon sous-jacente, la volonté de défendre des valeurs qui ne sont plus ou de rendre les études historiques et la recherche en l’Histoire plus sensibles à l’« humanité » des êtres du passé ? Faut-il également soupçonner une tentation de promotion « localiste », une instrumentalisation de l’histoire de la petite ville de Jaca dont l’auteur est originaire ? Ces questions restent ouvertes.
[1] Dominique PEYRACHE-LEBORGNE (coord.), Le romanesque et l’historique : marge et écriture, Nantes, Éditions C. Defaut, 2010, p. 11.
[2] David DUMALL PUÉRTOLAS, La condesa Doña Sancha. La Dama de piedra, Saragosse, Editorial Delsan, 2010.
[3] Ces élements sont exposés dans Fermín MIRANDA GARCÍA et Yolanda GUERRERO NAVARRETE, Medieval. Territorios, sociedades y culturas (Historia de España III), Madrid, Sílex, 2008, p. 94.
[4] Voir les p. 48 et 51 de l’ouvrage de Ana Isabel LAPEÑA PAÚL, Sancho Ramírez, rey de Aragón (¿1064 ?-¿1094 ?) y rey de Navarra (1076-1094), Gijón, Ediciones Trea, 2004. Voir également : Antonio UBIETO ARTETA (éd.), Cartulario de Santa Cruz de la Serós, Valence, Anúbar, 1966.
[5] L’ouverture du sarcophage en 1993 a révelé l’existence des restes de trois corps. Depuis, des investigations plus poussées ont été réalisées par une équipe de chercheurs de l’université de Saragosse à la demande de la Direction du Patrimoine du gouvernement d’Aragon sur l’ensemble des sépultures des rois d’Aragon conservées dans la communauté autonome. Ces résultats sont accessibles sur la page : http://geneticaforense.unizar.es/content/investigaci%C3%B3n-sobre-los-reyes-de-arag%C3%B3n. On y apprend que le sarcophage de l’infante a pu accueillir, dans d’une chronologie peu aisée à établir, les restes de neuf corps, parmi lesquels celui de Sancie, ceux de ses sœurs Urraque et Thérèse, celui de la mère de Ramire Ier, ainsi que ceux d’autres femmes et d’enfants de sexe masculin.
[6] David L. SIMON, « Le sarcophage de doña Sancha à Jaca », Les cahiers de Saint Michel de Cuxa, 10, 1979, p. 107-124 ; Ana Isabel LAPEÑA PAÚL, Santa Cruz de la Serós (Arte, formas de vida e historia de un pueblo del Alto Aragón), Saragosse 1993.
[7] María Gloria CAMPO BETRÁN, « El sarcófago de doña Sancha y la escultura románica del Altoaragón », Homenaje a D. Federico Balaguer Sánchez, 1987, p. 257-278. Maria Lluïsa QUETGLES, « Una nova lectura iconogràfica del sarcòfag de doña Sancha », Porticvm. Revista d’estudis medievals, II. Any 2011, p. 16-24 ; id., « Les deux sculpteurs du sarcophage de Doña Sancha », Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLII, 2011, p. 209-214. Les interprétations sur la décoration du sarcophage divergent (symboles de la vie chrétienne vs lecture historico-politique), mais les chercheurs semblent s’accorder sur le fait que l’on doit l’œuvre à deux artistes plus ou moins contemporains, ayant travaillé également à la décoration des églises Santa María de Santa Cruz de la Serós, San Pedro el Viejo de Huesca et de la cathédrale de Jaca. On verra comment le romancier « biographe » de Sancie, qui présente une version psychologique de l’Histoire, instrumentalise ces informations.
[8] La forme de la chaise témoigne de la dignité du personnage. Sur l’administration du monastère par l’infante, voir notamment Manuel GONZÁLEZ MIRANDA, « La Condesa Doña Sancha y el monasterio de Santa Cruz de la Serós », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón, 6, 1956, p. 185-202.
[9] Rien n’est moins sûr, cependant, puisque l’existence même de l’infante Thérèse est remise en cause par certains historiens ; Domingo BUESA CONDE, Sancho Ramírez, rey de aragoneses y pamploneses (1064-1094), Saragosse, Ibercaja, 1996, p. 39-40. Ana Isabel Lapeña Paúl rappelle, quant à elle, dans Sancho Ramírez, rey de Aragón (¿1064 ?-¿1094 ?) y rey de Navarra (1076-1094), op. cit., p. 49, que Thérèse est citée dans le premier testament de son père en 1059 – et le roi y précise qu’il lui faut prendre époux – alors qu’elle n’est pas nommée dans les dernières volontés que son père rédige deux ans plus tard. L’authenticité du premier testament est remise en cause par certains chercheurs.
[10] L’expression « dama de piedra » apparaît à plusieurs reprises dans le roman. Elle peut alors désigner la froideur du caractère de Sancie : « Su dura experiencia de la vida la había convertido en una mujer sin escrúpulos, sin sentimientos de compasión, llena de rencor. De su difunto marido sólo le quedaba el título nobiliario. Acababa de nacer una condesa esculpida en el más duro de los materiales, tallada a base de trágicos avatares. Sancha se había convertido en la Dama de Piedra » (La Dama de piedra, p. 82) ; ou son infertilité : « Desde que dejó Barbastro, la condesa nunca se planteó tener hijos, pensaba que como toda ella, su feminidad también se convertiría en piedra, sin desear varón alguno, ajena a la vida marital. Ahora tenía que romper su dura cáscara y hacer de obstinada madre, pendiente de un niño llamado a ser algún día el rey de los aragoneses » (ibid., p. 97) ; ou encore ses sentiments : « La condesa se quedó sin habla. La imagen era una completa alegoría, parecía que la Dama de Piedra había sucumbido a los encantos de un picapedrero, una dama tosca que esperaba convertirse en ninfa de la mano de aquel artista. […] Sancha estaba ruborizada. La visión de aquel hombre había derribado las murallas pétreas de su feminidad » (ibid., p. 98-99). Il est cependant évident que cette appellation renvoie également au portrait de l’infante présent sur le sarcophage.
[11] L’auteur n’a publié aucun ouvrage depuis la parution de La Dama de piedra.
[12] Commentant dans l’épilogue de son livre l’ouverture du sarcophage de pierre en 1993, le romancier conclut : « No existen a día de hoy pruebas de ADN que pudieran determinar si los tres cuerpos pertenecen a tres mujeres que pudieran ser hermanas, o que demostraran, por ejemplo, la controversia sobre la existencia de Teresa, quien de haber existido, fue hermana real de Doña Sancha, mujer que nada tendría que ver con la Teresa descrita en esta novela, personaje que pertenece a la ficción literaria recreada por su autor » (ibid., p. 185) ; cf. également dans les remerciements : « […] la redacción de esta novela » (ibid., p. 191).
[13] Voir notamment Antony BEEVOR, « La fiction et les faits. Périls de la ‘faction’ », Le Débat, 3, n° 165, 2011, p. 26-40 (accessible sur CAIRN : https://www-cairn-info.janus.biu.sorbonne.fr/revue-le-debat-2011-3.htm).
[14] Diario de Aragón, Jaca, 26/12/2010.
[15] Cette expression est emprûntée au titre du numéro 165 de la revue « Le Débat », mai-août 2011 consacré aux rapports entre Histoire et fiction, historiens et romanciers, cinéma et Histoire (accessible sur CAIRN : https://www-cairn-info.janus.biu.sorbonne.fr/revue-le-debat-2011-3.htm).
[16] La Dama de piedra, prologue, p. 8.
[17] Ibid., p. 191.
[18] Ibid., p. 127 : « En el nombre de nuestro Señor Jesucristo y de la indivisible Trinidad, Padre, Hijo y Espíritu Santo. Amén. Esta es la carta de concesión y confirmación que hago yo Sancho, por la gracias de Dios Rey de Aragón y Pampeluna. Sepan todos los hombres que están hasta Oriente, Occidente, Septentrión y Meridional, que yo quiero construir una ciudad en mi villa que es llamada Iacca ; y a este fin os anulo todos los malos fueros que habéis tenido hasta el día de hoy en que es mi voluntad que Iacca sea ciudad […] ».
[19] Sur cet « effet-langue » fréquent dans les romans historiques, voir les réflexions de Corinne MENCÉ-CASTER dans son article « ‘Effet-langue’ dans la construction narrative de Doña Jimena de Magdalena Lasala et Urraca, señora de Zamora d’Amalia Gómez : quelles stratégies de construction identitaire ? Quelles perceptions du passé national ? » publié dans ce même dossier, URL : https://www.lentre-deux.com/10.2.2.MENCE_CASTER.
[20] La Dama de piedra, p. 36.
[21] Ibid., p. 61 et 39.
[22] Ibid., p. 91.
[23] Ibid., p. 61.
[24] Ibid., p. 91 et 97. Le romancier place même en exergue la deuxième strophe du poème « Ajedrez » de Jorge Luis Borges, appartenant au recueil El Hacedor, dont il ne retient cependant que le sens premier, la représentation de la vie politique comme une partie d’échecs :
« Tenue rey, sesgo alfil, encarnizada
reina, torre directa y peón ladino
sobre lo negro y blanco del camino
buscan y libran su batalla armada.
No saben que la mano señalada
del jugador gobierna su destino,
no saben que un rigor adamantino
sujeta su albedrío y su jornada.
También el jugador es prisionero
(la sentencia es de Omar) de otro tablero
de negras noches y de blancos días.
Dios mueve al jugador, y éste, la pieza.
¿Qué Dios detrás de Dios la trama empieza
de polvo y tiempo y sueño y agonía? »
Sur ce poème, voir les commentaires de Claire MOUNIER, « Ajedrez de Borges : un roi sans divertissement », in Jacques BERCHTOLD (dir.), Échiquiers d’encre : le jeu d’échec et les lettres (XIXe, XXe), Genève, Droz, p. 387-402. Ce poème illustre l’idée selon laquelle l’échiquier est une image de l’univers, les règles régissant l’échiquier étant le reflet de celles qui régissent le Cosmos. L’interrogation finale montre que l’Histoire est manipulée par une force supérieure.
[25] La Dama de piedra, p. 24 et 47-48.
[26] Ibid., p. 43.
[27] Ibid., p. 70-71 : « […] nos han tendido una trampa. Al-Muqtadir conocía nuestros planes […]. Sus tropas nos esperaban junto a unas fortísimas mesnadas castellanas, comandadas por Diego Laínez, aquel valeroso caballero que dio muerte al rey García Sánchez de Nájera. […] Además, el senior Laínez llevaba consigo a su hijo Rodrigo, un muchacho imberbe que ha acabado él solo con treinta de nuestros hombres. Cada vez que pasaba por su espada a uno de nuestros guerreros, gritaba ¡Allah’u akbar! ». Cette trahison rejoint le récit que fait de la bataille de Graus l’auteur de la Chronica naiarensis ; cf. Chronica naierensis, Juan Antonio ESTÉVEZ SOLA, (éd.), Turnhout, Brepols (CC, Continuatio Mediaeualis, LXXI A, Chronica hispana saecvli XII, pars II), 1995, III.14, p. 171.
[28] La Dama de piedra, p. 95. Voir également p. 73 : « La dinastía Ramirense se perpetuaba con un nuevo rey. Una nueva cabeza para una misma corona, un rey muerto que necesitaba venganza daba paso a un joven rey devoto de Cristo. El fragor de la Cruzada seguía en pie ».
[29] Ibid., p. 95-96 : « […] San Juan de la Peña es un lugar propicio para comenzar todos estos cambios. Su tradición es benedictina, que viene desde tiempos de nuestro abuelo... ».
[30] Ibid., p. 114. Voir également p. 55 : « Al parecer, Roma está muy interesada en unificar la doctrina, y si es necesario, utilizarán las guerras de reconquista como base para que los cristianos estén más unidos. Si nuestro padre consigue tomar estas plazas con la ayuda de los condes de Urgell, tropas francas e incluso castellanas se unirían a las nuestras, y bajo el estandarte de un único ejército, el de Cristo, y el visto bueno del Sumo Pontífice, atacaremos Barbastro, y después de tomarlo, avanzaremos hacia Al-Andalus, en nombre de la gran Cruzada para salvaguardar la fe cristiana » ; ces éléments sont répétés avec insistance : « El Reyno de Aragón era uno de los puntos en los que la estrategia unificadora cobraba mayor sentido […] por el hecho de ser un territorio limítrofe con otros condados y reynos cristianos, y todos ellos con las tierras musulmanas de Al-Andalus. Esta circunstancia convertía a Aragón en terreno abonado para declarar la Guerra Santa contra el Islam, el gran enemigo de la fe », p. 75.
[31] Ibid., p. 115.
[32] « […] textos que hablaban de leyendas de los condes francos que dominaban el viejo condado aragonés, fieles a Carlomagno, como el gobernador Aureolo, que dio nombre al monte Uruel, el martirio de la princesa Eurosia, que tras convertirse al cristianismo se dirigía a desposarse con el conde aragonés Fortuño Garcés II, siendo sorprendida en su viaje por el sarraceno Abén Lupo de Tena, quien la descuartizó por su negativa a casarse con él… y cómo no, de la magnífica victoria del conde carolingio Aznar Galíndez sobre tropas moras », ibid., p. 27.
[33] Voir l’insistance sur l’apprentissage nécessaire du passé. On peut également citer à titre d’exemple ce commentaire attribué au légat du Pape à la découverte de la bibliothèque du monastère de Siresa, où sont éduqués les fils de Sanche Ramírez : « […] es una colección magnífica, realmente quedé impresionado », ibid., p. 86.
[34] Ibid., p. 18. L’épisode est qualifié comme un récit « a medio camino entre la realidad y las ficticias leyendas de la época ».
[35] René COTRAIT, Histoire et poésie. Le comte Fernán González. Genèse d’une légende, Grenoble, Allier, 1977, p. 441 et Ramón MENÉNDEZ PIDAL, « Relatos poéticos en la crónicas medievales », Revista de filología española, 10 (4), 1923, p. 329-372, p. 343.
[36] La légende est en réalité absente de l’historiographie aragonaise. Elle apparaît en ces termes dans la chronique najerense : « Sin embargo, incitado por la astucia del maligno, el mencionado García no temió proferir contra su madre palabras afrentosas, ni difamarla con la acusación de adulterio. Pero Ramiro en respuesta a eso la defendió con constancia y verdad, y al probar que era mentira, la libró de la infamia y de su condena. Entonces la propia reina estalló en tan grande ira que maldijo a García y recogiendo ante la corte a Ramiro dentro de sus vestiduras y sacándolo por debajo de ellas como si lo estuviera pariendo, lo hizo hijo adoptivo e hizo que tuviera parte en el reino », cf. Juan A. ESTÉVEZ SOLA, Chronica naierensis, op. cit., III, 2 ; traduction du même auteur dans Crónica najerense, Madrid, Akal, 2003, p. 159. Le Libro de las generaciones y linajes de los reyes [olim Liber regum] n’évoque que succinctement cet épisode légendaire: « Est rei don Sancho ouo un fillo d’otra muller, qui ouo nomne l’ifant don Remiro; e fo muit bueno e muit esforçado, e por el saluamiento que fizo a so madrastra, la reina doña Albira, la muller del rei don Sancho padre, dio.l ella sos arras, et el rei atorgo las, & ouo el reismo d’Aragon e fo rei », Louis COOPER (éd.), El Liber regum. Estudio linguístico, Saragosse, Institución « Fernando el Católico », 1960, p. 37.
[37] « Cuentan que aquel buen hombre, sin saber, llevó a pastar sus ovejas justo al lugar donde la princesa Bohemia sufrió su vil martirio, y que estando tumbado sobre la hierba, se le apareció su alma, y lo condujo hasta una estrecha cueva de donde manaba una gran cascada de agua. Debajo de ella encontró los restos de Eurosia, y varios jirones de sus ropas... » La Dama de piedra, p. 109.
[38] Ibid., p. 110-111.
[39] Ibid., p. 158 : « Todo peregrino jacobeo se vería desde ese momento obligado moralmente a desviar su camino hacia el monasterio, para venerar las reliquias de quien en vida fue seguidor del apóstol Santiago ». Sur ce sujet, on peut consulter l’étude d’Antonio DURÁN GUDIOL, « El traslado de las reliquias de San Indalecio a San Juan de la Peña », Argensola : Revista de ciencias Sociales del instituto de estudios altoaragoneses, 4008, n° 109, 1995, p. 13-24.
[40] La Dama de piedra, p. 47.
[41] Ibid., p. 125-126, 128 et 105 : « Una ciudad, una cátedra y su obispo, necesitamos estos tres elementos para consolidar nuestro reyno ».
[42] « Visitad al abad Galindo de San Juan de la Peña y pensad en la manera de atraer hasta allí a los peregrinos. Cierto es que es de vital importancia la peregrinacíon a la tumba del apóstol, pero casi todos los devotos cruzan por el Summi Pyreneo, o por los pasos hacia tierras de Pampeluna, y nosotros quedamos en tierra de nadie », ibid., p. 96) ; « […] creo que ha llegado el momento de crear un monumental templo en el lugar de Iacca. Llevamos años arreglando la vieja iglesia de san Pedro, pero ello no es suficiente para que los peregrinos desvíen sus pasos hacia Summus Portus », ibid., p. 102.
[43] Ibid., p. 89.
[44] Ibid., p. 124 où le romancier attribue cette remarque à Sancie, adressé au tailleur de pierre Bernard, chargé des travaux : « Deberías pensar en algún elemento distintivo, algo que diera la idea de inmortalidad al templo más grande de nuestro reyno, no sé, una representación de la vida éterna » ; et plus loin, p. 132-133.
[45] Ibid., p. 114.
[46] Loc. cit.
[47] Ibid., p. 172.
[48] Ibid., p. 185.
[49] Ibid., p. 31-32. Voir aussi p. 169 : « Tampoco podía ayudar ya a su hermano, volcado en la ampliación de sus territorios mediante el arte de la guerra, un terreno desconocido para las mujeres ».
[50] Sancha est nommée dans un document comme « presidenta » du monastère. Voir Antonio DURÁN GUDIOL (éd.), Colección Diplomática de la Catedral de Huesca, Saragosse, Impr. Heraldo de Aragón, 1965, doc. 56 ; cf. Ana Isabel LAPEÑA PAÚL, Sáncho Ramírez. Rey de Aragón (¿1064 ?-1094) y rey de Navarra (1076-1094), op. cit., p. 53. Voir dans La Dama de piedra les pages 131 et 150.
[51] La Dama de piedra, p. 152.
[52] Voir ibid., chapitre IV, p. 41-46.
[53] Ibid., p. 139 : « –¿Y quién sois vos?, ¿sois el senior de tan poderosas tropas?– contestó Sancha, creyendo adivinar de quien se trataba.
–Yo soy el Campeador. –Muy bien senior Campeador. ¿Y a qué se dedica usted en el campo? ¿Es usted campesino, pastor...?
–Condesa, mi nombre me basta para hacer temblar a vuestras tropas, yo soy Rodrigo Díaz de Vivar.
–¡Ah!, perdonad, ¡vos sois el famoso Cid! Veréis, en Iacca cuentan que medíais casi tres vara, y ahora que os veo, compruebo que apenas sobrepasáis las dos, por eso no os reconocí. Y decidme ¿Qué hacéis aquí? ¿Sabíais que llevaba un saco con monedas?
El Cid entró en cólera. El mítico guerrero de leyenda estaba siendo humillado por una mujer tan menuda como arrogante ».
[54] Ibid., p. 52 et 183.
[55] Ibid., p. 116 et 49.
[56] L’épisode occupe les pages 34 à 37.
[57] Nombreuses sont les évocations de l’intérêt que démontre Sancie ; voir Ibid., p. 25, 32, 42,76-78, 98, 102 et 122.
[58] Ibid., p. 76 : « Ocupados los hombres en los grandes asuntos de guerra, la perspicaz Sancha había trabado una interesante relación con el legado pontificio, una amistad que giraba en torno a dos temas que la condesa conocía bien desde sus días en Santa Cruz de las Sorores: la litúrgia hispánica y el arte de la talla de la piedra ».
[59] Ibid., p. 123-125, 132-133 et 143-145.
[60] Ibid., p. 97 et 122.
[61] Ibid., p. 43 : « Sancha esperaba que con su hermano en el trono su vida sería otra bien distinta a la que su padre le había condenado. Por las noches, recordaba la emoción con la que cada primavera aguardaba el reencuentro con su hermano mayor. Abrazados en el claustro de San Juan, compartían entre íntimos susurros sus vivencias ». Voir également p. 141 : « La condesa examinaba todos los detalles de ese ejemplar de Sueldo Jaqués, acuñado con la imagen de su hermano […]. Su mente pensaba: “Sancho y Sancha, somos un pequeño círculo acuñado en plata... Sancho... Sancha, las dos caras de una misma moneda” ».
[62] Ibid., p. 146.
[63] L’expression est empruntée à Blanche CERQUIGLINI, « Quand la vie est un roman. Les biographies romanesques », Le Débat, 3, n° 165, 2011, p. 146-157 (accessible sur CAIRN : https://www-cairn-info.janus.biu.sorbonne.fr/revue-le-debat-2011-3.htm).
[64] La Dama de piedra, p. 29 : « La vida estaba enseñando demasiado deprisa a la pequeña Sancha. Esa niña avispada […] vio como a sus cuatro años el frío invierno le enseñaba una nueva lección : no hay vida terrenal sin la muerte » ; p. 31 : « La pequeña vivía una infancia marcada por la muerte de su madre […] ».
[65] Ibid., p. 38-39 et p. 40 : « La basta dureza de las piedras le decía que el hombre sobre el que apoyaba su espalda no era más que una hueca estatua de bronce, vacía de entrañas, carente de corazón ». L’infante adresse à son père les paroles suivantes, pleines de ressentiment : « Ayer mismo me llamasteis hija, me dijisteis que erais mi padre, y me llevasteis a caballo y me hablabais como un padre habla a su hija... Pero ahora ya sé que vuestra única alegría la producía la muerte de vuestro propio hermano. Sois un ser sin corazón, sólo sois mi rey, para ser mi padre hace falta tener alma debajo de esa capa, ¡os odio! », p. 39.
[66] Le Comte Ermengol est dépeint sous des trais très négatifs (vulgarité, insolence, infidélité, mauvais traitements), Ibid., p. 59-65, p. 67-68.
[67] Ibid., p. 31 et 43. Voir aussi p. 55-56.
[68] Ibid., p. 82.
[69] Ibid., p. 110-111.
[70] Ibid., p. 150.
[71] Ibid., p. 138-141.
[72] Ibid., p. 23, 92-93 et 179.
[73] Ibid., p. 50.
[74] Ibid., p. 113-114.
[75] Ibid., p. 86 et 130.
[76] Ibid., p. 185. Le texte est cité en note 12.
[77] Ibid., p. 67 et ss.
[78] L’épisode occupe les pages 158-165.
[79] Ibid., p. 66.
[80] Ibid., p. 170.
[81] « Sancha se acercó hacia ese tallador de piedra. Nada más verlo sintió un pellizco en el estómago, se había dado cuenta de que aquel hombre tenía don, su aspecto no era el de un vulgar picapedrero » ; « La condesa se quedó sin habla. La imagen era una completa alegoría, parecía que la Dama de Piedra había sucumbido a los encantos de un picapedrero, una dama tosca que esperaba convertirse en ninfa de la mano de aquel artista » ; « Sancha estaba ruborizada. La visión de aquel hombre había derribado las murallas pétreas de su feminidad », Ibid., p. 98-99 ; « La condesa miró hacia el fuego por un instante, y súbitamente, se abalanzó sobre Bernardo, lo abrazó y lo besó con pasión, mientras él, aturdido, intentaba evitar el arrumaco » (p. 147).
[82] Ibid., p. 181-183.
[83] « pequeña revolución medieval » écrit l’auteur, Ibid., p. 130.
Résumé
On s’attache ici à exposer comment le roman La Dama de piedra de David Dumall Puértolas (2010) met en scène la construction des premiers temps du royaume d’Aragon et son identité. On montre en particulier comment l’œuvre fait le récit des origines du royaume en mêlant précision documentaire et volonté démonstrative. On analyse comment l’auteur interroge ce passé en mettant au cœur du dispositif narratif le parcours de vie et les actions de l’infante Sancie d’Aragon, fille du roi Ramire Ier, dont il clame du reste la modernité, en lui prêtant un visage et une voix. On examine enfin la façon dont les éléments historiques qui construisent le cadre de cette biographie sont saisis par la fiction.
Resumen
Este estudio analiza la construcción de los primeros tiempos del reino de Aragón y de su identidad en la novela La Dama de piedra de David Dumall Puértolas (2010). El análisis se centra en el relato de los orígenes del reino que mezcla precisión documental y voluntad demostrativa. Recalca cómo el autor interroga el pasado y pone en el centro del dispositivo narrativo la vida y las actuaciones de la protagonista de la novela, la infanta Sancha de Aragón, hija del rey Ramiro I, subrayando su modernidad y dándole vida y voz. Se muestra por fin cómo son utilizados en la ficción los elementos históricos que construyen el marco de esta biografía.
Hélène THIEULIN-PARDO
Sorbonne Université, CLEA (UR 4083)
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