Les troubles du développement du langage, aussi nommés TDL, mettent en relief le dysfonctionnement que peuvent présenter les enfants dans le développement de leurs capacités langagières. En effet, les enfants dysphasiques manifestent des difficultés diversifiées : phonologie, lexique, sémantique, morphosyntaxe et pragmatique. S’il est vrai que ce trouble a d’abord été décrit par Ajuriaguerra et ses collaborateurs en tant que « désordres présentés par les dysphasiques se caractéris[ant] par un trouble de la réception et de l’analyse du matériel auditivo-verbal, des désordres dans l’agencement des éléments syntaxiques constituants du récit et des difficultés dans les mises en relation lexicales, le vocabulaire lui-même n’étant pas un critère suffisant » (Ajuriaguerra, 1980 : 355), évaluer un trouble langagier comme la dysphasie est un acte complexe qui ne peut s’effectuer que dans un cadre pluridisciplinaire. C’est pourquoi, dans le cadre scolaire, l’enseignant doit travailler en étroite collaboration avec les différents thérapeutes (orthophonistes, psychiatres) pour permettre une remédiation efficace.
Pour ce faire, une bonne connaissance du trouble et du couple antithétique capacités-limites de l’enfant s’impose. C. L. Gérard posait d’ailleurs le problème au sein de l’institution scolaire : « l’enfant dysphasique ne peut s’adapter à l’école telle qu’elle est. Mais celle-ci peut-elle s’adapter à l’enfant dysphasique ? » (Gérard, 1989 : 97). Suivant les travaux de C. Maillart et P. Quémart, nous montrerons que l’évaluation des enfants dysphasiques par la répétition de phrases révèle de faibles capacités grammaticales et lexicales. Ainsi, dans un cadre théorique, un certain consensus semble s’imposer : principe de précocité du diagnostic et de la prise en charge orthophonique, impératif de permettre à l’enfant dysphasique d’accéder le plus tôt possible à l’écrit. Cependant, pour mieux comprendre les impacts réels de ces divers principes, nous nous pencherons sur l’étude pratique menée au Centre de référence des troubles du langage à Nice par Hélène Andrieux (2011), qui repose sur l’étude précise des dossiers de 15 garçons et de 5 filles. Ce cas pratique regroupe des bilans orthophoniques, des bilans psychologiques et les bulletins scolaires des enfants afin d’évaluer leur prise en charge orthophonique (à quel âge ont-ils été diagnostiqués, par qui, comment et ce diagnostic entraîne-t-il des changements ?) et les moyens mis en place par le système scolaire pour améliorer leur intégration.
En faisant un point sur les connaissances actuelles concernant cette pathologie, sa classification, son diagnostic, et les grands principes de sa rééducation orthophonique, nous envisagerons quelles sont les perspectives d’avenir des enfants dysphasiques.
La dysphasie est un trouble neurologique congénital entraînant des limitations persistantes du langage. Telle est la définition que donne Evelyne Pannetier, professeur adjoint d’enseignement clinique et neuropédiatre dans l’article « La dysphasie et le retard de langage : comment résoudre l’énigme » (Pannetier, 2004 : 89). Cependant, loin de réduire le phénomène a un fait inéluctable touchant l’expression et la compréhension, E. Pannetier met en évidence l’aspect transitoire de la dysphasie. Ainsi, nous rappelons dans un premier temps les diverses variations individuelles dans le développement normal du langage. La définition par exclusion est reprise par la plupart des auteurs dont C. L. Gérard (1989) qui définit la dysphasie comme « l’existence d’un déficit durable des performances verbales », significatif en regard des normes établies pour l’âge. Dans sa définition Gérard exclut tout trouble intellectuel, auditif, des capacités motrices bucco-pharyngées, du comportement et de la qualité de l’environnement socio-affectif et culturel de l’enfant. Ces différentes observations ont amené des auteurs à apporter des nuances à cette définition par exclusion comme Bishop et Rosenbloom (1987) qui définissent la dysphasie comme :
un échec du développement normal du langage qui ne peut être expliqué en termes de déficience mentale ou physique, de déficience auditive, de troubles émotionnels ni de privation de l’entourage1.
Bishop et Rosenbloom considèrent que le trouble spécifique du langage n’est pas forcément une conséquence du handicap et que la présence d’un handicap n’exclut pas systématiquement le diagnostic de dysphasie. Or, comment par cette définition le différencier d’un retard de langage ? Cette question est loin d’être anodine, elle se retrouve dans la pratique orthophonique avec des praticiens peu enclins à poser le diagnostic de dysphasie, lui préférant le moins connoté « retard de langage ».
Cette définition, par évolution, suppose une étude diachronique des troubles langagiers de l’enfant et une excellente connaissance du développement du langage chez l’enfant normal. Il est communément admis que le retard simple de langage se normalise avec le temps, lors que l’évolution du langage du dysphasique est non seulement plus lente mais aussi plus chaotique :
Chez l’enfant dysphasique, la courbe d’évolution sera irrégulière, montrant des taux de croissance faible, des plafonnements précoces et ce bien souvent tant pour les aspects expressif et réceptif du langage (Van Hout, 1989).
Cependant, cette définition évolutive ne semble pas convenir totalement car les enfants ayant un QI performance ne manifestent pas de plafonnements identifiables. Ainsi, il est nécessaire de rappeler l’approche par diagnostic des troubles. Gérard évoque, quant à lui, six marqueurs de déviance :
* troubles de l’évocation lexicale,
* troubles de l’encodage syntaxique,
* troubles de la compréhension verbale,
* l’hypo spontanéité verbale,
* trouble de l’informativité,
* dissociation automatico-volontaire.
Au début des années 1990, H.F Le Heuzey, C.-L. Gérard et M. Dugas s’inspirent de la classification de Rapin et Allen pour élaborer leur propre classification.
C’est le trouble le plus fréquent, touchant essentiellement le développement des capacités expressives (Béaud et De Guibert, 2009 : 89). La compréhension verbale est meilleure que l’expression mais il s’agit d’une compréhension plus cognitive et contextuelle que linguistique, elle varie selon la longueur des phrases, leur ambiguïté et leur complexité. Les enfants sont inintelligibles et essayent alors de pallier leurs difficultés par le recours à la gestualité.
Leurs productions verbales sont très réduites mais se caractérisent d’abord par une altération majeure de la phonologie avec des déformations qui ne respectent pas forcément les critères de simplification, puis une perturbation de l’encodage syntaxique et un agrammatisme, ensuite les mots à fonctions syntaxiques sont absents et les verbes restent à l’infinitif alors que le sujet a un bon jugement syntaxique et, enfin, le recours aux gestes, mimes et mimiques expressives pour se faire comprendre. Le lexique est pauvre mais il n’y a pas de manque du mot.
Il touche aussi essentiellement l’expression verbale mais contrairement à la dysphasie phonologico-syntaxique, la fluence de ces enfants est normale mais toujours aussi inintelligible. Le déficit de ces enfants est lié à une difficulté à contrôler et à réguler l’émission verbale dont ils parviennent à concevoir le programme.
La répétition entraîne une altération des productions alors que dans le cas des syndromes phonologiques-syntaxiques la répétition tend à les améliorer. L’inintelligibilité est due à un trouble de l’ordonnancement des phonèmes, ici aussi les déformations phonologiques ne sont ni prévisibles ni simplificatrices. La syntaxe est altérée, les sujets ont conscience de leur trouble qui se répercute également sur le transcodage grapho-phonémique et handicape l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
C’est la compréhension des signaux, le décodage qui est déficient. Les mécanismes qui doivent permettre de découper la phrase entendue en segments et de leur attribuer un sens ne se mettent pas en place. Les troubles expressifs sont présents mais secondaires par rapport au trouble de la compréhension. Les sujets ont des difficultés à identifier un phonème et des bruits non verbaux. En expression on remarque un manque du mot, une dyssyntaxie et des paraphasies phonémiques et verbales. C’est le type de dysphasie qui présente le meilleur pronostic, même si les troubles se matérialisent aussi à l’écrit sous forme de sévères dyslexies/dysorthographies.
Il est marqué par une difficulté pour l’enfant à adapter le contenu de son discours à la situation. Le discours de ces enfants est dépourvu de sens et complètement inintelligible. Puisqu’il ne touche pas les aspects formels du langage que sont la phonologie ou la syntaxe, il passe souvent inaperçu au cours des premières années du sujet. Les choix lexicaux et sémantiques sont inadaptés avec des paraphasies sémantiques qui donnent une impression d’incohérence du discours. C’est un trouble majeur de la pragmatique avec une incapacité du sujet à adapter sa production linguistique au contexte de communication. Le sujet est complètement anosognosique. Ce trouble évoque parfois les troubles de communication que rencontrent les autistes dits de « haut niveau ».
C’est un trouble de contrôle de l’encodage sémantique syntaxique. L’enfant est limité dans ses capacités expressives parce qu’il ne peut évoquer le bon mot ou retrouver la formulation syntaxique adaptée. Ce manque du mot est peu sensible aux facilitations contextuelles. La production verbale est gênée par une grande difficulté à trouver les mots et structures syntaxiques adaptés. Le trouble augmente en fonction de la longueur des énoncés, ce qui pousse le sujet, parfaitement conscient de son handicap, à réduire ses productions pour masquer ses difficultés. Ce trouble touche le versant expressif et réceptif du langage oral mais aussi du langage écrit.
Si la dysphasie a été reconnue en 1853 par William Wilde, il faudra attendre 1958 pour avoir une définition plus complète des symptômes. En effet, à l’origine présenté comme un trouble affectant les enfants « muets sans être sourds, (…) ni idiots ni paralytiques », Ajuriaguerra le nomme sous le titre d’audimutité, terme qui sera remplacé en 1965 par « Dysphasie ». Il définit les enfants dysphasiques comme présentant un trouble de l’intégration du langage sans insuffisance sensorielle ou phonatoire et qui peuvent, avec difficulté, communiquer. Pouvons-nous expliquer pourquoi la dysphasie s’inscrit dans les troubles d’apprentissage ? Dans son Manuel de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Ajuriaguerra classifie ce trouble dans la section « Organisation et désorganisation du langage chez l’enfant ». En ce sens, le trouble d’apprentissage de la lecture et de l’écriture apparaîtrait dans le cours du développement de l’enfant à partir du langage : « L’enfant commence à lire quand il a atteint un certain degré de maturation, la phase de lecture survenant après les phases d’organisation orale, expressive et compréhensive » (Ajuriaguerra, 1980 : 339, repris dans Jumel, 2015 : 2).
Or, si l’apprentissage importait peu, l’enfant serait alors déterminé génétiquement de sorte que la dysphasie serait une résultante programmée génétiquement dans un développement qui va de soi. Ce qui constituerait une limite dans l’héritage de Julian de Ajuriaguerra, ce serait précisément l’oubli de l’analyse scripturale. Il est vrai que l’écriture passe par une prise de conscience de son corps mais, dans le cas de la dysphasie, le corps n’est pas en propre celui du sujet car le trouble du langage influe sur la conception que l’on a de soi. La confusion qu’opère Ajuriaguerra marquera l’historicité des analyses sur la dysphasie : les troubles d’apprentissage seront placés dans les troubles du langage. Pour mieux se justifier, il distingue deux réalités concernant les « désordres » du langage chez l’enfant. D’une part, les troubles sont sensoriels et moteurs. Ces derniers sont relativement bien connus. D’autre part, les troubles moins bien connus tels que la dysphasie, la dyslexie, la dysorthographie, sont assimilés « par défaut » à cet ensemble de manière à ce que les soins soient donnés de manière régulière à ces enfants. Cette confusion est ainsi conservée par les Ministères de la Santé et de l’Education Nationale qui incitent les associations à « répondre aux besoins des enfants, des familles et des professionnels de la santé et de l’éducation face aux troubles de l’apprentissage du langage oral et écrit ». Mais, pour véritablement répondre aux attentes des enfants et des familles, force est de constater qu’un diagnostic doit être mené avec rigueur.
On appelle apraxies ou dyspraxies les difficultés langagières qui sont dues à la programmation du geste moteur et donc qui ne sont pas du domaine de l’organisation du langage. Les enfants qui sont atteints de tels troubles ont des productions très pauvres, réduites à quelques mots-phrases déformés (apraxies verbales), fluence faible et stock lexical actif très pauvre (dyspraxie verbale). Cette catégorisation, théorisée dans les années 1980, permet d’éviter la confusion de Ajuriaguerra qui regroupait sous le seul terme de « dysphasique » les enfants dont l’évolution du langage posait problème. En effet, pour ce dernier, « il y a une homogénéité relative du déficit entre compréhension-réalisation-support sémantique » (Ajuriaguerra, 1980 : 355) puisque la compréhension orale était souvent altérée chez l’enfant dysphasique. Cependant, les études de Dorothy Allen et Isabelle Rapin ont permis d’améliorer l’appréhension que l’on avait jusqu’alors de ces troubles, en mettant en lumière les particularités des troubles du développement du langage sous une dichotomisation en six syndromes tels que l’agnosie auditivo-verbale, la dyspraxie verbale, le syndrome de programmation phonologique, le syndrome de déficit phonologico-syntaxique, le syndrome de déficit lexico-syntaxique, le syndrome de déficit sémantico-pragmatique (Taly, 2018 : 84). Les deux auteurs montrent donc que ces troubles de développement du langage sont évalués avec davantage de précision et que la classification ainsi établie souligne la possibilité d’un passage d’un symptôme à un autre chez un même sujet.
* Entre 18 mois et 3 ans : il n’existe pas de moyens d’évaluation qui permettrait de distinguer les retards de langage et les dysphasies de manière fiable et reproductible. À ces âges-là seuls peuvent-être éliminés un autisme, une déficience mentale ou une surdité.
* Entre 3 et 4 ans : à ces âges il existe des batteries standardisées permettant d’évaluer le niveau de langage des enfants. Ces tests permettent d’approcher un diagnostic en mettant en évidence l’importance du retard de langage et son caractère déviant.
* Entre 4 et 8 ans : le caractère anormal du langage parlé devient évident, différents cas de figure peuvent être observés : une absence totale de langage, d’importantes déformations phonémiques tendant plutôt vers la simplification ou au contraire une complexification anormale, une dissociation entre une compréhension normale et une expression pauvre et une difficulté d’évocation.
* Au-delà de 8 ans : Au-delà de 8 ans (pour certains auteurs au-delà de 6 ans), on ne peut plus parler de retard de langage, le diagnostic de dysphasie s’impose donc après avoir éliminé les autres pathologies.
Les critères linguistiques sont les suivants : De manière évidente, l’absence de babil est une caractéristique essentielle. Toutefois, cela ne se limite pas à ce seul critère. En réception, la rapidité du débit de l’interlocuteur représente une gêne à la compréhension du discours. Aussi faut-il évoquer les troubles de l’évocation, le manque du mot. La rigidité des fonctionnements linguistiques et des difficultés de généralisation, associés au lexique progressant peu, sont une troisième manifestation de la dysphasie. Le jargon dépourvu de sens mais chargé d’intention forme un autre critère linguistique. Il ne faudrait pas oublier la non-compréhension verbale des consignes, l’absence complète de langage à 18 mois, l’absence d’association de mots à 24 mois, l’inintelligibilité de la production langagière au-delà de 36 mois ainsi que la non-utilisation du pronom personnel « je » au-delà de 36 mois. Ces critères associés ou uniques constituent une piste de diagnostic de l’enfant dysphasique.
Les critères comportementaux sont nombreux : enfant silencieux, le dysphasique ne montre que peu ou pas d’intérêt aux dessins et aux jeux symboliques. S’il est vrai qu’il a envie de communiquer, il mettra en place des stratégies compensatoires pour se faire comprendre. Du point de vue de la motricité et des gestes, l’enfant dysphasique va plus souvent bouger et nous remarquerons un surinvestissement du regard. Autrement dit, l’enfant va s’exprimer par le regard, en valorisant le visuel. Ainsi, il préfère les histoires qu’il peut regarder (télévision) plutôt que les histoires lues. Au niveau comportemental et psychologique, le sujet dysphasique éprouvera sans doute des colères quand il ne sera pas compris ou qu’il ne comprendra pas la situation. Élément constituant, le désir de stabilité de l’environnement poussera l’enfant à rechercher un cadre de vie où la répétition rythmera ses actions. Dès lors, l’enfant dysphasique va ranger, organiser, répéter des sortes de rituels qu’il va essayer d’imposer à son entourage. Ce comportement sera cependant marqué par une présence de périodes de repli et de retrait comme des absences.
Les critères cognitifs et perceptifs sont d’autres critères permettant de déceler le symptôme dysphasique : l’absence d’écoute ou d’attention auditive et des difficultés de mémoire. Ces difficultés se concentrent sur l’empan mémoriel et la lenteur de mémorisation. En ce sens, il faut répéter plusieurs fois les mots avant qu’ils soient acquis. Les acquisitions sont instables car, la mémoire ne fixe pas. Les troubles auditivo-perceptifs engendrent des difficultés pour saisir, discriminer, apprécier les caractéristiques du discours entendu de l’enfant, en dépit d’une bonne audition. Enfin, la faiblesse de la mémoire auditive associée à l’absence de repères temporels constitue un dernier critère d’évaluation de la dysphasie.
Il n’est pas rare de rencontrer des enfants ou adolescents en échec scolaire suite à une absence de diagnostic. Ils prennent alors consciences tardivement de leur dysphasie. Le bilan orthophonique est important dans la mesure où il met en lumière la situation des enfants dysphasiques en comparant leur langage à celui de la moyenne des enfants du même âge. Selon D. Potier, le bilan orthophonique aura donc trois objectifs fondamentaux :
· Quantifier les troubles et les aptitudes conservées
· Élaborer un plan de rééducation
· Permettre un suivi et un réajustement de la rééducation grâce à une analyse quantitative et qualitative des résultats obtenus lors de ce bilan.
La réalisation d’un bilan détaillé et la mise en évidence des moyens de compensation mis en place par l’enfant permettront à l’orthophoniste de connaître les points forts sur lesquels s’appuyer. Ainsi, le bilan s’effectuera en quatre temps. Tout d’abord, l’évaluation du langage oral, dans ses deux versants expressif et réceptif établit un plan de rééducation orthophonique. Puis, l’évaluation du langage écrit met en évidence les degrés des troubles linguistiques. Le bilan orthophonique évalue également l’aptitude de lecture de l’enfant tant au niveau quantitatif que qualitatif. Enfin, l’évaluation des troubles associés complète ce diagnostic.
Évaluation du langage oral
Le bilan langagier réalisé en cas de suspicion de dysphasie se fonde sur une évaluation du langage oral (Leroy, Parisse & Maillart, 2009). Il comprend donc une anamnèse complète, la réalisation de tests standardisés permettant d’objectiver les difficultés langagières dans les différents niveaux linguistiques. Nous rappelons très brièvement le versant expressif et le versant réceptif corrélés au diagnostic du langage oral chez l’enfant dysphasique.
* Le versant expressif
Tests d’articulation : répétition de syllabes, dénomination.
Tests des capacités phonologiques : dénomination, répétition de mots simples, complexes, logatomes.
Évaluation du lexique : évaluation du stock lexical, organisation lexicale, disponibilité lexicale.
Évaluation de la syntaxe : encodage syntaxique spontané, dirigé.
Évaluation de la pragmatique du langage sur le versant expressif (Test Evalo).
* Le versant réceptif
Examen des gnosies auditivo-verbales : discrimination auditive : mettre en évidence la non reconnaissance des sons de la langue, des bruits familiers.
Examen de la compréhension lexicale.
Examen de la compréhension syntaxique.
Évaluation du métalangage.
Évaluation de la pragmatique du langage sur le versant réceptif (Test Evalo).
L’étude de Christelle Maillart et André Orban (2008), impliquant des enfants de moins de trois ans qui présentent des troubles langagiers, met en évidence un retard au niveau de la complexité de la structure syllabique ou de la taille du répertoire phonémique (le nombre de phonèmes considérés comme acquis par l’enfant). Ces études montrent que, par rapport à des enfants du même âge, les enfants présentant un trouble de développement du langage ont un développement phonologique retardé et non déviant.
Évaluation du langage écrit
Lorsque le niveau langagier augmente (LME > 3), on voit plus facilement apparaître des différences qualitatives. Ainsi, les enfants dysphasiques présentent des faiblesses particulières en morphologie verbale (marques de temps, de nombre, de genre, etc.) (Jakubowicz, Nash, Rigaut, et Gerard, 1998 ; Rice & Wexler, 1996) et produisent moins fréquemment des verbes que des noms.
Lecture
*Lecture oralisée
Reconnaissance des graphies : conversion grapho-phonémique
* Stratégies de lecture
Lecture de syllabes et de non-mots
Lecture de mots réguliers et de mots irréguliers
Lecture silencieuse
Lecture de mots, phrases, textes pour évaluer la compréhension
L’évaluation des troubles associés
L’attention
Mémoire phonologique
Mémoire auditive
Rétention visuelle
Structuration de l’espace
Expression graphique
Ce bilan permettra de constater le retard significatif et de mettre alors en évidence les caractères de déviance et de mieux classer la dysphasie. Dès lors, l’utilisation de tests validés est indispensable au diagnostic mais il n’est pas suffisant. Aujourd’hui, seul le test de langage Evalo intègre les critères de déviance de la dysphasie mais ce test ne concerne que les enfants de 3 ans 3 mois à 6 ans 3 mois et l’âge moyen du diagnostic est de 6 ans 7 mois. Les parents ont un rôle important dans l’élaboration de ce diagnostic, les troubles du langage sont ceux qui sont les plus précocement repérés par la famille, souvent par comparaison avec le développement d’un aîné ou d’un cousin. C’est le plus souvent eux qui, inquiets par l’anormalité du langage de leur enfant, seront à l’origine d’une consultation orthophonique.
Le diagnostic précoce est important pour plusieurs raisons : tout d’abord, cela permet une rééducation orthophonique précoce et pluri-hebdomadaire, facteur de bonne évolution. Ensuite, une guidance parentale précoce peut favoriser une meilleure prise en charge des troubles et, potentiellement, offrir une plus grande autonomie2 au sujet dysphasique. De plus, une adaptation scolaire est mise en place en accord avec les enseignants. Une rééducation psychomotrice, de la remédiation neuropsychologique et une psychothérapie sont également envisagées selon les besoins.
En outre, le non-maintien des enfants dysphasiques en maternelle (malgré le désir des enseignants), et l’entrée précoce dans l’apprentissage de la lecture appartiennent au diagnostic précoce nécessaire. Enfin, le pronostic scolaire devient satisfaisant, en particulier lorsque le trouble de production phonologique est isolé. Cela favorise donc une meilleure insertion sociale : l’enjeu du diagnostic dépasse le cadre de la réussite scolaire et déborde sur le développement global de la personnalité de l’enfant : l’échec scolaire chez un enfant intelligent représente un risque majeur de dépression et de désadaptation sociale.
Dispositif mis en place en 2001 dans le cadre d’une étude interministérielle, le centre de références3, attaché à des équipes hospitalières universitaires, est un lieu d’écoute qui assure le suivi et la coordination des soins. Il présente également un dispositif innovant où les diverses équipes pluridisciplinaires peuvent échanger et trouver des méthodologies d’évaluation, de diagnostic précis des patients. Il ne faudrait pas négliger le versant pédagogique : le centre composé d’un médecin, d’un(e) orthophoniste, de psychologues cliniciens ainsi que d’enseignants référents propose des conseils aux équipes pédagogiques et éducatives.
Hélène Andrieux a réalisé un travail conséquent en menant une étude pratique qui fait encore office de cadre aux études sur la dysphasie. En se rendant au centre de références à Nice, secteur dirigé par le médecin Christian Richelme, elle a pu étudier les dossiers médicaux et éducatifs d’une population de 20 enfants diagnostiqués dysphasiques phonologico-syntaxiques nés entre 1990 et les années 2000. Ces dossiers comportent 15 garçons et 5 filles. L’objectif premier est d’apprécier à quel âge le diagnostic a été mené, s’il infirme ou confirme les théories de Gérard et quelles en sont les conséquences. Ainsi, dans cet échantillon, la moyenne se situe à 6 ans et 11 mois, ce qui est légèrement plus élevée que celle de Gérard (6 ans et 7 mois). Cependant, il faut distinguer l’âge du diagnostic et l’âge de prise en charge réelle de l’enfant par l’orthophoniste. La durée entre la première prise en charge orthophonique et le diagnostic varie de 10 mois à 6 ans et 4 mois. Cependant, comme le note Hélène Andrieux :
Si le diagnostic était tardif, il ne conditionnait pas le début de la prise en charge orthophonique et par cette dernière était, fort heureusement, antérieure de plusieurs années au diagnostic (Andrieux, 2011).
Mais alors, comment pouvons-nous expliquer le délai de mise en place du diagnostic ? Si les orthophonistes semblent frileux, cela s’explique probablement par le refus de catégoriser les enfants dans un domaine, de les étiqueter car si la dysphasie est un trouble du langage, les perspectives d’évolutions sont certes réelles mais faibles. En ce sens, ne pas écrire le diagnostic pour les orthophonistes ne nuit pas à la prise en charge effective. Ensuite, le diagnostic doit être pluridisciplinaire, ce qui sous-entend une excellente entente entre les divers domaines de compétences pour une meilleure action pour les enfants.
Malgré les inquiétudes des parents quant aux possibilités de scolariser leur enfant dysphasique, il est indispensable que celui-ci puisse se retrouver parmi des enfants de son âge pour qu’il puisse également partager les mêmes centres d’intérêt qu’eux. Toutefois, il faut prévenir l’enseignant de ses difficultés langagières pour qu’il ne le mette pas en difficulté devant ses camarades. Dès la maternelle, il va apprendre comment communiquer malgré son trouble du langage et ainsi il va prendre davantage confiance en lui en instaurant de nouvelles relations avec les autres. Si l’enfant passe une grande partie de son temps à l’école, c’est bien entendu l’enseignant qui va servir de médium dans cette relation complexe entre l’enfant dysphasique et l’institution scolaire.
Au-delà du handicap de départ, celui du trouble du langage, l’enseignant va permettre à l’enfant dysphasique d’accéder à des apprentissages divers. Le succès repose donc en partie sur l’attitude de l’enseignant : il doit être convaincu que cela ne veut pas dire que l’enfant va se fondre dans « le moule » ou qu’il faut le maintenir dans un statut d’apprenant au même titre que les autres élèves. Il doit respecter les différences cognitives de l’enfant dysphasique et ainsi accepter son style spécifique d’apprentissage et trouver des dispositifs adéquats. Intégrer un enfant dysphasique demande soutien, compréhension et volonté de trouver de nouvelles techniques d’apprentissage. Ainsi, en tout premier lieu, il est important que l’enseignant gère sa classe en maintenant un climat propice aux apprentissages, malgré les différences et les difficultés des enfants dysphasiques. En effet, l’ambiance de classe favorise une meilleure intégration des élèves et leur permet de se sentir en confiance dans ce nouveau cadre d’éveil. De plus, une ambiance calme et harmonieuse en classe facilite la compréhension des élèves qui sont davantage à l’écoute et en interaction avec le professeur. Comme le notent Monique Touzin et Marie-Noëlle Leroux, « les consignes devront être données de façon claire, en exagérant les intonations pour que l’enfant dysphasique les perçoive bien » (Touzin et Leroux, 2011 : 76).
Il faut que l’enseignant s’adresse à l’enfant en le regardant, en s’exprimant de façon intelligible, lentement et en articulant bien. En effet, le travail scolaire nécessite des efforts intenses de la part des élèves et sans adaptation, les résultats ne seront pas à la hauteur des efforts fournis. C’est pourquoi, pour garantir une bonne compréhension des énoncés, l’enseignant évitera les phrases complexes. Aussi, pour attirer l’attention de l’élève et cela avant de donner la consigne, il permettra à l’enfant d’anticiper le déroulement du cours en respectant un ordre précis : la chronologie facilitera la compréhension des diverses situations pour l’enfant. Si on lui donne plusieurs consignes en même temps, utiliser des repères visuels comme compter avec les doigts pour distinguer chaque tâche serait une technique pertinente dans le processus d’apprentissage. Ces adaptations vont donc permettre à l’élève dysphasique de contourner ses difficultés. Ainsi, le professeur reformulera si l’enfant ne comprend pas. Il vérifiera fréquemment que l’enfant a bien compris la tâche en lui demandant de la reformuler. Bien souvent, les élèves n’osent pas dire qu’ils n’ont pas compris car, pour eux, c’est honteux ou difficile à formuler. Dans ce cas, l’enseignant incitera l’élève à reformuler par lui-même, à verbaliser ses difficultés et à lui montrer que l’on a compris, même si sa formulation semble incorrecte. Autrement dit, il privilégiera toujours le fond.
Par ailleurs, la posture de l’enseignant doit prendre en compte la lenteur de l’enfant, son manque du mot, ne pas hésiter à le lui donner pour éviter qu’il perde le fil de sa pensée ou de son raisonnement. Il est préférable de l’accompagner dans la recherche du mot (ébauche orale, lecture labiale) pour éviter de répondre à sa place.
Lors d’une évaluation, le support des exercices pourra être adapté : photocopies, texte à trous, présentation avec mots clés, consignes à la fois visuelles et sonores. Le professeur organisera alors des activités où l’enfant pourra prendre la parole et il prendra soin à être tolérant aux interventions spontanées de l’enfant qui résultent d’une longue et lente maturation.
En somme, l’enseignant valorise les réussites de l’enfant et dédramatise ses échecs. Qu’est-ce à dire ? Rassurer l’enfant revient à lui présenter des attentes et non des exigences qui créeraient chez lui de trop nombreuses angoisses. Comme le souligne Bernadette Piérart :
Chez les dysphasiques existe une proéminence de l’angoisse de la séparation prolongée, une agressivité intense contre certains autres enfants, et souvent un isolement, retrait du groupe. De plus, le manque de vocabulaire est souvent compensé par le recours aux gestes et mimiques, ce qui peut paraître suspect aux autres enfants qui vont marginaliser l’enfant dysphasique (Piérart, 2004).
L’enseignant valorise le progrès c’est-à-dire conjointement le travail et les efforts réalisés. La phase de dédramatisation passe également par l’alternance d’activités variées sur un même thème : l’élève passera par des moments d’échanges verbaux et des moments de manipulation. Enfin, ces pratiques sont un véritable défi que se lance l’enseignant à chaque nouveau cours : dédramatiser implique une confiance en soi et une bonne relation avec les élèves. Lorsque l’enfant dysphasique imagine une nouvelle utilité à un objet du quotidien, l’enseignant ne doit pas se confronter à lui mais lui apporter des nouvelles solutions. Si, par exemple, « un caillou ayant vaguement la forme d’une voiture pourra être utilisé comme une voiture, une équerre deviendra un pistolet, une règle une épée, une banane un téléphone (…) » (Chouvier, 1996, repris dans Uzé et Bonneau, 2004), l’enseignant rassurera l’élève et prendra appui sur cet imaginaire pour fonder son cours. En d’autres termes, il enseignera une notion nouvelle en se référant à des éléments connus et, peut-être, intégrera les notions nouvelles au quotidien de l’élève pour le rassurer.
Afin d’aider l’enfant à développer des stratégies de catégorisation, à relier les informations à ses connaissances antérieures, lui donner des méthodes, l’enseignant doit posséder un minimum de matériels et d’outils efficaces à la diffusion des savoirs. Pour ce faire, nous remarquons d’abord la nécessité de configurer l’espace de manière à ce que l’élève dysphasique soit à l’aise et puisse évoluer librement. En effet, placer l’élève dans le champ visuel de l’enseignant, plutôt loin des fenêtres, de la porte et de tous les éléments distrayants facilite son écoute. Deuxième exigence inhérente à l’espace, la disposition de la classe. Plus la classe est calme, sans agitation ni bruit excessif, meilleure sera l’attitude de l’enfant dysphasique. Sécurisé et entouré, l’enfant évoluera avec sérénité. La possibilité de recourir à un tutorat par un voisin volontaire est une solution pertinente car non seulement les bons élèves sont valorisés par cette démarche mais l’enfant dysphasique n’est pas mis à l’écart mais ici, au contraire, s’intègre à la dynamique de groupe.
Néanmoins, l’enfant dysphasique a des troubles de perception et d’organisation temporelle. Joël Uzé et Dominique Bonneau insistent sur cette difficulté à laquelle doit faire face l’enseignant : l’enfant dysphasique dispose d’une « activité représentative pauvre » se manifestant notamment dans les dessins, jeux ou par le livre. Son sens de la créativité est altéré ainsi que sa capacité associative et sa mémoire. De plus, son discours est fortement ancré dans le présent, impossibilité de récit historique car la difficulté est importante avec la temporalité (Uzé et Bonneau, 2004). C’est pourquoi l’enseignant mettra en place une organisation temporelle : rituels, calendriers, horloge, montre, repères visuels. Il en est de même pour l’organisation matérielle de son aire de travail (rangement du casier, lui faire prendre seulement ce dont il a besoin au moment où il en a besoin, aide à la préparation du cartable et à la gestion de son matériel).
Ces aménagements ne résoudraient pas tous les problèmes rencontrés par l’enfant dysphasique, mais lui permettraient une meilleure intégration scolaire.
Face à la problématique de la dysphasie, l’enseignement doit pouvoir répondre à un certain nombre d’attentes, aussi bien du côté de l’Éducation Nationale que du côté des parents. L’enseignant dans un premier temps explique aux autres élèves de quoi souffre un enfant dysphasique. Cette explication est nécessaire afin d’éviter l’exclusion de ce dernier par rapport au collectif. On attend que les bons élèves le stimulent. S’il est vrai que l’enfant dysphasique a besoin d’être sécurisé et entouré, c’est qu’il est vite déstabilisé face à une situation nouvelle que ce soit une modification d’emploi du temps, un changement de salle inhabituel, ou l’arrivée d’un enseignant remplaçant. L’enseignant le guidera dans l’apprentissage des nouveaux espaces et des nouvelles matières à connaître. Comme il n’arrive pas à s’exprimer correctement, il n’arrive pas à demander de l’aide ; il faut donc le prévenir des changements, lui expliquer le pourquoi, verbaliser ses craintes face au changement. Une importance particulière sera portée à la constance ou la mise en place par l’enseignant d’une routine c’est-à-dire de présenter les activités de façon similaire. Pourquoi cette nécessité de répéter les mêmes activités, les mêmes phrases ? Ces enfants sont fatigables. Ainsi il est fortement recommandé de réduire en quantité ce qu’on leur demande mais il faut toutefois être exigeant sur le travail demandé.
Nous avons bien compris que quel que soit la forme de la dysphasie, l’effort était porté sur l’attitude de l’enseignant : rassurant et engagé dans des démarches innovantes pédagogiquement. Il sollicitera la curiosité de l’élève dans des activités orales afin de créer un besoin, de modifier sa routine ou, tout simplement, de le faire parler en oubliant des éléments dans un jeu pédagogique. Étant donné que l’enfant dysphasique possède un socle de vocabulaire assez réduit, l’enseignant acceptera une imprécision lexicale mais, lui montrera quel mot conviendrait à sa phrase. En ce sens, s’il accepte un manque de vocabulaire, il demandera à l’élève de reformuler. Favoriser la communication est donc un axe essentiel des apprentissages. Ces exercices peuvent être aussi approfondis lors des réunions avec l’orthophoniste. Nous rappelons l’importance des démarches pluridisciplinaires et des relations étroites entre parents-enfants-professeurs-médecins. Dans la démarche pédagogique, comme nous l’avons évoqué, l’enseignant établira une communication avec l’élève dysphasique qui s’effectuera par la dénomination directe (on le nomme pour qu’il se sente concerné) et par un rapport physique proche (on se met à son niveau physique, on s’assure d’un contact visuel). Cela permettra d’établir la seconde phase de la communication : la compréhension des consignes. Concrètement, le professeur aidera l’enfant qui a des difficultés à évoquer un mot en faisant de l’ébauche orale : donner le début du mot (ex : « cha » pour chapeau) ou encore utiliser une phrase porteuse (ex : on le porte sur la tête). On peut aussi insister sur les mimiques et l’intonation couplée à l’expression faciale afin de rendre plus claires les idées évoquées. Du point de vue de l’élève, on s’assurera en tant que professeur de la bonne reformulation de l’élève. Par exemple, lorsqu’il y a erreur syntaxique, comme « Moi manger pomme » l’enseignant reformulera : « Ah, oui, tu manges une pomme » ou à la rigueur : « Tu veux dire : je mange une pomme ». Toutefois, il faut porter son attention sur un fait : rien n’énerve plus un dysphasique que de lui faire prendre conscience de sa difficulté à formuler. Si l’enseignant ne comprend pas l’élève, il veillera à poser une question fermée, une question à choix, à demander des indices, des précisions (réponse « oui » ou « non », « Tu veux la boule jaune ou la boule verte ? »). Enfin, l’enseignant ne donnera pas trop de devoirs à la maison. Les rencontres avec les parents doivent être fréquentes afin de permettre de mieux connaître les besoins de l’enfant et d’adapter la pédagogie.
En définitive, la dysphasie est un trouble du langage qui touche, comme nous l’avons vu, la zone orale du langage. Le diagnostic est souvent délicat et difficile à réaliser sans une véritable pratique interdisciplinaire. S’il est vrai que la prise en charge orthophonique est longue, nous avons remarqué qu’elle devait s’adapter au patient et répondre à deux principes, ceux de l’intensité et de la précocité, afin d’établir une évolution de l’enfant dysphasique. Dans l’objectif d’une meilleure intégration scolaire, l’éducation nationale diffuse largement des programmes d’aide aux enseignants et incite la collaboration entre les équipes pédagogiques et le secteur médical. Le professeur peut alors compter sur le soutien du personnel d’aide de vie scolaire (AESH) pour mettre en place des projets spécifiques et surtout pour mieux comprendre l’élève dysphasique. Ainsi, notre étude nous a permis de repenser la prise en charge des enfants dysphasiques et de mieux cerner les enjeux éducatifs que peut susciter la question des TDL.
[1] Voir également Piérart (2004).
[2] Suzie Tardif a effectué des recherches sur la relation si particulière unissant l’enfant dysphasique et ses parents, à travers le concept d’autonomie. Dans un de ses articles publiés dans la revue hybride de l’éducation, intitulé « Des parents qui soutiennent l’autodétermination de leur adolescent ayant une dysphasie », elle note que les parents se disent disponibles à aider l’adolescent et à favoriser l’acquisition des compétences langagières. Elle cite Ryan et Deci (2000).
[3] Présent sur l’ensemble du territoire français, le centre de références est piloté dans chacune des régions de la métropole ainsi qu’à la Réunion. La région des Alpes-Maritimes possède un centre spécialisé sur la prise en charge des troubles scolaires et sur le diagnostic des enfants. Ce centre, constitué du CERTA et de l’Hôpital de l’Archet 2, facilite leur accompagnement et également la formation des équipes éducatives et soignantes.
Cet article propose une mise en contexte conceptuelle de l’enjeu du diagnostic de dysphasie. Suivant les recherches menées par Ajuriaguerra, nous montrerons tout d’abord que le diagnostic établit une catégorisation des difficultés phono-syntaxiques et lexicales du sujet atteint de TDL et que l’expression « trouble du langage » revêt plusieurs dimensions. Notre étude s’appuie en un second temps sur une analyse pratique menée par H. Andrieux, afin de souligner comment le diagnostic pluridisciplinaire amène à un accompagnement plus efficace de l’enfant dysphasique par les équipes enseignantes.
Abstract
This article establishes the conceptual context of the challenges of diagnosing dysphasia. Following Ajuriaguerra’s research, first we will show that the diagnostic defines, through a classification, many phono-syntaxical difficulties and lexical problems of a patient with developmental language disorder and, consequently, the expression « language disorder » has many meanings. Then, our study was guided by Hélène Andrieux’s practical analysis in order to highlight how multidisciplinary diagnostic leads to pedagogical support more efficient for dysphasic children.
Difficulté de diagnostiquer les enfants dysphasiques
Introduction générale sur la dysphasie
Le syndrome phonologique-syntaxique
Trouble de la production phonologique
Le syndrome sémantique pragmatique
Les dysphasies mnésiques ou lexicales sémantiques
Comment évaluer ou diagnostiquer ?
Pourquoi un diagnostic précoce ?
Quelles perspectives d’avenir pour les enfants dysphasiques ?
La scolarisation : que fait l’enseignant ?
Adapter son langage et ses pratiques
Favoriser la langue orale et écrite
Élodie GONTIER
Sorbonne Université
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