Plusieurs publications (Rude et al., 2004, Ramirez-Esparza, 2008) portant sur l’anglais et l’espagnol ont cherché à caractériser sur le plan linguistique le discours de personnes atteintes de dépression. Les données analysées dans ces publications sont des textes écrits rédigés par des étudiants dépressifs (Rude et al., 2004), ou des blogs et forums où des personnes dépressives évoquent librement leurs difficultés (Ramirez-Esparza, 2008), en dehors de tout protocole médical. Ces travaux reposent sur une approche quantitative : il s’agit de compter, grâce à un logiciel, les items linguistiques les plus fréquents dans le discours des dépressifs. Les principaux résultats font apparaître une plus grande proportion de pronoms de première personne du singulier et de termes référant à des émotions négatives que dans le discours de personnes non-dépressives, ce qui corrobore la tendance au centrage sur soi dans la dépression (« self-awareness theory of depression ») établie par des travaux antérieurs (Bucci & Freedman, 1981 ; Weintraub, 1981 ; Pyszczynski & Greenberg ; 1987, cités par Ramirez-Esparza et al., 2008).
C’est une perspective plus large que nous adoptons : notre objectif est de caractériser le discours des dépressifs en prenant en compte à la fois le lexique des émotions et l’expression de la modalité, pour lesquels nous avons mené une analyse quantitative, mais également des phénomènes discursifs et pragmatiques moins faciles à détecter de façon automatique, notamment les chaînes référentielles et chaînes de causalité, qui font ici l’objet d’analyses qualitatives. Nous nous situons donc dans la lignée de certains travaux sur la schizophrénie (Meilijson et al. ; 2004, Riou, 2015), qui mettent l’accent sur l’analyse pragmatique du discours pathologique. Notre méthodologie, qui combine approche quantitative et approche qualitative, a permis de mettre au jour que le centrage sur soi se manifeste peut-être par d’autres phénomènes liés à la cohérence du discours dans sa globalité.
En outre, nous nous intéressons à un type de données différent des études citées : nous analysons des données orales en français, enregistrées lors d’entretiens entre patients et psychiatre. Notre étude s’inscrit donc dans le cadre d’une collaboration entre linguistes et psychiatres, ce qui permettra à terme de corréler les résultats de l’analyse linguistique à ceux des mesures physiologiques et psychométriques obtenues par les psychiatres.
La première partie de l’article revient sur la spécificité des données linguistiques exploitées, indissociables du protocole mis en place par l’équipe de psychiatres avec laquelle nous avons collaboré. La seconde partie porte sur l’analyse linguistique de ces données et présente nos principales conclusions.
Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet financé par l’Agence Nationale de Recherche : le projet Emphiline (ANR-11-EMCO-0005), intitulé « La surprise au sein de la spontanéité des émotions : un vecteur de cognition élargie », qui réunit philosophes phénoménologues, linguistes et psychiatres spécialisés en neurosciences travaillant sur la dépression1. Ce projet transdisciplinaire vise à analyser les liens entre émotion et cognition à travers l’étude de la surprise, émotion traditionnellement considérée comme une des six « émotions primaires » avec la joie, la colère, la tristesse, la peur et le dégoût (Ekman, 2003).
Certains travaux récents, à la fois en psychologie, psycholinguistique et linguistique, s’accordent néanmoins à octroyer à la surprise un statut particulier au sein des émotions : à l’interface entre émotion et cognition, elle ne peut être appréhendée comme simple sursaut physiologique en réaction à un stimulus mais doit être redéfinie comme catégorie cognitive dont l’enjeu est l’intégration d’une nouveauté imprévue (Celle & Lansari, 2015 ; Soriano et al., 2015). Cela explique qu’elle reste neutre du point de vue de la valence (Ortony et al., 1999), ni positive comme la joie, ni négative comme la colère, la tristesse, la peur et le dégoût, et qu’elle se manifeste par une certaine brièveté sur le plan temporel (« the briefest of emotions » selon Ekman, 2003). Bien plus qu’une simple émotion, elle s’apparente donc à une réaction émotionnelle peu spécialisée (« general affective response » pour Stein & Hernandez, 2002) préalable à la survenue de toute émotion spécialisée comme la peur, la joie ou la colère.
C’est justement en tant que réaction émotionnelle générale que la surprise intéresse les psychiatres spécialistes de la dépression. Entre autres symptômes (troubles du sommeil, de l’appétit, de l’attention, ralentissement moteur), cette pathologie est caractérisée par divers troubles émotionnels – intense tristesse et anhédonie2 –, qui pourraient être la conséquence d’une hyporéactivité émotionnelle généralisée chez les patients atteints. Comprendre comment la dépression affecte la réactivité émotionnelle permettrait ainsi de mieux cerner les causes de cette pathologie.
Dans le cadre du projet Emphiline, cette compréhension passe par :
· la mise en place de tests physiologiques en lien avec un protocole expérimental,
· l’établissement d’échelles psychométriques visant à déterminer, à partir de questionnaires, le stade de la dépression.
L’étude menée a réuni 75 sujets, uniquement des femmes âgées de 18 à 55 ans, divisées en trois groupes distincts : un groupe de femmes diagnostiquées dépressives, un groupe de femmes en rémission de dépression, et un groupe témoin de sujets non-atteints.
Le protocole expérimental consiste à projeter aux sujets une image surprenante et à mesurer, pendant et après cette projection, la variabilité de la fréquence cardiaque, la fréquence cérébrale par ultrasons, ainsi que la perfusion cérébrale (mesurée par IRM). Est également effectuée, de façon indépendante, une IRM fonctionnelle de repos3. Ces mesures physiologiques ont pour objectif de déterminer si la surprise provoquée par l’image a des corrélations sur le plan physiologique, l’hypothèse majeure étant que la dépression induit une hyporéactivité émotionnelle se traduisant par des faibles taux pour les mesures effectuées. Les résultats sont en cours d’analyse et feront l’objet de publications ultérieures.
Quant aux échelles psychométriques mesurant le stade de la dépression, elles incluent :
· Échelle d’intensité de la dépression (MADRS)
· Échelle d’anxiété (STAI-E)
· Échelle de ralentissement (ERD)
· Échelle d’anhédonie (réactivité et anticipation au plaisir/déplaisir)
· Échelle de personnalité (NEO PI)
Ces échelles sont établies pour et par chaque sujet lors d’un entretien avec un psychiatre : le sujet doit répondre à un questionnaire lu par le psychiatre, et remplir lui-même un questionnaire sous forme écrite. Ce sont précisément ces entretiens que nous analysons sur le plan linguistique.
Tous les entretiens avec les 75 sujets n’ont pas été enregistrés : nous disposons de 35 entretiens enregistrés, qui ont ensuite été transcrits avec le logiciel Praat (Boersma and Weenink 2016), logiciel qui permet d’aligner temporellement les données audio et la transcription.
Sur le plan du contenu, ces entretiens sont très normés : il ne s’agit en aucun cas d’une parole libre. Chaque sujet doit répondre à des questions précises de la part du psychiatre, questions qui prennent la forme suivante : Vous sentez-vous ralentie en ce moment ? Avez-vous du mal à dormir? Éprouvez-vous de la culpabilité ?
Les réponses à ces questions polaires sont cependant rarement aussi brèves que oui ou non, mais donnent lieu à des développements plus ou moins longs : la réponse informative s’accompagne d’explications ou de récits de la part de la patiente. Il faut d’ailleurs noter que le psychiatre, par son attitude langagière, encourage la patiente à parler : il peut être amené notamment à relancer la parole lorsque la patiente a du mal à s’exprimer, à reformuler ou à proposer des hypothèses lorsque le discours manque de clarté (voir les extraits analysés dans la suite de l’article). On retrouve là le phénomène de « scaffolding » analysé par Riou (2015 : 246 sq) dans les interactions entre schizophrènes et membres de la famille : le « scaffolding » désigne les stratégies mises en place par le locuteur non-atteint pour compenser les dysfonctionnements du discours du locuteur malade4.
Sur le plan lexical, ces questions ne sont pas neutres mais contiennent de nombreuses émotions et affects négatifs (culpabilité, par exemple). Lors des réponses, ce lexique est souvent repris, ce qu’il faudra bien sûr prendre en compte lors de l’analyse du lexique dans notre seconde partie, consacrée aux symptômes de la dépression en discours.
Le lexique des émotions a fait l’objet de nombreuses publications, en lien avec le langage de la dépression (Rude et al., 2004, Ramirez-Esparza et al., 2008), mais aussi, indépendamment, dans des travaux linguistiques en syntaxe et sémantique (Chuquet et al., 2012, Novakova et al., 2012 inter alia).
C’est donc en premier lieu au lexique que nous nous sommes intéressées. Nous avons mené une analyse quantitative à l’aide du logiciel d’analyse textuelle TROPES (Molette, Landré & Ghiglione 1994-2014)) et son scénario EMOTAIX (Ginouvès 2008; Piolat & Bannour 2009). Cet outil permet de détecter et, partant, de quantifier, le lexique des émotions (et plus largement des affects)5. Il n’est pour l’instant disponible que pour le français.
Les résultats montrent que, dans les trois groupes (patientes dépressives / patientes en rémission / sujets témoin), les termes émotionnels négatifs sont plus fréquents que les termes émotionnels positifs. Au vu de la nature des entretiens et du contenu des questions, ce phénomène n’est pas surprenant.
Si l’on compare le groupe des dépressives au groupe témoin, on observe une disparité intéressante : le ratio des termes négatifs est plus important dans le groupe des dépressifs (506 termes négatifs / 344 termes positifs, soit 1.47) que dans le groupe témoin (167 termes négatifs / 134 termes positifs, soit 1.25).
Ainsi, malgré la spécificité des données exploitées, notre étude quantitative du lexique des émotions semble corroborer les études précédentes sur le langage de la dépression. Il nous a cependant paru nécessaire de prendre en compte d’autres dimensions linguistiques.
À l’écoute des entretiens des patientes dépressives, nous avons été frappées par trois types de phénomènes linguistiques, qui apparaissent nettement dans l’extrait 1 ci-dessous :
Extrait 1
Psychiatre Est-ce que vous diriez que vous vous sentez . vous savez c’est assez fréquent dans les dépressions hein . Par . Parfois ou même la plupart du temps sans valeur ou coupable . Quelque chose . Ou sans valeur vous savez comme si on ne valait pas plus grand-chose/
Patiente (inspire) (euh) ... Un peu plus ces derniers temps j’ai j’=je pense que j’ai un peu perdu . perdu toute confiance en moi mais (euh) .. après coupable oui parce que moi (euh) ‘fin=enfin . Moi toute cette histoire ça . ça a conduit à ce que (mm) . A ce que je prenne la décision . de mettre mon petit garçon . chez son papa . Parce que j’ai un papa ou alors <XX>il est on est très soudé tous les tous les trois et moi je préfère . que mon fils me voie pas mal
Ces phénomènes se manifestent à travers :
· La disfluence discursive (faux départs, hésitations, répétitions)
· Le recours à des marqueurs épistémiques indiquant une difficulté à prendre en charge le discours (un peu, je pense)
· L’incohérence dans la chaîne référentielle (voir j’ai un papa, analysé en détail ci-dessous au sein du paragraphe « Cohérence »)
Ce sont ces trois dimensions que nous allons successivement examiner.
Le discours de la patiente dans l’extrait 2 est marqué par de nombreuses répétitions (perdu.perdu – ‘fin=enfin – à ce que. A ce que – ça.ça) et hésitations (euh, il est on est), laissant penser que la locutrice a des difficultés à exprimer clairement ce qu’elle veut dire. Or se pose ici une question théorique importante : étant donné la spécificité des données analysées – discours dépressif oral – quel référentiel doit nous servir de cadre pour l’analyse ?6 Autrement dit, les caractéristiques observées (hésitations, répétitions) sont-elles réellement imputables à l’état dépressif du locuteur ou tout simplement à la spontanéité du discours oral ?
Une simple comparaison avec le discours du psychiatre suffit, sans même recourir au discours du groupe témoin, à montrer que ces phénomènes de disfluence ne constituent pas un trait distinctif du discours dépressif. En effet, le psychiatre lui-même fait des faux départs (voir Par. Parfois) et hésite (voir quelque chose). La disfluence discursive semble donc être une caractéristique de l’oral, comme l’a montré Blanche-Benveniste (1984) pour le français parlé, et non un symptôme de la dépression.
Il n’est pas non plus impossible que la disfluence, tout en étant constitutive de l’oral, soit plus marquée encore dans le discours dépressif (voir Meilijson et al., 2004, qui montrent que la différence entre discours pathologique et discours non-pathologique est souvent une question de degré). Seule une analyse quantitative comparée de cette disfluence permettrait de trancher. Or nos données, qui ne constituent pas de réelles interactions libres, ne se prêtent pas bien à cette analyse comparée : les entretiens dont nous disposons sont menés par le psychiatre, qui seul pose les questions, d’où une asymétrie en termes de temps de parole et une faible comparabilité entre le discours du psychiatre et celui de la patiente dépressive.
Dans l’extrait 1 ci-dessus, la patiente utilise un certain nombre de marqueurs épistémiques comme je pense ou un peu indiquant qu’il n’y a pas prise en charge totale du discours. Ces marqueurs de modalisation épistémique apparaissent précisément lorsque la patiente doit décrire ses sentiments, affects et émotions.
Deux hypothèses sont susceptibles d’expliquer ce phénomène : face à la figure d’autorité du psychiatre, la patiente préfère modaliser son discours car elle n’ose pas véritablement affirmer son ressenti7 ; ou l’état dépressif conduit à une instabilité émotionnelle qui empêche la patiente de savoir, et donc de nommer clairement ce qu’elle ressent. Ces deux hypothèses reflètent la distinction établie par certains travaux en pragmatique entre modalisation véritablement épistémique, liée à l’incertitude du locuteur et modalisation « intersubjective », liée au positionnement du locuteur vis-à-vis de son interlocuteur (voir Caffi, 1999).
Afin de trancher entre ces deux hypothèses, nous avons dans un premier temps cherché à quantifier ce phénomène en comparant le discours dépressif au discours du groupe témoin. Or l’analyse quantitative à l’aide du logiciel TROPES, et plus particulièrement de la catégorie « modalisation » de ce logiciel, n’a pas abouti à des résultats très probants : la fréquence de marqueurs de modalité est à peu près la même pour le groupe des dépressifs et pour le groupe témoin. Il faudrait donc en déduire que les phénomènes observés concernant la prise en charge sont fonctionnels et liés à la situation d’interaction elle-même.
L’analyse qualitative montre cependant que les patientes dépressives ont beaucoup plus de difficulté à nommer leurs affects et émotions que les patientes en rémission et les sujets témoin. On peut ainsi comparer les extraits 2 et 3, où deux patientes dépressives s’expriment, à l’extrait 4, où c’est une patiente en rémission qui parle :
Extrait 2
Patiente Non je ressens plus (euh) . c’est pareil
Psychiatre Vous êtes vous vous sentez plus irritable
Patiente Ouais j’=je sens plus (euh) j’ai l’impression (euh)
Psychiatre à <X>l’ai=air(?) euh votre corps
Patiente Ouais . J’=je sens plus mon corps on dirait
Psychiatre Vous sentez plus votre corps on dirait
Patiente Ouais ouais (mm=oui)
Psychiatre D’accord
Dans cet extrait, la difficulté à cerner les sensations en jeu est liée à une hypo-production langagière : la patiente est quasiment mutique. Sur le plan syntaxique, il manque systématiquement les compléments d’objet aux verbes qu’elle emploie (ressentir, sentir). Le « scaffolding » mis en place par le psychiatre consiste alors à inférer un complément plausible : votre corps. La stratégie fonctionne, puisque la patiente reprend le terme proposé, tout en modalisant (on dirait).
Dans l’extrait 3 ci-dessous, le discours d’une autre patiente dépressive est au contraire caractérisé par une hyperproduction langagière, mais cette hyperproduction s’accompagne bien, elle aussi, d’une difficulté à nommer les émotions :
Extrait 3
Patiente ‘Fin pour moi la tension c’est effectivement cette espèce de de pression de stress de de mélange de tout quoi de tristesse de tout que j’ai assez perm? de façon permanente (er) par contre (er) par contre (er) effectivement (er) qu’est-ce que
C’est en raison hein parce que je je je ‘fin c’est en raison . non mais c’que j’veux dire c’est (er) c’est pas d’la panique (er) mais bon quand même . donc (er) mais bon de façon générale quand même (er) bon ça va . ça pourrait être pire j’pense donc ça va
Psychiatre C’est de la colère j’imagine non ?
Patiente (mhm) pure . c’est d’la colère c’est de l’amour propre c’est ce que j’disais . pourquoi j’pleure pourquoi j’suis triste ? est-ce que c’est de l’amour ? est-ce que c’est de l’amour propre ? j’en sais rien.
Sur le plan linguistique, cela se traduit par des modalisations (cette espèce de, j’en sais rien), mais aussi des questions, des oppositions (mais bon quand même) et des enchaînements logiques non-aboutis (voir c’est en raison / parce que qui n’introduisent finalement aucune cause). Comme précédemment, on retrouve de la part du psychiatre des stratégies relevant du « scaffolding » : il tente d’inférer du discours de la patiente l’émotion qu’elle n’arrive pas à nommer. Il utilise alors une question inférentielle (c’est de la colère j’imagine non ?) qui ne fait cependant pas l’objet d’une confirmation. Sur le plan épistémique, il n’y a finalement aucune stabilisation, la patiente ne fournissant pas de réponse sémantique claire (voir j’en sais rien).
L’hypoproduction et l’hyperproduction observées ici semblent correspondre à des phases distinctes de la dépression : les patientes chez qui nous avons observé un quasi-mutisme lors de l’entretien avec le psychiatre sont sans doute dans une phase dépressive, alors que celles qui parlent énormément pourraient traverser une phase maniaque8. Quelle que soit la phase, dépressive ou maniaque, les émotions, sentiments et même sensations ne sont pas clairement nommés : le lien entre expérience et référence semble faire problème.
Dans l’extrait 4, où c’est une patiente en rémission qui s’entretient avec le psychiatre, ce lien s’effectue au contraire sans aucune difficulté : la patiente nomme parfaitement les émotions qu’elle a ressenties et établit notamment un lien très clair entre colère et tristesse, clarté soulignée par le psychiatre dans sa réaction.
Extrait 4
Psychiatre Parce qu’il est de quelle sorte votre caractère vous diriez ?
Patiente Parce que (er) ‘fin pour moi le fait de pencher vers la tristesse <overlap /> pour moi dans mon idée hein c’est quand on s’autorise la colère et qu’on s’autorise pas à l’action pour moi c’est les deux c’est tout simplement les deux versions d’une même émotion . et moi je ne m’autorise pas ça donc je penche vers la tristesse voilà donc je suivais plutôt vers là plutôt que ruer dans les brancards et
Psychiatre Moi c’est très intéressant ce que vous dites hein vraiment <overlap /> oui et j’pense que c’est ‘fin c’est probablement le cas vous avez raison chez beaucoup de personnes ça se manifeste comme ça effectivement.
Ainsi, les troubles émotionnels associés à la dépression – tristesse et anhédonie – semblent avoir comme pendant sur le plan linguistique une difficulté à nommer les émotions.
La dernière dimension examinée concerne la cohérence. Il s’agit d’une notion cruciale en linguistique, qui fait intervenir différents types de phénomènes et marqueurs : connecteurs, problèmes liés à la référence, phénomènes de substitution, d’ellipse et d’anaphore (voir Halliday & Hasan, 1976). Dans un article plus récent, Sanders & Pander Maat (2006) tentent de circonscrire plus avant cette notion, qui regroupe selon eux deux grands types de questions : ce qui est lié à la référence d’une part (« referential coherence »), et ce qui concerne la causalité d’autre part (« relational coherence »).
Par ailleurs, il faut noter que la cohérence est au cœur de certains travaux sur la schizophrénie (voir Meilijson et al., 2004), mais avec, semble-t-il, une acception un peu différente : la cohérence a alors plus à voir avec la notion de « topic » (ce dont on parle). Dans la dépression, c’est bien la cohérence telle que définie par Sanders & Pander Maat (2006) qui est la plus pertinente. À l’écoute des entretiens dont nous disposons, nous avons en effet été frappées par des dysfonctionnements concernant les liens logiques de causalité, et surtout par des incohérences dans les chaînes référentielles.
Cohérence relationnelle
Les deux extraits ci-dessous sont représentatifs des difficultés de certaines patientes à établir des liens de causalité :
Extrait 5
Patiente C’est une souffrance qui est pas guérissable pour moi . parce que quand on a mal à la tête quand on a quelqu’un qui décède on va à l’enterrement et ma mère est décédée elle est décédée ici
Extrait 6
Patiente J’ai réussi à supporter hein sachant que. j’avais plus ma mère parce que mon père j’lui parle pas
Le connecteur parce que est ici utilisé pour justifier une assertion (« je dis ça parce que ») : pour reprendre les conclusions de Dancygier & Sweetser (2000), le connecteur a pour domaine d’utilisation un acte de langage. Dans les deux extraits, on a un schéma du type : P parce que Q, où P est la conséquence (l’assertion précédent parce que) et Q la cause. Or, dans l’extrait 5, il se révèle impossible de trouver une cause : ce qui suit le connecteur ne peut pas être interprété comme la cause de l’assertion.
Dans l’extrait 6, la cause n’apparaît pas clairement, mais il semble néanmoins possible de la reconstruire, en proposant la glose suivante : j’avais plus ma mère – et je vous parle de ma mère uniquement, parce que mon père j’lui parle pas. La manipulation a consisté à expliciter la conséquence Q (et je vous parle de ma mère uniquement), qui n’apparaît pas dans le discours initial : c’est comme si la patiente tenait pour acquis Q et n’avait pas besoin de le verbaliser. Il incombe alors à l’interlocuteur – en l’occurrence le psychiatre ici – de reconstruire la chaîne de causalité. Cette reconstruction peut se faire, car le contexte-avant opère un centrage sur la mère : elle seule a été mentionnée, contrairement au père. En l’absence d’indices linguistiques, une telle reconstruction est impossible (comme dans l’extrait 5). Comme l’expliquent Sanders & Pander Maat (2006 : 592), « we need to realize that coherence phenomena may be of a cognitive nature, but that their reconstruction is often based on linguistic signals in the text itself ».
On retrouve des processus tout à fait similaires dans le domaine de la cohérence référentielle, où divers dysfonctionnements obligent l’interlocuteur à reconstruire la référence.
Cohérence référentielle
Reprenons l’extrait 1 :
Extrait 1
Patiente (inspire)(euh)... Un peu plus ces derniers temps j’ai j’=je pense que j’ai un peu perdu . perdu toute confiance en moi mais (euh) .. après coupable oui parce que moi (euh) ‘fin=enfin . Moi toute cette histoire ça . ça a conduit à ce que (mm) . A ce que je prenne la décision . de mettre mon petit garçon . chez son papa . Parce que j’ai un papa ou alors <XX>il est on est très soudé tous les tous les trois et moi je préfère . que mon fils me voie pas mal
La première interprétation est que la patiente fait référence à son propre père, ce qui ne fait pas sens en contexte : son papa mentionné juste avant montre bien qu’il est question du père de son enfant et non du sien. On s’attendrait donc à : parce qu’il a un papa, et non pas parce que j’ai un papa. Le recentrage sur la première personne alors qu’il était question d’une troisième personne induit une rupture dans la chaîne référentielle qui brouille la référence.
Dans d’autres cas (extraits 7 à 9), on observe l’utilisation d’un pronom sans mention préalable d’un antécédent :
Extrait 7
(Contexte : le psychiatre demande à la patiente si elle éprouve parfois de la culpabilité)
Patiente culpabilité oui . parce que (er) parce que j’l’ai mis dehors et que j’aurais pas dû voilà
Extrait 8
(Contexte : le psychiatre demande à la patiente depuis quand elle ne prend plus de contraceptif)
Patiente En fait d’puis toujours quoi (er) . <sniffing> j’ai pris juste un peu la contraception quand j’étais gamine . j’avais quinze ans <overlap /> après j’ai plus jamais rien pris et . j’suis jamais tombée enceinte ..
Psychiatre Ah oui <overlap />
Patiente <overlap /> pourtant (er) .. mon compagnon encore d’avant quoi il en a avant . il en a après . avec moi non <sniffing> et j’suis restée dix ans avec un homme et ...
Psychiatre Vous n’avez pas fait d’examen </d>
Extrait 9
(Contexte : le psychiatre demande à la patiente si elle a connu d’autres épisodes dépressifs)
Patiente J’ai eu de XX .. non . non non j’ai eu une période difficile quand quand donc j’ai trois enfants et un jour mon ex mari (er) .. m’a dit est-ce que je peux les emmener à l’étranger ? C’était en voyage hein il voulait les emmener en voyage . et je lui dis non . il est tout petit hein j’ai dit non et ma mère m’a dit t’es complètement folle
Dans l’extrait 7, la patiente répond bien à la question, puis elle justifie sa réponse au moyen d’une subordonnée causale. Cependant, dans la mention de la cause justifiant sa réponse positive, elle utilise un pronom personnel de troisième personne masculin (l’) alors qu’aucun référent masculin n’a été mentionné auparavant. Il s’agit alors pour le psychiatre de reconstruire l’identité de ce référent, qui pourrait être aussi bien le compagnon ou le fils de la locutrice. La suite de l’entretien permettra en fait de comprendre que ce pronom référait à son compagnon.
L’enjeu de l’entretien étant d’établir les échelles psychométriques, le psychiatre ne cherche jamais à clarifier cette référence : ce qui compte pour lui à ce stade de l’entretien est la notion de culpabilité. Mais dans une situation d’interaction plus classique, on peut penser que ces flous référentiels seraient problématiques et constitueraient un obstacle à l’échange : l’interlocuteur doit sans cesse s’efforcer de reconstruire la référence.
Dans l’extrait 8, le pronom en n’a pas d’antécédent clairement mentionné dans le discours. L’interlocuteur doit le reconstruire, ce que l’aide à faire l’adjectif enceinte : il en a correspond donc à « il a des enfants ».
Dans l’extrait 9, le premier il constitue une anaphore de « mon ex mari », mais le second il n’est pas interprétable comme tel. On a donc bien encore une fois rupture de la chaîne référentielle, couplée cette fois-ci avec l’introduction d’un référent non mentionné. En fait, pour comprendre ce second il, il faut remonter dans l’avant du texte : il constitue une anaphore partielle de « trois enfants ». Ce pronom fait donc référence au plus jeune des trois enfants mentionnés. Ce référent, dans la séquence de discours rapporté, est accessible à la locutrice (la patiente) et à son interlocuteur (son mari). Mais il n’est pas accessible à l’interlocuteur de la patiente (le médecin) dans la séquence origine de dialogue.
Une analyse en termes d’accessibilité (Ariel, 2001) montre ainsi que, sur le plan cognitif, les patientes dépressives traitent les référents qu’elles mentionnent sous forme de pronoms comme hautement accessibles, c’est-à-dire facilement identifiables. Or il s’avère que ce n’est pas toujours le cas sur le plan intersubjectif : ces référents sont hautement accessibles pour la locutrice, mais pas forcément pour l’interlocuteur, qui doit s’appuyer sur un contexte large ou sur le sens commun pour reconstruite l’identité de ces référents. Ce qui se joue à travers la cohérence est finalement révélateur du type de relation intersubjective : les patientes dépressives restent centrées sur leurs propres connaissances sans tenir compte des connaissances partagées ou non de l’interlocuteur9 en situation.
Notre approche, qui combine analyse quantitative et analyse qualitative, a permis d’opérer un changement de paradigme par rapport aux études existantes sur le discours dépressif, centrées en grande partie sur le lexique. La prise en compte d’autres dimensions moins détectables de façon automatique semble montrer que la dépression affecte le discours de façon beaucoup plus globale, de deux façons notables.
D’abord, sur le plan subjectif, nos données laissent à penser que le dysfonctionnement émotionnel observé dans la dépression a pour pendant linguistique une difficulté à nommer de façon précise les affects, émotions et sensations. Ensuite, la dépression semble avoir des conséquences sur la cohérence, à la fois relationnelle (expression des liens de causalité) et référentielle (expression des chaînes référentielles). Or la cohérence affecte la relation intersubjective : il incombe systématiquement à l’interlocuteur de reconstruire les liens de causalité et les référents lorsqu’une confusion ou un flou s’installe.
En fait, notre hypothèse concernant la cohérence corrobore, mais par un biais un peu différent, les résultats des travaux cités en introduction (Rude et al., 2004 ; Ramirez-Esparza, 2008) : le centrage sur soi lié à la dépression (« self-awareness theory ») se manifeste aussi sur le plan de la cohérence, où les phénomènes observés témoignent d’une difficulté à prendre en compte l’état des connaissances de l’autre.
Cette première étude devra être complétée de deux façons : par l’étude de la prosodie, dans la lignée de l’approche intégrative développée par Riou (2015) sur le langage schizophrène, mais aussi par la mise en place d’une corrélation systématique entre analyses linguistiques et résultats des tests physiologiques et échelles psychométriques mis en place par l’équipe de psychiatres.
[1] Les équipes concernées sont pour la linguistique CLILLAC-ARP à l’université Paris Diderot, pour la phénoménologie les Archives Husserl – Pays Germaniques, UMR 8547 à l’ENS, et pour la psychiatrie l’unité « Imagerie et Cerveau », Équipe 4, « Troubles affectifs », INSERM U930 ERL CNRS 3106.
[2] L’anhédonie est ainsi caractérisée dans le DSM 5 (2013 : 88) : « the decreased ability to experience pleasure from positive stimuli or a degradation in the recollection of pleasure previously experienced »
[3] Le choix de ce protocole est lié au modèle de l’émergence émotionnelle développé dans Desmidt, Lemoine, Belzung & Depraz (2014).
[4] Dans le cas des interactions avec un schizophrène, les stratégies sont différentes, dans la mesure où la schizophrénie ne semble pas affecter les mêmes dimensions linguistiques que la dépression : il s’agit surtout pour le locuteur sain de poser des questions, en lien avec les transitions topicales (voir Riou 2015).
[5] Cet outil permet de « repérer automatiquement dans plus de 4000 termes du lexique émotionnel et affectif de la langue française qu’il s’agisse de substantifs, de verbes, d’adjectifs, d’adverbes, de locutions, d’expression... Les termes repérés couvrent les émotions d’arrière-plan (énergie, malaise, excitation, etc.), les émotions primaires (peur, colère, dégoût, tristesse, etc.), les émotions sociales (sympathie, embarras, honte, etc.) et les sentiments (amour, haine, etc.) » (extrait du site http://www.tropes.fr).
[6] Nous remercions Laurence Vincent-Durroux (communication personnelle) d’avoir attiré notre attention sur cette question.
[7] Certaines études montrent bien que les interactions dans un cadre institutionnalisé reposent sur une asymétrie de statuts (voir Riou, 2015 : 233), ce qui peut avoir des répercussions sur le plan langagier.
[8] Nous remercions les participants au colloque « Cure de langage(s) » qui s’est tenu à Arras les 10 et 11 décembre 2015 pour cette suggestion. Il sera par ailleurs intéressant de corréler ces deux « profils » linguistiques à l’échelle psychométrique de ralentissement psychomoteur.
[9] L’interaction non-pathologique est au contraire fondée sur la prise en compte des connaissances de l’autre. Voir Du Bois (2003 : 57) : « Speakers in discourse are careful about keeping track of which referents have been previously introduced and which are only now being introduced for the first time, mindful as they are of their interlocutors’ current state of shared knowledge (or lack of it) »
Résumé
A partir d’un corpus d’entretiens entre un psychiatre et des patientes atteintes de dépression, cet article propose une caractérisation du discours de ces dernières. L’analyse quantitative du lexique émotionnel a été complétée d’une analyse qualitative de la disfluence, du positionnement épistémique et de la cohérence. On montre qu’au-delà du lexique, la dépression affecte le langage des patientes dans leur capacité à nommer leurs affects. Sur le plan discursif, la cohérence relationnelle et référentielle est affectée, ce qui reflète la difficulté des patientes à se décentrer d’elles-mêmes.
Abstract
This paper aims to characterise the discourse of female patients suffering from major depressive disorder. It is based on interviews conducted by a psychiatrist as part of his psychiatric assessment. The quantitative analysis of the emotional lexicon is supplemented by a qualitative analysis of disfluency, epistemic stance and coherence. It is argued that depression has effects beyond the lexicon, as the ability of patients to name their affects is impaired. At the discourse level, relational and referential coherence is affected, which corroborates the self-awareness theory.
Spécificité des données : protocole expérimental et entretiens patient/psychiatre
Émotions et dépression : tests physiologiques et mesures psychométriques
Les entretiens patiente/psychiatre
Symptômes de la dépression en discours
Lexique des émotions : approche quantitative
Autres dimensions linguistiques : approche qualitative
Agnès CELLE, Laure LANSARI
Université de Paris, UR CLILLAC-ARP, labex EFL
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