En même temps qu’il constitue un phénomène relativement récent, le site d’écrivain est devenu une réalité courante, en passe peut-être de devenir banale. S’il se trouve encore dans une phase d’émergence et s’il revêt, au fil de ses différentes occurrences, des formes diverses et éclatées, il voit peu à peu se cristalliser certaines pratiques, conventions, lieux communs et passages obligés. À propos d’une réalité voisine de celle du site (et, dans plusieurs cas, inhérente à elle), Philippe de Jonckheere constate et regrette une tendance marquée vers l’uniformisation : « tous les blogs se soumettent aux mêmes règles, la mise en page, l’empilement chronologique des billets, etc. »1.
Le site jptoussaint.com se caractérise par des choix résolument singuliers. L’un d’eux – le plus représentatif, sans doute – réside dans la manière dont il se construit à partir et autour d’une vocation génétique. « La genèse pour le contenu, la mayonnaise pour la méthode »2 : c’est par cette formule que Toussaint résume sa démarche dans un entretien. Explorer les voies selon lesquelles surgit et se développe, se fait et se défait une écriture, telle semble être l’ambition, sinon exclusive, du moins centrale du site : celle qui donne à tous les autres éléments leur orientation, leur élan, leur équilibre. Jptoussaint.com développe ainsi un discours à teneur génétique – mais ce discours est d’une nature non-discursive : il se loge moins dans des textes ou des paroles, que dans la structure même du site, dans les équilibres, correspondances et échanges qui se tissent entre ses contenus.
À plusieurs reprises, Jean-Philippe Toussaint a pu souligner l’importance, dans la démarche qui a abouti à l’ouverture de jptoussaint.com, d’une première étape fondée sur le refus : « Je n’écris pas pour Internet et je ne m’intéresse pas à une écriture qui serait destinée à Internet »3 ; « […] c’est donc en creux, par la négative, que j’ai commencé à définir ce que devait être le site que je voulais créer : 1) ne pas écrire 2) pas d’interactivité »4.
Ce parti pris exclut d’entrée de jeu, et dans une attitude radicale, la perspective qui pourrait d’abord sembler la plus ambitieuse et novatrice : la production d’une écriture spécifiquement destinée à ce media récent qu’est Internet, d’une création littéraire qui tiendrait compte de ses conditions et s’alimenterait de ses ressources (parmi lesquelles l’interactivité). De fait, cette pars destruens se veut le contraire d’un renoncement. Elle est déterminée par une exigence qui se précise en ces termes :
Ma réflexion tournait autour de cette idée simple : quelle forme est vraiment spécifique à Internet ? En réalité, j’ai procédé par élimination, en me demandant ce qui justement n’était pas spécifique à Internet. Je me suis dit qu’écrire, par exemple, n’était pas spécifique à Internet. Le meilleur moyen de publier un texte reste toujours pour moi de le donner à un éditeur. L’autre chose qui ne m’intéressait pas, c’est l’interactivité, qui n’est souvent qu’une sorte de communication paresseuse, très peu productrice de forme5.
Si ces refus assument une valeur fondatrice, c’est parce qu’ils resserrent le site autour du matériau investi : ils bannissent tout contenu et toute forme qui ne seraient étroitement liés à la substance même d’Internet. Mais que reste-t-il, une fois que la création littéraire est bannie ? Se retrouve-t-on face à un site à vocation purement informative ou illustrative ?
Il est vrai que jptoussaint.com6 ne cesse de se référer à des œuvres dont l’existence, dont la rencontre avec le public se réalisent ailleurs que dans le site : aux romans, essais, films, expositions et spectacles signés par Jean-Philippe Toussaint. Une différence essentielle doit être soulignée d’emblée par rapport aux sites orientés vers le recensement (et éventuellement le commentaire) des œuvres d’un auteur. Que ce soit au passé ou au futur – car le compte rendu des œuvres et événements passés est souvent doublé de l’agenda, de l’annonce de ce qui est à paraître ou à dire ou à montrer –, c’est presque toujours sur le mode de l’accompli que l’ouvrage ou l’événement est présent dans les sites. Jptoussaint.com conduit moins vers ce qui est fait ou à faire qu’il ne pénètre dans le faire lui-même : il ne cherche pas à décrire ou à commenter l’œuvre publiée, mais à plonger dans le flux même de la démarche, des processus qui ont conduit à son aboutissement. Le « Borges projet »7 ne fait pas exception, même s’il représente un cas de figure particulier. Ce work in progress fait surgir d’un élément ponctuel présent dans un texte publié (l’allusion à une nouvelle fictive de Borges intitulée « L’Île des anamorphoses » dans La Vérité sur Marie) l’incitation à de nouvelles genèses : les internautes sont invités à écrire, en respectant une série de conditions, cette nouvelle apocryphe. Comme on voit, la question n’a pas trait à la temporalité, mais à la perspective : à l’œuvre faite (ou à l’œuvre qui sera faite), se substitue une attention sur le faire en train de se faire.
Pas d’écriture verbale, pas de création littéraire. Même si le site accepte une entorse à ce principe – qui est aussi une entorse à l’exclusion annoncée de toute interactivité – cette exception, nettement circonscrite, n’infirme pas les principes selon lesquels le site a choisi de se construire. Une forme d’interactivité à la fois ponctuelle et exigeante se substitue à l’interactivité paresseuse que Toussaint rejette bel et bien. Et à l’exception de sa propre version de « L’Île des anamorphoses »8 au sein du « Borges projet », on serait presque en mesure de dire que Toussaint n’a pas rédigé une seule phrase spécifiquement destinée au site. Les éléments verbaux présents sur les pages d’accueil demeurent, à très peu d’exceptions près, en-deçà de la construction phrastique : ce sont des titres, des noms propres (souvent abrégés en sigles), tout au plus des repères (de catégorie ou de date notamment). Le site se fonde sur une rhétorique propre à l’écran et à la toile : l’écriture s’y déploie à même les icônes cliquables, leur disposition dans l’espace de l’écran, leurs interactions dans un réseau. Il n’est pas plus l’ersatz numérique du livre que sa vitrine : il est « une création informatique »9 à part entière.
Le déplacement de la création verbale vers la création informatique ne signifie pas la censure de page écrite. C’est bien à des éléments écrits – plusieurs milliers de pages – que (parmi d’autres éléments) l’internaute se trouve confronté en pénétrant dans le site : des brouillons manuscrits, tapuscrits et numériques, mais aussi quelques textes aboutis, dont certains relèvent d’une teneur non pas narrative mais discursive. En effet, au fil des clics, nous pouvons arriver à la transcription de plusieurs entretiens accordés à différents moments (et publiés dans différentes revues), où Jean-Philippe Toussaint commente telle ou telle création – dont celle du site lui-même. C’est notamment le cas de la page « Meta site »10, à laquelle on accède à partir d’un lien présent dans la page de la « Maison ». C’est encore vers une parole à teneur discursive – dite, cette fois-ci, et non écrite – que nous conduisent les différents making-of ou encore les liens vers des émissions radiophoniques. Ces éléments à vocation analytique et explicative revêtent une importance : même s’ils n’ont pas été produits pour le site, ils s’y trouvent intégrés et jouent un rôle dans son architecture. En même temps, ce rôle est étroitement circonscrit et, dans une certaine mesure, périphérique. Aucun des discours, textuels ou sonores, qui commentent les différentes genèses ne figure dans une page de présentation ou de préambule ; on n’y parvient (si jamais on y parvient), qu’après avoir traversé plusieurs écrans, au bout de plusieurs clics. Les discours verbaux agissent à l’intérieur d’un discours plus vaste, qui les englobe – et ce discours se développe à même l’architecture du site, dans les trajectoires et leurs bifurcations, les réseaux et leur circulation.
Les brouillons, sous forme numérisée, sont l’élément emblématique du site jptoussaint.com. En cliquant sur un des quatre titres de la page d’accueil – ceux des romans composant le Cycle de Marie11 – ou bien sur l’icône du chat (qui conduit vers le « Projet Réticence »12), ou encore sur tel ou tel des titres en néon dans la page « Maison13 », nous accédons à la numérisation d’une immense quantité de brouillons, manuscrits, dactylographiés ou numériques.
S’il est vrai que pour nombre d’écrivains le brouillon est un lieu dont le secret est jalousement préservé, plusieurs auteurs ont, dans certaines circonstances, accepté de dévoiler leurs manuscrits de travail et certains ont autorisé ou même suscité leur publication. La signification et la portée de ces gestes varient considérablement selon les cas de figure. Situer l’entreprise de Toussaint par rapport à quelques autres exemples d’auteurs ayant donné leurs manuscrits à la publication s’avère révélateur.
On peut d’abord confronter la démarche de Jean-Philippe Toussaint à celle d’une écrivaine bruxelloise, appartenant à la même génération que lui : le facsimilé du manuscrit d’Hygiène de l’assassin d’Amélie Nothomb a paru en 2012 aux éditions des Saints Pères. « Cher lecteur,/ Ceci est le manuscrit d’Hygiène de l’assassin »14, écrit l’autrice dans la page liminaire. Ce que Toussaint met en ligne, ce n’est justement pas le manuscrit – qui désigne, chez Nothomb, la dernière mise au net du roman – mais les brouillons. Il y a bien, dans jptoussaint.com, la numérisation de quelques belles pages manuscrites, mais la plus grande partie de documents sont soit des dactylographies, soit des sauvegardes à partir d’un traitement de textes, présentées dans une police de travail. Double renoncement à l’élégance et la netteté de la page imprimée d’une part, et aux séductions les plus évidentes du manuscrit, à l’aura de l’autographe, de l’autre. Cette sorte d’ascétisme ne répond pas à une quelconque humilité, elle obéit simplement à la cohérence d’une démarche. Elle aspire à montrer le travail, et non son seul aboutissement : à travers les états successifs, les actes ayant engendré une œuvre, sans en omettre les tâtonnements, les fourvoiements, les impasses.
Un exemple bien plus proche serait celui de Jean-Michel Maulpoix, dont le site maulpoix.net propose (dans une rubrique explicitement nommée « Manuscrits et carnets »15) la numérisation de certaines pages empruntées à des carnets de voyage ou aux brouillons de deux recueils (Une histoire de bleu et Domaine public). Un trait qui se mesure d’abord en termes quantitatifs, mais se traduit aussitôt en une différence de nature, distingue les deux sites. Montrés avec une parcimonie extrême, les brouillons reproduits dans maulpoix.net se présentent comme des échantillons, aussi bien denses que rares, du travail de création. Jptoussaint fait également appel, comme nous le verrons, à une logique de l’échantillon, mais il bascule, en deux endroits essentiels du site, vers une démarche très différente : celle qui consiste à montrer la totalité ou la quasi-totalité des brouillons d’une œuvre.
Les affinités les plus profondes sont à trouver auprès de deux publications de Francis Ponge. C’est l’ensemble des brouillons d’une œuvre que Ponge donne à la publication dans La Fabrique du Pré16 en 1971, puis dans Comment une figue de paroles et pourquoi17, six ans plus tard. C’est à dessein que nous employons le mot « ensemble », aux contours indécis : une partie des brouillons du « Pré » a été écartée par Ponge dans sa publication, de même que Toussaint ne livre pas de l’intégralité des brouillons pour le Cycle de Marie (sans parler d’autres œuvres pour lesquels il ne propose qu’un petit nombre d’éléments avant-textuels). Dans les deux cas, cependant, l’ensemble des brouillons publiés offre un regard surplombant sur la gestation d’une œuvre. Il ne se contente pas d’illustrer quelques moments ou quelques actes dans la genèse de l’ouvrage, aussi riches ou représentatifs soient-ils, mais entreprend bel et bien de parcourir l’intégralité d’un processus, quitte à prévoir des ellipses.
Il n’est pas étonnant, dès lors, que le dessein des deux écrivains, tels que ceux-ci ont pu les exposer dans certains endroits, présentent des points essentiels de convergence. À commencer par le besoin, pour l’un comme pour l’autre, d’éclairer par des commentaires une publication qui ne va pas de soi : elle ne s’inscrit pas dans une pratique consacrée par l’usage, elle se heurte à des difficultés de diverses sortes, et éveille des objections et jusqu’à une certaine suspicion. « Mais pourquoi ce genre de littérature ? » se demande Ponge dans le prière d’insérer de La Fabrique du Pré18. La réponse qu’il apporte n’a rien de dogmatique et s’écarte même de l’énoncé assertif, mais elle ne se dérobe pas pour autant. Elle se fraye un chemin comme à tâtons ou par touches successives :
Voici un livre dont je ne sais trop ce qu’en définitive il sera.
Pourtant, qu’à cela ne tienne, de cela même ayant pu faire ce petit paragraphe déjà… Passé le fort du déduit, que désirez-vous lire encore ?
Quelque anecdote ? – La voici.
À l’ami de cette collection venu me rappeler ma promesse : « Vous vous adressez, lui ai-je dit, et cela, vous le saviez bien, à un vieux professionnel de la démystification à outrance. Les sentiers de la création, mes clients en connaissent un bout. Mais enfin, voyez donc ce fatras. Lisez-en ce que vous pourrez en lire. Laissez-en ce qui vous rebute. Qu’ensuite... De ce qui en aura résulté, et que par avance j’assume, chaque lecteur, à son tour, aura l’usage. »
Il s’agit ici, en l'espèce, de la prostitution, la tête sous l'oreiller, de mon pré. Mais pourquoi, me dira-t-on, ce genre de littérature ? – Pour une idée de temps en temps qui me hante, qui n’est, je le crains, qu’un lieu commun, seulement lu à l’envers :
C’est que le pire ennemi du mal, le seul en tout cas digne de lui, eh bien peut-être est-ce le pire19.
Au nom de quel principe, de quel intérêt se justifie la « prostitution » du poème ? Une « démystification à outrance » de l’acte d’écrire conduit, au bout du compte, à ce qui s’affirme comme une forme de connaissance des « sentiers de la création ». Chez Toussaint un équilibre s’installe également entre le repli sur une part d’opacité et le souci d’éclairer une initiative insolite. Comme nous l’avons vu, nous accédons très vite aux brouillons, avant d’avoir traversé un quelconque préambule ou texte de présentation. De même que le prière d’insérer se trouve à la périphérie du volume de Ponge20, les discours explicitant ou expliquant une démarche sont logés dans des pages reculées dans la profondeur du site : l’internaute a toutes les chances de ne tomber sur elles qu’a posteriori de sa navigation à travers telle ou telle série de brouillons.
Dans les entretiens, Toussaint devance les accusations d’exhibitionnisme. Son choix de transparence se veut, comme celui de Ponge, une opération de démystification. Il assume, plutôt que de la fuir, la menace que peuvent représenter les brouillons « pour l’image que les écrivains souhaitent donner d’eux-mêmes ». Les éventuelles faiblesses et imperfections qu’on y découvre ont d’abord le mérite de montrer « que leurs livres ne sont pas sortis ex nihilo de la cuisse de Jupiter »21. À la métaphore du chemin et du cheminement, présente déjà chez Ponge, Toussaint ajoute l’image du cuisinier, où se manifeste avec plus d’insistance encore la matérialité dont s’accompagne l’acte d’écrire :
Pour moi, il ne pose aucun problème de laisser voir la manière dont je travaille, comment le texte avance et se construit, un peu à la manière d’un cuisinier japonais, qui ouvre ses cuisines aux regards, sans que cela n’implique en rien une incursion dans son espace privé22.
Si, à près d’un demi-siècle de distance23, les points de convergence entre Francis Ponge et Jean-Philippe Toussaint sont nombreux, ils s’ordonnent autour d’une différence fondamentale, qui est le media de publication et, en définitive, l’objet publié : chez l’un, le livre ; chez l’autre, le site.
La publication numérique peut en toute facilité accéder à des dimensions beaucoup plus vastes que celle du volume. Rendre accessible dans un site une immense quantité de documents typographiques, visuels, sonores ou audiovisuels est relativement aisé alors que la publication en livre d’un nombre trop important de pages soulève aussitôt des difficultés, surtout s’il s’agit de documents à teneur non-typographique (telle la reproduction facsimilaire des brouillons). Cette différence ayant trait aux proportions s’avère plus importante qu’il n’y paraît d’abord : les brouillons publiés par Ponge gravitent autour d’un poème unique, relativement court – « Le Pré », tout comme « La Figue », occupe quelques pages seulement dans la revue Tel quel, où il paraît pour la première fois –. Dans jptoussaint.com on se trouve face à un domaine infiniment plus étendu : les éléments avant-textuels représentent plusieurs milliers de pages et de documents photographiques, sonores ou audiovisuels, et ils se rapportant à un très grand nombre des créations, littéraires ou non-littéraires de l’auteur. À la différence de l’ouvrage publié, le site est toujours susceptible d’évoluer : sa publication s’accompagne très naturellement d’une dynamique in progress. Or l’extension de jptoussaint.com repose, dans une importante mesure, sur l’apparition de nouveaux brouillons liés à de nouvelles œuvres. Des documents rattachés à L’Appareil-photo, à La Télévision, à Autoportrait à l’étranger, absents en juin 201924, ont fait leur apparition. La conséquence de cette amplitude de volume est que l’exploration dans le site ne concerne pas seulement le sens restreint du mot œuvre – l’opus isolé – mais son sens global – les opera omnia, l’unité de la recherche d’un auteur à travers la somme de ses productions successives.
Le « fatras » livré par Ponge dans la Fabrique du pré ou dans Comment une figue de paroles et pourquoi engage un rapport avec le lecteur tout à fait inhabituel. Sa lecture ne peut être que fragmentaire, trouée, lacunaire : « Lisez-en ce que vous pourrez en lire. Laissez-en ce qui vous rebute. Qu’ensuite... De ce qui en aura résulté, et que par avance j'assume, chaque lecteur, à son tour, aura l’usage »25. Ce n’est pas sans une certaine réjouissance, probablement, que l’auteur prévoit une lecture singulière à chaque occurrence : chacun des lecteurs recomposera le volume à son usage, bien en amont des résonances que celui-ci éveillera en lui, dès les contours versatiles et imprévisibles que formeront les pages, les phrases, les mots qu’il voudra bien lire ou qu’il parviendra à déchiffrer, et ceux qu’il laissera de côté.
Ce modus legendi fondé sur la singularité absolue de chaque lecture, le media choisi par Jean-Philippe Toussaint le postule d’emblée. Le site se construit à partir d’une structure réticulaire – comme le suggère la catachrèse de la toile, du net, du web – excluant la possibilité d’une lecture linéaire. Même l’improbable lecteur qui parcourrait chacun des contenus dans son intégralité en suivant scrupuleusement leur apparition de la gauche à la droite de l’écran, puis en déroulant chaque page du haut vers le bas, verrait vite sa navigation scindée, éclatée dans une cascade de clics au fil des écrans successifs. La navigation ne pouvant être que rhizomique et éclatée, l’unité du site tient de la tapisserie de Pénélope : elle se fait et se défait à chacune des visites de chaque internaute.
Comme nous l’avons vu, Jean-Philippe Toussaint ne se confronte pas sans méfiance aux séductions d’Internet : il se détourne d’emblée des promesses fallacieuses de l’interactivité ; ou plutôt, il cherche à leur imposer une exigence créatrice. Il en va de même pour la structure réticulaire, plurielle et mobile du site internet. L’auteur a conscience que les dimensions multiples de la toile et l’agitation des clics ne suffisent pas à garantir au site une mobilité organique : « Mais j’espère que tous ces éléments ne sont pas simplement là, juxtaposés les uns à côté des autres : il faut aussi que cela soit vivant, que cela croisse […] » ; « La malle d’archives, j’aimerais qu’elle bouge toute seule, qu’elle grouille »26.
Les icônes cliquables dans les différentes pages site forment des ensembles, délimitent des catégories, introduisent un ordre – et tout ceci menace de figer les contenus. Dans l’espace protéiforme de la toile, les « malles d’archives » virtuelles peuvent, après tout, se côtoyer aussi sagement que dans les dimensions stables du volume : ici seraient rangés les brouillons de la tétralogie de Marie ; plus haut, sur la bande horizontale, les archives de La Réticence ; l’exposition « Livre/Louvre », d’un côté ; l’exposition « Jean-Philippe Toussaint décoratif » de l’autre ; le « Borges projet » derrière l’icône de Saturne, et l’archive des traductions en cliquant sur la planète Terre. Une des façons dont le site déjoue cette inertie, dont il parvient à « ajouter de la forme à la forme »27, selon la devise de Toussaint, consiste à faire glisser, à faire germer des formes sur d’autres formes. La structure mobile du site propose des télescopages, éveille des correspondances, favorise les passages et les chevauchements.
C’est dans un des interstices du roman La Vérité sur Marie que naît le « Borges projet »28, galaxie en constante extension. Le néon cliquable de Monsieur29 dans la page « Maison » renvoie d’abord, sans surprise, au roman paru chez Minuit en 1986, puis à ses traductions, puis à un commentaire de l’auteur sur son propre texte pour parvenir, enfin, à l’affiche du film Monsieur. Ici, un clic ouvre sur les extraits et photos du film tourné en 1990, précédés du scénario annoté et du projet de découpage30. Un des cheminements les plus représentatifs du site nous amène, à de nombreuses reprises, de l’œuvre jusqu’aux processus qui l’ont engendrée : les romans conduisent vers leurs brouillons, le spectacle MMMM31 ou les expositions s’accompagnent de leur making of32. Un autre versant s’intéresse au destin de l’ouvrage après sa publication, qui n’est pas étranger à la création : les séances de travail dans le cadre du collège des traducteurs de Seneffe, dont rendent compte les procès-verbaux et l’enregistrement vidéo de séances33, amorcent l’archive d’une génétique de la traduction.
Le site jptoussaint.com n’a rien d’une production naïve : celle-ci se trouve déduite presque, comme nous l’avons vu, d’une réflexion sur le media qu’est Internet et les matériaux qui lui appartiennent en propre. Le dialogue qui s’est engagé depuis plusieurs années entre l’auteur et la critique universitaire se répercute de manière très immédiate dans la forme et les contenus du site : les « Cahiers d’archives »34 proposent l’édition critique de quatre romans inédits de Toussaint, confiée à Laurent Desmoulins ; le « Projet Réticence »35 ouvre sur le travail de l’équipe de chercheurs dirigée par Brigitte Ferrato-Combe dans le cadre de l’UMR Litt&Arts.
La critique génétique et le site ont en commun l’objet placé au centre de leur attention : « La genèse pour contenu ». Qu’en est-il de l’approche de cet objet ? L’image par laquelle Toussaint définit la sienne s’accompagne d’une part d’humour qui n’entame en rien sa précision : « La mayonnaise pour méthode »36. Fondée moins sur une théorie que sur une pragmatique, la méthode adoptée recèle une part de mystère : la mayonnaise prend ou ne prend pas. On pourrait également dire de cette méthode qu’elle ne tend pas vers l’unification, vers la découverte d’une voie unique, la plus adaptée et la plus précise, qui congédierait les autres, jugées moins rigoureuses ou moins efficaces. Jptoussaint.com explore plusieurs voies simultanément, dont chacune revendique sa part de légitimité. Le site suit moins une méthode que des méthodes. Les différentes approches ne s’abandonnent pas pour autant à l’ivresse de la prolifération : elles s’articulent au sein d’une construction mobile. Les correspondances et contrastes, où la part de liberté et de spontanéité est sans doute aussi importante que celle du calcul, y forment un jeu de transitivités et de réciprocités.
Pour les genèses non-littéraires, l’instrument privilégié de l’approche est le making-of. Cette forme audiovisuelle mériterait à elle seule un examen approfondi. Nous nous contenterons ici de signaler qu’elle s’étend entre deux pôles (d’inégale importance) dans le site. L’un et l’autre sont représentés dans les deux vidéos présentes dans la rubrique « Madd »37 (gravitant autour de l’exposition « Jean-Philippe Toussaint décoratif » à Bordeaux en 2019). L’une (« 190621 MADD EXPO TOUSSAINT ») repose sur un montage, où les commentaires des différents collaborateurs du projet – outre Jean-Philippe Toussaint lui-même, Anna Toussaint, Ange Leccia et Constance Rubini – occupent une place capitale. La vidéo qui la précède, « Genèse du titre d'une exposition », n’accueille quant à elle aucune voix off, nul commentaire dit ou écrit : le making-of s’écrit à travers les images muettes enregistrées par les caméras de vidéosurveillance, il ne fait rien d’autre que de surprendre le geste d’une main traçant des mots sur un panneau.
Cette oscillation – probablement, cette complémentarité – entre un acte créateur refermé sur son opacité et l’exégèse qui se propose de l’élucider trouve un équivalent dans les genèses littéraires. Excepté qu’ici les équilibres s’inversent. Les discours de l’auteur autour de la genèse de ses œuvres ou de son site constituent la part la plus discrète de jptoussaint.com. Dans les pages les plus visibles, les plus immédiatement accessibles et les plus abondantes se déploie une réflexion qui se passe de toute démarche explicative, de tout commentaire, de tout discours : elle réside dans la construction même de l’archive.
L’archive n’est jamais une réalité innocente ou neutre. Elle suppose, comme Jacques Derrida l’a montré, la « constitution d’une instance et d’un lieu d’autorité », ainsi que la « mise en œuvre topographique d’une technique de consignation38 ». De cela, la critique génétique a toujours eu une conscience très nette : elle sait que son action commence avant tout commentaire et toute analyse, à partir du moment où s’amorce la construction de l’archive. À propos du dossier de genèse – « l’ensemble matériel des documents et manuscrits se rapportant à l’écriture de l’œuvre que l’on entend étudier. » – Pierre-Marc de Biasi note que « ce n’est pas un donné mais au contraire le résultat d’un travail préliminaire [...] »39. La même remarque s’impose, avec une évidence accrue, à propos de l’avant-texte : « La notion d’avant-texte désigne le résultat d’un travail d’élucidation : c’est le dossier de genèse rendu accessible et intelligible. L’avant-texte est une production critique : il correspond à la transformation d’un ensemble empirique de documents opaques en un dossier de pièces ordonnées et significatives »40.
Qu’en est-il des principes et des méthodes d’archivage à l’œuvre dans jptoussaint.com ? à quelle « technique de consignation » les brouillons présents sur le site sont-ils soumis ? Deux orientations divergentes (ce qui ne signifie pas contradictoires) semblent s’y rencontrer.
L’une obéit à une vocation anthologique. Le choix de fleurs auquel renvoie l’étymologie du mot anthologie suggère une part d’arbitraire – d’un arbitraire motivé : alimenté par la curiosité et le plaisir, il tient étroitement compte (que ce soit de manière consciente ou intuitive) des caractéristiques de chaque fleur favorisée et de l’accord que celle-ci peut former avec les fleurs qui l’entourent. Il en va de même pour les documents présentés dans certains endroits du site. De toute évidence, ils sont choisis en fonction de leur densité, leur richesse, leur singularité : ils sont, plus que d’autres, représentatifs de telle dimension spécifique du travail d’écriture. Dans la page « Maison » s’affichent (au milieu d’idéogrammes chinois et japonais) neuf titres d’œuvres de Jean-Philippe Toussaint en néon, dont chacun conduit vers des éléments fort divers. Pour L’Appareil-photo41, par exemple, une série de tapuscrits avec corrections et ajouts manuscrits permet de suivre l’aboutissement d’un paragraphe à travers sa patiente, son inlassable reprise. Pour La Télévision42, des notes écrites à la main témoignent d’une recherche éclatée (« aphorismes », bouts de dialogues, phrases et cellules de mots) en même temps que des impressions papier avec de nombreux ajouts manuscrits nous permettent de confronter le travail à partir de deux états d’un passage du texte (la première rencontre avec Michelius), et qu’une autre série de feuillets nous fait examiner les brouillons d’un passage supprimé (la deuxième rencontre avec Michelius). Pour La Salle de bain, dont aucun brouillon n’a survécu, c’est le récit de l’auto-da-fé consumant des centaines de pages43 qui reconstitue une trace au-dessus d’un vide.
Une deuxième orientation aspire, quant à elle, à une exhaustivité totale ou relative. La rubrique « Projet Réticence »44 ouvre sur 2700 feuillets, soit l’intégralité des brouillons du quatrième roman de Jean-Philippe Toussaint, accompagnés des documents entourant sa publication45. L’ensemble des titres du cycle de Marie (cliquables dans la page de titre) convoque, quant à lui, un choix de certaines sauvegardes, impressions papier et pages manuscrites. Cette sélection tend vers l’exhaustivité – une exhaustivité dont l’accomplissement s’avérait d’entrée de jeu problématique, et presque impossible. Non seulement la quantité de documents liés à l’écriture des quatre romans est immense, mais le sens même du mot exhaustivité devient difficile à cerner lorsqu’on pénètre dans le champ d’une écriture nativement numérique : on ne saurait le limiter aux impressions papier et aux sauvegardes effectuées par l’auteur, aussi régulières et nombreuses soient-elles ; l’ordinateur et les différentes mémoires numériques sont susceptibles de conserver une quantité incommensurable des traces – virtuellement, chacune des actions exécutées par le scripteur sur son clavier – qu’une exploration forensique pourrait faire émerger.
Dans l’état actuel du site ces deux corpus à vocation exhaustive se font écho pour former une sorte de diptyque. Il n’est nullement certain que ce diptyque (qui pourra d’ailleurs se trouver dilué dans l’évolution ultérieure du site) corresponde à un choix déterminé a priori : la disposition des icônes dans l’écran d’accueil – l’image du chat dans la bande en haut de l’écran, les quatre romans de la tétralogie s’étalant sur la carte du monde et la quasi-totalité de l’écran – ne suggère pas entre ces deux ensembles une correspondance privilégiée. Néanmoins, le jeu des contrastes est trop marqué ici pour ne pas faire sens : à un roman isolé répond un cycle romanesque ; à la dernière œuvre écrite à la machine à écrire font écho quatre romans écrits sur traitement de textes ; à un texte boudé par la critique fait pendant une des œuvres les plus lues et les plus commentées de Toussaint ; le féminin absent de la première œuvre (mais non de son avant-texte) fait ressortir l’omniprésence du féminin dans la tétralogie…
Parmi ces contrastes, l’un nous intéresse particulièrement. Les 2700 feuillets de brouillons pour La Réticence ont été déposés au Service Interuniversitaire de Documentation de l’Université Grenoble Alpes, répartis dans cinq boîtes. C’est à l’équipe de chercheurs dirigée par Brigitte Ferrato-Combe que revient la tâche d’en constituer l’archive à partir d’un état brut ou quasi-brut, d’en construire l’avant-texte selon les méthodes dont le choix lui appartient. Le clic sur un des liens de la page « Projet Réticence » nous fait traverser un seuil significatif : nous passons du site jptoussaint.com à celui de l’Équipe Littératures et Arts Numériques (http://reticence.elan-numerique.fr/) et aussi à un travail sur lequel l’écrivain n’a plus prise. Il en va tout autrement pour l’archive de M.M.M.M.46 : l’avant-texte est ici construit par l’auteur lui-même. Nous avons parlé d’une exhaustivité relative à propos de son dossier de genèse. Il serait plus exact peut-être de dire que la vocation exhaustive y croise la vocation anthologique. Pour chacun des romans, une partie du protocole est identique, ordonné selon trois sections : A. « États du manuscrit » : des sauvegardes successives du manuscrit numérique, allant de trois pour Faire l’amour à huit pour La Vérité sur Marie et Nue. B. « Plans, variantes, débris » : des passages que Toussaint a détachés du flux de son travail rédactionnel par des opérations de copié-collé pour en constituer un fichier à part. C. « Brouillons, manuscrits » (devenant « Brouillons, notes, dessins » pour Nue) accueillant essentiellement la numérisation de documents originellement non-numériques : pages manuscrites ou bien corrections et ajouts à la main sur des impressions du fichier informatique. En même temps, des choix spécifiques propres à chaque roman font intervenir un esprit anthologique. Certains des éléments retenus le sont dans la mesure où ils rendent compte de telle opération, de telle dimension, de tel cas de figure. Ils ont une valeur d’échantillon. Ainsi, des documents relevant de la correction des épreuves s’ajoutent dans une quatrième rubrique pour Fuir47. Les échanges par mail avec un commandant de bord éclairent le travail de documentation pour la célèbre scène du cheval dans l’avion48 dans La Vérité sur Marie. Pour Nue, nous avons les dessins ayant servi de support à l’écriture : celui du cimetière49 ou celui de la Rivercina50.
L’archive des brouillons pour M.M.M.M., de même que les archives plus résolument anthologiques présentes dans le site, constituent la réalité hybride d’un avant-texte auctorial. Celui-ci résulte d’un acte qui, habituellement assumé par le chercheur à partir d’une position extérieure à l’écriture, se trouve assumé par l’auteur lui-même. Dès lors, son statut change radicalement : une dimension créative s’ajoute au regard critique. Il n’y a, au fond, ici, aucune contradiction ni aucune dissonance. On y verrait plutôt l’accomplissement d’une des figures de la modernité, telle que l’énonce Baudelaire lorsqu’il fait du poète « le meilleur de tous les critiques » et qu’il affirme qu’« il est impossible qu’un poète ne contienne pas un critique »51. Le regard critique de l’auteur se porte à présent non seulement sur l’œuvre en cours ou sur l’œuvre à venir, mais aussi sur les créations antérieures. L’exploration de la préhistoire des textes devient ferment vers des créations futures, tout en devenant elle-même une création.
À propos d’un site où la littérature est omniprésente, où l’acte d’écrire et ses traces sont constamment scrutés, Jean-Philippe Toussaint affirme : « ce n’est pas un site d’écrivain »52. On aurait tort de voir dans cette déclaration une simple provocation. Si pratiquement aucun des éléments du site n’est entièrement étranger au livre ou à l’écriture (car même dans les créations qui investissent des matériaux non textuels – films, expositions, spectacles – le livre et l’écriture restent présents à travers leurs empreintes ou leurs miroirs, leurs images ou leurs échos), il n’en demeure pas moins que la création qui s’y réalise a lieu dans le tissu même du site, dans les jeux de son architecture mobile. C’est dans les mouvements et les seuils entre les différents contenus, dans les entrecroisements et les bifurcations entre les différents chemins que se loge l’écriture.
La création y est aussi retour sur le geste qui crée, et aliment de nouvelles créations. De même que La Fabrique du pré fait partie de l’œuvre de Francis Ponge, et trouve sans conteste une place parmi les Œuvres complètes dans l’édition de la Pléiade, le site jptoussaint.com, avec les archives, les avant-textes qui s’y déploient, fait partie de l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint. Il y occupe une place singulière, aux sources de l’œuvre et en même temps, au-delà de l’œuvre : tout à la fois avant-œuvre, méta-œuvre et hyper-œuvre.
[1] « Philippe DE JONCKHEERE – Tentatives d’autoportrait en html », Entretien avec Christèle Couleau et Pascale HELLEGOUARC’H, Genesis n°32, Journaux personnels, 2011, p. 141-148, p. 141.
[2] Jean-Philippe TOUSSAINT, « La mayonnaise et la genèse » (entretien réalisé par Laurent Demoulin à Villeroux le 1er août 2014), NRF n°610, novembre 2014, p. 114-125. L’article est accessible sur le site : http://jptoussaint.com/documents/6/63/ENRF.pdf. Toutes les références au site jptoussaint.com renvoient à une consultation faite le 12 février 2021.
[3] J.-P. TOUSSAINT, « Mettre en ligne ses brouillons », Littérature, vol. 178, no , 2015, p. 117-126, p. 120. L’article est accessible sur le site :
http://jptoussaint.com/documents/e/e9/Litt%C3%A9rature.compressed.pdf
[4] Ibid., p. 117.
[5] Ibid., p. 117-118.
[6] Mis en ligne à partir de 2009.
[7] http://jptoussaint.com/borges-projet.html – Le projet, qui continue de s’enrichir de nouveaux textes et de traductions, a été lance en 2014.
[9] J.-P. TOUSSAINT, « La mayonnaise et la genèse », op. cit., p. 123.
[10] http://jptoussaint.com/meta-site.html. Les liens dans cette page renvoient aux articles « La mayonnaise et la genèse » (NRF) ; « Mettre en ligne ses brouillons » (Littérature) ; « ‘… comme si les internautes pouvaient se promener librement dans mon ordinateur’ Entretien avec Jean-Philippe Toussaint », Passim n°14, 2014 ; « Le site Internet d'un écrivain, œuvre ou complément de l'œuvre », dialogue entre Jean-Philippe Toussaint et Miha Mazzini, Ljubljana, 2010. Ils renvoient également à l’émission radiophonique, « Jean-Philippe Toussaint : J’aime beaucoup parler de mon travail au moment où je le fais » diffusée sur France Culture, le 18 septembre 2014.
[11] Rappelons qu’en 2017, J.-P. Toussaint a rassemblé en un seul volume, sous le titre M.M.M.M., les quatre romans formant le Cycle de Marie : Faire l’amour (2002), Fuir (2005), La Vérité sur Marie (2009) et Nue (2013). Tous ces ouvrages sont publiés aux Éditions de Minuit.
[14] Amélie NOTHOMB, Hygiène de l’assassin, version manuscrite, Cambremer, Éditions des Saints Pères, 2012. L’initiative de cette publication appartient probablement à la maison d’édition, spécialisée dans la publication de manuscrits originaux en facsimilé.
[16] Francis PONGE, La Fabrique du Pré, Skira, coll. « Sentiers de la création », février 1971. Le poème « Le pré », a paru quelques années auparavant, en 1964, dans la revue Tel Quel.
[17] F. PONGE, Comment une figue de paroles et pourquoi, Paris, Flammarion, 1977. Le poème « La figue » a paru pour la première fois en 1960, dans le premier numéro de la revue Tel Quel.
[18] F. PONGE, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 2002, p. 561.
[19] Loc. cit.
[20] Il est vrai que l’archive des brouillons du « Pré » est précédée dans le livre de la partie « Les Sentiers de la création » qui, d’une certaine manière, éclaire l’écriture du poème et par réfraction, la teneur de ses brouillons.
[21] J.-P. TOUSSAINT, « La mayonnaise et la genèse », p. 120.
[22] Loc. cit.
[23] Le site jptoussaint.com a été créé en 2009.
[24] Voir le disque dur confié à l’ITEM par J.-P. Toussaint, sauvegarde de l’état du site en juin 2019. Ce disque dur n’a pas reçu de cote à ce jour.
[25] La Fabrique du pré, « Prière d’insérer » in F. PONGE, Œuvres complètes, t. II, , p. 561.
[26] J.-P. TOUSSAINT, « Mettre en ligne ses brouillons », p. 120.
[27] Cité par Brigitte FERRATO-COMBE, « Le projet Réticence : faire vivre les archives de la création » in Lire, voir, penser l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint, textes réunis par Jean-Michel DEVESA, Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2002, p. 169-170.
[31] Créé au théâtre « La Comédie » de Clermont-Ferrand le 14 mars 2016.
[33] http://jptoussaint.com/traductions.html.
[36] J.-P. TOUSSAINT, « La mayonnaise et la genèse », p. 117.
[38] Jacques DERRIDA, Mal d’archive, Paris, Éditions Galilée, 1995, p. 2 du prière d’insérer.
[39] Pierre-Marc DE BIASI, Génétique des textes, Paris, CNRS éditions, 2011, p. 67.
[40] Ibid., p. 69.
[43] http://jptoussaint.com/documents/6/68/Brouillons_Salle_de_bain.pdf. (L’extrait est tiré d’un texte publié dans le recueil Mes bureaux, luoghi dove scrivo, Amos Edizioni, 2005, et repris dans L’Urgence et la patience, Paris, Éditions de Minuit p. 15-19).
[45] Voir Brigitte FERRATO-COMBE, « Le projet Réticence : faire vivre les archives de la création », p. 167.
[48]http://jptoussaint.com/documents/0/0e/Correspondance_avec_Guilhem_Perricher%2C_commandant_de_bord_Air_France.pdf.
[51] Charles BAUDELAIRE, « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris », Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », édition établie par Claude Pichois, 1976, p. 793.
[52] « Jean-Philippe Toussaint : J’aime beaucoup parler de mon travail au moment où je le fais », émission radiophonique, diffusée sur France Culture, le 18 septembre 2014. Le lien est accessible depuis le site : https://www.franceculture.fr/emissions/voix-nue/jean-philippe-toussaint-j-aime-beaucoup-parler-de-mon-travail-au-moment-ou-je-le.
Résumé
Parmi les sites d’écrivain, le site jptoussaint.com se caractérise par certains choix singuliers, notamment la décision d’exclure pratiquement toute forme de création littéraire, afin de miser sur une « création informatique ». Celle-ci épouse une exploration de la genèse des différents ouvrages, littéraires et non-littéraires – et par là sans doute, la manière dont se construit, au gré d’entreprises parfois très différentes, l’œuvre de leur auteur. On pourrait dire que le site déploie un discours à teneur génétique, excepté qu’il s’agit d’un discours non-discursif, résidant non dans une quelconque forme de prose, mais dans la structure même du site, logé dans le tissu de ses correspondances, échanges et équilibres.
Abstract
Amongst writer’s personal websites, jptoussaint.com stands out for several reasons, in particular its decision of excluding almost any form of literary creation. The website’s goal is the elaboration of a digital – not a textual – creation. Thus jptoussaint.com explores the genesis of most of Jean Philippe Toussaint’s written works, but also of his films, performances or exhibitions. One might say it constructs a discourse on literary and artistic creation’s genetic processes – except that this discourse does not take a textual or oral form : it lies inside the website’s structure, within the net of its interactions.
Franz JOHANSSON
Sorbonne Université-ITEM
TOUSSAINT, Jean-Philippe, M.M.M.M., Paris, Éditions de Minuit 2017. Le volume rassemble la tétralogie constituée par Faire l’amour (2002), Fuir (2005), La Vérité sur Marie (2009) et Nue (2013).
—, « La mayonnaise et la genèse » (entretien réalisé par Laurent Demoulin, le 1er août 2014), NRF n°610, novembre 2014, p. 114-125.
—, « Mettre en ligne ses brouillons », Littérature, vol. 178, no2, 2015, p. 117-126.
BAUDELAIRE, Charles, « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris », Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », Claude Pichois (éd.), 1976, p. 779-815.
DE JONCKHEERE, Philippe, « Philippe de Jonckheere – Tentatives d’autoportrait en html », Entretien avec Christèle Couleau et Pascale Hellégouarc’h, Genesis n° 32, Journaux personnels, 2011, p. 141-148.
DERRIDA, Jacques, Mal d’archive, Paris, Éditions Galilée, 1995.
FERRATO-COMBE, Brigitte, « Le projet Réticence : faire vivre les archives de la création », in Jean-Michel DEVESA (dir.) Lire, voir, penser l’œuvre de Jean-Philippe Toussaint, Bruxelles, Les impressions nouvelles, 2002, p. 169-170.
NOTHOMB, Amélie, Hygiène de l’assassin, version manuscrite, Cambremer, Éditions des Saints Pères, 2012.
PONGE, Francis, La Fabrique du Pré, Milan, Skira, collection « Sentiers de la création », février 1971.
—, Comment une figue de paroles et pourquoi, Paris, Flammarion, 1977.
—, Œuvres complètes, t. II, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2002.
Sites internet
http://www.jptoussaint.com