La figure du faune est un motif très courant dans la littérature et les beaux-arts, au moins depuis la Renaissance qui a trouvé dans cette créature mythique un personnage de choix. Il n’y a donc rien d’étonnant à en retrouver de multiples avatars dans les textes du xixe siècle. Mais le contexte culturel changeant, on doit bien faire l’hypothèse que le sens de ce motif n’a pu demeurer identique et qu’il s’est vu investir de nouvelles valeurs. Et le faune étant une chimère, un assemblage fantastique d’humain et d’animal, il entre dans une catégorie problématique pour les sciences de la vie et plus généralement les représentations du vivant. Chaque époque eut sa manière de prendre en charge cette problématique et l’on peut se demander dans quelle mesure le xixe siècle, moment de grande inventivité en histoire naturelle, a relu la figure du faune au filtre des nouveaux savoirs. Il ne s’agit pas de plaquer une explication positiviste supposant que le progrès scientifique entraîne dans son sillage, bon gré mal gré, les retardataires littéraires et artistiques, demi-savants trop heureux d’y trouver une source d’inspiration ! On considérera plutôt ici que littérature, sciences et arts font partie d’un tout culturel en mouvement au sein duquel des idées, des représentations, des valeurs sont partagées dans différents domaines sans que les cloisonnements disciplinaires y mettent vraiment d’obstacle. Ainsi, les théories de l’évolution ont bien pu féconder la manière dont on se représente le faune, dont on en interprète le mythe, mais c’est tout autant le mythe, selon notre hypothèse, qui fournit aux sciences un arrière-plan culturel sur lequel – et grâce auquel – se forment des représentations innovantes de la vie.
Dans le cas du faune – que, par commodité, on ne distinguera pas ici du satyre, de l’aegipan, du sylvain et du chèvre-pied – le problème principal qu’il manifeste et qui le désigne à notre intérêt est le lien, voire la confusion, qu’il incarne entre l’animalité et l’humanité. La tension entre ces deux pôles pose d’abord la question de sa possibilité ontologique, puis celle de son sens mythologique. La chimère ou, sous un nom plus savant, l’hybride, cache quelque chose, recèle un mystère, mais constitue en même temps l’indice d’une vérité à révéler, d’un secret à percer. Or c’est finalement la fonction éternelle du mythe que de tramer de tels mystères et celle du poète (versificateur ou prosateur) de s’en faire l’interprète et le narrateur.
On se propose donc d’ici d’effectuer un simple repérage préalable à des recherches plus approfondies : on a seulement relevé et cité brièvement les textes qui semblaient former un corpus intéressant et on en propose un classement ordonné en fonction de cinq grandes orientations données par les écrivains à leur réemploi de la figure mythique. Dans ce corpus, on remarquera que le début du siècle est peu présent, au contraire de la fin de siècle. C’est dû au fait que les faunes directement issus de l’héritage classique restent très conventionnels et ne se distinguent pas d’un fatras néo-classique essentiellement décoratif. En revanche, le corpus devient plus riche avec les romantiques et plus encore autour des mouvements symbolistes et décadents qui réinvestissent la figure du faune comme un motif important d’un nouvel imaginaire culturel.
L’interprétation du faune la plus conforme au mythe antique est celle d’une libido mâle naturelle et épanouie. D’où la nostalgie de Rimbaud (qui annonce d’autres nostalgies, autrement mythiques, dans Une saison en enfer) :
Ô Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l’antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d’amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante ;
[…]
Ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !1
Mais ces vers sont d’un écolier encore pudique. Plus généralement, cette puissance désirante, sous la forme faunesque, brutalise et viole les réticences des nymphes, leurs proies féminines désignées. Dans nombre de textes, les plus typiques, le faune est donc un stéréotype genré mais édulcoré et comme déculpabilisé par la mythologie : c’est le destin des nymphes d’être violées, voire, si l’on en tire une leçon générale, ces représentantes de la gent féminine auraient naturellement besoin d’être forcées pour trouver, ensuite, leur propre plaisir.
Chez Maupassant, qui fut poète quelquefois, la fureur érotique donne toute leur crudité aux « désirs de faune » :
Désirs de faune
À celle qui m’a révélé l’amour
Oh ! Quand la chair se gonfle et se dresse brûlante !
Quand toute l’âme est là, tendue et pantelante,
Et la tête affolée – écumant de désirs,
Ne sachant où chercher de plus cuisants plaisirs,
Jeter sa langue ardente entre les cuisses nues !
Et les deux bras crispés sous les fesses charnues
La respirer, sentir son odeur, la lécher
Avec l’emportement du bouc et du Satyre,
La sucer jusqu’au sang, la mordre, s’attacher
Comme une pieuvre humaine et la boire – et se rire
De ses convulsions, et sentir tout son corps
Qui se brise, et se gonfle en d’effrayants transports,
Dans des crispations, des spasmes et des rages,
Étouffant, sanglotant, hurlant des cris sauvages !2
On trouve pourtant une poétesse pour, sous un pseudonyme masculin, s’imaginer faunesse :
VŒU
Je n’ai rien voulu des hommes
Oublieux et mensongers ;
Sous les raisins et les pommes
Je dors au fond des vergers.
Satyres, gais petits faunes,
Ô vous qui veniez des bois
Dérober mes pêches jaunes,
Juteuses entre vos doigts,
C’est à votre folle bande
Que je lègue mon tombeau ;
[…]
Enfants du profond feuillage,
Près de vous que n’ai-je pu
Vivre la beauté de l’âge
D’un corps libre, heureux et nu !
De ma joueuse jeunesse
Songez aux chers jours passés…
J’étais peut-être faunesse
Par mes longs yeux retroussés.3
Une autre poétesse se plaît à varier la figure du faune pour la spiritualiser. Pour Anna de Noailles, en effet, le faune regrette que la nymphe se soit donnée car il n’est pas seulement le « feu turbulent de la chair » mais aussi un « rêve vieilli » dont la quête outrepasse le désir charnel :
Le chant du faune
Praxô, j’ai désiré me mêler à ta vie
Parce que l’univers reflète en toi ses jeux,
Et que ton corps naïf, jubilant, orageux,
Me fait, comme le monde, une éternelle envie !
Ce n’est pas tant le feu turbulent de ma chair
Qui voulait s’humecter aux fraîcheurs de ton être.
Mais mon rêve vieilli, par ta grâce, pénètre
Plus avant dans le temps et le divin éther.4
Parmi les variations fin-de-siècle, celle donnée par Rémy de Gourmont, un peu avant Anna de Noailles, cherche à surprendre en présentant un faune assagi et comiquement victime des préjugés. Dans ses Lettres d’un satyre, Gourmont imagine la fable d’un satyre domestiqué, tombé amoureux d’une femme moderne et qui se met en ménage avec elle. Le fait qu’il soit un satyre le fait simplement plaider pour la réhabilitation du plaisir charnel comme un fondement de l’amour. Il n’oppose plus le sentiment au désir ni la chair à l’esprit mais montre que ce que les hommes appellent sentiment n’est que le raffinement du désir.
Ainsi, ce satyre raffiné s’indigne de l’image que l’on a de lui. Il ne peut pas aller s’asseoir sur un banc dans un parc à regarder jouer des petites filles sans qu’on le chasse rudement. Il va même jusqu’à critiquer les métaphores guerrières de la littérature amoureuse des humains. Lui ne prétend pas forcer les femmes à se rendre, à baisser leur garde, à rendre les armes, ni même les violer : certes il admet l’usage de la surprise et de l’enlèvement, mais seulement lorsque la femme est consentante5.
L’originalité et la modernité de cette conception de l’érotisme est qu’elle suppose à la femme autant de désir qu’à l’homme, même si elle ne l’exprime pas de la même manière et même si les rôles distribués différencient bien les pôles masculin et féminin.
On peut enfin relever un mythe singulier chez Louis Bouilhet, l’ami de Flaubert, qui invente la destinée d’Antéros, frère aîné d’Éros, dont l’histoire est nébuleuse6. Il raconte que cet enfant adultérin de Mars et Vénus, pour être dérobé à la colère de Vulcain, est élevé dans une grotte par des faunes. Vulcain, qui le découvre, se venge de l’adultère en le jetant dans la lave d’un volcan, ce qui le brûle et rend sa peau noire. Vénus parvient toutefois à le sauver mais, sa peau restant noire, il est envoyé porter l’amour dans les pays d’Afrique pour ne pas effrayer les Européens. Il est alors décrit dans un cortège de bêtes sauvages et exotiques. Il faut retenir que son étrangeté et son animalité ont une double origine : non seulement la brûlure qui a noirci sa peau, mais aussi son éducation faunesque. Cela laisse percevoir une conception, bien sûr raciste, de l’amour noir et de la négritude, comme plus proche du monde animal car liée à l’influence des faunes, et soumise à une sorte de malédiction. Cette imagerie explique pourquoi Antéros, dont le nom n’est jamais écrit, est l’opposé du joli enfant joufflu et rose, son frère, Éros.
Parallèlement à ces réécritures du mythe qui visent peu ou prou à raffiner ou ensauvager la libido masculine, la figure du faune sert souvent au poète à signaler un amour physique qui prend le pas sur l’amour spirituel et sentimental. Ainsi de Théodore de Banville qui met en garde le jeune Baudelaire :
Ô poëte, il le faut, honorons la Matière ;
Mais ne l’honorons point d’une amitié grossière,
Et gardons d’offenser, pour des plaisirs trop courts,
L’Amour, qui se souvient, et se venge toujours.
Notre âme est trop souvent comme cette Bacchante
Que, dans une attitude aimable et provocante,
Le Satyre caresse et retient dans ses bras,
Rouge de ses désirs et de son embarras,
La tête renversée et les lèvres mi-closes, –
Et que l’enfant Amour châtie avec des roses.
Mars 18457
Chez Félicien Champsaur, un savant génial et pervers a trouvé le secret de l’invisibilité et s’en sert pour visiter nuitamment les femmes qu’il désire, d’où le titre d’Homo-deus : le satyre invisible. Une femme visitée par lui alors qu’elle est au bord du sommeil ne sait si elle rêve ou si c’est un faune qui la visite et l’embrasse… Le stratagème érotique exploite alors le double sens du mot satyre, la créature mythologique euphémisant le maniaque moderne8. Mais, dans le même esprit, c’est encore Gourmont qui avait fait du satyre un avatar du succube, ce démon des légendes populaires qui vient posséder les femmes la nuit, dans leur sommeil. Dans la nouvelle « Le Faune », une femme qui, un soir, a refusé de rejoindre son mari dans sa chambre, se prend à fantasmer toute seule et s’excite en pensant à un être désirable :
Elle rêva d’une fornication somptueuse, d’un stupre inattendu dont elle serait la complaisante victime, au coin du feu, sur cette bonne fourrure ; oui, avec la complicité de cette bonne bête, de cette chèvre aimable et dévouée […].
L’incube épars dans la chambre tiède rassemblait ses atomes et se matérialisait […]. Une ombre, comme d’un faune éphèbe, obscurcit la glace de la cheminée et un souffle lui troubla les cheveux et lui chauffa la nuque.
Elle avait peur, mais elle désirait avoir encore plus peur ; pourtant, elle n’osa ni se retourner, ni lever les yeux vers la glace. Ce qu’elle avait senti était douloureusement doux ; ce qu’elle avait vu était inquiétant, étrange, curieusement absurde : une tête blonde et dure, aux yeux dévorants, à la bouche large et presque obscène, à la barbe pointue… Elle frissonna : il devait être beau et grand, très fort, cet être qui allait l’aimer ! Comme elle tremblerait dans ses bras ! Mais elle tremblait déjà, déjà possédée, déjà la proie du monstre amoureux qui la guettait et la convoitait.
Mais le fantasme se dissipe brutalement lorsqu’elle aperçoit son reflet dans le miroir et qu’elle voit en fait sa laideur, car ce fantasme n’a d’autre apparence que celui de son propre désir et elle s’effraye de voir dans le miroir l’image de ce désir obscène :
Elle avait fermé les yeux, mais trop tard ; elle avait vu le monstre face à face, et non plus selon les complaisants reflets d’une glace identique à son rêve ; elle l’avait vu, non plus façonné par le désir, mais déformé selon la réalité la plus étroite : il était si laid, avec sa face de bouc cruel, si laid et si bestial et ivre d’une volonté si précise et si basse, quelle s’indigna et se redressa.
Elle se vit nue dans la grande psyché, au fond de la chambre, toute nue et toute seule dans la chambre morne9.
Cette antithèse de l’amour physique et des aspirations spirituelles fournit encore la matière dramatique d’un conte de Jules Laforgue. Alors que Pan, le dieu cornu à pattes de bouc, donc le dieu faune, poursuit à perdre haleine la nymphe Syrinx, ils ont un échange philosophique que l’ironie laforguienne rend comique :
— Pourquoi me poursuivez-vous ? lui crie-t-elle, d’une voix habituée à lancer et retenir les meutes de Diane.
— Parce que je vous aime ; vous êtes mon but ! répond-il de sa voix la plus panthéiste.
De sa voix la plus panthéiste ! Mais Syrinx, compagne de Diane, est spiritualiste, elle doit avoir ses idées sur la reproduction, etc.
— Me tenez-vous pour un animal, un petit animal classé ? Savez-vous que je suis inestimable !
— Et moi, je suis un artiste, quelqu’un d’étonnant ! Mais au fond, mon âme est celle d’un grand pasteur, vous verrez.
— Sachez que mon orgueil de rester moi-même égale au moins ma miraculeuse beauté ! Bien que je sache, parfois, être enfant…
— Ô Syrinx ! Voyez et comprenez la Terre et la merveille de cette matinée et la circulation de la vie. Oh ! vous là ! Et moi, ici ! Oh, vous ! oh, moi ! Tout est dans Tout !
— Tout est dans Tout ! Vraiment ? Ah, ces gens à formules ! Eh bien, chantez-moi d’abord ma beauté.
— Oh, oui ! C’est cela !10
La Syrinx voudrait échapper à sa part d’animalité pour être idéale, ce que Pan – bouc, artiste, pasteur, panthéiste… – feint d’accepter !
Mais ce n’est que chez Mallarmé que le faune assume pleinement la sublimation de son désir. Le faune de Mallarmé idéalise la chose en faisant des nymphes des fantasmes évoqués par sa flûte, donc par sa poésie : il est à la fois le faune libidineux et le faune poète mais le poète qui transcende la libido réelle pour en faire de la poésie. Lorsqu’il entonne : « Ces nymphes, je les veux perpétuer »11, le double sens de « perpétuer » doit faire sentir que l’œuvre de chair s’efface au profit d’une autre sorte de reproduction, la perpétuation artistique, la représentation qui se fait suggestion, évocation.
Enfin, c’est chez le poète spiritualiste Laprade que se rencontre la version la plus euphémisée du mythe12. Le faune n’est plus que l’emblème de l’énergie vitale qui permet le rajeunissement du monde, son perpétuel printemps. Il est la force de la jeunesse qui fait revivre, cycliquement, le vieil univers.
Le Faune
Le chêne est resté nu, noir, seul comme devant.
IV
Mais de ses larges flancs où s’émousse la hache
Surgira mille fois l’hôte obscur qui s’y cache ;
Et le Faune immortel, réveillant les amours,
Si vieux que soit le chêne, y chantera toujours.
Le monde encor verra de sa sombre demeure
L’adolescent sacré s’élancer à son heure,
Jouant de ses pipeaux, éternels comme lui,
Et, d’un souffle léger, chassant le lourd ennui.
Sitôt qu’il reparaît, sitôt qu’il fait entendre
Sur les roseaux de Pan sa chanson vive ou tendre,
Le prodige adoré s’accomplit dans les bois :
L’arbre est peuplé d’oiseaux, de fleurs comme autrefois,
Égayé de festins et de rondes champêtres;
Un frisson printanier fait bondir tous ces êtres,
Et l’homme enfin connaît à des signes divers
Qu’un dieu jeune a souri dans le vieil univers.
Le faune fait partie des chimères inventées par l’Antiquité pour manifester la monstruosité comme assemblage du disparate, mais signaler aussi par là-même que l’imagination créatrice procède généralement en assemblant des parties connues pour créer un tout inouï. La possibilité de tels assemblages ne manque pas de poser des problèmes scientifiques ou éthiques et souvent les deux à la fois. Mais c’est précisément de cette manière que la philosophie se trouve interpellée. De Maillet, dans l’entretien qu’il signe Telliamed, invoque d’invraisemblables témoignages sur les hommes-poissons pour soutenir la thèse neptunienne d’une Terre originaire où toute vie aurait pris sa source dans l’eau des mers13. À la même époque, les réflexions vont bon train sur les limites entre espèces et la possibilité de reproduction en les croisant, y compris l’espèce humaine. Voltaire s’amuse des sauvages qui frayent avec des singes, dans Candide, comme encore Musset, dans Gamiani, dont une héroïne très civilisée est « ensinginée »14. Maurice Sand tourne la chose d’un côté moins graveleux et plus savant – mais charlatanesque – dans La Fille du singe, dont l’héroïne est censée être née du viol d’une femme par un singe15.
Mais la réflexion la plus spirituelle sur cette question de l’hybride humain se trouve sans doute dans la Suite de l’entretien qui prolonge le Rêve de d’Alembert où Diderot fait dialoguer le docteur Bordeu et Mlle de Lespinasse qui abordent notamment la question de savoir « si les faunes sont réels ou fabuleux » :
BORDEU. – […] puisque vous le voulez, je vous dirai que, grâce à notre pusillanimité, à nos répugnances, à nos lois, à nos préjugés, il y a très peu d’expériences faites, qu’on ignore quelles seraient les copulations tout à fait infructueuses ; les cas où l’utile se réunirait à l’agréable ; quelles sortes d’espèces on se pourrait promettre de tentatives variées et suivies ; si les faunes sont réels ou fabuleux […].
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Mais qu’entendez-vous par des tentatives suivies ?
BORDEU. – J’entends que la circulation des êtres est graduelle, que les assimilations des êtres veulent être préparées, et que, pour réussir dans ces sortes d’expériences, il faudrait s’y prendre de loin et travailler d’abord à rapprocher les animaux par un régime analogue.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – On réduira difficilement un homme à brouter.
BORDEU. – Mais non à prendre souvent du lait de chèvre, et l’on amènera facilement la chèvre à se nourrir de pain. J’ai choisi la chèvre par des considérations qui me sont particulières.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Et ces considérations ?
BORDEU. – Vous êtes bien hardie ! C’est que... c’est que nous en tirerions une race vigoureuse, intelligente, infatigable et véloce dont nous ferions d’excellents domestiques.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Fort bien, docteur. Il me semble déjà que je vois derrière la voiture de nos duchesses cinq à six grands insolents chèvre-pieds, et cela me réjouit.
BORDEU. – C’est que nous ne dégraderions plus nos frères en les assujettissant à des fonctions indignes d’eux et de nous.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Encore mieux.
BORDEU. – C’est que nous ne réduirions plus l’homme dans nos colonies à la condition de la bête de somme.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Vite, vite, docteur, mettez-vous à la besogne, et faites-nous des chèvre-pieds.
BORDEU. – Et vous le permettez sans scrupule ?
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Mais, arrêtez, il m’en vient un ; vos chèvre-pieds seraient d’effrénés dissolus.
BORDEU. – Je ne vous les garantis pas bien moraux.
MADEMOISELLE DE LESPINASSE. – Il n’y aura plus de sûreté pour les femmes honnêtes ; ils multiplieront sans fin ; à la longue il faudra les assommer ou leur obéir. Je n’en veux plus, je n’en veux plus. Tenez-vous en repos16.
La vision d’une invasion et d’une domination des humains par les chèvre-pieds évoque irrésistiblement La Planète des singes, qui posa bien plus tard et de manière dramatique plutôt que comique la question de l’immutabilité de la race humaine, de ses origines et de sa suprématie dans le règne animal17. De fait, le faune, par son caractère hybride, est déjà une manière de poser la question de l’animalité de l’homme en termes d’espèce et donc de problématiser la notion de pureté de l’espèce humaine, de faire une tentative pour rompre avec la taxinomie stable et rassurante d’un Linné pour se rapprocher des monstruosités d’un Geoffroy-Saint-Hilaire ou des métamorphoses d’un Lamarck.
La fin du XIXe siècle français, marquée par la défaite de Sedan et par la Commune, mais aussi nourrie de nouvelles sciences, voit coexister deux imaginaires, inverses et complémentaires, de la décadence et de l’évolution. Ainsi, la décadence se saisit du faune pour manifester à quel point les temps modernes sont inférieurs à l’âge d’or antique : « Le satyre » d’Henri de Régnier constate que le monde a vieilli, que les forces primitives incarnées par les dieux se sont dégradées dans leurs avatars animaux et que, de nos jours, le bouc « parodie » le faune : « Le désir du baiser fit ma bouche lippue. / En moi le dieu qui rit devient un bouc qui pue… »18.
Ernest Raynaud invoque la voix du faune pour chanter la nostalgie d’un passé mythique : « Je fus longtemps un Faune assis sous le feuillage […] / Un Musée à présent me tient lieu de bocage… »19. Il semble regretter la liberté de l’âge d’or, notamment celle des mœurs sexuelles et attribue la déchéance de la condition humaine à un oubli des origines, un oubli de la condition naturelle et de l’essence animale :
Tout l’Acquis du Passé s’enfouit, du refus
De livrer à chacun ses propres Origines,
Mais quelque chose en luit parfois ; tels de confus
Éclairs d’argent sous les frissons d’eau de piscines.20
Contre un siècle qui s’effémine à force de se civiliser (mais sans qu’il y ait là une condamnation de l’homosexualité), il aspire à un ensauvagement salutaire :
Et de la fougue plutôt des reins premiers, la rage
Des seuls instincts dans l’incendie et les naufrages,
Redevenir plutôt la brute d’autrefois !
Oui, bondir avec des suifs d’homme à la crinière,
Tatoué ! du soleil ivre sous la paupière,
Celui qui tue, oui, plutôt l’être au fond des bois !21
L’accusation se précise encore, même si l’opposition fondamentale est toujours la même, entre l’âge païen et l’ère chrétienne, chez Haraucourt22. Un peuple de faunes malheureux erre à la recherche d’une terre amicale mais se trouve en butte à l’intolérance des chrétiens qui les chassent d’Europe, leur terre originelle. Leur dialogue avec un ermite chrétien met en évidence que leur liberté de pensée et de mœurs est inadmissible pour la chrétienté. Et alors même qu’ils sont prêts à se retirer en Afrique du Nord, ils y sont encore pourchassés – colonisation oblige ! Leur culture sensuelle et charnelle, pourtant tolérante à l’égard des spiritualistes, subit la censure d’une Église hostile à la chair. Pour Haraucourt, qui est fidèle en cela à Théophile Gautier, Théodore de Banville et Leconte de Lisle, c’est ainsi que le faune emblématise une décadence culturelle et morale due au christianisme.
Mais l’imaginaire de la décadence étant par nature réversible, le faune peut mobiliser autour de lui la représentation de l’évolution, voire du progrès. De fait, le personnage poétique qui a sans doute joué le rôle le plus important de tout le bestiaire faunesque est sans doute le satyre auquel Victor Hugo donne la parole dans La Légende des siècles. C’est un faune romantique en cela qu’il est prométhéen, luciférien : il se révolte contre les dieux établis dans leur Olympe et réclame un progrès pour la condition humaine. Capturé par les dieux puis invité à chanter pour eux, la créature hybride devient une sorte d’intercesseur. C’est sans doute son essence, mi-humaine mi-animale, qui le désignait comme le médiateur idéal entre les hommes et les dieux. Bestial et spirituel, comme l’homme, mais de manière plus caricaturale, « ce songeur velu, fait de fange et d’azur » pouvait voir « Son caprice, à la fois divin et bestial, / Mont[er] jusqu’au rocher sacré de l’idéal… ». C’est ce qui lui permet d’interpeller les dieux et de plaider pour l’animal d’où est sorti l’homme :
Les animaux, aînés de tout, sont les ébauches
De sa fécondité [de l’infini] comme de ses débauches.
Fussiez-vous dieux, songez en voyant l’animal !
Car il n’est pas le jour, mais il n’est pas le mal.
Toute la force obscure et vague de la terre
Est dans la brute, larve auguste et solitaire […].
Le faune s’adresse aussi aux hommes et les exhorte à s’élever hors de l’humanité, à tendre vers le divin :
Quitte le joug infâme et prends le joug sacré !
Deviens l’Humanité, triple, homme, enfant et femme !
Transfigure-toi ! va ! sois de plus en plus l’âme !
Esclave, grain d’un roi, démon, larve d’un dieu,
Prends le rayon, saisis l’aube, usurpe le feu ;
Torse ailé, front divin, monte au jour, monte au trône,
Et dans la sombre nuit jette les pieds du faune !23
Ainsi, le satyre de Hugo se reconnaît, au moins partiellement, dans l’homme car celui-ci a le front divin mais aussi les pieds du faune, écartelé entre l’animal et Dieu, entre la matière et l’esprit, entre le chaos et l’infini. Et son destin est de s’extirper de sa gangue animale pour s’élever vers le divin.
Ce que Victor Hugo tourne dans une forme lyrique et grandiloquente, Albert Samain en donne, un demi-siècle plus tard, une version prosaïque et romanesque. Dans Hyalis, le petit faune aux yeux bleus24, Samain campe le tempérament d’un faune qui aspire à s’élever hors de sa condition, à s’humaniser. L’auteur illustre ainsi une interprétation possible de ce progrès de l’animalité vers l’humanité, mais cela passe par la honte et la mauvaise conscience. Le petit faune Hyalis sent qu’il n’a pas la destinée d’un faune et méprise ses semblables et leurs mœurs vulgaires. Il refuse les avances des dryades, femmes faciles, et tombe amoureux d’une humaine. Il a honte de ses désirs. La honte serait-elle donc consubstantielle à l’humanité ? Le faune boit finalement un philtre magique pour devenir mortel et ainsi pouvoir vraiment aimer une mortelle. De fait, il meurt à côté d’elle, après l’avoir chastement embrassée.
En dehors des considérations morales touchant principalement au raffinement des mœurs sexuelles, l’évolution dont témoigne le faune est celle qui voit notre espèce se différencier des autres mammifères et sortir de la société des animaux. Jules de Strada voit dans cette histoire naturelle de l’espèce une explication des concordances entre différentes mythologies qui imaginent toutes des formes de proximité originelle entre l’homme et l’animal :
L’homme fut l’allié jadis des animaux,
L’Inde et la Grèce en ont des souvenirs très hauts. –
Hanouman, Sigravo, dont la voix est la foudre,
Dont le bras de gorille étreint et met en poudre,
Sont princes des Orangs et des hommes des bois.
De la création animale ils sont rois,
Ils font au nom des grands secrets de la nature
Un contrat avec l’homme où, libres, sans injure,
Ils serviront l’esprit dont la bouche aux cent voix
A la parole et met de l’ordre dans ses choix. –
Pourquoi le Sphinx ? Pourquoi le Centaure, le Faune ?
L’homme pris dans la bête effroyable ou bouffonne,
Engainé, ne sortant qu’à moitié des taureaux ?
Les animaux servant à l’homme de fourreaux ?
Quel antique lien cachent ces alliances ?
N’est-ce pas un lointain souvenir des enfances,
Des temps où l’homme encor plongeait dans l’animal,
En sortait, peu à peu se levait triomphal ?
Et le biblique Eden mit ainsi que l’Asie
Sur l’homme et l’animal la même poésie…25
Sully Prudhomme n’a pas même besoin des mythes pour rappeler que le faune est le passé de l’homme. En voyant dans la rue un grand chêne abattu, tiré par un attelage, la foule qu’il décrit est émue par ce spectacle impressionnant et le poète explique ainsi le trouble ressenti :
Pourquoi suivions-nous l’arbre, à pas lents, sans rien dire ?
Étions-nous assombris par de lointains regrets ?
Toute femme est dryade et tout nomme est satyre :
On redevient sauvage à l’odeur des forêts.
Mais il assume pleinement l’évolution du faune en homme, au nom de la civilisation :
Fais-toi libre en changeant par les vertus civiques
En un sage concert tes fougues d’autrefois :
[…]
Mais ne regrette plus ta liberté première :
Faune hier, montre l’homme au chêne que tu fends ;
Frappe et bénis deux fois sa tête hospitalière,
Abri de tes aïeux, palais pour tes enfants !26
Entre l’abri et le palais, entre les aïeux et les enfants, c’est l’histoire d’une conquête que les hommes peuvent ressentir en eux-mêmes : satyres et dryades au fond d’eux-mêmes, donc capables d’une sensibilité animale, ils mesurent à chaque instant le chemin parcouru qui met une distance entre cette sensibilité animale et leurs mœurs civilisées.
Les avatars du faune disent toujours au lecteur quelque chose de son humanité et ce n’est finalement guère étonnant car la mythologie, ancienne ou moderne, en projetant des explications humaines sur le monde, parle autant de l’homme que du monde. Si, à certaines époques, le faune séduit les poètes, c’est que les liens qu’il évoque entre humanité et animalité se trouvent au cœur des débats. Ainsi, le faune est un témoin de réflexions littéraires mais aussi philosophiques, morales, scientifiques, voire politiques. Qu’il n’ait pas été ravalé au rang d’une fantaisie puérile des Anciens montre qu’il eut longtemps une vertu urticante, une force de provocation empêchant les lecteurs de camper sur leurs certitudes : il nous suggère que l’homme est changeant, incertain, mêlé, impur, voire inquiétant27.
[1] Arthur Rimbaud, « Soleil et chair » [1870], Poésies complètes, Paris, Léon Vanier, 1895.
[2] Guy de Maupassant, « Désirs de faune », Des vers, Paris, G. Charpentier, 1880.
[3] Gérard d’Houville [Marie de Heredia (de Régnier)], « Vœu », Revue des Deux-Mondes, 15 février 1900, repris dans Les Poésies de Gérard d’Houville, Paris, B. Grasset, 1931.
[4] Anna de Noailles, « Le chant du faune », Les Forces éternelles, Paris, A. Fayard, 1920.
[5] Rémy de Gourmont, Lettres d’un satyre [Crès, 1913], Paris, A. Plicque et Cie, 1922, p. 183-184.
[6] Louis Bouilhet, « L’Amour noir », Dernières poésies, Paris, Michel Lévy, 1872.
[7] Théodore de Banville, « À Charles Baudelaire », Les Stalactites, Paris, Paulier, 1846.
[8] Félicien Champsaur, Homo-deus. Le satyre invisible, Paris, Ferenczi et fils, 1924.
[9] Remy de Gourmont, « Le faune », Histoires magiques, Paris, Mercure de France, 1894.
[10] Jules Laforgue, « Pan et la Syrinx », Moralités légendaires, Paris, Librairie de la Revue indépendante, 1887.
[11] Mallarmé, L’Après-midi d’un faune, Paris, Derenne, 1876.
[12] Victor de Laprade, « Le faune », in Le Parnasse contemporain, Paris, Lemerre, 1869-1871, repris dans Symphonies et Poèmes, « Poésies diverses », Paris, Lemerre, 1920.
[13] Benoît de Maillet, Telliamed, ou Entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français [1748-1755], Paris, Fayard, 1984.
[14] Candide ou L’Optimisme, chapitre XVI, 1759 ; Alfred de Musset (attribué à), Gamiani ou Deux nuits d’excès, Paris, 1833.
[15] Maurice Sand, La Fille du singe, roman humoristique, Paris, Ollendorff, 1886.
[16] Diderot, Suite de l’entretien entre d’Alembert et Diderot [1769], in Le Rêve de d’Alembert, C. Duflo (éd.), Paris, GF-Flammarion, 2003.
[17] Pierre Boulle, La Planète des singes, Paris, R. Julliard, 1963.
[18] Henri de Régnier, « Le satyre », Les Jeux rustiques et divins, Paris, Mercure de France, 1897.
[19] Ernest Raynaud, Les Cornes du faune, Paris, Bibliothèque artistique et littéraire, 1890, p. 41.
[20] Ibid., p. 45.
[21] Ibid., p. 94.
[22] Edmond Haraucourt, « Les faunes », Les Âges. L’Espoir du monde, Paris, Lemerre, 1899, p. 40-43.
[23] Victor Hugo, « Le satyre », La Légende des siècles, 1re série, 1859.
[24] Paris, Auguste Blaizot, 1909.
[25] Jules de Strada, L’Épopée humaine. La genèse universelle, Paris, M. Dreyfous, 1890.
[26] Sully Prudhomme, « Dans la rue », Stances et Poèmes, Paris, A. Faure, 1865.
[27] Cet article a été rédigé dans le cadre des recherches menées par l’équipe ANR Biolographes (dir. Gisèle Séginger).
Résumé
La figure du faune, assemblage chimérique d’humain et d’animal, entre dans une catégorie problématique pour les sciences de la vie et les représentations du vivant. On peut se demander dans quelle mesure le XIXe siècle, moment de grande inventivité en histoire naturelle, a relu la figure du faune au filtre des nouveaux savoirs. Sciences et arts font partie d’un tout culturel en mouvement au sein duquel des idées, des représentations, des valeurs sont partagées dans différents domaines sans que les cloisonnements disciplinaires y mettent vraiment d’obstacle. Ainsi, les théories de l’évolution ont bien pu féconder la manière dont on interprète le mythe du faune, mais c’est tout autant le mythe qui fournit aux sciences un arrière-plan culturel sur lequel se forment des représentations innovantes de la vie et de l’humain.
On procède ici à un simple repérage des différents aspects sous lesquels la figure du faune apparaît dans la littérature française du xixe siècle.
Nicolas WANLIN
École polytechnique, Laboratoire LinX
Banville, Théodore de, « À Charles Baudelaire », Les Stalactites, Paris, Paulier, 1846.
Bouilhet, Louis, « L’Amour noir », Dernières poésies, Paris, Michel Lévy, 1872.
Boulle, Pierre, La Planète des singes, Paris, R. Julliard, 1963.
Champsaur, Félicien, Homo-deus. Le satyre invisible, Paris, Ferenczi et fils, 1924.
d’Houville, Gérard [Marie de Heredia (de Régnier)], « Vœu », Revue des Deux-Mondes, 15 février 1900, repris dans Les Poésies de Gérard d’Houville, Paris, B. Grasset, 1931.
Diderot, Suite de l’entretien entre d’Alembert et Diderot [1769], in Le Rêve de d’Alembert, C. Duflo (éd.), Paris, GF-Flammarion, 2003.
Gourmont, Rémy de, « Le faune », Histoires magiques, Paris, Mercure de France, 1894.
—, Lettres d’un satyre [Crès, 1913], Paris, A. Plicque et Cie, 1922.
Haraucourt, Edmond, « Les faunes », Les Âges. L’Espoir du monde, Paris, Lemerre, 1899.
Hugo, Victor, « Le satyre », La Légende des siècles, 1re série, 1859.
Laforgue, Jules, « Pan et la Syrinx », Moralités légendaires, Paris, Librairie de la Revue indépendante, 1887.
Laprade, Victor de, « Le faune », in Le Parnasse contemporain, Paris, Lemerre, 1869-1871, repris dans Symphonies et Poèmes, « Poésies diverses », Paris, Lemerre, 1920.
MAILLET, Benoît de, Telliamed, ou Entretiens d’un philosophe indien avec un missionnaire français [1748-1755], Paris, Fayard, 1984.
MALLARMÉ, L’Après-midi d’un faune, Paris, Derenne, 1876.
Maupassant, Guy de, « Désirs de faune », Des vers, Paris, G. Charpentier, 1880.
Musset, Alfred de (attribué à), Gamiani ou Deux nuits d’excès, Paris, 1833.
Noailles, Anna de, « Le chant du faune », Les Forces éternelles, Paris, A. Fayard, 1920.
Raynaud, Ernest, Les Cornes du faune, Paris, Bibliothèque artistique et littéraire, 1890.
Régnier, Henri de, « Le satyre », Les Jeux rustiques et divins, Paris, Mercure de France, 1897.
Rimbaud, Arthur, « Soleil et chair » [1870], Poésies complètes, Paris, Léon Vanier, 1895.
SAMAIN, Albert, Hyalis, le petit faune aux yeux bleus, Paris, Auguste Blaizot, 1909.
Sand, Maurice, La Fille du singe, roman humoristique, Paris, Ollendorff, 1886.
Strada, Jules de, L’Épopée humaine. La genèse universelle, Paris, M. Dreyfous, 1890.
Sully Prudhomme, « Dans la rue », Stances et Poèmes, Paris, A. Faure, 1865.