Le récit ovidien de la création d’un être bisexué par la fusion du jeune Hermaphrodite et de la nymphe Salmacis1 n’est certes pas la plus célèbre des Métamorphoses, mais elle a été, probablement du fait de son caractère énigmatique et dérangeant, l’objet à travers les siècles de multiples interprétations et représentations iconographiques. les Métamorphoses connurent, après avoir traversé le Moyen Âge, une diffusion exceptionnelle à la Renaissance2, et l’étude de la réception de la fable de Salmacis et Hermaphrodite entre dès lors dans le cadre général de l’histoire des interprétations de la fable antique à l’époque moderne. À travers les très nombreuses éditions des XVIe et XVIIe siècles – dont nous ne donnerons qu’un aperçu, tant elles sont nombreuses3 – nous nous demanderons comment traducteurs, commentateurs et illustrateurs ont interprété la charge « subversive » de cet épisode4. L’immense succès des Métamorphoses en Occident se nourrit en effet probablement, au-delà de l’enchantement poétique, de la découverte d’un monde où les amours des dieux et des hommes ne connaissent ni les interdits chrétiens ni les lois dites « naturelles », puisqu’il est possible de changer de sexe, comme Tirésias, ou encore Iphis5, ou d’être… un Hermaphrodite.
Hermaphrodite est le nom d’un dieu grec tardif, apparu au IVe siècle avant J.-C., et dont nous connaissons de nombreuses représentations grâce aux sculptures antiques qui nous sont parvenues ; le plus souvent, il prend la forme d’un personnage debout dans une attitude gracieuse, parfois nu, parfois habillé et coiffé en femme, qui dévoile impudiquement, en relevant sa tunique, ses attributs sexuels masculins [Fig. 1, source Musée du Louvre].
Fig. 1
C’est néanmoins la série des « hermaphrodites endormis » provenant d’un unique modèle et constituant une pièce majeure de nombreux musées européens qui est la plus connue ; le Louvre en possède deux : le fameux Hermaphrodite découvert à Rome dans les thermes de Dioclétien et pour lequel le cardinal Borghese fit sculpter en 1620 par Le Bernin un matelas de marbre [Fig. 2, source Musée du Louvre], et celui de Vellitri – découvert en 1795 dans cette ville qui se trouve au sud de Rome – qui est aujourd’hui exposé au Louvre-Lens6 [Fig. 3, source Musée du Louvre]. La dimension érotique de ce corps lascif, exaltée par les sculpteurs de l’âge baroque déposant sur des coussins de marbre ces statues arrachées à la terre, fait souvent oublier au spectateur moderne qu’il s’agit là d’un dieu, d’une représentation qui n’a pas de modèle dans la réalité, comme l’avait bien remarqué l’historien d’art Winckelmann : « L’art redoublant d’industrie chercha à combiner les beautés des deux sexes dans les figures des Hermaphrodites qui, telles que nous les voyons représentées par les anciens artistes, sont des productions idéales »7. Pour l’historienne Marie Delcourt8, Hermaphrodite serait un « mythe pur » qui prendrait naissance dans des rites archaïques de passage qu’on aurait ensuite « expliqués » en inventant des légendes mettant en scène des divinités bisexuées ; autrement dit, l’entrée tardive dans le Panthéon d’Hermaphrodite ne signifie pas que ce dieu soit marginal, loin de là : il serait l’incarnation tardive d’une idée primitive, celle de l’androgynie divine. Les dieux bisexués et l’ambiguïté de nombreuses divinités du monde antique signalent en effet la présence d’un archétype dont Hermaphrodite serait à un moment donné devenu l’incarnation. Il est donc davantage une « idée » qu’une « personne » : preuve en est qu’en dehors de la fable ovidienne de Salmacis et Hermaphrodite, le dieu bisexué n’est l’objet d’aucun récit, d’aucune aventure.
Fig. 2
Fig. 3
En examinant les rituels antiques, en particulier nuptiaux, où il y a inversion des sexes – les femmes mettant des barbes et se rasant la tête pendant que les hommes s’habillent en jeunes filles –, Marie Delcourt constate que le travestissement a pour fonction d’unir les deux sexes en une seule entité. L’« androgynie symbolique » a dès lors une valeur positive, « chacun des deux sexes recevant quelque chose du pouvoir de l’autre ». Étudiant ensuite « l’hermaphrodisme successif », à travers la figure de Tirésias, elle montre que le don divinatoire est très clairement lié au double sexe. Autrement dit la bisexualité est associée à des pouvoirs surnaturels de fertilité ou de voyance. Et pourtant, rien n’était plus monstrueux aux yeux des Anciens que la naissance d’un enfant présentant les deux sexes : ces « monstres » étaient immédiatement abandonnés et même le plus souvent noyés pour qu’il n’en reste aucune trace. Mais c’est là, comme l’écrit Marie Delcourt, la traduction de « l’ambivalence du sacré » : l’anomalie sexuelle, tout en désignant dans le réel l’être à détruire pour garantir l’ordre du monde, est sur le plan mythique un signe d’élection : aussi ne faut-il pas s’étonner que le culte du dieu Hermaphrodite – dont le nom est un composé de celui de son père, Hermès, et de celui de sa mère, Aphrodite – soit clairement lié à l’union sexuelle.
Traces de cette androgynie divine, de nombreuses cultures connaissent le mythe d’une humanité originellement bisexuée : dans la tradition occidentale, la Bible propose ainsi un premier récit de création, « Mâle et femelle il les créa » (Gen. 1, 27), antérieur à celui d’Adam et Ève ; et Le Banquet de Platon nous a transmis, à travers l’auteur comique Aristophane, l’image d’êtres sphériques dotés de deux sexes, coupés en deux par Zeus pour s’être révoltés contre les dieux, et qui dès lors cherchent à se rejoindre pour « fondre deux être en un seul », car c’est ainsi que « l’amour recompose l’antique nature »9.
S’il ne fait guère de doute qu’Aristophane parodie ici le mythe de l’origine sphérique du monde, de cet « œuf primordial »10 né du chaos que l’on trouve à la même époque dans les cosmogonies, c’est néanmoins une lecture « sérieuse » du texte platonicien qui s’est imposée à toute la culture occidentale ; on doit à Marsile Ficin (1433-1499) l’interprétation la plus spiritualisée du texte de Platon. Dans son Commentaire du Banquet, il exclut l’amour homosexuel et ne retient, parmi les trois êtres originels, que l’androgyne, à la fois homme et femme. L’amour humain permet de reconstituer l’androgyne originel et d’accéder ensuite à l’amour divin. Symbole de l’amour parfait, le mythe de l’androgyne primordial habite, à partir de la Renaissance, la culture occidentale.
Tous ces éléments éclairent la réception qui sera faite du récit ovidien11, qui offre a priori une image d’Hermaphrodite très éloignée de l’idée même d’androgynie divine et/ou originelle. Dans ce texte tardif dont la composition date des toutes premières années de l’ère chrétienne, le fils d’Hermès et d’Aphrodite est un bel adolescent de quinze ans. La nymphe Salmacis, saisie par sa beauté, lui déclare sa passion : il la repousse, indigné. Mais alors qu’il se baigne dans la source, elle l’étreint et fait le vœu que leurs deux corps ne soient jamais séparés. Le nom de Salmacis disparaît et il ne reste plus qu’un seul être au double sexe : Hermaphrodite.
Il faut tout de suite préciser que le nom de Salmacis n’est pas une invention d’Ovide. Cette source, qui avait la réputation de rendre efféminés les hommes qui en buvaient12, se trouvait en Carie (Asie mineure), et était proche d’un temple dédié à Mercure et Vénus : ces éléments factuels sont probablement à l’origine de la fable. S’il est impossible de savoir si Ovide a été ou non le premier à établir un lien entre les propriétés de cette source et la figure d’Hermaphrodite, on est en revanche sûr qu’on lui doit, outre le premier récit consacré au dieu bisexué, l’innovation de la métamorphose d’un jeune garçon en un être à la fois homme et femme.
Hermaphrodite est en effet appelé du début à la fin du texte « puer », ce qui désigne en latin à la fois l’enfant des deux sexes et le tout jeune homme ; cet éphèbe encore vierge est à la fois entre deux âges et entre deux sexes, comme l’indique son visage qui rassemble les traits maternels et paternels13, et il porte dans son nom – fusion de celui de ses parents – son destin. La belle nymphe, qui près de sa source limpide se repose et contemple, tel Narcisse, sa beauté dans le miroir de l’eau, sort de sa langueur dès qu’elle aperçoit l’adolescent ; dans la scène de viol qui suit, les comparaisons utilisées par le poète pour traduire l’étouffement du jeune homme, avec l’image monstrueuse du « polype » écrasant sa proie de ses tentacules, ou du serpent enserrant les ailes de l’aigle, peuvent se lire comme une mise à mort et en même temps une incorporation : Salmacis engloutit le garçon qui lui résiste et c’est elle qui invoque les dieux pour que leurs deux corps ne fassent qu’un : « nec duo sunt et forma duplex, nec femina dici / nec puer ut possit, neutrumque et utrumque uidentur » [ils ne sont plus deux, mais une forme double, dont on ne peut dire si elle est fille ou garçon ; ils semblent n'être ni l'un ni l'autre et être l'un et l'autre]14.
Hermaphrodite constate qu’il n’est plus qu’un demi-homme (« semimarem »15). Il prie alors les dieux que les hommes se baignant dans la source deviennent eux aussi des moitiés d’homme (« semivir »16). Les mots du poète latin sur la « forma duplex », forme « double » mais aussi « divisée », montrent qu’Hermaphrodite est à la fois l’un et l’autre, mais aussi ni l’un ni l’autre : « neutrumque et utrumque videntur »17. Par ailleurs dans une culture qui affirme la supériorité absolue des mâles, cette métamorphose traduit une déchéance : le pouvoir magique de la source effémine les hommes, c’est-à-dire les transforme, selon toute probabilité, en homosexuels passifs18 au statut très dévalorisé.
Le mythe ovidien est d’ailleurs doublement le récit d’une perte ; si Hermaphrodite a perdu sa virilité, Salmacis a disparu dans la fusion. Certes, l’être double est le résultat d’une étreinte qui par là même reconstituerait l’androgyne originel – et ce sera l’une des lectures possibles du mythe –, mais il est clair que si tel est l’arrière-plan du récit, l’archétype bisexué apparaît comme singulièrement dégradé…
Par ailleurs, il n’y a pas seulement métamorphose du jeune homme mais aussi de la nymphe, signe que la source fabrique des êtres doubles quel que soit le sexe d’origine. C’est là une interprétation qui sera récurrente dans les éditions des XVIe et XVIIe siècles, alors qu’elle n’est pas explicite chez Ovide : l’insistance sur le fait que Salmacis ne soit pas comme ses sœurs chasseresses, qu’elle languisse auprès de sa source en prenant soin de sa beauté, que sa seule activité consiste à ramasser des fleurs, font d’elle un condensé de la féminité ; elle n’a aucun caractère masculin… sauf quand elle se métamorphose à son tour ; dans l’eau, elle révèle sa force et elle renverse les rôles : elle viole le jeune homme, tandis que ce dernier rougissant « comme une pomme vermeille » a tous les caractères d’une jeune fille. C’est la femme et non l’homme qui joue le rôle actif. On peut donc penser que l’inversion des caractères masculins et féminins et le fait qu’il s’agisse avant leur fusion de deux êtres l’un et l’autre incomplets réactivent le mythe androgynique. On notera cependant que chez le jeune homme comme chez la nymphe, ce qui manque à l’origine, c’est la part masculine, et que dans un système de pensée qui valorise exclusivement le masculin, l’être hermaphrodite qui naît de cette fusion ne peut que se caractériser par sa faiblesse. Hermaphrodite n’est donc plus ce dieu bénéfique protecteur de l’union sexuelle, mais une figure de la castration, une menace de stérilité.
Tel est donc le fascinant récit dont hérite la culture européenne moderne. Au Moyen Âge, dans un monde qui ne connaissait pas encore clairement la distinction du sacré et du profane, les Métamorphoses furent christianisées et lues selon quatre niveaux d’interprétation19 : le « sens naturel » ou « physique », qui identifie les dieux à des planètes, des parties du corps ou des phénomènes naturels ; le « sens historique », qui met le récit en relation avec des événements et des personnages historiques, le plus souvent bibliques ; le « sens moral », qui voit dans tout récit une allégorie des vices et des vertus ; et enfin le « sens spirituel » qui met le texte en relation avec la révélation chrétienne.
Ce schéma quaternaire d’interprétation est bien sûr à l’œuvre dans les premières éditions des Métamorphoses, nombreuses dès la fin du XVe siècle. En 1484 paraît ainsi à Bruges sous la direction de Colard Mansion, à la fois auteur et éditeur, La Bible des poëtes. Cette première édition intégrale du texte ovidien s’insère dans la tradition des Ovide(s) moralisé(s)20 commencée au XIVe siècle ; plus que d’une traduction, il s’agit donc d’une « translation » en prose, que l’auteur commente de ses propres gloses et de celles de ses prédécesseurs, en vue de faire correspondre la fable païenne au message chrétien.
Le récit « Comment le jeune hermaphroditus fut mué en demy homme et en demy femme par la damoiselle Salmacis », est accompagné, dans la magnifique édition illustrée de La Bible des Poëtes de 1493, publiée par l’éditeur Antoine Vérard à la demande de Charles VII, d’une miniature21 [Fig. 4, source BnF] représentant une femme nue s’emparant d’un jeune homme qui résiste et qui semble protéger ses parties sexuelles ; les vêtements jetés des deux côtés de la rivière semblent dotés de vie, comme s’ils s’échappaient ; peut-être symbolisent-ils les moitiés masculine et féminine de chacun des deux protagonistes qui sont en train de disparaître…
Fig. 4
Le récit subit des modifications importantes par rapport au texte ovidien – les atroces métaphores animales et végétales décrivant le viol d’Hermaphrodite sont absentes – et le commentateur propose une série d’interprétations qui correspondent, parfois avec des appellations différentes22, à l’exégèse médiévale. Hermaphrodite serait ainsi le « benoist filz de dieu » quittant le « paradis », et la nymphe « lhumaine nature lors donnee a oyseuse » ; quant à la fontaine, elle représenterait « la benoiste vierge clere et pure par dessus toutes ». Autrement dit, Hermaphrodite est une figure du Christ dont la « nature divine » se « conjoignit » à la nature humaine dans le sein de la Vierge, la « partie masle » représentant « dieu », la « partie femme », l’« homme »23.
La fontaine représenterait par ailleurs cet utérus à sept chambres que l’on trouve dans certains traités médiévaux :
De Hermaphroditus vous diray et exposeray la signifiance. Avis est que la fontaine est le lieu la ou la semence sassemble qui vient de charnelle mixtion dhomme et de femme. Ce lieu est appelé matrix qui doit estre si grant et si large que sept chambres y puissent estre troys a dextre troys a senestre et une au millieu. Alors doit naistre Hermaphroditus cest demy masle et demy femelle et les masles a dextre et les femelles a senestre.24
Enfin, il y a le sens moral, celui qui perdurera le plus longtemps :
Par Salmacis est entendue femme qui met sa cure à elle farder, pigner et parer de joiaux et daornemens pour abuser les musars et veult user toute sa vye en vanitez et desirs de la chair. Folz et desvoyez sont ceulx qui ne les eschievent et fuyent.25
Toutes ces interprétations, très éloignées de la culture antique26, sont loin de former un ensemble cohérent, et peuvent surprendre le lecteur moderne tant elles semblent contradictoires, mais le but de cette herméneutique ne vise nullement à unifier les niveaux de sens d’un texte.
Quoi qu’il en soit, le discrédit de l’exégèse médiévale peut se lire à travers l’histoire éditoriale de La Bible des poëtes : c’est à peu près le même texte qui reparaît en 1532, mais sous un nouveau titre – Le Grand Olympe des hystoires poetiques du prince de poesie Ovide Naso en sa metamorphose – et cette version se réduit désormais au « naturel du livre sans allegories »27. Comme l’explique fort bien Ann Moss, dans son passionnant ouvrage Poetry and Fable, l’interprétation spirituelle « which turns Hermaphroditus into the Son of God »28 [qui fait d’Hermaphrodite le fils de Dieu] n’est désormais plus possible ; de la même façon, la métamorphose de Tirésias29 en femme ne pourra plus être lue comme celle du « peuple judaicque cheut en la nature femenine » pour n’avoir pas reconnu dans les serpents accouplés la « Double nature De Jesuschrist » (son retour au sexe masculin étant l’annonce de la conversion des Juifs !). Cette condamnation de la lecture spirituelle, ou « anagogique », des textes païens provient certes des milieux humanistes – on se souvient de la préface du Gargantua –, mais aussi de l’Église, puisque saint Thomas d’Aquin s’y était déjà fermement opposé. Quoi qu’il en soit en 1559, les Ovides moralisés et leurs épigones comme La Bible des poëtes sont mis à l’index30.
Par ailleurs la « translation » du texte ovidien dans La Bible des poëtes, reprise dans le Grand Olympe, est, elle aussi, désormais rejetée. Les éditons latines, accompagnées de commentaires exclusivement historiques ou philologiques (Aldine 1502, Gryphius 1534, etc.) font reconnaître l’immense valeur poétique de l’œuvre. Aussi Clément Marot traduit-il en français, en 1534, le premier livre des Métamorphoses31, puis le second. Barthélemy Aneau poursuit cette œuvre et, se prétendant meilleur latiniste que Marot, fait paraître en 1556 les Trois premiers livres de la métamorphose d’Ovide32 ; c’est enfin en 1557 que paraît la première traduction complète des quinze livres, toujours en décasyllabes, par François Habert33. On peut aussi citer la parution, en 1617, de la première traduction en alexandrins, par Raymond et Charles de Massac34, dénuée de tout commentaire.
En 1606, Nicolas Renouart35 renoue avec la tradition des commentaires – le peu de succès des traductions en vers tenant peut-être au fait qu’elles décontenancent le lecteur habitué à lire le texte avec ses gloses – qui, cette fois-ci, accompagnent une traduction en prose assez fidèle ; cet ouvrage, qui connaîtra de nombreuses rééditions au cours du XVIIe siècle, préfigure ce qui deviendra l’ouvrage de référence, la magnifique édition bilingue illustrée de Pierre Du Ryer, qui paraît en 1658 et qui connaîtra treize éditions jusqu’en 171836. Pour achever ce tour d’horizon – qui est loin d’être exhaustif37 – on peut citer la traduction, toujours en alexandrins, des quinze livres par Thomas Corneille, qui paraît absolument sans glose en 169738.
L’absence ou la présence de commentaires interprétatifs pourrait servir de ligne de partage entre ces éditions – d’autant plus que ce critère traduit le choix d’une traduction en vers ou en prose – mais l’absence de glose ne signifie pas que le texte soit lu et apprécié seulement pour ses qualités esthétiques : Renouart, s’inscrivant dans la conception de la mythologie païenne des poètes de la Renaissance39, affirme ainsi que le poète latin nous a transmis « l’histoire du monde sous des feintes, et sous le voile subtil de ses fabuleux changemens, nous a laissé les plus rares thresors de la sagesse antique »40 ; quant à l’exégèse médiévale, elle n’est pas morte : preuve en est qu’en ce début du XVIIe siècle, Charles de Massac, qui pourtant traduit le texte latin en vers et ne propose pas de glose, ne peut s’empêcher d’évoquer dans son « épître au Roy », la « lecture de ses beaux vers si utile et serieux en ses sens litteral, moral, allegorique et mystique, et si divin en ses enthousiasmes et fureurs poetiques »41, et rend un vibrant hommage au dominicain Thomas Waleys, à qui on attribue l’Ovidus moralizatus. La tradition des Ovides moralisés perdure donc, comme l’atteste le fait que l’on trouve encore en 1595 la transcription en alexandrins par un certain Christofle Desfrans, non pas du texte d’Ovide, mais du Grand Olympe42.
Néanmoins, tous les auteurs sont conscients que l’interprétation « mystique » n’est plus d’actualité ; aussi Charles de Massac propose-t-il de « contrecarrer ces quinze livres de Métamorphoses morales par quinze autres de Métamorphoses saintes, sur les argumens sacrez qu’en fournissent tant le vieil et nouveau Testament »43, projet qui ne verra pas le jour. Mais si la distinction entre textes païens et textes sacrés rend impossible l’interprétation « spirituelle » des Métamorphoses, les trois autres niveaux de lecture de l’exégèse médiévale restent actifs.
Le premier à prendre explicitement ce chemin est Renouart dont le titre complet est Les Métamorphoses d'Ovide, De nouveau traduites en françois, Avec XV discours Contenans l'explication morale des fables. Or, contrairement à ce que son titre laisse entendre, l’auteur ne s’arrête pas à la lecture « morale » ; pour la fable de Salmacis et Hermaphrodite, il propose ainsi une interprétation « naturelle », avec un développement sur la planète Mercure qui a des « qualitez fort temperées et qui tiennent le milieu »44 entre les astres mâles et femelles ; puis il renouvelle l’interprétation « historique » en évoquant une rhétorique « hermaphrodite », terme qui, dans les textes de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, caractérise ceux qui changent sans cesse et opportunément de camp45 :
D’autres (repartit Aristie) rapportent ces deux sexes d'Hermaphrodite à la belle vertu attachée à la langue des enfans du bien disant Mercure, par laquelle ils sçavent tantost soutenir un party, puis changer et fortifier de mille raisons la verité du contraire, si bien que faisant naistre un[e] double opinion de toutes choses, leurs esprits comme Hermaphrodites semblent estre ou neutre, ou doüez d'une double nature, pour paroistre si dissemblables à eux-mesmes en leurs diverses conceptions : Et leurs paroles plus puissantes que les eaux de la fontaine Salmacis, n'ont pas seulement le pouvoir d'amollir les cœurs, et faire des masles femelles en attiedissant la fiere ardeur d'un genereux courage : mais encore de loger un cœur masle dans un sein de femme, et rechauffer d'une valeureuse pointe d'honneur les ames les plus debiles et plus casanieres46.
La parole, semblable à la source, métamorphose les hommes en femmes et vice-versa ; ce monde à l’envers – prolongement de la duplicité perverse contenue dans l’éloquence trompeuse des « enfans » de Mercure – peut se lire aussi comme une inversion des catégories de genre et donc comme un éloge des femmes au « cœur masle ». En revanche, l’interprétation « morale » reprend le topos misogyne attaché à la figure de la nymphe, Salmacis incarnant à la fois la « volupté » – « doux poison des corps et des ames » et « pere nourricier » de tous les vices – et « l'Oysiveté , « contagieuse peste », « demon » : tous ceux qu’« une impudique lascheté tient comme assoupis dedans leur delices, au bourbier desquels ils ne sont pas si tost plongez […] perdent leur masle vigueur » ; dès lors, le « seul Antidote » à un tel péril est « l’exercice et le travail »47.
Un demi-siècle plus tard, Du Ryer, qui annonçait dans son titre « de nouvelles Explications Historiques, Morales et Politiques »48, reprendra néanmoins, pour la fable de Salmacis et Hermaphrodite, les mêmes trois niveaux d’explications, tout en les modifiant :
s’il faut en croire quelques naturalistes, il arrive quelquefois que l’enfant qui est conçu pendant la conjonction de ces deux planètes, Mercure et Venus, naît Hermaphrodite. L’on dit même que la raison pourquoi il y a des peuples entiers qui sont Hermaphrodites, est que ces deux planetes dominent particulièrement en ces pays-là49.
Cette explication « naturelle » vise à donner un fondement rationnel à l’existence de ces peuples bisexués, évoqués par Pline mais aussi par ces voyageurs contemporains qui ont diffusé la légende d’un troisième sexe dans le Nouveau Monde, et tout particulièrement en Floride50. Pour l’explication historique, le commentateur, tout en reprenant les récits antiques concernant la source Salmacis – les habitants de la Carie étaient si « laches et si adonnez à toutes sortes de délices, qu’ils en furent appelez Hermaphrodites » –, n’exclut pas que le fait de boire l’eau de la fontaine ait pu « amolir et effeminer » ceux qui en buvaient, car après tout la « délicatesse des hommes » dépend de la « qualité de l’air qu’il[s] respire[nt] »51. On constate qu’explication naturelle et historique renvoient toutes deux à des discours qui se veulent scientifiques ; dans ce monde « désenchanté » la seule lecture allégorique ne peut donc plus être que « morale » :
il est aisé de juger qu’Ovide a voulu nous figurer la volupté par Salmacis. Voiez comme il l’a décrit, voiez l’occupation qu’il lui donne, voiez le lieu où il la met, et vous ne verrez rien, ce me semble, qui ne vous paroisse voluptueux. Mais il n’auroit rien fait pour nous, s’il ne nous avoit fait voir par l’exemple d’Hermaphrodite combien il est dangereux d’en approcher52.
Hermaphrodite était un « jeune homme bien né, qui avait de belles inclinations et qui aimait le travail qui pouvait former son esprit » ; « cette fable nous enseigne donc que les hommes les plus laborieux, et les plus grands ennemis de la volupté ont peine à s’en sauver »53.
Si l’on excepte l’allusion à l’existence de peuples hermaphrodites, on ne peut que constater l’appauvrissement et l’affadissement des interprétations de l’épisode. La morale de la fable n’évoque que les effets de l’eau de Salmacis (efféminer les hommes) sans s’interroger sur l’être au double sexe qui naît de cette conjointure. L’illustration dans l’édition de Du Ryer ne montre d’ailleurs que la scène de séduction, assez agressive [Fig. 5, source BnF]. Les mythes antiques sont désormais, comme le signale Marie-Claire Chatelain, lus comme des exempla, dont il faut tirer une leçon avant tout morale54.
Fig. 5
Avec la disparition de l’Ovide christianisé s’achève une période herméneutique qui a permis le maintien au sein du monde médiéval des grands textes de la culture païenne. Mais dès le début du XVIe siècle s’ouvrait une nouvelle voie pour une lecture allégorique de type « spirituel ». Dans la présentation du texte du Grand Olympe – qui pourtant ne fait que reprendre le texte de La Bible des poëtes et non le texte ovidien – l’éditeur du texte écrit ainsi :
Le divin philosophe Plato estant malade et voyant les limites de sa science commanda luy estre faict oreiller du livre de Sophron poete mimographe, estimant poesie estre profonde philosophie couverte du rideau de infatigable delectation, et ayant la cognoissance de la vie de l’homme55.
En un mot, la fable reste porteuse d’une vérité qui n’est pas seulement morale, mais philosophique et même « théologique » si l’on se souvient de la théorie de la prisca theologia (« théologie antique ») développée par Marsile Ficin. Nombre de lecteurs, telle Marguerite de Navarre, continueront à lire les Métamorphoses comme des allégories de l’amour de Dieu pour l’âme humaine. C’est d’ailleurs dans l’entourage de cette dernière que l’on trouve Antoine Heroët qui, en 1536, offre à François 1er L’Androgyne, première traduction française du texte platonicien faite à partir de la traduction latine de Ficin. Comment le mythe platonicien, qui nourrit désormais toute la poésie de la Renaissance, a-t-il rencontré la fable de Salmacis et Hermaphrodite ?
Tournons-nous vers Barthélemy Aneau, qui dans les Trois premiers livres de la metamorphose d’Ovide56, propose une « Preparation de voie à la lecture et intelligence des Poëtes fabuleux ». On constate d’emblée combien la Renaissance s’inscrit dans la continuité du Moyen Âge, puisque dès le titre le poète propose de lire les fables ovidiennes comme « allégories Historiales, Naturelles et Moralles »57, répondant ainsi probablement à l’attente d’un public décontenancé par la traduction de Marot totalement dépourvue de commentaire. Mais à ces trois niveaux d’interprétation, il ajoute, comme on pouvait s’y attendre, la lecture néoplatonicienne :
les bons et anciens Poëtes qui estoient estimez divins, et Prophetes ont couvert les nobles ars, la Philosophie et la Theologie antique (c’est la naturelle connaissance de Dieu par ses effectz) soubz mythologies et specieux miracles de fables58.
Fort de cette conviction, et contrairement à ce qui se pratiquait jusque-là – les gloses succédaient au récit – Aneau va mêler ses interprétations au texte d’Ovide. Mais l’épisode de Salmacis et Hermaphrodite se trouvant dans le quatrième livre des Métamorphoses, il nous faut aller voir du côté d’un ouvrage antérieur du poète, L'Imagination poétique59, paru en 1552, pour savoir comment est traitée la fable et quel est son lien avec l’androgyne platonicien.
Aneau, ayant trouvé chez son éditeur des bois gravés dont la plupart illustraient des Métamorphoses d’Ovide, décide de les réutiliser – en feignant parfois d’ignorer complètement la fable qu’elles illustrent – dans un ouvrage qui se veut une illustration de l’adage horatien « ut pictura poesis » ; ces images « muettes, et mortes », il les rendra « parlantes, et vives : leur inspirant ame, par vive Poësie »60.
On trouve dans les 102 épigrammes, souvent d’une violente misogynie, illustrant les gravures, une « fontaine de Salmacis, paillardise effeminante », dont le texte n’a qu’un rapport lointain avec celui d’Ovide. La fosse est « obscure et tenebreuse », l’eau « limoneuse et de bourbeuse fange » et la « fontaine infame » rime, comme il se doit, avec « pute femme » :
Car qui se plonge en ce borbier batu
De l’homme masle, il perd la vertu.
Et sa chaleur naturelle sestaingt.
Car paillardise humide tant l’attaingt
Qu’elle le rend mol et flac : ainsi comme
Effeminé, sans force, et demy-homme.61
C’est pourtant dans le même recueil que l’on trouve la célèbre gravure [Fig. 6, source BnF] de « l’hermaphrodite en figure de mariage », dont Aneau précise qu’il l’a lui-même fait graver ; elle est d’ailleurs d’une facture plus complexe et plus raffinée que les autres bois, et l’artiste a suivi la description qu’en fait le poète :
L’hermaphrodit est icy en pincture
A double face, & à double Nature.
Lune de Masle, & l’autre de Femelle,
En un seul corps, ou l’un l’autre se mesle.
Puys deux baisers sont baillez, & renduz
Par les deux chefz l’un vers l’autre estenduz.
Qui sont plaisirs d’Amour perpetuel
De l’un vers l’autre, en effect mutuel.62
Fig. 6
Et Aneau de conclure après avoir soigneusement expliqué pendant 84 vers les détails de la gravure :
Ainsi sera figurée l’Image
D’un convenable, & bien faict Mariage,
Que l’on pourra mettre en un ciel de lict
Auquel Mary, & Femme hont leur delict.63
On constate donc la dissociation complète du mythe platonicien de l’androgyne, si puissant à la Renaissance – qui d’une certaine façon rejoint ici la morale commune en se faisant allégorie du mariage – et la fable ovidienne d’Hermaphrodite ; par ailleurs, dans l’un et l’autre cas, il n’est plus question d’un être au double sexe. En un mot, la force subversive, l’inquiétante séduction du texte latin sont complètement oubliées au profit d’une lecture moralisante.
Il en est de même dans la célèbre édition de la Métamorphose d’Ovide figurée de 1557 parue chez Jean de Tournes à Lyon, qui connut aussi une édition italienne, et dont l’illustrateur est Bernard Solomon [Fig. 7, source BnF] : les gravures seront réutilisées dans de nombreuses éditions postérieures64, et l’illustration de la fable de Salmacis et Hermaphrodite largement diffusée ; on remarque son caractère narratif : la source (inquiétante) à gauche, la scène de séduction au premier plan, puis la métamorphose dans un second plan. Le modèle de cette représentation en deux temps se trouve probablement chez Jan Gossaert, œuvre qui date du début du XVIe siècle [Fig. 8, source Museum Boijmans Van Beuningen (Rotterdam)].
Fig. 7
Fig. 8
Les huitains qui se trouvent sous les vignettes sont parfois attribués à Aneau (mais cela ne semble pas tout à fait établi) et là encore, on peut constater la perte de sens de la fable :
Salmacis voit le bel adolescent
En sa fonteine : et de lui amoureuse
Tresardemment, lors prend le fruit recent.
Mais qu’advient-il ? chose tresmerveilleuse,
Que l’on peut dire estrangement honteuse :
Des deus n’est qu’un personnage, qu’on dit
Masle et femelle, en couple unique hideuse :
Et autrement, c’est un Hermaphrodite.65
La fable ovidienne devient « honteuse », « hideuse » ; ce qui s’exprime c’est l’horreur devant une telle métamorphose, horreur qui provient de l’inversion des rôles sexuels : la femme prédatrice et donc masculine met en danger la virilité du jeune homme.
Dans la plupart des éditions des XVIIe et XVIIIe siècles, la métamorphose n’est d’ailleurs plus du tout représentée, à la fois pour des raisons esthétiques, car un tel monstre serait contraire à l’idéal classique, mais aussi parce que le sens « mythique » de la fable se perd au profit d’une histoire de séduction scandaleuse d’un homme par une femme. Ainsi dans les Tableaux du Temple des Muses […] Représentant les Vertus et les Vices sur les plus illustres fables de l’antiquité66, où Michel de Marolles commente la série de gravures mythologiques issues de la collection de feu M. Favereau, l’illustration [Fig. 9, source BnF], au demeurant fort belle, montre au premier plan un petit Amour, qui a tiré sa flèche sur la nymphe, dans un paysage tourmenté avec des arbres penchés par le vent. Salmacis se précipite nue sur le jeune homme effrayé. « Cette nymphe a bien peu de pudeur », commente sentencieusement l’abbé, car « l’honnesteté si bienséante aux filles lui devrait inspirer plus de retenuë ». Ce commentaire moralisant est néanmoins en décalage avec une image dont le caractère franchement érotique est immédiatement perceptible. Preuve en est que l’auteur ajoute :
Cette fontaine, à ce qu’on dit, a tousjours esté depuis de telle vertu, que ceux qui s’y sont plongez, ont tous acquis une double nature ; de sorte que celle des hommes s’y est affoiblie, mais celle des femmes s’y est fortifiée. Voilà ce me semble une figure assez agréable de l’union conjugale, selon cette parole si expresse, et si remarquable, Ils seront deux en une seule personne.67
Fig. 9
La citation évangélique – qui s’inscrit dans la proposition d’Aneau de faire de l’androgyne le symbole de l’union sexuelle dans le mariage – vise à empêcher d’autres interprétations moins morales : l’abbé précise en effet que « ceux qui donnent un autre sens à la fable d’Hermaphrodite et de Salmacis, ne s’en expliquent pas, à mon avis, avec autant de bienséance qu’il seroit à désirer »68.
Ces garde-fous mis en place pour éviter une lecture « malséante » sont loin d’être franchement convaincants, et il est fort probable que nombre de lecteurs les lisaient avec amusement ; il faut néanmoins noter les deux interprétations dominantes de la fable de Salmacis et Hermaphrodite : l’une, traditionnellement misogyne, avec une mise en garde contre les femmes séductrices, et l’autre allégorique, sous l’influence de l’androgyne platonicien, selon laquelle l’être bisexué symbolise le couple légitime et l’indissolubilité du mariage. Dans les deux cas, tous les aspects non-conformes à la morale chrétienne – tant de la fable ovidienne que du mythe platonicien – ont été gommés.
Il faut donc se tourner vers les textes « marginaux », qu’ils soient libertins ou burlesques, pour que le texte d’Ovide reprenne vie.
Louis Richer, dans son Ovide bouffon ou les Metamorphoses travesties en vers burlesques69, propose ainsi une lecture franchement érotique et pour le moins ambiguë de la fable :
Pourquoy faut-il que l’on se plaigne,
Quand en Salmacis on se baigne,
D’avoir double sexe et voisin,
Moitié figue, moitié raisin,
Moitié Monsieur, moitié Madame ?
Et d’où vient cette force infame
Qui fait que qui sort de ce ru,
Apres s’estre lavé le cu,
Si femme c’est, se sent homasse,
Et si c’est homme, tout molasse ?70
Il est fort probable que ce dizain contient des allusions à l’homosexualité ; et c’est probablement ainsi qu’il faut lire la réécriture que Cyrano de Bergerac propose de la fable ovidienne, dans l’Histoire comique des États et Empires du soleil, paru à titre posthume en 1662. L’histoire de Salmacis et Hermaphrodite est située dans le long passage sur les « arbres amants » – nés des cadavres des amants Oreste et Pylade, version homosexuelle de Pyrame et Thisbé71 – dont les pommes ont le pouvoir magique de rendre extrêmement amoureux. Aussi Hermaphrodite et Salmacis ont-ils, comme nombre de couples mythiques quelque peu sulfureux (Myrrha et son père, Pygmalion et Galatée, Iphis et Ianthé), mangé ce fruit, mais sous une forme particulière : les parents du jeune homme, qui voient tout « l’avantage » d’une « alliance » du berger Hermaphrodite avec la nymphe, ont préparé un philtre à partir du suc de ces pommes, dont l’effet est extraordinaire :
Son énergie [celle du philtre], qu’ils avaient sublimé au plus haut degré qu’elle pouvait monter, alluma dans le cœur de ces amoureux un si véhément désir de se joindre, qu’à la première vue Hermaphrodite s’absorba dans Salmacis, et Salmacis se fondit entre les bras d’Hermaphrodite. Ils passèrent l’un dans l’autre, et de deux personnes de sexe différent, ils en composèrent un double je ne sais quoi qui ne fut ni homme ni femme. Quand Hermaphrodite voulut jouir de Salmacis, il se trouva être la nymphe ; et quand Salmacis voulut qu’Hermaphrodite l’embrassât, elle se sentit être le berger. Ce double je ne sais quoi gardait pourtant son unité ; il engendrait et concevait sans être ni homme ni femme ; enfin la Nature en lui fit voir une merveille qu’elle n’a jamais pu depuis empêcher d’être unique.72
C’est explicitement dans le coït que les amants changent de sexe : tel Tirésias, ils font alors l’expérience de la jouissance dans l’autre sexe, par l’autre sexe. Il n’y a plus de perte, mais une multiplication de l’être qui devient l’un et l’autre.
Dans cette version proposée par Cyrano, la figure d’Hermaphrodite rejoint celle de l’androgyne néo-platonicien ; l’auteur très hétérodoxe du XVIIe siècle, libertin mais aussi probablement homosexuel, semble proclamer la parfaite égalité entre les deux sexes dans le désir : contrairement à la version ovidienne, Hermaphrodite désire Salmacis, autant qu’elle le désire. Pourtant, une lecture autrement plus subversive est aussi possible, celle de l’affirmation de la féminité de l’homme et de la masculinité de la femme. Plus encore, cette identité sexuelle double promet aussi une jouissance aussi bien homosexuelle qu’hétérosexuelle.
La fable ovidienne d’Hermaphrodite et Salmacis a donc été l’objet au cours de ces deux siècles d’interprétations, mais aussi de réécritures, fort diverses. Quoi qu’il en soit, les liens entre la fable ovidienne – qui raconte une histoire – et le mythe de l’androgyne originel, qui dans le néoplatonisme est un idéal, ne sont pas si nets. On peut même dire que ces deux versions de l’être bisexué sont antithétiques : le texte ovidien décrit une fusion qui a eu lieu après la séparation des sexes et qui est donc perçue comme une chute ; en revanche, chez Platon et plus encore chez tous les néo-platoniciens de la Renaissance, c’est la division entre les sexes qui rend l’individu infirme, toujours en quête de sa moitié perdue. Cette opposition apparaît chez nombre de commentateurs qui, comme Barthélemy Aneau, chantent l’androgyne comme aspiration à la vertu et au bonheur dans le mariage et font de Salmacis l’incarnation du vice. On mesure encore davantage l’audace de Cyrano, qui en parvenant à fusionner Ovide et Platon, a donné à la fable d’Hermaphrodite une force subversive mais aussi poétique qu’elle avait perdue dans les commentaires « officiels » tournés vers une lecture presque exclusivement morale des Métamorphoses.
[1] OVIDE, Métamorphoses, IV, v. 285-389. On peut en trouver une édition électronique sur le site de la Bibliotheca Classica Selecta en regard du texte latin : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/METAM/Met04/M04-274-415.htm. C’est le texte que nous utiliserons. Pour accéder à quelques illustrations du mythe, on pourra consulter : http://www.latein-pagina.de/iexplorer/ovids_metas.htm.
[2] Nombre d’enfants auraient pu écrire comme l’auteur des Essais : « Le premier goût que j’eus aux livres, il me vint du plaisir des fables de la Metamorphose d’Ovide », Essais, I, 26, « De l’institution des enfants ».
[3] Voir Ghislaine Amielle, Recherches sur les traductions françaises des métamorphoses d’Ovide, illustrées et publiées en France à la fin du XVe et au XVIe siècle, Paris, Touzot, 1988 ; Ann Moss, Ovid in renaissance France : a survey of the Latin editions of Ovid and commentaries printed in France before 1600, Londres, Warburg institute/University of London, 1982.
[4] Le sujet n’est pas tout à fait neuf : voir aussi Sophie Comarmond, « Le mythe de l’Hermaphrodite dans la Renaissance », in Peter Schnyder (dir.), Métamorphoses du mythe. Réécritures anciennes et modernes des mythes antiques, Paris, Orizons, 2008 ; Ann Moss consacre une grande partie de ses analyses à la fable de Salmacis et Hermaphrodite dans son ouvrage Poetry and Fable: Studies in Mythological Narrrative in 16th Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.
[5] Métamorphoses, IX, v. 666-713.
[6] Outre le Louvre, la Villa Borghese et le Musée des Thermes à Rome, l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, le British Museum à Londres et les Offices à Florence en possèdent chacun un exemplaire. Ces statues romaines seraient les répliques d’un original grec sans doute du deuxième siècle avant J.-C. qu’on attribue à Polyclès. Pline l'Ancien évoque en effet un Hermaphroditus nobilis de Polyclès sans le décrire (Histoire naturelle, XXXIV, 80). Mais il n’est pas sûr qu’il s’agisse bien de cette statue.
[7] Johann Joachim Winckelmann, Histoire de l’art de l’antiquité, Michael Huber (trad.), Leipzig, J. G. I. Breitkopf, 1781, t. 2, liv. IV, p. 47-48. Il faut signaler que l’on doit à Winckelman l’invention de l’hermaphrodite comme idéal esthétique ; l’éphèbe efféminé devient, plus que la femme, le modèle de la beauté classique.
[8] Marie Delcourt, Hermaphrodite. Mythes et rites de la bisexualité dans l’antiquité classique, Paris, PUF, 1959. On pourra compléter cet ouvrage par celui, plus récent, de Luc Brisson, Le Sexe incertain, androgynie et hermaphrodisme dans l’antiquité gréco-romaine (1re éd. 1997), Paris, Les Belles Lettres, 2008.
[9] Platon, Le Banquet, E. Chambry (trad.), Paris, Flammarion, « GF », 1964, p. 49-51.
[10] Sur « l’œuf primordial », il existe une importante littérature critique, souvent de type ésotérique. Karl Jung y a consacré une partie de sa réflexion en lien avec l’« animus » et l’« anima » : cette image d’un œuf cosmique originel comprenant les principes féminin et masculin dont la différenciation donnera naissance à la vie est présente dans de très nombreuses cosmogonies.
[11] OVIDE, Métamorphoses, IV, v. 285-389.
[12] Pour Strabon les « efféminés » désignaient les hommes corrompus par la richesse, le luxe et la débauche (Géographie, XIV, 2, 16). Cette idée est développée d’une façon différente par Vitruve dans son ouvrage Sur l’architecture (II, 8, 11-12), où il précise que la réputation de la source provenait du fait qu’elle avait changé les barbares en êtres civilisés. Attirés par la saveur de la source et le temple qui avait été construit sur ce lieu par les Grecs, les autochtones qui se trouvaient à proximité de la colonie grecque d’Halicarnasse « troquèrent leur caractère dur et farouche pour le mode de vie et l’affabilité des Grecs ». La source aurait donc civilisé les barbares en les féminisant ; il y a là peut-être une lecture positive de l’effémination, mais une autre interprétation est possible : en opposant la débauche (les délices de Capoue) aux valeurs viriles de la guerre, la source dévirilise les ennemis des Grecs, qui peuvent ainsi les vaincre plus aisément.
[13] OVIDE, Métamorphoses, IV, v. 290.
[14] Ibid., v. 378-379.
[15] Ibid., v. 381.
[16] Ibid., v. 386.
[17] Ibid., v. 379.
[18] Voir les analyses de Luc BrIsson dans Le Sexe incertain, op. cit., chap. II, « Bisexualité et homosexualité » (p. 41-66).
[19] Nous avons choisi ce système herméneutique – que nous reprenons aussi à Poetry and Fable, op. cit. d’Ann Moss – parce qu’il correspond à celui que nous avons rencontré dans les interprétations de la fable de Salmacis et Hermaphrodite ; mais il s’agit là d’une simplification et d’autres formes – ou d’autres appellations – de lecture plurielle du texte existent dans la scolastique médiévale ; on parle ainsi, à propos de « l’esprit » du texte – différent de la « lettre » – de commentaires « allégoriques », « tropologiques » (symboliques), et « anagogiques » (spirituels), ou encore d’une lecture à quatre niveaux : littéral, naturaliste, historique, spirituel. Les dénominations – « allégorique », « moral », etc. – sont de fait assez flottantes dans les textes où nous les avons rencontrées.
[20] Avec la rédaction de l’Ovide moralisé en vers, la première moitié du XIVe siècle marque l’avènement des transcriptions intégrales des Métamorphoses d’Ovide. Le succès du long poème est tel que, jusqu’à la Renaissance, les versions en prose et les remaniements en vers se succéderont régulièrement. Parue en 1484 à Bruges sous la presse de l’imprimeur Colard Mansion, La Bible des poëtes en est la première version imprimée. Cette édition reprend en effet le texte de l’Ovidus Moralizatus attribué au dominicain Thomas Waleys.
[21] La Bible des poëtes, Métamorphose [d'Ovide moralisée] par Thomas Walleys et traduite par Colard Mansion, Paris, A. Vérard, 1493, BnF réserve VELIN-559, fol. XL ro. La BnF possède une autre édition dont les miniatures sont légèrement différentes (Réserve VELIN-560).
[22] Le sens « moral » est ici celui qui transforme Hermaphrodite en figure christique, le sens « allegoricque » est celui qui fait de la fontaine un utérus, etc.
[23] La Bible des poëtes, BnF Réserve VELIN-559, fol. XLI ro.
[24] Ibid., fol. 41 vo.
[25] Ibid.
[26] L’explication « naturelle » est directement reprise de La Généalogie des Dieux de Boccace qui a joué un grand rôle dans l’interprétation allégorique des fables antiques, voir Ann Moss, Poetry and Fable, op. cit., p. 13.
[27] Lesquelles, précise l’éditeur, « mieulx que ailleurs sont traictees par Fulgence en ses mithologies », Le Grand Olympe, Paris, Arnoul Langelier, préface, n. p. Les Mythologies de Fulgence, édition bilingue d'Étienne Wolf et Philippe Dain, viennent de paraître aux Presses Universitaires du Septentrion, dans la collection « Mythographes » (2013). Fulgence, auteur chrétien du Ve ou VIe siècle, a proposé une « moralisation » de cinquante fables païennes par une méthode allégorique, celle qui a été ensuite développée pendant tout le Moyen Âge.
[28] Poetry and fable, op. cit., p. 43.
[29] La Bible des poëtes, op. cit., fol. XXXII vo.
[30] Voir Ann Moss, Poetry and Fable, op. cit., p. 43.
[31] Le Premier livre de la Métamorphose d’Ovide, Paris, Étienne Rosset, 1534.
[32] Lyon, Guillaume Rouille, 1556. Voir aussi Clément Marot et Barthélemy Aneau, les Trois premiers livres de la Métamorphose d'Ovide, édition critique publiée par Jean-Claude Moisan avec la collaboration de Marie-Claude Malenfant, Paris, Champion, 1997.
[33] Les Quinze livres de la métamorphose d'Ovide, interpretez en rime francoise selon la phrase latine, Paris, Kerver, 1557.
[34] Les Métamorphoses d'Ovide mises en vers François par Raymond et Charles DE Massac, père et fils, Paris, François Pomeray, 1617 [éd. des 7 premiers livres en 1603].
[35] Nous avons consulté une édition plus tardive : Les Métamorphoses d'Ovide, De nouveau traduites en françois, Avec XV discours Contenans l'explication morale des fables, Rouen, Jean Berthelin, vol. 1, 1626, vol. 2, 1630.
[36] Pierre Du Ryer, Les Métamorphoses d'Ovide, en latin et françois, divisées en XV livres. Avec de nouvelles Explications Historiques, Morales et Politiques, sur toutes les Fables, chacune selon son sujet, Amsterdam, P. et J. Blaeu, Janssons à Waesberge, Boom et Goethals, 1702 [1658].
[37] Voir, sur ces questions, Ghislaine Amielle, Recherches sur les traductions françaises des métamorphoses d’Ovide, op. cit.
[38] Paris, B. Girin ; les deux premiers livres étaient parus en 1669 (Paris, C. Barbin).
[39] Voir Guy Demerson, La Mythologie classique dans l'œuvre lyrique de la « Pléiade », Genève, Droz, 1972.
[40] Les Métamorphoses d'Ovide (1626-1630), op. cit., vol. 2, p. 5.
[41] Les Métamorphoses d'Ovide (1617), op. cit., p. 5.
[42] Les Histoires des poètes Comprises au Grand Olympe, en ensuyvant la Metamorphose d'Ovide : et autres aditions et Histoires poëtiques propres pour la poësie, Niort, Thomas Porteau, 1595.
[43] Les Métamorphoses d'Ovide (1617), op. cit., p. 17.
[44] Les Métamorphoses d'Ovide (1626-1630), op. cit., vol. 2, p. 86.
[45] Voir Cécile Cerf « Hermaphrodisme et langage : le cas de l’équivoque », in Marianne Closson (dir.), L’Hermaphrodite de la Renaissance aux Lumières, Paris, Classiques Garnier, « Masculin/Féminin dans l’Europe moderne », 2013, p. 325-340.
[46] Les Métamorphoses d'Ovide (1626-1630), op. cit., vol. 2, p. 87.
[47] Ibid., p. 88-89.
[48] Les Métamorphoses d'Ovide (1702), op. cit.
[49] Ibid., p. 126.
[50] Le mythe des Hermaphrodites de Floride, apparu dès le XVIe siècle, a perduré pendant deux siècles, malgré le grand nombre de voyageurs affirmant qu’il ne s’agissait que d’hommes travestis en femmes ; on peut citer à ce propos le long chapitre (t. 2, IVe partie, section 3) consacré à ces « créatures défectueuses » par Cornelius de Pauw dans ses Recherches philosophiques sur les Américains, Berlin, G. J. Decker, 1768-1769.
[51] Les Métamorphoses d'Ovide (1702), op. cit., p. 126.
[52] Ibid., p. 126.
[53] Ibid.
[54] Marie-Claire Chatelain, Ovide savant, Ovide galant, Paris, H. Champion, 2008, p. 163.
[55] Le Grand Olympe, op. cit., 1539, n. p.
[56] B. ANEAU, Trois premiers livres de la metamorphose d’Ovide, op. cit.
[57] Le titre complet est en effet Trois premiers livres de la metamorphose d’Ovide […] mythologisez par allegories Historiales, Naturelles et Morales.
[58] B. Aneau, Trois premiers livres de la metamorphose d’Ovide, op. cit., préface, n. p.
[59] L'Imagination poétique, Lyon, Macé Bonhomme, 1552.
[60] Ibid., p. 6.
[61] Ibid., p. 44-45.
[62] Ibid.
[63] Ibid. On trouve aussi dans L’Imagination poétique (p. 111) l’épigramme très célèbre aux XVIe et XVIIe siècles sur l’hermaphrodite condamné à mourir à la fois tué, pendu et noyé, attribué à un poète latin nommé Pulex (ou Pollux selon l’abbé Michel de Marolles, Tableaux du Temple des Muses […] pour représenter les Vertus et les Vices, sur les plus illustres fables de l’antiquité, Paris, N. Langlois, 1655, p. 249).
[64] Voir, par exemple David Ferrand, Les Figures des metamorphoses d'Ovide, sommairement descrites souz chasque Figure en vers François, Rouen, Chez l'autheur, 1641.
[65] Métamorphose d’Ovide figurée, Lyon, Jean de Tournes, 1557, n. p.
[66] M. de Marolles, Tableaux du Temple des Muses, op. cit.
[67] Ibid., p. 244. Citation de Marc, 10 : 8.
[68] Ibid.
[69] Louis Richer, Ovide bouffon ou les Métamorphoses travesties en vers burlesques suivi de L'Ovide en belle humeur de Dassoucy (1re éd. 1649), Paris, Estienne Loyson, 1665.
[70] Ibid., p. 379.
[71] Cyrano de Bergerac, Les États et Empires du soleil, in L’Autre Monde, Jacques Prévot (éd.), Paris, Gallimard, « folio », 2004, p. 259 sq.
[72] Ibid., p. 266.
Résumé
D’abord soumise à l’herméneutique médiévale et à ses quatre niveaux d’interprétation – « naturel », « historique », « moral » et « spirituel » – la fable ovidienne de Salmacis et Hermaphrodite a connu, du fait de l’immense succès des Métamorphoses à la Renaissance, de nombreuses interprétations, réécritures et représentations iconographiques. La rencontre avec l’androgyne de Platon – incarnation de l’amour parfait dans une lecture néoplatonicienne – a permis à la fois la fois d’idéaliser mais aussi d’affadir la fable ovidienne, dont l’aspect inquiétant et immoral a été mis en évidence et rejeté, jusqu’à ce que des auteurs « libertins » s’emparent du mythe de l’être au sexe double pour lui donner une nouvelle force subversive.
Marianne Closson
Univ. Artois, EA 4028, Textes & Cultures, Arras, F-62000, France
Sources
Le Grand Olympe des hystoires poetiques du prince de poesie Ovide Naso en sa metamorphose, Paris, Arnoul Langelier, 1532.
Les Histoires des poètes Comprises au Grand Olympe, en ensuyvant la Metamorphose d’Ovide : et autres aditions et Histoires poëtiques propres pour la poësie, Niort, Thomas Porteau, 1595.
Métamorphose d’Ovide figurée, Lyon, Jean de Tournes, 1557.
Aneau, Barthélemy,
— L’Imagination poétique, Lyon, Macé Bonhomme, 1552.
— Trois premiers livres de la metamorphose d’Ovide, mythologisez par allegories Historiales, Naturelles et Morales, Lyon, G. Rouille, 1556.
CORNEILLE, Thomas, Les Métamorphoses d’Ovide, mises en vers français, Paris, B. Girin, 1697.
Cyrano DE Bergerac, Les États et Empires du soleil, in L’Autre Monde, Jacques Prévot (éd.), Paris, Gallimard, « folio », 2004.
DESFRANS, Christofle, Les Histoires des poètes Comprises au Grand Olympe, en ensuyvant la Metamorphose d’Ovide : et autres aditions et Histoires poëtiques propres pour la poësie, Niort, Thomas Porteau, 1595.
Du Ryer, Pierre, Les Métamorphoses d’Ovide, en latin et françois, divisées en XV livres. Avec de nouvelles Explications Historiques, Morales et Politiques, sur toutes les Fables, chacune selon son sujet, Amsterdam, P. et J. Blaeu, Janssons à Waesberge, Boom et Goethals, 1702 [1658].
Ferrand, David, Les Figures des metamorphoses d’Ovide, sommairement descrites souz chasque Figure en vers François, Rouen, Chez l'autheur, 1641.
Fulgence, Mythologies, Étienne Wolf et Philippe Dain (éd.), Lille, Éditions universitaires du Septentrion, « Mythographes », 2013.
Habert, François, Les Quinze livres de la métamorphose d'Ovide, interpretez en rime francoise selon la phrase latine, Paris, Kerver, 1557.
Heroët, Antoine, L’Androgyne, 1536.
Mansion, Colard, La Bible des poëtes, Bruges, Colard Mansion, 1484.
Marolles, Michel de, Tableaux du Temple des Muses […] pour représenter les Vertus et les Vices, sur les plus illustres fables de l’antiquité, Paris, N. Langlois, 1655.
Marot, Clément, Le Premier livre de la Métamorphose d’Ovide, Paris, Étienne Rosset, 1534.
Marot, Clément et Aneau, Barthélemy, Trois premiers livres de la Métamorphose d'Ovide, Jean-Claude Moisan et Marie-Claude Malenfant (éd.), Paris, Champion, 1997.
Massac, Raymond et Charles de, Les Métamorphoses d'Ovide mises en vers François, Paris, François Pomeray, 1617 [éd. des 7 premiers livres en 1603].
OVIDE, Métamorphoses, IV, v. 285-389 ; texte latin et français, Bibliotheca Classica Selecta, http://bcs.fltr.ucl.ac.be/METAM/Met04/M04-274-415.htm.
Pauw, Cornelius de, Recherches philosophiques sur les Américains, Berlin, G. J. Decker, 1768-1769, t. 2, IVe partie, section 3.
Platon, Le Banquet, E. Chambry (trad.), Paris, Flammarion, « GF », 1964.
Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXIV, 80.
Renouart, Nicolas, Les Métamorphoses d’Ovide, De nouveau traduites en françois, Avec XV discours Contenans l'explication morale des fables (1re éd. 1606), Rouen, Jean Berthelin, vol. 1, 1626, vol. 2, 1630.
Richer, Louis, Ovide bouffon ou les Métamorphoses travesties en vers burlesques suivi de L’Ovide en belle humeur de Dassoucy (1re éd. 1649), Paris, Estienne Loyson, 1665.
Strabon, Géographie, XIV, 2, 16.
Vitruve, Sur l’architecture, II, 8, 11-12.
Walleys, Thomas,
— La Bible des poëtes, Métamorphose [d'Ovide moralisée], Colard MANSION (trad.), Bruges, C. Mansion, 1484.
— La Bible des Poëtes, Paris, A. Vérard, 1493.
Critique
Amielle, Ghislaine, Recherches sur les traductions françaises des métamorphoses d’Ovide, illustrées et publiées en France à la fin du XVe et au XVIe siècle, Paris, Touzot, 1988.
Brisson, Luc, Le Sexe incertain, androgynie et hermaphrodisme dans l’antiquité gréco-romaine (1re éd. 1997), Paris, Les Belles Lettres, 2008.
Cerf, Cécile, « Hermaphrodisme et langage : le cas de l’équivoque », L’Hermaphrodite de la Renaissance aux Lumières, in Marianne Closson (dir.), Paris, Classiques Garnier, « Masculin/Féminin dans l’Europe moderne », 2013, p. 325-340.
Chatelain, Marie-Claire, Ovide savant, Ovide galant, Paris, H. Champion, 2008.
Comarmond, Sophie, « Le mythe de l’Hermaphrodite dans la Renaissance », in Peter Schnyder (dir.), Métamorphoses du mythe. Réécritures anciennes et modernes des mythes antiques, Paris, Orizons, 2008.
Delcourt, Marie, Hermaphrodite. Mythes et rites de la bisexualité dans l’antiquité classique, Paris, PUF, 1959.
Demerson, Guy, La Mythologie classique dans l'œuvre lyrique de la « Pléiade », Genève, Droz, 1972.
Moss, Ann, Ovid in renaissance France : a survey of the Latin editions of Ovid and commentaries printed in France before 1600, Londres, Warburg institute/University of London, 1982.
— Poetry and Fable: Studies in Mythological Narrrative in 16th Century France, Cambridge, Cambridge University Press, 1984.
Winckelmann, Johann Joachim, Histoire de l’art de l’antiquité, Michael Huber (trad.), Leipzig, J. G. I. Breitkopf, 1781, t. 2, liv. IV.