Depuis l’esthétique romantique, le lecteur moderne est prédisposé à concevoir la poésie lyrique comme une écriture du moi, une expression de l’intime, c’est-à-dire des émotions ou des sentiments qui sont contenus au plus profond de l’être et dissimulés aux autres. Or la poésie du Moyen Âge repose sur une conception tout autre du lyrisme. Dans la poésie des troubadours et des trouvères, aux xiie et xiiie siècles, le « je » qui s’exprime est un « je » universel et intemporel, dénué de toute individualité historique. Fondée sur le respect d’une tradition, cette poésie recourt à un vocabulaire topique, très souvent abstrait, à des thèmes, des motifs et des images toujours antérieurement répertoriés. À partir des xive et xve siècles, le lyrisme connaît de multiples changements. Le « je » qui s’exprime est moins abstrait et il s’incarne parfois dans un corps représenté et théâtralisé. Ainsi Villon se dépeint à la fin du Lais « Sec et noir comme escouvillon »1, ou encore, tondu, rasé « comme ung navet c’on ret ou pelle »2 par ses tortionnaires de la prison de Meung-sur-Loire ; Guillaume de Machaut se présente quant à lui comme un borgne3, tandis qu’Eustache Deschamps se lamente sur les vicissitudes de la vieillesse et la décrépitude de son corps4. Il n’en va pas de même pour Charles d’Orléans, mais le lecteur est frappé à la lecture de sa poésie par l’omniprésence du « sentement », terme que l’on peut traduire par « émotion affective », « sentiment intime ». Prisonnier en Angleterre durant vingt-cinq ans, à la suite du désastre d’Azincourt en 1415, Charles d’Orléans confie dans sa poésie, devenue un passe-temps, ses souffrances d’exilé et bientôt d’endeuillé, puisque son épouse Bonne d’Armagnac meurt durant sa captivité, entre 1430 et 1435. Le « je » qui s’exprime dans sa création lyrique est différent du « je » universel des trouvères. Il est pourvu d’une identité, car il se nomme à différentes reprises dans le recueil de ses poésies. Il est aussi pourvu d’une histoire, car certaines pièces lyriques sont précisément datées. Toutefois, la poésie de Charles d’Orléans n’est pas dégagée pour autant de la tradition courtoise, et, fondée sur l’écriture allégorique, elle est marquée par la double abstraction des topoi et des personnifications généralisantes. Cette tension entre universalité et individualité du « je » apparaît avec plus d’acuité dans l’écriture poétique de rêves à l’intérieur du recueil. À l’époque où écrit Charles d’Orléans le songe est un lieu commun rhétorique, qui s’est largement répandu dans le sillage du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meun, composé au xiiie siècle. Mais à la différence de nombreux songes-cadres écrits à partir du Roman de la Rose, le « je » qui rêve dans les poésies de Charles d’Orléans est nettement individualisé. Expression lyrique d’une subjectivité et d’une part intime de soi à laquelle il donne une forme singulière, l’écriture des rêves poétisés est un moule formel, dans lequel s’insinue la voix unique de l’endeuillé.
Nous avons relevé deux poésies en forme de songe dans le manuscrit français (BnF fr. 25458)5 qui sert de base à l’édition de Jean-Claude Mühlethaler sur laquelle nous nous fonderons6. Dans ce manuscrit, qui a été l’exemplaire personnel du duc d’Orléans, le recueil s’ouvre sur un dit narratif intitulé La Retenue d’Amour. Sous la forme de quarante dizains décasyllabiques à rimes plates, ce poème raconte l’entrée du poète au service du dieu d’amour. Réveillé un beau matin et emmené par Jeunesse au château du dieu d’amour, il est frappé par les flèches de Beauté, et contraint de prêter hommage au dieu. Ensuite Amour commande à Bonne Foi, secrétaire en chef, de rédiger la lettre de retenue, c’est-à-dire d’hommage. Loyauté la scelle du sceau d’Amour et la remet à l’amoureux. En gage, Amour retient son cœur. Après cet épisode princeps, se déroule une section qui va de la ballade 1 à la ballade 57 qui relate la naissance d’un amour, ses joies et ses peines, jusqu’à la mort de la dame qui n’est jamais nommée. L’ensemble formé par les ballades 58 à 71 constitue un tout que l’on pourrait nommer le cycle du deuil. Après la mort de la bien-aimée, le poète se lamente sur sa perte, célèbre ses funérailles et décrit son tombeau enluminé de larmes. Il se sent aussi attiré par un nouvel amour et écrit son testament littéraire. C’est à l’intérieur de ce cycle que se situe le premier rêve. Le premier jour du mois de mai, il a dû choisir, sans doute dans une cour d’amour, entre l’ordre de la feuille et l’ordre de la fleur. En raison de la mort de sa dame, il choisit l’ordre de la feuille (Ballade 61)7. Le lendemain, au petit jour, il rêve qu’une fleur lui apparaît et vient lui reprocher son choix. Il l’assure qu’il n’a rien fait de mal et qu’il l’honorera toujours en souvenir de l’amour qu’il a porté à une fleur qu’il espère revoir au paradis après sa mort (Ballade 62).
Enfin la première partie du recueil s’achève par le Songe en complainte et la Departie d’Amours en balades. Après la mort de sa dame, le poète décide de prendre congé d’Amour. Il y est incité par un songe qui est l’exact pendant de la Retenue d’Amour. Ce n’est plus Jeunesse qui lui apparaît, mais Âge, son double raisonneur, qui lui apprend l’attaque imminente de Vieillesse et lui enjoint d’abandonner le chemin des amoureux. Au réveil, le poète rédige une requête au dieu d’amour, dans laquelle il lui demande de le délier de son hommage en raison de la mort de sa dame et de lui redonner son cœur déposé en garantie. L’ensemble se clôt sur une suite narrative de sept ballades, qui relatent son entrevue avec le dieu d’amour, puis le départ pour le manoir de son enfance, nommé Nonchaloir, où l’attend Passe-Temps. Cette petite fiction autobiographique s’achève sur une lettre du poète à Amour, composée de 61 décasyllabes à rimes plates, dans laquelle il donne de ses nouvelles au dieu, lui apprenant qu’il restera au manoir de Nonchaloir jusqu’à l’arrivée de Vieillesse. La lettre est datée du 3 novembre et signée Charles d’Orléans.
À l’intérieur de cette première partie du recueil, ces deux songes s’opposent et se répondent sur un mode symbolique. Le rêve printanier de la fleur se situe le « lendemain du premier jour de may »8. Il se présente sous la forme d’une grande ballade composée de trois dizains de décasyllabes, suivis d’un envoi de quatre décasyllabes. Survenu en automne, le Songe en complainte est constitué de 22 huitains de décasyllabes, composés de deux quatrains à rimes croisées, puis embrassées ababbaab9. Il se situe quelques jours avant la Departie d’Amours, que l’on peut dater précisément, puisque le dieu d’amour donne quittance à la requête du poète dans une lettre officielle datée du « jour de la feste des mors, / L’an mil quatre cens trente et sept […] »10. Au songe amoureux du printemps succède ainsi le songe automnal de renoncement à l’amour, dont la date fait écho au culte des morts et plus précisément au culte de la morte bien-aimée. De plus, dans les deux cas, le rêve obéit à un même scénario. Un être apparaît au rêveur : une fleur, symbole de la femme, un vieillard, symbole d’Âge, pour le blâmer ou lui intimer une conduite à tenir de toute urgence. L’organisation narrative des rêves, ainsi que leur position calendaire, invitent donc à les considérer plutôt comme des lieux communs rhétoriques que comme des songes authentiques.
C’est ainsi qu’analysant les insomnies et les songes dans la poésie de Charles d’Orléans, Alice Planche a pu écrire que le récit de ces rêves est « d’une authenticité douteuse »11, c’est-à-dire qu’il constitue un procédé d’exposition, un artifice rhétorique qui ne correspond en rien à une expérience onirique véritable, censée dévoiler l’intimité la plus obscure de l’être. Les deux songes relatés sont en effet construits à partir de conventions littéraires factices, aisément repérables dans la topique courtoise ou dans les songes allégoriques depuis l’Antiquité. Ainsi le rêve de la ballade 62, au cours duquel une fleur apparaît au poète pour lui reprocher son choix de la feuille, devient un prétexte pour faire l’éloge de la noble princesse défunte. Le scénario est élaboré à partir d’éléments topiques de la poésie des troubadours et des trouvères tels que la reverdie, topos poétique chantant le renouveau de la nature au joli mois de mai, utilisé dans l’ouverture de tout chant courtois. De même l’apparition de la fleur, qui appelle le souvenir d’une autre fleur, désignation métaphorique de la dame, est-elle un clin d’œil appuyé au Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, dans lequel la rose est glosée dans le prologue comme le symbole de la femme aimée12. Rencontrée dans la Retenue d’Amour, sous l’identité allégorique de « Plaisant Beauté »13, la dame reste anonyme et imaginaire, de sorte que la critique n’est jamais parvenue à identifier en toute certitude cette belle disparue dont il est question dans les deux rêves. Est-ce Isabelle de France, la première épouse de Charles d’Orléans, morte en 1409, après avoir accouché d’une fille, ou bien sa deuxième femme, Bonne d’Armagnac que Charles d’Orléans épousa en 1410 et qui mourut entre 1430 et 1435, durant sa captivité ? Ou bien encore serait-ce une dame anglaise, Maud d’Arundel, que le duc aurait fréquentée et qui serait décédée en 1436 ?14 On peut aussi émettre l’hypothèse qu’elle est une figure de la mère, Valentine Visconti, décédée en 1409, ou du pays de France qu’il décrit, depuis l’Angleterre où il est exilé, comme une dame aimée dont il est séparé par la guerre15. Toutes ces incertitudes font de la dame, objet de déploration dans les deux songes, une figure abstraite, semblable à celle de la poésie lyrique courtoise, une sorte de figure blanche, sur laquelle viennent se projeter toutes les figures féminines possibles d’une réalité filtrée et dissoute par l’écriture poétique.
Si le songe de la fleur s’inscrit dans la topique de la lyrique courtoise, le Songe en Complainte, se présente, quant à lui, comme un rêve typique, qui obéit au modèle de la classification macrobienne des rêves. On peut aisément le définir comme un oraculum, type de vision onirique qui se produit « lorsque dans le sommeil un parent ou quelque autre personne auguste et imposante, ou encore un prêtre, voire un dieu, révèlent clairement quelque chose qui se produira ou ne se produira pas, qu’il faut faire ou éviter »16. Ainsi apparu sous les traits d’un vieil homme plein de sagesse, Âge, qui représente le phénomène naturel du temps appliqué à l’homme, annonce au narrateur l’imminent assaut de Vieillesse et lui conseille de demander au dieu d’amour de reprendre l’hommage fait au moment de la Retenue. Loin d’être idiosyncratique, le monde subjectif du rêve est créé à l’aide de personnifications distantes et extérieures au moi, telles que Nature, Raison, Jeunesse, Vieillesse, Fortune, Amour, qui construisent un théâtre d’ombres avec lesquelles dialogue le rêveur.
À la rhétorique de la forme viennent s’ajouter la longueur des discours directs et l’enchaînement argumentatif des dialogues entre le rêveur et ces abstractions, qui éloignent ces rêves poétisés des rêves réels, dans lesquels les paroles surgissent comme des éclats sans suite. La quasi-totalité de la ballade 62 est consacrée au dialogue de la fleur et du rêveur. Celui-ci répond de manière argumentée au reproche de la fleur, avec des adverbes de réfutation comme « nennil certes » (v. 18), ou d’argumentation logique, tels « car non pour tant » (v. 21), « pource » (v. 26), qui relèvent d’une rationalité propre à la veille. De même, dans le Songe en complainte, le discours d’Âge se développe de manière très construite avec une présentation, un rappel du passé, l’annonce de l’attaque de Vieillesse, les conseils à suivre et la mise en garde contre Fortune. Face à lui, le rêveur reste un interlocuteur passif et mutique, car le cadre du rêve produit une délégation de la parole à la personnification, qui, même si elle représente une partie du moi, reste extérieure à lui par la mise en scène du rêve.
Cette délégation de la parole à des entités, conjuguée à la construction rhétorique des discours, confère au récit de rêve une artificialité qui rompt l’illusion d’un récit spontané et fidèle d’une expérience onirique vécue.
Toutefois, la construction rhétorique et l’usage de topoi littéraires ne parviennent pas à effacer l’impression chez le lecteur qu’une subjectivité se fraye un chemin dans ces récits de rêve et que ceux-ci ne sont pas seulement ou complètement typiques. Cette impression de lecture tient au fait que Charles d’Orléans joue avec les clichés et qu’il ne les reproduit pas sans humour. Ainsi dans le Songe en complainte, l’oracle du rêve n’a rien que de très prévisible puisque le rêveur, déjà entre deux âges, apprend que Vieillesse va bientôt lui livrer un assaut. De son rêve prémonitoire, et des mises en garde d’Âge contre Fortune, il se réveille « tremblant ainsi que sur l’arbre la fueille »17, expression qui crée une allusion malicieuse à son choix antérieur de la feuille contre la fleur et donne de lui-même l’image peu héroïque d’un pleutre. À vrai dire, ses rêves ne lui apprennent rien sur son avenir qu’il ne sache déjà. Contrairement à la valeur traditionnellement accordée au rêve depuis l’Antiquité, le songe ne met le rêveur en relation avec aucune transcendance. Il ne contient aucun message religieux et ramène au contraire le poète à sa douleur présente.
Par ailleurs, et en cela ils se rapprochent d’une formation inconsciente, ces rêves poétisés parviennent à créer une impression d’inquiétante étrangeté18. Ainsi dans le Songe en complainte, le rêveur ne reconnaît pas Âge et pourtant cette figure inconnue lui est familière :
Quant couschié fu, de legier m’endormy
Et, en dormant, ainsi que je songoye,
Advis me fu que devant moy je vy
Ung vieil homme que point ne congnoissoye ;
Et non pour tant autresfoiz veu l’avoye,
Ce me sembla. Si me trouvay marry
Que j’avoye son nom mis en oubly,
Et, pour honte, parler a luy n’osoye19.
Cette apparition produit un effet paradoxal, une impression d’inconnu et de familier, un mélange d’oubli et de souvenir, qui engendrent un malaise chez le rêveur : il est « marry » (v. 14), il a honte et se réveille terrifié. Le Songe en complainte est en effet l’annonce voilée de sa propre mort, inéluctable. De même, la fleur qui appartient dans le réel au monde du silence prend la parole dans le rêve pour lui rappeler un engagement passé qu’il a mis en oubli :
[…] « Amy, je me souloye
En toy fier, car pieça mon party
Tu tenoies ; mais mis l’as en oubly
En soustenant la fueille contre moy »20.
Apparemment, comme le souligne l’emploi de l’imparfait d’habitude, la fleur le connaît sans que lui la reconnaisse. Fantôme de la défunte ou symbole d’une femme bien vivante, la fleur parlante brouille les frontières entre passé et présent, la vie et la mort. C’est par la création de ces effets d’inquiétante étrangeté que les songes participent à une écriture de l’intime à l’œuvre dans ce cycle du recueil. Ils reflètent le travail profond de la mémoire et de la rumination intérieure, et rejoignent l’intense travail du deuil qui s’accomplit dans l’écriture. Qu’ont en commun ces récits de rêve avec l’expérience intime du deuil si souvent décrite à partir de la mort de la dame ? Pour le comprendre, il faut se référer au début de l’essai de Freud, Deuil et Mélancolie, rédigé en 191521.
Le deuil comme le rêve reflète la suspension de l’intérêt pour le monde extérieur. Le rêveur se retire dans sa chambre, s’isole dans son lit, puis dans le sommeil. Au début du Songe en complainte, le poète décrit son état mélancolique et l’atmosphère solitaire et ténébreuse qui précède son coucher :
Apres le jour qui est fait pour traveil
Ensuit la nuit pour repos ordonnee.
Pource m’avint que chargié de sommeil
Je me trouvay moult fort, une vespree,
Pour la peine que j’avoye portee
Le jour devant. Si fis mon appareil
De me couschier, si tost que le souleil
Je vy retrait et sa clarté mussee22.
Avec le coucher du soleil, le monde semble disparaître autour du dormeur. Au réveil, le rêveur prolonge cet isolement par ses ruminations personnelles. Dans la Departie d’Amour qui fait suite au Songe en complainte, il se retire dans le manoir de Nonchaloir où il résidait étant enfant23. Associé à l’enfance, Nonchaloir désigne une bienheureuse insouciance, mais appliqué au mitan de la vie, le mot se charge de gravité et dénomme cet état d’ataraxie qui entraîne une léthargie apaisante. Si Nonchaloir endort la souffrance du deuil, il paralyse aussi l’éveil de toute joie. Il attire dangereusement vers le néant24. Commun au rêve et au deuil, ce repli symbolique vers le manoir protecteur s’accompagne de la perte de la capacité d’aimer. Dans le Songe en complainte, Âge conseille au rêveur de renoncer à l’amour :
Amour vous doit pour escusé tenir,
Puis que la mort a prins vostre maistresse25.
A vostre honneur povez Amours laissier
En jeune temps, comme par nonchalance.
Lors ne pourra nul de vous raconter
Que l’ayez fait par faulte de puissance ;
Et dira l’en que c’est par desplaisance
Que ne voulés en autre lieu amer,
Puisqu’est morte vostre dame sans per
Dont loyaument gardez la souvenance26.
C’est ainsi qu’au réveil, répondant à la prière du poète, la divinité le délie de son hommage et lui rend son cœur, enveloppé d’un drap de soie noire et conservé dans un écrin, avant de le replacer dans sa poitrine27. Par le biais de l’écriture allégorique, le réel fictif prolonge ainsi sur un mode hallucinatoire le message du rêve. L’image de ce cœur voilé de noir, rendu et replacé dans la poitrine du poète narrateur, figure l’abandon de l’amour, aussi bien que le retour sur soi, l’accession à l’intériorité et à sa propre intimité qu’ont permis de manière conjointe le deuil et le rêve.
Or, le deuil et le rêve manifestent chacun à leur manière des sentiments ambigus à l’égard de la défunte. Apparaissant à la suite d’une tentation amoureuse, le rêve exprime de manière contradictoire la reconnaissance de la perte de l’objet aimé, la tentation de le remplacer par un autre objet de désir et la réaffirmation de l’attachement à l’objet perdu. Ainsi, la ballade 62, celle de la fleur qui parle, peut se comprendre comme une défense contre un nouveau désir exprimé de manière contradictoire dans la ballade 61. Dans cette ballade, une compagnie lui demande de choisir entre la feuille et la fleur, « pour oster merencolie »28. Il choisit la feuille. Dans la ballade 62, la dédaignée surgit dans son rêve et se plaint. Il justifie son choix par sa fidélité à la disparue :
Tout pour l’amour d’une fleur que j’amay
Ou temps passé. Dieu doint que je la voye
En paradis, aprés ma mort, en joye !
Et pource, fleur, chierement je te pry :
Ne te plains plus, car cause n’as pourquoy,
Puis que je le fais ainsi que tenu suy29.
Le rêve exprime le renoncement à l’amour, le refus de remplacer la disparue, mais la ballade 61 a tout de même mis en scène un nouveau choix d’objet (la feuille ou la fleur) et le refrain de la ballade 62 exprime la culpabilité du vivant à l’égard de la morte : « Riens n’ay meffait, ce pense, vers toy »30. Jusqu’au Songe en complainte, à l’intérieur même d’un cycle du deuil, plusieurs ballades révèlent la tentation d’un nouvel amour. Dans la ballade 67, il entend réveiller son cœur de Nonchaloir, car une dame très honorée veut échanger son cœur contre le sien. La ballade 68 espère de doux baisers de cette dame. Dans le Songe en complainte, Âge lui rappelle l’indécence d’aimer dans la vieillesse, et, au réveil, le narrateur évoque la nécessité de garder les yeux emprisonnés, car s’ils s’échappent, ils viennent réveiller le cœur qui dort et ne cessent de lui parler d’Amour et des attraits féminins :
S’ilz eschappent, ilz crient en l’oreille
Du cueur qui dort, tant qu’il fault qu’il s’esveille.
Et ne cessent de lui parler d’Amours,
Disans qu’ilz ont souvent hanté ses cours
Ou ilz ont veu plaisance nompareille31.
Les songes font donc surgir dans l’âme du rêveur la vivacité de désirs amoureux non éteints par le deuil. Dans le même temps, ils expriment aussi la culpabilité à l’égard de la défunte et réaffirment un attachement par-delà la mort. On voit bien que le repli dans le rêve permet au poète d’accéder à sa propre intimité, à ses souvenirs et à ses désirs, et lui offre l’occasion de dialoguer avec lui-même, sur la conduite de sa vie et le mystère de la mort.
Entre les deux songes, s’opère ainsi un infléchissement qui laisse supposer le travail du temps dans les profondeurs de la psyché et une conjuration du deuil. Au premier abord, l’atmosphère de la complainte est plus mélancolique que celle de la ballade. Elle est bien une plainte, mais la déploration ne concerne plus seulement le vide laissé par la disparition de la bien-aimée. Elle concerne aussi le moi lui-même, bientôt guetté par « faulte de puissance »32, trop atteint par les ravages du temps pour prétendre cultiver l’amour. Or si Âge est une figure de la vieillesse, il est aussi l’incarnation d’une forme de sagesse qui relance l’inspiration créatrice du poète. Il l’invite en effet à aller voir Amour pour quitter sa tutelle, à s’adresser à tous les amoureux pour qu’ils examinent sa conduite et lui accordent le pardon pour toute faute qu’il aurait pu commettre contre eux ou l’idéal d’amoureux. Du plus profond du sommeil, il l’invite à sortir de sa torpeur et à trouver un nouvel élan poétique. Au réveil, le poète prend alors la résolution d’écrire une requête :
Pource tantost, sans plus prandre respit,
Escrire vueil en forme de requeste
Tout mon estat comme devant est dit33.
Il réengage donc un dialogue avec Amour tout en donnant une forme poétique à la peinture de son « état d’âme ». Retiré au Manoir de Nonchaloir, gouverné par Passe-Temps, il continue d’écrire au dieu d’amour, et, dans une lettre, il donne de ses nouvelles et le prie de lui donner des siennes :
Et vous plaise savoir que tousjours suis
Tresdesirant oïr souvent nouvelles
De vostre estat, […]34.
L’épître est signée :
Le bien vostre Charles, duc d’Orlians,
Qui jadis fut l’un de voz vrais servans35.
La signature indique sans aucune ambiguïté une identité reconquise par un processus de sublimation qui s’appuie sur le souvenir et l’écriture poétique. C’est donc au plus profond du rêve, par la voix de la personnification d’Âge, qu’émerge une sagesse propre à liquider le deuil et à faire d’une perte un gain. Comme l’indique la signification contradictoire des rêves écartelés entre désir d’aimer à nouveau et culpabilité d’être infidèle à la disparue, écrire est donc un moyen pour le poète de faire droit à ses désirs en les sublimant, tout en faisant l’inventaire de ce qui ne sera jamais plus. Ainsi, par-delà les topoi qu’ils véhiculent, les songes poétisés parviennent à créer un effet d’intimité, en ce qu’ils participent activement au travail du deuil à l’œuvre dans le recueil.
Sans doute peut-on éprouver quelque réticence à considérer la poésie de Charles d’Orléans comme une poésie de l’intime. En effet, elle reste marquée par la topique des trouvères et des troubadours, de sorte que la dame apparaît comme une abstraction, un personnage écran sur lequel peuvent être projetées de multiples réalités. Toutefois, au-delà de cette topique, l’écriture poétique témoigne de la recherche d’une nouvelle forme, modelée par la mise en recueil des différentes pièces poétiques. L’ordre de celles-ci suggère le déroulement dans le temps d’une trajectoire sentimentale, allant de la jeunesse à la vieillesse, au sein de laquelle la mort de la dame sert de pivot, organisateur d’un avant et d’un après. L’effet autobiographique du fonds primitif du recueil est ainsi produit par l’hybridation des genres narratif et lyrique. Au sein de cette organisation particulière, convoqués après la mort de la dame, les récits de rêve confèrent une dimension hallucinatoire au cycle du deuil. Certes, ces rêves poétisés obéissent à un patron rhétorique traditionnel, qui estompe les accents personnels de la voix du poète, mais par les jeux de la mise en recueil, et par leur matériel symbolique (une femme fleur et la personnification du moi soumis au temps), ils dessinent un itinéraire intérieur, qui part du deuil de la dame pour aboutir, malgré les tentations intramondaines, à la sagesse d’un renoncement à l’amour. Ils concourent ainsi à créer l’impression d’une poésie de l’intime, en ce qu’ils symbolisent à la fois l’expérience du deuil, la conscience de sa propre finitude et la crainte de perdre l’inspiration poétique. Au cœur des ténèbres du Songe en complainte, le poète parvient à symboliser l’effroi causé par l’impuissance et la mort, et à conjurer le tarissement d’une source d’inspiration poétique.
[1] François Villon, Œuvres complètes, édition établie par Jacqueline Cerquiglini-Toulet, avec la collaboration de Laëtitia Tabard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, Le Lais François Villon, xl, v. 316, p. 25.
[2] François Villon, op. cit., Le Testament Villon, CLXXVIII [Verset], v. 1897, p. 159.
[3] Voir sur ce point, Jacqueline Cerquiglini, « Un engin si soutil », Guillaume de Machaut et l’écriture au xive siècle, Paris, Champion, 2001, p. 112. Selon l’auteur, « borgne » signifie « qui louche », ou « borgne » comme en français moderne. Elle se reporte en particulier à la complainte III, « A toi Hanri » : « C’est ce que bien à mon borgne oueil parçoy / Qu’à court de roy chascun y est pour soy », v. 35-36, éd. Vladimir Chichmaref, Guillaume de Machaut. Poésies lyriques, édition complète en deux parties, avec introduction, glossaire et fac-similés publiée sous les auspices de la Faculté d’Histoire et de Philologie de Saint Pétersbourg, Paris, Champion, 1909, 2 vol. (réimpression Genève, Slatkine, 1973 en un vol.), p. 251-253 ; ou encore à cet extrait du Voir Dit, dans lequel le poète écrit à sa dame : « Et se vos doulz cuers s’acorde a vos douces paroles, vous vous penriés bien prés de demourer ; et aussi s’il vous souvenoit bien de vostre borgne vallet. » (Guillaume de Machaut, Le Livre du Voir Dit, éd. critique de Paul Imbs, Introduction, coordination et révision : Jacqueline Cerquiglini-Toulet, Index des noms propres et glossaire : Noël Musso, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1999, l’amant, lettre xiii, p. 282).
[4] Voir Eustache Deschamps, Anthologie, édition et traduction de Clotilde Dauphant, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres gothiques », 2014, Ballade 169 (mcclvi), « Je deviens courbés et bossus », p. 540-545.
[5] Voir Pierre Champion, Le Manuscrit autographe des poésies de Charles d’Orléans, Paris, Champion, « Bibliothèque du xve siècle », 1907 ; Christopher Lucken, « Le poème délivré. Le désœuvrement et le passe-temps de l’écriture dans le manuscrit personnel de Charles d’Orléans », Mouvances et Jointures. Du manuscrit au texte médiéval, textes réunis par Milena Mikhaïlova, Orléans, Paradigme, « Medievalia », 2005, p. 282-313 ; Marie-Jo Arn, The Poet’s Notebook. The Personal Manuscript of Charles d’Orléans (Paris, BnF MS fr. 25458), Turnhout, Brepols, « Texts and Transitions, 3 », 2008 ; Sylvie LefÈvre, « ‘Au blanc de cest escrit’. Vertiges de la page et d’un autre langage », Sens, Rhétorique et Musique, Études réunies en hommage à Jacqueline Cerquiglini-Toulet, par Sophie Albert, Mireille Demaules, Estelle Doudet, Sylvie Lefèvre, Christopher Lucken et Agathe Sultan, 2 vol., Paris, Champion, 2015, t. I, p. 311-327.
[6] Charles d’OrlÉans, Ballades et Rondeaux, Édition du manuscrit 25458 du fonds français de la Bibliothèque Nationale de Paris, traduction, présentation et notes de Jean-Claude Mühlethaler, Paris, LGF, Le Livre de Poche, « Lettres Gothiques », 1992. On se reportera aussi à Charles d’OrlÉans, Poésies, Tome I, La Retenue d’Amour. Ballades, chansons, complaintes et caroles éditées par Pierre Champion, Paris, Champion, « C.F.M.A. », 2010 [1923], et pour la traduction à : Charles d’OrlÉans, Poésies, Tome I, La Retenue d’Amour. Ballades, chansons, complaintes et caroles éditées par Pierre Champion. Traduction, introduction et notes par Philippe Frieden et Virginie Minet-Mahy, Paris, Champion, « Traductions des classiques du Moyen Âge », 2010.
[7] Allusion à un jeu de cour, en usage en Angleterre et en France, qui opposait les chevaliers de l’ordre de la feuille à ceux de l’ordre de la fleur. On en trouve la trace dans la poésie d’Eustache Deschamps, qui prend le parti tantôt de la fleur, tantôt de la feuille (Ballades 764 à 767, Œuvres complètes de Eustache Deschamps, publiées par le marquis de Queux de Saint-Hilaire et G. Raynaud, Paris, Firmin-Didot, S.A.T.F., 1878-1904, vol. iv, p. 257-264) ; ainsi que dans le prologue de la Légende des dames vertueuses de Geoffrey Chaucer (voir la traduction de Juliette Dor, dans Geoffrey Chaucer, Les Contes de Canterbury et autres œuvres, Paris, Robert Laffont, « Bouquins », 2010, v. 72, p. 1377 et note 1). Il existe un poème allégorique anglais, datant probablement de 1460-1480, The Floure and the Leafe, longtemps attribué à G. Chaucer, qui interprète la fleur comme un symbole de la beauté et des plaisirs éphémères, alors que la feuille représente la vertu et l’amour chaste.
[8] Charles d’OrlÉans, op.cit., Ballade 62, v. 1, p. 198.
[9] Le songe proprement dit occupe les strophes 1 à 12. Les strophes 1 à 22 composent la méditation du poète au réveil, qui aboutit à un choix de vie.
[10] Charles d’OrlÉans, op. cit., La Departie d’Amours en balades, v. 412-413, p. 250.
[11] Alice Planche, Charles d’Orléans ou la recherche d’un langage, Paris, Champion, 1975, p. 294.
[12] Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la rose, publié par Félix Lecoy, 3 vol., Paris, Champion, « C.F.M.A. », 1965-1970, t. I, v. 40-44, p. 2 : « La matire est et bone et nueve, / or doint Dex qu’en gré le receve / cele por qui je l’ai empris : / c’est cele qui tant a de pris / et tant est digne d’estre amee / qu’el doit estre Rose clamee. » [« La matière est bonne et neuve, que Dieu fasse que le reçoive favorablement celle pour qui j’ai entrepris ce roman : c’est celle qui a tant de prix et qui est si digne d’être aimée qu’elle doit être appelée Rose. »]
[13] Charles d’OrlÉans, op. cit., La Retenue d’Amours, v. 201, p. 42.
[14] Voir sur ce point, Daniel Poirion, « Création poétique et composition romanesque dans les premiers poèmes de Charles d’Orléans », Écriture poétique et création romanesque, Orléans, Paradigme, 1994, p. 307-337, en particulier p. 326-327 ; du même auteur « Charles d’Orléans et l’Angleterre », Ibid., p. 359-380.
[15] Charles d’OrlÉans, op. cit., Ballade 98, « En regardant vers le païs de France », p. 318-320.
[16] Macrobe, Commentaire au Songe de Scipion, éd. et trad. Mireille Armisen-Marchetti, 2 vol., Paris, Les Belles Lettres, 2001-2003, t. I, L. I, 3, 8, p. 12.
[17] Charles d’OrlÉans, op. cit., Songe en complainte, v. 98, p. 228.
[18] Voir Sophie de Mijolla-Mellor, « Étrangeté (sentiment d’—) », dans Alain de Mijolla (dir.), Dictionnaire international de la psychanalyse, 2 vol., Paris, Calmann-Levy, 2002, t. I, p. 553-554.
[19] Charles d’OrlÉans, op. cit., Songe en complainte, v. 9-16, p. 222. « Lorsque je fus couché, je m’endormis facilement / Et, en dormant, alors que je rêvais, / J’eus l’impression de voir devant moi / Un vieil homme que je ne connaissais pas ; / Et néanmoins je l’avais vu autrefois, / Comme il me semblait. J’étais chagriné / D’avoir oublié son nom / Et, par honte, je n’osais pas lui parler ».
[20] Ibid., Ballade 62, v. 5-8, p. 198. « […] Ami, je me fiais / Habituellement en toi, car autrefois tu tenais / Mon parti, mais tu l’as oublié, / En soutenant la feuille contre moi ».
[21] Sigmund Freud, Métapsychologie, Paris, Gallimard, Folio, essais, 1986, p. 145-171.
[22] Charles d’OrlÉans, op. cit., Songe en complainte, v. 1-8, p. 222. « Après le jour qui est consacré au travail, / suit la nuit destinée au repos. / C’est ainsi qu’il m’arriva d’être accablé de sommeil, / un soir, à cause de la peine que j’avais endurée / tout le jour. Je me préparai / à me coucher, si tôt que je vis le soleil / retiré et sa clarté cachée. »
[23] Ibid., La Departie d’Amours en balades, v. 446 refrain, v. 507 et v. 548. Le mot apparaît à la rime, trois fois dans le refrain dans la ballade VI, de la Departie.
[24] Sur Nonchaloir, voir Alice Planche, op. cit., p. 612-626. Voir aussi Daniel Poirion, Le Poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, Genève, Slatkine Reprints 1978 [PUF, 1965], chap. XV, « Le clair-obscur intérieur : Mélancolie et Nonchaloir », p. 547-578.
[25] Charles d’OrlÉans, op. cit., Songe en complainte, v. 39-40, p. 224. « Amour doit vous tenir quitte / Puisque la mort a pris votre maîtresse. »
[26] Ibid., v. 49-56, p. 224. « Vous pouvez quitter Amour la tête haute / Encore jeune, par désintérêt, / Personne ne pourra alors vous accuser / De l’avoir fait par manque de courage ; / On dira alors que c’est par désespoir / Que vous ne voulez pas aimer quelqu’un d’autre, / Puisque votre dame sans égale est morte, / Dont vous gardez loyalement le souvenir. »
[27] Ibid., La Departie d’Amours en balades, Ballade 4, v. 363-368, p. 246.
[28] Ibid., Ballade 61, v. 5, p. 194.
[29] Ibid., Ballade 62, v. 23-28, p. 198. « En souvenir d’une fleur qu’autrefois / J’aimais. Dieu m’accorde de la voir / Au paradis, après ma mort, dans la joie ! / Et pour cela, fleur, je te prie de tout cœur, / Ne te plains plus, tu n’as pas de raison, / Puisque je fais selon mon engagement ».
[30] Ibid., v. 20, p. 198.
[31] Ibid., Songe en complainte, v. 132-136, p. 230. « S’ils s’échappent, ils crient à l’oreille / Du cœur qui dort, si fort qu’il s’éveille, / Et ils ne cessent de lui parler d’Amour, / Disant qu’ils ont souvent fréquenté sa cour, / Où ils ont connu le plaisir sans égal ».
[32] Ibid., v. 52, p. 224.
[33] Ibid., v. 153-155, p. 230. « Pour cela, maintenant, sans plus attendre, / Je veux écrire, sous forme de requête, / Mon état d’âme, comme il est dit avant ».
[34] Ibid., La Departie d’Amours en balades, Ballade 7, v. 494-496, p. 256. « Et qu’il vous plaise de savoir que je suis toujours / Très désireux d’entendre des nouvelles / De votre état, […] ».
[35] Ibid., v. 549-550, p. 258. « Le bien vôtre Charles, duc d’Orléans, / Qui jadis fut un de vos serviteurs ».
Résumé
L’étude se propose de montrer comment à partir de deux récits de rêve, celui de la Ballade 62 et celui du Songe en complainte, Charles d’Orléans parvient à créer l’illusion d’une écriture de l’intime. La disposition des pièces poétiques dans le manuscrit autographe (BnF fr. 25458) obéit à un déroulement temporel, qui va de la jeunesse à la vieillesse. À l’intérieur de cette trajectoire, les deux songes, placés après la mort de la femme aimée, participent au travail du deuil, qui aboutit au renoncement à l’amour, mais aussi à l’éclosion d’un nouveau lyrisme, plus détaché des topoi de la poésie courtoise.
Abstract
The study aims to show how, from two dream narratives, one related in the Ballad 62 and the other in the Songe en complainte, Charles d’Orléans manages to create the illusion of a personal writing. The placement of the poetical pieces in the personal manuscript of Charles d’Orléans (BnF fr. 25458) reveals the story of a life, from youth to old age. In this life path, the two dreams, disposed after the death of the beloved lady, help work through the mourning, which leads to the renunciation of love, but also to the blooming of a new lyrism, more detached from the topoi of the courtly poetry.
Mireille DEMAULES
Univ. Artois, UR 4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras France
Sources primaires
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—, Poésies, Tome I, La Retenue d’Amour. Ballades, chansons, complaintes et caroles éditées par Pierre Champion, Paris, Champion, « C.F.M.A. », 2010 [1923].
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François Villon, Œuvres complètes, édition établie par Jacqueline Cerquiglini-Toulet, avec la collaboration de Laëtitia Tabard, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014.
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Macrobe, Commentaire au Songe de Scipion, édition et traduction Mireille Armisen-Marchetti, 2 vol., Paris, Les Belles Lettres, 2001-2003.
Sources secondaires
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Champion, Pierre, Le Manuscrit autographe des poésies de Charles d’Orléans, Paris, Champion, « Bibliothèque du xve siècle », 1907.
Freud, Sigmund, Métapsychologie, Paris, Gallimard, Folio, essais, 1986.
LefÈvre, Sylvie, « ‘Au blanc de cest escrit’. Vertiges de la page et d’un autre langage », Sens, Rhétorique et Musique, Études réunies en hommage à Jacqueline Cerquiglini-Toulet, par Sophie Albert, Mireille Demaules, Estelle Doudet, Sylvie LefÈvre, Christopher Lucken et Agathe Sultan, 2 vol., Paris, Champion, 2015, t. I, p. 311-327.
Lucken, Christopher, « Le poème délivré. Le désœuvrement et le passe-temps de l’écriture dans le manuscrit personnel de Charles d’Orléans », Mouvances et Jointures. Du manuscrit au texte médiéval, textes réunis par Milena Mikhaïlova, Orléans, Paradigme, « Medievalia », 2005, p. 282-313.
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