C’est dans la peinture qu’on identifie les premières traces de l’intime. Encore souvent consacrée à des sujets religieux, la peinture d’intérieurs date du xve siècle, selon Frances Borzello1. Pour « composer un portrait convaincant de la Vierge », les peintres flamands utilisent « les objets et le décor familier de la vie quotidienne : la cuvette, le feu de cheminée, la pile de linge, le tissu déplié sur les genoux de la Vierge »2. Ce qui appartient à l’intérieur domestique relève de l’intime. L’intérêt des peintres pour l’intérieur viendrait de « l’importance nouvelle du foyer en tant qu’espace de confort ; l’existence d’une classe moyenne d’acheteurs qui ne voulaient pas accrocher sur leurs murs des scènes héroïques ou pathétiques ; la conception de la vie moderne en tant que sujet artistique ; le déclin du récit ; l’avènement des techniques nouvelles »3. C’est une des caractéristiques de la peinture flamande qui s’intéresse à des individus ordinaires, accomplissant des gestes banals. Lorsqu’il analyse « Le banquier et sa femme », peint par Quentin Metsys, ami d’Érasme et de Thomas More, en 1514, Michel Neyraut4 estime que le tableau rappelle le « souci des affaires du monde » dans un espace clos et un intérieur propre à l’intimité : « Le corps de l’homme et celui de la femme sont ainsi imbriqués qu’ils semblent émaner d’un seul corps dont les regards convergent vers un acte précieux, précis, d’une minutieuse exactitude ». Tandis que l’événement public – politique ou religieux – était du côté du visible, du manifeste5, voire de l’ostentatoire, la sphère privée requérait le secret parce qu’en impliquant les notions de familiarité, de famille, de maison, d’intérieur, elle suggérait aussi l’idée de quelque chose de caché et de réservé. La peinture flamande du xve siècle (Campin, Van Eyck) accomplit une sorte de révolution dans ce changement de regard, pour Tzvetan Todorov6. Elle entend signifier que « l’image provient du regard attaché au monde, la beauté est dans la vérité », là où pour Michel Ange « la beauté de l’image ne naît pas de la vérité de la représentation, mais de la conformité à l’idéal »7. De ces tableaux d’intérieur, on passe au xviie siècle à une représentation de l’intime dans la vie ordinaire : c’est ce qui se passe avec le tableau de Pieter de Hooch, Une mère et son enfant la tête sur ses genoux (1658-1660), comme avec L’homme au verre de vin, de Jacob de Littemont8.
Qu’on passe ainsi de la peinture de l’intérieur à celle de l’intime n’est, au fond, guère surprenant. Étymologiquement en effet, intime est le superlatif de l’adjectif « intérieur », « ce qui est le plus en dedans, le fond de », « qui réside au plus profond d'une âme ». Le Dictionnaire du Moyen français mentionne « intime en » qui signifie « être en harmonie avec ». L’intime, c’est, dès le xive siècle, le très proche, et au xvie , l’ami cher, celui que Montaigne associe au familier :
Socrate, son plus intime et plus familier ami (II, 17, p. 1010),
mais aussi au secret9 et au caché (il parle de « nos intimes et plus secrètes ordures », III, 5, p. 1393)10. Enfin, au xviiie siècle, l’intime est ce « qui marque une union étroite entre des choses »11.
L’intime relève de la sphère privée qui était, dans l’Antiquité, le lieu où l’on se privait des autres, avant de devenir, avec le christianisme, le lieu où l’on se cache des autres. Le privé est l’autre nom de l’intime, de l’inviolable, parce qu’il touche également au corps et à la nudité. En 1559, Pierre Boaistuau, le fondateur de l’histoire tragique, écrit dans la nouvelle centrale de son recueil, consacrée à Roméo et Juliette, que les jeunes époux clandestins sont « entre les draps en leur privé »12.
Et au chapitre « Sur des vers de Virgile », Montaigne déclare des femmes qu’il « aime leur commerce un peu privé »13. Ce qui est privé s’oppose « au faste et à l’orgueil des grands, des riches et des doctes », à ce « lieu d’indistinction et d’anonymat » qu’est l’espace public, où ce qui se « donne à voir et à entendre est soumis au jugement et à l’appréciation de tous »14.
Entre le premier Moyen Âge où les hommes sont « encadrés dans des solidarités collectives » et où « beaucoup d’actes de la vie quotidienne s’accomplissent en public », et le xixe siècle qui consacre l’anonymat et où le travail, le loisir et la famille sont des « activités séparées par des cloisons étanches »15, le sens même de « vie privée » a beaucoup évolué. Le renforcement de l’État et l’intériorisation des attitudes religieuses ont aiguisé le conflit entre les valeurs publiques et privées. Pour de nombreux historiens, il faut attendre l’Édit de Nantes (en 1598) pour que le corps politique ne soit plus un mais divisé en deux sphères. L’une, politique, est « réservée au souverain qui prend sur lui toute la responsabilité de la décision politique, les sujets lui abandonnant, sous la figure de leur obéissance passive, leur conscience publique pour que la paix s’établisse. L’autre est la sphère du for interne, dans laquelle les individus acquièrent une existence autonome »16.
On tentera d’identifier la façon dont cette question de l’intime et du privé est traitée chez les Anciens et dans la pensée chrétienne, auxquels les écrivains empruntent leurs cadres d’expérience, d’intelligibilité et de lecture du monde17.
Dans la Grèce ancienne, chaque homme libre vivait dans deux dimensions, celle du privé et de la maison, l’oikos, et celle de la cité, la polis. Tandis que le public renvoyait à la dimension pensante et agissante de l’homme et faisait de lui un être libre, le privé correspondait à sa dimension domestique mais aussi biologique18. Pourtant et paradoxalement, alors même que la vie privée était cantonnée au souci des besoins19 et que la vie publique était valorisée, le livre X de l’Éthique à Nicomaque20 accorde la prééminence à la vie contemplative. Or il existe une relation étroite entre la sphère privée et la contemplation qui permet la connaissance de soi21, fondement même de la démarche philosophique22. En décidant d’obéir à un ordre autre que celui de l’espace public23, Socrate choisit le repli sur le privé plus conforme à l’examen de soi24. Avec « le déclin des cités-États », au iiie siècle av. J.-C.25, la vie publique connaît un recul : les hommes éprouvent douloureusement leur impuissance à l’égard de leur destin, si bien que les stoïciens les invitent à conquérir une liberté purement intérieure. Sénèque parle de liberté « inexpugnable » car « ce qu’on est, on ne l’est pas par le rang qu’on occupe, la charge qu’on exerce, la place où on se trouve »26. Et privilégiant le rapport solitaire de l’homme avec lui-même, il encourage aux exercices spirituels, en particulier l’examen de conscience qui implique un dédoublement à l’intérieur de l’individu27.
Cette tradition des exercices spirituels a, depuis les Pères de l’Église, été « absorbée par la philosophie chrétienne conçue comme sagesse vécue, attention à soi-même propre à replacer l’homme dans son être véritable »28. Par l’opposition qu’elle institue entre la vie terrestre et la vie éternelle (qui seule compte pour le croyant), la pensée chrétienne renforce cette distinction entre les deux sphères publique et privée :
Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu29.
L’Ancien Testament le souligne : Dieu a une connaissance absolue des hommes ; il juge les mobiles intérieurs de leurs actions et « sonde […] les reins et les cœurs »30. Sous son regard, les hommes sont donc tenus de se libérer des apparences fallacieuses, des faux prétextes31, car seul compte
[…] que la crainte de l’Éternel soit sur vous ; veillez sur vos actes, car il n’y a chez l’Éternel, notre Dieu, ni iniquité, ni égards pour l’apparence des personnes, ni acceptation de présents32.
Alors que les Anciens ne concevaient pas la connaissance de l’homme dans sa particularité, pour la pensée chrétienne la conscience est connaissance intime de soi33. À l’Ancien Testament, le Nouveau (en particulier les épîtres de Paul) ajoute l’idée que Dieu aime les hommes : ce ne sont plus les commandements qui déterminent le péché, mais la foi qui attache l’homme à Dieu, dont la grâce est un don de l’Esprit34. Saint Paul insiste sur l’idée que le domaine de la conscience doit être soustrait à l’action du pouvoir :
Lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour : car nos légères afflictions du moment présent produisent, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire, parce que nous regardons non point aux choses visibles, mais à celles qui sont invisibles ; car les choses visibles sont passagères, et les invisibles éternelles (II, Cor. 4, 16-18).
Progressivement une dichotomie se dessine entre d’une part le for intérieur, espace d’autonomie, d’autocontrainte, d’introspection, de relation directe à l’ordre divin, et d’autre part le for extérieur où l’individu est confronté au jugement de la société.
Afin d’approfondir l’opposition chrétienne entre l’esprit et la chair, saint Augustin se sert de la distinction platonicienne entre le monde sensible et le monde intelligible35. Il recommande la plongée en soi pour trouver Dieu :
au lieu d’aller dehors, rentre en toi-même ; c’est au cœur de l’homme qu’habite la vérité36.
Dès le livre VIII de ses Confessions, Augustin s’attache au « bouillonnement intérieur »37 car l’âme est en conflit avec le corps38 depuis que le péché originel a brisé leur harmonie39. Le livre X, qui explique et justifie l’entreprise des Confessions, fait son unique sujet de l’intériorité, cette « terre de complexité, d’accablantes sueurs »40, et souligne la profonde opacité de l’individu pour tout autre que Dieu. Se trouve promue l’idée que le salut est l’œuvre de Dieu seul, car l’homme déchu est absolument démuni et ne peut rien par lui-même ; il doit pratiquer l’examen de conscience
à la fois pour découvrir les signes de la grâce et de l’élection et pour mettre ses pensées et ses sentiments en accord avec la louange et la reconnaissance envers Dieu qu’apporte la grâce donnée41.
À l’influence d’Augustin sur une intériorisation des principes religieux s’ajoute la séparation, théorisée par le pape Gélase ier à la fin du ve siècle42, entre le pouvoir spirituel représenté par l’Église et le pouvoir temporel incarné par l’empereur43. Au vie siècle, le pape Grégoire ier (Grégoire le grand), qui marque la frontière entre l’Antiquité et le monde médiéval44, développe la théorie des deux glaives et délègue à deux pouvoirs distincts le soin de faire triompher l’ordre divin. Au xiie siècle, le Décret de Gratien45, qui synthétise les règles du droit canon, distingue la loi publique46 de la loi privée « écrite dans le cœur de l’homme par l’inspiration du Saint Esprit »47.
Le péché ne se confond désormais plus avec le délit, et les fautes occultes (occulta cordis) relèvent de la pénitence privée : c’est à Dieu de les juger48 et la glose du Décret interdit aux juges ecclésiastiques de se mêler des iudicia occulta divins49. Ce refus réitéré de juger les occulta, qui promeut le for interne, fait émerger le droit positif50. L’obligation de la confession annuelle (décidée en 1215 par le Concile de Latran) contribue à l’investigation de l’intériorité51 et à la construction de l’intime, du fait qu’elle est aveu détaillé et répété des péchés52. L’individu est érigé en juge souverain de sa propre conduite sans avoir d’autres comptes à rendre qu’à lui-même et à son Dieu53. Tout en réhabilitant (sous l’influence d’Aristote) le pouvoir terrestre, Thomas d’Aquin54 s’efforce de dissocier la société laïque de la société religieuse et explique que le for de la conscience relève de la loi de Dieu et dépasse le jugement de la multitude.
Aux xiiie et xive siècles55, des mouvements de réforme religieuse (en particulier la devotio moderna) se font jour qui orientent les chrétiens vers une piété plus intérieure et la recherche d’une méditation plus affective de la passion du Christ. On en a un écho chez Pétrarque qui, très critique à l’égard des institutions d’une Église devenue un État, recentre la pratique religieuse sur l’individu56. Au début du xvie siècle, Luther, puis Calvin rejettent, avec la médiation des clercs, une grande partie des rituels et dévotions de la tradition catholique, et mettent en cause l’emprise de l’Église sur la conscience du chrétien. Il se produit une émancipation des fidèles et ce qu’on appellera une sécularisation57 : le religieux se privatise. Ceci entraîne
une réévaluation du statut de la vie profane, et une nouvelle forme de l’identité prend corps, qui définit l’homme par ses pensées les plus intimes, ses imaginations secrètes, ses rêves nocturnes, ses pulsions pleines de péchés, et la présence constante et obsédante de toutes les formes de tentation58.
L’affirmation jalouse de la singularité individuelle passe par l’établissement de frontières dessinées autour d’un espace soigneusement protégé où l’individu s’émancipe progressivement des contraintes de la vie collective, et par la résistance aux intrusions ou incursions dans cette sphère privée. L’évolution des habitations traduit ce besoin d’un territoire privé. Contrairement à une forme de vulgate qui date du xviie siècle la différenciation des espaces dans la maison, de nombreux textes de la Renaissance attestent qu’il existe déjà des salles particulières vouées à des activités particulières. L’espace habitable s’organise et se divise en salle et chambre : plus on avance dans la Renaissance, plus la taille des pièces diminue, mais leur nombre augmente dans la maison, ce qui permet de trouver un refuge dans un lieu clos, qu’il s’agisse de la chambre ou de la bibliothèque, tous espaces favorables au recueillement, à l’intimité et à la solitude, comme peut aussi l’être le jardin59. La littérature en témoigne, qui accorde une place toujours plus importante à la vie intérieure de personnages confrontés à une société du contrôle et de la surveillance, et à la façon dont ils se constituent une bulle protectrice en face d’un ensemble des règles de conduite extérieures qui régissent les rapports sociaux et que sanctionne la contrainte publique.
Mais les espaces public et privé sont interdépendants et, comme le rappelle opportunément Norbert Elias, « l’espace privé est le résultat d’une privatisation, d’un processus de civilisation »60. En montrant « comment le prince, pour assurer son succès, doit savoir user de l’apparence et transgresser les règles de la morale commune »61, Machiavel fait « voler en éclats le noyau même de l’éthique humaniste »62. Il en découle une séparation de l’être et du paraître :
Les hommes en général jugent plutôt aux yeux qu’aux mains, car chacun peut voir facilement, mais sentir bien peu. Tout le monde voit bien ce que tu sembles, mais bien peu ont le sentiment de ce que tu es ; et ces peu-là n’osent contredire à l’opinion du grand nombre, qui ont de leur côté la majesté de l’État qui les soutient63.
Par les instruments de contrôle qu’il met en place, le processus de civilisation64 qu’engage la vie de cour impose de nouvelles valeurs, des contraintes et des interdits. C’est pourquoi la vie de cour peut être dénoncée comme une aliénation : c’est ce que fait Étienne de La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire (1549 ?), accusant les courtisans du tyran d’
être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et communs aux biens de ses pilleries65.
Il les exhorte à réagir :
quel vice ou plutôt quel malheureux vice de voir un nombre infini de personnes, non pas obéir, mais servir ; non pas être gouvernés, mais tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, femmes, ni enfants ni leur vie même qui soit à eux, souffrir les pilleries, les paillardises […] d’un seul66.
Et il rappelle aux sujets leur autonomie à partir de leurs raisons de vivre privées. Lorsqu’ils consentent à se soumettre au pouvoir absolu d’un seul, qui surveille constamment tous les citoyens de façon à ne rien ignorer de ce qu’ils peuvent faire et dire, les hommes font violence à leur nature d’êtres libres.
C’est ainsi que, paradoxalement, le développement de la vie de cour contribue à la quête d’intériorité et au besoin d’un jardin secret. Le monde public, auquel ne pouvaient se vouer que les hommes libres, est reconnu comme un espace de contraintes, d’obligations et même de servitudes dont s’affranchir devient le privilège des hommes libres. Tandis que chez les Anciens, habituellement souverain dans la Cité, l’individu est esclave dans tous ses rapports privés67, c’est en face du pouvoir politique ou religieux que les hommes de la Renaissance éprouvent leur intimité comme constitutive de leur individualisation. La défense de la privauté va ainsi de pair avec l’exigence d’autonomie chez des individus qui entendent agir selon leurs propres valeurs. De périmètre où le particulier se prive des autres, l’espace privé évolue pour devenir un lieu où il se protège et se démarque du monde public, une zone d’autonomie où il peut exercer son libre arbitre et où il construit son identité au fil des confrontations avec les institutions68. L’intrusion ou l’immixtion des forces publiques dans le domaine du privé et de l’intime entraîne comme dialectiquement une réaction défensive de taille, si bien que
plus le combat est déclaré à ce qui est caché dans la réalité sociale et juridique, plus ce qui est caché prend de l’ampleur69.
La figure de l’individu en gestation spirituelle et juridique déjà avancée commence à s’incarner70.
Lorsqu’il étudie la « formation de l’identité moderne », Charles Taylor considère qu’elle se fonde sur le sens de l’intériorité, de la liberté, de l’individualité, et il souligne la différence entre les gestes accomplis pour soi et ceux qui sont affichés :
Notre démarche, nos gestes, notre façon de parler changent dès que nous prenons conscience de paraître devant autrui, d’habiter un espace public, et que cet espace est potentiellement celui du respect ou du mépris, de l’orgueil ou de la honte71.
En face (ou à l’écart) de cet espace éprouvé comme une contrainte, la sphère privée permet une libération propice au besoin d’intimité et d’introspection. Elle se caractérise d’abord par d’autres activités que celles de la sphère publique : des activités domestiques, ordinaires, mais aussi la réflexion, la discussion avec des proches ou des intimes, la contemplation, l’examen de conscience, que l’on fait dans le for intérieur. Cette expression de for intérieur est initialement théologique : elle désigne le pouvoir que l’Église exerce sur les choses spirituelles, par opposition au for extérieur ou externe, qui qualifiait la juridiction civile, les institutions, les juges. Issu du latin forum qui désignait un lieu public (place ou marché) où se discutaient aussi bien les affaires publiques que privées, le for a pris le sens de « tribunal » où était rendue la justice pour devenir, paradoxalement, la métaphore d’un espace intérieur72 psychologique et éthique où, par l’introspection, le sujet s’analyse, se juge, construit son intériorité, tente de peser ses pensées et de maîtriser ses passions. Reprise au xviie siècle pour désigner l’autorité spirituelle de l’Église sur les âmes de ses fidèles, l’expression « for intérieur » a désigné la responsabilité de chacun face à Dieu, puis, plus largement, le jugement de sa propre conscience, tandis qu’on parlait de « for extérieur » pour évoquer la responsabilité face à la justice civile. Bien qu’on ne le rencontre qu’à partir du xviie siècle dans des textes non religieux, le for intérieur est déjà une réalité dans bien des textes du Moyen Âge et de la Renaissance. Cette intériorisation de la loi morale coïncide avec une conscience accrue de l’individualité et va de pair avec l’exigence pour chacun d’un espace vital qui lui soit propre où il puisse agir en toute liberté, où il se sente à l’abri des autres73 et où, excluant de la vie sociale « certaines sphères de l’existence chargées d’angoisse », il puisse entretenir « la sensation qu’il y aurait quelque chose d’intérieur qui n’existerait que pour soi» 74. L’exigence de privauté, qui implique la quête d’une retraite dans le « petit champ de [s]on âme »75, ce repli sur l’espace inviolable du jardin secret où chacun peut se confronter à soi-même permet de réagir à l’excessive extériorité de la pensée légale et pénitentielle.
Mais alors, n’y a-t-il pas paradoxe à rendre public le privé, l’intime et le secret ? Comment l’intime, qui échappe par définition au statut de la société, peut-il être rendu public ? Les contraintes de la vie sociale et la pression de la représentation ont renforcé le besoin de communiquer à un autre ses pensées les plus secrètes76, si bien que l’amitié s’est érigée en valeur parce qu’elle réalise le rêve d’une transparence et permet de se retrouver en face d’un autre soi-même, comme par l’introspection dans le for interne. L’ami est le premier destinataire d’une écriture de l’intime : c’est particulièrement clair pour les Essais, que Montaigne écrit parce qu’il a perdu son « répondant » et qu’il adresse à ses proches dans son Avis au lecteur77. La privauté implique le besoin de bienveillance et le refus d’être jugé de l’extérieur : pour l’ami et devant lui, on peut ouvrir son cœur « comme le pécheur ouvre ses péchés secrets au confesseur »78, et un ami sincère est un « lieu de consolation et de sécurité »79.
Le choix d’ouvrir l’écriture à la sphère privée n’est pas systématiquement lié à l’épanchement autobiographique. Il détermine plutôt l’adoption d’un style simple, voire familier, ce genus humilis qui convient aux choses quotidiennes, parce qu’il implique une exigence de vérité80 qui se défie des valeurs liées à l’extériorité et de ce souci du monde qui conduira Hannah Arendt à valoriser l’espace public81. C’est ainsi qu’au seuil de l’Heptaméron, Marguerite de Navarre récuse la rhétorique :
car monseigneur le Daulphin ne voulloit que leur art y fut meslé, et aussy de paour que la beaulté de la rethoricque feit tort en quelque partye à la verité de l’histoire82.
On ne s’étonnera pas que la confession soit la parole la plus adaptée à la publication de l’intime. La confession religieuse, qui fait de l’aveu des péchés un acte personnel et secret, crée une situation de communication particulière puisque les actes reconnus sont pris en compte selon un point de vue individuel83 en même temps que reste secret ce qui a été avoué. Et ce secret inscrit dans l’intimité confère à l’individu son autonomie et sa personnalité. Plus largement, l’écriture de l’intime outrepasse ce que les Anglo-saxons appellent privacy. Car l’intime implique, par son audace, une liberté d’examen, un véritable esprit critique qui n’hésite pas à remettre en cause les préjugés et les idées toutes faites84. L’écriture de l’intime instaure ainsi une nouvelle autorité, celle de la parole en laquelle l’individu s’enregistre lui-même sans réclamer aucun crédit85.
La notion d’intime doit beaucoup à la « forteresse intérieure »86 léguée par les stoïciens. La distinction de cet espace a contribué au développement de l’intériorité et de la conscience, au point que le monde public, auquel ne pouvaient se vouer que les hommes libres, a été reconnu comme un espace de contraintes tandis que l’espace privé est devenu un lieu où l’individu se protège et construit son identité au fil des confrontations avec les institutions87. La naissance et la reconnaissance de l’intime coïncident ainsi avec l’émergence de l’individu moderne qui « possède, de naissance et par nature, le droit de décider de sa destinée »88.
[1] Cf. Frances Borzello Intérieurs, les peintres de l’intimité (At Home: Domestic Interior in Art), Londres, Thames & Hudson Ltd, 2006), trad. fr. Claire Mulkai, Paris, Hazan, 2006.
[2] Ibid., p. 26. Voir par exemple la Vierge à l’enfant dans son intérieur : le tableau provenant de l’Atelier de Robert Campin et datant d’avant 1432, est riche de détails méticuleux dans cette scène religieuse.
[3] F. Borzello, op. cit., p. 127.
[4] Michel Neyraut, « l’Invention du for intérieur », Revue de psychanalyse, 2011, 4, vol. 75, p. 969-977, ici p. 969.
[5] Georges Duby, Histoire de la vie privée, Paris, Le Seuil, 1985, 1999, tome II, « Ouverture : pouvoir privé, pouvoir public », p. 17. Il précise que les mots qui soutiennent l’idée de privé sont réservés aux comportements d’intimité, p. 21.
[6] Cf. Tzvetan TODOROV, dans son livre Éloge de l’individu qui est un essai sur la peinture flamande de la Renaissance, Paris, éd. Adam Biro, 2000.
[7] T. Todorov, op. cit., p. 217.
[8] Ibid., p. 210. Erwin Panofsky y voit un premier portrait d’atmosphère : « son domaine privé communique avec l’espace universel », Les Primitifs flamands, 1953, éd. consultée Paris, Hazan, 2003, p. 644.
[9] À noter : le mot « secret » (du latin secretus, qui correspond au participe passé du verbe secernere) signifie étymologiquement « diviser, séparer, dissocier, disjoindre ».
[10] La citation complète est intéressante parce qu’elle souligne le rapport de l’intime au corps et à la sexualité (ici la nudité) : « Mais nous n’en payons pas, ainçois en rechargeons notre dette, envers ce grand juge, qui trousse nos panneaux et haillons, d’autour nos parties honteuses : et ne se feint point à nous voir partout, jusques à nos intimes et plus secrètes ordures », MONTAIGNE, Essais, Paris, éd. Pochothèque, sous la direction de Jean CÉard, 2001, III, 5, p. 1293. En II, 2, p. 546, on a encore les « intimes secrets ».
[11] Encyclopédie, 1765.
[12] Pierre Boaistuau, Histoires tragiques, Paris, Champion, éd. Richard A. Caar, 1977 (désormais abrégées en HT). Il s’agit de la troisième histoire, p. 81. Et dans l’Histoire tragique IV, Pierre Boaistuau parle des « petits preparatifs d’amours qui ne doivent estre permis avec telle privauté qu’au seul mary », p. 128.
[13] III, 5, p. 1324.
[14] José Morel Cinq-Mars, Du côté de chez soi. Défendre l’intime, défier la transparence, Paris, Le Seuil, 2013, p. 65.
[15] Philippe AriÈs, Histoire de la vie privée, tome III, p. 7 et 8.
[16] Cf. l’analyse d’Hélène Merlin : le « déclin du modèle organiciste hiérarchisé du lien social » qu’ont provoqué les guerres de religion entraîne en particulier une tendance, chez les individus, à acquérir une sphère d’autonomie propre, Public et littérature en France au xviie siècle, Paris, Belles lettres, 1994, p. 52-53.
[17] Comme le rappelle H. Merlin, « Le privé et l’intimité au xviie siècle doivent-ils quelque chose à Horace ? », L’Invention de la vie privée et le modèle d’Horace, sous la direction de Bénédicte Delignon, Nathalie Dauvois et Line Cottegnies, Paris, Garnier, 2017, p. 281.
[18] Explique Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne (The Human Condition, Univ. of Chicago, 1958), trad. fr. Georges Fradier, Paris, Calmann-Lévy, 1961, p. 46.
[19] Comme le rappelle H. Arendt, Condition de l’homme moderne, éd. cit., p. 83.
[20] Chap. viii.
[21] Ou Gnôthi seauton.
[22] Voir Michel Foucault, L’Herméneutique du sujet, Cours 1981-82, E.H.E.S.S., Paris, Gallimard, Seuil, 2001, p. 11.
[23] « Athéniens, je vous salue bien et je vous aime. Mais j’obéirai à Dieu plutôt qu’à vous », Apologie, 29d. On suit l’édition des Œuvres complètes de Platon, Paris, trad. Léon Robin, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1950, 2 vol.
[24] Mais attention : l’injonction à se connaître soi-même est moins introspection qu’invitation à discerner « la place de l’homme en tant qu’homme vis-à-vis des dieux », rappelle M. Neyraut, « L’Invention du for intérieur », art. cit., p. 970.
[25] Selon de récentes analyses, telle celle de Michel Foucault, Histoire de la sexualité, III, Paris, Gallimard, 1984, p. 112. Il ajoute : « Il s’agit de se reconnaître sujet de ses propres actions, non pas à travers un système de signes marquant notre pouvoir sur les autres, mais à travers une relation aussi indépendante que possible du statut et de ses formes extérieures car elle s’accomplit dans la souveraineté qu’on exerce sur soi‑même », p. 118.
[26] Op. cit., p. 128. On ne suit pas M. Foucault quand il établit une coupure entre les exercices spirituels des anciens et la pensée chrétienne. Voir là-dessus L’Individu au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2005, sous la direction de Brigitte Miriam Bedos-Rezak et Dominique Iogna-Prat, p. 13.
[27] SÉnÈque, Lettres, 90, 28 et Des Bienfaits, IV, 21, 1 et VII, 7, 3. Dans les Lettres à Lucilius (41, 2), il évoque « un auguste esprit réside à l’intérieur de nous-mêmes, qui observe et contrôle le mal et le bien de nos actions […] », éd. Paul Veyne, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1993, p. 694. Voir aussi l’analyse de François Rangeon, « Citoyenneté et for intérieur : le débat Hobbes-Rousseau », Le For intérieur, colloque du C.U.R.A.P.P., P.U.F., 1995, p. 108-125, ici p. 113.
[28] L’Individu au Moyen Âge, Paris, Aubier, Flammarion, 2005, sous la direction de Brigitte Miriam Bedos Rezak et Dominique Iogna-Prat.
[29] Matth. 22, 21.
[30] Jérémie 11, 20, et le prophète ajoute en 12, 3 : « Et toi, Éternel, tu me connais, Tu me vois, tu sondes mon cœur qui est avec toi ». Même idée dans les Psaumes 7, 9-10.
[31] Cf. Joël 2, 13 : « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, Et revenez à l’Éternel, votre Dieu ; Car il est compatissant et miséricordieux, Lent à la colère et riche en bonté, Et il se repent des maux qu’il envoie ».
[32] II, Chron. 19, 7. Voir aussi Job 13, 27 : « Tu surveilles tous mes sentiers ».
[33] « La possibilité d’une connaissance de l’homme en sa particularité semble échapper aux Anciens. L’idée qu’il pourrait y avoir des vérités partielles, locales, individualisées, leur est insupportable. Ils désespèrent d’une vérité qui ne serait pas universelle. Donc le problème de la connaissance de soi n’est pas encore né », explique Georges Gusdorf, La Découverte de soi, Paris, P.U.F., 1948, p. 3.
[34] Saint Paul explique : « Nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce » (I, Cor. 2, 11-12). Dans Rom. 2, 14-15, il le redira : la conscience est l’Esprit de Dieu qui habite en l’homme, d’où lui vient donc son discernement (I, Cor. 2, 14-15), car rien n’échappe à l’œil de Dieu.
[35] Voir Charles Taylor, Les Sources du moi. La formation de l’identité moderne, Harvard U.P., 1989, Paris, Le Seuil, 1998, p. 173. Voir aussi Robert Ellrodt, Montaigne et Shakespeare. L’émergence de la conscience moderne, Paris, José Corti, 2011, p. 64-65.
[36] Il reprend les analyses de saint Paul : « Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes. Ne reconnaissez-vous pas que Jésus Christ est en vous ? à moins peut-être que vous ne soyez réprouvés » (II, Cor. 13, 5). Cf. le De vera religione, XXXIX, 72 : Noli foras ire, in teipsum redi, in interiore homine habitat veritas, Œuvres, La foi chrétienne, VIII, 1re série, éd. J. Pegon, Paris, Desclée de Brouwer, 1951. Cf. Charles Taylor, op. cit., p. 175.
[37] VIII, viii, 19, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, sous la direction de Lucien Jerphagnon, 1998, p. 942.
[38] Thomas d’Aquin distinguera les passions de l’âme de celles du corps (Somme théologique, Ia, IIæ, Q. 22, art. 1 et 3). Et, dans la Question 84 de la Somme théologique, Ia, IIæ, art. 1 (la cupidité), 2 (l’orgueil) et 4(combien y a-t-il de péchés capitaux ?), p. 528-530, Thomas classera les péchés capitaux selon qu’ils poursuivent 1) « un bien de l’âme dont l’attrait tient uniquement à l’idée qu’on se fait de la chose » (orgueil), 2) les biens du corps (gourmandise, luxure), et enfin 3) les biens matériels (avarice).
[39] « La vertu […] commande, du haut de l’âme, son siège, aux membres du corps, et le corps est sanctifié par l’usage d’une volonté sainte », explique Augustin, Cité de Dieu, I, xvi, Paris, Le Seuil, coll. Points Médiations, éd. et trad. de Louis Moreau revue par Jean-Claude Eslin, 1994, tome I, p. 55. Le chapitre x amplifie cette idée : « c’était bien moi qui voulais, c’était bien moi qui ne voulais pas ; c’était bien moi, mais ni mon vouloir ni mon refus n’étaient pléniers », VIII, x, 22, p. 945.
[40] Confessions, X, xvi, 25, éd. cit., p. 997. Voir encore Confessions, X, xxxii, 48, p. 1013 : « Déplorables ténèbres qui masquent à mes yeux ce dont je suis capable ! Mon esprit s’interroge-t-il sur ses propres forces, il sait qu’il ne doit pas se fier à lui-même : ce qui est en lui reste le plus souvent mystérieux, à moins que l’expérience ne le dévoile ».
[41] C. Taylor, op. cit., p. 234.
[42] Pour Paolo Prodi, la constitution de l’Occident est fondée sur le dualisme entre sacré et pouvoir, Christianisme et monde moderne. Cinquante ans de recherches, Paris, Gallimard, Seuil, 2006, p. 18.
[43] Adoptant un paradigme dualiste pour expliquer le passage d’une société holistique à une société individualiste, Louis Dumont considère que le christianisme aurait créé cette rupture parce que « l’âme individuelle reçoit une valeur éternelle de sa relation filiale à Dieu » (p. 77) et il explique sa théorie : « Le prêtre est donc subordonné au roi dans les affaires mondaines qui concernent l’ordre public. […]. Le niveau de considération s’est déplacé des hauteurs du salut à la bassesse des choses de ce monde. Les prêtres sont supérieurs, car c’est seulement à un niveau inférieur qu’ils sont inférieurs », Essais sur l’individualisme, une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, Le Seuil, coll. Points, Médiations, 1983, p. 64.
[44] Selon Robert A. Markus, Gregory the Great and His World, Cambridge, Cambridge U. P., 1997, p. xii. Voir aussi Barbara H. Rosenwein, « Y avait-il un ‘moi’ au haut Moyen Âge ? », Revue historique, 2005/1 n°633, P.U.F., p. 31-52 - https://www.cairn.info/revue-historique-2005-1-page-31.htm, ici p. 45.
[45] Achevé vers 1140, le Décret de Gratien, autrement appelé « concorde des canons discordants », est la somme du droit de l’Église (droit canonique) du Moyen Âge occidental. Il réunit plus de 3800 textes qui constituent l’ensemble du droit ancien (décrets des conciles, décrétales des papes, pénitentiels, écrits patristiques, statuts épiscopaux, mais aussi lois romaines et franques). Le rapprochement criant, dans les premiers canons, de textes empruntés aux Pères de l’Église et de normes pénales extraites du Corpus iuris ne représente pas la concordia discordantium canonum, mais l’anticipation d’une double voie : c’est ainsi qu’il forme la base du Corpus iuris canonici qui sera publié à la fin du xvie siècle, en 1582.
[46] Gratien, Décret, II, Cause 19, Q. 2, 2, E. Friedberg I, Leipzig, 1879, 1955, col. 839-841 : Duæ sunt leges (« Il y a deux lois, l’une publique, l’autre privée. La loi publique contient tout ce que les saints Pères ont écrit ou confirmé, dont le droit canon établi pour lutter contre les transgressions. La loi privée est celle qui, par l’inspiration du Saint Esprit, est écrite dans le cœur. »). Mais Peter von Moos précise judicieusement que « la lex privata n’a rien à voir avec ce que nous appelons « droit privé ». Il s’agit de l’opposition entre la liberté de conscience du chrétien et le droit positif de l’Église, entre l’équité et la lettre de la loi, entre la responsabilité personnelle et l’institution », « L’individu ou les limites de l’institution ecclésiale », L’Individu au Moyen Âge, Paris, Aubier, Flammarion, 2005, p. 279. Voir aussi Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia IIæ, Q. 96, 5, 2. Cf. Gratien, Dict. ad C 19, préface (du pape Urbain II) : « qui lege privata ducitur nulla ratio exigit ut publica constringatur ». Lege autem privata Spiritus sancti ducuntur omnes viri spirituales, qui sunt filii Dei secundum illud ad Romanos (8, 1) : « Qui spiritu Dei aguntur hi filii Dei sunt » (Aucune raison n’exige que celui qui se conduit par une loi privée soit contraint par une loi publique. Or tous les hommes spirituels qui sont fils de Dieu selon Rom. 8, 1 « Ceux qui sont agis par l’esprit de Dieu, ceux-là sont les fils de Dieu » sont conduits par la loi privée du saint Esprit).
[47] Selon le principe paulinien qui dit : « où règne l’esprit de Dieu règne la liberté » (II, Cor. 3, 17).
[48] Paul, Rom. 2, 16.
[49] Initialement afin de permettre la réforme et la correction du clergé sans scandale. Voir là-dessus Jacques Chiffoleau, « Ecclesia de occultis non iudicat, L’Église, le secret, l’occulte du xiie au xve siècle », Micrologus, Nature, Science and Medieval Societies, XIV, 2006, p. 359-481, ici p. 372.
[50] J. Chiffoleau, « Ecclesia de occultis non iudicat », art. cit., p. 375.
[51] Voir Jean Delumeau, qui relie la confession à la connaissance de soi, dans son étude L’Aveu et le pardon. Les difficultés de la confession aux xiiie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1990.
[52] L’Aveu et le pardon, éd. cit., p. 7-8.
[53] Émile Durkheim, « L’individualisme et les intellectuels », Revue Bleue, 4e série, t. X, 1898, p. 7‑13.
[54] Dans la Somme Théologique, Ia IIæ, Q. 96, art. 5 (Tous les hommes sont-ils soumis à la loi humaine ?), Thomas écrit : « Le pape Urbain déclare ceci, qui est inséré dans les Décrets : ‘Celui qui est conduit par une loi privée, aucun motif n’exige qu’il soit contraint par une loi publique.’ Mais c’est par la loi privée du Saint-Esprit que sont conduits tous les hommes spirituels qui sont fils de Dieu, selon l’épître aux Romains (8, 14) : ‘Ceux qui sont menés par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu.’ ». Et il précise (Sol 2 2) que « La loi de l’Esprit Saint est supérieure à toute loi portée par les hommes. C’est pourquoi les hommes spirituels, dans la mesure même où ils sont conduits par la loi de l’Esprit Saint, ne sont pas soumis à la loi en tout ce qui s’opposerait à cette conduite du Saint-Esprit. Toutefois cela même rentre dans la conduite de l’Esprit Saint, que les hommes spirituels se soumettent aux lois humaines, selon ces paroles de saint Pierre (1 P 2, 13) : ‘Soyez soumis à toute créature humaine à cause de Dieu.’ », p. 607. Voir Peter von Moos, Entre histoire et littérature. Communication et culture au Moyen Âge, Florence, Sismel, éd. del Galluzzo, 2005, p. 481.
[55] On pense à des prédicateurs tels que Vincent Ferrier ou Bernardin de Sienne.
[56] Vie solitaire, Paris, Rivages, éd. et trad. Pierre Maréchaux, 1999, p. 106. Cf. E. Anheim, « Une lecture de Pétrarque », L’Individu au Moyen Âge, Aubier, Flammarion, 2005, p. 194.
[57] Voir sur ce point Yves Ledure, « Sécularisation et statut du religieux », Mémoires de l’Académie Nationale de Metz, 2012, p. 223-237, ici p. 225.
[58] Voir Sur l’individu, Paris, Le Seuil, 1987, « L’individu dans la cité », p. 20-37, ici p. 37. À noter : pour de nombreux historiens médiévistes, l’Historia calamitatum de Pierre AbÉlard est une preuve tangible de l’individualisme, et Marie-Dominique Chenu y voit le moment où « l’homme se découvre comme sujet », L’Éveil de la conscience dans la civilisation médiévale, Paris, Institut d’études médiévales et Vrin, 1969, p. 15. Voir aussi sur ce point B. H. Rosenwein, « Y avait-il un ‘moi’ au haut Moyen Âge ? », art. cit., p. 45.
[59] Béatrice Beugnot, « Loisir, retraite, solitude : de l’espace privé à la littérature », Le Loisir lettré à l’âge classique. Essais réunis par Marc Fumaroli, Philippe Salazar et Emmanuel Bury, Genève, Droz, 1996, p. 173-196. Charles Taylor explique encore que le sentiment d’appartenir à la nature contribue à la formation de l’identité moderne et de l’individu (Les Sources du moi, éd. cit., p. 9). On ne s’étonne pas de voir ainsi Pierre de Ronsard proclamer son amour de la nature pour reconquérir son identité de poète lorsqu’il abandonne la polémique dans ses Discours : « Je m’en vais promener tantost parmy la plaine, /Tantost en un village, et tantost en un bois, / Et tantost par les lieux solitaires et cois. / J’aime fort les jardins qui sentent le sauvage […] », Discours, Responce aux injures, v. 496-499, Œuvres complètes, tome II, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, éd. Jean CÉard, Daniel MÉnager, Michel Simonin, 1994, p. 1055.
[60] « L’Espace privé : Privatraum ou privater Raum ? », Socio, Revue de sciences sociales, Dynamiques de l’intime, n° 7, 2016, trad. Hélène Leclerc, p. 25-37, ici p. 26.
[61] Le Prince, chapitres 15-19, Œuvres complètes, éd. Edmond Barincou, Paris, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1952. Louis Dumont souligne à juste titre qu’expression politique de cet individualisme naissant, la pensée de Machiavel marque une « émancipation du réseau holiste des fins humaines », Essais sur l’individualisme, p. 94.
[62] Michel Senellart, Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Le Seuil, 1995, p. 223 et 226.
[63] Le Prince, chap. 18 (« Comment les princes doivent garder leur foi »), p. 343. Voir encore p. 342 : « Il n’est donc pas nécessaire à un Prince d’avoir toutes les qualités dessus nommées, mais bien il faut qu’il paraisse les avoir. Et même, j’oserai bien dire que, s’il les a et qu’il les observe toujours, elles lui portent dommage ; mais faisant semblant de les avoir, alors elles sont profitables, comme de sembler être pitoyable, fidèle, humain, intègre, religieux ; et de l’être, mais arrêtant alors ton esprit à cela que, s’il faut ne l’être point, tu puisses et saches user du contraire. ». Un peu plus haut, Machiavel expliquait : « à celui qui a mieux su faire le renard, ses affaires vont mieux. Mais il est besoin de savoir bien colorer cette nature, bien feindre et déguiser ; et que les hommes sont tant simples et obéissent tant aux nécessités présentes, que celui qui trompe trouvera toujours quelqu’un qui se laissera tromper ».
[64] Que Norbert Elias a bien expliqué, mais qu’il a situé au xviie siècle, La Société des individus, 1987, Paris, Fayard, 1991.
[65] Discours de la servitude volontaire, Paris, Vrin, Bibliothèque des textes philosophiques, éd. André Tournon, présentée par Tristan Dagron, 2014, p. 86.
[66] Discours de la Servitude volontaire, p. 35.
[67] Voir l’analyse de Benjamin Constant, Écrits politiques, Paris, Gallimard, Folio, 1997, p. 595.
[68] Voir Jacques Chevallier, « For intérieur et contrainte institutionnelle », Le For intérieur, C.U.R.A.P.P., Paris, PUF, 1995, p. 251-266, ici p. 260.
[69] Cf. Rüdiger Schnell, « Die Offenbarmachung der Geheimnisse Gottes und die Verheimlichung der Geheimnisse der Menschen. Zum prozesshaften Charakter des Öffentlichen und Privaten », Das Öffentliche und Private in Vormoderne, éd. Gert Melville et Peter von Moos, Bölhau, Cologne, Weimar, Vienne, 1998, p. 359-410, ici p. 309.
[70] Une telle évolution se traduirait par l’apparition de personnalités marquantes, par le désir de gloire et par le développement de l’écriture autobiographique qui descendrait dans les profondeurs de l’individu, explique Marie-Clarté LagrÉe, « C’est moy que je peins », Figures de soi à l’automne de la Renaissance, Paris, P.U.P.S., 2012, p. 22.
[71] C. Taylor, Les Sources du moi, éd. cit., p. 9 et p. 30.
[72] Cf. M. Neyraut, « L’Invention du for intérieur », art. cit., p. 969-977, ici p. 970.
[73] Elle résulterait de « trois évolutions fondamentales [qui] tracent une nouvelle frontière entre les domaines du privé et les compétences des autorités publiques et communautaires : le rôle nouveau de l’État, qui intervient de plus en plus dans des matières longtemps demeurées hors de sa prise, les réformes religieuses qui exigent des fidèles une piété plus intérieure et des dévotions plus intimes, enfin le progrès du savoir lire et du savoir écrire grâce auxquels l’individu s’émancipe des liens anciens qui l’attachaient à la communauté dans une culture du dit et du geste », Philippe Ariès, Histoire de la vie privée, tome III, p. 18.
[74] N. Elias, La Société des individus, op. cit., p. 65.
[75] Pour reprendre les termes de Marc AurÈle, Pensées pour moi-même, VIII, 48.
[76] R. Schnell, art. cit., p. 382 et 384.
[77] « Je l’ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis », p. 53, éd. cit.
[78] R. Schnell, art. cit., p. 386.
[79] Ibid.
[80] Qu’a bien étudié Marc Fumaroli dans l’article fondateur qu’il a consacré à Montaigne sur l’« éloquence du for intérieur », La Diplomatie de l’esprit, Paris, Hermann, 1994, p. 125-161, ici p. 131 : « à la grande âme qui choisit librement de ne pas faire usage d’une éloquence politique dangereuse pour la paix publique », il reste l’éloquence du for intérieur, le primat de l’intériorité et de la poésie.
[81] Pour qui l’espace public est le lieu « de l’excellence marqué par le souci du monde », Condition de l’homme moderne, Univ. of Chicago, 1958, trad. fr., Paris, Calmann-Lévy, 1961, p. 92.
[82] Marguerite de Navarre, Prologue, éd. Michel François, Paris, Garnier, 1942, p. 9.
[83] Voir sur ce point R. Schnell, art. cit., p. 377.
[84] Les Essais de Michel de Montaigne en donnent un exemple magistral.
[85] Montaigne écrit ainsi : « Je n’ai point l’autorité d’être cru, ni ne le désire » (I, 25/26, p. 227).
[86] Autrement qualifié comme « ce réduit inviolable de liberté », Pierre Hadot, La Citadelle intérieure, Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Paris, Fayard, 1992, p. 124.
[87] Voir Jacques Chevallier, « For intérieur et contrainte institutionnelle », Le For intérieur, C.U.R.A.P.P., Paris, P.U.F., 1995, p. 251-266, ici p. 260.
[88] Robert Legros, « La naissance de l’individu moderne », La naissance de l’individu dans l’art, Tzvetan Todorov, Bernard Foccroule, Robert Legros, Paris, Grasset, 2005, p. 126.
Résumé
Lié à la vie domestique et privée, l’intime a d’abord intéressé la représentation picturale dès le xve siècle. Il s’oppose au visible et à ce qui concerne la vie publique, survalorisée par les Anciens. La pensée chrétienne, qui sépare les pouvoirs spirituel et temporel, accentue l’autonomie de la sphère privée dans laquelle l’individu devient juge de lui-même. Désormais, le privilège des hommes libres est de pouvoir s’affranchir des obligations publiques pour s’examiner soi-même. Mais publier l’intime est une entreprise paradoxale qui exige un style bas et un public bienveillant.
Abstract
Linked to domestic and private life, intimacy has first interested pictural representation since the fifteenth century. It is opposed to the visible and to public life, overvalued by the Ancients. Separating the spiritual and temporal powers, christian thought stresses the autonomy of the private sphere in which the individual becomes a judge of himself. As a result, it becomes a privilege to be able to get rid of public obligations in order to examine oneself. But publishing intimacy is a paradoxical entreprise demanding a low style and a benevolent public.
Bénédicte Boudou
Université de Picardie-Jules Verne, Centre TRAME
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