Le roman dont il va être question ici1, œuvre d’un auteur plus connu comme dessinateur de presse (publié par le journal El País) que comme écrivain, est pourtant le deuxième ouvrage historique de Peridis, et fait suite à Esperando al rey, roman publié en 2014 et dont l’intrigue concernait le début du règne du roi Alphonse VIII de Castille, période de minorité royale propice aux aventures et mésaventures de tout type. De ce point de vue, et même si chacun des romans est indépendant de l’autre, il existe entre les deux une certaine continuité. Le titre du second indique clairement que, cette fois, l’intrigue est tout entière centrée sur la figure de la reine Aliénor Plantagenêt, fille du roi Henri II d’Angleterre et de la fameuse Aliénor d’Aquitaine, devenue la femme du roi de Castille en 1170 ; cela suffit-il à faire de ce roman historique ce qu’il convient d’appeler une biographie romancée ? C’est ce que nous allons nous efforcer de déterminer dans cette brève analyse.
Dans une « note de l’auteur » sous-titrée « en guise d’excuse », Peridis fait suivre son roman de quelques informations destinées à éclairer son travail. Informations biographiques d’abord : l’auteur révèle à ses lecteurs qu’il a toujours rêvé d’être écrivain et que seule la nécessité d’avoir un emploi stable l’a conduit à faire des études d’architecture puis à se lancer dans le dessin d’humour. D’une certaine façon, le rejet exprimé par son père de toute littérature avait très tôt contrarié sa vocation : ancien vendeur de fascicules de ces « romans feuilletons » des années vingt qui, selon ses dires, passionnaient un public avant tout féminin2, ce père ne possédait, dans l’immédiat après-guerre, que deux livres, une encyclopédique « géographie générale » datant de 1917 qui lui avait été prêtée, et un manuel intitulé « le livre de l’Europe », rédigé en 1911 et abondamment consulté par « deux générations de lecteurs qui n’étaient jamais sortis de leur village » mais qui avaient assouvi leur curiosité en rêvant sur les gravures de monuments et de personnages célèbres de ce manuel. C’est ainsi que Peridis explique, par la lecture passionnée de ces deux ouvrages dans son enfance, son goût prononcé pour la géographie et pour l’histoire.
C’est à soixante-treize ans, en 2014, qu’il a décidé de réaliser son rêve de jeunesse en rédigeant un premier roman consacré à la minorité d’Alphonse VIII, dont La maldición de la reina Leonor peut être vu comme le pendant, écrit du point de vue de la reine. Une partie de la note (p. 540-542) est consacrée aux sources qu’il a maniées pour écrire son roman, sources qui sont pour l’essentiel des ouvrages d’historiens, parfois très récents, auxquels doivent être ajoutés les textes de l’époque, les grandes chroniques du XIIIe siècle. Aucun ouvrage ne traite d’Aliénor Plantagenêt (en existe-t-il ?) mais l’auteur souligne l’aide que lui ont apportée les ouvrages de Salvador Martínez sur Bérengère (Berenguela la Grande y su época, 2012) et de Régine Pernoud sur Aliénor d’Aquitaine (consulté dans une édition espagnole de 2009 et qualifié de « ya un clásico »), consacrés tous les deux à de grandes figures féminines de l’entourage familial proche d’Aliénor (sa fille et sa mère).
Peridis se présente comme un écrivain attaché à la vérité historique et n’ayant que rarement été infidèle à celle-ci, même s’il se défend d’être un historien et revendique une liberté de création qui est l’apanage du romancier :
Yo no soy un historiador, solo soy un divulgador del patrimonio, sobre todo del arte Románico, y un cuentista que se sirve de la novela para contar una historia, no la Historia. Y una novela es una obra de ficción con todos los artificios y licencias consustanciales a este género de escritura. En esta trato de contar las últimas décadas del siglo XII y la primera del XIII a través de unos personajes. Lo he hecho con el máximo rigor histórico… (p. 540).
Pour évoquer son activité d’auteur de romans historiques, Peridis –on ne s’en étonnera pas– utilise une métaphore issue de son activité professionnelle, l’architecture : pour lui, un roman historique est comme une maison construite et meublée par son auteur pour y accueillir le lecteur :
Para mí, hacer una novela es como construir una casa para que en ella se sienta a gusto el lector, porque el que la construye se ha esmerado en organizarla adecuadamente […] de modo que sea acogedora y confortable y se pueda transitar por sus páginas sin dificultades ni obstáculos (p. 539).
Le but avoué de l’auteur, c’est de « ressusciter les personnages qui nous ont précédés » (p. 538) :
Se sueña lo que soñaron, se goza lo que gozaron y se sufre lo que sufrieron porque sus obras todavía nos acogen y sus actos siguen gravitando sobre nosotros (p. 539).
Ce genre d’approche du passé n’est pas celle des historiens, qui fuient autant que faire se peut l’interprétation « psychologisante » des personnages historiques, beaucoup trop subjective, et c’est même cette crainte qui justifie le rejet de la biographie par l’école française des Annales jusqu’à une époque récente. C’est peut-être, en revanche, ce qui explique en partie le choix de l’auteur de rédiger un ouvrage consacré, certes, au règne d’Alphonse VIII, mais à travers l’évocation de la figure d’Aliénor d’Angleterre, dont on ne sait finalement que peu de choses3. Un choix qui assure au romancier une plus grande liberté pour réaliser ce qu’il considère comme le but essentiel de son travail :
Es evidente que no puedo saber lo que pensaban, sentían, mentían, imaginaban o se decían esos personajes pero me he metido en su pellejo para vivir con ellos sus vicisitudes y poder contarlo a los lectores, porque este recurso es consustancial a la novela (p. 540; c’est moi qui souligne).
Centrer le roman sur la figure d’Aliénor permet en outre d’y introduire la prestigieuse famille Plantagenêt, de mettre en scène des personnages de l’envergure d’Aliénor d’Aquitaine ou de Richard Cœur-de-Lion, et de jouer sur le thème de la malédiction attachée à cette famille dans la tradition historique, un puissant ressort psychologique.
Une autre raison essentielle du choix du thème traité tient là encore à la formation d’architecte de l’auteur : fasciné par les monuments romans et gothiques de la Castille, Peridis s’est naturellement penché sur l’histoire qui a présidée à leur construction et donc, au couple « commanditaire / exécutant » qui en est à l’origine, soit, pour le monastère de Las Huelgas, au couple formé par la reine Aliénor et par Maître Richard. Il semble même que l’intérêt porté à ce couple soit le fruit d’un processus de « transfert » de l’auteur qui, lors d’un voyage en Égypte en 1999, a visité le temple construit pour la reine Hatshepsout par son précepteur Senenmout et rêvé d’écrire un roman sur ce couple. Ce processus de transfert et les parallélismes sur lesquels il repose font l’objet d’un long développement de la part de Peridis :
Aquellos territorios tuvieron un problema sucesorio porque siendo dioses, los faraones solo podían casarse entre hermanos y el heredero era el hijo varón de la esposa-hermana del faraón. Durante el reinado de los primeros Tutmosis, sólo nacieron mujeres de estas uniones incestuosas. […] Aquel dato conmovedor me hizo pensar que la relación de la reina con el arquitecto daba para una buena novela y que algún día yo mismo podría escribirla. Ni lo hice entonces […] ni lo haré nunca porque aquel pensamiento sólo era una idea germinal. Yo no era escritor y mi pasión y mis afanes estaban en conocer la Edad Media y recuperar el Románico. Panteones de reyes incestuosos y excomulgados había visitado muchos en nuestras catedrales y monasterios. Aunque nuestros monarcas medievales no se casaban con sus hermanas como hacían los faraones en Egipto, lo hacían muy a menudo con sus primas hermanas o con sus tías o sobrinas, como se puede comprobar en los árboles genealógicos de los reinos de Hispania que adornan las guardas de esta novela (p. 537-538. C’est moi qui souligne).
À partir de là, l’auteur évoque son premier roman et son intérêt pour Alphonse VIII avant de passer à son admiration envers le monastère de Las Huelgas et à la méconnaissance que l’on a de la reine et de l’architecte qui l’ont édifié. Tout le roman que nous allons évoquer se trouve en germe dans ces quelques lignes.
La Maldición, nous venons de le rappeler, est une œuvre centrée sur la reine Aliénor d’Angleterre, ou Aliénor Plantagenêt, femme d’Alphonse VIII de Castille, et sur ses relations avec Maître Richard, l’architecte du monastère de Las Huelgas de Burgos. Aliénor est la fille du roi Henri II Plantagenêt, monté sur le trône d’Angleterre en 1154, et de la célèbre Aliénor d’Aquitaine, la seule femme à avoir successivement épousé un roi de France (Louis VII) et un roi d’Angleterre. Parmi les frères et sœurs d’Aliénor d’Angleterre, il convient de citer ici, parce qu’ils apparaissent dans le roman ou qu’ils jouent indirectement un rôle dans la vie de la reine telle qu’elle nous est présentée par Peridis, le roi Richard Ier Cœur-de-Lion, sa sœur Jeanne, ses frères Henri (décédé avant son père alors qu’il avait été associé au trône par ce dernier, d’où son surnom de Jeune roi), Geoffroy (duc de Bretagne par la volonté de son père, lui aussi prématurément disparu) et Jean, qui devient après la mort sans descendance de Richard, le roi Jean Ier, dit Sans Terre. Née vers 1160 (date retenue par l’auteur), Aliénor est décédée quelques mois après son mari, en 1214, à l’âge de cinquante-quatre ans. Le roman ne couvre pas la totalité de la vie de la reine de Castille, mais la plus grande partie de celle-ci, depuis son départ d’Angleterre pour la Castille en 1170, à l’âge de dix ans, jusqu’à l’annonce miraculeuse (j’y reviendrai) de la victoire de Las Navas de Tolosa en 1212.
Alphonse VIII, très présent lui aussi dans le roman, est monté sur le trône de Castille en 1158, à l’âge de trois ans, d’où son surnom de « rey chico »4, et son règne ne s’est achevé qu’en 1214. Il convient cependant de distinguer dans ce long règne une première période qui va de 1158 à 1169, au cours de laquelle le roi est sous tutelle car il est encore mineur et se trouve être le jouet des rivalités opposant les grandes familles de la noblesse castillane, surtout les Castro et les Lara. Même si cette période est absente du roman, le lecteur qui ne connaîtrait pas son histoire risquerait de se trouver quelque peu perdu devant les allusions qui y sont faites. De la même façon, et même si l’auteur, fidèle à son premier métier de dessinateur de presse, propose un arbre généalogique qui, sous forme humoristique, met en scène tous les personnages royaux dont il est question dans le roman et leurs relations familiales complexes, il devrait être vivement conseillé aux lecteurs d’acquérir un bon manuel d’Histoire de la péninsule Ibérique avant de se lancer dans la lecture de l’œuvre, d’autant plus qu’une partie de la malédiction qui est supposée peser sur les épaules d’Aliénor naît de la politique matrimoniale de souverains qui ignorent superbement leurs degrés de parenté et les interdits de l’Église en la matière.
Sans entrer dans les détails, nous devons nous rappeler quelques-uns de ces liens familiaux : au début du roman, Alphonse VIII a pour voisins, à l’Ouest, le roi de León Ferdinand II, qui est son oncle paternel (présenté comme un dépravé probablement responsable de la mort de son frère, le père d’Alphonse, et à demi gâteux), à qui succède en 1188 son fils Alphonse IX, dont la mère est une princesse portugaise, et à l’Est le roi Sanche VII de Navarre, oncle maternel du même Alphonse VIII, et Alphonse II le Chaste d’Aragon, qui a épousé une tante paternelle du Castillan –une tante à peine plus âgée que son neveu et avec laquelle celui-ci a été élevé, ce qui crée entre la tante et le neveu une complicité coupable qui les conduit à reprendre, après le veuvage de la reine d’Aragon (au cours du roman, Alphonse II disparaîtra au profit de son fils Pierre II, l’un des vainqueurs de Las Navas de Tolosa), une relation incestueuse à peine dissimulée.
L’un des ressorts de l’intrigue, de ce fait, sera constitué par les difficultés rencontrées par le couple royal pour trouver de bons partis pour leurs enfants, garçons ou filles, et par les conflits nés des unions matrimoniales ou extra-matrimoniales précédentes. Du côté hispanique, le problème essentiel, comme nous venons de le souligner, est la tentation de l’inceste, du moins de ce qui est considéré comme tel par l’Église : Bérengère, fille aînée du couple, d’abord promise au fils de l’Empereur d’Allemagne, épouse finalement son cousin le roi de León, et cette union fermement condamnée par le terrible Innocent III (pape présenté dans le roman comme un homme intransigeant et totalement gagné aux intérêts du roi Alphonse IX, qu’il voit comme une victime innocente de Bérengère, la Jézabel castillane –ce qui est très loin d’être la vérité) sera annulée alors même que les deux époux auront eu plusieurs enfants, dont un Ferdinand dont le lecteur sait qu’il deviendra, en 1217, le roi Ferdinand III, futur saint Ferdinand. Les relations incestueuses de la famille de León et Castille ne s’arrêtent pas là : la petite sœur de Bérengère, Mafalda, promise en mariage au fils d’un premier mariage d’Alphonse IX, est laissée aux bons soins de la cour de León par sa sœur lorsque celle-ci se voit contrainte de revenir en Castille (p. 390). Alphonse IX, répétant la faute d’Henri II5, aura des relations sexuelles avec sa future belle-fille, qui tombera enceinte de ses œuvres. Paniqué, le roi de León, qui n’a pas l’envergure du roi Plantagenêt, s’en remettra à son majordome Pedro Fernández de Castro, par ailleurs son cousin, pour étouffer le scandale. En l’occurrence, c’est la princesse que Castro étouffe au cours d’une séance d’avortement qui tourne mal. La malheureuse Mafalda, victime d’une politique matrimoniale qui la dépasse largement, meurt ainsi loin des siens, qui ne connaîtront jamais la vérité sur cette mort, même s’ils se doutent de ce qu’elle est6. Sa sœur Urraque épousera quant à elle le roi du Portugal, tandis que Blanche échappera aux unions incestueuses grâce à la volonté inflexible de sa grand-mère, la formidable Aliénor d’Aquitaine, qui viendra elle-même, à près de quatre-vingts ans, la chercher à Burgos pour en faire l’épouse du prince Louis de France (futur Louis VIII). Le pape Célestin III, prédécesseur d’Innocent III, beaucoup moins intransigeant que son successeur, n’en est pas moins conscient de cette manie des rois hispaniques de se marier entre eux dans le but plus ou moins avoué de reconstituer à leur profit une unité perdue (sur ce point, la politique de partage des royaumes que plusieurs souverains, et en particulier Alphonse VII, père de Ferdinand II et grand-père d’Alphonse VIII, ont mise en œuvre, se révèle désastreuse) et représente la situation politique de la Péninsule sous la forme de ce qu’il appelle son panier de cerises, un panier dans lequel des étiquettes portant le nom de chaque souverain sont reliées entre elles par de multiples liens symbolisant la réalité des relations familiales de tous ces rois. « Trop de Sanche, trop de Ferdinand, trop d’Alphonse », telle est la formule lapidaire par laquelle est résumée par le pape cette situation que l’on ne retrouve pas ailleurs en Europe.
Est-ce à dire que la « malédiction de la reine Aliénor » se réduit à son entrée dans une de ces branches d’une même famille qui ne conçoivent pas d’union hors de la Péninsule (son propre mariage étant une espèce d’exception) ? Non, bien sûr : dans le cas contraire, on voit mal pourquoi l’auteur aurait choisi de centrer son roman sur la figure de la reine et non sur celle d’Alphonse VIII. Aliénor, nous l’avons dit, est une Plantagenêt, et elle porte en elle une autre forme de malédiction dont elle rend responsable son père, aimé et redouté tout à la fois. Dès le premier chapitre du roman, Henri II joue un rôle essentiel par son absence même lors du départ de sa fille, qui a espéré jusqu’au bout voir surgir le roi pour un au-revoir dont elle pressentait qu’il pourrait aussi bien être un adieu. Henri est en fait trop occupé à prendre du plaisir avec sa dernière maîtresse en date, la célèbre Rosemonde Clifford, pour s’inquiéter du sort de sa fille ; la reine Aliénor d’Aquitaine, qui a accompagné la future reine de Castille, se laisse aller à sa colère et finit par maudire son mari et sa jeune maîtresse (« Maudit Henri et maudite Rosemonde » sont les premiers mots du roman, et cette malédiction maternelle est ensuite reprise sans relâche par la fillette sur le navire qui l’éloigne de son île natale). Soulignons au passage, parce que ce fait a peut-être inspiré l’auteur pour le chapitre suivant, que la mort mystérieuse de Rosemonde sera attribuée par certains à un empoisonnement, et que la reine sera soupçonnée d’être l’instigatrice de ce meurtre7. Si le lecteur doute encore de l’importance de cette malédiction, il lui suffit de prendre connaissance du commentaire du narrateur omniscient à ce sujet :
No sabía hasta qué punto aquella maldición, que había escuchado de labios de su madre, se iba a cumplir muy pronto y la influencia que este hecho tendría en su vida (p. 15).
Tout au long de sa vie, Aliénor sera persuadée d’être victime d’une malédiction des Plantagenêt née des excès de son père, qui n’a respecté aucun interdit moral : parmi ses maîtresses, bien avant la jeune Rosemonde, on trouve ainsi, nous l’avons dit, Adèle ou Aélis de France. Dès que la jeune princesse eut atteint l’âge de la puberté, le roi Plantagenêt la mit dans son lit, méprisant l’opinion de son fils et celle de la cour de France. Une telle attitude explique en partie l’alliance qui a uni quelque temps Richard et Philippe Auguste contre Henri II. Le meurtre de Thomas Becket en 1170, l’année même où Aliénor a quitté l’Angleterre, joue également un rôle dans la conviction qu’a la reine de Castille d’une malédiction divine pesant sur sa famille.
Les conséquences de cette malédiction et de la colère de Dieu, Aliénor les voit dans les morts prématurées de ses frères Henri, Geoffroy et même Richard et de sa sœur Jeanne, mais aussi dans l’absence de descendance de la quasi-totalité des descendants d’Henri II (il n’est presque jamais fait mention dans le roman du destin –tragique, au demeurant– d’Arthur de Bretagne, fils de Geoffroy (p. 166), et le futur Henri III, fils de Jean sans Terre, n’est encore qu’un enfant, ignoré d’Aliénor). Elle-même dans un premier temps, ne donne naissance qu’à des filles, au grand désespoir de son mari. Ceux des lecteurs qui pourraient douter de l’importance d’un tel motif et trouveraient un peu « forcé » le désespoir d’Aliénor doivent se souvenir que l’absence de descendance masculine a été un motif de séparation, et de répudiation pour les femmes, à diverses reprises dans l’Histoire : Louis VII de France et Aliénor d’Aquitaine eux-mêmes se sont séparés d’un commun désaccord parce que le couple n’avait eu que des filles. Plus encore, dans l’Histoire, la malédiction des Plantagenêt est reliée à la façon dont un ancêtre d’Henri II, Foulque III Nerra, irrité de n’avoir que des filles de sa première femme, fit condamner celle-ci au bûcher pour sorcellerie (peu de temps après la reine, c’est la ville d’Angers qui brûla, victime d’un incendie vu à l’époque comme la conséquence d’une malédiction lancée par la malheureuse duchesse avant sa mort).
Ce qui ressort du roman est que la « malédiction » des Plantagenêt est surtout liée au caractère des membres de la famille : c’est d’ailleurs ce qu’exprime Richard Cœur-de-Lion dans une discussion orageuse avec sa mère, alors que celle-ci essaie de le persuader de la nécessité d’un mariage et de la mise en route d’un enfant avant son départ à la Croisade, afin d’assurer un héritier à la couronne d’Angleterre et aussi, point essentiel aux yeux d’Aliénor d’Aquitaine, au duché d’Aquitaine (p. 162 sq.). Le jeune roi affirme avec hauteur, reprenant un sobriquet dont l’a affublé son ancien ami Bertrand de Born, qu’il est parfois Richard-oui et parfois Richard-non (le troubadour parle d’un Richard « oc et non »). De fait, les historiens actuels s’interrogent encore sur ce sobriquet de « oc et non », qu’ils interprètent de façon diverse, considérant parfois qu’il fait allusion à l’esprit d’indécision du souverain, parfois au contraire à sa capacité à trancher sans hésiter et sans accepter de discussion les questions les plus délicates, ou encore à sa propension à ne pas tenir parole8. Le Richard de la fiction, quant à lui, considère que ce surnom met en évidence sa véritable nature, celle d’un être passionné, qui se laisse parfois dominer par les défauts et les vices moraux qu’il a hérités de son père, mais qui ne lui ont jamais pour autant assuré l’amour de ce dernier (p. 166-167), un être divisé en fait entre deux natures, masculine et féminine. À cette occasion, il aborde d’ailleurs le sujet de son homosexualité, un point sur lequel se divisent encore les historiens, mais que le personnage de fiction assume sans complexe : à sa mère qui vient de faire allusion au modèle d’Alexandre le Grand, le roi coupe la parole en soulignant qu’il partage avec Alexandre certaines mœurs qui risquent fort de déplaire à Aliénor, et qu’il vaut mieux qu’elle ne continue pas sur ce sujet (p. 167)9.
La malédiction des Plantagenêt n’est pas une invention de Peridis, loin s’en faut. Elle n’est pas traditionnellement considérée comme la conséquence des excès de conduite d’Henri II, qui n’en sont que l’une des expressions, mais elle touche l’ensemble du lignage. La définition la plus célèbre de cette malédiction familiale se trouve dans une formule attribuée par Giraud le Cambrien10 à Richard Cœur-de-Lion (le roman est donc très proche de la réalité historique sur ce point), qui aimait à conter une légende des origines du lignage Plantagenêt selon laquelle une lointaine comtesse d’Anjou s’était révélée être une créature féérique qui, se voyant sur le point d’être contrainte par son mari à assister à la messe dans son entier, s’était envolée avec deux de ses enfants pour ne plus jamais revenir. Le roi ajoutait à cette anecdote le commentaire suivant : « Car nous venons tous du Diable et nous retournerons tous au Diable ». La malédiction –et la légende elle-même, inspirée de la légende de Mélusine– serait liée, comme nous l’avons vu, à la figure de Foulque III, qui se vit par ailleurs contraint de se rendre quatre fois en Terre Sainte, en pèlerinage, pour se faire pardonner ses innombrables fautes. D’autres membres du lignage, tels que Foulque Ier le Roux, Geoffroy II Martel ou Foulque IV dit « le Réchin » (c’est-à-dire le hargneux, voire le violent) illustrent eux aussi cette incapacité des comtes d’Anjou à résister à leurs passions.
Henri II lui-même semble avoir partagé l’idée d’une malédiction pesant sur sa famille, même si, dans son cas, cette malédiction semble plutôt issue de l’histoire des ducs d’Aquitaine, la famille de sa femme : pendant la révolte de ses fils, le roi aurait souvent rappelé à l’évêque de Lincoln qu’un ermite avait jadis reproché à Guillaume IX, grand-père d’Aliénor, sa conduite adultère avec la Maubergeonne, sa maîtresse, avec qui il s’affichait ouvertement et qu’il avait fait peindre nue sur son bouclier avant de réaliser l’union matrimoniale de la fille de cette femme avec son propre fils, une union presque incestueuse, l’ermite lui prophétisant que jamais les descendants de cette union illicite n’auraient de fruits féconds. Le souverain anglais voyait dans la révolte de ses fils la réalisation de cette prophétie (dans le roman, sa fille a une autre lecture de la prophétie –qui n’apparaît pas sous une forme explicite). Aliénor d’Aquitaine elle-même était accusée d’avoir eu une liaison incestueuse avec son (jeune) oncle Raymond d’Antioche alors qu’elle accompagnait son mari Louis VII en croisade, puis d’avoir été successivement la maîtresse de Geoffroy Plantagenêt et de son fils Henri, avant d’épouser finalement ce dernier. Et Giraud le Cambrien de conclure sur ce point : « Comment, d’une racine aussi vicieuse de toute part, aurait-il pu sortir une lignée vertueuse ? »11.
Tout ce que nous venons d’évoquer est à ce point proche de la réalité historique que l’on pourrait douter de la qualité de roman, donc de fiction, de l’ouvrage de Peridis. Aussi nous faut-il parler à présent de la dimension fictionnelle de l’œuvre, qui justifie en grande partie que l’auteur ait choisi de le centrer sur la figure d’Aliénor et non sur celle de son mari.
Le premier élément fictionnel dont il nous faut parler, parce que c’est le premier à apparaître dans le roman, a de lointaines origines dans les chroniques médiévales, même s’il a depuis fasciné de nombreux auteurs d’œuvres de fiction, romans et pièces de théâtre : il s’agit des amours d’Alphonse VIII et de la belle Rachel, souvent évoquée comme « la juive de Tolède ». Dans le roman de Peridis, ces amours sont situées hors du champ de la narration, et ce qui est évoqué, ce sont les conséquences de ces amours. Dès le deuxième chapitre de l’ouvrage, la reine Aliénor, persuadée que la malédiction qui pèse sur son couple est aussi due à l’adultère de son mari12, décide de mettre fin à celui-ci ; sur les conseils de l’évêque de Palencia, oncle (un de plus !) de son mari, qui lui fournit l’arme du crime (une lettre empoisonnée qui s’achève par la célèbre condamnation du roi Balthazar dans la Bible : « Mené, Tequel, Parsin » [ou « Mené, mené teqel, ufarsin », Daniel, 5, 25-28]), la reine décide de se rendre chez sa rivale et de la supprimer. En apparence, l’expédition d’Aliénor est une réussite et aussi bien elle-même qu’Alphonse resteront persuadés jusqu’à la partie finale du roman que Rachel est morte13. Les lecteurs, eux, savent que le médecin personnel du roi est parvenu à la sauver et a choisi, après avoir constaté qu’elle était enceinte du roi, de la mettre à l’abri auprès de son vieux maître Averroés, qui habite Cordoue. Cette action aura des conséquences inattendues… Bien des années plus tard, le fils et héritier d’Alphonse, Fernando, tombera en effet amoureux d’une femme qui se révèlera être la fille de Rachel et donc sa propre demi-sœur ! Une lettre du médecin d’Alphonse, écrite un peu avant sa mort, révèlera au couple royal ce nouvel inceste auquel le jeune prince mettra fin peu avant sa mort. L’épisode justifie à lui seul le titre de l’ouvrage…
… Et cela d’autant plus que cette jeune femme, fille de Rachel, est également la veuve d’un architecte anglais du nom de Richard, qu’Aliénor a fait venir en Castille pour construire, notamment, le monastère de Las Huelgas de Burgos, auquel elle souhaite attacher son nom. L’homme est séduisant et multiplie les aventures féminines. Deux épisodes plus comiques que tragiques illustrent ce fait : à peine débarqué, l’architecte met dans son lit la nièce de l’abbé de la collégiale San-Emeterio de Santander, une femme qui n’est ni tout à fait mariée ni tout à fait veuve, puisqu’elle est la femme d’un homme disparu en mer, et que son oncle oblige à porter des bracelets à clochettes pour toujours savoir où elle est… une protection insuffisante en l’occurrence ; quant au deuxième épisode, il met en scène les amours de Richard et d’une belle morisque (terme anachronique), épouse d’un aubergiste de Calaruega qui se trouve être un cousin de Dominique de Guzmán. Les deux amants se rejoignent alors même que l’ecclésiastique prononce des prêches ardents et se font ainsi repérer par l’intraitable prédicateur, qui entraîne la foule des habitants du village dans une expédition punitive ; les torches portées par les habitants mettent le feu au hangar à foin où s’ébattent les amoureux, qui en sont quittes pour une fuite éperdue en tenue d’Adam et Ève ; les seules victimes de l’affaire sont les cochons qui logeaient sous le hangar à foin. Dominique de Guzmán, outré, fera emprisonner les coupables et se précipitera pour informer Alphonse VIII du scandale. Celui-ci, que l’affaire fait beaucoup rire (à la différence de la reine), fait libérer l’architecte et dédommage sur ses deniers (c’est l’aspect le plus déplaisant de l’affaire à ses yeux) l’aubergiste.
Si la reine ne trouve pas l’épisode amusant, c’est qu’elle est tombée amoureuse au premier regard de l’architecte anglais, qui partage cet amour. Après divers épisodes au cours desquels les deux personnages parviennent de justesse à dominer leur passion (l’architecte choisissant même de quitter la Castille sous prétexte de visiter les monuments européens les plus récents, dont il pourra s’inspirer, laissant derrière lui un poème qui ne laisse aucun doute sur la véritable raison de son départ, qui lui vaut l’inimitié temporaire d’Aliénor, qui exprime ainsi une forme de dépit amoureux), cet amour platonique qui n’est pas sans évoquer la fins amor des troubadours –Richard en est un, dont les compositions poétiques et la musique charment ses auditrices– finira par devenir bien réel lors d’un voyage vers Cuenca, où Aliénor a décidé de faire construire une cathédrale. Les deux amants se réuniront dans une dépendance de l’auberge de Medinaceli où le Cid aurait, en son temps, fait halte. Là encore, l’épisode prend une dimension humoristique dans la mesure où Aliénor, pour se sortir d’une situation devenue délicate, se verra obliger à galoper, à demi-nue, au clair de lune, sur un cheval qu’elle prétend emballé. Il aura toutefois des conséquences qui pourraient être considérées comme graves puisque, de cette union d’un soir, naîtra neuf mois plus tard un fils adultérin de la reine, à qui elle choisira de donner un prénom traditionnel chez les Plantagenêt, dans la mesure où elle est certaine de son ascendance de ce côté-là (et beaucoup moins, évidemment, de l’ascendance du côté paternel) : le petit s’appellera Henri. Les lecteurs connaissant l’Histoire de Castille savent que ce prince sera le successeur d’Alphonse VIII. On notera cependant que Peridis a eu la prudence de choisir comme fils adultérin de la reine un souverain qui a peu vécu et qui n’a laissé aucune descendance (monté sur le trône en 1214, Henri Ier meurt en 1217, alors qu’il n’est encore qu’un enfant).
Concernant ces amours totalement fictives d’Aliénor, il convient surtout de considérer la figure de Richard, qui a un fondement historique, même si les épisodes auxquels il est mêlé sont de l’ordre de la fiction : cet architecte est anglais, c’est un bel homme dont toutes les femmes sont plus ou moins amoureuses, il possède les qualités d’un bon troubadour, et c’est le frère d’Aliénor, l’autre Richard, qui le lui a envoyé à sa demande ; ce n’est certainement pas un hasard si l’emprisonnement de Maître Richard à Calaruega coïncide exactement avec celui du roi Richard en Autriche… Qui ne verrait en lui, dans ces conditions, une espèce d’alter-ego de Richard, le Cœur de Lion, frère bien-aimé d’Aliénor dont même Bérengère, sa nièce, est amoureuse (en tout bien tout honneur) ? Si l’on admet cette identification, on peut considérer que les amours d’Aliénor et de son architecte sont une forme d’inceste sublimé… qui tombe tout de même dans l’adultère.
Un roman, même historique, connaît souvent une fin heureuse. Puisque l’on ne va pas jusqu’à la mort d’Aliénor, il serait regrettable de finir sur une situation qui laisserait en suspens la thématique principale qui est celle de la « malédiction » dont souffre – ou croit souffrir – la reine. L’auteur a voulu éviter cette fin semi-tragique en terminant son roman par la libération d’Aliénor.
Cette libération passe par le récit de la grande victoire chrétienne que constitue la bataille de Las Navas de Tolosa, revanche d’Alphonse VIII sur la défaite précédente d’Alarcos (1195), également rapportée dans le roman. Cette victoire voit l’alliance militaire du roi de Castille, de son oncle de Navarre et de son cousin d’Aragon ; seul refuse de s’associer à cette coalition le roi de León, Alphonse IX, qui continue à exprimer des griefs contre son cousin de Castille. Le chapitre qui traite longuement de cette victoire peut être vu comme un morceau de bravoure de la part de l’auteur, qui s’inspire des chroniques de l’époque ; il peut aussi être vu comme une petite faiblesse du roman, dans la mesure où Aliénor n’est évidemment pas présente sur le champ de bataille et que le récit de la bataille, à la troisième personne, est en quelque sorte coupé de ce qui était jusque-là la logique de la narration : même lorsque Alphonse VIII, gravement malade, avait dicté son testament en 1204, l’auteur avait pris soin de faire figurer les pensées intimes de la reine, présente à cette dictée, face à chaque volonté exprimée par son époux. Comme le roman s’interrompt avant qu’un messager quelconque ait pu faire connaître à Aliénor les détails de la bataille, la vraisemblance de l’intrigue est fragilisée. Cette vraisemblance, en revanche, est de nouveau de mise dans le dernier chapitre de l’œuvre, qui met en scène Aliénor, réfugiée à Tolède et dans l’attente de nouvelles qu’elle craint d’être mauvaises, tant l’entente entre les différents souverains chrétiens lui semble fragile. La reine est alertée par les sonneries de cloches qui, dans tout le royaume, annoncent de façon miraculeuse (puisque personne n’actionne ces cloches) la victoire qui vient d’avoir lieu (p. 529). Ce n’est pas la première fois dans le roman que le résultat d’une bataille est annoncé de façon surnaturelle, voire miraculeuse : la prise de Jérusalem par Saladin avait provoqué quelques années plus tôt une terrible tempête sur Saint-Jacques de Compostelle, au cours de laquelle le butafumeiro s’était figé dans son mouvement de balancement et les sculptures du portique de la Gloire avaient semblé prendre vie ; d’autre part, la voix des cloches a souvent été entendue par Aliénor comme lui transmettant un message, mais c’était jusque-là un message d’avertissement : « Tolón, tolón, no nos dejes caer en tentación ».
Tandis que la reine se précipite hors du bâtiment et descend une série d’escaliers, les éléments constitutifs de ce qu’elle considérait jusque-là comme une malédiction lui semblent disparaître les uns après les autres, à mesure qu’elle revit les événements de sa vie de femme mariée et de mère (p. 530), jusqu’à se voir pardonné le meurtre de Rachel par l’apôtre saint Jacques lui-même, qui lui ouvre les bras au pied de l’escalier – un probable effet de la fièvre dont elle souffre. Cette libération définitive d’un lourd passé est symbolisée, lorsque Aliénor surgit en pleine lumière hors du bâtiment, par l’arrivée de sa famille et, surtout, par une étrange confusion de la part de la reine, qui croit voir venir à elle sa mère et ses frères et sœurs avant de se rendre compte de son erreur (elle a pris sa fille Bérengère pour sa mère Aliénor d’Aquitaine) [p. 531] ; cette confusion permet à l’auteur de substituer à la famille d’origine de la reine, symbole du passé, la famille dont elle est l’origine, symbole d’un futur qu’elle envisage à présent avec optimisme. L’amour a vaincu la malédiction de Dieu :
No hay maldición de Dios que valga, porque nos salva el amor, y vosotros los hijos que sois su fruto sois una bendición y la razón de nuestra vida (p. 531).
Le texte s’achève sur un ultime poème, que la reine avait déjà récité ou chanté lors de la scène de l’auberge de Medinaceli (p. 405), mais auquel ont été ajoutés deux vers qui en modifient le sens : alors que dans sa première version, ce poème célébrait l’amour, l’ajout de ces deux vers en fait une célébration du fruit de cet amour, un enfant. Dans la mesure où la reine murmure ce poème à l’oreille de son fils Henri, il est clair que c’est ce dernier qui est l’objet de cette célébration.
Peut-on, en conclusion, considérer que ce roman, que l’auteur définit quant à lui comme un roman qui « bien qu’historique, d’une certaine façon est aussi un roman-feuilleton et un roman de chevalerie » (p. 533), un de ces romans que son père, nous dit-il, rejetait de cette formule peut-être apocryphe : « ¿Novelas? ¡No verlas! », est bien une biographie romancée ? Il nous semble que oui, dans la mesure où toute l’intrigue est centrée sur un personnage, dont on suit la vie sur une longue période, et que les personnages secondaires sont saisis dans leurs rapports avec le personnage principal – dans notre roman, c’est le cas aussi bien de maître Richard que d’Alphonse VIII. D’une certaine façon, le roman tourne à plusieurs reprises à l’autobiographie fictive, dans la mesure où le lecteur a accès aux pensées les plus intimes de la reine. Le seul chapitre qui, dans le roman de Peridis, peut sembler en décalage avec cette logique est le chapitre consacré à la bataille de Las Navas de Tolosa, mais l’importance de cette bataille, tant dans la vie d’Aliénor que dans le processus qui met fin à la malédiction dont elle se sent victime, justifie cette entorse apparente à la cohérence de l’ensemble.
[1] José María Pérez, Peridis, La maldición de la reina doña Leonor, Barcelone, Espasa [colección Booket, n° 6145], 2017. Dans la mesure où toutes nos citations de l’œuvre seront tirées de cette édition, nous nous contenterons désormais de faire suivre les citations de l’indication de la page, afin de ne pas multiplier les notes de bas de page.
[2] « […] nos contaba con mucha gracia cómo salían las mujeres corriendo en busca de la última entrega de La hija del presidio. Añadía que aquellos libros las volvían locas del mismo modo que los de caballería trastornaron a Don Quijote » (op. cit., p. 533).
[3] « Su esposa Leonor de Plantagenet y el Maestro Ricardo, son prácticamente desconocidos, a pesar de que a finales del siglo XII y comienzos del siglo XIII levantaron en Burgos el gran monasterio de las Huelgas Reales que tanbién es un monumento funerario » (p. 538).
[4] Ce surnom, évidemment, a été abandonné avec le temps, et le roi est passé à l’Histoire comme « Alphonse VIII le Noble », hommage rendu à ses nombreuses vertus.
[5] Le roi d’Angleterre, on le sait, a eu des relations sexuelles avec Adèle / Alice de France, jeune sœur de Philippe Auguste, qui avait été envoyée très jeune à la cour d’Angleterre pour y être élevée en vue d’un mariage avec Richard. Ni ce mariage ni celui, envisagé ensuite, de la jeune princesse et de Jean (futur « Sans Terre »), n’auront évidemment lieu.
[6] Mafalda est de fait morte à la cour du roi de León. Le lieu de sa sépulture est l’objet de discussions de la part des historiens : traditionnellement, on la situe à Salamanque, où une plaque a été apposée dans la cathédrale, à une époque très postérieure à sa mort, mais il existe à Las Huegas de Burgos un tombeau qui lui est attribué, et de récentes recherches ont montré que ce tombeau était bien occupé.
[7] Un récent roman policier historique anglais (Ariana Franklin, La morte dans le labyrinthe, Paris, 10/18, 2016 –la version originale est de 2008) a développé toute une intrigue autour de la mort de Rosemonde Clifford, dont Aliénor est totalement innocentée.
[8] Jean Flori, Richard Cœur de Lion, le roi chevalier, Paris, Payot & Rivages, 1999, p. 49-50. Au terme de son analyse, l’historien conclut : « Le surnom de Bertran de Born, après tout, peut fort bien être très subjectif et sans fondements réels » (p. 50).
[9] Sur l’homosexualité de Richard, on peut se reporter à l’ouvrage de Jean Flori cité dans la note précédente, et tout particulièrement aux pages 448 et suivantes.
[10] Auteur contemporain de Richard, dont il a été très proche avant d’exprimer une hostilité certaine à son égard dans son De principis instructione (1147-1223), dont est tirée l’anecdote citée (cf. Jean Flori, ibid., p. 465-467).
[11] J. Flori, ibid.
[12] « Esta relación adúltera arrastra la maldición de Dios, porque nuestros herederos mueren uno tras otro. Solo sobrevive Berenguela, porque nació antes que el rey volviera a buscar cobijo en las entrañas de esa mujer » (p. 26).
[13] Dans les versions traditionnelles de la légende, Rachel est certes tuée à l’instigation de la reine, mais ce sont des assassins stipendiés par celle-ci qui égorgent la malheureuse.
Résumé
Le deuxième roman historique de Peridis, s’il reste consacré, comme le premier, au règne d’Alphonse VIII de Castille, choisit expressément de l’évoquer à partir du point de vue de sa femme, Aliénor d’Angleterre. De cette façon, l’auteur peut introduire dans son texte une problématique originale, mêlant à l’histoire des royaumes péninsulaires celle, digne d’une tragédie antique, de la famille maudite des Plantagenêt. Cela suffit-il à faire de ce roman une véritable biographie romancée de la reine Aliénor ? C’est ce que nous nous proposons d’étudier dans ce bref travail.
Resumen
La segunda novela histórica de Peridis, si bien se dedica, como la primera, al reinado de Alfonso VIII de Castilla, elige expresamente para evocarlo el punto de vista de su mujer, Leonor de Inglaterra. Así, el autor puede introducir en su texto una problemática original, que mezcla la historia de los reinos peninsulares con la de la familia maldita de los Plantagenêt, digna de una tragedia antigua. ¿Bastará esto para convertir esta novela en una verdadera biografía novelada de la reina Leonor? Esto es lo que nos proponemos estudiar en este breve trabajo.
Jean-Pierre JARDIN
Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, LECEMO (EA 3979)
Flori, Jean, Richard Cœur de Lion, le roi chevalier, Paris, Payot & Rivages, 1999.
Franklin, Ariana, La morte dans le labyrinthe, Paris, 10/18, 2016.
Pérez, José María (Peridis), La maldición de la reina doña Leonor, Barcelone, Espasa [colección Booket, n° 6145], 2017.