L’œuvre de José Celestino Mutis est marquée par des études de médecine à Cadix, Séville puis Madrid où il devient docteur et occupe la chaire d’anatomie de l’Hôpital Général tout en fréquentant le Jardin botanique de la capitale espagnole où se développent ainsi son attrait et sa passion pour la botanique mais aussi pour l’astronomie et les mathématiques. Un parcours classique, donc, pour le futur médecin personnel du Vice-Roi de la Nouvelle-Grenade, le Vice-Roi De la Cerda, avec lequel il se rend en Amérique en 1761 à l’âge de 28 ans. Ce voyage constitue alors un virage à 180 degrés, pour ne pas dire un saut dans le vide, dans la vie de Mutis qui rédige, durant son périple haut en couleurs et en analyses, son Diario de Observaciones entre Madrid, Cadix et l’Amérique, journal qui constituera la première source de notre étude.
Nouvelle sinuosité ensuite, Mutis revient à l’enseignement et obtient la chaire de mathématiques du Colegio Mayor del Rosario, dans la capitale de la Vice-Royauté néo-grenadine, et, en 1783, le Vice-Roi suivant, Góngora y Caballero, décide alors de créer un institut naturaliste, réclamé par Mutis, et enfin accepté par le Roi d’Espagne Charles III, en confiant au naturaliste de Cadix la direction des opérations. Pendant plus d’un demi siècle, de 1783 à 1816, cet institut, appelé aussi l’Expédition Royale Botanique, recueille alors de nombreuses collections, dessins de plantes et manuscrits de descriptions botaniques. Son champ d’action se déploie dans le vaste territoire de la Nouvelle-Grenade dans lequel Mutis apprend que l’homme ne peut pas appréhender les éléments de la Nature à travers le simple contact qu’il a avec eux car il doit, afin d’acquérir une connaissance absolue des lois de la Nature, se représenter ses éléments pour mieux les comprendre.
Les lettres, mémoires, récits, rapports et autres discours compilés dans ses Estudios botánicos, dans la Flora de la Real Expedición botánica et dans ses Archives épistolaires publiées en son temps à Bogota1, constituent alors les autres sources de notre étude sur ce personnage qui s’installe dans un premier temps dans la ville de Mariquita, dont la région représentait, en tant que point de confluence, la végétation de tous les climats néo-grenadins. Ajoutons que plus tard, en 1791, Mutis et ses hommes s’établissent à Santa Fe de Bogotá où le scientifique allemand Humboldt les rejoindra 10 ans plus tard afin de rencontrer, nous citons ce dernier, le « père de la botanique » et les élites éclairées, rencontre analysée d’ailleurs avec acuité par Jeanne Chenu, ou plus récemment par Ana Cristina Bolaños ou Christiane Lafitte qui exhuma le journal de bord du baron prussien durant son séjour colombien.
Rappelons que le voyage d’Alexandre von Humboldt en Amérique espagnole entre 1799 et 1804 doit être considéré comme une redécouverte géographique, géologique, botanique, zoologique et anthropologique du Nouveau Monde, plus précisément des Caraïbes au Mexique en passant par les sommets vertigineux du Chimborazo. Comme le scientifique prussien, Mutis va afficher sur ce territoire, dans ces deux villes d’études, Mariquita et Santa Fe donc, ses préoccupations pour la Nature. Plus particulièrement, l’espace naturel chez Mutis renvoie alors, au sein de son siècle et de ses repères, au cadre de vie, et à l’ensemble des éléments externes qui rendent possible et conditionnent l’existence des êtres vivants.
En ce sens, nous nous efforcerons de mettre en lumière un volet de l’œuvre de Mutis en évoquant ici ses intuitions sur et pour la protection de la Nature qui sont surtout liées aux conséquences néfastes de certaines actions de l’homme de son siècle sur son propre cadre de vie. Nous relirons les textes d’un point de vue particulier pour voir que Mutis multiplie les rapprochements entre activités humaines et transformations de la Nature, et que ses réflexions se développent, entre autres, au sujet de l’intensification de certaines grandes nuisances, pour paraphraser, non sans anachronisme, Liliane Elsen2, à savoir chez Mutis : le manque d’eau, l’accumulation des détritus, l’absence de ce qu’on appelle aujourd’hui les espaces verts, l’entassement des hommes, la dégradation des arbres, la déforestation, la disparition de certaines espèces animales et végétales… Telle est donc, semble-t-il, la lecture écologique très vive que l’écriture hybride de Mutis, entre histoire naturelle et autobiographie, propose du territoire néo-grenadin fin-de-siècle.
Car la place particulière des écrits de Mutis tient tant à la conjonction de ses constats qu’au fond prophétique de ses propos. Pour apprécier l’importance de ce scientifique gaditan dans l’histoire de la réflexion environnementale, il convient de rappeler que les problématiques précédemment citées l’accompagnent dès son départ d’Espagne, lorsqu’il parcourt ses paysages depuis Madrid avant de s’embarquer pour les Amériques, et que selon sa conception, une gestion responsable de la Nature est aussi bien une nécessité économique qu’une priorité morale visant à protéger ces jardins d’Éden. Nous tâcherons donc de découvrir un personnage dans un creuset culturel complexe où se fondent divers courants, philosophique, pédagogique, religieux et scientifique, et de démontrer les points communs avec la géographie botanique de Humboldt et ses propres réflexions dites écologiques que l’on trouve dans sa correspondance et ses œuvres majeures.
Bien évidemment, le XXIe siècle n’a pas fait rentrer l’idée de respect de la Nature dans les réflexions personnelles et les débats collectifs. Au cours des siècles précédents, cette doctrine a eu l’occasion de s’exprimer sous diverses formes, en particulier dans les arts et les lettres, mais aussi au sein de mouvements populaires ou d’intuitions plus intimes.
Chez Mutis, il s’agit ainsi de prendre conscience des conséquences globales des activités humaines sur le territoire qui l’accueille en cherchant alors à le protéger des agressions des hommes qu’il faut toujours guider en respectant les vertus théologales, principalement la foi et l’espérance. Car pour lui, ce qui est important c’est cette alliance entre la croyance et la science. L’un de ses disciples, Francisco José de Caldas, le surnomma d’ailleurs « le prêtre de Dieu et de la Nature »3 à une époque où pour beaucoup, la science et la religion étaient difficilement compatibles. Pour Mutis, néanmoins, cet alliage était harmonieux. Citons :
La América, en cuyo afortunado suelo depositó el creador infinitas cosas de la mayor admiración, no se ha hecho recomendable tan solo por su oro, plata, piedras preciosas y demás tesoros que oculta en sus senos, produce también en su superficie para la utilidad y el comercio exquisitos tintes, que la industria iría descubriendo entre las plantas4.
Mutis relate très souvent dans ses écrits de son émerveillement devant les beautés de la Nature qui émanent du Créateur : « A los principios de mi llegada a este pueblo, me pareció haber llegado a las cercanías del Paraíso »5. Pour Mutis, la botanique est incontestablement un maillon solide entre Dieu et l’homme pour connaître le monde. Méfiant vis-à-vis de tout ce qui est artificiel et construit, nous allons le voir, il se tourne alors plus volontiers vers le naturel, l’organique, et il recherche ainsi une harmonie parfois perdue entre l’homme et la Nature, harmonie à laquelle il voue donc un culte religieux. Précisons qu’Humboldt s’étonnera du sacerdoce de Mutis qui préserve la foi catholique dans toute sa plénitude et sa pureté, et qui défend aussi dans ses enseignements, voire ses prêches, le newtonnisme. Le Gaditan affiche et écrit ainsi ses convictions dans sa lettre du 24 septembre 1764 adressée au père de la botanique moderne, Carl Linné :
En realidad estoy tan limitado de tiempo ahora, a causa de la molesta práctica de la medicina, a la cual he tenido que entregarme y a mi nueva ocupación de dictar conferencias de filosofía natural, a tal extremo que aún no me ha sido posible terminar mi discurso inaugural en defensa de la Filosofía newtoniana contra los peripatéticos, que debo pronunciar en las aulas, ante el Virrey y un auditorio muy erudito6.
Malgré son souhait de tous les instants de dévoiler les vérités de la tradition catholique, il est clair que Mutis, qui sera dénoncé et traduit en justice, insiste à de très nombreuses reprises sur l’utilité des principales découvertes de Newton, fervent croyant lui aussi. Cette position, il la doit aussi au scientifique Jorge Juan qui participa à la fameuse expédition scientifique franco-espagnole en terres équatoriennes. La mission part alors de La Rochelle en avril 1735 pour atteindre les côtes sud-américaines en mars 1736. Là-bas, dans cet ailleurs inconnu, les scientifiques appliquent leurs nombreux champs d’études : la géodésie pour confirmer la thèse newtonienne sur la forme de la terre, mais aussi la botanique, la géographie, la médecine, le génie rural et civil, la cartographie, l’anthropologie. Les participants étaient tous d’éminents scientifiques : l’astronome Louis Godin, l’astronome et hydrographe Pierre Bouguer, le géographe Charles-Marie de La Condamine, le botaniste Joseph Jussieu, sans oublier les gardes marins espagnols Juan et Ulloa. Bouguer écrit par exemple :
Nous devions en traversant les Pays travailler à en faire la description et à perfectionner les cartes ; nous devions faire des observations, examiner le poids de l’air, ses degrés de condensation, ses élasticités, les réfractions et diverses autres choses que l’occasion nous offrirait7.
Les herborisations de Jussieu permirent d’identifier des espèces et d’offrir les premières études botanistes sérieuses sur le quinquina, avec celles de la fin du XVIIIe siècle des botanistes Hipólito Ruiz, José Pavón et de l’« agregado » Juan Tafalla. D’autre part, le bassin de l’Amazone fut étudié par La Condamine, et Bouguer, quant à lui, analysa l’attraction propre des montagnes et la répartition des densités. Ce périple obligea alors ces scientifiques à abandonner leur vie tranquille de savant pour celle agitée d’un explorateur. Car que ce soit cette expédition ou celles de Mutis et Humboldt, toutes se déroulèrent incontestablement dans des conditions très laborieuses : sont à souligner la brutalité du climat, la difficulté du terrain, les ennuis financiers nombreux, la dégradation des relations entre les savants du fait de leurs sensibilités respectives.
Il est aussi à rappeler ici qu’à la différence de Mutis, pour l’agnostique qu’était Humboldt, tout se tenait et s’expliquait sans que l’on ait besoin de principes métaphysiques ou d’explications religieuses. Une différence d’approche scientifique donc, qui n’empêcha pas Humboldt d’être ardemment désireux de connaître ce scientifique pour beaucoup atypique. En raison de la qualité des travaux de Mutis et de son aura incontestable, Humboldt écrit dans une lettre écrite à son frère Guillaume :
Le désir ardent de voir le grand botaniste, Don José Celestino Mutis, qui était un ami de Linné et habite aujourd’hui Santa-Fé de Bogota, et de comparer nos herbiers avec les siens et la curiosité de faire l’ascension de l’immense Cordillère des Andes qui s’étend de Lima du côté nord jusqu’à l’embouchure de la rivière Atrato, dans le golfe de Darien, afin de pouvoir donner d’après mes observations personnelles une carte de toute l’Amérique du Sud, depuis le fleuve des Amazones au nord, me poussèrent à préférer la route de terre, vers Quito au-delà de Santa-Fé et Popayan, à la voie maritime au-delà de Porto Bello, Panama et Guayaquil8.
Avant les louanges présentes dans la biographie universelle de Michaud, on peut lire dans les Plantes equinoxiales de Humboldt la dédicace suivante que l’on trouve sur le frontispice de l’œuvre orné d’un portrait de Mutis :
A Don José Celestino Mutis. Directeur en chef de l’expédition botanique du Royaume de Nouvelle Grenade, Astronome royal à Santa Fe de Bogota. Comme une faible marque d’admiration et de reconnaissance9.
Humboldt, rappelons-le, qui arrive à Santa Fe de Bogota le 15 juillet 1801, va même dédier une seconde fois ce texte à Mutis dans la préface de laquelle il lui rend à nouveau hommage en évoquant : « ce grand botaniste, dont les bontés nous imposent une reconnaissance éternelle »10. Citons encore l’Essai sur la géographie des plantes : « J’envoyai une copie de cette première esquisse à Santa Fe de Bogota, à M. Mutis, qui m’honore d’une bonté particulière »11.
Il est vrai que les livres avaient toute leur importance pour tisser des liens scientifiques et amicaux indéfectibles entre les grands scientifiques de l’époque. Avec plus de 4000 dessins, Mutis possédait d’ailleurs une immense bibliothèque qui impressionna Humboldt dès son arrivée sur le territoire d’études néo-grenadin. Lisons ce que Humboldt écrit dans son Journal d’Amérique : « Nächst der von Banks in London habe ich nie eine grössere botanische Bibliothek als die von Mutis gesehen... »12.
Mais à côté de ce savoir livresque, on doit maintenant se pencher sur les réflexions pratiques de Mutis qui s’apparentent bien souvent à des velléités de protection consciente de la Nature. Lors de sa rencontre avec le Baron de Humboldt, qu’il décrit le 29 avril 1801 comme son « amigo y señor el más afecto y obligado servidor »13, Mutis lui en fera part assurément tout comme il lui transmettra l’ensemble de ses conclusions. Ainsi s’autodéfinit-il le 26 juin 1764 :
Un viajero debería ir recogiendo, describiendo y conservando semejantes producciones, para que despositadas en el gabinete y otros públicos, las concieran los sabios, excitaran su curiosidad y se hiciera de ellas útil aplicación en algún día para bien de los mortales14.
En Nouvelle-Grenade, Mutis affiche donc tout de suite ses intuitions, que l’on peut qualifier a posteriori d’écologiques, qu’il transmet avec succès dans ses cours de philosophie naturelle. Citons :
El conocimiento útil y agradable de los efectos naturales y de sus causas, ha merecido siempre la atención de los sabios. Entre todas las naciones, y aún en los siglos más atrasados, se ha mirado siempre como asunto de mayor importancia el estudio de la naturaleza, pero en ningún tiempo ha florecido tanto como en el nuestro. Ya no tiene la naturaleza arcano alguno que no se intente obligarla a que lo revele, ni secreto que se esconda a la curiosa investigación de los físicos. Los insectos más pequeños, los casi imperceptibles pólipos, las aves, los peces, todos los animales, las plantas, los metales, los elementos, los planetas, las estrellas y aún el hombre mismo, todo se examina, todo se averigua, y todo se rinde a la constante porfía de los naturalistas, de los botánicos, de los químicos, de los matemáticos, de los astrónomos y de los anatómicos15.
Rappelons que le 13 mars 1762, quelque temps après son arrivée en Amérique, Mutis prononce le discours inaugural de la chaire de mathématique qu’il occupe, au cours duquel il fait connaître le système copernicien et les méthodes expérimentales de la science moderne, déclenchant dans le Royaume de Nouvelle-Grenade une révolution scientifique et idéologique à laquelle de nombreux Espagnols américains adhérèrent, et à laquelle aussi se mêlèrent des réflexions sur son environnement, et surtout les moyens de le conserver respectueusement.
En participant à l’exacerbation du sentiment d’autonomie dans certaines régions de l’Amérique espagnole, l’Expédition Botanique de Mutis constitue incontestablement une des œuvres scientifiques les plus complètes accomplies par la Couronne espagnole dans ses anciens territoires du Nouveau Monde. Avant de rencontrer Humboldt, l’autorité, pour Mutis, c’est Newton bien sûr, et aussi et surtout Linné. Ils ne se virent jamais, et pourtant leur amitié et leur attachement furent profonds. On peut rappeler que le Suédois utilise le patronyme de l’Espagnol pour nommer la plante Mutisia clematis, et que toutes les expressions employées dans les lettres de Mutis respirent une vive affection, et témoignent d’une tristesse absolue au moment de la mort du scientifique suédois.
Mais recentrons-nous sur Mutis et Humboldt. L’écriture tout d’abord. S’il est notable que la langue de publication scientifique de Humboldt était le français avec une seule et importante exception, son Cosmos, celle de Mutis était l’espagnol et le latin. Le projet ensuite. Comment Mutis conçoit-il son projet ? Ainsi, citons : « el objeto de la filosofía natural es describir los fenómenos de la naturaleza, descubrir sus causas, exponer sus relaciones »16. Citons encore la conception du travail scientifique de Mutis :
Aun no se limitan a esta sola especie de trabajos –los botánicos– mis pensamientos. A cada paso se me iría proporcionando la oportunidad de ejecutar muchas importantes observaciones que podrían merecer algún lugar en la relación histórica de mi viaje bajo sus correspondientes títulos de medicina, física, geografía, astronomía y algunos otros ramos de las ciencias matemáticas. Un segundo catálogo de las observaciones meteorológicas y de las elevaciones del suelo por donde transita un viajero, de que resultan no pocas luces y conocimientos a las ciencias no debería faltar en una historia natural. Parece indubitable que mi dilatada peregrinación por tan remotos países en donde no han penetrado hasta ahora los hombres sabios, que facilitará frecuentísimas ocasiones de hacer muchos descubrimientos y observaciones dignas de ser comunicadas17.
Une conception qui rejoint ici celle de Humboldt dans sa lettre au chroniqueur Karl August Varnhagen von Ense du 27 octobre 1834. Il concevait alors le sien comme cela :
Je commence aujourd’hui l’impression de mon grand ouvrage. J’ai la folle idée de décrire, dans un seul et même ouvrage d’un style vif et d’une forme attrayante, tout le monde physique, tout ce que nous savons depuis les nébuleuses jusqu’à la géographie des mousses sur les rochers granitiques18.
En conséquence, on voit que les deux scientifiques veulent mettre en évidence la Nature et qu’ils cherchent à appréhender l’univers dans sa totalité, sans dissocier l’homme de son environnement car il doit en être un acteur. Commençons par la prise de conscience de l’importance du problème de l’eau chez Mutis qui s’est concrétisée tout de suite, d’une manière directe, à travers l’évocation des « problèmes » des villages espagnols qu’ils parcourent avant de partir en Amérique et qu’il relate dans son Diario de observaciones, tel un récit literario-scientifique.
Notons ici que dans son livre, les données banales du voyage, logistique, installation, pauses et auberges, itinéraires, anecdotes comme des chutes, sont traités avec précision, l’auteur développant les éléments originaux et déterminants sur la terre et les paysages. On découvre ainsi une réflexion complexe, sinueuse, mais toujours sous-tendue par la soif de connaître qu’il éprouve depuis sa formation en Espagne. Et chaque halte est alors l’occasion de découvrir des territoires inconnus tout en botanisant, et parfois d’intégrer des sociétés savantes locales :
ce qui est sûr c’est qu’en souhaitant réunir des matériaux pour le récit complet de mon voyage […], je ne me résoudrai jamais à négliger toutes les choses qui peuvent contribuer à illustrer mes observations, spécifiquement dans les sciences naturelles19.
Bref, un voyage tout de culture qui correspond, comme chez Humboldt pour qui il ne fallait jamais négliger « des faits propres à répandre du jour sur une science qui est à peine ébauchée »20, à une nouvelle façon de voyager. Car il s’agissait non pas seulement d’observer et de noter mais d’établir des relations entre ces données : ce qui était une nouvelle approche du voyage avec un volet scientifique et d’autre part une approche pluridisciplinaire.
Mutis, dont l’étude porte tout d’abord sur les contrées espagnoles qu’il traverse, sait donc pertinemment, et réitère avec force que la sècheresse allait avoir des conséquences sur la production agricole et animale, mais aussi fragiliser la société rurale d’Espagne : « Llegamos al rio Guarmes, de poquísima agua en el verano »21. C’est alors une adéquation recherchée entre ressources et nécessités qui va déterminer, à toutes les échelles, les solutions et les adaptations à trouver. Comment ? En alliant à la fois la stratégie à entreprendre et l’imagination pour la réaliser. Ce constat, on le retrouve chez Humboldt qui se soucie à son tour de la sécheresse quelques années plus tard lorsqu’il évoque la situation de la Nouvelle Espagne :
Tout l’intérieur du royaume... est d’une sécheresse étonnante. La végétation y est très rare à deux mille mètres d’élévation, et l’air y paraît, pour ainsi dire, artificiellement séché. Cette sécheresse, sans doute aussi nuisible à la santé qu’à la végétation, va en augmentant de siècle en siècle, parce que l’industrie de l’homme fait découler les lacs et que l’abondance des pluies diminue22.
Il poursuit d’ailleurs ce constat en évoquant l’aspect aride des environs de Lima, ce qui ne peut qu’affliger un homme comme lui, si sensible à l’opulence de la Nature tropicale23. Contrastons ces conclusions avec celles de Mutis, qui étudie les rives du fleuve Madeleine en faisant un tout autre constat, celui d’une très forte hydrométrie. Humboldt reconnaît ainsi son travail en 1805 : « M. Mutis a examine, longtemps avant nous, les forêts de Turbaco, les belles rives de la Madeleine, et les environs de Mariquita »24.
D’ailleurs, la région d’études de Mutis est luxuriante, occupée presque entièrement par d’immenses forêts. À mesure qu’on avance dans les terres, et que les arbres deviennent plus grands, l’intervalle entre les arbres se réduit en se remplissant de plantes et d’arbustes. Troncs, branches, feuillages, lianes qui descendent verticalement, captent le regard et aiguisent la réflexion de Mutis qui nous livre alors une prise de position constituant un premier pas vers une étude écologique de ces forêts immenses et enivrantes. Citons Alexandre von Humboldt qui écrit à son frère Guillaume le 16 juillet 1799, dès son arrivée à Cumaná, au Venezuela :
Nous sommes ici dans le pays le plus divin et le plus riche. Jusqu’à maintenant, au milieu des arbres, nous réfléchissons tout en devenant fous. Bonpland assure qu’il va perdre la tête si les merveilles ne cessent pas promptement25.
Pour Mutis, il était alors inévitable que, pour assurer une exploitation rationnelle, tout en étant soucieux d’une amélioration économique, soient prises des mesures de protection concernant les forêts. Il s’agissait clairement de ne pas laisser gaspiller cette richesse, autrement dit de ne pas laisser chacun couper des arbres àsa guise, mais de réglementer, de limiter coupes et utilisation du bois et des écorces.
Pour que de nouveaux règlements fussent respectés, il fallait alors établir une surveillance constante dans les forêts de la Vice-Royauté, ce qui explique la création d’une administration permanente qui devait remplacer les quelques propriétaires ou quelques officiers. Pour Mutis, il pouvait être permis parfois d’ébrancher quelques arbres, d’écheniller certaines zones forestières, mais bien plus rarement de dessoucher, « la pésima costumbre »26, écrit-il, qui a l’habitude de « matar un individuo »27, terme usité pour se référer aux arbres... Les forêts néo-grenadines, en tant qu’espaces géographiques, devaient ainsi se doubler d’espaces juridiques et judiciaires. Sa posture devant alors être vue comme une série de pistes de réflexion qui posent sereinement la question de l’exploitation des forêts à la fin du XVIIIe siècle.
Le trafic de plantes, d’écorces et de graines constitue une autre préoccupation judiciarisée de Mutis pour qui il faut éviter « las nocivas remisiones de tantas cortezas que con el falso nombre de Quina a veces por ignorancia, y no pocas por codicia, han pasado a Europa »28. Pour le Gaditan, il est évident que des mesures de contrôle doivent être prises, nous l’avons dit, pour protéger les arbres mais aussi, sans être incompatible à cette époque, dans le but d’optimiser le commerce colonial et d’assurer avec intelligence la continuité des ressources pour les Espagnols. Citons un extrait de la lettre du 26 juin 1764 qui évoque l’avenir du quinquina :
Un remedio tan admirable que disputa la superioridad entre los pocos antídotos conocidos, y que ha puesto la Divina providencia en manos de Vuestra Majestad para el bien universal de la humanidad, se va haciendo despreciable, se disputa de su eficacia, se tiene ya por menos útil que en otro tiempo; y lo que peor es, llegará a escasear al tercer siglo de su tercer descubrimiento29.
Comme plus tard Humboldt dans son Essai sur la géographie des plantes, Mutis développe aussi une réflexion sur l’origine et le déplacement des plantes cultivées, au terme de laquelle il rattache finalement la géographie botanique à l’histoire et aux prises de décisions des hommes. Les plantes, qui méritent le respect, comme en atteste le long rapport de 1784 sur leur sommeil, sont des unités vivantes composées de forces vitales. C’est d’ailleurs ce que l’on retrouve aussi dans le prologue du Cosmos de Humboldt : « L’intérêt principal de mes recherches a toujours été de m’efforcer à comprendre le sens général des apparences des choses corporelles, le sens de la nature comme un tout vivant et animé par des forces intérieures »30.
À l’exemple de Jean-Étienne Guettard, le Gaditan étudie alors aussi la nutrition des végétaux et la circulation de la sève tout comme la fonction respiratoire des feuilles et des pousses. Mais à la différence d’autres botanistes, Mutis se soucie donc de la distribution géographique des plantes qui doivent être soignées31. Et associées avec intelligence car le scientifique espagnol considère les végétaux en fonction de « l’ambiance extérieure », de « l’état du ciel, du soleil, de l’atmosphère », et de « la diversité des climats »32. Le scientifique espagnol sait donc qu’il existe un mécanisme de modification de la botanique qui bouleverse la caractérisation de chaque plante et provoque des différences entre les spécimens déplacés. Cette science commence alors à considérer les processus constitutifs des végétaux et leurs interactions extérieures. La moiteur, pour ne donner qu’un exemple, en arrive à altérer le quinquina importé et imposé, citons, « sans soin sur des sols humides »33.
C’est clairement ce qu’Alexandre von Humboldt entreprend d’étudier en se focalisant, entre autres, sur les relations entre l’environnement et les organismes au cours de son long voyage en Amérique du Sud. En allant beaucoup plus loin, il met ainsi en évidence les relations existantes entre les espèces végétales observées et les climats, décrivant ainsi la répartition de la végétation selon l’altitude, la latitude ou l’intensité de la lumière. Humboldt invente ainsi la biogéographie qui n’était alors qu’une intuition chez Mutis qu’il livra sans nul doute durant leurs discussions, ouvrant la voie aux mêmes études sur les animaux. Animaux qui eux aussi d’ailleurs doivent également être respectés : la chasse, par exemple, ne semble pas du tout du goût de Mutis qui critique en creux cette pratique dans son Diario de Observaciones en avouant que « (su) vocación no era para cazador »34. Ajoutons que la première version de l’Essai sur la géographie des plantes fut envoyée à Mutis afin que ce dernier puisse donner son avis scientifique sur la question. Le Baron prussien écrit avant la publication de son ouvrage en 1807, et donc quelques mois avant la mort de Mutis :
J’ai envoyé une copie de la première ébauche à Santa Fe de Bogotá, à Monsieur Mutis, qui m’honore de son amitié. Personne mieux que lui ne pouvait juger l’exactitude de mes observations35.
Revenons aux végétaux qui sont donc des êtres vivants grâce à leur faculté de changer, ou de muter, en fonction de leur milieu et de réagir dans d’autres territoires et avec d’autres êtres vivants. Mutis, et surtout Humboldt, trouvent ainsi des disparités dans l’organisation sectorielle des végétaux. Le Prussien met ainsi en avant l’homogénéité dans la forme de conifères qui croissent dans les régions tempérées et l’hétérogénéité des formes des arbres dans une forêt tropicale. Citons :
Cette connaissance des formes sous lesquelles se présentent les êtres organisés, est sans doute la base de l’histoire naturelle descriptive. On doit la regarder comme indispensable pour l’avancement des sciences qui traitent des propriétés médicales des végétaux, de leur culture, ou de leur application aux arts... mais si elle est digne d’occuper un grand nombre de botanistes, même si elle est susceptible d’être envisagée sous des points de vue philosophiques, il n’est pas moins important de fixer la Géographie des Plantes ; science dont il n’existe encore que le nom, et qui cependant fait une partie essentielle de la physique générale. C’est cette science qui considère les végétaux sous les rapports de leur association locale dans les différents climats36.
Nous avons ici des constats résolument modernes, pour ne pas dire précurseurs, qui, en matière de sensibilité et de conscience écologique, vont évoquer avec conviction et tristesse l’érosion de certaines espèces. Insistons, pour Mutis, il est invraisemblable qu’une activité comme la coupe puisse se perpétuer sans qu’aucune disposition éthique ou règlementaire ne vienne mieux l’encadrer dans l’intérêt de la science et de la Couronne espagnole. La Nature, « qui en souffre », dit-il, est d’ailleurs clairement et constamment humanisée : « la Nature voulait nous parler » écrit-il au docteur Eloy Valenzuela le 9 juin 178437. Pour Mutis, cette nature si précieuse et si fragile, permet d’ailleurs, comme on le lit dans les Tableaux de la Nature38 (Ansichten der Natur) de Humboldt, de récupérer la paix intérieure et d’atteindre le bonheur, si possible partout, et tout de suite.
Car dans les villes, il y a d’autres problèmes comme en témoigne la longue lettre qui synthétise le positionnement de Mutis. En effet, ce dernier souligne dans une lettre de 1802 adressée à l’oidor, c’est-à-dire le juge, Juan Hernández de Alba, l’importance de conserver les jardins dans le centre de Santa Fe de Bogota, et donc la nécessaire inflexion dans les choix politiques :
Me he resuelto a hacer presente a vuestra señoría la perjudicial equivocación en que involuntariamente han caído los comisionados al cumplimiento de la limpieza de las calles, ordenada sabiamente en el artículo 3° del bando publicado. En efecto, persuadidos a que consiste la limpieza y el aseo de todas las calles en arrancar de raíz la importante alfombra de grama y demás yerbas menudas, con que la sabiduría del supremo creador se digna entapizar perennemente todo el suelo de la capital, por un beneficio propio de sus altísimos designios, que solamente puede admirar y agradecer el hombre filósofo; y llevados de la práctica vulgar, tradicionalmente introducida y observada en las fundaciones de iglesias por lo perteneciente a sus respectivos recintos, pretenden obligar a todo el vecindario a la misma observancia… Contemplo que tan extraordinario empeño no puede menos de producir fatales consecuencias en la policía de la capital y en la salud pública. Así es que considerada solamente como indiferente esta preciosa tapicería, queda siempre en el concepto de no haberse reputar como basura, ni porción inmunda capaz de ensuciar las calles, ni de infestar el aire. Mi propósito es manifestar las utilidades de esta reputada basura examinada por su aspecto físico. Es máxima constante y bien averiguada en nuestros días que la naturaleza escruta, como ocupada toda en nuestro beneficio, más de lo que podría hacer la industria del hombre a mucha costa. En efecto, esas preciosas tapicerías de innumerables plantas pequeñas son otros tantos agentes infatigables, que trabajan noche y día a beneficio suyo y del hombre, obedeciendo a las leyes que les impuso el Creador. ¿Pero quién podrá penetrar estos misterios sino el filósofo que contempla las obras del Ser Supremo?39.
Mutis souhaite alors conserver dans la capitale néo-grenadine la « sanidad y decoro »40 à partir d’une relation harmonieuse entre l’homme et la Nature. Pour lui, les végétaux en ville améliorent la santé humaine, et sont incontestablement utiles au corps. À l’époque de Mutis, les parcs et jardins doivent acquérir une place centrale dans l’architecture urbaine et dans la vie de tous les jours. Mutis, qui attribue à la Nature de nombreux bienfaits, s’inscrit dans les prémices d’une pensée hygiéniste qui commence à s’intéresser aux conditions de vie liées à la concentration urbaine et à l’antagonisme ville-campagne. La ville est-elle, ou plutôt peut-elle être, un lieu, voire un synonyme, de Nature ? Pas totalement bien sûr mais un lieu qui doit favoriser les valeurs d’hygiène.
Le XVIIIe siècle médical dans lequel s’inscrit Mutis est d’ailleurs marqué par une référence récurrente au Traité des airs, des eaux et des lieux d’Hippocrate, ouvrage qui traduit la conviction explicite, partagée par la plupart des médecins comme lui, selon laquelle le milieu a un impact direct sur la santé. Selon l’approche néo-hippocratique, Mutis affirme que mortalité et morbidité sont associées aux circonstances climatiques, météorologiques et topographiques locales. Les végétaux sont donc des alliés :
Los sabios han demostrado por experiencia, y razones concluyentes que la maravillosa obra de purificarse diariamente la atmósfera sin intervención alguna de industria humana se da gracias a las plantas. De aquí resulta que buscar la limpieza con la destrucción de las plantas que entapizan las calles es lo mismo que aniquilar los principales agentes de nuestra beneficencia contra los designios de la Divina Providencia41.
Une crainte nouvelle s’ajoute encore dans son texte : celle de l’entassement des citadins, avec la découverte des mécanismes de la respiration qui montrent que la dense et importante population des grandes cités peut conduire irrémédiablement à leur propre déchéance, en raison d’un air altéré par la respiration des personnes renfermées dans un même endroit. La disposition des villes, souvent encerclées par des bâtiments, aux rues étroites, ne faisait d’ailleurs qu’empirer les choses. Morelia Pabón Patiño, qui étudie avec acuité le focus environnemental de l’œuvre de Mutis, écrit à ce propos :
La educación ambiental considerada como un conjunto de conocimientos, valores y acciones responsables frente a la naturaleza, reconoce como elemento constitutivo de la acción educativa la percepción integrada del medio ambiente, a partir del conocimiento del entorno natural, se fundamenta en el proceso de identificación y resolución de los problemas ambientales42.
Plus loin dans la lettre de Mutis, nous nous approchons de la description de Balzac dans La Fille aux yeux d’or lorsqu’il écrit que « la moitié de Paris couche dans les exhalaisons putrides des cours, des rues et des basses œuvres »43. Ce pourquoi Mutis envisage une sorte de planification environnementale partant et parlant du bon sens de chacun :
Ni a las gentes más rústicas se les oculta que destruida en los largos veranos la tapicería vegetal de los campos, su polvo sutil y nocivo, agitado por el viento, tiene mucha parte en las epidemias y mortalidad de sus animales. A ejemplo de lo que sucede en los campos, a pesar de su extensión y libre ventilación, ¿qué no podrá temerse en el corto recinto de una población, en cierto modo cerrada por la multitud de sus edificios, y en donde viven reunidos treinta mil habitantes, como si dijéramos sesenta mil vivientes, fuentes inagotables de exhalaciones pútridas, que diariamente infeccionan la atmósfera?44
Les témoignages de Mutis sont donc très négatifs en ce qui concerne la propreté des espaces publics des villes néo-grenadines45. Pourtant, les autorités en charge des polices urbaines étaient sensées se préoccuper beaucoup de la netteté des voies car on commençait à connaître parfaitement ce qui était salutaire et ce qui était nocif. La vision de Mutis peut alors se résumer en ces termes : il faut isoler les activités insalubres et améliorer les actions sanitaires urbaines :
Queda, pues, a mi entender suficientemente demostrada la proposición, que lejos de contribuir a la limpieza de la capital el empeño de agotar la grama y plantas menudas de sus calles, es absolutamente contrario a las saludables miras del superior gobierno en lo físico y político46.
En outre, Mutis n’ignore guère les risques sanitaires liés à ces poussières lorsqu’elles se retrouvent en suspension dans l’air : allergies, problèmes respiratoires… L’arbre est ainsi un item essentiel de l’environnement urbain qui a une importance culturelle, symbolique et écologique. Juan Hernández de Alba va d’ailleurs prendre en compte l’injonction de Mutis pour agir différemment dans la ville de Santa Fe de Bogota. Dans la réponse du juge, on lit : « He dispuesto se suspenda la operación de arrancar las hierbas menudas y grama, y que sólo se trate de limpiar las calles de las basuras, escombros y demás inmundicias »47. La réalisation d’un aménagement paysager pratique et profitable exige donc une planification réfléchie. Notons que l’on ressent l’angoisse de Humboldt quant à l’impact des activités humaines sur la Nature, lors de son passage au Mexique. Citons cet extrait de l’Essai sur la géographie des plantes :
Mais par quoi, dans la vallée du Mexique, sont absorbées les vapeurs qui s’élèvent des cinq lacs qui entourent la capitale ? On ne peut expliquer cette absorption par l’immense quantité de muriate et de carbonate de soude dont le sol est couvert48.
À travers ces quelques exemples, on voit que Mutis et Humboldt mettent en évidence la perturbation de l’environnement avec le constat univoque des déséquilibres et de la propension de l’homme à détruire parfois maladroitement la nature. L’homme est-il un être fondamentalement violent qui peut devenir une menace pour lui-même ? Sans doute à en croire les deux scientifiques qui partagent une perception de l’homme comme un danger et qui proposent une conception de la Nature comme une ressource progressivement transformée en détritus ou en objet mercantile sans contrôle. Ces quelques considérations sur l’œuvre de ces deux auteurs marqués par l’expérience d’une Amérique luxuriante ont ainsi permis de mettre l’accent sur des points de rencontre entre leurs textes et sur leurs réflexions qui mettent en avant des risques encourus par la Nature. Nous avons donc essayé de traduire deux expériences concrètes au cœur du sous-continent qui vont s’enrichir lors de la rencontre de ces deux savants et devenir un miroir révélant le paradoxe de la condition humaine, sa force destructrice tout autant que sa fragilité face à la puissance de la Nature.
[1] José Celestino MUTIS, Archivo epistolar del sabio naturalista don José Celestino Mutis, pról. de Guillermo Hernández de Alba, Bogota, Kelly, 1968-1975.
[2] Liliane ELSEN, La pollution et l’environnement, Paris, Filipacchi, 1973.
[3] Luis de HOYOS SAINZ, José Celestino Mutis: naturalista, médico y sacerdote, Madrid, Editora Nacional, 1945, p. 45.
[4] J. C. MUTIS, « Discurso pronunciado en la apertura del curso de matemáticas en el Colegio Mayor de Nuestra Señora del Rosario, 13 de marzo de 1762 », in Gonzalo ESPAÑA, Mutis y la Expedición Botánica (Documentos), Bogota, El Áncora Editores, 1983, p. 128-129.
[5] Id., Viaje a Santa Fe, Marcelo Frías Núñez (éd.), Madrid, Dastin, 2002, p. 201.
[6] Id., Escritos botánicos, Grenade, Editoriales andaluzas Unidas, 1985, p. 81-82.
[7] Pierre BOUGUER, La figure de la terre : déterminée par les observations de Messieurs Bouguer, & de La Condamine, de l’Académie Royale des Sciences, envoyés par ordre du roy au Pérou, pour observer aux environs de l’Equateur. Avec une relation abrégée de ce voyage, qui contient la description du pays dans lequel les opérations ont été faites, Paris, chez Charles-Antoine Jombert, 1749, III.
[8] Alexandre de HUMBOLDT, Lettres américaines, Paris, E. Guilmoto, 1900, p. 124.
[9] Id., Voyage de Humboldt et Bonpland, Sixième partie, Plantes Equinoxiales, Tome Premier, Paris, Chez F. Schoell, 1805-1813, p. 4.
[10] Ibid., p. 11.
[11] Id., Essai sur la géographie des plantes, Paris, Chez Schoell, 1805, p. 45.
[12] Werner FEISST, Alexander von Humboldt 1769-1859, Wuppertal, Dr. Wolfgang Schwarze Verlag, 1978, p. 77. C’est nous qui traduisons : « après celle de Banks à Londres je n’ai jamais vu aucune autre bibliothèque plus grande que celle de Mutis...».
[13] J. C. MUTIS, Escritos botánicos, op. cit., p. 103.
[14] Ibid., p. 65.
[15] Id., « Elementos de la filosofía natural », in Guillermo HERNÁNDEZ DE ALBA, Documentos para la historia de la educación en Colombia, t. III, Bogota, Editorial Kelly, 1976, p. 235.
[16] Ibid., p. 236.
[17] G. ESPAÑA, op. cit., p. 132.
[18] Saint-René TAILLANDIER, « Lettres intimes et Entretiens familiers de M. Alexandre de Humboldt », Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 28, 1860, p. 58-89.
[19] J. C. MUTIS, Viaje a Santa fe, op. cit, p. 208.
[20] A. de HUMBOLDT, Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent: fait en 1799, 1800, 1801, 1803 et 1804, Paris, De l’imprimerie de Smith, 1825, p. 2-3.
[21] J. C. MUTIS, Viaje a Santa Fe, op. cit., p. 51.
[22] A. de HUMBOLDT, Essai sur la géographie des plantes, op. cit., p. 99.
[23] Id., « Lettre à Ignacio Checa, Gouverneur de la province de Jaén de Bracamoros », in Charles MINGUET, Alexandre de Humboldt. Historien et géographe de l’Amérique espagnole, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 627-628.
[24] A. de Humboldt, Plantes equinoxiales, op. cit., p. II.
[25] Id., Lettres américaines, op. cit., p. 25.
[26] J. C. MUTIS, Escritos botánicos, op. cit., p. 77.
[27] Ibid.
[28] Ibid., p. 164.
[29] Ibid, p. 66.
[30] A. de HUMBOLDT, Cosmos : essai d’une description physique du monde, Paris, Gide et J. Baudry, 1855, p. 9.
[31] José Celestino MUTIS, Escritos botánicos, op. cit., p. 188.
[32] Ibid., p. 83.
[33] Ibid., p. 84.
[34] Ibid., p. 43.
[35] A. de HUMBOLDT, Essai sur la géographie des plantes, op. cit., p. 45.
[36] Id., pp. 13-14.
[37] J. C. MUTIS, Escritos botánicos, op. cit., p. 133.
[38] A. de HUMBOLDT, Tableaux de la Nature, Paris, Hachette BNF, 2016, p. 45.
[39] J. C. MUTIS, « Carta al oidor Juan Hernández de Alba », 29 de junio de 1802, in Gonzalo ESPAÑA, op. cit., p. 186.
[40] Ibid.
[41] Ibid.
[42] Morelia PABON PATIÑO, « Aportes de Mutis y Humboldt a la educación ambiental », in Colombia Revista de Ciencias Humanas, Editorial Universidad Tecnológica de Pereira, v. año 8, fasc. 28, 2001, p. 139.
[43] Honoré de BALZAC, La fille aux yeux d’or, Paris, Belin, Gallimard, 2015, p. 123.
[44] J. C. MUTIS, « Carta al oidor Juan Hernandez de Alba », 29 de junio de 1802, in Gonzalo ESPAÑA, op. cit., p. 188-189.
[45] Adriana María ALZATE ECHEVERRI, Reformas sanitarias borbónicas en la Nueva Granada 1760-1810, Bogota, Editorial Universidad del Rosario, 2003, p. 86-87.
[46] J. C. MUTIS, « Carta al oidor Juan Hernández de Alba », 29 de junio de 1802, in Gonzalo ESPAÑA, op. cit., p. 188-189.
[47] Id., Archivo epistolar del sabio naturalista don José Celestino Mutis, pról. de Guillermo Hernández de Alba, op. cit., p. 180.
[48] A. de HUMBOLDT, Essai sur la géographie des plantes, op. cit., p. 99.
Résumé
En 1801, durant deux mois, Mutis et Alexandre von Humboldt vont herboriser ensemble à la recherche de la plante inconnue, partager leurs collections, échanger des ouvrages, et donc coopérer au nom de la compréhension universelle de la Nature. « L’illustre patriarche de la botanique », surnom que donne Humboldt à son hôte espagnol, va alors dynamiser la vie scientifique du territoire néo-grenadin et étudier, en tant que médecin expérimentateur, les bienfaits du quinquina. Un travail de référence tout comme le sont sa conception dynamique de la botanique et sa connaissance utile des effets naturels et de leurs causes, pour le paraphraser. Car Mutis ne se contente pas de décrire les espèces, il note systématiquement pour chaque objet d’étude ses caractéristiques et son environnement, et pose les bases de la réflexion écologique par le biais de nombreux travaux liés aux problématiques de respect de l’urbanisme, de l’épuisement des ressources, de la propreté…
Resumen
En 1801, durante dos meses, José Celestino Mutis y Alejandro de Humboldt van a trabajar juntos en búsqueda de plantas desconocidas, compartir sus colecciones, intercambiar libros, y cooperar en nombre de la comprensión universal de la Naturaleza. «El ilustre patriarca de la botánica», mote atribuido a Mutis por Humboldt, va a dinamizar la vida científica del territotio neo-granadino y estudiar, como médico, las virtudes de la quina. Una labor de referencia como lo fueron su concepción dinámica de la botánica y su conocimiento útil de los efectos naturales, y sus causas. Porque Mutis no solo describe las especies, apunta de manera sistemática para cada objeto de estudio sus características y su medio ambiente, y sienta las bases de la reflexión ecológica gracias a numerosos trabajos que evocan los temas de urbanismo, recursos naturales, deshechos…
Nicolas DE RIBAS
Univ. Artois, UR 4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras, France
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