Entre 1943 et 1952, Noé de la Flor Casanova et Francisco Javier Santamaría gouvernèrent successivement l’État de Tabasco et entreprirent d’en reconfigurer le paysage institutionnel en s’appuyant sur une conception particulière de l’histoire régionale. Celle-ci se matérialisa dans le paysage urbain de Villahermosa, capitale d’un État encore perçu comme une enclave culturelle au sein de la fédération mexicaine1. À l’instar de la plupart des membres de l’élite culturelle locale, Noé de la Flor et Francisco Javier Santamaría avaient reçu une formation académique au sein de l’Institut Juárez, haut lieu de la pensée libérale fondé en 1879 par le juriste et écrivain Manuel Sánchez Mármol. Exilés aux côtés d’autres intellectuels de Tabasco dans la ville de Mexico jusqu’aux années 1940 en raison des liens qu’ils entretenaient avec les courants opposés à celui qu’avait dirigé Plutarco Elías Calles entre 1920 et 1935 – un courant incarné, à Tabasco, par l’idéologie volontariste, autoritaire et anticléricale de Tomás Garrido Canabal2 – ces deux gouverneurs revinrent dans leur État natal incarner les étapes du virage politique et idéologique que représentèrent au Mexique les présidences de Manuel Ávila Camacho et Miguel Alemán Valdés.
La désignation de ces deux hommes de lettres comme candidats du Parti de la Révolution Mexicaine devenu en 1946 Parti Révolutionnaire institutionnel (PRI) est très représentative des efforts de l’exécutif fédéral de ces années pour réunir les conditions d’un « gouvernement pour tous » qui, selon le nouveau discours officiel, impliquait d’ouvrir « de nouveaux horizons aux citoyens et aux partis politiques » en vertu d’une « unité nationale » conçue comme un moteur de « dépassement moral et culturel »3. Ce projet, élaboré par l’exécutif et assurément très élitiste, aspirait également à la réalisation d’un idéal modernisateur fondé sur la redistribution des fruits d’une prospérité économique promue tous azimuts. Il s’agissait de « poner el mayor énfasis posible en aumentar la producción, en promover la agricultura, en promover la industrialización y sobre todo […] una cosa […] difícil de medir con dinero […]: darle al pueblo la seguridad de sí mismo »4. Ces années 1940 furent celles d’une forte intégration des classes moyennes aux projets politiques de l’exécutif et aux cadres du parti dominant : conçues comme une réserve de cadres politiques nécessaires à la modernisation accélérée du pays, ces classes moyennes étaient les plus à même d’arracher à l’opposition les secteurs qui s’étaient tenus à l’écart des courants officiels, en militant, en particulier, au sein du courant vasconceliste (ce qui était le cas de ces deux gouverneurs). En 1945, la création de la Confédération Nationale des Organisations populaires (CNOP) et son incorporation dans la structure organique du PRI vint couronner les efforts du régime pour faire de ces classes moyennes le groupe susceptible de concilier les intérêts des secteurs paysan et ouvrier et l’adhésion de nombreux intellectuels aux nouvelles orientations de l’exécutif confirma la conception que nombre d’entre eux avaient des gouvernements de Manuel Ávila Camacho et de Miguel Alemán – au moins jusqu’au milieu des années 50 – des gouvernements dans lesquels ils perçurent une indiscutable continuité – « muy revolucionaria » – avec le régime cardéniste5. Cette brève contextualisation doit tenir compte du vide de pouvoir laissé dans l’État de Tabasco par la chute de Tomás Garrido Canabal, en 1935, et éclaire les conditions de la nomination de Noé de la Flor comme candidat du Parti de la Révolution Mexicaine en 1943 par Miguel Alemán Valdés, alors ministre de l’intérieur du président Ávila Camacho. Noé de la Flor n’avait jamais exercé de responsabilités politiques dans son État natal. Membre respecté de l’élite intellectuelle de Tabasco exilée à Mexico depuis le début des années 1930, il avait entretenu avec Francisco Javier Santamaría des liens d’amitié intellectuelle et politique qui facilitèrent la continuité institutionnelle observée dans l’État jusqu’au milieu des années 1950.
C’est dans ce contexte que doit être présentée et étudiée l’articulation des étapes de la reconfiguration du paysage institutionnel et urbain de Tabasco et de sa capitale entre 1943 et 1952. Celle-ci recoupe trois aspects majeurs que j’aborderai successivement avant d’en établir la synthèse. Dans celle-ci, je soulignerai l’indissociabilité des notions de paysage et d’histoire régionale telle qu’on la conçoit à l’époque dans l’analyse de cette reconfiguration et des conséquences qu’elle a laissées tant dans l’historiographie locale et nationale que dans l’actualité de l’État.
La reconfiguration institutionnelle entreprise par de la Flor et Santamaría s’explique tout d’abord par la cohésion inédite de représentants d’une élite politique locale qui se conçoit d’abord comme une élite culturelle. Elle s’appuie sur la redécouverte et la promotion de l’histoire, de la géographie et de la littérature locales assurées par l’État avec le soutien de nombreux intellectuels et chroniqueurs locaux – ou plus exactement ces « literatos, periodistas y folkloristas » recensés par l’historien Ricardo Pérez Monfort – à défaut d’historiens susceptibles d’en assurer le relais auprès des autorités d’un État qui, comme tous les autres à ce moment – parce que l’essentiel se fait à Mexico6 – restent à l’écart de la réflexion historiographique – ou de l’histoire dite « interprétative »7 – et destinent la recherche historique aux archives communes d’une histoire nationale officielle. Ainsi, en amont des transformations matérielles visibles dans le paysage urbain – qui seront abordées plus loin – la recomposition du paysage culturel s’alimente de la promotion inédite des sources historique locales : durant la période 1943-1946, le gouvernement de Noé de la Flor promeut la publication de 94 oeuvres ; son successeur Santamaría en publiera soixante-dix entre 1946 et 1952, avec un tirage total de deux millions quatre-cent quarante-six volumes8 (pour une population totale d’un peu moins de 363 mille habitants). Cette promotion compte avec la publication de quelques travaux du gouverneur en personne – dont le troisième tome de sa Bibliografía general de Tabasco en 1946, les deux volumes des Documentos históricos de Tabasco, l’Atlas de geografía de Tabasco, El verdadero Grijalva et l’Antología folklórica y musical de Tabasco9 – ainsi que des discours, rapports de gouvernements, lois et autres réglementations adoptées au cours de ces deux administrations, auxquels s’ajoute une très grande quantité d’ouvrages censés assurer la promotion de connaissances scientifiques sur l’histoire, la géographie, la flore et la faune locales. Dans cette catégorie, il faut souligner la redécouverte des ouvrages du naturaliste José Rovirosa (1849-1901), ainsi que double fonction assignée à la Colección de monografías de los municipios del estado de Tabasco – créée durant l’administration de Noé de la Flor –dont chaque exemplaire recensait l’ensemble des caractéristiques des localités et des exploitations agricoles (ou rancherías) du municipio concerné à l’attention de leurs enseignants et de leurs élèves10. En comparant les connaissances divulguées par José Rovirosa à celles léguées par le baron Humboldt11, Noé de la Flor ne faisait que relier la diffusion de ces contenus à une culture universaliste12 elle aussi très caractéristique de ces années : c’est ainsi que la bibliothèque municipale de Villahermosa, créée en 1944 reçut le nom de « Biblioteca José Martí », à un moment où la campagne d’alphabétisation nationale, appliquée avec enthousiasme par l’administration locale, constituait un puissant vecteur des messages de « liberté », de « démocratie » et de « solidarité continentale » inspirés du panaméricanisme13. Noé de la Flor favorisa personnellement la publication de diverses synthèses d’auteurs et d’ouvrages locaux réalisés par son successeur et en particulier, en 1945, celle des deux premiers volumes de sa Bibliografía general de Tabasco. De fait, la continuité des initiatives éditoriales officielles trouva sa meilleure expression dans l’éloge mutuel qu’échangèrent ces deux gouverneurs, comme l’illustrent par exemple les dernières références de la Bibliografía general de Tabasco dans laquelle Santamaría inclut non seulement le premier message adressé par Noé de la Flor au peuple de Tabasco le jour de son investiture, en 194314, mais aussi les fiches bibliographiques correspondant aux œuvres publiées dans la série intitulée Contribución de Tabasco a la historia nacional, inaugurée par Noé de la Flor en 1944 dans un souci d’ « aumentar el acervo cultural de la República »15. Dans le commentaire dédié à ces œuvres, Santamaría formulait l’éloge de l’administration de son prédécesseur, « intelectualista por antonomasia, cultural, en su acción, por excelencia »16 et regrettait que le premier ouvrage publié dans cette collection, Viaje a Teapa y a las sierras que conducen a la formación de sus valles – un ouvrage écrit en 1892 par José Rovirosa – demeurât largement ignoré dans l’État17. Cet exemple souligne et illustre les efforts déployés par ces deux administrations pour extirper de l’oubli le plus grand nombre possible de monographies, de romans, de chroniques et d’œuvres poétiques dont elles eurent connaissance, comme l’expliqua Santamaría dans sa Bibliografia General de Tabasco en insistant sur l’importance et l’utilité des « [libros de] impresión pobre [y] grabados […] algo borrosos […] para fines de la educación en Tabasco »18.
À travers la promotion de ce travail de recherche et de classement de documents utiles à l’histoire locale, s’exprimait la continuité d’une tradition empirique de découverte aussi exhaustive que possible de documents et d’auteurs prompts à ce voir classés et répertoriés de la façon aussi précise que possible ; c’était la même tradition que poursuivait l’historien Manuel Mestre Ghigliazza qui, depuis Mexico, continuait à la défendre en 1948 dans le prologue de son ouvrage La invasión norteamericana en Tabasco :
[…] Fríamente meditadas las cosas, creo con firmeza que más que trazar un relato aun sobrio, de los sucesos, importa sobre todo presentar reunidos documentos y datos, por insignificantes que sean algunos, para que así abierto y allanado el camino, pueda quien posea talentos de historiador exponer y comentar debidamente la precitada pugna19.
On retrouve le même effort destiné à accroître, à rénover et à consolider l’édifice bibliographique régional dans les initiatives qui accompagnèrent l’inauguration de la Bilbliothèque José Marti par Noé de la Flor le 12 octobre 1944, sur le terrain occupé par la Ligue Centrale de Résistance – un vestige de l’administration de Garrido Canabal – au sud du Parque Juárez, au centre de la capitale. À cette date, la bibliothèque abritait 4,688 volumes, plus de 1000 brochures diverses et 1,122 publications issues de la presse quotidienne et périodique nationale et locale20. Trois ans plus tard, en 1947, les archives bibliographiques de l’institution s’enrichirent de 1078 volumes et en 1950, Santamaría lui-même se porta acquéreur de l’imposante bibliothèque privée du général révolutionnaire José Domingo Ramírez Garrido, dont il avait été proche durant les années 1910-1920, lui-même auteur de différents ouvrages aujourd’hui considérés comme des sources de premier plan pour les historiens de la révolution à Tabasco21.
Il faut ajouter à ce bref aperçu de la politique éditoriale et bibliographique mise en œuvre durant cette période la description des nouvelles dynamiques imprimées aux institutions culturelles anciennes, à savoir l’Institut Juárez – unique lieu d’enseignement supérieur de l’État situé dans la capitale Villahermosa – et le Musée de l’État (de Tabasco), fondé en 1895 – qui bénéficia en 1947 d’une nouvelle impulsion conçue comme la première étape d’une institution capable de faciliter la recherche et la connaissance de la culture maya22. Concernant l’Institut Juárez, il convient d’évoquer la publication des deux volumes des obras sueltas de son premier directeur, l’écrivain libéral Manuel Sanchez Mármol (1839-1912) durant l’administration de Noé de la Flor, qu’il faut ici associer à l’activité éditoriale consacrée à l’éloge des fondateurs de l’Institut Juárez et des élèves y ayant étudié depuis le début du siècle : c’étaient eux qui s’efforçaient désormais de définir une nouvelle orientation politique et morale en se réclamant de leur appartenance à l’école de pensée et de formation libérales qu’avait été cet Institut pour leur génération. La période 1943-1952 correspond à la dernière étape que connut l’institution avant sa transformation en université d’État en 195823, une étape cruciale qui fit de l’institut le centre de la vie sociale de l’élite politique et culturelle de la ville, comme le montreront par exemple les réceptions organisées par les autorités en 1948 à l’occasion desquelles les activités de l’institut se verront largement diffusées par la radio et la presse, ce qui donne l’occasion à cette élite de se projeter et de se montrer en exemple24. Bien que les initiatives en faveur de l’enseignement supérieur ne fussent pas comparables à celles destinées à l’enseignement primaire et secondaire – conformément aux priorités dictées par le gouvernement fédéral - leur promotion s’appuya sur la conception d’une « architecture » unique consacrée à la consolidation des institutions locales à long terme. Dans le premier rapport de gouvernement de Noé de la Flor, publié en 1944, émerge ainsi l’idée inspirée de José Ortega y Gasset – et associée à l’éloge d’une presse libre et de qualité – de créer et de promouvoir une « organicité » de la culture locale indissociable de la diffusion d’idées elles-mêmes apparentées aux « opiniones » sans lesquelles « la vida de los hombres carece de arquitectura, de organicidad »25. Rappelons enfin que cette confiance dans la stabilité des institutions politiques et culturelles locales se met également au service d’une rénovation morale susceptible d’imposer des critères d’innovation dans tous les domaines relevant des politiques publiques, une innovation dont les fruits seront plus tard comparés par Manuel Mora – gouverneur de l’État entre 1965 et 1970 – « [al aire puro de los medios salubres » et ce, pour mieux blâmer ceux qui, au sein de ces deux gouvernements locaux, représentaient cet autre groupe agissant « sin doctrina, arraigado a las viejas formas funestas […] de la « psicología de pantano », de « intriga torpe e intereses bastardos y bastardeados »26 .
De fait, et pour aborder cette fois de façon plus générale la façon dont la presse et la chronique relayèrent les initiatives de de la Flor et de Santamaría sur des tons plus neutres ou franchement enthousiastes, il faut tout d’abord rappeler que ces deux dernières renferment encore aujourd’hui l’unique témoignage d’une époque où l’historien professionnel n’existe pas encore en dehors de certains cercles de la capitale27 ; cet historien s’exprime à travers la chronique qui, si elle constitue encore aujourd’hui le socle d’une grande partie de de l’historiographie régionale28, est aussi celle qui s’est efforcée de reconstituer son histoire récente, susceptible de relater à leur juste mesure les initiatives politiques et culturelles de deux administrations souvent oubliés des livres d’histoire, y compris jusqu’à aujourd’hui. Pour aborder la façon dont la chronique de presse ou historienne participe pleinement à la reconfiguration du paysage institutionnel et culturel en commentant les initiatives de ceux qu’elle appellera souvent « los cultos gobernadores », il convient d’évoquer le maillage partiel dont elle les recouvre. Rappelons tout d’abord que cette période est celle d’une liberté de la presse incontestable dont le dynamisme se manifeste très largement au plan local, en dépit du financement aléatoire de nombreux organes de presse. Ce dynamisme se manifeste en faveur du régime « civiliste », dont l’éloge ne tarit jamais, et accompagne logiquement la reconfiguration morale que beaucoup voient dans ce régime jusqu’à la relève présidentielle de 1952. Teapa, publication bi-mensuelle de la localité du même nom, en constitue un exemple éloquent: que ce soit à travers les éditoriaux élogieux consacrés aux principes « alemanistes » et « civilistes » ou appelant à l’élévation morale et culturelle du peuple, à l’ éradication de l’alcoolisme (un sujet déjà ancien à Tabasco), aux chantiers susceptibles de faire de la ville un important centre touristique ou à la dynamisation urgente de l’agriculture locale, à travers les nombreux poèmes d’auteurs « oubliés »29 ou simplement convoqués pour chanter les louanges de la « Sultana de la sierra »30, ou encore les innombrables brèves retraçant les événements locaux. En témoigne encore la publication des rapports du fondateur de la publication, Manuel Rosado, responsable d’une rubrique consacrée aux « Teapanecos ilustres », avant d’occuper les fonctions de président municipal entre 1947 et 195231. On retrouve dans son œuvre d’historien - au sens que revêtait cette fonction à l’époque, c’est-à-dire fondamentalement de chercheur et promoteur de documents historiques locaux susceptibles de contribuer à une histoire de l’État au service de l’histoire nationale – cette préoccupation principale de reconfigurer un paysage historique local intégré et intégrateur au sens de son intégration définitive à un paysage historique national consolidé par le civilisme et ses valeurs de de paix et de stabilité.
L’activité de ces journalistes amateurs doit être reliée à celle des chroniqueurs historiens les plus reconnus et les plus lus que sont José Bulnes et Alfonso Taracena. José Bulnes, qui écrivit d’innombrables contributions dans la presse locale de l’époque32, intervient d’ailleurs régulièrement dans le journal Teapa, et n’omet pas de mentionner son propre don de 35 livres à la bibliothèque « Lic. Benito Juárez » inaugurée à Teapa en novembre 194733. C’est encore lui qui, en 1979, composera cette magnifique synthèse du paysage urbain reconfiguré par Noé de la Flor et entretenu pas son successeur, une synthèse dans laquelle on retrouve non seulement les circonstances politiques et matérielles d’une époque qui en a chassé une autre, mais aussi les critères intellectuels et moraux de la reconstruction d’un paysage exaltant une histoire régionale redécouverte à l’aune d’une nouvelle centralité :
[…] el gobierno de Noé de la Flor Casanova escuchó la hora de crear, construir, clavar obras perdurables para recordancia en el porvenir. Comenzó por hermosear el terreno de “Santa Gertrudis” donde efectuó tres exposiciones Garrido Canabal, frente a la quinta del doctor Julián Manzur, donde vivía el gobernador teapaneco, intermediando la laguna de Las Ilusiones. Empezó por desmontarlo, limpiarlo y desembarazarlo de tanta basura, arbolillos muertos y alimañas vivas; retiró escombros y destrozos hechos por manos destructoras y alinearlo simétricamente hasta dejarlo en condiciones de poder construir, sobre ese laberinto lleno de basura y desperdicios, un bello paseo, un lugar para el descanso y la meditación; un sitio acogedor y silencioso donde disfrutar de un bucólico paseo dominguero o familiar. Hizo un bello paseo imaginado, creado y ejecutado románticamente por el propio gobernador –al fin poeta y soñador– bautizándole PASEO TABASCO, nombre que el pueblo tabasqueño hasta la fecha pronuncia con cariño. A la entrada del parque, a la izquierda, sobre una columna de granito, colocó el gobernador un busto de bronce del sabio macuspaneco José Narciso Rovirosa. Circunvaló el parque con una carretera, ancha y asfaltada, que sombrean los árboles con la esmeralda de su ramaje. De la periferia al centro abrió 17 avenidas, cada una con el nombre de un municipio del Estado, 17 avenidas enlozadas con jardines a su flanco cuyas flores embalsamaban el poético paraje, lleno de ensoñación bajo el embrujo del paisaje. Construyó un parque infantil para solaz de la niñez tabasqueña y frente a la laguna de “Las Ilusiones”, un gran salón cuadrilongo […] con tarima al fondo que lo mismo servía para la orquesta de variados instrumentos que para el escenario de bailes clásicos y sainetes teatrales. Un salón para banquetes, asambleas y conferencias, con pista para bailar y mesas en su rededor que servían para tomar refrescos o saborear antojitos regionales, mientras las parejas juveniles o entradas en años gozaban bailando al compás de la música de moda34.
Cette description très précise nous permet d’observer, dans un premier temps, que le processus de reconstruction du paysage urbain trouve sa valeur dans ce qu’il a détruit ; il s’appuie sur l’éloge d’auteurs redécouverts – ici Rovirosa, dont la statue sera également érigée à l’entrée de la petite ville de Teapa – lesquels se mettent au service d’une régénérescence morale et politique inspirée des nouvelles valeurs diffusées par le régime fédéral. Or, dans la promotion indissociée d’auteurs issue de périodes très diverses tels que Rovirosa et José Domingo Ramirez Garrido – dont on a vu la réhabilitation institutionnelle – on retrouve cette tradition empirique qui ne les replace pas dans une perspective susceptible d’en explorer l’historicité. C’est ce que montrent les dix-sept avenues tracées depuis le centre de Villahermosa qui, tout en rendant hommage à la totalité des municipios de l’État, déterminent la centralité d’un espace certes repensé, mais qui n’en interroge jamais l’historicité dans sa relation à l’espace fédéral »35. Ce « positivismo oficialista »36 qui semble encore guider la conception de l’espace et de l’histoire régionale, se perçoit encore dans la reproduction des valeurs d’une post-révolution qui n’écarte plus - loin de là - la nécessité de construire des ponts, ou des traits d’union, entre les valeurs de paix et de stabilité que l’on perçoit dans une période pré-révolutionnaire porfiriste autant que dans une politique panaméricaniste particulièrement relayée par le régime au cours des années 40. L’heure est à la synthèse de la violence révolutionnaire, une synthèse que l’on parvient à dresser en juxtaposant les œuvres de ceux que cette révolution – principalement dans sa période dite « garridista » – a jetés dans l’oubli, et en exaltant celles qui sont les plus à mêmes de s’adapter aux valeurs de moralisation de la vie publique : l’officialisation des œuvres du général révolutionnaire Ramirez Garrido, qui d’ailleurs formulera l’éloge appuyé du mandat de Noé de la Flor, est ici particulièrement éloquente37. Il est enfin frappant de constater la reproduction, dans la recomposition du paysage urbain, des limites d’une histoire régionale aux contours finalement très monographiques – la région, l’État, sont avant tout des entités administratives – elle-même relayée par une chronique historienne qui ne constitue que le reflet partiel de cette histoire régionale, un aspect encore aggravé par le fait que les années 1940 et 1950 renvoient à une époque traditionnellement négligée dans l’historiographie mexicaine. C’est ainsi que Noé de la Flor et Francisco Javier Casanova sont aujourd’hui mentionnés dans les livres d’histoire dans les rubriques d’histoire culturelle et non dans celles de l’histoire politique de l’État de Tabasco. Et s’ils y apparaissent furtivement, c’est uniquement sous les traits des « hombres cultos » qu’ils furent, sans que cette qualité ne soit jamais reliée aux circonstances politiques de l’époque ou, de façon plus large, à l’histoire de cette période38. Cette brève communication a prétendu y remédier pour mieux insister sur le caractère particulièrement fragile d’un paysage institutionnel et urbain qui n’est guère plus visible aujourd’hui. On veut y voir les conséquences d’un paysage urbain qui, au-delà de sa fragile configuration, était resté dans les limites de l’approche dont il était issu – selon laquelle la promotion de l’histoire locale ne devait son salut qu’à une histoire nationale en cours et aux mirages que celle-ci nationale avait su façonner – et ne pouvait donc qu’être très éphémère. Cet aspect renvoie à son tour, autant qu’il l’illustre, aux difficultés tenaces que Tabasco a rencontrées au cours du XXe siècle, et rencontre encore aujourd’hui – dans des contextes évidemment peu comparables – pour s’extraire de sa condition d’enclave culturelle39.
[1] Noé de la Flor Casanova ne manqua pas de le souligner dans son premier rapport de gouvernement : « Culturalmente, Tabasco representa una corriente restringida de la cultura nacional ». Informe rendido por el C. Lic. Noé de la Flor Casanova, Gobernador Constitucional del Estado Libre y Soberano de Tabasco, ante la H. XXXVII Legislatura Local, el 16 de septiembre del año en curso, Villahermosa, Tabasco, 1943, p. 8.
[2] Ces deux dates recouvrent la période de domination de Tomás Garrido Canabal, qui gouverna l’État à trois reprises. La succession de Plutarco Elías Calles par Lázaro Cárdenas, en 1934, entraîna sa chute l’année suivante.
[3] « El primero de diciembre de 1940, en su mensaje de toma de posesión como presidente de la República –tras unas reñidas y violentas elecciones– Manuel Ávila Camacho alegó la necesaria formación de una « coalición de los ciudadanos, de los partidos y de los grupos políticos para encararse a las graves circunstancias por las que había de atravesar la nación » y expresó la urgencia de una « unidad nacional » concebida como « el ariete que ha impulsado a nuestro pueblo hacia la superación moral y cultural » y de un « gobierno para todos » que implicaba la apertura de « […] nuevos horizontes para los ciudadanos y para los partidos ». Benito COQUET, « Doctrina política interna », in Seis años de actividad nacional, Mexico, Secretaría de Gobernación, Talleres Gráficos de la Nación, 1946, p. 6-27, p. 9.
[4] Felicitas LÓPEZ PORTILLO TOSTADO, Estado e ideología empresarial en el gobierno alemanista, Mexico, UNAM, 1995, p. 25. Il s’agit d’une citation de Ramón Beteta, secrétaire d’État aux relations étrangères de l’ancien président Lázaro Cárdenas et ministre de l’économie du gouvernement de Miguel Alemán.
[5] Dans un entretien avec les chercheurs américains James W. Wilkie y Edna Monzón de Wilkie (publié en 1969), Ramón Beteta qualifia le régime de Miguel Alemán de « […] muy revolucionario, pues su labor en pro de la infraestructura [era] innegable ». Ibid., p. 42. Le gouvernement de Miguel Alemán Valdés (1946-1952) inaugura ce que l’on a appelé la période « civiliste » de la révolution durant laquelle nombre d’intellectuels s’engagèrent avec enthousiasme dans l’utopie d’une modernisation politique et économique indissociable d’un épanouissement culturel que beaucoup voyaient incarné dans la personne même du représentant de l’exécutif national. En 1947, dans le premier rapport public de gouvernement qu’il présenta devant le pouvoir législatif en 1947, Francisco Javier Santamaría formula ainsi l’éloge de Miguel Alemán Valdés comme « epífoco » de la « promoción educativa y creadora » tout en qualifiant son régime de « gestador de un nuevo tipo de hombre político, basado en las virtudes del talento y la educación […] ». Francico Javier SANTAMARÍA, « Primer informe de gobierno » (16-09-1947), in Tabasco a través de sus gobernantes, Vol. 6 (1947-1949), Villahermosa, Tabasco, Gobierno del Estado de Tabasco, 1988, p. 58. On peut rappeler ici les mots utilisés par le poète Carlos Pellicer, qui fut un fidèle collaborateur de ces deux gouverneurs, lors de l’inauguration de l’une des nombreuses écoles créées au cours de ces années, écoles dans lesquelles il voyait « toda una época de renovacion de la sociedad tabasqueña [de la que] saldrán los nuevos valores vitales de Tabasco, que son los campesinos y los intelectuales ». Carlos Pellicer, « Discurso en la escuela de tecnología », in R. Á. RENDÓN (comp.), op. cit., Panorama de Tabasco, Mexico, Editorial Política Nueva, 1949, p. 31-36, p. 32. Ce binôme « campesinos e intelectuales » fut souvent revendiqué par des journalistes et chroniqueurs locaux – ou improvisés tels – qui, à cette époque, s’efforceront de diffuser leurs idéaux. Ainsi, la première page du bi-mensuel Teapa – sur lequel je reviendrai – juxtaposait à l’éloge de F. J. Santamaría les photographies de ce dernier et du directeur de la publication, Manuel Rosado, lequel se qualifiait lui-même d’« agricultor [e] intelectual ». Teapa, segunda época, año II, n° 42, 1er décembre 1947, p. 1.
[6] La professionnalisation de l’historien intervient à partir de 1940 au Mexique, principalement depuis le Centro de Estudios Históricos, créé en 1941 au sein du Colegio de México, fondé l’année précédente.
[7] Selon Ricardo Pérez Monfort, au cours des années 1940, « La promoción de la historia de las décadas anteriores no podía promover ninguna historia « intepretativa » que no fuera destinada a integrarla en el acervo común de la historia nacional, y po resta misma razón, no tenía por que librarse de la necesidad de discutir con un prójimo demasiado ileologizado, buscando […] su independencia de la historia oficial ». Ricardo PÉREZ MONFORT, « Entre la historia patria y la búsqueda histórica de lo mexicano. La historiografía mexicana entre 1938-1952 », in Gisela VON WOBESER (coord.), Cincuenta años de investigación histórica en México, Mexico, UNAM, IIH, Universidad de Guanajuato, 1998, p. 280-294, p. 290.
[8] Enrique CANUDAS SANDOVAL, Trópico rojo. Historia política y social de Tabasco, 4 tomes, tome IV, Mexico, Ediciones y Publicidades S.A. de C.V., 1994, p. 62. Ce chiffre impressionnant regroupe la totalité des publications de l’État, et notamment les documents administratifs destinés aux différentes institutions de l’État (dont le Journal Officiel). Dans son premier rapport de gouvernement, Noé de la Flor, qui avança pour le premier semestre de son mandat un chiffre proportionnellement bien supérieur (un million deux cent cinquante mille deux-cent trente-huit exemplaires de publications diverses) indiqua que le tiers d’entre elles était consacré à la « propaganda cultural ». Informe rendido por el C. Lic. Noé de la Flor Casanova, op. cit., p. 65.
[9] Belisario CORONADO Jr., El Maestro Santamaría. Un tabasqueño seénero y singular, Villahermosa, Tabasco, 1983, p. 23-24.
[10] Monografía de la Municipalidad de Comalcalco escrita por disposición del H. Ayuntamiento constitucional, bajo la presidencia del señor Heberto Moheno Bosada, quien la dedica como obra de consulta al personal docente y alumnos de las escuelas de la localidad, Villahermosa, Tabasco, Publicaciones del Gobierno del Estado, 1947. Cette monographie recense les caractéristiques de la localité de Comalcalco ainsi que celle des 5 villages et des 23 rancherías du municipio. La note finale indique la date du 18 mai 1944 comme celle de l’élaboration de l’ouvrage.
[11] Bernardo DEL ÁGUILA FIGUEROA, Tabasco en la Geografía y en la historia. Monografía, Villahermosa, Tabasco, Gobierno Constitucional de Tabasco, 1947, p. 330. Cet ouvrage de Bernardo del Águila Figueroa, un autre membre de cette diaspora intellectuelle exilée à Mexico durant la décennie 1930, est une histoire des institutions culturelles de Tabasco publiée en 1947.
[12] Le second volume publié dans la série « Contribución de Tabasco a la cultura nacional » inaugurée par l’administration de Noé de la Flor était dédié à José Martí. Dans son second rapport de gouvernement, Noé de la Flor indiqua : « seleccionamos de su vasta producción tres estudios continentales : « Madre América », « Nuestra América » y « Simón Bolívar ». El Gobierno de Tabasco vela por el prestigio de nuestra entitad al rendir homenaje a la memoria del apóstol y libertador cubano… Nuestro propósito evidente es unir a los más altos valores del pensamiento americano con los valores auténticos del arte y de la ciencia de Tabasco, dejando al lector juzgar y establecer jerarquías.” Por nuestra parte, nos honramos a nosotros mismos al honrar a los valores genuinos de Tabasco, de México y del Continente […] », id.
[13] Sur ce point, voir l’article du Ministre de l’Éducation de Miguel Alemán, Jaime Torres Bodet, « La obra educativa », in Benito Coquet, op. cit., p. 103-142, p.136.
[14] Il s’agit du registre n° 1139 de la liste des oeuvres recensées par Francisco Javier Santamaría. Voir Francisco Javier SANTAMARÍA, Bibliografía General de Tabasco, 3 tomes, tome II, Villahermosa, Gobierno del Estado de Tabasco, 1945.
[15] Citation extraite du second rapport de gouvernement de Noé de la Flor en 1944, cité par B. DEL ÁGUILA FIGUEROA, op. cit., p.330.
[16] F. J. SANTAMARÍA, Bibliografía General de Tabasco, op. cit., p. 406.
[17] Id.
[18] Id.
[19] Manuel MESTRE GHIGLIAZZA, Invasión norteamericana en Tabasco (1846-1847) - Documentos, Mexico, Imprenta universitaria, 1948, p. 5.
[20] Martín ORTIZ ORTIZ, Héctor VALENCIA REYES, David GONZÁLEZ ESCAMILLA et Silvia CLEMENTE BORBOLLA, Del Instituto Juárez a la Universidad Juárez Autónoma de Tabasco, 1825-1995 (cronología), Villahermosa, Tabasco, 1995, p. 69.
[21] Jesús Arturo FILIGRANA ROSIQUE, « La historiografía de Tabasco en el siglo XX », in José María CONTRERAS VALDÉS, Pedro LUNA JIMÉNEZ et Pablo SERRANO ÁLVAREZ, Historiografía regional de México. Siglo XX, Mexico, Universidad Autónoma de Nayarit, INHERM, 2009, p. 699-760, p. 699, p. 705-707.
[22] E. CANUDAS SANDOVAL, op.cit., p. 37. Cette initiative compta avec la collaboration active du poète Carlos Pellícer, qui inaugurait ainsi de longues années de collaboration auprès des autorités de son État et ce, jusqu’à sa mort en 1977.
[23] Les limites de cet article ne me permettent pas d’entrer dans les détails des effectifs de l’institut - en nette augmentation entre 1943 et 1947 - ni dans ceux relatifs à la création de nouvelles filières d’études ou d’accords avec l’Université Nationale et le Ministère de l’éducation fédéral. Sur l’histoire de l’Institut Juárez, voir Martín ORTIZ ORTIZ, Héctor VALENCIA REYES, David GONZÁLEZ ESCAMILLA et Silvia CLEMENTE BORBOLLA, op. cit, et Judith PÉREZ CASTRO, « Avatares y desafíos del Instituto Juárez de Tabasco », Secuencia, 91, janvier-avril 2015, p. 149-170.
[24] Comme l’illustre par exemple l’article suivant paru dans l’un des quotidiens de la capitale, Rumbo Nuevo : « Durante el día de ayer, las señoritas estudiantes del Instituto “Juárez” en alegres grupos recorrieron escuelas, comercios, oficinas públicas y diversas empresas, vendiendo boletos para la matiné que mañana se efectuara a beneficio de su Casa de Estudios. La sociedad villahermosina, como siempre que se trata de realizar obras plausibles, respondió con generosa liberalidad al llamado de las entusiastas colegialas, que con su presencia y entusiasmo pusieron una pincelada de alegría y esperanzas en la monotonía del devneir cotidiano. Hoy será la ultima faena de esta primera etapa de la cruzada pro Instituto “Juárez”. También la radiodifusora local ha estado transmitiendo un boletín radiofónico anunciando esta matinée, que promete ser un clamoroso éxito económico y social ». « Mañana será la Primera Matinee del Instituto », Rumbo Nuevo, Año V, n° 1069, 16 avril 1948 , p. 1 ; p. 4. D’autres articles parus dans la presse locale peuvent également être cités : « La noche del jueves tuvo lugar, en el Salon de actos Simon Sarlat del Instituto Juárez una hecho cultural de alta significación: la conferencia pronunciada por el Licenciado Mario S. Colorado Iris, Catedrático de la Escuela Nacional de Jurisprudencia, actualmente de visita en esta capital ». « Página editorial. Una importante conferencia », Rumbo Nuevo, Año V, n° 1104, 22 mai 1948, p. 1, p. 4 ;« Fue entregada una Bandera al Instituto « Juárez ». « Expresivo Discurso del Director del Plantel », Rumbo Nuevo, Año V, n° 1067, 14 avril 1948, p. 1, p. 4.
[25] Informe rendido por el C. Lic. Noé de la Flor Casanova, op. cit., p. 8. Noé de la Flor citait ici José Ortega y Gasset.
[26] Noé de la Flor et de Francisco Javier Santamaría furent soumis à l’épreuve de la calomnie quotidienne relayée par une partie de la presse locale affidée à certains groupes politiques qui ne leur pardonnèrent jamais d’avoir enfreint des domaines qu’ils pensaient leur être réservés. Voir Manuel MORA, « Tolerancia, educación y libertad », in R. Á. RENDÓN (comp.), op. cit., p. 77-81, p. 81. Manuel Mora est aussi celui qui, par son oeuvre – l’article cité fut repris son Ensayo sociológico de Tabasco, publié en 1974 – a contribué à enrichir, avec d’autres, tout un arsenal de clichés imprégnés de « positivismo y […] darwinismo social, describiendo a su estado como un lugar dominado por los defectos indígenas de mentalidades dominadas por mitos y el peso de una naturaleza hostil, y donde las personas sufren el defecto ontológico de una personalidad « fosfórica », apasionada e irracional determinada por el « trópico ». Rodolfo URIBE INIESTA, « Panorama y desarrollo de las ciencias sociales en el estado de Tabasco », Secuencia, 79, Mexico, Instituto de Investigaciones José María Luis Mora, janvier-avril 2011, p. 115-135, p. 120.
[27] Voir la note 5.
[28] Une historiographie que l’on a donc pu comparer, à juste titre, à une « chismografía local » en partie dominée par les ingrédients décrits par Rodolfo Uribe Iniesta. Voir la note 25.
[29] Par exemple, Carlos Ramos, qualifié de membre de la « brillante generación de la Bohemia Tabasqueña ». Teapa, segunda época, año III, n° 21, 12 janvier 1947, p. 4.
[30] Cet article d’août 1946, non signé (mais probablement écrit par Manuel Rosado) et célébrant l’élection de Miguel Alemán à la Présidence de la république, se clôt sur cette expression, alors très appréciée: « El quincenal « Teapa » vuelve de nuevo a la brega, después de haber dejado de ver la luz pública durante un año por falta de cooperación para sostenerse. Al retornar hoy al campo periodístico, saluda al pueblo de Teapa y con especialidad a sus simpatizantes y anunciantes. Al iniciarse lo hace con más brío en su grandiosa tarea de continua iluminando conciencias esparciendo luz, sacudiendo los espíritus dormidos, porque su programa es : la elevación moral pública, la intensificación de la cultura, y hacer que la verdad, la justicia y la honradez ciudadana escarnecida en este nuestro medio por políticos inmorales, imperen para siempre e Tabasco. […] El instante es propicio, porque Teapa está en pleno periodo de resurgimiento cultural y económico, en el periodo más interesante de su evolución, al transformarse de un pueblo ayer sin comunicaciones en un puerto ferroviario y posible centro de turismo importado. Pero este resurgimiento necesita hombres de buena voluntad que sin interés personal cooperen con nosotros para que la voz de este pueblo se haga oír por nuestras columnas y que todos, olvidando rencores políticos y odios injustificados nos unamos para hacer algo por este girón de Tabasco que los de afuera llaman Sultana de la Sierra ». Teapa, segunda época, año II, n° 9, 4 août 1946, p. 1.
[31] La rubrique fut reprise à la fin de l’année 1947 par le Prof. Arnulfo Giorgiana.
[32] José (« Pepe ») Bulnes était notamment responsable de la tribune « Tabascosas » de quotidien Rumbo Nuevo. Il dirigeait également la revue Grijalva, pour laquelle il assura lui-même la couverture de la visite du candidat Miguel Alemán Valdés dans l’État lors de la campagne présidentielle de 1946.
[33] « El connotado periodista José Bulnes S., Director de la revista « Grijalva », obsequió a la biblioteca « Lic. Benito Juárez » treinta y cinco libros. Pepe Bulnes es el que hasta le fecha ha hecho el mayor obsequio en libros al referido centro de cultura. Y no podía esperarse otro desplante tan generoso, como el de este periodista que prestigia a Tabasco ». « Obsequió libros para la Biblioteca », Teapa, segunda época, año II, n° 42, 1er décembre 1947, p. 4.
[34] Ce passage se clôt sur cet éloge: « Así se construyó el más bello paraje, de ensueño y romanticismo, con que cuenta Villahermosa, para solaz de la vida en medio del silencio, el descanso, vigorizar al corazón con palpitaciones de felicidad, y como expresión del alma y elevación del espíritu. Fue una gran obra del gobernador De la Flor Casanova, que aún recuerdan con cariño los tabasqueños agradecidos » Pepe BULNES, Gobernantes de Tabasco 1914-1919, Mexico, s.e., 1979, p. 625-626.
[35] Pour l’historien (et plus encore depuis les années 1970), cette histoire régionale sera bien entendu très différente : la définition proposée par Carlos Martínez Assad éclaire cette divergence : « La historia regional es aquella cuyo espacio se define por la misma investigación y permite, desde la región, contribuir a entender el devenir nacional. Es, sobre todo, una cuestión de perspectiva que se opone a la mirada centralista y observa a la sociedad en su conjunto, en un período determinado para discernir el acontecer nacional, donde los actores se definen en relación con un adversario al que se enfrentan por el control de la historicidad ». Carlos MARTÍNEZ ASSAD, « Entre la historia local y la regional », in María Teresa JARQUÍN ORTEGA (coord.), Escenarios en la investigación regional, Zinacantepec, Mexico, El Colegio Mexiquense, 2010, p. 67-81, p. 70.
[36] Carlos Martínez Assad associe ce « positivismo oficialista » à la diffusion de la culture dite « universelle » et partant, à la centralité : le meilleur exemple en constitue le projet d’éducation nationale conduit par le ministre José Vasconcelos entre 1921 et 1924 : « El proyecto de Vasconcelos, basado en una cultura universal, pero enmarcado en el positivismo oficialista, cancelaba los diferentes ensayos educativos que se hacían en las regiones de México ». Ibid., p. 76.
[37] Voir R. Á. RENDÓN (comp.), op. cit., p. 71-72.
[38] Cet aspect est notable dans le premier volume de l’Historia general de Tabasco, publié en 1994, dans lequel Francisco Javier Santamaría est (assez longuement) évoqué comme le « fundador de la cultura tabasqueña » dans le chapitre intitulé « Itinerario de las aguas », consacré à la culture et aux arts. Le mandat de Noé de la Flor Casanova n’est pas non plus véritablement considéré comme un objet d’étude d’intérêt : son gouvernement n’est évoqué (dans le même chapitre) qu’à travers une (brève) citation élogieuse de José Vasconcelos, qui l’incluait « en aquel grupo de muchachos heroicos que dieron la vida al único intento democrático, producido en México, después de la muerte de Madero ». Álvaro RUIZ ABREU, María José RODILLA, « Itinerario de las aguas » in Rosa María Romo López (coord.), Historia General de Tabasco, 2 tomes, tome I, Villahermosa, Gobierno del Estado de Tabasco, 1994, p. 419-584, p. 426, p. 503-504.
[39] Sur ce point, voir l’analyse très compléte de R. URIBE INIESTA, art. cit. Il est important de préciser que cet article, publié au printemps 2011, omet de mentionner l’ouverture de la libraire universitaire de l’UJAT (Universidad Autónoma Juáez de Tabasco) le 7 décembre 2010 dans la calle 27 de febrero, au centre de la capitale. Celle-ci vient notamment s’ajouter à la librairie situé en annexe du Museo de Historia et nuance légèrement le constat très critique (mais juste) de l’auteur en ce qui concerne le très faible réseau de librairies dans la capitale et en dehors.
Résumé
Cet article explore le sens des politiques « culturelles » menées par les administrations successives de Noé de la Flor Casanova et Francisco Javier Santamaría, dans l’État de Tabasco, au Mexique, au cours de la période 1943-1952. En rétablissant la continuité de l’éloge de plusieurs générations d’historiens, de politiques, de naturalistes et d’écrivains, ces deux gouverneurs s’efforcèrent de recomposer un paysage institutionnel définitif pour leur État depuis sa capitale, Villahermosa, dont le paysage urbain fut partiellement reconfiguré. Les étapes de cette recomposition axée autour d’une conception particulière de l’histoire régionale sont retracées dans la première partie de cette communication qui laisse place, dans un second temps, à l’analyse des questions que suscitent encore aujourd’hui les traces laissées par ces deux administrations dans une historiographie encline à reléguer le paysage institutionnel qu’ils avaient esquissé à un passé singulièrement anachronique.
Resumen
Este artículo explora el sentido de las políticas “culturales” que promovieron los gobiernos de Noé de la Flor Casanova y Francisco Javier Santamaría en Tabasco durante el período 1943-1952. Al restablecer la continuidad del elogio de varias generaciones de historiadores, políticos, naturalistas y escritores tabasqueños, ambos gobernadores pretendieron recomponer un paisaje institucional definitivo para su estado desde su capital, Villahermosa, cuyo paisaje urbano quedó parcialmente reconfigurado. Las etapas de estas transformaciones articuladas en torno a una concepción particular de la historia regional se estudian en una primera parte. Se aborda en una segunda parte el problema de las pocas huellas que dejaron ambos gobiernos en la historiografía regional.
Raphaële PLU-JENVRIN
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