Les drames migratoires « ont coûté la vie à plus d’un millier de réfugiés et migrants en mer Égée en 2015 et 2016 » ; « Le 19 avril 2015, une embarcation transportant environ 900 migrants fait naufrage : environ 800 personnes sont mortes, c’est l’événement le plus meurtrier en Méditerranée depuis le début du XXIe siècle » ; « Nouveau naufrage de migrants à Mayotte, on ignore le nombre des personnes à bord ». Ces informations des journaux télévisés sont devenues presque banales. Pour tout le monde ? Aux côtés des bénévoles qui s’activent autour des migrants, des écrivains et écrivaines racontent et transfigurent à travers leur plume cette insoutenable réalité. Nous analyserons les modalités d’écriture et de narration de ces récits qui relatent les naufrages des migrants lors de leur traversée.
Mary Louise Pratt, dans son ouvrage Imperial eyes. Travel Writing and Transculturation, remarque la réapparition d’une littérature de survivance :
aux dix-septième et dix-huitième siècles, c’étaient les survivants qui racontaient des histoires d’échouage et de captivité, des récits de naufragés et d’autres du même genre, étaient ceux qui avaient providentiellement (le mot est important) survécu pour raconter. Par définition, ces histoires avaient toujours une fin heureuse […], les auteurs étaient les héros de leur propre histoire, leur nom apparaissait sur la couverture1.
Vers la fin des années 1990, ces histoires font à nouveau leur apparition, cette fois aux frontières de l’ancien monde avec des exilés qui tentent d’atteindre les métropoles. Faute de survivants, les histoires sont racontées par d’autres, et, selon Pratt, la narration est à la troisième personne. Tel est le roman La mer, le matin, de Margaret Mazzantini qui met en scène l’histoire d’une mère libyenne, Jamila, et de son fils, Farid, qui quittent le pays lors du soulèvement contre Kadhafi et en parallèle celle d’une mère italienne, Angelina, qui fait partie des Tripolini, des Italiens de Tripoli expulsés par Kadhafi en 1970, et de son fils Vito, né en Italie. Si son titre renvoie à une marine, une peinture de la mer, c’est que la mer y joue un rôle central en tant que frontière à traverser, épreuve à surmonter. Une traversée à haut risque où nous retrouvons les rituels de départ qui permettent au voyageur de se sentir en quelque sorte protégé : Jamila met une amulette autour du cou de l’enfant. La mère et son enfant devront traverser des frontières « naturelles », et d’abord le désert. C’est une traversée cauchemardesque pendant « [d]es kilomètres de silence, seulement le bruit rauque du moteur. C’est une scène de guerre, de toutes les guerres. Des êtres humains transbahutés comme du bétail »2. Une première expérience de passage de frontière qui les confronte d’emblée à la mort, sous l’image des cadavres gisants :
Ce sont tous des Noirs. Morts depuis quelques mois déjà. Avant la guerre. Leurs vêtements sont intacts, aucun projectile ne les a tués. Tout le monde sait qui ils sont. Ce sont les réfugiés du Mali, du Ghana, du Niger, que les caravaniers ont abandonnés au milieu du désert après les accords du Raïs avec l’Europe pour bloquer les flux migratoires des sans-espoir3.
La séquence non seulement fait l’économie de leur mort prochaine, mais montre aussi le caractère mortel des frontières artificielles, régies par des accords lointains qui « régulent » l’arrivée des migrants dans une Europe forteresse, dont la politique est basée sur le déni et l’exclusion. Après la traversée du désert, mère et fils se trouvent devant la mer que l’enfant voit pour la première fois avec appréhension, obligés de monter sur une embarcation rudimentaire. Mer et désert, deux endroits dangereux, un voyage vers l’inconnu et contre les éléments de la nature qui inspire la peur : à la question de l’enfant « Il va durer combien de temps, le voyage ? » la mère répond : « Pas très longtemps, juste le temps de chanter une petite berceuse. Jamila s’est mise à chanter avec sa voix de rossignol, elle siffle, elle imite le son de la zokra »4. Elle tente, par des sons familiers, une chanson, un instrument à vent, de rassurer l’enfant en ramenant l’inconnu vers le connu. Cette traversée est pourtant très éprouvante : soleil torride la journée et froid glacial la nuit, forte odeur de gasoil, manque d’eau et déshydratation ; et au milieu de la mer, aucun secours ne semble venir.
Dans la réapparition de la littérature de survivance, Pratt comprend aussi les histoires de mort et de sauvetage5, comme c’est le cas de L’opticien de Lampedusa d’Emma-Jane Kirby qui relate à la troisième personne, hormis dans le prologue et l’épilogue qui sont à la première personne, une histoire de sauvetage en mer, réalisé non pas par un secouriste professionnel mais par un homme ordinaire, un habitant de Lampedusa, qui se fait du souci pour la « survie » de son petit commerce et pour l’avenir de ses enfants et qui passe quelques jours de vacances sur un petit bateau de plaisance avec son épouse et deux couples d’amis. Un matin, ils sont réveillés par des cris, qu’ils prennent dans un premier temps pour des cris de mouettes, pour vite se rendre compte qu’il s’agit de cris d’exilés naufragés. On saisit évidemment le contraste entre la lutte pour la survie des exilés et celle de la boutique d’opticien, l’embarcation de fortune et le bateau de plaisance : « Ils sont trop nombreux. Beaucoup trop nombreux. Et je ne sais comment m’y prendre. Je ne suis qu’un opticien, pas un secouriste. Je suis un opticien et je suis en vacances »6. Et il continue :
Je ne sais comment vous décrire cette scène. Je ne souhaitais pas raconter cette histoire. Je m’étais promis de ne jamais la raconter. Ce n’est pas un conte de fées. Ils étaient trop nombreux. [...] Je les voyais. Je les vois toujours. Car ce n’est pas fini7.
Le temps continu (present continuous) ne souligne pas simplement la durée, mais aussi la perpétuation du drame. Par la prétérition, le personnage de l’opticien tente de dire l’indicible, l’indescriptible, mais aussi le choix qu’il devra faire :
Du sommet de la cabine, il jette un regard vers ses amis. Huit. Ils sont huit. Eux sont des vingtaines, peut-être des centaines. Ils n’ont qu’une bouée. Avant même de sauter sur le pont, l’opticien sait qu’il lui faudra choisir entre ceux qui pourront vivre et ceux qui devront mourir8.
C’est un choix moral lourd qu’il devra faire et qui lui pèse psychologiquement : « Du toit de la cabine, l’opticien sent sa vision vaciller »9. La vue liée à son métier auquel il s’identifie presque complètement – tout au long de la narration, c’est par son identité professionnelle qu’il est désigné – est bouleversée, ce qui fait l’économie de la manière dont il sera marqué à vie par ce sauvetage. Lui, un homme un peu hypocondriaque, qui n’aime pas trop le contact haptique ou l’odeur du corps, fait le geste envers l’Autre :
Je ressens encore la pression de la première main que j’ai saisie. L’empreinte des doigts scellés aux miens, le frottement de l’os contre l’os, la contraction des muscles et le sang affluant dans les veines du poignet. La force de cette emprise ! Ma main soudée à celle d’un étranger par un lien plus puissant, plus intime qu’un cordon ombilical10.
Ce qui l’amène à se demander qui sont ces personnes qui meurent en mer, d’où elles viennent et quelle est leur famille, qui est en train de perdre un proche. Et c’est là où nous pourrions ajouter un autre type de littérature de survivance, les histoires racontées par ceux qui restent au pays et qui racontent la perte d’un être cher. C’est le cas de l’écrivain comorien Sœuf Elbadawi et de son œuvre Un dhikri pour nos morts. La rage entre les dents. Afin de comprendre la situation géopolitique actuelle dans les Comores et Mayotte, un bref détour par l’Histoire, qui ne saurait pourtant être exhaustif, est nécessaire. L’archipel des îles Comores se situe géographiquement dans l’océan Indien au nord de Madagascar, près du canal de Mozambique. Il est composé de quatre îles : la Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte. Après le référendum de 1976, Mayotte obtient, en 1986, le statut de « collectivité territoriale de la République ». En 1994, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur du gouvernement Balladur, décide d’instaurer un visa aux Comoriens pour tout déplacement vers Mayotte – ce que même Jacques Foccard désapprouve11. Le visa concerne même les déplacements pour des questions de santé, de travail ou de visite à la famille, érigeant ainsi le tristement célèbre « mur Balladur ». Depuis, les Comoriens sont considérés comme des immigrés « clandestins » à Mayotte qu’ils tentent d’atteindre à bord d’embarcations de fortune et de barques, les kwasa kwasa. Les naufrages sont fréquents, faisant un grand nombre de morts. C’est par un dhikri, une invocation répétitive et rythmique du nom de Dieu dans l’islam soufi, qu’Elbadawi évoque la mort par noyade :
ouvrez bien l’oreille
retenez bien votre souffle
d’une rive à l’autre le désastre en partage
cette nuit ils ont annoncé la mort d’un des miens
mon cousin happé par la vague broyé par les flots
vorace l’océan s’est rappelé à nous comme à son habitude depuis qu’existe ce mur de haine12.
L’incipit donne le ton : d’emblée, le récit apparaît composé de blocs qui forment autant d’îles ou d’îlots textuels. Les fragments du récit entourés du blanc typographique sont à l’image des îles entourées de la mer. Des bribes de terre et un archipel déchiré reflétés par une écriture morcelée. Les fragments textuels font partie d’un tout, l’œuvre elle-même, à l’image de chacune des îles qui forment l’archipel. Tout au long du récit, des phrases courtes ou plus longues s’entrecoupent, s’entrechoquent et se juxtaposent souvent sans connecteur, ou bien elles sont brutalement interrompues. Elles « explosent ou implosent, fabriquent alors à l’intérieur d’elles-mêmes la fêlure »13 ; cette fragmentation du récit, mâtinée d’asyndètes, est une constante de l’écriture elbadawienne comme nous pouvons le constater dans ses courts récits Z is not dead ou Notes de Moustwafa S. sur la mort du citoyen Kader. C’est donc par une écriture morcelée qui oscille entre vers et récit, par l’alternance de phrases longues et brèves, parsemée de ruptures et d’interruptions ainsi que de blancs, que s’expriment à la fois l’intensité de la douleur du deuil et de la colère, l’indignation face à cette mort injuste, tout en rendant hommage aux morts en kwasa kwasa. Étymologiquement, le dhikri vient du mot arabe dhikr qui signifie le rappel, la mémoire, le souvenir. Il s’agit donc aussi de conserver la mémoire des morts et de ne pas permettre leur invisibilisation. Une autre constante de l’écriture elbadawienne est l’interpolation systématique de phrases ou de mots en shikomori, la langue des îles Comores : « nous n’avons rien demandé au Ciel imperturbable sauf Le droit de mourir en paix sur une terre de croyants Leo owenyi ulakini wasi zidukuni la nouvelle est rude »14, insistant ainsi sur l’origine des morts. Le narrateur s’indigne et dénonce l’indifférence face à ces « Oubliés du Land of Loose »15. Nathalie Carré remarque à juste titre que c’est aussi une « interrogation devant la tragédie que l’auteur transmet au travers d’une langue poétique, incantatoire, que l’entrelacement des langues – français, shikomori, langue du Livre et anglicismes amers » ainsi que des néologismes16 mettent en valeur. Tout en prononçant ces « Quatre-vingt-dix-huit noms qui s’épellent comme autant de lames traversant ce corps d’insularité qui est nôtre »17 : cette image de corps déchiqueté renvoie également à la célèbre métaphore du président Abdallah présentant l’archipel des Comores et de Mayotte comme une vache à trois pattes. Elbadawi, dans son article Archipel en décomposition ? parle tour à tour de « dépeceurs de vaches », de « démembrement de la bête », voire de la « mort de la bête »18. À l’instar de cette image, le récit, composé de débris, de fragments et de séparations, aborde l’écartèlement du territoire tout en évoquant par le nombre, la lourde perte. C’est un autre décompte, celui des survivants que se voit faire l’opticien qui
n’a aucune idée du nombre de personnes actuellement à bord du Galata. Il sait seulement qu’ils sont beaucoup trop nombreux. De son poste d’observation, il les compte rapidement. Un, deux, trois, dix… vingt… trente-cinq… quarante-six. Quarante-six hommes et une femme. Plus eux huit. Cela fait un total de cinquante-cinq. Cinquante-cinq personnes sur un bateau prévu pour dix maximum19.
Confronté au choix moral qu’il craignait, il doit arrêter le sauvetage, alors qu’un survivant lui apprend qu’un autre bateau était passé à côté d’eux sans s’arrêter, tout comme le bateau que Jamila et son fils, au bord de la mort, voient de loin :
Tandis que Farid se meurt, Jamila continue à le serrer contre elle, à chanter. Elle ne veut pas que les autres s’en aperçoivent, maintenant ils sont sans pitié. Elle a vu les corps qu’on jetait à la mer. [...] La seule chose qui la terrorisait à présent, c’était l’idée de mourir avant son enfant, de le laisser tomber de ses bras. De lui faire éprouver la grande solitude de la mer. Le cœur noir20.
Leur mort ne sera pas narrée, mais suggérée par un petit sac de cuir que Vito trouve sur la côte et dont Angelina « sait que c’est un porte-bonheur. Que les mères du Sahara les préparent [...] et qu’elles les mettent au cou de leurs enfants pour conjurer le mauvais œil de la mort »21. De son côté, l’opticien cherche à voir les cadavres « de ses propres yeux. Il se sent responsable de ces êtres dont il a effleuré la vie »22 ; et il se demande : « Qui sont-ils tous ? […] De leur vivant ces personnes étaient privées d’avenir, et dans la mort d’une identité »23. Comme le remarque Normand Doiron, « la mer engloutit sans donner de lieu à la mort, ne laisse ni cadavre ni mémoire »24. Et c’est justement cette mémoire, comme nous l’avons vu, que veut honorer Elbadawi: « Un dernier hommage à ces morts en invoquant son nom autant de fois qu’il y eut des victimes en ces eaux Un dhikri de rage l’illusion en moins »25, ce qui évoque le monologue et le langage parlé, rappelant les origines de la genèse du texte. En effet, l’œuvre a été d’abord représentée sur scène sous forme de pièce de théâtre, interprétée par Elbadawi lui-même ; elle a été retravaillée et publiée ensuite sous forme de récit. Le discours se veut en apparence incohérent, entre incantation et cri de colère. C’est aussi de l’indignation que ressent l’opticien quand il voit des policiers attendre les exilés au port avec des pistolets et des matraques, comme s’ils étaient des criminels. Il est pris d’un haut-le-cœur apercevant les cloques gonflées que sont les doigts d’une exilée qui les a brûlés afin de ne plus avoir d’empreintes digitales. C’est à travers sa focalisation, ses discussions avec un exilé au centre d’accueil, le fossoyeur du cimetière, que se construit la narration du parcours des exilés. Le plongeur qui a sorti de la mer les cadavres des migrants lui raconte :
Presque deux cents, dit-il en tirant une bouffée sur sa cigarette. J’ai l’habitude de voir des horreurs… Mais ça ? [...] Lorsque mon binôme de plongée a tiré sur son bras pour dégager son corps, celui-ci s’est déployé, amenant avec lui une ribambelle d’autres corps, tous joints par les mains. C’est comme s’ils étaient devenus un seul corps gigantesque, continue le plongeur. Comme une guirlande en papier26.
Le texte original emploie la métaphore d’une guirlande de Noël : le contraste entre un moment festif et la description des cadavres enlacés dans une ultime étreinte met l’accent sur le tragique voire l’insoutenable des conditions de mort des migrants. Sur internet, l’opticien apprend l’histoire de l’Érythrée et de sa dictature sanglante, la traversée du désert et les horribles sévices que subissent les exilés. Cette démarche de reconstruction de leur parcours aboutit à une prise de conscience, d’abord de son indifférence d’avant :
L’opticien sait qu’avant cette funeste matinée des mains suppliantes étaient déjà visibles autour de lui. Au centre d’accueil. Sur les marches de l’église. Au bord de la route où il faisait son jogging. Ces mains l’appelaient dans les journaux qu’il jetait, ces mains jaillissaient sur l’écran de télévision qu’il éteignait. Elles ont toujours été dans son champ de vision. Pourtant, il choisissait de ne pas les voir27.
Il est dérouté, bouleversé par l’expérience de sauvetage :
Il avait toujours su où il allait. Depuis ce jour, il a la sensation que ses certitudes ont volé en éclats. Comme si une part de lui-même était restée là-bas, avec ceux qu’ils n’ont pas pu sauver. [...] Des souvenirs troubles refont surface, des nuées de détails lui réapparaissent. Il pense à tous ces naufrages survenus au large de Lampedusa. Jamais il n’y avait prêté attention. La semaine dernière encore, il se revoit éteindre la radio en entendant parler d’exilés noyés au large des côtes siciliennes28.
Dévoré par la culpabilité, il se rend compte du déni de réalité des exilés et par là, de leur exclusion. Pourtant
[e]n les tirant hors de l’eau, lui aussi est revenu à la vie. […] Lorsqu’il a plongé son regard dans leurs yeux hallucinés, entre la vie et la mort, il n’a pas vu des étrangers. Il a reconnu leur détresse. Il a compris. Comme s’il ouvrait les yeux pour la première fois29.
L’isotopie de l’œil et de la vision, dans les passages cités, souligne le bouleversement et la remise en question de son identité même. Il décide de ne plus rester « un simple spectateur » :
J’étais en mer ce jour-là. Demain, je serai en mer de nouveau. Cela arrivera encore, un autre jour, un autre bateau. Il y aura davantage de mains, de corps battant l’eau, de voix suppliantes. Désormais, chaque fois que je prends la mer, je les cherche. Je guette, le souffle court, les yeux rivés sur le frémissement de l’eau, sur l’ombre des vagues30.
Et la première personne qui revient met l’accent sur sa résolution et son engagement et met le lecteur face à ses propres responsabilités. C’est par la mise en dialogue des deux voyages distancés chronologiquement que l’œuvre La mer, le matin tente de sensibiliser le narrataire. Angelina raconte à son fils sa propre traversée, « comment on les avait chassés, le fusil sur les reins, en les poussant dans le dos. […] Nos maisons dans une valise. Sortir de sa coquille pour courir, fuir »31. En mettant en scène les réfugiés italiens, la narration montre « les destins croisés des deux pays »32, l’Italie et la Libye, et fait le lien avec les réfugiés d’aujourd’hui afin de faire prendre conscience de la douleur humaine et d’interpeller le lecteur italien. Le dhikri interroge également la conscience du narrataire. Le narrateur ressent le devoir et la responsabilité de témoigner pour son peuple et d’interpeller ses compatriotes ainsi que le reste du monde : « Nous sommes à terre Atteints par le remords de l’inaction […] Jusqu’à quand allons-nous regarder. Ceux qui s’enfoncent sous l’eau La rage entre les dents sans rien opposer à l’Impensable ». Il tente d’éveiller les consciences : « les hommes meurent mais les Consciences sont debout à l’entrée du cimetière »33. Cette tragédie n’est cependant pas médiatisée. Le drame du peuple comorien et des immigrés « clandestins » se déroule dans un silence assourdissant. Ce silence est représenté au niveau discursif par les blancs typographiques, les allusions, les demi-mots, les non-dits des phrases interrompues et laissées en suspens. Pascal Quignard considère que « [l]e blanc est assimilé le plus couramment à une sorte de silence par soi indéterminé et partant, capable de recevoir n’importe quelle détermination »34. Certes, le blanc typographique peut effectivement être l’objet de multiples interprétations abusives ; il tient toutefois une place essentielle dans l’écriture fragmentaire. Dans l’œuvre elbadawienne, les blancs typographiques représentent bel et bien le silence : un silence polysémique et pluriel. D’abord, le silence des autorités comoriennes et du peuple comorien lui-même face à ce drame, du « Monde des Taiseux » :
[ici] en cette terre des hommes meurent tués par la Puissance dévastatrice sans avoir eux-mêmes commis de crime Ils meurent en mer sous le regard bègue de leurs semblables et puis l’Oubli [blanc typographique sur le reste de la page]35.
Le silence et l’indifférence également de la « communauté internationale » pour des événements tragiques qui ont lieu sous les « spotlights éteints du vaste monde [blanc typographique] ». Ces espaces muets représentent aussi « une étendue de surface détruite »36 à l’image de l’archipel. Par ailleurs, comme le remarque Maud Perrioux les ellipses « allègent ce que le développement pourrait avoir de trop démonstratif ou de trop descriptif. Elles relèvent d’une entreprise d’épuration »37. Ainsi les silences des blancs typographiques permettent de ne pas tomber dans le pathos, d’exprimer le deuil avec dignité et de décharger la tension de la colère. D’autres formes du non-dit, les allusions, les insinuations, sont mises en place pour dénoncer la colonisation « des Puissances dévastatrices depuis un matin de 1841 », l’intervention des mercenaires dans la vie politique d’un pays indépendant, « des chiens de garde spécialement dépêchés depuis la lointaine République de Paris », et pour désigner les responsables des naufrages et des noyades des immigrés « clandestins » :
ce mur dont je vous parle Érigé en nos eaux par la lointaine République de Paris est le résultat d’une politique de désespérance remontant aux premiers émois de la colonie Dans cinq siècles on en paiera encore la facture38.
Le fragment, la parole coupée, l’allusion et l’ironie désignent implicitement les responsables qui ne peuvent être montrés explicitement : « [l]’ennemi héréditaire dont on ne cite jamais le nom [par peur de sombrer dans l’extrémisme] »39. Cependant, ailleurs, la fragmentation, les lettres en italique, le changement de taille de police de caractère au sein des phrases voire des mots rendent compte du cri de colère et de désespoir face à l’injustice et de l’impuissance :
vérités de vaincus sous vide
vérités quand même40
Les silences et les interruptions renvoient également au processus de réflexion. En effet, Pascal Quignard admet que « la discontinuité de l’opération de penser est réelle »41. Les arrêts et les reprises, les répétitions, l’expression de la douleur et de la colère ressenties évoquent le flux désordonné des pensées, sous l’emprise des affects. Ils sonnent aussi comme un cri de révolte face au fait qu’on parle de « flux migratoires », alors qu’il s’agit d’humains. Les naufragés des kwasa kwasa, ces citoyens d’un des pays les plus pauvres au monde, hommes et femmes « de couleur » essayant de fuir la misère et l’instabilité politique chronique, sont des subalternes, dans le sens spivakien. Elbadawi tente d’en restituer les résidus, les fragments de voix à travers son écriture fragmentaire elle-même et discontinue, dépourvue de ponctuation : « Disons que je repense aux cris sourds qui s’échappent désormais D’une île à l’autre Au rythme des naufrages de kwasa la nuit tombée »42. À ces morts, condamnés au silence à jamais, à ces subalternes du monde postcolonial, le narrateur souhaite restituer leur identité – « ce vaste océan des mers du Sud ne taira pas leurs noms pour autant »43 – et relater leur histoire. Aux antipodes du discours dominant qui est déshumanisant, Vito cloue sur une toile des objets appartenant aux exilés que la mer a déversés sur la côte : « La page d’un journal intime écrite en arabe, la manche d’une chemise, le bras d’une poupée. […] Vito a recueilli la mémoire. D’un bidon de fer bleu, d’une chaussure »44. Il commémore donc les morts, il leur rend hommage mais il est là aussi pour raconter ce qu’il a vu, car
[il] les a vus, ces gros bateaux remplis de gens malodorants comme des bidons de détritus. Les jeunes d’Afrique du Nord, ceux qui reviennent de la guerre, des camps de réfugiés, et ceux qui se sont incrustés. Il a vu leurs yeux hallucinés, les enfants survivants qui passaient, les crises d’hypothermie. Les couvertures d’argent. Il a vu la peur de la mer et la peur de la terre. [...] Il a vu l’humiliation. [...] Les dos des jeunes contre un mur, les militaires qui leur prenaient leurs lacets et leurs ceintures. Il a vu la lutte pour leur venir en aide, les vêtements trouvés pour les enfants, les dons collectés par des pauvres dans une colère noire, [...]. Il a vu le ras-le-bol, la peur des épidémies. Les gens protester, empêcher l’accès aux môles, aux pontons. [...] La colère des pauvres contre les autres pauvres. [...] le monde ne devrait pas avoir besoin de martyrs, seulement d’une plus grande égalité45.
La réitération du segment « il a vu » fait de Vito un témoin oculaire qui est là pour dire ce qui s’est passé tout en portant un jugement sur sa société. Dans le texte original, il n’est pas simplement question d’une plus grande égalité, mais d’une « meilleure répartition », ce qui renvoie à la répartition des richesses complètement disproportionnée du monde postcolonial. Voir sa propre société d’un autre œil, c’est aussi le cas de l’opticien qui, après la lecture d’un article sur la brutalité du régime érythréen, voyant des carabinieri partout s’interroge : « Lampedusa n’est-elle pas devenue un maudit État policier ? Partout sur l’île, on est accueilli par des uniformes, des matraques et des pistolets »46. Il dénonce ainsi la politique d’intimidation et la violence exercée sur les migrants par les autorités étatiques, secondée par un discours d’hystérie sécuritaire.
Pour conclure, nous pouvons constater qu’au niveau narratif, la relation de la traversée, du déplacement exilique reprend certains termes du récit de survivance d’antan : l’appréhension de l’inconnu, les risques du voyage, la lutte contre les éléments de la nature, le voyage difficile semé de dangers. Cependant, d’une part tout le voyage devient une traversée de frontières, et d’autre part, le récit acquiert une valeur de témoignage qui introduit une éthopée et, par extension, la critique des sociétés contemporaines, à travers la focalisation sur personnage, l’effet de miroir issu de l’entrecroisement des récits ou l’écriture fragmentaire. Par ailleurs, le troisième type nouveau de la littérature de survivance, celui qui est narré au travers de la focalisation des personnes qui demeurent sur place, opère un décentrement des lieux de la narration. Le lieu de départ devient central et, par conséquent, le point de vue du sujet postcolonial aussi, contribuant ainsi à son émancipation intellectuelle et faisant du voyage exilique un voyage centrifuge.
[1] Mary Louise PRATT, Imperial eyes. Travel writing and Transculturation, Londres-New York, Routledge, 2007, p. 240 (notre traduction).
[2] Margaret MAZZANTINI, La mer, le matin, Delphine GACHET (trad.), Paris, Robert Laffont, 2012, « 10/18 », 2014, p. 23 ; « Chilometri di silenzio, solo il rauco motore. È una scena di guerra, di ogni guerra. Umanità deportata come bestiame », Mare al matino, Torino, Einaudi, 2011, p. 22.
[3] Ibid., p. 24. « Sono tutti negri. Morti già da qualche mese. Prima della guerra. I vestiti sono intatti, nessun proiettile li ha trapassati. Tutti sanno di cosa si tratta, sono i profughi del Mali, del Ghana, del Niger, abbandonati nel deserto dai carovanieri dopo gli accordi europei del rais per bloccare i flussi migratori dei disperati », op. cit., p. 23.
[4] Ibid., p. 29. « Quanto durerà il viaggio? […] Poco, il tempo di una ninna nanna. Jamila ha iniziato a cantare con la sua gola da usignolo, fischia, simula il soffio della zukra », op. cit., p. 27.
[5] M. L. PRATT, op. cit.
[6] Emma-Jane KIRBY, L’Opticien de Lampedusa, Mathias MÉZARD (trad.), Paris, Équateurs, 2016, « J’ai lu », 2017, p. 10 ; The optician of Lampedusa, Londres, Penguin Books Ltd, 2017. « There are too many of them. Too many of them and I don’t know how to do this. I’m an optician; I’m not a lifesaver. I’m an optician and I’m on holiday », op. cit., p. 8.
[7] Ibid., p. 11, « I never wanted to tell you this story. I promised myself I would never tell this story again because it’s not a fairy tale. There were just too many of them. […] But I was there and I saw them. I still see them. Because it’s still happening », op. cit., p. 11.
[8] Ibid., p. 43, « He glanced down at his friends on deck. Eight. There were eight of them and there were scores, no, hundreds of people in the water. And they had just one rubber ring. Even before he jumped down from the cabin and back onto the deck, the optician had understood that he would have to choose who would live and who would die », op. cit., p. 40.
[9] Ibid., p. 42, « Standing high above the water level on the cabin roof, his arm still outstretched, the optician saw the black dots come into focus », op. cit., p. 39.
[10] Ibid., p. 10, « I can still feel the fingers of that first hand I seized. How they cemented into mine, bone grinding against bone, how they clamped down with such a grip that I saw the sinuous veins of the wrist pounding. The force of that hold! My hand in a stranger’s hand, in a bond stronger and more intimate than an umbilical cord », op. cit., p. 10.
[11] Pierre CAMINADE, Comores – Mayotte : une histoire néocoloniale, coéd. Paris, Survie / Marseille, Agone, coll. Dossiers Noirs, 2010, p. 55-57.
[12] Sœuf ELBADAWI, Un dikhri pour nos morts. La rage entre les dents, La Roque d’Anthéron, Vents d’Ailleurs, 2013, p. 7.
[13] Florence DELAY, Petites formes en prose après Edison, Paris, Fayard, 2001, p 75.
[14] S. ELBADAWI, op. cit., p. 8.
[15] Ibid., p. 18.
[16] Nathalie CARRÉ, « Un dikhri pour nos morts. La rage entre les dents de Sœuf Elbadawi », Africultures, 21 juillet 2013.
[17] Ibid., p. 8.
[18] S. ELBADAWI, « Archipel en décomposition ? » Maandzish. Petites histoires comoriennes, n°3, Moroni, Komedit, 2003, p. 64-77.
[19] E.-J. KIRBY, op. cit., p. 57, « had no idea how many people were on board Galata now, but he knew it was too many. From his vantage point he did a rapid head count. One, two, twenty… forty-six men and one woman. Plus eight crew. That meant there were fifty-five of them. Fifty-five on a boat built for a maximum of ten », op. cit., p. 53.
[20] M. MAZZANTINI, op. cit., p. 109, « Mentre Farid muore, Jamila continua a stringerlo, a cantare. Non vuole che gli altri se ne accorgano, ormai sono cattivi. Ha visto i corpi buttati in mare. […] Il terrore ormai era solo quello, morire prima del bambino, lasciarselo cadere dalle braccia. Fargli sentire la grande solitudine del mare. Il cuore nero », op. cit., p. 105.
[21] Ibid., p 116 ,« Sa che è un portafortuna. Che le madri del Sahara li preparano […] li mettono al collo dei bambini per scacciare gli occhi cattivi della morte », op. cit., p. 112.
[22] E.-J. KIRBY, op. cit., p. 89,« But he had to see. He felt responsible », op. cit., p. 84.
[23] Ibid., p 93, « Who were they all? […] In life they had been robbed of a future and in death they’d been robbed of an identity », op. cit., p. 88.
[24] Normand DOIRON, L’Art de voyager : le déplacement à l’époque classique, Paris, Klincksieck, 1995, p 167.
[25] S. ELBADAWI, op. cit., p. 18.
[26] E.-J. KIRBY, op. cit., p. 91-92, « “Nearly 200 now”, he said and took a drag on his cigarette. “I’m used to seeing horrors… but this? […] When his buddy had yanked her arm to free her body, she had concertinated and then sprung back, bringing with her a string of other bodies all joined at the hands. It was as if they’d become one giant singular entity, the diver said. Like a Christmas paper chain », op. cit., p. 86-87.
[27] Ibid., p. 89, « But he could not ignore the fact that the waving hands had always been visible to him. They had waved in the water, yes, but they had also waved from the reception centre, from the church steps and from the roadside where he had jogged past them, blindly. They had waved from the newspaper columns and from the television screens where he had filtered them out and switched them off. They had always been in his line of vision and he had chosen not to see them », op. cit., p. 84.
[28] Ibid., p 68, « He had always been a man who had been pretty confident about where he was going, pretty sure of himself and his decisions. Now he felt that same unnerving splintered feeling he’d sensed on the sad journey back to port. It was as if he’d left a part of himself back in the waves with those he had not been able to save. […] His brain started racing, his memory bringing to the surface vague and filmy layers of detail about all the other shipwrecks he knew had already occurred off Lampedusa’s coast. He remembered switching off the radio last week when they’d talked about migrants drowning off the coast of Sicily », op. cit., p. 64.
[29] Ibid., p 131, « when their hands had locked into his, it wasn’t just them who had been pulled back into life. […] He had stared into their eyes, which were rolling on the very cusp between life and death and he had not seen strangers. He had recognized their need and he had understood. He had begun to see », op. cit., p. 126.
[30] Ibid., p 154, « I was on the sea that day. And I don’t rule out that it could be me on the sea again tomorrow. There will be another time, another boat. There will be more hands, more bodies thrashing, more voices begging. Every time I am on the sea now, I’m searching for them, scouring, breathless », op. cit., p. 149.
[31] M. MAZZANTINI, op. cit., p. 53, « la cacciata, i fucili addosso, spinti nella schiena. […] Le nostre case dentro una valigia. Uscire dal guscio per correre, scappare », op. cit., p.52.
[32] Adriano SOFRI, « Libia, Italia, migrantie ‘Tripolini’ le vite dimenticate della nostra storia », La Repubblica, 17/11/2011, p. 47.
[33] S. ELBADAWI, op. cit., p. 16-17, 70.
[34] Pascal QUIGNARD, Une gêne technique à l’égard des fragments. Essai sur Jean de La Bruyère, Galilée, 2005, p. 57-58.
[35] S. ELBADAWI, op. cit., p. 20.
[36] Jacques DERRIDA, La Carte postale, Paris, Flammarion, coll. La philosophie en effet, 2004, p. 8-9.
[37] Maud PERRIOUX, « Une esthétique du fragment. Écrire pour retenir et pour laisser », in Olivier HAMBURSIN (dir.), Récits du dernier siècle des voyages. De Victor Segalen à Nicolas Bouvier, Paris, Presses de l’Université Paris Sorbonne, 2005, p. 239-252, p. 243.
[38] S. ELBADAWI, op. cit., p. 22
[39] Ibid., p. 28.
[40] Ibid.
[41] P. QUIGNARD, op cit., p. 31.
[42] S. ELBADAWI, op cit., p. 56.
[43] Ibid., p. 29.
[44] M. MAZZANTINI, op. cit., p. 114, 116, « La pagina di un diario scritto in arabo, la manica di una camicia, il braccio di una bambola. […] Vito ha raccolto la memoria. Di una tanica blu, di una scarpa », op. cit., p. 110, 112.
[45] Ibid., p 111, « Li ha visti quei barconi carichi e puzzolenti come barattoli di sgombro. I ragazzi del Nord Africa, i reduci dalle guerre, dai campi profughi, e gli imbucati. Ha visto gli occhi allucinati, il passaggio dei bambini sopravvissuti, le crisi di ipotermia. Le coperte d’argento. Ha visto la paura del mare e la paura della terra. […] Ha visto il degrado […] Le schiene dei ragazzi contro un muro, i militari che gli toglievano i lacci delle scarpe e le cinture. Ha visto la gara degli aiuti, i panni trovati per i bambini, le collette dei poveri davvero incazzati, […] Ha visto la saturazione, la paura delle epidemie. La gente protestare, bloccare i moli, gli approdi. […] La rabbia dei poveri contro gli altri poveri. […] il mondo non dovrebbe avere bisogno di martiri, solo di una ripartizione migliore », op. cit., p. 109.
[46] E.-J. KIRBY, op. cit., p. 89, « Lampedusa had started to look like a damned police state itself. Everywhere you went these days on the island, you were greeted with uniforms, truncheons and guns », op. cit., p. 84.
Résumé
Nous assistons actuellement à la réapparition de la littérature de survivance des XVIIe et XVIIIe siècles. L’évolution de l’écriture, de la narration ainsi que de la typologie de cette nouvelle écriture de survivance est étudiée à travers les œuvres Un dikhri pour nos morts. La rage entre les dents de l’écrivain comorien Sœuf Elbadawi, L’opticien de Lampedusa de l’écrivaine britannique Emma-Jane Kirby et La mer, le matin de l’écrivaine italienne Margaret Mazzantini.
Abstract
We are currently witnessing the reappearance of the surviving literature of the 17th and 18th centuries. The evolution of the writing, the narration and the typology of this new survival writing is studied through the works A dikhri for our dead. The rage between the teeth by the Comorian writer Sœuf Elbadawi, The optician of Lampedusa by the British writer Emma-Jane Kirby and Morning Sea by the Italian writer Margaret Mazzantini.
Karolina KATSIKA
Université de Bourgogne Franche-Comté, CRIT EA3224
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–, Un dikhri pour nos morts. La rage entre les dents, La Roque d’Anthéron, Vents d’Ailleurs, 2013.
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