Dans mon village, les vieux nous avaient maintes fois raconté la mer, et de mille façons différentes. Certains la comparaient à l’immensité du ciel : un ciel d’eau écumant au-dessus de forêts infinies, impénétrables, peuplées de fantômes et de monstres féroces. D’autres affirmaient qu’elle était encore plus étendue que les fleuves, les lacs, les étangs et tous les ruisseaux de la terre assemblés. Quant aux savants de la grand-place, unanimes sur la question, ils attestaient que Dieu tenait cette eau en réserve afin de nettoyer la Terre de ses pécheurs au jour du Jugement dernier1.
Et pourtant, « partir. Le plus loin possible. À tout jamais »2, voilà le vœu des jeunes gens prêts à affronter le détroit de Gibraltar dans une barque, vers l’Espagne et l’Europe, dans Cannibales, le roman du Marocain Mahi Binebine. L’actualité semble remplie de ces départs, et pourtant rien n’est plus ancien : les réfugiés qui arrivent par la mer à la recherche d’une vie meilleure se trouvent déjà dans l’Énéide ou dans Les Suppliantes d’Eschyle. Et les pays que l’on quitte autant que ceux que l’on tente de gagner sont nombreux, au point que les émigrants s’entrecroisent. Les histoires se répondent, comme celle de Farid et de sa mère, qui quittent la Libye de Kadhafi pour tenter de gagner l’Italie, dans La mer, le matin, de Margaret Mazzantini. Cette Europe que les uns rallient, les autres la fuient, comme les paysans de Sicile que peint Leonardo Sciascia dans « Le grand Voyage », payant très cher leur passage clandestin en direction de l’Amérique. De même, Rose-Aimée quitte son île, que Maryse Condé appelle avec une sinistre ironie Haïti chérie, d’après une chanson bien connue – ce roman « pour la jeunesse » ayant été réédité sous le titre plus évident de Rêves amers dix ans plus tard ; une Haïti si chérie qu’Amédée, dans Passages d’Émile Ollivier, construit un bateau pour la quitter, en tentant la traversée vers les États-Unis. C’est pourtant vers Haïti, curieusement, que partent les émigrants chinois, dans Ceux qu’on jette à la mer, de Carl de Souza – tandis que de probables Vietnamiens quittent leur pays dans Le Bateau de Nam Le pour une destination inconnue, vers la terre ferme. Ces œuvres de fiction ont paru entre 1966 et 2011 ; nul doute qu’une nouvelle floraison ne s’annonce et ne vienne varier les parcours au gré des mouvements de l’histoire, sans toutefois en modifier radicalement le fond.
Partir, donc : certains ont un but précis, mais suffisamment vague ou inconnu pour qu’il reste plutôt théorique. Si on peut (dans les années 60) escroquer de pauvres Siciliens qui pensent en onze jours avoir effectué la traversée, c’est que leur Amérique est avant tout l’exact contraire de ce qu’ils quittent. En réalité leur voyage est centrifuge parce qu’il les éloigne d’une terre qui ne les porte plus. Le récit de leurs traversées est souvent poignant, car il dévoile les souffrances endurées pour ce qui ne peut porter le nom d’aventures. Leur « passage », quoique souvent misérable, ne se fait plus dans le « middle passage » qui éloignait les esclaves de leur terre, contre leur volonté : ces voyageurs ont payé cher pour prendre un bateau réputé dangereux, à la navigation plus qu’incertaine. Ce n’est pas un voyage, au moins pas dans le sens ordinaire du terme, car le voyage lui-même ne les intéresse pas ; les émigrants sont, dans le bateau, ailleurs, au-delà, nulle part, sans avoir la certitude d’être jamais vraiment arrivés un jour. Le voyage, qui dans d’autres circonstances, peut être goûté pour ses propres attraits, est là un temps aveugle, un passage dans un tunnel obscur. Dans cette façon de jouer à la roulette russe, le désespoir les meut, et le voyage n’est que le moyen incertain de parvenir à déjouer le sort funeste que leur réserve une patrie négligente.
Dans Exile and the Narrative Imagination, Michael Seidel définit l’exilé ainsi : « L’exilé est quelqu’un qui habite un endroit et se rappelle ou projette la réalité d’un autre »3. C’est aussi quelqu’un qui se conçoit comme provisoirement ailleurs, ou doué d’une forme d’ubiquité mentale. Situation d’écartèlement qui, selon Edward Said, ne doit pas nécessairement se transformer en une assimilation servile à la culture d’adoption.
Il y a également le sentiment d’une dissonance engendrée par la séparation, la distance, la dispersion, les années de perte et de désorientation – et, c’est tout aussi important, le sentiment précaire de l’expression qui fait que ce que les gens « normaux » trouvent naturel et facile exige de l’exilé qu’il investisse une réflexion, un effort et une énergie intellectuelle presque excessifs dans une restauration, une réitération et une affirmation minées par le doute et l’absurdité4.
En effet, pour Said, l’assimilation pure et simple serait une tentation pernicieuse :
Il me semble que la plus grande difficulté à surmonter est la tentation d’une contre-conversion, le désir de trouver un système, un territoire ou une allégeance nouveaux pour remplacer ce qui a été perdu, de penser en termes de panacées et de visions nouvelles, plus complètes, qui démantèlent tout simplement la complexité, la différence et la contradiction. Alors que, selon moi, la tâche critique de l’exilé est de rester d’une certaine façon sceptique et toujours méfiant5.
Cette rationalité reste souvent hors de question. Dans les textes qui présentent des émigrants clandestins, la situation décrite pour les exilés – s’installer, s’adapter, bâtir une nouvelle vie – n’est même pas encore envisageable. Les textes se situent bien avant, dans cette suspension entre deux espaces où les émigrants ne connaissent que ce qu’ils quittent et, pratiquement, n’ont connaissance que des lieux devenus invivables qu’ils laissent derrière eux en partant. Ainsi la jeune Rose-Aimée de Maryse Condé, totalement ignorante, maltraitée par ses patrons, qui décide de partir « pour Miami où, à n’en pas douter, la vie aurait un autre goût »6.
En réalité, personne ne sait réellement ce qu’il y a au bout de la traversée : le rêve est bien sûr modelé en creux par le pays et la situation abandonnés. Dans son mouvement vers l’ailleurs, l’expatrié n’est pas aussi pressé d’arriver dans un autre territoire qu’acharné à quitter le sien. Projeté par cette force qui l’arrache à son pays, il est rejeté au loin sans maîtriser réellement sa trajectoire. Pour une petite « restavek »7 qui travaille en fait comme une esclave domestique (sans scolarisation, avec pour seul salaire un peu de nourriture et un toit, et des gifles pour accélérer le mouvement), la fuite et l’exil paraissent la seule et dernière issue pour échapper à une situation intenable. Son amie Lisa a des illusions plus précises.
Lisa disait qu’à Miami, comme dans le reste des USA, les maisons s’étageaient les unes sur les autres jusqu’à toucher le ciel. Dans chacune d’entre elles, la télévision, l’électricité, l’eau courante. Elle répétait surtout que le travail n’y manquait pas et que les Américains acceptaient bien qu’on aille à leur école. C’est vrai !
Rose-Aimée avait entendu un tout autre discours. […]
– Si vous voulez savoir ce qu’il y a dans le ventre de la misère, c’est aux USA qu’il faut aller. Là, les Blancs tuent les Noirs comme des lapins. Ils leur tirent dessus. Ils les frappent à coup de barre de fer. Ah ! oui, vous voulez aller en Amérique ! Allez-y et revenez dire ce que vous y avez trouvé…8
L’écartèlement entre la réalité et l’espoir va pousser les fugitifs à tenter le départ, malgré les incertitudes, du fait qu’ils n’ont, pensent-ils, rien à perdre – même s’ils se doutent, comme le sait pertinemment Amédée dans le roman Passages d’Émile Ollivier, que partir faire la zaffra à Cuba ou creuser le canal de Panama n’illustre pas l’idéal d’un avenir radieux9. C’est l’exemple d’autres départs avant le leur qui les décide – même s’ils savent, comme Rose-Aimée, que le frère parti en République dominicaine n’en est jamais revenu, et que ce n’est vraisemblablement pas bon signe ; que l’oncle d’Amérique sur lequel compte Lisa sera bien difficile à trouver ; qu’en réalité personne ne les attend. Dans la nouvelle de Leonardo Sciascia, les Siciliens affichent le même optimisme aveugle aux indices de réalité.
Ils passeraient donc la mer, cette grande mer sombre ; et ils aborderaient aux stori et aux farme de l’Amérique ; à l’affection de leurs frères, oncles, neveux, cousins ; aux riches, chaudes, vastes maisons, aux automobiles grandes comme ces maisons. […] Le rêve d’Amérique débordait de dollars : non plus d’argent bien conservé dans des portefeuilles ou dissimulé entre peau et chemise, mais en vrac dans les poches des pantalons et pris dans ces poches à poignées : avec insouciance […]10.
Or, dans Ceux qu’on jette à la mer, le but officiel du voyage – fort lointain – est Haïti. Le capitaine en second doit rendre des comptes aux autorités à la première escale. « Ils nous ont posé des questions, on n’avait pas de réponse, enfin pas de vraie. Yap a dit qu’on se rendait à Haïti, ce n’était pas facile à expliquer en anglais, personne, jamais, ne va à Haïti, qu’on nous a répondu »11.
« Plutôt la mort que cette vie, l’échine courbée, cette vie mouvement gratuit, somme nulle »12 se disent, eux, les Haïtiens dans Passages. De fait, c’est l’image de rêve de l’ailleurs plus beau, plus riche, plus sûr, mûri longuement, qui motive soudain le départ de façon pulsionnelle. Cette fantasmagorie est transmise aux pauvres de Cannibales, de Mahi Binebine, par la télévision, mais plus efficacement encore par les vantardises de ceux qui sont allés en France – et, accessoirement, s’en sont parfois fait expulser (fanfaronnades comme on en trouve aussi dans la bouche de « l’homme de Barbès » dans Le Ventre de l’Atlantique de Fatou Diome). Mais la structure du récit est ainsi conçue que si Cannibales s’ouvre sur les préparatifs nocturnes du passeur, l’essentiel de la narration est rétrospectif et reprend l’histoire de chacun des candidats à l’évasion. Aucun avenir n’est clairement dessiné, la structure du roman tisse des récits d’impasses – mais peut-être finalement encore supportables, si l’on y songe. Même la perspective, pour une jeune femme étreignant son nourrisson, de rejoindre l’époux depuis longtemps parti, semble totalement irréaliste. L’avenir du jeune Réda, amputé de ses deux mains, semble difficile au Maroc, mais totalement illusoire en France. Les longues heures vides de la traversée sont occupées par des songes rétrospectifs : dans Ceux qu’on jette à la mer, le narrateur se laisse aller au souvenir d’une jeune fille, qui vue de loin se métamorphose en celle qu’il a laissée au pays. Ce ne sont pas vraiment des regrets, mais une fois partis, les exilés ne peuvent plus trouver de réconfort dans leur situation présente et commencent à douter de l’arrivée.
Pourtant l’histoire désespérante de tous les transfuges se tisse dans un seul sens : le départ comme seule solution imaginée à des destins sans autre avenir – quoique même cette bataille soit perdue d’avance. Une fois le départ décidé, le rêve s’effiloche.
Amédée ne comprit pas tout de suite pourquoi ils devaient partir, quitter le pays où ils étaient nés, devenir une race sans terre. […] Il était encore tout gosse quand son père disparut sans laisser de trace. Sa mère lui avait expliqué qu’il était allé très loin, aux confins de la terre, pour mesurer le poids de la lune ; il reviendrait quand il aurait fait à la lune mille tresses perlées. Mais déjà il savait que souvent le crabe qui s’éloigne à une trop grande distance de la mer, quelles que soient ses fins secrètes, n’a jamais le temps de revenir13.
Dans Le Bateau de Nam Le, comme dans Ceux qu’on jette à la mer, le récit commence lorsque les clandestins sont déjà sur l’eau, à la merci d’une tempête qui menace. L’espoir n’a déjà pratiquement plus de prise sur eux, il ne leur faut que tenir bon, tenir un jour de plus malgré la soif, la fièvre, jusqu’à apercevoir la terre ferme. Les cadavres que l’on jette à la mer jour après jour ponctuent une avancée bien incertaine. Que se passera-t-il à l’arrivée ? Maï la protagoniste essaie de ne pas y penser.
« On le saura bien assez tôt ».
Maï se blottit contre le garçonnet pour ne pas en entendre davantage. Pour s’abstraire de tout : des voix, de l’odeur. C’était déconcertant de penser à tous ces corps dans le noir. Des formes noires se mêlant telles des ombres à la surface d’une nappe de pétrole. Elle restait accroupie dans ce silence, sous le panneau d’écoutille. À surveiller la baie par le dalot. Peu à peu, inévitablement, vinrent les idées noires. Là, au cœur de la nuit, recroquevillée dans le ventre sombre d’un bateau de pêche, elle était entraînée sur une étendue infinie. Que savait-elle du grand large ? Alors qu’elle était fille de pêcheur, il la terrifiait14.
L’exil des clandestins ne se joue pas au grand jour, mais à fond de cale, dans l’obscurité et la peur. Le présent est une épreuve suffisamment terrifiante pour que l’on ne songe même pas réellement à l’avenir, une fois tout repère aboli. Pour réunir l’argent du passage, les Siciliens de Sciascia « avaient vendu tout ce qu’ils avaient à vendre : la maison de torchis, le mulet, l’âne, les provisions de l’année, la commode, les couvertures »15. Dans le délire du départ n’existe plus d’idée même de retour : ils ont brûlé les ponts derrière eux. Ils ne sont plus réellement de ce monde.
L’Achéron passe pour avoir été le fleuve du chagrin, que les mortels devaient traverser avant d’arriver aux Enfers. Ce passage sur la barque de Charon est tout sauf insouciant en effet, il est le moment central du récit, celui qui précipite les boat-people dans le désespoir. Les étreint la peur de tout quitter pour ce saut dans l’inconnu, où la vie est mise en péril.
« Que diraient Mano et Régina [ses parents] s’ils la savaient embarquée dans cette aventure ?... »16, se demande Rose-Aimée dans l’œuvre de Maryse Condé – mais ce souci est préalable à l’embarquement ; ensuite l’inquiétude devient viscérale. Les romans mettent l’accent sur la matérialité précaire de la traversée, une fois que l’on a échappé aux balles des gardes-côtes : embarcation à la couleur noire de Cannibales, trop légère, mal préparée ; équipage mal assorti dans Ceux qu’on jette à la mer, au bord de la mutinerie, promiscuité excessive dans un inconfort extrême.
À l’intérieur de la cale la puanteur était inimaginable, faisant presque venir les larmes aux yeux. Une odeur d’urine, d’excréments, de sueur et de vomi. Dans la pénombre, une masse de gens, des corps les uns sur les autres, des yeux, encore des yeux, et si Maï avait trouvé le premier bateau surpeuplé, là elle pouvait à peine respirer, et encore moins bouger. Plus tard elle dénombra au moins cent personnes, entassées dans un espace prévu pour une quinzaine17.
Le mal de mer attaque évidemment ces personnes enfermées à fond de cale et ballottées dans l’ignorance complète de leur sort. Dans le roman de Carl de Souza, le Ming Sing est en outre immobilisé par une panne moteur et pourvu de congélateurs défectueux abritant une viande pourrie. Le héros Tian Sen en est conscient.
Les mécaniciens poursuivent leur besogne sans s’occuper de moi dans le vacarme de la salle des machines. L’odeur écœurante d’huile et de gasoil n’éloigne pas les fantômes. Je ne touche pas à la nourriture apportée par Yap, ce n’est pas à cause de l’odeur, je ne veux pas finir comme Mok Men Yin, je ne veux pas qu’on jette mon corps empoisonné à l’eau. Et puis, je n’ai pas faim18.
La maladie emporte les émigrants les uns après les autres. On ne relève pas ici de scènes dignes du radeau de la Méduse, mais on sent que cette possibilité est tangible. Et plus loin :
Le voyage sera long, long, long, et il y aura bien encore quelques coups de vent, avait prévenu Yap19.
Après la chaleur infernale de longues stations sur le pont – et la soif –, la tempête, comme dans tout roman maritime, ne manque pas de faucher les embarcations surchargées, mal entretenues, rendant catastrophique une situation peut-être seulement éprouvante dans d’autres circonstances. Dans Le Bateau :
Après le passage de la tempête et six jours en mer, tout changea.
Les anciens pêcheurs présents à bord reconnurent que cette tempête-là était arrivée plus vite que toutes celles qu’ils avaient connues. Elle avait détruit le calfatage et une partie de la coque. L’intérieur de la cale était inondé et bientôt les deux moteurs furent noyés.
La nourriture qui avait pu être sauvée s’était avariée. Il n’y avait presque plus d’eau potable. […] La chaleur était accablante. Peu après on jeta le premier cadavre par-dessus bord20.
Ces conditions épouvantables conduisent progressivement à un repliement sur soi, concentré sur la survie. « Je m’étais conditionné à tenir en gardant la tête claire, pas question de ranimer des étoiles mourantes »21 avait pensé Tian Sen, prêt à un voyage en lui-même ; mais avec l’aggravation de la situation, dans le cercueil flottant que constitue la cale du navire où les émigrants sont confinés, la perception change. Alors que la promiscuité est étouffante sur les embarcations de fortune, c’est donc la solitude de destins parallèles et impitoyablement individuels qui crée le tragique de ces aventures désespérées ; la solidarité, pratiquement réduite aux liens de famille les plus étroits, est fragile et fataliste.
Après la tempête elle eut l’impression qu’on avait enlevé au monde une pellicule de protection. Tout devint plus intense : le soleil plus chaud, la lumière plus crue, la mer plus sombre, chaque mot un affront plus discordant au silence tout neuf. La tempête avait forcé les gens à se replier sur eux-mêmes : la présence des autres agressait la solitude de chacun face à cette expérience22.
La fin n’est pas à la hauteur de leurs engagements : la peur d’être repérés et arraisonnés est loin d’être sans fondement, la disette décime les passagers, naufrage et noyade menacent toute l’embarcation.
La fin d’Haïti chérie – supposée destinée aux enfants « à partir de 10 ans » – prend pourtant le lecteur par surprise, même s’il a déjà compris que tout cela pouvait mal finir, presque avant les personnages eux-mêmes :
Est-ce que tu as entendu parler des gardes-côtes américains ? Hein ? je t’en ai déjà parlé pourtant ? S’ils nous repèrent, c’est la prison pour moi, pour toi le camp de concentration, puis le retour forcé en Haïti…
Tout le monde se précipita en bas23.
Le bateau ayant bien sûr été repéré par les garde-côtes américains, la scène oubliée depuis l’interdiction de la traite négrière revient de façon saisissante, le passeur se montrant rigoureusement impitoyable.
– Les gardes-côtes, ils nous ont repérés. Sautez, sautez !
Monsieur Saint-Aubin se tourna vers lui et dit seulement :
– Dans l’eau ? Dans la tempête ? […] mais nous ne savons pas nager…24
Pris au collet, hommes, femmes, enfants sont précipités par-dessus bord. « Et la mer roula ces déshérités dans son suaire. » Neuf lignes plus bas, le roman s’achève abruptement sur la vision des noyés, sans autre forme de commentaire. « Ceux qu’on jette à la mer » – l’expression prend donc bien sens – n’atteindront jamais l’Amérique ; dans Passages, la petite troupe conduite par Amédée fait naufrage sur les côtes américaines :
Des soixante-sept personnes qui avaient embarqué à Port-à-l’Écu, il n’en restait plus que vingt-deux. Muets d’hébétude et de terreur, nous n’osions nous interroger sur le sort de nos autres compagnons de voyage. […] Nous arrivions vivants, après ces longs jours de terreur, d’étouffement, d’incertitude de la traversée. Nous nous retrouvions sur la plage, crabes vomis par les flots25.
De même, Binebine achève son récit en évitant aux deux personnages principaux de connaître le sort des autres : renonçant au dernier moment à abandonner son cousin malade, le héros reste sur la plage, et tous deux apprendront le lendemain par la télévision que la barque s’est retournée et que leurs compagnons se sont noyés. Quant aux Siciliens mis en scène par l’ironie de Sciascia, ils n’arrivent pas en Amérique mais ils ne sont en réalité jamais partis, puisque après onze jours passés à fond de cale, la dernière scène, de reconnaissance, leur fait constater l’étendue de leurs illusions en quelques étapes (le passage d’une Fiat 600, les panneaux indicateurs, puis les injures proférées dans leur propre langue les convainquent qu’ils ont juste abordé la Sicile par l’autre côté) ; la déconvenue n’est qu’en demi-teinte : car ils se sont seulement fait lourdement berner. Ils retournent à la case départ délestés de toutes leurs économies et de leurs rêves américains, mais la vie sauve. Ceux qui visaient Haïti n’y parviendront jamais non plus et cette destination montre presque l’absurdité de ce voyage. L’évasion par voie de mer risque de faire subir l’expérience du flux et du reflux, du courant contraire qui ramène les épaves sur les bords. Mais, dit le protagoniste,
Je m’en fous d’arriver. Je le dis parce que je n’ai plus envie de discuter. Hong Gni commence à me rebattre les oreilles avec son manque de chance qu’il évoque à tout propos. Toi alors, je te comprendrai jamais, t’as enduré tout ça pour rien ? Tu t’en fous vraiment ? Oui, je m’en fous. Tu regrettes d’être parti ?
Je ne sais quoi répondre, je ne peux pas répondre, j’en ai marre de tout ça, s’arrêter, repartir. […]
Il faut nous remorquer jusqu’au port le plus proche qui ne se trouve qu’à deux jours, il n’y a pas d’autre moyen, qu’il paraît. On ne savait pas qu’on était tout près de la terre. C’est l’Afrique ? Non, pas tout à fait, une île, un peu en avant du continent, on n’atteint jamais tout à fait le but réel, c’est comme ça. Est-ce que pour l’Amérique ce sera pareil, avec une île initiatique ? 26
Ainsi il s’agit d’un voyage sans but géographique véritable.
Même s’ils s’embarquent avec un nom de pays en tête, le voyage des émigrants est un non-voyage : ils n’ont aucun moyen d’influer sur l’issue de la traversée, réduits à n’être qu’une cargaison, dont le passage est une source de profit manifestement exorbitants.
– Voici l’Amérique, dit M. Melfa.
– C’est sûr que ce n’est pas un autre endroit ? demanda un des hommes, car pendant tout le voyage il avait ruminé cette pensée que sur la mer il n’y a ni rues, ni routes, ni même de sentiers et que seul un dieu pouvait suivre la voie juste sans s’égarer et conduire un navire entre le ciel et l’eau27.
Les voyageurs sont déjà à la merci de l’habileté du capitaine ; mais en tant que clandestins, ils ne sont plus rien, et étant dans l’illégalité ou sur ses marges, ils n’ont aucune réclamation à faire valoir. La mer à traverser détermine en soi un espace proprement impraticable, où la volonté ou le courage ne servent à rien, puisque les émigrants sont toujours réduits à la plus grande passivité : leur destin ne leur appartient plus.
Ainsi ce passage est un trou noir, il coupe les amarres avec leur monde « d’avant », brouille définitivement les repères.
Même le temps avait acquis une profondeur factice : les six jours précédant la tempête s’étiraient, se mêlaient aux souvenirs jusqu’à ce que tous les événements antérieurs semblent avoir eu lieu sur ce bateau28.
La traversée coupe leur vie en deux parties nettes, mais qui dorénavant ne seront au mieux que béjoitées.
Ainsi les boat-people subissent un double déracinement : éloignés de leur pays, ils abandonnent leur langue, leurs relations, leurs pénates dans le vécu de l’exil ; mais ils doivent aussi renoncer à leur intégrité humaine, renoncer à leur libre-arbitre, leur dignité. Presque toujours, ils conservent un nom : Mahi Binebine, Émile Ollivier, Maryse Condé, racontent la vie des « conjurés » rassemblés là par le seul désir de partir, en leur donnant une identité, un passé, en les amenant jusqu’à la barque qui décide de leur avenir ; de même pour Carl de Souza et Nam Le, qui créent quelques personnages identifiables sur fond de groupe humain. Pourtant, ce voyage est fondamentalement anti-héroïque, puisqu’au mieux les prétendus « héros » en réchappent par miracle ou hasard, n’entrant en rien dans la conduite de leur sauvetage ; au pire disparaissent noyés, épuisés, terrassés par les privations. « La mer couleur de vin » de Sciascia est au fond une farce grinçante qui dévoile la cupidité des uns exploitant la crédulité des autres.
Ce genre de voyage rappelle celui du passage du Milieu, sur les navires négriers : à fond de cale, maltraités, épouvantés, déracinés, déshumanisés – avec cette différence que les émigrés ont eux-mêmes à un moment choisi ou accepté cette solution ultime qu’est l’exil clandestin des boat-people. Aussi le passage est-il particulièrement douloureux au plan symbolique – car la rémunération attendue peut tarder ou ne jamais arriver. La décision de quitter un pays devenu un enfer se paye au prix fort ; mais ce voyage ne peut être l’objet de récit héroïsant, il ne peut être que pathétique : Maryse Condé lui donne une fin particulièrement brutale, Émile Ollivier rachète un petit groupe d’émigrants qui finissent égarés mais parvenus par-delà la mer traversée, Binebine sauve les deux jeunes garçons en leur évitant le sort des plus décidés, Nam Le termine son récit par la vision de la côte en face de la proue. Mais les deux femmes ont payé cette possible arrivée de la vie de leur enfant :
Elles restèrent là en silence, le visage humecté par les embruns tandis qu’elles regardaient droit devant elles, concentrant toute leur attention sur la lointaine péninsule embrumée, cet impossible ailleurs, pour ne pas voir les hommes à l’arrière du bateau dérouler la couverture, balancer le petit corps une fois, deux fois, trois fois avant de le lancer le plus loin possible de la coque pour qu’il soit hors de vue quand les requins attaqueraient29.
Comme le souligne Edward Said,
L’exilé sait que, dans un monde séculier et contingent, toute demeure est provisoire. Les frontières et les barrières, qui nous enferment dans un lieu sûr, un territoire familier, peuvent aussi devenir les limites d’une prison, et sont souvent défendues au-delà de la raison ou de la nécessité. Les exilés franchissent les frontières, brisent les barrières de la pensée et de l’expérience30.
Pour illustrer ce prix payé par la traversée, la littérature a sur les témoignages – peu diserts – l’avantage de la parabole : elle montre des destins en choisissant, à la manière des écrivains réalistes, le détail à montrer, la tonalité à donner. Ces fictions ont l’efficacité de la mise en scène. Mais c’est aussi la raison pour laquelle il est si délicat de parler, dans ce cas, de littérature de voyage, d’aventure, alors même que ces textes présentent des voyages : en effet les traversées sont orientées vers un amer, un lieu d’arrivée, mais représentent souvent le déplacement en soi comme une étape importante. Ici la traversée est un passage obscur, où l’obole à Charon est particulièrement onéreuse. C’est un non-voyage, le lieu de l’abjection qui se transforme rarement en un espace de gloire, jamais en un moment de fête. C’est un voyage dont on ne parle guère, une aventure où le risque n’est jamais grisant, où, au contraire d’Ulysse naufragé hirsute et nu racontant son périple aux Phéaciens, le survivant doit se hâter de se fondre dans la nature et se faire oublier. Ces expatriations ont des traits communs, en particulier celui de ne pas avoir de directionnalité géographique stricte et unique.
Dans un petit ouvrage où elle évoque ses réflexions à l’annonce d’un naufrage à Lampedusa, Maylis de Kerangal part de cette brève, 3 octobre 2013 :
Un bateau venu de Libye, chargé de plus de cinq cents migrants, a fait naufrage ce matin à moins de deux kilomètres des côtes de l’île de Lampedusa ; près de trois cents victimes seraient à déplorer31.
Elle se laisse alors rêver aux Songlines32, comme mythique arpentage de la terre.
J’ai visualisé les parcours innombrables qui s’entrecroisaient à la surface de la terre, ce maillage choral déployé sur tous les continents, instaurant des identités mouvantes comme des flux, et un rapport au monde conçu non plus en termes de possession mais en termes de mouvement, de déplacement, de trajectoire, autrement dit en termes d’expérience33.
Mais dans les parages de Lampedusa s’est perdue cette magnifique maîtrise du monde par la connaissance solidaire de l’humanité, « Lampedusa concentrant en lui seul la honte et la révolte, le chagrin, désignant désormais un état du monde, un tout autre récit »34.
[1] Mahi BINEBINE, Cannibales. Traversée dans l’enfer de Gibraltar (1999), Paris, Éditions de l’aube, « poche », 2005, p. 9.
[2] Ibid., p. 10.
[3] « An exile is someone who inhabits one place and remembers or projects the reality of another ». Michael SEIDEL, Exile and the Narrative Imagination, New Haven/London, Yale University Press, 1986, p. IX (notre traduction).
[4] Edward W. SAID, Réflexions sur l’exil et autres essais, (Reflections on Exile, 2000), Charlotte WOILLEZ (trad.), Arles, Actes Sud, 2008, p. 34.
[5] Ibid.
[6] Maryse CONDÉ, Haïti chérie, Paris, Bayard, 1991, p. 63. Nous soulignons.
[7] En créole haïtien, un « restavek » est un enfant placé dans une famille en principe pour être éduqué en contrepartie de menus services, mais qui en réalité est souvent contraint à un véritable travail de domestique et peut être maltraité.
[8] Ibid., p. 67-68.
[9] Émile OLLIVIER, Passages (1991), Paris, Le Serpent à plumes, 1994, p. 31.
[10] Leonardo SCIASCIA, « Le long voyage », in La mer couleur de vin, Jacques DE PRESSAC (trad.), Paris, Gallimard/Denoël, 1977, p. 22-23. « E avrebbero passato il mare, quel grande mare oscuro; e sarebbero approdati agli stori e alle farme dell’America, all’affetto dei loro fratelli zii nipoti cugini, alle calde ricche abbondanti case, alle automobili grandi come case. […] Il sogno dell’America traboccava di dollari : non piú, il denaro, custodito nel logoro portafogli o nascoto tra la camicia e la pelle, ma cacciato con noncuranza nelle tasche dei pantaloni, tirato fuori a manciate […] »,« Un lungo viaggio », in Il Mare colore del vino (1966-1973), Torino, Einaudi, 1977, p. 19-26, ici p. 20.
[11] Carl de SOUZA, Ceux qu’on jette à la mer, Paris, Éditions de l’Olivier/Le Seuil, 2001, p. 189.
[12] É. OLLIVIER, op. cit., p. 142.
[13] É. OLLIVIER, op. cit., p. 31.
[14] Nam LE, « Le Bateau », in Le Bateau, France CAMUS-PICHON (trad.), Paris, Albin Michel, 2010, p. 299-351, ici p. 322. « ‘We’ll find out soon enough’ / She settled forward against the young boy, not wanting to hear any more. Trying to block it all out: the voices, the smell. It was unnerving to think of all those other bodies in the darkness. Black shapes in the blackness, merging like shadows on the surface of oil. She crouched there, in the silence, beneath the hatchway. Spying on the bay through the scupper. Gradually, inevitably, the dark thoughts came. Here, in the dead of night, contorted inside the black underbelly of a junk –she was being drawn out into an endless waste. What did she know about the sea? She was the daughter of a fisherman and yet it terrified her. », « The Boat », in The Boat, New York, Alfred Knopf, 2008, p. 230-272, ici p. 248-249.
[15] L. SCIASCIA, « Le long voyage », op. cit., p. 23. « Avevano venduto tutto quello che avevano da vendere […]: la casa terragna il mulo l’asino le provviste dell’annata il canterano le coltri », « Un lungo viaggio », op. cit., p. 20. Dans la version originale, l’absence de ponctuation dans la liste des biens vendus accentue l’impression de désordre et de précipitation.
[16] M. CONDÉ, op. cit., p. 67.
[17] N. LE, « Le Bateau », op. cit., p. 320. « Inside the hold, the stench was incredible, almost eye-watering. The smell of urine and human waste, sweat and vomit. The black space full of people, bodies upon bodies, eyes and eyes and eyes and if she’d thought the first boat was crowded, here she could hardly breathe, let alone moce. Later she counted at least two hundred people, squashed into a space meant for fifteen. », « The Boat », op. cit., p. 247.
[18] C. de SOUZA, op. cit., p. 65.
[19] Ibid., p. 110.
[20] N. LE, « Le Bateau », op. cit., p. 324. « Once the storm passed, six days out, everything changed. / Fishermen on the boat agreed that this storm had come on faster than any they’d ever experienced. It destroyed the caulking and much of the planking on the hull. The inboard was flooded, and soon afterward, both engines cut out completely. / What food had been left was spoiled. Water was short. […] The heat was unbearable. Before long the first body was cast overboard », « The Boat », op. cit., p. 250.
[21] C. de SOUZA, op. cit., p. 110.
[22] N. LE, « Le Bateau », op. cit., p. 325. « After the storm it seemed to Mai that a film had been stripped from the world. Everything became more intense – the sun hotter, the light more vivid, the sea darker, every word a discordant affront to the new silence. The storm had forced people into their privacies: the presence of others now assailed each person’s solitude in facing up to the experience of it », « The Boat », op. cit., p. 251.
[23] M. CONDÉ, op. cit., p. 78-79.
[24] Ibid., p. 81.
[25] É. OLLIVIER, op. cit., p. 169-170.
[26] C. de SOUZA, op. cit., p. 166-167.
[27] L. SCIASCIA, « Le long voyage », op. cit., p. 26. « – Ecco l’America – disse il signor Melfa. / – Non c’è pericolo che sia un altro posto? – domandò uno: poiché per tutto il viaggio aveva pensato che nel mare non ci sono né strade né trazzere, ed era da dio fare la via giusta, senza sgarrare, conducendo une nave tra cielo ed acqua », « Un lungo viaggio », op. cit., p. 22.
[28] N. LE, « Le Bateau », op. cit., p. 325. « Even time took on a false depth: the six days before the storm stretched out, merged with memory, until it seemed as though everything that had ever happened had happened on the boa », « The boat », op. cit., p. 251.
[29] N. LE, « Le Bateau », op. cit., p. 351. « They stood together in silence, the spray moistening their faces as they looked forward, focusing all their sight and thought on that blurry peninsula ahead, that impossible place, so that they would not be forced to behold the men at the back of the boat peeling the blanket off, swinging the small body once, twice, three times before letting go, tossing him as far behind the boat as possible so he would be out of sight when the sharks attacked », « The boat », op. cit., p. 272.
[30] E. W. SAID, op. cit., p. 255.
[31] Maylis de KERANGAL, À ce stade de la nuit (2014), Paris, Verticales, 2015, p. 10.
[32] M. de KERANGAL, op. cit., p. 45.
[33] Ibid., p. 45-46.
[34] Ibid., p. 74.
Résumé
Leonardo Sciascia, Maryse Condé, Émile Ollivier, Mahi Binebine, Carl de Souza, Nam Le traitent en romans ou en nouvelles des voyages de boat-people : pays différents, mais même histoire. D’Italie ou d’Haïti vers les États-Unis, du Maroc vers l’Espagne, du Vietnam vers Haïti… peu importe la destination envisagée. Ces voyages à fond de cale sont une épreuve où les clandestins tentent de survivre dans les pires conditions. Le tragique repose dans le faux choix offert aux migrants, qui acceptent ce passage pour fuir leur pays ou échapper à leur condition, plus que pour rallier un pays réel.
Abstract
Leonardo Sciascia, Maryse Condé, Émile Ollivier, Mahi Binebine, Nam Le or Carl de Souza deals in novels or short stories with boat people's travels: different countries, but the same story. From Italy or Haiti to the United States, from Morocco to Spain, from Vietnam to Haiti... the destination does not matter. These deep-sea voyages are an ordeal in which illegal immigrants try to survive in the worst conditions. The tragedy lies in the false choice offered to migrants, who accept this passage to flee their country or escape their condition, rather than to reach a real country.
Odile GANNIER
Université Côte d’Azur, CTEL
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