Écrire, dit-on, c’est voir derrière les choses et les êtres1.
Bien que très ancien, le thème du secret, et en particulier du secret de famille dont le mythe d’Œdipe est le paradigme, n’acquiert un véritable statut littéraire qu’à partir du XVIe siècle avec la valorisation de l’individu, de ce moi intime que Pascal jugeait « haïssable », mais qu’exaltait Madame de Lafayette dans La Princesse de Clèves. Il connaît un important développement aux XIXe et XXe siècles dans les écrits de l’intériorité, poésie, roman, journaux intimes : du « secret douloureux » qui « faisait languir »2 Baudelaire au « misérable petit tas de secrets » par quoi Malraux définit la condition humaine dans Les Noyers de L’Altenburg.
Chaque roman, ou presque, de Michèle Gazier contient un, voire plusieurs secrets : secrets de famille, personnages aux vies énigmatiques en relation parfois avec « l’histoire majuscule »3, voire évocation de cette nébuleuse qui constitue l’identité irréductible de chaque être et confine au mystère ontologique, malgré les clés proposées par la psychanalyse pour en explorer les arcanes. Partant de la polysémie du mot « secret » (du latin secretus, séparé) qui désigne à la fois ce qui est écarté, occulté, et « un mécanisme ingénieux, un mode de connaissance qui permet d’atteindre un but »4, nous observerons en premier lieu les variations du motif du secret dans un corpus de romans qui va d’Histoires d’une femme sans histoire5 (1993) à Silencieuse (2017) pour montrer la continuité du motif, avec toutefois une focalisation plus importante sur cinq romans peut-être moins connus que Le Merle bleu ou Le Fil de soie, mais qui tous s’organisent autour d’un secret de famille à élucider.
Les théoriciens s’accordent à distinguer le secret de l’énigme et du mystère par la présence impérative de « la triade entre détenteur, dépositaire et tiers-exclu »6 – celui qu’il faut tenir à l’écart du dévoilement le plus longtemps possible –, ce qui dans un roman correspond aux trois instances respectives du personnage, du narrateur et du lecteur. À la lumière des travaux sur la sémiologie et l’imaginaire du secret, dont le livre éponyme de Pierre Brunel7, nous analyserons comment la thématique du secret à percer ou à préserver est génératrice d’une poétique particulière qui mobilise la curiosité, la vigilance, l’imagination du lecteur, et comment par sa « nature double » qui dissimule et enferme, mais dont seule la mise à jour fonde l’existence, le secret recoupe et interroge la problématique de la frontière dans son ambivalence.
On a tout de même le goût du secret dans cette famille8.
Un Soupçon d’indigo, Un cercle de famille, Mont-Perdu9, Histoires d’une femme sans histoire déclinent autant de variations sur ces secrets profondément enfouis dans l’histoire des familles et dont l’opacité, source de trouble, voire de malaise pour les descendants, rend nécessaire l’enquête de celle ou celui qui désire se soustraire au poids des silences, des interrogations, à la hantise de figures spectrales. Ainsi, dans Un Soupçon d’indigo, une jeune fille part sur la trace de son grand-père, Maurice, qui a quitté sa famille pour Marie-Galante, île dans laquelle il s’est littéralement dissout. Un Cercle de famille décrit les investigations d’une jeune femme qui, enceinte d’un enfant qu’elle désire prénommer Clément, reconstitue la généalogie familiale sur quatre générations et exhume d’un oubli frappé d’opprobre la figure d’un premier Clément, ancêtre peu recommandable dont il lui faut percer le mystère pour évacuer l’angoisse d’un éventuel « atavisme ». On peut parler de variations ou de modulations au sens musical lorsque certaines scènes ou situations reviennent d’un livre à l’autre, diversement orchestrées. Ainsi de la rupture de transmission par l’exil inexpliqué d’un maillon de la chaîne familiale qui, brutalement, met « une frontière entre lui et ses origines »10. « Quel secret, quel souvenir odieux le retenait loin de ce lieu ? [L’Espagne] ». « Pourquoi émigrer si l’on n’est pas pauvre ? »11 interroge Céline qui émet l’hypothèse que « la rupture définitive de Clément avec son enfance cachait de douloureuses querelles, des déchirements »12. La question se pose également pour Alice, l’héroïne de Mont-Perdu, dont l’aïeul s’est brusquement arraché au berceau familial transmis depuis des générations pour s’expatrier en France. La description d’une « demeure » comme un possible « paradis, là-bas, dans la lumière noire de ces ciels bleu-marine » introduit l’énigme : « Pourquoi est-ce que ça ne l’a pas été pour lui ? »13. Un pays devenu tabou pour ses parents, une grand-mère désireuse de gommer son passé après la mort violente de son mari dans des conditions restées obscures : ce sont ces comportements inexplicables qui conduisent la jeune Alice à rechercher fiévreusement ses racines espagnoles.
La question des origines rejoint en effet celle de l’identité, que le secret rend problématique : comment se construire avec de telles béances dans son histoire intime ? Comment vivre avec « ce lourd noyau émotionnel que constitue le secret »14, selon la formule de François Vigouroux ? Céline s’interroge sur la part « d’héritage » qu’a pu lui laisser l’ancêtre banni et Alice, dont l’enfance fut hantée par tant de silences et d’ellipses, ressent le besoin impérieux de retrouver son « hispanité » pour se connaître et exister pleinement. Histoires d’une femme sans histoire et Mont-Perdu modulent dans des tonalités différentes la scène de l’accident mortel de l’ancêtre lors de la construction d’un barrage : le style héroï-tragique du premier laissant place à un registre plus grinçant dans le second où la rumeur fait courir le bruit d’une mort ignominieuse, associe l’accident à des règlements de compte sur fond d’adultère et de trahison. Ce qui relie cet aïeul au sulfureux Clément d’Un Cercle de famille. Dans Les Garçons d’en face15, toutefois, le secret revêt une forme particulière qui concerne non plus le passé du personnage narrateur, mais le présent d’une famille bourgeoise que la honte conduit à dissimuler l’existence de deux enfants monstrueux. Ce roman, qui aurait pu être inspiré d’un fait divers, illustre « [...] l’extraordinaire énergie que les familles déploient pour mettre en place un secret et le conserver »16. Les codes, les interdits de la morale sociale ou religieuse, qui fixent les normes au nom d’un idéal de la famille fondé sur l’ordre, la fidélité, la stabilité, sont à l’origine de l’omerta sur les comportements ou les êtres susceptibles d’exposer au scandale, à la honte :
L’Histoire des familles ne retient que les personnes honorables, les autres partent dans l’enfer des secrets de famille que peu de descendants ont l’audace de débusquer. À quoi bon se faire du mal, remuer le fumier ? À quoi bon ?17
Mais le poids de ces conformismes est aussi ce qui pousse à la transgression les personnages incriminés. Les romans de Michèle Gazier insistent sur ces filaires qui emprisonnent les individus dans la rigueur et l’ennui de pesantes traditions familiales. En quittant la France pour Marie-Galante, Maurice, homme d’origine modeste marié à une fille de riches vignerons, conventionnelle et « bardée de principes », a fui un quotidien étouffant. De même Clément, épris de liberté, « homme de passion, aventurier de l’âme, prêt à vivre cent vies à la fois »18 ne peut se satisfaire d’une existence bien réglée au sein de ce qu’il appelle ironiquement sa « sainte famille »19. L’opprobre longtemps jeté sur l’enfant naturel dans les familles bourgeoises, et ce jusqu’à une date assez récente, explique le silence qui entoure la naissance de Maria et la nécessité pour elle de retrouver son père biologique20. Celles ou ceux qui cherchent à dévoiler le secret sont eux-mêmes des êtres en voie de transgresser les interdits de l’ordre familial ou social : on apprend ainsi que Lucie, la petite fille prête à tout abandonner, est plus à même d’enquêter sur la disparition de Maurice que la fille Isabelle, « trop timide, trop timorée peut-être [...] »21. Dans Les Garçons d’en face, la révolte d’Élise, la narratrice, contre le « carcan familial »22 tourne naturellement sa curiosité vers les êtres en marge : l’homosexuel honni, les malades qui cachent honteusement leurs plaies et surtout les deux enfants monstrueux de la maison voisine. De façon générale, disposer d’un jardin secret, voire d’une boîte à secrets, est le moyen pour l’enfant d’échapper aux contraintes et à la surveillance familiales, de se libérer momentanément de ce « surmoi de béton qu’on appel[le] le respect des parent »23.
Quand la chaîne des vies personnelles croise la trame de la grande Histoire, que cette dernière est à même de bouleverser le fonctionnement des familles et le parcours des individus, certains secrets sont étroitement reliés à des événements historiques dramatiques. Ce qu’illustre l’identité énigmatique de Louis, le personnage de Silencieuse, dont on ne connaît ni le véritable nom, ni la nationalité, ni les raisons qui l’ont poussé à s’exiler dans le village perdu de Julien-les-Sources. Dans un premier temps, sa maîtresse imagine un « roman possible »24, un drame familial : la perte de sa famille dans un terrible accident, avant de comprendre, avec le lecteur, que traumatisé par les atrocités nazies, il a rejoint la fraction armée rouge de la Bande à Baader en Allemagne, dans les années 70. L’aptitude à changer de nom, voire de personnalité, de Simon/Odon/Authon dans Le Fil de soie s’ancre dans sa condition d’enfant juif dont les parents ont dû fuir aux États-Unis à cause de la guerre, et qui fut tenu de mentir sur son identité pendant toute son enfance. Mais ces livres sont surtout l’occasion pour l’auteure de convoquer la douloureuse histoire de la Guerre civile espagnole, à forte résonance autobiographique : les brigades internationales, la défaite des Républicains et l’arrivée massive en France des réfugiés parqués au camp d’Argelès, les problèmes d’intégration à la société française25. Il entre dans les secrets de Zita, cette femme en apparence « sans histoire », d’avoir aidé activement les Républicains pendant la Guerre civile et d’être une « Juste » qui a recueilli des enfants juifs pour les sauver de la déportation. Mention est faite dans plusieurs romans d’un personnage qui repasse la frontière pour combattre au côté des Républicains espagnols, avant de s’engager dans la Résistance en France, choisissant le même camp des deux côtés de la frontière, celui de la liberté, comme le fit le père de Michèle Gazier, « l’homme à la canne grise ». Comme pour les souvenirs26, il peut exister des secrets-écrans : on découvre ainsi dans Mont-Perdu que le silence réprobateur de la grand-mère sur la mort de son mari cache en réalité un autre secret « encore moins avouable »27, dissimulé sous les signes extérieurs d’un catholicisme zélé : celui des lointaines origines juives de la famille, ces Juifs renégats de Tolède assignés aux tâches dégradantes.
Les romans du corpus mettent donc en lumière « les forces occultes qui fabriquent le secret »28 : le conformisme des familles, les diktats de la morale sociale ou religieuse, les désordres de l’Histoire, celles qui créent le mal-être et demandent la levée du secret, dont l’élucidation constitue la trame romanesque.
Paul avait l’art de raconter. Il savait en dire juste assez, jamais trop, pour que son auditoire, moi, en l’occurrence, puisse glisser ses propres fantasmes, son imaginaire dans la maille souple de la narration29.
Dans ces divers romans, le secret est en effet un puissant ressort fictionnel, tant pour l’action que pour l’économie du récit. Le secret n’existant qu’aussi longtemps qu’il n’est pas découvert, il induit une forme narrative et une poétique spécifiques propres à activer la démarche herméneutique du lecteur, semant judicieusement les indices et multipliant les obstacles pour retarder le dévoilement. La citation des Garçons d’en face, placée en exergue de ce chapitre, pourrait être une mise en abyme de cette écriture à la fois transitive et « oblique »30 qui dose savamment les informations pour mieux solliciter la participation active du lecteur.
L’effet de puzzle est obtenu tout d’abord par un système d’énonciation sophistiqué. Harmonieuses ou discordantes, nombreuses sont les voix qui prennent en charge le récit dans Histoires d’une femme sans histoire ou Un Cercle de famille, ces romans qui tentent de percer l’énigme de personnalités contrastées, mais toutes deux fascinantes et complexes. La levée du tabou qui touche la vie et la mort de Clément le maudit se fait à partir des témoignages de trois générations : le fils Julien, la petite fille Florence, l’arrière-petite fille Cécile, future mère de Clément 2. De même, le portrait de Zita se construit selon une grande diversité de points de vue – belle-sœur, fille adoptive, Zita elle-même, voire un chauffeur de bus –, et dans un récit à la temporalité très éclatée, un peu à la manière d’un tableau cubiste qui juxtapose les différentes facettes, les traits saillants, les aplats, les parts d’ombre de cette existence moins ordinaire que ne le suggère le titre. Presque tous les narrateurs sont homodiégétiques, selon la terminologie de Genette, ou du moins des témoins directs et impliqués, mais situés à une distance suffisante de l’origine du secret pour oser entreprendre l’enquête. Dans Un Soupçon d’Indigo, c’est Lucie, la petite-fille, qui se rend sur place et s’immerge dans le décor où son grand-père a disparu. La grossesse de Cécile, l’arrière-petite fille de Clément, rend urgente la nécessité d’éclairer ce passé nauséeux et sa détermination a un effet contagieux sur sa mère qui jusqu’alors avait respecté la loi du silence. Dans Les Garçons d’en face, Élise, bien que témoin extérieur à la famille stigmatisée, se trouve pourtant mêlée à la diégèse par les liens affectifs qu’elle noue avec Lola, la jeune sœur des monstres, et le choc de la révélation est tel qu’elle attendra trente années pour « se délivrer d’un secret devenu trop lourd »31. Le narrateur principal de Mont-Perdu qui a accompagné pendant des années son amie Alice dans la quête de ses origines hispaniques livrera également un récit ultérieur, s’étonnant d’avoir tant tardé à le faire. Pour dévoiler la fin de l’histoire, il abandonne le « je» et l’adresse à la seconde personne, chargés de « pathos », et se fait simple rapporteur des confidences d’Alice sur un mode toutefois plus « sentimental que chronologique »32. Tous ont les qualités requises : curiosité, écoute, intuition, détermination, absence de préjugés, pour mener à bien ces investigations et déjouer les fausses informations véhiculées par les ragots, par la rumeur qui « enfle rinforzando »33, comme dans l’air de la calomnie de Beaumarchais ou de Rossini.
Des témoignages et des souvenirs d’époques différentes qui s’entrecroisent34, la recherche de traces dans des cadres spatiaux dispersés35, des supports narratifs empreints d’une forte subjectivité – lettres, journaux intimes36 et même récits de rêves37 – introduisent la fragmentation, rompent avec la mimesis de l’écriture biographique traditionnelle ou de « la tranche de vie », distillent une part d’incertitude, d’autant que l’auteure du Fil de soie suggère, avec l’image poétique de la broderie ajourée, que les « intermittences » de la mémoire laissent toute sa place à l’imaginaire : « La mémoire est une dentelle avec de grands jours où passe la lumière »38.
« Le secret, dans la mesure où il doit son existence à sa non-révélation ou à sa divulgation différée, est générateur d’écriture du non-dit ou du détour »39. Dans les romans du corpus, même lorsque domine la voix surplombante d’un narrateur omniscient et que le récit respecte peu ou prou l’ordre chronologique et l’unité de lieu (Les Convalescentes, Silencieuse), l’auteure ne manque pas d’introduire ces « morphèmes dilatoires » : « retards, chicanes, arrêts, dévoiements »40, caractéristiques, selon Barthes, du « code herméneutique »41.
Pour ralentir le tempo du récit et résister à la tentation de livrer trop tôt ce qu’ils savent, certains narrateurs utilisent la figure de « la réticence » qui joue avec les nerfs du lecteur. Sur le point d’expliquer l’anorexie d’Oriane par son passé, la narratrice des Convalescentes s’exclame : « Mais là stop ! Bouche cousue ! Porte close ! »42. Le texte se fait aphasique, fermé à la sortie des mots comme le corps d’Oriane refuse de laisser entrer les aliments. L’information du viol qui a déclenché cette maladie ne sera donnée que cent pages plus loin. Comme s’il voulait retarder le moment de mettre fin à cette histoire qui le reliait étroitement à l’héroïne, et au lecteur, l’ami d’Alice freine son impatience narrative : « Je me laisse emporter. Je vais trop vite »43. Certains de ces métadiscours tiennent lieu d’art d’écrire et de lire les romans : « Tout récit est un voyage dont il faut respecter le cours. Et qu’importe le bout du chemin »44, affirme Ahmed au moment de révéler « [le] terrible et merveilleux secret » du couple du Fil de soie, dont il est depuis toujours le dépositaire.
Le silence étant partie prenante de la poétique du secret, à ces rétentions d’informations, aux prolepses elliptiques45 destinées à happer la curiosité du lecteur, s’ajoute le silence qui oppresse les détenteurs du secret. C’est pour échapper à la prison d’un tel silence chargé de remords et se libérer « d’un secret d’une lourdeur écrasante »46 que Louis accepte in fine de livrer, sous le sceau de l’anonymat, la confession d’un « terroriste » lors d’une émission télévisée. Dans Les Garçons d’en face, la fillette, mise au secret comme ses frères dans la « maison-prison », conditionnée à ne rien dire sur sa famille, cache ce silence imposé sous un babil inessentiel. Mais un « on » qui lui échappe tel un lapsus freudien atteste l’existence des monstres restée jusqu’alors une hypothèse relayée par les ragots : « Lola m’avait entrouvert la porte de ses secrets »47, constate la narratrice. D’autres indices : d’énigmatiques va-et-vient de voiture, la présence de deux balançoires ou une question de Lola à propos de La Belle et la Bête venant corroborer cette découverte, Élise n’aura de cesse de mettre en place, avec son ami Paul, tout un dispositif de guet et d’investigation pour établir les preuves, « en finir avec les légendes »48. Les témoignages qui se recoupent, se complètent, les fausses pistes souvent induites par « le pot des potins »49, la dilution des indices au cours du récit, voire des références littéraires insolites telle cette page de Colette censée être porteuse d’une révélation, mais qui reste sibylline pour l’enquêtrice d’Un Cercle de famille50 : ces procédés inscrivent dans le roman le profil d’un lecteur implicite attentif au détail, déchiffreur, n’ayant pas droit à la distraction, comme dans une enquête policière. À ceci près que dans ces livres on ne recherche pas l’assassin et le mobile, mais une vérité beaucoup plus subtile, complexe et indécise. Le détective doit se faire herméneute, car écrire le secret pour Michèle Gazier, c’est entreprendre un « voyage de l’autre côté »51 qui implique le franchissement de frontières géographiques ou symboliques plus ou moins poreuses ou hermétiques.
La frontière entre le rêve et la vraie vie est si poreuse52.
Attentif aux rêveries qu’inspire au lecteur l’écriture du secret dans diverses œuvres littéraires, Pierre Brunel distingue trois modalités de l’imaginaire du secret : « un imaginaire de l’évanescent, un imaginaire du repli, un imaginaire du défi »53. La préservation du secret va de pair avec le repli, voire la réclusion volontaire ou imposée dans un espace clos, à l’abri d’une frontière géographique ou mentale décrétée infranchissable. La nécessité de s’en délivrer suppose à l’inverse de contrevenir aux interdits, de forcer les barrières, de défier les conventions. C’est ainsi que la poétique du secret recoupe la problématique de la frontière qui réunit l’imaginaire du repli, de la séparation, de l’opacité, et celui du défi, de la transgression, du passage, d’une possible transparence : « Frontières, opacité et transparence » est d’ailleurs le titre d’un tableau du peintre dans Mont-Perdu.
Plusieurs des romans du corpus se placent dans la zone frontalière entre Espagne, Catalogne, Andorre et la région de Béziers, bien connue de Michèle Gazier puisqu’il s’agit du berceau familial. L’une des modalités du secret concerne l’expatriation sans retour d’un personnage qui quitte l’Espagne pour s’installer en France, une traversée de la frontière en sens unique, avec ses conséquences pour les générations suivantes. La question de l’émigration, du tiraillement entre deux cultures et des problèmes d’intégration au pays d’accueil donne lieu à variations selon les romans. Afin d’échapper au mal-être de l’immigré, certains personnages optent pour l’acculturation radicale. Ainsi l’aïeul de Mont-Perdu, celui d’Un Cercle de famille ont choisi « le côté français de la frontière »54, de même que Julien « se construit français » avec acharnement : « J’ai défendu mon identité française à coups de poings, de pied, de dents »55. La longue dictature de Franco contribue à accélérer le processus de détachement du pays d’origine pour ces défenseurs de la République. À l’inverse, l’héroïne de Mont-perdu, qui vit comme une amputation la perte de ses racines espagnoles, part à la reconquête de son « hispanité » avec la même rage que mettaient sa mère, et Julien, à la faire oublier. Elle s’approprie le catalan qui ne lui avait pas été transmis, change son prénom en Alicia, repousse un amoureux pas assez espagnol à son gré, adopte certains comportements stéréotypés : un jusqu’au-boutisme qui tend de fait à reconstruire une frontière. Avec plus de nuances, Antonio, un comparse de Histoires d’une femme sans histoire, né en France, va travailler à Barcelone « pour se familiariser avec la langue de ses ancêtres et pour savoir enfin de quel côté de la frontière son cœur balancerait »56. La frontière s’insinue parfois à l’intérieur même des familles, dont l’histoire s’en trouve frappée d’incertitude : « Il y a deux versions de l’histoire des Rodoreda, une française, et une version catalane autrement plus sévère. Selon qu’on se plaçait d’un côté ou l’autre de la frontière, on ne voyait pas la même chose »57, lit-on dans Un Cercle de famille. « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà »...
Un Soupçon d’indigo transpose à Marie-Galante cette déterritorialisation définitive et radicale jusqu’à l’effacement des traces. En épousant la cause des « damnés de la terre », Maurice est passé « de l’autre côté du miroir »58, dressant entre lui et son passé une frontière irréversible : « Vous aviez franchi deux barrières réputées infranchissables : celle de la couleur et de l’identité. Vous étiez devenu un nègre »59.
Briser les cercles qui emprisonnent, repousser les limites, traverser les frontières établies par la société ou par l’histoire : tel est aussi le défi de celles et ceux qui veulent mettre au jour le secret. Les frontières territoriales sont les plus faciles à franchir. L’héroïne de Mont-Perdu retourne inlassablement en Espagne sur les lieux de l’histoire familiale, en quête de signes, de traces mettant sur la voie du ou des secrets qui peuvent expliquer le choix de l’exil. La narratrice d’Un Soupçon d’Indigo n’hésite pas à dénouer les liens avec sa famille et ses amis, à se dépouiller de tout pour tenter de comprendre in situ la dérive et la disparition de son grand-père. Elle réalise que pour approcher la vérité de cet homme, il lui faudra aussi se débarrasser des limites que posent le langage et la culture. Bardée de mots et de références, elle sait que « si cette barrière se craquelle un jour, elle pourra voir enfin derrière le miroir, là où dorment les secrets »60. Le secret ayant conduit à une interruption dans la transmission naturelle d’une génération à l’autre, pour le lever, il faudrait pouvoir franchir la barrière du temps, ce que font par exemple le couple d’enquêteurs de Mont-Perdu qui remonte à l’histoire ancienne des Juifs Marranes expulsés de Tolède en 149261, ou encore Maria qui croise les fils temporels de la vie de Zita62. Le rêve nocturne favorise parfois le voyage temporel, ainsi de cette Natacha qui, dans Les Convalescentes, « a traversé les couches d’oubli, les plis du temps »63, mettant Lise sur la voie de l’élucidation du secret de Maxime et Daisy.
Désireuse de franchir « la frontière de l’interdit qui cerne les deux garçons »64, Élise fait fi des barrières d’âge et de classe sociale pour se rapprocher de la fillette qui sera la principale adjuvante dans sa quête extrême de l’altérité. Une quête présentée comme un comble du défi, voire de l’hybris : « Elle voulait être dans le secret des monstres comme on est dans le secret des dieux »65. La curiosité à l’égard de « cette autre forme de monstruosité qu’est une maladie de peau chronique »66 relève d‘une même démarche transgressive : entrer dans la salle de cure est comme « pénétrer dans le saint des saints »67. L’approche de la monstruosité ouvre le « moi » de la narratrice aux zones enfouies de son « inquiétante étrangeté », la quête du secret pouvant en l’occurrence servir de viatique pour l’exploration de soi. Enfant, ses grimaces devant la glace lui avaient révélé « ce monstre qu’[elle] portai[t] en [elle] »68. Elle avoue être « hantée » par l’idée d’anormalité et s’interroge sur une possible pulsion voyeuriste :
Voulions-nous nous repaître du spectacle sans doute répugnant, peut-être fascinant de la monstruosité des garçons d’en face ? Voulions-nous vivre une sorte de film d’horreur dans lequel nous tiendrions le rôle du voyeur ?69
Mais aussi attentifs, intuitifs et perspicaces soient-ils, ces enquêteurs se heurtent parfois à « l’au-delà du secret »70, ce noyau dur, inatteignable qui constitue l’unicité de personnages éminemment romanesques. Le titre Histoires d’une femme sans histoire est à ce propos significatif, car il suggère que toute vie, fût-elle ordinaire, « sans histoire », est un faisceau complexe recélant une richesse pareille à « ce joyau [qui] dort enseveli » dans « Le Guignon » de Baudelaire, dont la présence se révèle par éclats dans la fulgurance du poème sans que pour autant le mystère soit élucidé. Comme l’observe Pierre Brunel, le secret se loge au creux de l’intime et parfois dans l’infime. L’intrigue des Convalescentes enchevêtre en un nœud serré les secrets au cœur des vies des divers personnages et place le lecteur devant une multitude de questions : d’où provient l’anorexie d’Oriane qui la ramène périodiquement dans ce centre de soins ? Comment expliquer le brutal basculement de Lise, l’autre convalescente, dans la dépression, et son impression récurrente d’avoir déjà rencontré Maxime ? Quel fut le rôle de ce dernier dans la mort de Gladys, sa première femme ? Certaines de ces questions trouveront une réponse, d’autres non, car il est des secrets, proches du sacré, qui ne peuvent ni ne doivent être découverts ; certaines frontières demeurent inviolables. Si les « Histoires d’une femme sans histoire » racontées par celles et ceux qui l’ont connue éclairent une part d’ombre de cette existence, jamais nous n’aurons la clé qui ouvre « la forteresse intérieure » dans laquelle Zita s’est enfermée après la mort de son père, une blessure fondatrice dont le récit scande le roman. L’amour lui-même ne garantit pas la transparence totale des cœurs et des âmes, car « les remparts de la solitude sont les plus imprenables. On naît seul, on meurt seul, on souffre seul, parfois aussi on aime seul »71, profère le narrateur dans Mont-Perdu lorsqu’il constate que l’intimité d’Alice, son amie de cœur, lui reste forclose. L’image du château-fort inexpugnable se glisse dans le choix d’un mot, ainsi de « la frontière qui s’était creusée autour de [Lise] »72. Et dans Silencieuse, Louis, le peintre Glauwe et la petite autiste forment « le cercle fermé des vieilles âmes »73 dans lequel Ribaute, l’universitaire-écrivain-narrateur, ne peut entrer. La personnalité d’Alain Rachet, héros du Merle bleu, reste énigmatique pour le lecteur. Est-il un vulgaire usurpateur qui profite de la naïveté du vieux couple ou est-il celui qui, lui-même victime de l’Histoire, a introduit l’affection, la fantaisie, la poésie dans leur vie et leur œuvre ? La réponse ne figure pas explicitement dans les romans, toutefois certaines chutes font figure de sanction narrative et orientent le jugement du lecteur. L’accident mortel de Maxime qui s’est pris le pied dans une béquille de Daisy semble ainsi relever de la justice immanente74. Inversement l’élégant remaniement de l’article du vieux savant sur le merle bleu par Alain Rachet plaide en faveur de la noblesse et de la sincérité d’un personnage qui partage jusqu’au bout son mystère avec l’oiseau Monticoli solitarius. La clausule d’Un Cercle de famille corrige l’image exclusivement maléfique de Clément qui, victime du cynisme de son patron, a préféré « tout perdre » que jouer sa femme aux dés.
L’idée sous-jacente est qu’il n’y a pas une « Vérité unique [...] de qui que ce soit »75. Les romans de Michèle Gazier jouent d’une tension entre le nécessaire ancrage dans un passé, une famille, une culture, voire un désir d’enracinement né d’un flottement identitaire, et une revendication d’affranchissement, de libre construction de soi, de non appartenance. L’auteure évite les explications essentialistes et les jugements axiologiques manichéens : bon vs méchant, vertueux vs immoral, normal vs monstrueux, pour privilégier les figures de l’entre-deux. Alice connaît les mêmes difficultés d’assimilation des deux côtés de la frontière : « fille de réfugiés » en France, « frenchie » pour les Espagnols, elle reste « une femme entre deux rives »76, ce qu’elle finit par ériger en modus vivendi : « Elle ne revendiquerait jamais plus un territoire », choisissant d’être « du pays de sa langue, mais aussi de ses livres »77, dans sa fonction de traductrice, c’est-à-dire de passeur. Dans Un Soupçon d’indigo la fuite géographique s’est muée en dérive et en métamorphose identitaire. « Je » est devenu « un autre ». Au risque de se perdre, au prix d’une dépossession qui rappelle la belle maxime de René Char selon laquelle : « on ne taille pas dans sa vie sans se couper»78.
La quête du secret, fût-elle un échec, mène de fait à une découverte de la plus haute importance : celle de l’arbitraire, voire de l’inanité des frontières. L’investigation d’Alice lui en révèle les origines purement conventionnelles et historiques. Le Musée de la préhistoire l’informe de l’absence de frontière entre la France et l’Espagne à cette époque, et son ami apprend qu’à Tolède, avant le décret de l’Alhambra, « les frontières avaient été un temps abolies entre juifs, musulmans et chrétiens »79 qui vivaient alors en harmonie. À Marie-Galante, la séparation entre les Blancs métropolitains et la population créole est le fruit d’une colonisation cynique et impitoyable que Maurice refuse de cautionner.
C’est Alice qui énonce la leçon à tirer. Avec son retour au Mont-Perdu, elle
a bouclé sa boucle. Touché du pied et du regard cette limite fragile et poreuse que l’on nomme frontière. Elle avait deviné que les frontières n’existaient que dans nos têtes et sur nos cartes géographiques80.
Plus bouleversante encore est, dans Les Garçons d’en face, la découverte d’Élise concernant les frontières qui séparent et hiérarchisent les individus en fonction de normes arbitraires. Au fur et à mesure de la progression de son enquête, sa réflexion rejoint celle de Montaigne sur la barbarie81, ou sur « l’enfant monstrueux »82, avec la conscience que « la monstruosité échappe à toutes les analyses et caractéristiques. À moins d’admettre que le monstre c’est toujours l’autre, celui qui n’a pas la même peau, le même corps, la même voix, la même langue, les mêmes mœurs »83. Lorsqu’Élise parvient enfin à « voir » les garçons difformes non plus avec les représentations mentales, « abstraites », nourries de préjugés qu’elle s’en faisait, mais avec ses yeux de chair, elle se trouve devant des enfants « maladroits et charmants », jouant « comme tous les enfants », « si énergiquement vivants, si aptes au bonheur »84. La monstruosité réside moins dans leur apparence physique que dans l’ostracisme dont ils font l’objet par les gens dits « normaux ». « Nous appelons contre nature ce qui advient contre la coutume », écrivait déjà Montaigne.
La thématique du secret est ainsi une manière éminemment romanesque pour Michèle Gazier de soulever des questions existentielles de premier plan concernant l’appartenance, l’identité, la normalité. Vénéneux, heureux, voire sacré, quelle que soit sa nature, le secret touche toujours tangentiellement aux grandes questions de l’origine, de la filiation, de la responsabilité et du sens de la vie. L’enquête conduit à la délégitimation des clôtures érigées par les familles, les classes sociales, les diktats culturels, les préjugés. Elle invite à s’aventurer du côté de l’intime, mais toujours dans le respect de ce qui est tu, de l’informulé, du mystère des êtres. Le lecteur du XXIe siècle ne peut qu’être reconnaissant à Michèle Gazier de lui offrir des romans qui préservent l’idée de secret dans son ambivalence à une époque qui prône la transparence absolue jusqu’au déballage parfois obscène... Fortement impliqué par la poétique du secret, le lecteur est également invité à affronter ses propres secrets, à reculer ses propres « frontières » morales, idéologiques, voire intellectuelles. C’est ainsi que Jean-Marie Le Clézio lisait Un Cercle de famille à la sortie du livre où il en fit une recension dans Le Nouvel Observateur :
Le roman de Michèle Gazier enchante et trouble. Quand nous le refermons, nous savons que quelque chose continue à parler en nous, entre mémoire et imaginaire. Comme si, grâce à la voix de Michèle Gazier, nous avions, nous aussi, pénétré son cercle de famille85.
[1] Michèle GAZIER, Un Soupçon d’indigo, Paris, Éditions du Seuil, 2008, p. 54.
[2] BAUDELAIRE, « La Vie antérieure », Les Fleurs du mal.
[3] M. GAZIER, Silencieuse, Paris, Éditions du Seuil, 2017, p. 52.
[4] François VIGOUROUX, Le Secret de famille, Paris, Fayard/ Pluriel, 2010, p. 111.
[5] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, Paris, Julliard, 1993.
[6] Corinne BLANCHAUD et Violaine HOUDARD-MEROT, « Le Secret métaphore de l’écriture », Avant-propos de Écritures du secret, « J’avance masqué », Université de Cergy-Pontoise, 2009, p. 8.
[7] Pierre BRUNEL, L’Imaginaire du secret, Grenoble, Ellug, Université Stendhal, 1998.
[8] M. GAZIER, Un Cercle de famille, Paris, Éditions du Seuil, 1996, p. 68.
[9] M. GAZIER, Mont-Perdu, Paris, Éditions du Seuil, 2005.
[10] Ibid., p. 13.
[11] M. GAZIER, Un Cercle de famille, op.cit., p. 133.
[12] Ibid.
[13] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 13.
[14] F. VIGOUROUX, op. cit., p. 3.
[15] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, Paris, Éditions du Seuil, 2003.
[16] F. VIGOUROUX, op. cit., p. 48.
[17] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 157-158.
[18] M. GAZIER, Un Cercle de famille, op. cit., p. 116.
[19] Ibid., p. 130.
[20] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, op. cit.
[21] M. GAZIER, Un Soupçon d’indigo, op. cit., p. 192.
[22] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p. 36.
[23] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, op. cit., p. 37.
[24] M. GAZIER, Silencieuse, op. cit., p. 50.
[25] Une Histoire sur laquelle l’auteure est revenue en écrivant le texte d’une bande dessinée consacrée à « la Pasionaria », avec B. CICCOLINI (dessin), Paris, Naïve, 2015.
[26] Le « souvenir-écran » désigne en psychanalyse un souvenir en apparence peu important aux yeux du patient, mais qui masque en fait un souvenir refoulé.
[27] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 59.
[28] F. VIGOUROUX, op. cit., p. 7.
[29] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p 116.
[30] Dominique RABATÉ, « Le Secret et la modernité » in D. RABATÉ, (dir.) Dire le secret, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, revue Modernités n°14, 2001, p. 16.
[31] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p. 53.
[32] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 16.
[33] BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville, Acte II, scène 8.
[34] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, op. cit.
[35] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit.
[36] M. GAZIER, Un Soupçon d’indigo, op. cit.
[37] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit.
[38] M. GAZIER, Le Fil de soie, Éditions du Seuil, coll. « Points », 2011, p. 141.
[39] C. BLANCHAUD et V. HOUDART-MEROT, « Le Secret métaphore de l’écriture », op. cit., p. 9.
[40] Roland BARTHES, S/Z, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points »,1976, p. 82.
[41] Ibid.
[42] M. GAZIER, Les Convalescentes, Paris, Éditions du Seuil, 2014, p. 50.
[43] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 212.
[44] M. GAZIER, Le Fil de soie, op. cit., p. 209.
[45] M. GAZIER, Exemples de prolepses : la mention, dans Silencieuse, du drame, de « la tempête » à venir (Silencieuse, op. cit., p. 156) et l’utilisation du futur dans un récit au passé pour annoncer que « Le scandale dépasserait le cadre mesquin des sarcasmes et des potins ». Ibid., p. 187.
[46] M. GAZIER, Silencieuse, op. cit., p. 191.
[47] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p. 88.
[48] Ibid., p. 186.
[49] M. GAZIER, Silencieuse, op. cit., p. 26.
[50] M. GAZIER, Un Cercle de famille, op. cit., p. 47.
[51] On pense naturellement au titre d’une œuvre de J. M. G. LE CLÉZIO, auteur dont Michèle Gazier est proche à plusieurs titres.
[52] M. GAZIER, Un Soupçon d’indigo, op. cit., p. 46.
[53] P. BRUNEL, op. cit., p. 244.
[54] M. GAZIER, Un Cercle de famille, op. cit., p. 79.
[55] Ibid., p. 161.
[56] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, op. cit., p. 79.
[57] M. GAZIER, Un Cercle de famille, op. cit., p 143.
[58] Cf. la référence assez fréquente au livre de Lewis CAROLL, Alice au pays des merveilles.
[59] M. GAZIER, Un Soupçon d’indigo, op. cit., p. 222.
[60] Ibid., p. 60.
[61] Certains ont continué à pratiquer clandestinement leur religion et à parler leur langue : « le ladino, un espagnol aux douceurs orientales qui s’était comme arrondi dans le secret des gorges et l’humidité des pleurs. » (Mont-Perdu, op. cit., p. 93).
[62] M. GAZIER, Histoires d’une femme sans histoire, op. cit.
[63] M. GAZIER, Les Convalescentes, op. cit., p. 30-31.
[64] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p. 45.
[65] Ibid.
[66] Ibid., p. 49.
[67] Ibid., p. 125.
[68] Ibid., p. 154.
[69] Ibid., p. 174.
[70] F. VIGOUROUX, op. cit., p. 4.
[71] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 156.
[72] M. GAZIER, Les Convalescentes, op. cit., p 86.
[73] M. GAZIER, Silencieuse, op. cit., p. 126.
[74] M. GAZIER, Les Convalescentes, op. cit.
[75] M. GAZIER, Un Soupçon, d’indigo, op. cit., p. 83.
[76] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 43.
[77] Ibid., p. 216.
[78] René CHAR, Feuillets d’Hypnos, 1943-1944.
[79] M. GAZIER, Mont-Perdu, op. cit., p. 150.
[80] Ibid., p. 216.
[81] MONTAIGNE, « Des cannibals », Les Essais, livre I, chapitre XXXI, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », 1985, p. 201.
[82] Ibid., Livre II, chapitre XXXI, p. 691.
[83] M. GAZIER, Les Garçons d’en face, op. cit., p. 153.
[84] Ibid., p. 200-201.
[85] J.-M. G. LE CLÉZIO, « Le nouveau roman de Michèle Gazier, Nœud de vipères », Le Nouvel Observateur, 12-18 septembre 1996, p. 89.
Résumé
Cet essai observe comment le motif du secret de famille, décliné dans plusieurs romans de Michèle Gazier, génère une poétique spécifique qui exige du lecteur une approche « herméneutique ». Liée autant à « l’imaginaire du repli » qu’à celui du « défi » (P. Brunel), la thématique du secret recoupe la problématique de la frontière dans son ambivalence. Ce faisant, elle inscrit dans l’écriture romanesque des questions existentielles de premier plan concernant la filiation, l’identité, la normalité... et invite chaque lecteur à affronter ses propres secrets, à reculer ses propres « frontières » morales, idéologiques ou intellectuelles.
Abstract
This essay observes how Michèle Gazier writes various patterns of family secrets in several of her novels, using a specific form which asks the reader an « hermeneutic approach ». Linked, in the imagination, both to challenge ant to retreat, the theme of secret crosses the problematic of borders in its complexity. In front of different existential questions about filiation, identity, normality… thus raised in these fictions, the reader is urged to confront his own secrets and to move his own moral, ideologic and intellectual boundaries.
Marina SALLES
Université de La Rochelle, CRHIA
BAUDELAIRE, Charles, Les Fleurs du mal (1re éd. 1857), Paris, Gallimard « Bibliothèque de la Pléiade », 1961.
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