On rencontre partout des gens qui ont des montres, et très rarement des gens qui ont des boussoles. On a toujours besoin de savoir l’heure [...] mais on ne se demande jamais où l’on est1.
Au motif que Furetière ignore le terme, peut-on dire que, jusqu’au XVIIe siècle, on ne connaissait pas le « dépaysement » ? Ce serait aller un peu vite en besogne, car on connaissait bien le mot « dépaïser ». Non sous la forme passive (subjective) – être ou se sentir dépaysé – mais sous la forme active (objective), à savoir dépayser quelqu’un ou quelque chose. Aujourd’hui encore, la langue du Palais a conservé cet usage quand le Parquet décide de dépayser une affaire afin qu’elle soit confiée à une autre juridiction. Mais l’usage transitif du verbe était alors de règle. Ainsi, dit Furetière, on dépayse un Religieux « qui a quelque mauvaise habitude », de façon à ce qu’il se retrouve en un lieu où nul ne le connaît. Ou bien, dans un sens différent, « on dépayse le provincial ou l’étranger de façon à ce qu’il perde son accent ou ses manières ». Quant à Corneille, s’il a beaucoup emprunté à Lope de Vega pour Le Menteur, tout comme à Guillén de Castro pour Le Cid, on trouverait « peu de rapport entre l’Espagnol et le Français » car il a « entièrement dépaysé les sujets pour les habiller à la française »2.
Ce qui frappe dans ces exemples, c’est que le dépaysement, pris au sens littéral, c’est-à-dire géographique, apparaît non comme l’effet d’un mouvement délibéré, mais comme le moyen de corriger une faute ou une anomalie – y compris chez Corneille puisque tout admirable qu’il soit, Lope de Vega doit être accommodé « à notre usage ». Deux cents ans après, apparaît enfin une entrée « Dépaysement », chez Littré. Passé le sens géographique (« faire changer de pays, de lieu »), le lexicographe nous propose alors des exemples très différents de Furetière. Car le « dépaysement » se dit également d’une personne qui ne peut retrouver son chemin ; ou bien qui aborde un sujet nouveau pour elle. Le dépaysement n’apparaît donc plus comme une nécessité (se cacher, échapper à la pression du corps social ; se débarrasser de ses travers), mais comme une épreuve : celui qui ne retrouve pas son chemin ou qui ignore le sujet à traiter se sent désemparé, ou plus exactement désorienté (il a « perdu l’Orient », comme on dit « perdre le Nord »). Ce qui confère au dépaysement une coloration négative, comme le confirme le Trésor de la Langue française qui, distinguant bien le sens géographique du sens psychologique, donne comme synonyme de « dépayser » ou « dépaysé » le terme « déconcerter » (« Déconcerter quelqu’un en le transportant hors de son cadre habituel »). Et comme le dit lui aussi Pierre Bayard quand, dans Comment parler des lieux où l’on n’a pas été, il propose un petit lexique où l’on trouve l’entrée « Dévoyage » avec cette définition : « Manière de voyager caractérisée par la perte de la maîtrise des lieux et la dépossession de soi »3.
L’étonnant est qu’une telle présentation semble ignorer la complexité sémantique du mot et l’ambivalence des affects qu’il peut susciter. À prendre les dictionnaires de langue à la lettre, on a l’impression qu’habiter un lieu va de soi et que tout arrachement suscite le trouble. Au point que les différentes notices associent systématiquement le dépaysement à une perte (perte des repères, de l’identité...). Il y a là un présupposé barrésien qui participe d’un imaginaire du sol natal. Or si, dans un monde ancien, le paysan craignait de devoir « quitter son cher pays pour s’en aller là-bas » (à en croire « Les Fiancés d’Auvergne »)4, il en va autrement quand le sujet se sent en porte-à-faux dans le monde et peine à trouver ses repères. En effet, dès lors que nous avons rompu le pacte au terme duquel le paysage où nous nous inscrivons constitue notre horizon de pensée, la question du dépaysement doit être examinée à nouveaux frais.
Comme dans le Livre des Juges (XII, 6), le terme de « dépaysement » constitue ainsi un schibboleth. En effet, tandis que certains conjurent le risque de désarroi (ce que l’on éprouve quand se rompt l’arroi) en traversant le monde sans se commettre avec lui, d’autres voient dans le dépaysement la réponse à un mal être, qui les fait se sentir en exil dans leur propre pays (en étrange pays dans leur pays lui-même). Mais peut-être que le malentendu tient à la conjonction, dans le même mot, du dépaysement comme déplacement et du dépaysement comme sentiment. Comme si l’un était la condition de l’autre. Or, au plan psychologique, les plus dépaysants sont souvent les voyages immobiles, lorsque tout à coup le monde nous apparaît dans une autre lumière et fait vaciller les certitudes.
Le dépaysement constitue une réponse obligée à qui ne peut habiter le lieu qui lui a été assigné. « Je ne suis pas là où je devrais être » : tel est le leitmotiv que scande une bonne part de la modernité. Pareil cri peut s’entendre dans le domaine social (je ne suis pas fait pour demeurer un simple précepteur, se dit Julien Sorel), dans le domaine temporel (Je ne suis pas de ce siècle, pour Don Quichotte ou bien pour l’héroïne de Le Belle au bois)5 mais plus encore au plan existentiel. À relire « La Vie antérieure » (« J’ai longtemps habité sous de vastes portiques / Que les soleils couchants teintaient de mille feux »)6, on mesure à quel point le sujet se condamne à vivre sous le signe de la perte, sous l’effet d’une conscience malheureuse, pour le dire comme Hegel7. Car dès lors que le monde où nous vivons nous apparaît comme un pur simulacre, il est séduisant d’imaginer l’ailleurs comme son « vrai lieu » – quand bien même, suggère la fin de « La Vie antérieure », le moi continue, en plein cœur de l’Eden, de porter en lui un « secret douloureux ».
Dans ce dispositif mélancolique, la géographie (réelle ou imaginaire) a donc valeur de pharmakon, puisqu’elle est à la fois le mal (sans la géographie, je n’aurais pas eu conscience de l’exil qui est le mien) et le remède (mais sans la géographie, je ne pourrais espérer retrouver les « vastes portiques » sous lesquels j’ai habité). N’en déplaise à Clément Rosset, le monde serait donc « double »8. Charge à nous de rejoindre l’autre versant du réel dont notre mémoire, étrangement, conserve la trace.
De ce « vrai lieu », le nom est légion. Dans Les Paradisiaques9, Pascal Quignard dresse une liste de ces pays rêvés, aux antipodes du nôtre, dont les textes attestent l’existence, mais que l’on peine à situer. Car il en va d’eux comme de l’Eden qui, jusqu’au XVIIIe siècle, figurait sur certaines cartes de géographie10, mais dont pourtant nul n’a retrouvé le chemin. Du moins en a-t-on trouvé des substituts : îles mystérieuses des mers du Sud, Orient extrême, cités inaccessibles..., comme si à vouloir échapper à un lieu inauthentique, on ne cessait de poursuivre des fantômes – avec cet arrachement à soi que promettent des sonorités telles que Lhassa, Tombouctou ou Savannaket. Certains en auront fait leur « vrai lieu » (Gide à Biskra, cette oasis où prévaut la loi du désir), mais de telles retrouvailles ont quelque chose d’illusoire car il y a peu de chances que l’on accède jamais au « pays des merveilles », réservé à Alice, ou à Neverland, propre à Peter Pan. Car cette géographie imaginaire transpose en réalité une expérience temporelle : à la fin de la nuit initiatique, dans l’île des Enfants (le Capitaine Crochet, le crocodile...), l’héroïne doit regagner le monde réel11. Car si les mers du Sud et les cités mystérieuses au cœur du continent noir ou jaune nous séduisent à ce point, c’est que le dépaysement relatif du voyage dans l’espace se double de ce dépaysement absolu qu’est le voyage dans le temps. En effet, cet ailleurs est un avant, comme l’avait remarqué Montaigne dans un célèbre chapitre des Essais (« Des coches ») et comme l’ont répété après lui, aussi bien Diderot que Claude Lévi-Strauss.
L’aspiration au dépaysement a donc partie liée avec une forme de bovarysme, dès lors que le départ est censé répondre à une souffrance : l’impossibilité à habiter le lieu que le destin nous a assigné. D’où ce double mouvement qui voit, dans de nombreux romans, le héros recourir au dépaysement pour se donner l’illusion du recommencement (l’imaginaire auroral de la seconde naissance), avant que ne revienne le temps des illusions perdues. Dans le prière d’insérer de Loin, l’un de ses premiers romans, J.-B. Pontalis présente ainsi son ouvrage : « Ce récit retrace l’expérience d’un dépaysement. Une ville étrangère en est le lieu : Mymia. Des femmes en sont l’instrument : Alix et Angèle [...]. » Mais, ajoute-t-il, si « le dépaysement est d’abord vécu dans un sentiment de vacance et de légèreté, [...] il vire progressivement au malaise, à la dépossession de soi, à l’exil »12.
Alors que le dépaysement était censé arracher le sujet à lui-même, il le confronte finalement à ses limites (le « secret douloureux », à la fin de « La Vie antérieure » ; ces « anciennes blessures », que redécouvre le héros de Pontalis). En effet, un dépaysement radical devrait déboucher sur une véritable métamorphose. Or, Lawrence d’Arabie n’est jamais devenu un Arabe ; pas plus que Mayrena, dans Le Règne du Malin, ne deviendra un Moï13. Ni l’un ni l’autre n’aura franchi la limite. Mais il est vrai que si la métamorphose était totale, le sujet n’aurait plus conscience de son dépaysement, puisque, pour être éprouvé, un tel sentiment exige que demeure la conscience de soi14.
Il y a là une aporie qui tient à une trop grande confiance dans les vertus de l’ailleurs. Ou peut-être que le malentendu provient des ambiguïtés du mot « dépaysement », qui donne à croire que le sens littéral (géographique) est garant du second (psychologique). Si un déplacement procurait à lui seul un sentiment de dépaysement, les deux niveaux de signification seraient à jointure. Mais le paradoxe tient à leur fréquente disjonction, car on peut accéder aux confins du monde tout en demeurant identique à soi-même, tandis qu’on peut éprouver au plus près l’expérience du dépaysement lorsque l’univers familier change tout à coup de visage.
Du fait que le dépaysement « désoriente » et « déconcerte », comme disent les dictionnaires, il constitue une menace. Ce qui explique les conduites d’évitement propres aux « universalistes », qui traversent le monde en toute indifférence, soucieux de ne se laisser pas émouvoir par l’entour. En effet, pour tous ceux qu’affecte le « syndrome Phileas Fogg », il peut y avoir translation sans altération15. Insensible au sentiment de dépaysement comme d’ailleurs à tout sentiment, Phileas Fogg ne connaît du monde que ce que lui en disent les horaires des trains et des paquebots – substituant ainsi au trouble du vivant les certitudes de la mathématique16. Au regard de la question qui est nôtre, un tel roman théâtralise à merveille le double jeu de la révolution technicienne et du colonialisme, qui tout à la fois célèbre l’ailleurs (le voyage, l’exotisme) mais réduit le multiple à l’Un, en se proposant de soumettre un monde sauvage à la rationalité occidentale.
Phileas Fogg aura donc traversé le monde sans quitter l’Angleterre. Tout comme, dans la seconde moitié du XXe siècle, le Robinson de Michel Tournier, dans Vendredi ou les Limbesdu Pacifique, une fois passé le moment de sidération qui suit le naufrage, voyage à rebours en faisant de l’île administrée une Nouvelle-Angleterre. Seul sur Speranza, Robinson conjure tout risque de dépaysement en « dépaysant » l’île, au sens où Furetière emploie le mot pour dire d’un étranger ou d’un provincial qu’on l’a débarrassé de ses traits spécifiques. La première partie du roman, où Robinson réinvente l’agriculture et l’État (la charte), consiste en effet en une annulation de la différence – condition de possibilité du dépaysement –, comme s’il convenait de rendre le monde monochrome (Vendredi en nègre blanc) et monotone (une île du Pacifique sud devenue une petite Europe). Le dépaysement est donc devenu problématique à mesure que le monde se mettait à parler une seule langue : la technique, le capitalisme et l’anglais.
Mais la remise en cause des « pays » – un imaginaire borné par un paysage – a des racines plus anciennes. C’est ce que l’on mesure à rapprocher deux scènes emblématiques. Dans une page bien connue des Mythologies, Roland Barthes rappelle que, lors d’un voyage en Afrique noire, André Gide « lisait du Bossuet en descendant le fleuve Congo »17. Une soixantaine d’années plus tard, le héros de La Salle de bain, de Jean-Philippe Toussaint, quittant pour une fois sa salle d’eau, se rend dans une ville d’eau, à savoir Venise ; mais là, indifférent au Grand Canal et à San Marco, il ne quitte guère son hôtel où il lit (en anglais !) les Pensées de Pascal, trouvées par hasard18. Pour différentes que soient ces œuvres, les deux scènes reflètent la même indifférence au monde extérieur, et donc l’impossibilité du dépaysement. Ce à quoi l’aventure du voyage expose, l’auteur ou le personnage s’y refuse. Au cœur de l’Afrique ou de la cité des Doges, ils se plongent dans les classiques du XVIIe siècle français, peu sensibles à la diversité du monde. Plus précisément, ils en appellent l’un et l’autre à des auteurs spirituels. Or, à considérer l’horizon de pensée d’un Pascal ou d’un Bossuet, on voit que le dépaysement occupe une place paradoxale. Certes, il y eut au commencement ce dépaysement qu’a connu l’homme déchu quand l’Éternel l’a expulsé de l’Eden. Mais depuis ce désastre inaugural, le dépaysement est devenu impossible car, dans une perspective théologique, l’homme est partout le même. Les costumes et les coutumes peuvent varier ; mais par-delà les apparences, c’est bien toujours de la même humanité déchue que nous parlons. L’étrange est donc que le christianisme en vient à annuler la possibilité du dépaysement, alors qu’il a été lui-même une religion dépaysée, quittant Jérusalem pour Rome, abandonnant l’hébreu pour le latin, et oubliant les rituels instaurés par l’Ancien Testament (par exemple la circoncision). Or c’est cette religion dépaysée qui s’est située dans une perspective universaliste, annulant les frontières et les identités particulières.
Comme on le sait, les dieux se sont tus. Mais l’empreinte demeure. Si bien que la modernité occidentale apparaît l’héritière de cet universalisme premier. La proximité est donc plus grande qu’on ne peut le penser entre les prométhéens (Robinson Crusoé) et les augustiniens : pour les premiers, héritiers du dieu-artisan dans le Timée19, il convient de mettre en ordre le monde, jusqu’à ce qu’il s’ordonne selon les lois de la raison (une et indivisible) ; pour les seconds, qui voient le monde à travers le prisme de la métaphysique, l’humanité connaît en tous lieux la même condition. Du coup, chez des auteurs comme Beckett et Céline, le temps ni l’espace n’existe puisqu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et que le Mal est universel. Le héros de Voyage... peut bien arpenter le monde, partout il rencontre la « nuit ». Quel voyage envisager alors, quand le monde est un « cabanon » ou une « prison »20 (même si, dit Marguerite Yourcenar, « il nous faut malgré tout en faire le tour »21) ? Les fameuses maximes qui émaillent le texte de Céline nous épargnent d’ailleurs toute surprise : dès lors qu’il existe une nature humaine immuable, l’homme et le monde sont partout les mêmes. Pour le moraliste, le déplacement est donc l’occasion, non d’un dépaysement mais d’une confirmation. Alors que le héros d’un roman d’initiation ou de formation, arraché à son lieu premier, s’expose à toutes les formes de dépaysement (géographique, social, culturel...), celui d’un « roman de confrontation »22 détient d’emblée le savoir. Pour cette famille de héros, le monde est sommé, non de nous déconcerter, mais de répondre à notre attente23. Et si jamais il semble s’y refuser, on est en droit de le soumettre.
Mais le monde ne répond pas toujours comme il faudrait. Du coup, celui qui croyait savoir et avait l’illusion de pouvoir, s’expose à cette dépossession, ou à cette déliaison, qu’est le dépaysement. Ce dépaysement qui soudain nous dépouille de tous nos alibis.
Malgré la charge sémantique du mot, cette dépossession ne relève pas forcément d’un déplacement dans l’espace – même si ce dernier en demeure souvent l’occasion ou le prétexte –mais plus sûrement d’un déplacement de la focale. Ou, si l’on préfère les métaphores spatiales, le dépaysement équivaut à un décentrement, comme dans ces cartes qui, à l’encontre de nos usages, placent au centre un point géographique remarquable (l’un des Pôles), ou bien proportionnent les territoires à d’autres critères que la surface (richesse par habitant ; ressources en eau, etc.). Il s’agit bien toujours du monde que nous connaissons ; et pourtant nous peinons à le reconnaître, du fait que l’échelle ou bien le centre en ont été changés. En effet, tant qu’il existe un point fixe par rapport auquel se situer (géographiquement et intellectuellement), le dépaysement ne peut être que transitoire. On comprend donc la charge affective qui entoure ce point imaginaire, qui a donné naissance à un véritable « syndrome de l’Omphalos », comme dit Bertrand Westphal24.
Les désemparés, qui attendent tout de l’ailleurs, ont l’impression de ne pas vivre là où ils auraient dû être ; à l’inverse, les dépaysés – ceux qui ont fait l’expérience d’un dépaysement tout intérieur – s’aperçoivent soudain qu’ils ne sont plus où ils croyaient. Tel est bien ce qui est arrivé à l’homme occidental, lui qui s’était attribué la meilleure place : au centre du cosmos et au sommet des espèces. Or, pour reprendre un propos fameux de Freud25, si l’on repense aux blessures narcissiques qu’a subies l’humanité – à savoir la révolution copernicienne, le bouleversement darwinien et « l’invention » de l’inconscient –, on s’aperçoit que ces traumas collectifs consistent à chaque fois en un dépaysement, suite à un décentrement. Avec Copernic, celui qui se croyait au centre se découvre en périphérie ; avec Darwin, celui qui bénéficiait d’un statut d’exception réintègre la loi commune ; et avec l’inconscient, le maître du monde renonce à être le maître en sa propre demeure. Exit le cogito et son impossibilité du dépaysement (ubi cogito, ibisum), car dès lors que l’inconscient mène le jeu, « je pense où je ne suis pas », et du même coup « je suis où je ne pense pas »26, comme le dit Jacques Lacan, usant d’une métaphore spatiale qui traduit bien cette expropriation.
La « crise de la conscience occidentale » procède de cette dépossession qu’est le dépaysement – vécu difficilement par qui eut longtemps l’impression d’occuper légitimement la première place. Et à travers la référence coloniale, qui en constitue le miroir grossissant, c’est à cette déprise que renvoie Vendredi ou les limbes du Pacifique, commencé à un moment (1962) où l’homme blanc était en train d’abdiquer une part de ses prétentions. Car après avoir regardé en arrière, comme le note Gilles Deleuze dans « Michel Tournier et le monde sans autrui » (postface de l’édition « Folio »), voilà que Robinson soupçonne l’existence d’une « autre île ». Alors qu’une longue traversée n’avait en rien altéré son identité, Robinson accomplit un voyage immobile dont il sort transformé (l’accès à l’extase solaire et aux « limbes »). Et c’est bien ce voyage immobile qui suscite un dépaysement radical. Le dépaysement ne procède donc pas du monde, mais de soi. En cela, le roman de Tournier, publié en 1967, arrivait au moment où vacillaient toute une série de « grands récits » (le catholicisme, le marxisme, l’ambition prométhéenne...), et où une adhésion naïve au monde cédait la place au soupçon.
Mais par-delà ces bouleversements historiques27, notre position a été délégitimée par la philosophie occidentale elle-même. Des penseurs classiques, comme Descartes et Spinoza, pouvaient s’opposer sur bien des points, mais tous deux assignaient à l’homme sa juste place au sein du réel. Au contraire, les philosophies existentielles, qui auront dominé le XXe siècle, n’ont eu de cesse de remettre en cause la place de l’homme dans le monde, devenue soudain illégitime. On pense à Kafka quand, dans la cathédrale, l’abbé raconte à K. la parabole de « l’homme de la campagne » attendant sur le seuil sans oser le franchir ; à Camus, où le moi se sent « pour toujours étranger à [lui]-même », où le héros d’ « Entre oui et non », appelé d’urgence au chevet de sa mère, se sent « dépaysé comme jamais il ne l’avait été » dès lors que s’est dissipée « l’illusion que la vie recommence tous les jours » ; ou bien encore à Sartre, lorsque Roquentin, contemplant dans le square les fameuses racines, découvre soudain que chaque figurant de cette scène est « de trop »28. Alors que chez Maurice Barrès, les « racines » assignaient à chacun un lieu – un « pays » –, le dégoût qu’elles suscitent fait de Roquentin un « déraciné » – tout comme est déraciné le paysan de Kafka, voué à un entre-deux. Dès lors qu’il n’est pas question ici de s’enfuir vers quelque ailleurs (les aventures indochinoises de Roquentin ne sont plus de mise ; et Rollebon n’est qu’une fiction consolante), le héros doit affronter cette forme de dépaysement existentiel que constitue le silence du monde, c’est-à-dire son indifférence (fût-elle « tendre », comme chez Albert Camus). Héritier dépossédé, chacun de ces personnages doit affronter le désarroi de ces occupants légitimes qui se découvrent soudain dépourvus de titres de séjour et qui, à la question du Grand Veneur, dans La Modification, ne peuvent dire ni qui ils sont ni où ils se trouvent29.
Le dépaysement est donc l’apanage d’un univers du relatif. Car dans un temps lointain, où le monde était peuplé de certitudes, il n’y avait place pour lui. Bons chrétiens, les voyageurs « n’attendaient aucune étrangeté [...] bouleversante des peuples de la terre qu’ils rencontraient sur leur chemin »30 ; pas plus que ne les déconcertait la géographie eschatologique de La Divine Comédie. Dans pareil univers mental, la rencontre de l’absolu pouvait susciter un foudroiement : Saul sur le chemin de Damas, anéanti jusqu’à changer de nom. Lors de cette confrontation au Grand Autre, le sujet était arraché à lui-même. Mais ce foudroiement peut-il être considéré comme un dépaysement ? On serait tenté de le croire puisque la conversion consiste, métaphoriquement, à aborder en terre inconnue : Saul sur la route de Damas, les apôtres partant sur la route, le Christ lui-même disant : « Je suis la voie ». Mais le dépaysement consiste-t-il à dépouiller entièrement le vieil homme ? Certainement pas, du fait qu’il procède à la fois d’une altération et d’une permanence (une mémoire). Le dépaysement, ce cheminement déconcertant, n’est donc pas l’apanage du voyageur des extrêmes, mais une expérience commune, propre au simple fait d’exister.
Vivre, en effet, c’est affronter un état de dépaysement permanent, dont il nous revient de déterminer la nature et la couleur. On peut choisir d’être au monde sur le mode du dépaysement mélancolique comme le Robinson Crusoé de Saint-John Perse une fois revenu à Londres, dans les Images à Crusoé ; et se complaire dans ces grandes fictions métaphysiques, comme l’allégorie de la Caverne ou le mythe de la Chute, pour qui le fait d’être homme procède d’un dépaysement originel. Mais on peut tout autant s’ouvrir à l’événement, perçu comme avènement ; et faire de cet ébranlement une forme de ravissement. En effet, comme dans la fable des « paroles gelées »31, le dépaysement réintroduit le mouvement dans ce qui s’était figé. Contre le risque du repli, il oblige à « sortir de chez soi », et par là même nous offre la possibilité de penser notre existence et de penser le monde, puisqu’il nous amène à « déplier des questions enfouies sous d’illusoires convictions »32.
À condition d’en finir avec l’illusion d’un moi jaloux de son intimité et d’opter au contraire pour un sujet poreux, pour un moi « extime »33, on peut donc redonner à ce dépaysement ontologique toute sa positivité, le constituer en premier moteur et trouver en lui la meilleure manière d’habiter le monde, comme le suggère l’épitaphe de Martinusvon Biberach :
Je viens je ne sais d’où,
Je suis je ne sais qui,
Je meurs je ne sais quand,
Je vais je ne sais où,
Je m’étonne d’être aussi joyeux34.
[1] Georges PEREC, Espèces d’espaces : Journal d’un usager de l’espace (1re éd. 1974), Paris, Denoël/Gonthier, 1976, p. 126.
[2] Pierre Corneille, « Au lecteur », Le Menteur, Théâtre complet, II, Paris, Classiques Garnier, 1960, p. 146.
[3] Pierre BAYARD, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été, Paris, Minuit, 2011, p. 211.
[4] « Les Fiancées d’Auvergne » est une chanson populaire interprétée par André VERCHUREN, en 1961.Voir : http://fr.lyrics.wikia.com/wiki/Andr%C3%A9_Verchuren/Les_fianc%C3%A9s_d%27Auvergne, consulté le 27/07/2018.
[5] Dans cette réécriture de PERRAULT qu’est La Belle au bois (Paris, Gallimard, 1989), de Philippe Beaussant, la princesse mesure à de petits écarts (de costume, de parlures...) le temps pendant lequel elle a dormi.
[6] Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du mal, Paris, Gallimard, poésie-nrf, 2006, p. 47.
[7] La « conscience malheureuse » procède du motif hégélien du « tombeau vide », tel que les Saintes Femmes découvrent le tombeau du Christ.
[8] Clément ROSSET, Le réel et son double, Paris, Gallimard, 1976.
[9] Pour la question : « Où est situé l’Eden », voir Pascal QUIGNARD, Les Paradisiaques (1re éd. 2005), Paris, Gallimard, « Folio », 2007, p. 21-22.
[10] Sur ce point, je renvoie à Jean DELUMEAU, Une histoire du Paradis, Paris, Fayard, 1992.
[11] Cette relation avec le réel est justement ce qui pose problème au pasteur Charles DODGSON, c’est-à-dire Lewis Carroll (les fillettes, la photographie) et à James BARRIE, le créateur de Peter Pan (le nanisme).
[12] J.-B. Pontalis, Loin (1re éd. 1980), Paris, Gallimard, « Folio », 1992. Signalé par Michel Gribinski dans son article intitulé « Dépaysement », Le Royaume intermédiaire : Psychanalyse, littérature, autour de J.-B. Pontalis, Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 2007.
[13] Pour Lawrence d’Arabie : « Comment me faire une peau arabe ? Ce fut de ma part affectation pure », Les Sept Piliers de la sagesse, notice « Lawrence d’Arabie », Dictionnaire des mythes d’aujourd’hui, s. d. Pierre Brunel, Monaco, Du Rocher, 1999, p. 423. Pour Malraux, voir Jean-Claude LARRAT, « Les deux tentations d’André Malraux » et « La métamorphose comme expérience de la liberté », in Sans oublier Malraux, Paris, Classiques Garnier, 2016.
[14] On trouve un bel exemple de cette difficulté dans le roman de François Garde, Ce qu’il advint du Sauvage blanc (Paris, Gallimard, 2012), où le héros, abandonné sur une île et devenu un « sauvage », refuse à son retour, à mesure qu’il réapprend le français, de parler de son état antérieur. Comme s’il fallait conserver intacte la césure.
[15] Sa relation entre altération et altération, voir Michel Tournier, Les Météores (1re éd. 1975), Paris, Gallimard, « Folio », 1977, p. 549.
[16] Sur Phileas Fogg et Le Tour du monde en quatre-vingts jours comme roman philosophique, voir Michel Tournier, Les Météores (op. cit., p. 400-402) et Le Vent Paraclet (1re éd. 1977), Paris, Gallimard, « Folio », 1979, p. 273-276).
[17] « Gide lisait du Bossuet en descendant le Congo. Cette posture résume assez bien l’idéal de nos écrivains ‘en vacances’, photographiés par Le Figaro : joindre au loisir banal le prestige d’une vocation que rien ne peut arrêter ni dégrader », Roland BARTHES, Mythologies (1re éd. 1957), Œuvres complètes, I, Paris, Seuil, 1993, p. 580.
[18] Jean-Philippe Toussaint, La Salle de bain, Paris, Minuit, 1985, p. 82 et p. 87.
[19] L’un des derniers dialogues de Platon.
[20] Louis-Ferdinand CÉLINE, Voyage au bout de la nuit (1re éd. 1932), Romans I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, respectivement p. 13 et p. 15.
[21] Marguerite YOURCENAR : « Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison ». La formule se trouve d'abord dans L'Œuvre au Noir, in Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, p. 564 puis est reprise en épigraphe du texte intitulé « Le Tour de la prison », in Essais et mémoires, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 595.
[22] J’emprunte cette notion à un article de Michel Tournier : « Le Rouge et le Noir, roman de confrontation », in Le Vol du vampire, Paris, Mercure de France, 1981, p. 136-137. Dans le domaine de la fiction, on pense à Don Quichotte, qui voit le monde à travers les romans de chevalerie et croit en revivre certains épisodes. Quant aux « idéologues », tout vient corroborer leurs thèses : Bossuet ne cesse de rencontrer dans l’histoire de nouvelles preuves en faveur du providentialisme, et Pangloss dans chaque épisode la démonstration de sa philosophie de l’optimisme.
[23] D’où ce portrait de Phileas Fogg par Michel Tournier : « C’est un voyageur. Un voyageur en chambre. Il possède du voyage une connaissance abstraite, livresque, et il en déduit a priori qu’on doit pouvoir faire le tour du monde en quatre-vingts jours. La confrontation de ce savoir a priori et de la dure réalité fait tout le contenu du roman [...] », Le Vent Paraclet, op. cit., p. 273.
[24] Bertrand Westphal, Le Monde plausible : Espace, lieu, carte, Paris, Minuit, 2011. Sur le besoin de localiser le centre, G. Perec, Espèces d’espaces, op. cit., p. 125.
[25] Sigmund FREUD, Introduction à la psychanalyse (1re éd. 1921), trad. S. Jankélévitch, Paris, Payot, 2001, p. 343-344.
[26] Jacques Lacan, Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 516-517.
[27] Parmi ces bouleversements, la guerre, que le héros de Comme le temps passe, de Robert Brasillach, décrit comme une forme de « dépaysement », [1937], Paris, Plon, 1989, p. 111.
[28] Franz KAFKA, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1976, p. 453-455. Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, in Essais, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 111, et « Entre oui et non », L’Envers et l’Endroit, ibid., p. 27. Jean-Paul SARTRE, La Nausée, in Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981, p. 152.
[29] Michel BUTOR, La Modification, Paris, Minuit, 1957, réédition UGE, 1970, collection 10/18, p. 152.
[30] Jean-Claude LARRAT, Sans oublier Malraux, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 47.
[31] François RABELAIS, Le Quart Livre, chap. 55-56, éd. G. Defaux et R. Marichal, Librairie Générale Française, 1994, chap. LIV-LVI, p. 529-545.
[32] Nicole LAPIERRE, Pensons ailleurs (1re éd. 2004), rééd. Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 2006, p. 12. Le titre de cet essai est emprunté à Montaigne : « Nous pensons toujours ailleurs » (chap. « De la diversion », Essais, III, 4, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, p. 812.
[33] Cette extimité renvoie bien sûr à une conception nietzschéenne du sujet, dont on retrouve l’écho chez Deleuze (avec, par exemple, la question du moi rhizomatique).
[34] Cité par Clément ROSSET, Loin de moi : Étude sur l’identité, Paris, Minuit, 1999, p. 91. Fréquemment évoqué, entre autres par Luther qui trouve ce texte scandaleux puisque le chrétien, lui, sait exactement d’où il vient et où il va, ce poème a été l’objet de nombreuses polémiques quant à sa paternité, sa date (XVe siècle ?) et son statut : épitaphe ? prologue ?
Résumé
L’expérience du dépaysement peut constituer à la fois un espoir – pour ceux qui rêvent d’un ailleurs – et un motif d’inquiétude – pour ceux qui craignent de perdre leurs repères et refusent d’affronter l’altérité du monde. Mais si, le plus souvent, il n’est de dépaysement qu’au prix d’un déplacement, il arrive aussi que cette expérience procède simplement d’un regard nouveau sur le réel. Et que, loin de constituer un motif d’anxiété, elle incite le moi à se départir de lui-même et à se réinventer.
Abstract
The experience of disorientation can be both a hope, for those who dream to be elsewhere and a cause for concern, for those who are afraid to lose their bearings and refuse to face the otherness of the world. Usually, there is change of scenery when there’s a shift, but it also happens that the experience results of a new look at the real. And that, away from being a cause of concerns, it encourages to reinvent oneself, getting rid of the old self.
Je ne suis pas là où je devrais être
Je suis chez moi même ailleurs
Je ne suis pas là où je croyais être
Jacques POIRIER
Univ. de Bourgogne-Franche Comté
BARTHES, Roland, Mythologies (1re éd. 1957), Œuvres complètes, I, Paris, Seuil, 1993.
BAUDELAIRE, Charles, Les Fleurs du mal (1re éd. 1857), Paris, Gallimard, poésie-nrf, 2006.
BAYARD, Pierre, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été, Paris, Minuit, 2011.
BEAUSSANT, Philippe, La Belle au bois, Paris, Gallimard, 1989.
BRASILLACH, Robert, Comme le temps passe (1re éd. 1937), Paris, Plon, 1989.
BRUNEL, Pierre (dir.), notice « Lawrence d’Arabie », in Dictionnaire des mythes d’aujourd’hui, Monaco, Du Rocher, 1999.
BUTOR, Michel, La Modification, Paris, Minuit, 1957, réédition UGE, 1970, collection 10/18.
CAMUS, Albert Le Mythe de Sisyphe, in Essais, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965.
—, L’Envers et l’Endroit, in Essais, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965.
CÉLINE, Louis-Ferdinand, Voyage au bout de la nuit (1re éd. 1932), Romans I, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981.
CORNEILLE, Pierre, Le Menteur, Théâtre complet, II, Paris, Classiques Garnier, 1960.
DELUMEAU, Jean, Une histoire du Paradis, Paris, Fayard, 1992.
FREUD, Sigmund, Introduction à la psychanalyse (1re éd. 1921), trad. S. Jankélévitch, Paris, Payot, 2001.
GARDE, François, Ce qu’il advint du Sauvage blanc, Paris, Gallimard, 2012.
GRIBINSKI, Michel, « Dépaysement », Le Royaume intermédiaire : Psychanalyse, littérature, autour de J.-B. Pontalis, Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 2007.
KAFKA, Franz, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1976.
LACAN, Jacques, Écrits, Paris, Seuil, 1966.
LAPIERRE, Nicole, Pensons ailleurs (1re éd. 2004), rééd. Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 2006.
LARRAT, Jean-Claude, Sans oublier Malraux, Paris, Classiques Garnier, 2016.
MONTAIGNE, Michel de, Essais, III, 4, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1962.
PONTALIS, J.-B., Loin (1re éd. 1980), Paris, Gallimard, « Folio », 1992.
QUIGNARD, Pascal, Les Paradisiaques (1re éd. 2005), Paris, Gallimard, « Folio », 2007.
RABELAIS, François Le Quart Livre, chap. 55-56, éd. G. Defaux et R. Marichal, Librairie Générale Française, 1994.
ROSSET, Clément, Le réel et son double, Paris, Gallimard, 1976.
—, Loin de moi : Étude sur l’identité, Paris, Minuit, 1999.
SARTRE, Jean-Paul, La Nausée, in Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1981.
TOURNIER, Michel, Les Météores (1re éd. 1975), Paris, Gallimard, « Folio », 1977.
—, Le Vent Paraclet (1re éd. 1977), Paris, Gallimard, « Folio », 1979.
—, Le Vol du vampire, Paris, Mercure de France, 1981.
TOUSSAINT, Jean-Philippe, La Salle de bain, Paris, Minuit, 1985.
YOURCENAR, Marguerite, L'Œuvre au Noir, in Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1982,
—, Essais et mémoires, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991.
WESTPHAL, Bertrand, Le Monde plausible : Espace, lieu, carte, Paris, Minuit, 2011.