Selon Jean-Christophe Bailly, on éprouve le sentiment de dépaysement,
soit parce que l’on se retrouve effectivement ailleurs, transporté très loin de ce que l’on connaît, soit au contraire parce que ce que l’on connaît ou croyait connaître s’est transporté de soi-même dans un ailleurs indiscernable mais présent1.
Le mot ne définit pas le changement de lieu à proprement parler mais au sens figuré le « désarroi d'une personne placée dans un cadre inhabituel, un milieu inconnu, une situation inattendue »2. La question posée par Bailly pour sonder ce sentiment d’étrangeté, « Quel est donc cet ailleurs qui est ici ? » peut se retourner en la question inverse tout aussi pertinente : quel est donc cet ici qui est ailleurs ? Les deux déictiques « ici » et « ailleurs » définissent l’espace à partir d’une conscience qui le perçoit ou s’en souvient. La plupart des personnages de Modiano se situent dans cet entre-deux. Certains habitent ailleurs, dans une ville étrangère, où ils ne reconnaissent rien de ce qui a constitué leur vie d’avant : le narrateur de Vestiaire de l’enfance (1989)3 vit dans une ville hispanophone. Celui de Voyage de noces (1990)4 séjourne à Milan au début du roman, ville où l’objet de sa quête, Ingrid Rigaud, s’est suicidée en étrangère. De retour à Paris, il choisit de faire un pas de côté dans les quartiers périphériques pour éprouver « la volupté de [se] sentir à la lisière de la ville, avec toutes ces lignes de fuite »5. Il éprouve, ici-même, le sentiment de dépaysement par rapport au lieu, à l’identité et à la langue qui constituent ce qu’on peut appeler le « pays ». De même, le narrateur de Quartier perdu6 éprouve ce sentiment de dépaysement quand il revient à Paris après vingt ans d’exil en Angleterre. Soit les personnages perçoivent leur pays, leur ville et leur langue d’origine comme étrangers parce qu’ils en sont exilés comme dans les deux premiers romans cités et bien d’autres encore7, soit le lieu qu’ils croyaient connaître s’est transporté ailleurs8 comme dans Quartier perdu et dans la suite de Voyage de noces.
Dans les deux cas, je ne m’intéresse pas à la désorientation des narrateurs-personnages de ces trois romans Quartier perdu, Vestiaire de l’enfance, et Voyage de noces (écrits de 1985 à 1990) dans la ville ou le pays étranger où ils habitent mais au dépaysement qu’ils éprouvent à l’égard de leur propre pays, la France, de leur propre langue, le français, et leur ville d’origine, Paris.
Les caractéristiques de ce dépaysement illusoire, proche de la paramnésie (ou sentiment de déjà vu), déboucheront sur une proposition d’explication de ce phénomène puis sur l’analyse de deux régimes temporels contradictoires du dépaysement : s’il ressemble d’abord, par sa fulgurance, à une émotion subite et très brève (désarroi, surprise, malaise, ou intense bonheur), il affleure d’une sédimentation lente, profonde, inconsciente, et se déploie dans ce que Bailly9 et Modiano10 appellent une « séquence », plus ou moins longue.
Le dépaysement se définit d’abord dans ces trois romans comme une illusion de « jamais vu ». Sur une musique d’« Avril au Portugal », Ambrose Guise, le narrateur de Quartier perdu, a l’impression de se trouver ailleurs :
Paris, sous ce soleil de printemps, me semblait une ville neuve où je pénétrais pour la première fois, et le quai d’Orsay, après les Invalides, avait, ce matin-là, un charme de Méditerranée et de vacances11.
Le modalisateur « semblait » souligne le caractère illusoire du dépaysement : grâce au dédoublement de la voix narrative à la première personne, l’impression de nouveauté vécue par le personnage est dénoncée en même temps comme une illusion par la conscience du narrateur. Le dépaysement paraît ainsi contraire au phénomène de déjà vu, très fréquent également dans les trois romans de Modiano de notre corpus12, cette « impression vive, mais inexpliquée que le moment présent répète un instant déjà vécu »13. Le personnage dépaysé a au contraire l’impression que ce qu’il ressent n’a jamais appartenu au passé, soit qu’il se trouve pour la première fois dans un pays totalement étranger, soit qu’il ne reconnaisse plus les lieux ou la langue qui lui ont été pourtant familiers. C’est à cette deuxième possibilité qu’est restreinte cette étude. Si le phénomène de déjà vu est une fausse reconnaissance, le phénomène de dépaysement ainsi défini est une fausse méconnaissance puisque les personnages principaux de ces trois romans ont vécu une bonne partie de leur vie dans le lieu où ils se sentent étrangers.
Les trois caractéristiques principales de l’impression de « jamais vu » sont ainsi très proches de celles du déjà vu, ou paramnésie, telles qu’elles ont été analysées par Bergson14 puis par Bodei15 : la dépersonnalisation (c'est-à-dire l’impression de ne pas être acteur de ce qui est en train de se passer et de se voir en train d’agir), la confusion entre présent et passé et l’intensité.
La dépersonnalisation caractérise le personnage principal, narrateur à la première personne, de ces trois romans du dépaysement que sont Vestiaire de l’enfance, Voyage de noces et Quartier perdu. Elle se traduit d’abord par une identité flottante et double. Dans le premier roman, le narrateur, qui s’appelait autrefois Jean Moreno, se cache dans un pays hispanophone sous une nouvelle identité, celle de Jimmy Sarano : il est en train d’écrire un feuilleton radiophonique mettant en abyme le thème de la survie du passé, Les Aventures de Louis XVII. Quant à Voyage de noces, il raconte la fugue du narrateur, Jean, qui renonce à un voyage d’exploration au Brésil pour se cacher dans les quartiers périphériques de Paris et y vivre un faux dépaysement géographique (il a déjà vécu dans ces quartiers autrefois et son métier de photographe lui a fait vivre des dépaysements bien réels) et un vrai dépaysement intime. Le personnage principal de Quartier perdu, Ambrose Guise, auteur de romans policiers de retour à Paris après vingt ans d’exil à Londres, s’appelle en réalité Jean Dekker. Ces personnages, à l’identité double et indécise, ont l’impression tenace d’être des fantômes qui se regardent vivre ou rêvent leur vie et doutent de la réalité du monde qui les entoure16.
Le dédoublement s’accompagne, pour les trois personnages-narrateurs, d’une confusion entre l’identité réelle passée et l’identité empruntée présente, qui est un des aspects de la confusion du passé et du présent caractéristique du déjà vu. Bergson attribue ce sentiment de dédoublement du déjà vu à l’« oscillation de la personne entre deux points de vue sur elle-même », à « un va-et-vient de l’esprit entre la perception qui n’est que perception et la perception doublée de son propre souvenir »17. Cette analyse s’appuie sur une théorie de la mémoire. Pour Bergson en effet, le souvenir ne peut naître que s’il se crée au fur et à mesure de la perception même : « le présent se dédouble à tout instant, dans son jaillissement même, en deux jets symétriques, dont l’un retombe vers le passé tandis que l’autre s’élance vers l’avenir ».18 L’illusion du déjà vu naît de ce que la conscience confond le souvenir ravivé conscient avec la perception actuelle et croit reconnaître dans ce qu'elle perçoit un souvenir du passé alors qu'il s’agit d’un « souvenir du présent » ou du jet qui « retombe vers le passé » pour reprendre la métaphore de Bergson. Le sentiment de déjà vu, que Bergson appelle aussi « fausse reconnaissance » ou « souvenir du présent »19, engendre ainsi une sensation de flottement dans la conscience qui l’éprouve car « le souvenir évoqué est un souvenir suspendu en l’air, sans point d’appui dans le passé. Il ne correspond à aucune expérience antérieure »20. Dans le cas du faux dépaysement auquel je reviens maintenant, c’est la perception du présent qui se trouve comme suspendue en l’air, coupée du souvenir passé auquel elle devrait se rattacher et qui paraît plus réel qu’elle. Telle est l’impression qu’éprouve Ambrose Guise dans la chaleur du mois de juillet à Paris :
et cela augmentait encore le sentiment d’irréalité que j’éprouvais au milieu de cette ville fantôme. Et si le fantôme, c’était moi ? Je cherchais quelque chose à quoi me raccrocher. L’ancienne parfumerie lambrissée de la place des Pyramides était devenue une agence de voyages. On avait reconstruit l’entrée et le hall du Saint-James et d’Albany. Mais à part ça, rien n’avait changé. Rien. J’avais beau me le répéter à voix basse, je flottais dans cette ville. Elle n’était plus la mienne, elle se fermait à mon approche, comme la vitrine grillagée de la rue de Castiglione devant laquelle je m’étais arrêté et où je distinguais à peine mon reflet21.
Le lieu présent tel qu’il est perçu par la conscience dépaysée d’Ambrose Guise se déréalise et devient fantomatique : Ambrose Guise lui-même devient un fantôme essayant de se raccrocher à un passé absent. Le dédoublement fictif qu'il a imaginé et mis en œuvre devient effectif : il n’est plus Jean Dekker puisqu’il ne reconnaît plus le quartier où son double a vécu :
Ma vie ne s’inscrivait plus dans ses rues, sur ses façades. Les souvenirs qui surgissaient au hasard d’un carrefour ou d’un numéro de téléphone appartenaient à la vie d’un autre. Et d’ailleurs les lieux étaient-ils encore les mêmes ?22
La langue française même paraît étrangère : les noms des lieux parisiens familiers, tels « Rive gauche », « Saint-Germain-des-Prés », « rue Fontaine »23 sont frappés d’exotisme ; certaines expressions, comme « faire des grands papiers » ne sont plus comprises immédiatement par le narrateur de Vestiaire de l’enfance, Jimmy Sarano24. Ambrose Guise éprouve le même sentiment de l’étrangeté de sa langue maternelle dès l’incipit de Quartier perdu : « C’est étrange d’entendre parler français. À ma descente de l’avion, j’ai senti un léger pincement au cœur»25. Comme les lieux parisiens autrefois familiers, la langue semble suspendue dans un présent coupé du passé :
Je n’avais pas lu le français depuis si longtemps que l’angoisse, de nouveau, m’a empoigné, une sorte de vacillement, comme de retrouver des traces de moi-même après une longue amnésie26.
Néanmoins, dans les trois romans, la coupure entre le présent du personnage et son passé, entre ses deux identités, entre ses deux langues (le français d’une part et l’espagnol, l’italien ou l’anglais d’autre part) ne s’opère pas : les personnages-narrateurs ainsi que les personnages secondaires sont plongés dans un état intermédiaire entre amnésie et mémoire, tout l’art de Modiano consistant à prolonger cette oscillation entre le passé pas tout à fait perdu du personnage et son présent pas tout à fait actuel. Même la langue peut être bizarrement hybride tel ce français de l’étranger entendu et parlé par Jimmy Sarano, « un français morne, synthétique, comme les voix que diffusent les haut-parleurs des aéroports internationaux »27. Ce n’est pas l’oubli de la langue maternelle qui est étrange mais au contraire son souvenir encore à moitié vivace sous sa forme la moins actuelle, l’écrit : « Je suis étonné d’écrire encore le français malgré cette langue composite que l’on parle autour de moi et qui brouille définitivement les souvenirs »28.
La troisième caractéristique du sentiment du déjà vu, son intensité, définit aussi le faux dépaysement : quand Jimmy Sarano, alias Jean Moreno, de retour à Paris, entend le français parlé par des Parisiens, le son des voix lui semble amplifié :
Il me semblait que nous parlions très fort ou qu’une caisse de résonance amplifiait le son de nos voix. La sienne, en tout cas, était si claire… peut-être parce qu’elle parlait français et que je n’avais pas entendu depuis longtemps quelqu’un parler vraiment français29.
L’interaction forte du corps et de l’espace-temps créé par le sentiment du dépaysement s’exprime par divers symptômes physiologiques plus ou moins aigus (pincement au cœur, malaise, vertige, etc.) avivés par la chaleur : l’intrigue des trois romans se déroule en été, dans le Paris torride du mois de juillet pour Quartier perdu, à Milan le lendemain du 15 août pour Voyage de noces ou dans la ville hispanophone de Vestiaire de l’enfance, et la chaleur catalyse les sensations. Le sentiment du dépaysement, parfois violent30, semble provoqué par une certaine atmosphère torride et lumineuse qui fait apparaître les lieux comme étranges et inquiétants, en faisant ressortir un vide31. Cette sensation coutumière de vide, le narrateur en décrit les symptômes et en retrace l’histoire :
Cela avait commencé à Paris, lorsque j’avais environ trente ans. Les dimanches d’été, en fin d’après-midi, à l’heure où l’on entend le bruissement des arbres, il y avait une telle absence dans l’air… De tout ce que j’ai pu éprouver au cours des années où j’écrivais mes livres à Paris, cette impression d’absence et de vide est la plus forte. Elle est comme un halo de lumière blanche qui m’empêche de distinguer les autres détails de ma vie de cette époque là et qui brouille mes souvenirs. Aujourd’hui je sais la manière de surmonter ce vertige. Il faut que je me répète doucement à moi-même mon nouveau nom : Jimmy Sarano, ma date et mon lieu de naissance, mon emploi du temps, le nom des collègues de Radio-Mundial que je rencontrerai le jour même, le résumé du chapitre des Aventures de Louis XVII que j’écrirai, mon adresse, 33 Mercedes Terrace, bref, que je m’agrippe à tous ces points de repère pour ne pas me laisser aspirer par ce que je ne peux nommer autrement que : le vide32.
Ce vide qui sépare le passé du présent est la cause ou l’origine du dépaysement. Jimmy Sarano trouve un antidote en coupant le présent du passé et en faisant disparaître, par une répétition lancinante et magique, celui-ci au profit de celui-là. Dans Voyage de noces, la même « sensation de vide et d’absence », due aux mêmes circonstances (« l’été », « la lumière trop brutale, le silence des rues, ces contrastes d’ombre et de soleil couchant »)33 produit « une surimpression étrange du passé sur le présent »34. La surimpression ne signifie pas le brouillage : les states du temps restent isolées par du vide et même s’il est souvent difficile au lecteur de savoir de quelle strate de la vie du narrateur il s’agit (Milan il y a une semaine ou Milan il y a dix-huit ans ?), elles sont bien séparées néanmoins. Mais les coefficients de réalité qui leur sont affectés sont brouillés et créent un sentiment intense de vertige.
Les deux phénomènes de déjà vu et de jamais vu, de fausse reconnaissance ou de fausse méconnaissance présentent donc des caractéristiques communes : dépersonnalisation, confusion temporelle et intensité. S’ils peuvent être traités tous deux comme des petites pathologies de la vie quotidienne35, ils révèlent aussi la même conception de la mémoire et du temps.
Pour le déjà vu comme pour le faux dépaysement, le souvenir du passé semble coupé de la perception actuelle. Quand le chauffeur Hayward emmène le narrateur dans son taxi, celui-ci ne retrouve pas tout de suite le souvenir de la même scène vécue vingt ans auparavant. L’impression de « jamais vu » qui définit le faux dépaysement vient de la coupure entre le présent de la perception et le passé lointain du souvenir :
Hayward a démarré. Nous longions l’esplanade des Invalides en direction du quai. Tout à l’heure, quand nous étions arrêtés à peu près au même endroit, ce souvenir m’a échappé, tant j’ai peine à croire que cela se passait dans la même ville36.
Selon Bergson, il y a une différence de nature et pas seulement d’intensité entre le passé et le présent, le souvenir et la perception37. Dans ses Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, Husserl distingue aussi le souvenir primaire, encore attaché au présent de la perception, et le ressouvenir ou souvenir secondaire : le premier « étend la conscience du maintenant »38 ; c'est un dégradé qui fait glisser doucement, sans interruption, le présent dans le passé. Le second, « qui re-présente à nouveau »39 n’est qu’une reproduction du souvenir primaire, coupée du présent par une faille. Selon Ricœur, cette faille reste « infranchissable » à cause de la distinction entre la « présentation », par laquelle le souvenir primaire se donne à la conscience et qui est de l’ordre de la perception d’une part, et d’autre part, la « re-présentation », acte de l’imagination, par laquelle est restitué le ressouvenir40. Modiano rend sensible cette faille en faisant éprouver à la conscience de son personnage le faux dépaysement : entre souvenir primaire et souvenir secondaire il y a un vide, souvent figuré par une lumière intense, – ou vaporisée comme dans l’apothéose hivernale à la maison de retraite rapportée par Bailly41 –, qui correspond à l’acte originaire de la conscience du temps42. La conscience ne parvient plus à attacher l’ici et maintenant de sa perception à un souvenir lointain qu’elle a l’intuition ou la certitude d’avoir vécu. L’image des nappes ou strates temporelles, très fréquente dans l’œuvre romanesque de Modiano, figure cette conception phénoménologique du temps. La nappe du présent, où flotte ici et maintenant la conscience du personnage, est mobile et sans bornes : sa durée n’est pas mesurable. La nappe du passé révolu peut être segmentée et mesurée dans sa durée et dans l’intervalle qui la sépare du moment présent (une semaine ou dix-huit ans dans Voyage de noces43, vingt ans dans Quartier perdu, etc.) : elle contient des représentations qui, avec leur « libre mobilité » et leur « pouvoir de récapitulation », donnent le « recul de la libre réflexion »44, comme le montre Ricœur dans son analyse des Leçons de Husserl. « La reproduction, poursuit Ricœur, devient alors “un libre parcours” qui peut conférer à la représentation du passé un tempo, une articulation, une clarté variables »45.
Ce libre parcours donne lieu à des séquences très variées dans les trois romans du dépaysement étudiés.
Dans l’introduction de son ouvrage, Bailly expose sa conception du présent en des termes quasi husserliens, qui pourraient servir de prologue à l’œuvre romanesque de Modiano :
Le présent, en effet, pour peu qu’on le considère avec un peu d’insistance, finit presque toujours par apparaître comme l’espace infini et pourtant sans épaisseur où remontent lentement, comme par le fait d’une résurgence invisible, les traces parfois très lointaines de sa formation. Tandis qu’inversement commencent à descendre et à s’enfoncer en lui, puis au-delà de lui, les signaux par lesquels lui parvient ce qui le dissout et le renouvelle. Se tenir aux aguets de ce double mouvement, dans l’étendue d’un pays qui tantôt l’apaise et tantôt l’accélère, c’est ce que j’aurai essayé de faire, en cherchant à fixer au passage ce que l’on devrait pouvoir appeler l’instantané mobile d’un pays46.
C’est ce double mouvement d’affleurement des traces venues d’un passé lointain et d’enfoncement dans le présent, de résurgence et de dormance, que Bailly appelle le dépaysement.
Dans les trois romans de Modiano, le rythme de cette alternance est très variable : si dans Vestiaire de l’enfance et Voyage de noces, la phase de dormance alterne très vite avec la phase de résurgence, Quartier perdu prolonge pendant quasiment les quatre-vingts pages d’un très long premier chapitre47 l’état de dormance du personnage dans l’espace flottant parisien. Les sept chapitres qui font ensuite ressurgir le passé oublié et qui établissent les liens avec le présent perçu sont beaucoup plus courts48. Ce n’est pas le travail de la mémoire intermittente errant dans les différentes strates du passé qui m’intéresse mais les mouvements alternés de dormance et de résurgence qui constituent ce que Bailly appelle des « séquences » : ce sont
des rapports qui s’établissent d’eux-mêmes entre des objets [...], qui forment entre la réalité matérielle où ils sont présents mais endormis et la perception qui les éveille, une sorte de couche de reconnaissance aux contours imprécis, que l’on pourrait caractériser aussi comme un contexte inconscient49.
Pendant ce premier long chapitre, le narrateur ne perçoit pas les rapports entre les objets endormis dans l’espace parisien ; leur description est saturée de noms étrangers qui empêchent tout lien avec le passé français : noms des rues (rue de Castiglione)50, des restaurants (Pizzeria Flamino)51, inscriptions en anglais, flamand ou allemand, transcription du discours en anglais d’un Japonais. Les personnages croisés sont étrangers : un couple d’Américains, un Japonais, des touristes japonais, des cars belges ou allemands. Le narrateur choisit lui-même de loger dans «l’endroit le plus neutre possible, une zone franche, une sorte de concession internationale »52 pour que le Paris présent à sa conscience reste un espace dormant, coupé du passé lointain. La Pagode chinoise constitue la pierre d’achoppement de ce dispositif : sans cesse présente dans ce premier chapitre53, elle envoie au narrateur, plus encore que les autres éléments de l’espace parisien, les signes d’un Paris étranger. Mais elle réveille aussi des souvenirs endormis puisqu’elle se situe juste à côté de l’appartement de Gyp reliant le narrateur à son passé lointain.
Le présent sans bornes où la conscience du narrateur flotte dans ces quatre-vingts premières pages est sans épaisseur et sans profondeur. Modiano décrit l’état de dormance caractéristique du dépaysement comme la dérive d’une conscience dans un espace maritime dont l’isotopie se déploie dans le roman tout entier. Le personnage est alors dépourvu de toute filiation qui pourrait l’ancrer dans une identité fondée sur une terre, une famille, des parents54. Mais cette dormance n’équivaut pas à la mort : progressivement et par intermittences s’effectue en alternance le mouvement de résurgence décrit par Bailly. Les traces du passé remontent en effet à la surface de cet espace flottant dont certains instruments, l’ascenseur et la longue-vue, révèlent la profondeur. L’ascenseur et la longue-vue ne jouent pas le même rôle que les techniques habituelles utilisées par les personnages de Modiano pour faire surgir le passé (la téléphonie et la photographie55 par exemple, présentes aussi dans ce long chapitre) : ils métaphorisent le mouvement de plongée et de remontée du narrateur dans la profondeur de l’espace et du temps. Le narrateur qui espérait prendre de la hauteur et rester en surface de l’espace parisien découvre, dans la longue-vue que lui tend son éditeur japonais, un Paris tout proche, potentiellement rempli et lesté de sa vie passée. Même si rien ne remonte encore de ce passé perdu lors de cette première scène dans la pizzéria avec l’éditeur japonais, le mouvement est amorcé. Il faudra plusieurs autres scènes avec les personnages retrouvés (Gyp et Tintin) et le recours à l’attirail romanesque bien connu du lecteur de Modiano (valise de vieux papiers, lettres, photographies, articles de journaux, carnet de moleskine, annuaires, etc.), pour que le passé puisse resurgir dans le présent, sous la forme d’abord onirique d’une Lancia-fantôme psychopompe pilotée par un revenant56.
L’interaction des points de vue permet aussi de maintenir un dépaysement qui devrait être éphémère : si le narrateur met quelque quatre-vingts pages pour retrouver le Paris de son passé, c’est grâce au jeu constant des trois points de vue qui induisent toute une gamme de rapports avec le lieu observé, « de l’intimité ou de la familiarité à une extranéité plus ou moins absolue »57 selon l’analyse de Bertrand Westphal et dans l’ordre inverse pour ce roman. Alternent ainsi le point de vue exogène58 (le narrateur est en visite à Paris, comme les touristes avec lesquels il loge et qu’il côtoie), le point de vue endogène59 (il a une vision autochtone de l’espace et de la langue) et le point de vue allogène60 : il s’installe pour quelques jours à Paris sans que la ville lui devienne tout à fait familière et reste dans un entre-deux culturel, entre mondialisation contemporaine et refrancisation conservatrice. Ces jeux peuvent être interprétés aussi comme des stratégies inconscientes de refoulement de la scène traumatisante à laquelle conduit le récit (le meurtre du souteneur par la jeune amante du narrateur) et de la culpabilité du couple.
Le rythme des séquences dormance / résurgence est très différent dans Voyage de noces. Si l’on en reste au parcours du narrateur (en excluant l’histoire d’Ingrid et de Rigaud qui donne son titre au roman), il se révèle singulièrement et ironiquement paradoxal : c’est à Milan, ville étrangère, que le narrateur retrouve la trace de son passé personnel ; c’est dans les quartiers périphériques de Paris qu’il choisit de se dépayser, refusant de partir pour le Brésil. Explorateur-photographe qui a parcouru la terre entière, le narrateur profère avec aplomb un adage éculé, quand il entend un Anglais raconter son voyage dans le désert et les mirages dont il a été victime : « Et j’ai eu envie de rire. Pourquoi aller si loin, alors que vous pouvez connaître la même expérience à Paris, assis sur un banc du boulevard Soult ? »61 Tout ce roman se présente comme le retournement ironique du dépaysement recherché par l’homme contemporain : l’appartement de la cité Véron où il vivait avec sa femme ressemble à un bateau62, la place Blanche a « l’aspect d’un petit port de pêcheurs où l’on vient de faire escale »63 et pourtant, ce sont ces lieux qu'il quitte pour se dépayser dans les quartiers périphériques où il a passé son enfance64. Les nombreuses séquences dormance / résurgence qui se succèdent et s’emboîtent dans ce roman, intégrant celles qui concernent Ingrid, n’aboutissent pas à une scène refoulée comme dans Quartier perdu, mais semblent s’inscrire dans une fuite en avant, rendue possible par le pas de côté, dans les lisières à partir desquelles on peut encore imaginer et rêver l’espace65.
Le dépaysement pour Modiano comme pour Bailly est l’état durable et continu66 d’une conscience phénoménologique qui suspend tout jugement d’existence concernant le monde, en l’occurrence la ville ou le pays. Paris ou les régions françaises ne sont envisagés par Modiano ou par Bailly que dans leur interaction avec la conscience qui les vise à l’instant présent en les percevant, les imaginant, les rêvant, les remémorant. En d’autres termes, ces lieux n’ont pas une essence propre qui les prédéfinirait et les fixerait dans une identité. Le récit de voyage ou le roman ne peuvent donc approcher que « l’instantanéité mobile d’un pays »67 pour reprendre la formule de Bailly. Sans cesse, les lieux changent, sont travaillés par le temps, au point qu’ils sont à peine reconnaissables. De même la langue française, actualisée par la voix, n’est pas une donnée fixe à laquelle une conscience pourrait se rattacher : elle sonne bizarrement quand elle est prononcée par des Français exilés ; chacune de ses actualisations, à l’oral, sous la forme d’une parole ou d’une chanson, en fait évoluer le sens et en change la couleur. Du point de vue idéologique, la France ainsi perçue est tout le contraire d’un pays où l’on pourrait avoir ses attaches ou ses racines, d’un territoire dont les frontières bien définies garantiraient la sécurité et le confort d’un être au nom fixe et singulier. Elle semble une vaste étendue maritime où flottent des bouées parfois reconnaissables auxquelles une conscience ballotée tente de se raccrocher.
[1] Jean-Christophe BAILLY, Le Dépaysement, Voyages en France, Paris, Éditions du Seuil, 2011, p. 409.
[2] Trésor de la Langue Française, http://www.atilf.fr/tlfi consulté le 30 avril 2018.
[3] Patrick MODIANO, Vestiaire de l’enfance, Paris, Gallimard, 1989, « Folio », 1991 (Illustrations de Pierre Le Tan). Jean-Christophe Bailly cite ce roman de Modiano à propos du chant de la langue typiquement français, op. cit., p. 383.
[4] Id., Voyage de noces, Paris, Gallimard, 1990, « Folio », 2000 (Illustrations de Pierre Le Tan).
[5] Ibid., p. 96.
[6] Id., Quartier perdu, Paris, Gallimard, 1985, « Folio », 2006 (Illustrations de Pierre Le Tan).
[7] Dans Une jeunesse, (Patrick MODIANO, Paris, Gallimard, 1981, « Folio », 2007), le jeune couple séjourne en Angleterre et dans la première nouvelle de Des inconnues, (Patrick MODIANO, Paris, Gallimard, 1999, « Folio », 2000), il s’agit d’un séjour dépaysant à Torremolinos.
[8] La troisième nouvelle du recueil Des inconnues raconte l’arrivée à Paris de la narratrice d’origine londonienne et sa désorientation dans cette ville étrangère.
[9] J. C. BAILLY, Le Dépaysement, op. cit., p. 382.
[10] Patrick MODIANO, L’Horizon, Paris, Gallimard, 2010, « Folio », 2011, p. 9.
[11] Id., Quartier perdu, op. cit., p. 105.
[12] Dans Rue des boutiques obscures (Patrick MODIANO, Paris, Gallimard, 1978, « Folio », 2007), le personnage narrateur, Guy Roland, complètement amnésique, est sujet à des paramnésies très fréquentes, (p. 122 par exemple). Dans Vestiaire de l’enfance, ce phénomène est également courant : « j’avais l’impression de revivre la même scène. J’étais revenu en arrière dans le temps ». (op. cit., p. 33).
[13] Alban PICHON, « Paramnésies et images en mouvement »,in Laurence DAHAN-GAIDA (dir.), Temps, rythmes, mesures (Figures du temps dans les sciences et les arts), Paris, Hermann, 2012, p. 193.
[14] Henri BERGSON, L’Énergie spirituelle, Paris, Bibliothèque de philosophie contemporaine, 1919, PUF, « Quadrige », 3e édition, 1990, chapitre 5, « Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance », p. 110-152.
[15] Remo BODEI, La Sensation de déjà-vu, Paris, Éditions du Seuil, 2007.
[16] Patrick MODIANO, Quartier perdu, op. cit., p. 52 : « [...] je finissais par ne plus très bien savoir qui j’étais ». Patrick MODIANO, Vestiaire de l’enfance, op. cit., p. 133 : « On finit par douter de la réalité de cette ville et par se demander où elle se trouve exactement sur la carte. Espagne ? Afrique ? Méditerranée ? ».
[17] Henri BERGSON, L’Énergie spirituelle, op. cit., p. 139.
[18] Ibid., p. 131-132.
[19] Ibid., p. 111. C’est le titre de son étude.
[20] Ibid., p. 141.
[21] Patrick MODIANO, Quartier perdu, op. cit., p. 11-12.
[22] Ibid., p. 45. La rupture semble consommée aussi pour Jimmy Sarano, séparé de son avatar passé dans Vestiaire de l’enfance, op. cit., p. 40 : « Ici rien ne m’évoque mon passé ni celui des quelques personnes dont je m’inspirais pour les livres, du temps où j’habitais la France ».
[23] Id., Vestiaire de l’enfance, op. cit., p. 73.
[24] Ibid., p. 97.
[25] Id., Quartier perdu, op. cit., incipit, p. 9.
[26] Ibid., p. 14.
[27] Id., Vestiaire de l’enfance, op. cit., p. 32.
[28] Ibid., p. 40.
[29] Ibid., p. 32.
[30] Id., Des inconnues, op. cit., première nouvelle, p. 19.
[31] Pour l’analyse du vide, voir l’article de Catherine DOUZOU « Du blanc de la mémoire au blanc du texte », in Anne-Yvonne JULIEN (dir.), Modiano ou les Intermittences de la mémoire, Paris, Hermann, 2010, p. 295-312.
[32] Patrick MODIANO, Vestiaire de l’enfance, op. cit., p. 101.
[33] Id., Voyage de noces, op. cit., p. 26.
[34] Ibid., p. 27.
[35] Sigmund FREUD, Psychopathologie de la vie quotidienne (1922), Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », no97, 2004, [Zur Psychopathologie des Alltagslebens. Über Vergessen, Versprechen, Vergreifen, Aberglaube und Irrtum, Berlin, Karger, 1901] et Pierre JANET, Les Obsessions et la Psychasthénie, Paris, Félix Alcan (2 tomes), 1903, vol. 1, p. 287. Tous deux sont cités par Bergson, op. cit., p. 113.
[36] Patrick MODIANO, Quartier perdu, op. cit., p. 162.
[37] Henri BERGSON, L’Énergie spirituelle, op. cit., p. 132-133. Bergson récuse l’hypothèse selon laquelle le souvenir serait une perception affaiblie.
[38] Edmund HUSSERL, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps, [Cours de 1905, publié en 1913 en Allemagne], Paris, Presses universitaires de France, 1964, trad. Henri Dusort, PUF, coll. « Épiméthée », 3e édition, 1991, p. 63, § 19.
[39]Ibid.
[40] Paul RICŒUR, Temps et récit, tome III, [Paris, Seuil, 1985], Seuil, coll. « Points », 1991, p. 64-65.
[41] Jean-Christophe BAILLY, op. cit., p. 11.
[42] Edmund HUSSERL, op. cit., p. 58, § 17. Husserl souligne. « Jusqu’ici la conscience du passé – j’entends la conscience primaire du passé – n’était pas une perception parce que la perception était prise comme l’acte constituant originairement le maintenant. Mais si nous nommons perception l’acte en qui réside toute origine, l’acte qui constitue originairement, alors le souvenir primaire est perception. Car c’est seulement dans le souvenir primaire que nous voyons le passé, c’est seulement en lui que se constitue le passé, et ce non pas de façon re-présentative, mais au contraire présentative ».
[43] Patrick MODIANO, Voyage de noces, op. cit., p. 16. « Milan, j’y suis revenu la semaine dernière mais je n’ai pas quitté l’aéroport. Ce n’était plus comme il y a dix-huit ans ».
[44] Paul RICŒUR, Temps et récit, tome III, op. cit., p. 65.
[45] Loc. cit.
[46] Jean-Christophe BAILLY, Le Dépaysement, op. cit., p. 13.
[47] J’appelle chapitres ces passages séparés par un changement de page.
[48] Quartier perdu comporte 8 chapitres (séparés par un retour à une nouvelle page) de plus en plus courts : le premier chapitre compte 24 séquences (séparées par des blancs typographiques sans changement de page) de 80 pages ; le 2e chapitre, 32 pages en 15 séquences ; le 3e chapitre, 15 pages en 6 séquences ; le 4e chapitre, 5 pages en 2 séquences ; le 5e chapitre et le 6e chapitre, 5 pages en une séquence ; le 7e chapitre, 15 pages en 6 séquences et le 8e chapitre, 12 pages en 9 séquences.
[49] Jean-Christophe BAILLY, Le Dépaysement, op. cit., p. 381.
[50] Patrick MODIANO, Quartier perdu, op. cit., p. 10.
[51] Ibid., p. 15.
[52] Ibid., p. 48.
[53] Ibid., p. 37, 44,51, 53, et 56.
[54] Ibid., p. 22. Ambrose Guise n’a plus aucune famille à Paris.
[55] Wolfram NITSCH, « Le passé capté, mémoire et technique chez Patrick Modiano. In Modiano ou les Intermittences de la mémoire, op. cit., p. 377.
[56] Patrick MODIANO, Quartier perdu, op. cit., p. 69-81.
[57] Bertrand WESTPHAL, La Géocritique, réel, fiction, espace, Paris, Les Éditions de Minuit, 2007, p. 208.
[58] Ibid., p. 209. « Le point de vue exogène marque [...] la vision du voyageur ; il est empreint d’exotisme ».
[59] Ibid., p. 208. « Le point de vue endogène caractérise une vision autochtone de l’espace. Normalement réfractaire à toute visée exotique, il témoigne d’un espace familier ».
[60] Ibid., p. 209. Le point de vue allogène « se situe quelque part entre les deux autres. Il est le propre de tous ceux et toutes celles qui se sont fixés dans un endroit sans que celui-ci leur soit encore familier, sans non plus qu'il demeure pour eux exotique ».
[61] Patrick MODIANO, Voyage de noces, op. cit., p. 102.
[62] Ibid., p. 47. « Un instant, j’ai eu la tentation de gravir l’étroit escalier avec sa rampe de cordes tressées et ses bouées fixées au mur. Je déboucherais sur la terrasse qui ressemble au pont supérieur d’un paquebot, car nous avions voulu, Annette et moi, que notre appartement nous donnât l’illusion d’être toujours en croisière : hublots, coursives, bastingage… ».
[63] Ibid., p. 48.
[64] Ibid., p. 19. « Là, dans cet avion qui me ramenait à Paris, j’avais l’impression de fuir encore plus loin que si je m’étais embarqué, comme je l’aurais dû, pour Rio ».
[65]Ibid., p. 89. « Oui, passer de temps en temps une nuit dans un autre quartier pour rêver à celui que l’on a quitté ».
[66] C’est également le cas pour le « déjà vu » selon H. BERGSON, L’Énergie spirituelle, op. cit., p. 119.
[67] J. C. BAILLY, Le Dépaysement, op. cit., p. 13.
Résumé
Les trois romans de Modiano, Quartier perdu (1985), Vestiaire de l’enfance (1989) et Voyage de noces (1990) mettent en récit une forme particulière de dépaysement ressentie par un personnage-narrateur à l’égard de son propre pays et de sa propre langue. Après avoir caractérisé ce faux dépaysement et expliqué ce phénomène proche de la paramnésie, il s’agit d’analyser les deux régimes temporels qui le composent et forment des séquences, pour s’interroger sur la vision du pays, de la langue et de l’identité du personnage qui en résulte.
Abstract
The three novels of Modiano, Quartier perdu (1985), Vestiaire de l’enfance (1989) and Voyage de noces (1990) recount a particular change of scene felt by a character-narrator with regard to his own country and his own language. After having defined this fake change of scene and explained this phenomenon, which is closed to déjà-vu, it is about analysing the two temporalities that form it and build sequences up, in order to question about the vision of the country, the language and the identity, which results from it.
Évelyne THOIZET
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