La plupart des civilisations ont pensé la question de l’au-delà sous l’angle d’un puissant imaginaire infernal, un monde effroyable peuplé de figures démoniaques, lieu de souffrances extrêmes et de châtiments éternels promis aux damnés et aux réprouvés. De conception et de nature variables selon les religions et les croyances, l’enfer est toujours l’objet d’une infinité de discours, d’interprétations et de lectures, suscitant un vaste champ d’études dont témoigne une bibliographie particulièrement imposante1.
L’enfer chrétien, sur lequel sera centré ici le propos, s’est élaboré à partir de sources bibliques de l’Ancien et du Nouveau Testament, telles que le Livre de Job ou l’Évangile de Matthieu, avec pour visée doctrinaire le souci d’aviver la conscience du mal et légitimer la quête du salut de l’humanité. Relayées par de multiples traditions scripturaires, au premier rang desquelles les écrits des Pères de l’Église (notamment ceux de saint Augustin), ces références textuelles ont sous-tendu un dense réseau d’images qualifiées d’infernales qui ont constitué le vecteur privilégié de cette « pastorale de la peur » dont Jean Delumeau a analysé la portée entre les XIVe et XVIIIe siècles2.
Cet enfer chrétien a connu son expression la plus élaborée, et sans doute sa pleine efficacité, au cours du Moyen Âge européen, articulant, à travers ses constantes variations, des objectifs religieux explicites à une fascination collective3. Les historiens ont souligné le déclin progressif de l’enfer médiéval et son relatif effacement à partir du début du XVIe siècle, lié aux révisions théologiques et aux changements de mentalités. S’est imposée alors le concept d’un enfer baroque, institutionnel, discipliné et moralisé4. Un tel constat, globalement indiscutable, appelle sans doute des nuances, notamment en ce qui concerne les aires privilégiées d’une Contre-Réforme militante alors à son apogée, à savoir l’Espagne et l’Italie du XVIIe siècle. Comme nous nous emploierons à le montrer, l’iconographie et l’expression artistique en général y adoptèrent encore les schémas conventionnels. Par ailleurs, si une insistance toute descriptive s’est portée essentiellement sur les tourments endurés par les damnés, sur l’horreur des supplices et les surenchères macabres comme fers de lance de la doctrine officielle, s’est manifesté un certain intérêt pour un aspect jusqu’alors peu considéré ou passé sous silence, celui de la détermination du lieu même de l’enfer, lieu fondamentalement mystérieux et incertain où sont appelés à se répondre une évidente abstraction symbolique et un ancrage matériel tout à la fois reconnaissable et censément vérifiable5.
C’est donc sur ce point précis de l’enfer comme lieu topographique, locus horridus par excellence, que nous souhaitons apporter ici quelques illustrations et éléments de réflexion, concernant prioritairement l’Espagne et l’Italie. En engageant ainsi la primauté du visuel, le propos entend relier de façon exemplaire des réalités équivoques et leurs concrètes représentations, telles que les formulaient alors les textes et les images6.
Sans oublier tout à fait les démons et les diables, nous aborderons tour à tour, à travers quelques références significatives, les stéréotypes de l’iconographie traditionnelle, la question de la localisation de l’enfer et de son organisation spatiale dans ses aspects matériels et symboliques, enfin, la portée particulière du phénomène des visions infernales à la période moderne, en privilégiant le cas remarquable de Thérèse d’Avila.
Peu après son arrivée en Espagne en 1577, le Greco réalisait un tableau énigmatique, conservé aujourd’hui à l’Escorial, connu sous différents titres tels que L’adoration du nom de Jésus, l’Allégorie de la Sainte Ligue, ou encore La gloire de Philippe II7 (fig. 1).
Fig. 1. LE GRECO, La gloire de Philippe II (détail), 1577 (Monastère de l’Escorial)
À l’évidence, le sujet en demeure hésitant, entre l’exaltation de la religiosité du monarque en prière et la célébration politique d’un événement majeur de la période. Il représente aux côtés du roi d’Espagne, le doge de Venise, Alvise Mocenigo, et le pape Pie V, tous trois en action de grâce après la glorieuse victoire de Lépante contre les Turcs en octobre 1571. À droite de la composition, apparaît la gueule béante de Léviathan, l’un des principaux démons de l’enfer, dans laquelle grouillent des corps convulsés. À l’arrière, les damnés franchissent un pont étroit au-dessus d’un cloaque, conformément aux textes des visions de saint Paul et de Tondale8. Cette présence menaçante de l’enfer confère à la composition une dimension eschatologique qui en complexifie la signification. Le Greco met ici en œuvre la force expressive des représentations alors très répandues des jugements derniers. Le motif de la gueule du monstre comme porte d’entrée de la géhenne en était l’un des topos iconographiques, repris dans de nombreuses gravures de l’époque.
Durant tout le Moyen Âge européen, le thème connut une remarquable fortune, notamment dans la peinture flamande du XVe siècle, donnant lieu à une infinité de variantes. L’anonyme Jugement dernier du Musée des Arts décoratifs de Paris en propose une mise en espace exemplaire (fig. 2).
Fig. 2. Anonyme, Le Jugement dernier (détail), XVe siècle (Paris, Musée des Arts décoratifs)
La partie droite est occupée par la conventionnelle gueule de Léviathan où plusieurs damnés se débattent dans un chaudron. L’enfer s’inscrit ici dans un paysage imaginaire : une lagune glacée sur la gauche, au pied de montagnes escarpées au sein desquelles se déroulent, sous un ciel de flammes, plusieurs scènes de supplices. De la même période, L’enfer, sujet d’une miniature des frères Limbourg, représente Satan sur un gril, présidant aux sévices des pêcheurs, sur un arrière-plan de montagnes fantastiques. Les réprouvés y sont regroupés dans des cavernes desquelles s’échappent des flammes inextinguibles (fig. 3)9.
Fig. 3. Paul, Jean et Herman de Limbourg, L’enfer (détail), XVe siècle (Chantilly, Musée Condé)
Mais ce sont les œuvres de Jérôme Bosch, mort en 1516, qui offrent sur le sujet une de ses traductions visuelles les plus connues. Le roi Philippe II d’Espagne avait réuni plusieurs tableaux du peintre flamand dans sa collection personnelle du palais-monastère de l’Escorial, dont le fameux Jardin des délices, aujourd’hui au Prado. Le triptyque consacre le volet droit à une impressionnante représentation de l’enfer (fig. 4).
Fig. 4. Jérôme Bosch, Le Jardin des délices (détail), vers 1500 (Madrid, Musée du Prado)
La verticalité du panneau ordonne un espace hiérarchisé offert à l’imagination de l’artiste. La partie supérieure donne à voir, au-dessus d’un lac gelé, le panorama nocturne d’une ville en flamme d’un effet saisissant. Suivant la traditionnelle esthétique des contraires, le feu et la glace participent du vocabulaire plastique propre au paysage infernal.
Dans la continuité des œuvres de Jérôme Bosch, L’enfer du flamand Pieter Huys, peinture sur bois de 1570, témoigne d’une évolution significative (fig. 5)10.
Fig. 5. Pieter Huys, L’enfer (détail), 1570 (Madrid, Musée du Prado)
La scénographie de la composition, saturée de scènes terrifiantes, retient l’attention par sa mise en espace complexe : un large paysage presque exclusivement minéral qui étage depuis le bas vers le haut plusieurs cavernes et pitons rocheux. Sur la lointaine ligne d’horizon se découpe en silhouette une ville incendiée. Les représentations de ce type, génératrices d’effroi, furent légion jusqu’à un XVIe siècle avancé.
Ces quelques exemples témoignent non seulement d’un commun et durable intérêt pour les représentations de l’enfer mais aussi de la fluidité de la circulation des modèles à travers l’espace européen et leur persistance comme autant d’« images tardives », ainsi que les a définies Alphonse Dupront11. Même si le cadre reconnaissable de ces scènes d’horreur tend à se particulariser, influencé en cela par l’essor de la peinture de paysage, les enfers iconographiques que l’on a qualifiés de terrestres restent stéréotypés et relativement abstraits.
Les textes plus ou moins normatifs sur le sujet ne sont guère plus circonstanciés. Francisco de Holanda, peintre et dessinateur portugais, est l’auteur d’un remarquable traité de pratique picturale, Da pintura antigua, publié en 1548 et traduit en espagnol en 1563. Un bref chapitre intitulé « De la pintura del Purgatorio y del Infierno » est consacré aux modalités de la représentation picturale de l’enfer et aux supplices qu’on y endure. L’auteur y insistait sur le fait que la mission du peintre est bien de mettre en garde et de détourner les hommes du péché en leur rappelant la présence du feu éternel mais sans en expliciter davantage la localisation. Il s’interrogeait alors :
Qué cosa hay más para ser vista y para ser contemplada que el infierno ? El grave pintor […] pintará la cruel cárcel que prende a los condenados a la cual el Evangelio llama « mazmorra de fuego » ; y ansí aquellas tinieblas palpables que escurecen y ofuscan todas la perdidas ánimas que en forma muy lamentable y doliente debe de hacer12.
En humaniste nourri de culture classique, Francisco de Holanda invitait les artistes à s’inspirer de l’enfer mythologique évoqué dans les poèmes épiques d’Homère et de Virgile mais aussi de l’enfer médiéval de Dante Alighieri, devenu alors la principale référence en la matière13. Si le thème connut une progressive désaffection dans la peinture du XVIIe siècle, les images infernales constituèrent pendant longtemps encore un sujet de prédilection du discours des prédicateurs. Les sermons sur les horreurs de l’Enfer donnaient lieu à une surenchère de détails échevelés et à de puissants effets rhétoriques, au service d’une pédagogie du macabre visant à conforter des convictions traumatisantes14. Les effets de théâtralisation de l’art oratoire pouvaient ainsi prendre appui sur le rappel opportun d’images communes, unifiant dans cette élaboration de l’effroi, le verbal et le visuel15.
En 1548, Ignace de Loyola publiait ses fameux Exercices spirituels accordant une place de choix à une spécifique « Méditation de l’enfer ». Le dispositif de la « composition de lieu » y mettait en pratique la contemplation visuelle comme voie privilégiée vers le salut. La notion de lieu était ici entendue comme le point de convergence d’une puissance et d’une connaissance qu’il convenait d’investir par l’esprit.
Ainsi, concernant le 5e exercice, la Meditación del infierno, le premier préambule consistait à « ver con la vista la longura, anchura y profundidad del infierno »16. Les peines et les tourments qui affectent les damnés mobilisaient alors « la vista de la imaginación » mais aussi l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher pour une immersion sensorielle totale17. De façon paradoxale la matérialisation de l’enfer est ici le produit d’une construction « à imaginer », une véritable vue de l’esprit.
Le propos d’Ignace de Loyola rejoignait, en partie au moins, une interrogation largement partagée à l’époque par les auteurs de littérature ascétique à propos de la véritable localisation géographique de l’Enfer, au-delà même de sa réalité matérielle18.
Dans le Tesoro de la lengua castellana o española de 1611, Sebastián de Covarrubias situait l’enfer dans la « parte inferior de la superficie de la tierra ». Le lexicographe ajoutait aussitôt : « y desto hay tantos ejemplos que me resuelvo en no citar ningún lugar »19, laissant alors le lecteur dans une relative incertitude.
De son côté, le jésuite andalou Martín de Roa, dans le Del estado de los bienaventurados en el cielo, de los niños en el limbo, de los condenados en el infierno […]20, traité publié à Séville en 1624, posait ainsi le problème de la localisation et de la nature de l’enfer en en-tête du chapitre XXII : Qué lugar sea, si uno o muchos. Dónde esté, quán grande sea […], et répondait alors à ces interrogations :
Este lugar es una cueva, o seno de la tierra en lo más profundo de sus entrañas, vecino a su centro, ancho y largo, cuanto sufrirá la grandeza de la tierra que ocupa, como dicen, once mil leguas en su redondo, y cuanto será necesario para la muchedumbre de pecadores que allí han de guardar perpetua carcelería. Su vacío todo estará lleno de fuego, más de tan poca luz, que con razón se le da por excelencia el apellido de tinieblas, y a los demonios que allí reinan el de Príncipes y potestades dellas. Está todo cubierto de horror y asombro, donde ni llega bien ni falta mal21.
À cette mesure de l’enfer comme espace propre, s’ajoutait celle de la distance séparant celui-ci de la surface de la Terre. Alejo Venegas dans son traité sur la Agonía del tránsito de la muerte, publié en 1537, ouvrage beaucoup lu en son temps, soutenait que « El infierno está en el centro de la tierra, cuya distancia hasta la haz se puede sacar por una regla de geometría ». Après de complexes calculs, Venegas en venait à conclure que « desde la haz de la tierra hasta el infierno, según esta cuenta geométrica, diremos que hay mil y ciento y noventa y tres leguas »22. Dans la 2e édition du texte, en 1540, apparaissait même une curieuse correction de la distance, portée alors à mil y seiscientas y setenta leguas. Ce souci d’exactitude ne manque pas d’étonner, eu égard au caractère aléatoire d’une telle spéculation.
Le jésuite Sebastián Izquierdo dans ses Consideraciones de los quatro novísimos del Hombre, Muerte, Juicio, Infierno y Gloria de 1672, avançait le chiffre de 1168 lieues et précisait que l’enfer :
[…] es una concavidad a manera de calabozo, que Dios tiene preparada en el centro de la tierra, llena de fuego de azufre de la manera que aca un estanque esta lleno de agua. La carcel de los condenados viene a estar en el infimo lugar de todo el universo23.
Pour sa part, le père jésuite Juan Eusebio Nieremberg le définissait dans ses écrits comme « el lugar más apartado del cielo y más calamitoso de todos, que es en lo profundo de la tierra, donde ni el Sol del día ni las estrellas de noche verán, donde todo será horror y tinieblas »24. Il allait jusqu'à signaler un enfer « en su medida más largo que la tierra y más ancho que el mar »25, prenant alors le parti d’une évocation hyperbolique.
On pourrait multiplier de telles considérations sur le lieu et la configuration de l’enfer. Si celui-ci est conceptuellement l’exacte antithèse du ciel, il apparaissait justifié que son emplacement en fût matériellement le plus éloigné, à savoir au centre même de la terre, là où il n’y a ni le soleil du jour, ni les étoiles de la nuit, un espace de ténèbres que de façon paradoxale le feu, pourtant omniprésent, ne parvient pas à éclairer. Ce lieu est donc celui des contrastes insoutenables entre les flammes éternelles et le froid infernal comme y insistent les récurrentes lagunas de fuego et autres estanques de hielo26.
L’idée commune de cet enfer souterrain relève à l’évidence d’autres traditions culturelles, gréco-romaines ou musulmanes, celles-là même qui, au début du XIVe siècle, ont inspiré Dante dans l’élaboration de la topographie où se déroule son voyage d’outre-tombe, un enfer structuré précisément en neuf cercles successifs, peuplé de figures mythiques ou démoniaques. L’écho de la Divina commedia est toujours discernable dans les discours sur l’enfer produits au XVIe siècle. Témoigne de cet intérêt, la traduction en espagnol avec glose de l’Inferno de Dante par l’humaniste Pedro de Villegas, en 151527.
Dans le même temps, la plasticité du poème dantesque donna lieu à d’innombrables illustrations. Réalisée à la fin du XVe siècle par Sandro Botticelli, la célèbre Carte de l’Enfer sert d’introduction à un ensemble de dessins illustrant la commedia de Dante (fig. 6)28.
Fig. 6. Sandro Botticelli, La carte de l’enfer, illustration de la Divina Commedia de Dante, vers 1490 (Rome, Bibliothèque vaticane)
Elle propose comme configuration de l’enfer un profond cratère en forme d’entonnoir dans lequel s’étagent les neuf cercles.
Une même matérialisation du locus inferni constitue le sujet de deux gravures pleine page des Evangelicae Historiae imagines, ouvrage à vocation didactique conçu par le jésuite espagnol Jerónimo Nadal et publié avec succès à Anvers en 159329. La première (n° 75) qui propose une sorte de géographie de l’enfer est une extrapolation du chapitre XVI de l’Évangile de Luc (fig. 7).
Fig. 7. Anton, Hiéronymus et Johannes Wierix, Gravure n° 75 (Jerónimo Nadal, Evangelicae Historiae imagines, 1593)
La seconde, (n° 131) presque identique, illustre l’épisode de la descente du Christ dans les Limbes, entre le vendredi saint et le jour de Pâques (fig. 8)30.
Fig. 8. Anton, Hiéronymus et Johannes Wierix , Gravure n° 131 (Jerónimo Nadal, Evangelicae Historiae imagines, 1593)
Ces compositions offrent l’intérêt de localiser visuellement l’enfer dans l’au-delà souterrain, au centre même de la terre. L’impressionnante coupe du globe terrestre montre de façon concentrique depuis la superficie du monde, une épaisse ceinture rocheuse où vivent les serpents, puis plusieurs espaces circulaires : les limbes des Patriarches, les limbes des enfants, le Purgatoire, où sont purifiées les âmes par la force et la main de Dieu, enfin, le globe infernal, le globus inferni, noyé de flammes et peuplé d’âmes implorantes, au centre duquel règne Satan.
Certains éléments des gravures sont accompagnés de lettres alphabétiques qui renvoient à de brèves phrases de commentaire en latin transcrites dans la partie inférieure, invitant ainsi à orienter et à moduler le regard. Le procédé définit alors un parcours de lecture à visée didactique. Au point opposé de l’empyrée céleste, l’enfer comme lieu clos et sans retour pour les damnés constitue tout en bas de la composition une sorte de frontière de l’imagination. Cette construction symbolique invite à rationnaliser l’espace comme une nécessité logique, fidèle en cela à la conventionnelle organisation concentrique. Le rendu naturaliste de nombreux détails signifiants tend ainsi à condenser l’imaginaire infernal et à lui assigner une efficiente force expressive. Un tel souci de rendre visuellement accessible la dimension eschatologique du texte sacré pouvait engager d’autant mieux à méditer sur l’invisible.
Commentant l’effacement des images infernales à la période moderne, Julio Caro Baroja soulignait de façon radicale que sur la période :
La proscripción del tema demoníaco es casi total. No se imagina uno al Greco, ni a Zurbarán ni a Ribera o Murillo pintando diablos. La tradición terrorífica-burlesca va por otros cauces: literarios31.
Pour autant, l’iconographie de l’enfer n’a pas disparu tout à fait. Elle s’est maintenue par le biais de la gravure, notamment à travers les illustrations de certains traités religieux, ouvrages de spiritualité et autres écrits littéraires à vocation didactique ou moralisatrice.
Ainsi, les célèbres Sueños de Francisco de Quevedo publiés en 1627 incluent un Sueño del infierno, repris sous le titre de Las zahúrdas de Plutón à partir de l’édition de 163132. Ce texte satirique dénonçant les vices et les mœurs de l’époque n’apporte pas d’éléments originaux sur le paysage infernal. Il centre avant tout le propos sur les démons, les allégories et les supplices infligés aux damnés. Le narrateur évoque cependant « una cueva honda (garganta del infierno) »33 et signale au passage un décor de lagunes, de gouffres et de cavernes, directement inspiré de la Divina Commedia dantesque34.
L’œuvre de Quevedo connut en Europe un vif succès dont témoignent de nombreuses traductions. Une édition des Sueños en castillan, imprimée à Anvers en 1699, comporte plusieurs illustrations graphiques signées de Gaspard Bouttats35. La gravure illustrant les Zahúrdas de Plutón (p. 308) offre une impressionnante représentation de l’enfer, riche d’une infinité de détails et d’innombrables figures disséminées à travers la composition (fig. 9).
Fig. 9. Gaspar Bouttats, Gravure d’illustration du Sueño del infierno (Francisco de Quevedo, Los Sueños, Anvers, 1699)
On y remarque plusieurs scènes et personnages qui font directement référence au texte quévédien.
La complexité de la configuration spatiale retient ici notre attention. Dans la partie inférieure, est représenté en coupe le monde infernal souterrain : trois fosses dans lesquelles des diables supplicient les condamnés. La partie supérieure, beaucoup plus large, est consacrée à un paysage panoramique, déployé jusqu’à un lointain horizon de flammes, que l’on interprète comme celui d’un enfer terrestre. Sur la gauche, s’élève une montagne escarpée pourvue de nombreuses cavités, grottes et cavernes où s’entassent les corps nus des réprouvés en proie aux flammes éternelles. Inspirée à l’évidence de la conventionnelle iconographie flamande de l’Enfer, cette représentation paysagère du lieu des tourments infinis est ici la traduction visuelle d’un sueño du narrateur36. Un tel artifice inscrit le texte quévédien dans la grande tradition littéraire des rêves, songes et visions37.
L’articulation entre l’expérience visionnaire et la représentation imagée est un phénomène fondateur de la conception même de l’enfer38. On a souvent fait valoir que l’iconographie infernale prenait appui sur les témoignages textuels des visions rapportées par les grands mystiques du moyen âge39. Ce puissant vecteur de l’imaginaire infernal est toujours en vigueur au XVIe siècle constituant, comme on l’a relevé précédemment, l’un des Exercices spirituels d’Ignace de Loyola. Mais c’est l’expérience de Thérèse d’Avila telle que celle-ci la relate dans son autobiographique Libro de la vida qui prend alors valeur de modèle. La carmélite fait ainsi le récit de sa vision de l’enfer en 1560 :
Parecíame la entrada a manera de un callejón muy largo y estrecho, a manera de horno muy bajo y escuro y angosto. El suelo me pareció un agua como lodo muy sucio y de pestilencial olor, y muchas sabandijas malas en él. A el cabo estaba una concavidad metida en una pared, a manera de una alacena, adonde me vi meter en mucho estrecho. Todo esto era deleitoso a la vista en comparación de lo que alli sentí... Esto que he dicho va mal encarecido40.
Thérèse insiste sur l’horreur qu’elle éprouve au spectacle des châtiments endurés par les damnés et, de façon plus précise, sur la configuration de cet espace infernal dont l’obscurité et surtout l’étroitesse provoquent en elle une effroyable sensation d’étouffement
Estando en tan pestilencial lugar, tan sin poder esperar consuelo, no hay sentarse ni el echarse, ni hay lugar, aunque me pusieron en éste como en agujero hecho en la pared ; porque estas paredes que son espantosas a la vista, aprietan ellas mesmas, y todo ahoga. No hay luz, sino todo tinieblas escurísimas. Yo no entiendo como puede ser esto, que, con no haber luz, lo que a la vista ha de dar pena, todo se ve41.
Avec la spontanéité qui la caractérise, elle souligne au passage les effets angoissants de ces murs qui l’oppressent et la nature paradoxale d’un lieu appréhendé visuellement en dépit des ténèbres qui y règnent. Cette vision extraordinaire relève d’une expérience intime de Thérèse, une épreuve surnaturelle qu’il lui est donné de vivre et de relater42.
Suivant la tradition médiévale des révélations de Tungdal, de sainte Françoise Romaine ou d’Hildegarde de Bingen, et dans le droit fil du vécu de Thérèse d’Avila, les visions mystiques de l’enfer se multiplient au cours du XVIIe siècle, comme le confirment les biographies de bon nombre de religieuses, à l’instar de celles de Marina de Escobar ( 1554-1633 ), María de la Antigua ( 1566-1617 ) ou Mariana Francisca de los Ángeles ( 1637-1697 )43. Avec quelques rares références à l’espace matériel de l’enfer, ces textes s’attachent surtout à décrire l’horreur des supplices et la monstruosité physique des tortionnaires. La carmélite Ana de San Agustín ( 1555-1624 ) évoque de manière explicite le bruit et la fureur des éléments s’ajoutant aux hurlements des démons et aux sifflements des serpents : « Vi allí grandes tempestades, grandes vientos, grandes torbellinos y borrascas ; muchos truenos y relámpagos que arrojaban espantosos rayos »44. Les notations visuelles, sonores et olfactives rejoignent les lieux communs de la prédication et les stéréotypes de l’iconographie en vigueur. Dans bien des cas, les images plastiques largement diffusées apparaissent comme la source directe de ces descriptions terrifiantes.
Canonisée en 1622, la réformatrice du Carmel a fait l’objet d’une profusion de tableaux et de gravures de dévotion et a inspiré plusieurs récits de sa vie en images. Pourtant, comme cela a été justement remarqué : « en la iconografía de Santa Teresa se nota la falta de la representación de una de las visiones más conocidas y populares entre sus devotos: el infierno »45.
C’est dans le contexte napolitain que cet épisode marquant de la vie spirituelle de Thérèse a pu donner lieu à une rare mise en image, à travers l’impressionnant frontispice de l’un des volumes des Cinco palabras del Apostol san Pablo du carme déchaux Francisco de la Cruz, publié en castillan en 1682 dans la capitale du royaume de Naples, alors sous tutelle espagnole (fig. 10)46.
Fig. 10. Gravure d’illustration (Giovanni Battista Manni, Prigione eterna dell’inferno, Venise, 1666)
Très populaire en Italie, la sainte d’Avila avait été élevée au rang de patronne de la ville.
Au cours de la deuxième moitié du XVIIe siècle, on assiste à un certain regain de l’enfer populaire dont témoigne par exemple la publication en 1666 de la Prigione eterna dell’inferno du jésuite napolitain Giovanni Battista Manni, petit livre d’avertissements à l’usage des pécheurs, illustré de vignettes d’une étonnante modernité graphique représentant de façon dramatisée les châtiments subis par les damnés, accompagnées de commentaires (fig. 11 et 12)47.
Fig. 11. Gravure d’illustration (Giovanni Battista Manni, Prigione eterna dell’inferno, Venise, 1666)
Fig. 12- Gravure d’illustration, Vision de l’enfer de Thérèse d’Avila (Francisco de la Cruz, Cinco palabras del Apóstol san Pablo, Naples, 1681)
Par sa facture quelque peu naïve, la gravure du traité de Francisco de la Cruz rappelle les traditionnels exvotos napolitains. La gueule de Léviathan sert littéralement de cadre à l’intérieur duquel se donne à voir la scène. La composition s’inscrit entre les dents acérées du monstre démoniaque. La sainte est représentée debout, en habit de carmélite, recevant la vision infernale. Dans un océan de flammes émergent des têtes de damnés et plusieurs des châtiments infligés par les démons. Se retrouvent les éléments communs des xylographies du XVe siècle, chaudrons, grils, roues et serpents dévorateurs. L’espace de la composition apparaît relativement hiérarchisé : la partie supérieure en constitue le fond le plus éloigné tandis que les figures de grande taille occupent le bas de la gravure. Les scènes sont accompagnées de courts messages en castillan et en latin, des propos attribués à la sainte ou aux suppliciés : exclamations de douleur et réflexions convenues sur la rigueur des peines endurées. Ce chaos de tourments synchroniques relève d’un dispositif qui engage le spectateur à méditer tour à tour sur les inscriptions et citations bibliques dans leur complémentarité avec la représentation graphique. La lecture descendante s’achève alors sur le mot eternidad, mis en relief sur la marge inférieure, organisant ainsi la gravure en véritable sermon visuel. Comme représentation médiatisée, celle-ci vise à une pleine efficacité édificatrice, exhortant à « [sacar] frutos de la consideración de los males eternos »48.
En 1723, le traité fut réédité en Espagne avec des illustrations signées du valencien Francisco Quart, directement plagiées de l’édition napolitaine (fig. 13)49
Fig. 13. Gravure d’illustration, Vision de l’enfer de Thérèse d’Avila (Francisco de la Cruz, Cinco palabras del Apóstol san Pablo, Valence, 1723)
À l’appui du texte même de Thérèse, cité in extenso par Francisco de la Cruz, la gravure reste une image circonstancielle. Autant qu’une représentation des tourments de l’enfer, elle propose de fait un portrait de la sainte en proie à une vision mystique. À l’évidence, celle-ci relève d’une expérience intérieure engageant à l’appréhension d’un spectacle effroyable dans un espace abstrait et conventionnel comme une épreuve éminemment intime, à la fois physique et intellectuelle.
***
Les variations textuelles et iconographiques sur l’enfer « finissant » de la période moderne témoignent de la féconde interaction entre les écrits à visée horrifique, les images peintes ou gravées, les discours terrifiants des prédicateurs, les visions tourmentées des mystiques, autant de motifs que l’on a souvent rapprochés des inquiétudes baroques de la deuxième moitié du XVIIe siècle.
L’espace infernal s’y configure entre les représentations du paysage commun et un imaginaire hyperbolique du supplice. Il détermine ainsi des cadres visuellement stéréotypés, mêlant le souci du détail concret à des formes à signification symbolique, un enfer à tonalité terrestre et un enfer allégorique amplement fantasmé.
Le traité de Martín de Roa proposait cette curieuse mise au point :
Advierto por lo que se ha dicho hasta aquí, y lo que adelante se dirá, que en el infierno ni hay ruedas, ni tenazas, ni garfios, ni otros semejantes instrumentos para atormentar a los condenados mas son éstas representaciones que nuestro Señor hace de lo que vemos aquí con los ojos, quan crudo sea, para que por ellas entendamos el rigor de las penas que allí se padecen, y son más duras sin comparación de lo que en estas figuras se representan50.
Sans doute une telle affirmation s’inscrit-elle dans la mise en discussion que devaient engager un peu plus tard théologiens et philosophes sur l’éternité des peines infligées et leur modalité matérielle, mais aussi, et plus largement, sur l’existence même de l’enfer51. En déniant la réalité visuelle des instruments des supplices, le jésuite sévillan avançait leur valeur contingente et métaphorique, en vue de rendre compte de châtiments reconnus indescriptibles. Il posait ainsi, de façon indirecte, la question fondamentale du statut et des limites de l’image religieuse. Comme cela a été souligné, la représentation du paysage infernal comme paradigme du locus horribilis ne serait dès lors qu’un artifice à vocation didactique apte à caractériser un implacable territoire de l’imaginaire.
[1] Les études sur l’enfer sont légion. Voir le panorama général proposé par Georges MINOIS, Histoire des enfers, Paris, Fayard, 1991.
[2] Jean Delumeau, La peur en Occident (XIVe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 1978.
[3] Sur l’enfer médiéval, voir, entre autres études, Paulino RodrÍguez Barral, « Los lugares penales del más allá. Infierno y purgatorio en el arte medieval hispano », Studium Medievale. Revista de Cultura visual - Cultura escrita, 3, 2010, p. 103-132, Julie GonzÁlez, Étude iconographique de la gueule de l’Enfer au Moyen-Âge. Origines et symboliques, thèse de doctorat en Histoire de l’art, sous la direction de S. Forero-Mendoza, Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2015 (en ligne), Marta BermÚdez Cordero, Álvaro GÓmez Peña, « Los orígenes iconográficos del infierno como devorador de almas en el cristianismo medieval europeo », SVMMA. Revista de Cultures Medievals, 19, 2022, p. 87-123. URL : https://raco.cat/index.php/SVMMA/article/view/406525.
[4] Voir sur le développement du purgatoire comme contrepartie de l’enfer à la période, Michel Vovelle, La mort en Occident de 1300 à nos jours, Paris, Gallimard, 1983, p. 306 et suiv.
[5] Voir Julián MUELA EZQUERRA (dir.), Le locus terribilis. Topique et expérience de l'horrible, Berne, Peter Lang, 2013 et Alessandra PREDA et Liana NISSIM (dir.), Les lieux de l’Enfer dans les lettres françaises. Convegno internazionale di studi. Gargnano, Palazzo Feltrinelli, 12-15 giugno 2013 , Milan, LED, 2014, http://www.ledonline.it/ledonline/683-preda-lieux.html.
[6] Pour sa richesse iconographique, nous privilégions ici l’ouvrage de Monique Blanc, Voyages en enfer. De l’art paléochrétien à nos jours, Paris, Citadelles Mazenod, 2004.
[7] Sur le tableau en question, voir, par exemple, Fernando MarÍas, Greco, biographie d’un peintre extravagant, Paris, Adam Biro, 1997, p. 126, et Palma MartÍnez-Burgos, El Greco. El pintor humanista. Obra completa, Madrid, LIBSA, 2005, p. 253.
[8] Ces visions devinrent les points de départ d’une iconographie canonique de l’enfer. Voir Jérôme BASCHET, Les justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle), Rome, École Française de Rome, 1993.
[9] Cette miniature des Très riches heures du duc de Berry, réalisée par les frères Limbourg entre 1411 et 1416, est conservée au Musée Condé de Chantilly.
[10] Le tableau a rejoint très tôt les collections de l’Escorial. Il est conservé aujourd’hui au Musée du Prado.
[11] Alphonse DUPRONT, Du Sacré. Croisades et pèlerinages, Images et langages, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1987, p. 178. Voir aussi Alphonse DUPRONT, L’image de religion dans l’Occident chrétien, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Histoires, 1987, en particulier le chapitre consacré à « L’Enfer », p. 211-231.
[12] « Est-il chose plus digne d’être vue et contemplée que l’enfer ? Le peintre avisé peindra la cruelle prison où sont reclus les condamnés, que l’Évangile appelle ‘cachot de feu’, et les palpables ténèbres qui obscurcissent et indisposent les âmes perdues, de façon horrible et angoissante », Francisco de Holanda, De la pintura antigua, seguido de El diálogo de la pintura (1548), Madrid, Visor, 2003, p .99-101. La traduction espagnole de 1563 est demeurée manuscrite.
[13] Voir Sylvie CARLIER, Jean LACAMBRE, Anne ROQUEBERT, L’enfer doré. Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’enfer, Lyon, Fage éditions, 2004.
[14] Sur les sermons centrés sur les peines de l’enfer, voir Pierre Civil, « Figurer l’enfer. Images et textes dans l’Espagne de la Contre-Réforme », in J. -P. Duviols et A. MoliniÉ-BERTRAND (éd.), Enfers et damnations dans le monde hispanique et hispano-américain, Paris, PUF, 1996, p. 396-397, note 37.
[15] Voir Giuseppina Ledda, La parola e l’immagine. Strategie della persuasione religiosa nella Spagna secentesca, Pise, Edizioni ETS, 2003.
[16] « Voir de ses yeux la longueur, largeur et profondeur de l’Enfer », IGNACIO DE LOYOLA, Ejercicios espirituales, in Obras de San Ignacio de Loyola, éd. I. IPARRAGUIRRE, C. de DALMASES, M. RUIZ JURADO, Madrid, Biblioteca de Autores Cristianos, 1991, p. 241.
[17] Ibid., p. 241-242.
[18] À propos du débat sur la localisation de l’enfer médieval, voir G. Minois, Histoire des enfers…, p. 195-198.
[19] « et de cela il y a tellement d’exemples de lieux que je me résous à n’en citer aucun », Sebastián de Covarrubias, Tesoro de la lengua castellana o española [1611], éd. M. de RIQUER, Barcelone, Horta, 1943, p. 736-737.
[20] « De quel lieu s’agit-il, en existe-t-il un seul ou plusieurs, où se trouve-t-il, quelle est son extension ? » Martín de Roa, Del estado de los bienaventurados en el cielo, de los niños en el limbo, de los condenados en el infierno, y de este mundo después del día del juicio universal, Séville, Francisco de Lyra, 1624, chap. XXII, fol. 173r et suiv. L’auteur s’attarde surtout sur l’horreur des châtiments. Cet important traité sur la question de l’au-delà fut largement réédité en Espagne et traduit à travers l’Europe.
[21] « Ce lieu est un gouffre, le sein de la terre au plus profond de ses entrailles, proche de son centre, large et étendu, autant que le permet l’extension de la terre qui occupe, comme on le dit, onze mille lieues de circonférence et autant qu’il sera nécessaire pour contenir la multitude des pécheurs qui seront là-bas prisonniers à perpétuité. Son espace entier sera empli de feu. Tout n’y est qu’horreur et épouvante, lieu où ne manque pas le mal et où n’arrive jamais le bien », ibid., fol. 174.
[22] « L’enfer se trouve au centre de la terre dont la distance qui le sépare de la surface peut être établie par une règle de géométrie. De la surface de la terre à l’enfer, d’après ce calcul géométrique nous pouvons dire qu’il y a mille-cent-quatre-vingt-treize lieues », Alejo VENEGAS, Agonía del tránsito de la muerte [1537], éd. de Marc ZUILI, Paris, L’Harmattan, 2001, punto IV, chapitre VIII, p. 362 et note 2063.
[23] « est une concavité à la manière d’un cachot que Dieu a conçue au centre de la terre, pleine de feu et de soufre comme un étang est ici rempli d’eau. La prison des condamnés occupe le lieu le plus infime de tout l’univers », Sebastián Izquierdo, Consideraciones de los quatro novísimos del Hombre, Muerte, Juicio, Infierno y Gloria, Rome, Varese, 1672, p. 229 et suiv. Voir Fernando MartÍnez Gil, Muerte y sociedad en la España de los Austrias, Madrid, Siglo XXI, 1993, p. 491.
[24] « le lieu le plus éloigné du ciel et le plus calamiteux de tous, où ne se voient ni le soleil du jour ni les étoiles de la nuit et où tout n’est qu’horreur et ténèbres », Juan Eusebio Nieremberg, De la diferencia entre lo temporal y lo eterno [1640], in Obras escogidas, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid, Atlas, 1957, p. 1 -291, p. 207.
[25] « dans ses dimensions, plus large que la terre et plus étendu que la mer », Juan Eusebio Nieremberg, De la hermosura de Dios y su amabilidad [1649], in Obras escogidas, Biblioteca de Autores Españoles, Madrid, Atlas, 1957, p. 293-480, p. 342.
[26] De façon significative, le monumental Jugement dernier de Francisco Pacheco, peint en 1611 à Séville et conservé aujourd’hui au Musée Goya de Castres, a délaissé le motif de la gueule de Léviathan, pour une évocation de l’enfer sous la forme de flammes à l’arrière du groupe des damnés dans la partie inférieure de la composition, suivant en cela la fresque fameuse du Jugement dernier de Michel Ange, réalisée à Rome vers 1540 dans la Chapelle Sixtine.
[27] Voir Roberto Mondola, Dante vestido a la castellana : El Infierno de Pedro Fernández de Villegas, Madrid/ Frankfurt, Iberoamericana/Vervuert, 2017.
[28] Le dessin en question est conservé à la Bibliothèque apostolique vaticane. Voir l’édition de la traduction de la Divine Comédie, avec les dessins de Botticelli, par Alexandre Masseron, L’enfer, Paris, Le Club français du livre, 1954, notamment le chapitre « Itinéraire en enfer », p. XXXV-XL. Signalons pour le XVIe siècle les dessins et peintures inspirés du poème de Dante de Luca Signorelli et Federico Zuccari.
[29] Jerónimo Nadal, Evangelicae Historiae imagines, Anvers, Martin Nutius, 1593. Le volume réunit 153 gravures dessinées par les Italiens Passeri et Fiammeri et gravées par les Flamands frères Wierix. L’ouvrage fut republié en 1594 et 1595 sous le titre de Adnotationes et meditationes in Evangelia.
[30] L’épisode s’appuie sur quelques textes du Nouveau Testament, dont la lettre de Pierre dans les Actes des apôtres.
[31] « La proscription du thème démoniaque est quasi totale. Qui peut imaginer Le Greco, Zurbarán, Ribera ou Murillo en train de peindre des diables. La tradition horrorifico-burlesque enprunte d’autres voies : littéraires », Julio CARO BAROJA, Las formas complejas de la vida religiosa (siglos XVI y XVII), Madrid, Sarpe, 1985 (1ère éd. 1978), p. 78. Voir le chapitre 2, « El demonio », p. 69-94.
[32] Francisco de Quevedo, Sueños y discursos de verdades descubridoras de abusos vicios y engaños […], Barcelone, Esteban Liberós, 1627. Le texte a été traduit en français dès 1632 sous le titre de Songes et discours, puis fréquemment réédité.
[33] Voir Rodrigo CACHO CASAL, « El marco onírico e infernal en Quevedo y Dante: los Sueños y la Divina Commedia », Boletín de la Biblioteca de Menéndez Pelayo, 76, 2000, p. 147-179. L’auteur fait justement remarquer que « Al referirse al infierno de Quevedo la crítica suele insistir en su indefinición y vaguedad descriptiva: el escritor español no deja nunca una idea muy clara de cómo es el paisaje de su otro mundo », p. 162.
[34] Francisco de QUEVEDO, Los sueños, éd. Ignacio ARELLANO, Madrid, Cátedra, 1991, p. 132.
[35] Francisco de QUEVEDO, Obras de don Francisco de Quevedo…, 3 t., Anvers, Henricus et Cornelis Verdussen, 1699.
[36] Sur la riche iconographie des éditions des Sueños de Quevedo au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, voir l’étude de Hector RUIZ SOTO, « Quevedo ilustrado. La cultura visual de Los sueños a través de sus frontispicios y estampas (1640-1726) », in E. MARIGNO et F. PARISOT (éd.), Représentations et satires de la société dans le monde hispanique, Paris, Ellipses, 2022, p. 461-483. Texte accessible sur hal-03860555. Pour une description complète de la gravure de Bouttats, voir p. 473.
[37] Voir Le songe à la Renaissance, éd. Françoise Charpentier, Saint-Étienne, Université, 1990 et Pouneh Mochiri, « Songes littéraires de la Renaissance », Libres cahiers pour la psychanalyse, 14, 2006, p. 59-71.
[38] Sur la représentation des visions, voir Victor STOICHITA, El ojo místico. Pintura y visión religiosa en el Siglo de oro español, Madrid, Alianza Editorial, 1995.
[39] Voir notamment G. Minois, Histoire des enfers…, p. 168-179.
[40] TERESA DE JESÚS, Libro de la vida, éd. Dámaso CHICHARRO, Madrid, Cátedra, 1990, p. 80-382. Le texte fut rédigé en 1566 et édité en 1588. « L’entrée me parut être une sorte de ruelle, très longue et très étroite, à la façon d’un four très bas, sombre et resserré. Le sol me parut couvert d’une eau boueuse, très sale et d’une odeur pestilentielle, et toute plaine de vilaines bestioles. Tout au bout il y avait une concavité creusée dans le mur, comme une sorte de placard où je me retrouvai mise tout à l’étroit. Tout était délectable à voir, comparé à ce que j’éprouvais ; mais j’exprime mal ce que j’ai décrit là. » La traduction est celle proposée dans THÉRÈSE D’AVILA, JEAN DE LA CROIX, Œuvres, dir. J. CANAVAGGIO, Paris, Gallimard, La Pléiade, 2012, Livre de la vie, p. 218.
[41] « Dans un lieu aussi pestilentiel, d’où tout espoir de consolation est exclu, il n’est pas question de s’asseoir ni de se coucher, faute de place, alors que j’étais mise dans cette espèce de trou creusé dans la muraille ; en effet ces murailles épouvantables à voir se resserrent sur elles-mêmes et tout vous étouffe. Il n’y a pas de lumière, mais des ténèbres très épaisses. Je ne comprends pas comment il peut se faire que, dans cette absence de lumière, on voit pourtant tout ce qui peut affliger la vue ». Ibid, p. 219.
[42] Voir Dominique de Courcelles, « La pensée de l’enfer dans le Libro de la vida de Thérèse d’Avila », Enfers et damnations dans le monde hispanique et hispano-américain, éd. J.-P. Duviols et A. MoliniÉ-Bertrand, Paris, PUF, 1996, p. 231-245.
[43] Voir le chapitre Visiones infernales dans J. Caro Baroja, Las formas complejas…, , p. 80-84.
[44] « Je vis là-bas de puissantes tempêtes, vents, tourbillons et bourrasques ; de nombreux coups de tonnerre faisant jaillir des éclairs effrayants ». Le passage est cité par Manuel SERRANO Y SANZ, Apuntes para una biblioteca de escritoras españolas, 2 vol., Biblioteca de Autores Españoles, Madrid, Sucesores de Rivadeneira, 1905, p. 222.
[45] « Dans l’iconographie de sainte Thérèse, on relève l’absence de représentation de l’une de ses visions les plus connues et les plus populaires parmi ses dévots : l’enfer », Laura GUTIÉRREZ RUEDA, « Ensayo de iconografía teresiana », Revista de espiritualidad, 90, 1964, p. 12.
[46] Francisco DE LA CRUZ, Cinco palabras del Apóstol san Pablo comentadas por el angélico Doctor Sto Tomás…, Tercera palabra vitanda aplicada al infierno dedicada a Sta Teresa de Jesús, Naples, Marco Antonio Ferro, 1681 (réédition : Valence, Antonio Balle, 1723). L’ouvrage est profusément illustré de gravures anonymes, œuvres peut-être d’un certain Francisco de Gredo qui signe la page de titre.
[47] Giovanni Battista Manni, La prigione eterna dell’inferno dissegnata in immagini e espressa in essempi al pecatore duro di cuore, Venise, Bortolo Tramontino, 1666.
[48] « à tirer les fruits de la considération des tourments éternels », selon le propos de Juan Eusebio Nieremberg, De la diferencia entre lo temporal y lo eterno…, p. 225.
[49] Fernando MORENO CUADRO, « La relación Francisco Quart-Tomás Planes y la estampa pedagógica en Valencia en el primer cuarto del Siglo XVIII », Archivo de arte valenciano, 88, 2007, p. 25-36.
[50] « Je précise, eu égard à ce qui a été dit jusqu’ici et sera dit par la suite, qu’en enfer il n’y a ni roues, ni tenailles, ni crochets, ni semblables instruments pour supplicier les condamnés, mais qu’il s’agit de représentations que propose Notre Seigneur des choses que nous voyons ici de nos yeux, aussi brutales soient-elles, pour que nous comprenions, par leur biais, la rigueur des peines endurées là-bas, qui sont bien plus cruelles que ne le représentent ces figures », Martín de Roa, Del estado de los bienaventurados en el cielo…, fol. 191.
[51] Sur la question, Georges Minois, Histoire des enfers…., chap. XIII, « Contestation et éclatement de l’enfer (XVIIe-XVIIIe siècle), p. 300-326.
Résumé
L’enfer, locus horridus par excellence, pose au-delà de sa fonction religieuse la question de sa représentation symbolique. En engageant avec force l’impact du visuel, les textes et les images plastiques de l’enfer chrétien, peintures et gravures d’illustration, conjuguent de façon exemplaire des constructions topographiques imaginaires et des messages à finalité morale et didactique. Concernant prioritairement l’Espagne et l’Italie des XVIe et XVIIe siècles, sont abordés tour à tour les stéréotypes de l’iconographie traditionnelle, toujours en vigueur à la période moderne, la question de la localisation de l’enfer et de son organisation spatiale, dans ses aspects à la fois matériels et symboliques, enfin, la portée particulière du phénomène des visions infernales, en privilégiant le cas remarquable de Thérèse d’Avila. Hermaphrodite est le nom d’un dieu grec tardif, apparu au IVe siècle avant J.-C., et dont nous connaissons de nombreuses représentations grâce aux sculptures antiques qui nous sont parvenues ; le plus souvent, il prend la forme d’un personnage debout dans une attitude gracieuse, parfois nu, parfois habillé et coiffé en femme, qui dévoile impudiquement, en relevant sa tunique, ses attributs sexuels masculins.
L’iconographie de l’Enfer : permanences et variations
Visions infernales mises en images : de Quevedo à Thérèse d’Avila
Pierre Civil
CRES /LECEMO, Sorbonne Nouvelle
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