Thierry Dedieu a écrit plus de 170 albums et contrairement à certains illustrateurs dont le style graphique est reconnaissable dans la constance des traits, l’auteur-illustrateur de Yakouba tente de se renouveler à chaque album, tenant à adapter au thème, voire à la thèse de son livre, le tracé qui lui correspond et cherchant surtout à ne jamais faire deux fois le même livre. Dans le numéro de la Revue des livres pour enfants qui lui est consacré en 2015, il explique combien sa méthode de travail lui vient de son premier métier, publicitaire, arrêté en 2004 et qui lui a appris à porter visuellement une idée : « Quand j’ai une idée d’album, je me demande quelle est la meilleure façon de la raconter en image1. » Si ses livres sont très différents, ses personnages le sont aussi. Le traitement graphique comme éthique de l’animal procède-t-il d’une spécificité de l’artiste ? En effet, si l’on en croit Isabelle Nières-Chevrel, la présence des animaux est consubstantielle à la littérature de jeunesse. Chez cet auteur-illustrateur qui a publié beaucoup d’albums, ce recours à l’animal est vraiment complexe. Est-ce un « héros de l’entre-deux : entre animalité et humanité, entre nature et culture, entre instinct et règle, entre liberté et contrainte » ?2 Y a-t-il des écritures différentes selon les choix de l’artiste d’aller ou non vers l’anthropomorphisation ? Finalement, chez Dedieu, de quoi l’animal est-il le visage ?
Après avoir observé que l’animal a une grande place dans l’œuvre de l’artiste qui cherche à en montrer la spécificité que ce soit dans des albums narratifs ou dans des documentaires, l’étude d’un corpus plus restreint, et en particulier la trilogie autour du personnage Yakouba, s’arrêtera sur l’hybridation des personnages qui deviennent des créatures voire des mythes susceptibles de renvoyer le lecteur à des questionnements existentiels.
Très nombreux sont les livres de Dedieu qui mettent au cœur de leur propos des animaux. Rarement héros de l’histoire, ils participent d’un regard posé sur le monde. L’exemple le plus emblématique est son interprétation du mythe biblique. Comme d’autres, il opère une condensation avec L’Arche de Noé publiée au Seuil en 2011. Le texte de la Genèse est réduit à quelques phrases comme autant de tableaux. Ce terme est utilisé à dessein puisque la couverture précise « mise en scène par Thierry Dedieu ». Chaque double page résume un moment du texte du déluge, avec la référence au verset exact. Hormis lorsque Dedieu donne à voir les animaux, chaque double page n’offre qu’une palette restreinte de couleurs dans un album proche du livre d’artiste par son côté très précieux et artisanal. L’artiste donne de la profondeur de champ par une triple superposition de plans lesquels font ressortir les motifs très finement découpés du visage de Dieu, de l’arche en construction ou des vagues. Dans ces illustrations, la part belle est faite aux animaux et aux lieux vus de l’extérieur. Noé n’est présent qu’au moment de la construction de l’Arche, seul et laborieux. Le choix des épisodes centre le récit sur l’action de sauvetage des animaux et sur le personnage de Noé.
Sans doute le goût de Dedieu pour les mythes explique-t-il son choix d’illustrer ce texte avec une technique, déjà expérimentée pour les Fables de la Fontaine, qui traduit bien la fragilité de la vie humaine et animale au moment du déluge, puisque les occupants de l’arche font figure de rescapés. Seuls trois tableaux sur six contiennent des animaux mais la matérialité du papier est subtilement utilisée pour accentuer certaines des caractéristiques des animaux : le vide est exploité pour les taches de la girafe, les rayures du zèbre, la crinière du lion ou encore les ailes des autruches. Quant aux silhouettes en arrière-plan, elles concernent des animaux aux traits hautement reconnaissables : les trompes des éléphants, le bois des cerfs, avec la plupart du temps une représentation de profil, plus lisible. La dimension humoristique qui peut traverser certains de ses autres albums n’est pas du tout présente, il s’agit au contraire de transmettre un récit ancestral dans toute sa sobriété et dans toute sa simplicité.
En revanche, ici comme ailleurs, l’animal est souvent pris comme référence d’une forme de perfection dont le livre – tant dans son récit que dans sa technique – doit permettre de mettre au jour les spécificités. Ainsi, dans Feng, un jeune homme espère connaître le secret « du cerf-volant qui vole au-dessus des cieux » auprès d’un vieux sage. Sans cesse ce dernier renvoie son élève à l’observation de la nature. Alors qu’il est insatisfait de ses productions, Feng semble pourtant à chaque fois réussir à rassembler les qualités essentielles de chacun des animaux qu’il observe dans ses créations. Dès la première rencontre, cette référence animalière, présente dans une reprise d’un vers de Victor Hugo, « un lion qui imite un lion est un singe », est une invitation à tracer son propre chemin vers la découverte du meilleur cerf-volant. Les premières pages renvoient toujours à la nature comme un modèle indépassable du peintre ou de l’artiste :
– Maître, dis-moi le secret du cerf-volant le plus véloce.
– Vois le vol de l’hirondelle, dit le maître. Feng remarqua la courbe de l’aile de l’oiseau. Sa terminaison effilée3.
Dans plusieurs de ses illustrations, Dedieu construit son image avec l’apprenti en surplomb de ce qu’il observe et le motif, l’animal en action, qui, pour autant, n’a pas une place prépondérante. L’illustration parvient à montrer à la fois l’instant fugace et le temps suspendu de l’observation, par la sobriété de l’image qui tient aussi au choix de la gravure. Le souci de la technique traverse plus particulièrement ceux tournés vers l’Asie et les artisans admirés pour la maîtrise de leur art. Ainsi, dans Le Maître des estampes, Dedieu reprend un conte asiatique où les personnages sont incarnés par des animaux : un mandarin tombe en admiration devant une estampe chez un ami qui lui donne les coordonnées de l’artiste ayant réalisé l’œuvre. Celui-ci lui demande une somme conséquente et une avance de six mois de salaire. Le mandarin s’impatiente et est surpris de croiser l’artiste, le nez au vent. Le jour de la livraison arrive et le commanditaire est surpris de voir le maître exécuter devant lui un dessin certes époustouflant mais en quelques secondes seulement. Il s’emporte et l’artiste déchire son dessin avant de le recommencer. Ce dernier explique tout le travail qu’a demandé l’incorporation de l’ethos de l’animal pour pouvoir le reproduire. Savoir dessiner un animal demande de l’observer longtemps pour trouver le moment à immortaliser, condensant l’essence même de l’animal :
Ce que vous avez pris pour du dilettantisme c’était la période pendant laquelle j’observais la vie et les mœurs des écureuils. Ce que vous preniez pour un délai déraisonnable n’était que le temps nécessaire à la maîtrise du geste, au choix du papier, au dosage de l’encre et à la recherche du pinceau le plus apte à reproduire le pelage du rongeur ainsi que la texture de la feuille4.
Une des parties les plus intéressantes de l’ouvrage tient au « carnet d’études » qui occupe presque la moitié du livre. Il montre le travail de l’artiste à l’œuvre avec une belle ambiguïté. Dedieu met en avant les étapes spécifiques au travail d’un peintre animalier jusqu’à l’aboutissement épuré du peintre japonais avec l’estampe longuement évoquée dans le récit mais jamais montrée… jusqu’à l’ultime page. La diversité des types de dessins rend compte de la dextérité de Dedieu. Deux ou trois images reproduisent avec une véracité et une précision photographique l’écureuil. Un certain nombre de pages sont consacrées à des croquis pris sur le vif et réalisés au crayon, cherchant à être au plus près du mouvement, du port de tête, de la posture des pattes, de l’envol, du panache. Plusieurs outils sont utilisés entre crayon, encres, fusains5, etc. D’autres dessins semblent beaucoup plus grossiers mais reproduisent les différentes parties du corps, et font aussi des gros plans sur le squelette de l’écureuil, visant la compréhension mécanique de la mâchoire ou de la patte. Ce type d’esquisse est très peu présent dans les ouvrages de littérature de jeunesse, hormis dans certains documentaires. Ici, bien plus que l’aboutissement du travail, c’est vraiment, de manière rare, la démarche, le travail de création qui est donné à voir à travers l’inscription des animaux.
Images 1 et 2, Le maître des estampes, Thierry Dedieu, ©Éditions du Seuil, 2010.
Les étapes de l’appropriation et de la reproduction de l’animal favorisent ensuite sa sublimation dans une représentation épurée, propre à une ère culturelle différente. Cet ouvrage souligne combien Dedieu peut se glisser plastiquement dans des univers graphiques nombreux et adapter son trait au propos qu’il porte, ainsi qu’il le revendiquait dans la citation mentionnée en introduction. Ses différentes représentations d’artistes sont autant d’autoportraits.
Dans une certaine mesure on retrouve ces diverses dimensions dans la série autour de Noël publié au Seuil. Ainsi dans le conte en randonnée À la recherche du Père Noël, un bonhomme de neige interroge tour à tour des animaux, après une première rencontre avec un rouge-gorge, surpris de voir bouger puis parler son interlocuteur. La première double page donne à voir l’animal au plus près de ce qu’il est dans la réalité, quand la seconde double page le consacre comme personnage de livre pour enfants, doué de parole. Chaque rencontre avec l’animal est d’abord représentée dans sa forme la plus naturaliste, avec une image où Dedieu joue de la précision photographique de son image, travaillant le flou en arrière-plan : le plumage du rouge-gorge peut être détaillé avant que celui-ci soit ensuite reproduit moins précisément et prenne la parole, comme si le changement de statut de l’oiseau en personnage de littérature de jeunesse modifiait sa posture et sa représentation. C’est sans doute plus flagrant ensuite dans la représentation du renard ou du lapin.
Images 3 et 4, À la recherche du Père Noël, Thierry Dedieu, ©Éditions du Seuil, 2015.
Les variations sont infimes mais les postures sont différentes et les traits s’humanisent, plus encore lorsque les animaux, comme le loup, se parent d’habits humains. Lorsque l’animal est représenté au plus près de son image réelle, il est réinscrit dans son univers, tandis qu’il est ensuite représenté en très gros plan et devient un animal de livre pour enfants, notamment en prenant la parole.
Dans ces exemples aux esthétiques très différentes, les animaux sont naturalisés, même si l’artiste prend parfois ces distances avec le réalisme. En termes de savoir-faire, Dedieu souligne aussi sa capacité à concurrencer les peintres qui se sont spécialisés dans ce type de représentation. Enfin, l’animal n’est jamais dans ces ouvrages proches de ce qu’Isabelle Nières Chevrel constatait pourtant comme une constante du livre jeunesse « non pas un masque d’humanité, mais d’abord un masque d’enfance »6. Les animaux peuvent cohabiter avec les êtres humains ou d’autres types de personnages dans les récits de Dedieu, mais ils sont d’abord des adultes et non des enfants.
Certains portraits d’animaux ponctuent même des récits sans qu’ils soient pourtant des protagonistes mais des personnages témoignant d’un regard porté sur le monde. Ils sont aussi là pour rythmer et sonoriser un récit presque tout en image, à savoir 14-18. Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux7. Cette place, chronologiquement première, faite à l’animal, avec le lapin aux aguets, symbole par excellence de la fragilité et de la douceur, est doublement intéressante dans un ouvrage destiné à la jeunesse. On sait qu’il existe depuis bien longtemps un lien très fort entre enfance et animal dans la littérature enfantine où, comme le suggèrent Francis Marcoin et Christian Chelebourg, « l’animal humanisé apparaît à la fois comme le meilleur ami de l’enfant et comme son double symbolique »8. Pendant des siècles le même vocabulaire est d’ailleurs employé pour désigner l’enfant ou l’animal. Pour Isabelle Nières-Chevrel, « l’invention de l’animal-personnage dans la littérature d’enfance témoigne d’une prise en compte nouvelle des spécificités de la petite enfance »9. En dehors du sous-titre suggérant la filiation par le biais des « arrière-grands-pères », les enfants sont absents de l’album de Dedieu, tant leur place est ailleurs que sur le champ de l’horreur. La présence animale redouble les questionnements des soldats sur ce qui fonde encore leur humanité au milieu de la désolation, où les mots ont perdu de leur poids et de leur sens, tout comme ceux des auteurs, témoins des exactions qui transmettent leur désarroi, d’Apollinaire à Céline. Les animaux fuient : le lapin détale, le corbeau, pourtant associé, dans l’imaginaire collectif, à la mort, s’envole ; ne restent que les hommes. Thierry Dedieu leur donne des traits mortifères, accentués par les masques à gaz avant de dessiner le morcellement des corps, l’effarement de celui qui se voit traversé par un obus. Les dernières doubles pages, en forme de chiasme avec les premières, sont deux portraits de gueules cassées difficilement soutenables et audacieuses autant qu’inhabituelles en littérature de jeunesse. L’album se clôt sur une illustration d’un squelette dont le casque repose à ses côtés tandis que les corbeaux font leur retour, sous la neige.
Image 5, 14-18, Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux.
Ainsi, les animaux retrouvent leur place, tandis que la sauvagerie des hommes tue. Les animaux emblématisent la situation des hommes, sans défense, réduits au rang d’animaux, quand la mort et la violence les rattrape.
Tout un pan de la production de l’artiste donne donc à voir des animaux dans leur statut de bête et offert à l’observation des hommes. Tour à tour modèle, double, contre-point, les animaux ne font que renvoyer les hommes à leur questionnement identitaire comme à leur singularité. Il peut néanmoins être l’objet d’une attention scientifique plutôt que philosophique ou éthique.
Les animaux occupent une place conséquente dans les documentaires destinés aux enfants. Isabelle Nières-Chevrel suggère que celui-ci satisfait chez le lecteur un désir de savoir et d’ordonner le monde, sans doute également un besoin de se situer soi-même dans la chaîne du vivant. Paul Faucher, en son temps éditeur du « roman des bêtes », estime que les animaux font partie des intérêts naturels de l’enfant10. Thierry Dedieu a fait des études de biologie. Son intérêt pour l’animal est également constant. L’animal inscrit dans un milieu naturel avec des modes de vie spécifiques relève d’un véritable engouement de l’auteur, en particulier dans deux collections. Tout d’abord la collection « Les sciences naturelles de Tatsu Nagata » qui décline, dans une quinzaine d’albums, la présentation d’un certain nombre d’animaux, à partir de 2006. La collection s’enrichit encore de nouveaux titres. Au dos des premiers albums se trouve une petite biographie de Tatsu,
âgé de 50 ans et qui vit au Japon sur l’île de Yaku. Ce spécialiste reconnu, expert mondial des mutations de batraciens a décidé de mettre toute sa fougue et son enthousiasme au service des sciences naturelles pour faire aimer la nature aux tout-petits et leur donner l’envie de la préserver.
Dedieu est annoncé comme étant le traducteur de ces albums. Le secret s’évente quand l’artiste reconnaît la mystification, même s’il entretient avec humour le doute avec un onglet de son site « Dedieu a un ami » qui décline des posts de Tatsu Nagata. Ces livres documentaires s’adressent aux plus jeunes et donnent à l’enfant des informations simples mais justes sur un animal donné, après une page humoristique, qui met en scène le scientifique. Il est question de la physionomie de l’animal, de certaines de ses caractéristiques, son mode alimentaire, son habitat, éventuellement son mode de reproduction11. D’un livre à l’autre, le trait est assez simple, les pages aérées, laissant toute la place à l’animal, en dehors de la présence humaine à la première et à la dernière page. La longévité de la collection montre qu’elle a trouvé son public, tout en s’autorisant une forme d’humour.
Dedieu a inventé une autre collection pour l’éditeur « Plume de carotte » aux livres tournés vers la nature à partir de 2011. Ne souhaitant pas refaire la même chose12, il propose un « carnet de curiosité de Magnus Philodolphe Pépin », un lutin botaniste et entomologiste qui s’intéresse, non pas à un animal en particulier, mais à des catégories d’animaux, les oiseaux, les poissons.
Les éditions Plume de carotte voulaient une série à la Tatsu Nagata mais ce n’était pas possible puisqu’il existait déjà ailleurs. Alors j’ai pris graphiquement le contre-pied. Le plus compliqué possible ! Plus j’avançais et plus je me disais que j’étais en train de faire le livre dont j’aurais eu envie quand j’étais enfant. Des sciences naturelles mais qui m’auraient fait rire ! A 55 ans, j’ai fait le livre que j’aurais voulu avoir à 7 ans13.
Ce livre voit ce personnage expérimenter ce qu’il n’est pas capable de faire : être un animal. Les pages sont très complexes graphiquement mêlant plusieurs types de graphisme, le dessin principal, à partir des gravures faites par Dedieu ou reprises de livres de sciences naturelles anciennes, voire de livres médiévaux, mais n’hésitant pas à ajouter aussi des photographies, permettant de mêler les époques et les approches du savoir. À chaque fois le scientifique cherche à fabriquer une machine qui va le rapprocher des capacités naturelles de l’animal : sur chaque double page, des informations et surtout du matériel iconographique permet une meilleure connaissance de l’animal, en partie grâce aux essais de Magnus, dont l’ironie du nom est d’emblée lisible dans son nom oxymorique. Les expérimentations finissent souvent mal mais mettent à l’épreuve certaines connaissances en s’appuyant sur des inventions précédentes, parfois moquées : les véhicules volants à la Léonard de Vinci n’empêchent pas l’ironie de la présence de la grenouille sur son homme de Vitruse. Le monde de l’artiste et celui du scientifique sont mêlés, comme les arrêtes de poissons en présence des outils de l’artiste avec sa palette et son eau.
Ainsi, ces deux types de documentaires ont la particularité de donner des informations justes passant dans le second cas par l’iconographie très complète, proche de la profusion des vieilles encyclopédies permettant une circulation du savoir comme du regard sur la page, avec une forme d’humour dans la description de la figure scientifique. L’animal est présenté dans ses spécificités que l’homme n’arrive jamais à imiter, au mieux à parodier. Ce choix permet de remettre aussi l’homme à sa juste place dans la chaîne naturelle, plus encore aujourd’hui où il est question de préservation des espèces et de sensibilité animale. Finalement, n’est-ce pas aussi une invitation à quitter un regard anthropocentré, dont les travers peuvent être saisis dans des ouvrages plus grinçants ?
Après les animaux pris comme animaux, les humains qui tentent d’imiter les animaux, Thierry Dedieu interroge l’aporie que serait des animaux cherchant à copier les attitudes humaines, au risque de se perdre. Dans L’Étrange Zoo de Lavardens, Dedieu revisite la notion d’animal, de son acception la plus sauvage à sa réinvention la plus fantasque… et littéraire qui soit.
La scène d’ouverture de l’album est assez emblématique du parcours qui va être mis en place : dans un décor forestier, au bord d’une route, se déroule une scène en apparence banale, un cerf est au milieu de la route et regarde l’homme qui se trouve en face de lui, habillé à la mode du début du XXe siècle avec un manteau de fourrure : sur cette page, l’homme, vu de dos et chapeauté, n’a pas grand-chose d’humain.
Images 6 et 7, L’Étrange Zoo de Lavardens, Thierry Dedieu, ©Éditions du Seuil, 2014.
Dans cet échange de regard se joue la question de la frontière entre l’humanité et l’animalité et ce qui distingue les uns des autres14. Lui vient l’idée d’aménager un zoo dans sa propriété. Les doubles pages suivantes montrent des animaux sauvages qui, rapidement, se comportent comme des animaux domestiques, en particulier grâce aux références visuelles à d’autres grands artistes15. Le zoo ouvre avec succès mais le baron entend aller plus loin, visant la liberté des animaux dont il veut faire ses amis. Le lecteur se trouve face à des images surréalistes où animaux sauvages et animaux portant encore les emblèmes de leur domestication comme la laisse, apparaissent sur le même plan, d’abord dans des extérieurs avant de coloniser la maison de leur propriétaire, sans que le lieu soit forcément adapté. La cohabitation devenant intolérable, la belle-mère du baron impose ses règles de savoir-vivre, imposant aux animaux les vêtements et l’apprentissage des bonnes manières. Cette forme d’esclavage revisité s’accompagne d’une désanimalisation par la découverte du divertissement et de la coquetterie. Les illustrations multiplient des portraits d’animaux prenant la pose, à l’instar des humains, niant la distance entre les deux espèces, qui ne sont pas sans faire penser à des réinterprétations de grands maîtres comme Le Grand Livre des portraits d’animaux16.
Au bout d’un certain temps, il n’y a plus possibilité de se reconnaître dans la variation :
de la matinée jusqu’à la mi-journée, les animaux étaient des bêtes et en soirées des convives charmants. Cet emploi du temps provoquait chez certains quelques dérangements. Ils ne savaient pas qui ils étaient vraiment.
L’illustration accompagnant ce texte représente des kangourous dont un portant la veste et le bicorne de Napoléon, soulignant qu’ils ont perdu leur identité pour une représentation figée et trompeuse, y compris pour eux-mêmes. L’iconographie napoléonienne a construit un mythe en décalage avec l’homme Bonaparte. En reprendre les codes permet de montrer l’écart entre la nature des animaux et leur comportement. En effet, les règles, d’abord imposées, sont finalement intégrées par les animaux qui refusent de « paraître à poil » et de s’exhiber. Un compromis est trouvé qui consiste à se couvrir d’un masque pour ne plus être reconnu et épargner leur pudeur. Il devient impossible de distinguer les hommes des animaux, du moins tous tendent à une hybridité qui fonde une nouvelle espèce, totalement fictive : « Les masques étaient si parfaits que les créatures ainsi créées semblaient tout droit sorties d’un livre pour enfants ». Ce clin d’œil à ses lecteurs s’incarne par la galerie de pseudo-photographies, avec un jeu sur la représentation puisque toutes les photographies sont dessinées, et affichent leur artificialité. Les dernières pages de l’album se présentent sous forme d’un album photographique collectant des images des animaux sans masque. Thierry Dedieu lui-même se cache sous les traits du vicomte de Lavardens, tandis que les pages suivantes multiplient les signes de réalité, en imitant les photographies d’époque, prises comme cartes postales pour attester de l’existence du zoo et de la marchandisation qui l’accompagne : le ticket de manège de chamodile, les cartes postales plébiscitées en France et à l’étranger, soulignant le succès de ces créatures. Que sont ces animaux devenus ? Sous couvert de succès, le rire se fait grinçant. Florence Gaiotti souligne que les animaux de l’album deviennent des
sortes de monstres, proches des freaks dont ils sont les contemporains. La mégalomanie des uns entraîne la dénaturation des autres, considérés comme de simples jouets au service d’une société du spectacle dont les animaux font les frais17.
Ils ont perdu en animalité mais aussi en humanité, obligés d’endosser des masques pour n’être que des créatures hybrides, aux noms qui font sourire mais à l’identité toujours mouvante, sans cesse remise en cause par la référence aux livres pour enfants, autrement dit, à une place décriée dans l’échelle de valeur de la littérature, indignes d’accéder à un vrai statut de héros littéraire. Dans ce livre très profond, Thierry Dedieu met en perspective aussi bien le statut que la société donne aux animaux et à la littérature de jeunesse. Pourtant, l’œuvre de Dedieu est un exemple parfait pour montrer combien les livres pour enfants sont véritablement de la littérature, capable de contribuer à une réflexion sur les valeurs auxquelles on souhaite adhérer, sur le sens de la vie et le poids de choix, comme le démontre sa trilogie autour du personnage de Yakouba.
Trois albums écrits à près de vingt ans d’intervalle soulignent comment une œuvre peut se construire dans la durée et se reconfigurer pour interroger le poids des traditions claniques comme littéraires. La lecture conjointe de Yakouba, Kibwé et Yakoubwé, parus respectivement en 1994, 2007 et 2015 montre des continuités dans l’œuvre et la capacité à prolonger un récit en complexifiant les personnages, leurs valeurs et leurs choix, dans leur rapport à la mort, réelle et symbolique de l’homme comme de l’animal. Le lien entre les trois ouvrages se lit dans l’univers graphique, les couvertures et le titre du dernier, mot valise des deux précédents. Le premier opus n’appelait pas une suite. Il se situe dans la lignée des grands romans initiatiques, rappelant des traditions, en particulier masaïs où les jeunes garçons devaient combattre un lion pour accéder au rang d’hommes. Dans ce livre, Yakouba18 se prépare au combat. Une accumulation de verbes à l’infinitif montre l’attente, la double page sans texte donne à voir le combat qui s’annonce avec chacun des protagonistes face à face sur une double page. Néanmoins, alors que le combat semble inexorable, il est suspendu. Le lion n’est plus vu crocs dehors mais dans une posture d’attente de lion proche des reportages animaliers sur un arrière-plan minimaliste de savane.« Alors Yakouba croisa le regard du lion. Un regard si profond qu’on aurait pu lire dans ses yeux »19. La double page suivante est la seule de l’album sans illustration. Elle donne la parole au lion, sans qu’on sache si la parole a été proférée ou si Yakouba lit dans les yeux du lion le dilemme face auquel il se trouve :
Comme tu peux le voir, je suis blessé. J’ai combattu toute la nuit contre un rival féroce. Tu n’aurais donc aucun mal à venir à bout de mes forces. Soit tu me tues sans gloire et tu passes pour un homme aux yeux de tes frères, soit tu me laisses la vie sauve et à tes propres yeux, tu sors grandi, mais banni, tu le seras par tes pairs. Tu as la nuit pour réfléchir20.
La tourne de page correspond à ce temps du choix. On ne sait rien des arguments qui traversent Yakouba mais il laisse la vie sauve au lion. En rencontrant cet animal, Yakouba est donc renvoyé à ce qui fonde son humanité et ses valeurs. Il refuse une gloire trop facile et accepte le bannissement définitif, même si la fin de l’album se clôt sur la valeur intrinsèque de sa décision tenant au fait que jamais les lions n’attaquent plus le village. Le respect des animaux diffère de celui dû aux guerriers mais une forme d’équilibre semble trouvée entre animaux et hommes, rappelant que la terre se partage et que chacun peut y trouver sa place, d’autant que Yakouba se trouve à un entre-deux. En tant que gardien de troupeau, il se trouve « un peu à l’écart du village ».
Le second volume réinterroge la relation des deux personnages. La couverture s’orne de la tête du lion, comme un pendant au premier album signalant que le récit se fera cette fois du côté des animaux. Le lion de l’album précédent a non seulement un nom Kibwé mais il est le mâle dominant de son clan. Si l’illustration le montre dans toute sa splendeur, le texte souligne combien sa responsabilité et son statut est engagé dans le combat qui l’attend
Kibwé devait trouver de la nourriture pour son clan. Son statut de mâle dominant le lui imposait. Ainsi, contraint, il se dirigea vers le village des hommes. Suivi comme son ombre par tout le groupe21.
Les deux protagonistes se reconnaissent et chacun est dans son rôle, l’un doit trouver de la viande, l’autre doit défendre son village et son troupeau, au péril de sa vie. Comme dans le volume précédent, Dedieu ménage du suspens, laisse ses personnages approcher et les enjeux se mettre en place « chacun dans son droit. Devoir contre devoir. Le combat était inévitable »22. La mise en page avec l’introduction une page sur deux de la page noire insiste sur l’alternance des regards et de la focalisation sur l’un et l’autre jusqu’à la page du combat. Le texte et l’image ne disent pas exactement la même chose. L’image dit l’implication du combat : les muscles bandés, l’impulsion. Le texte dit le spectacle, la dernière phrase parle de simulacre. Plutôt qu’un combat, c’est un mensonge qui se joue, pour ceux qui regardent : aucun des adversaires ne veut prendre le dessus. S’ils combattent tous deux, ils retiennent leurs coups, « chacun voulant épargner l’autre. Chacun espérant l’autre vainqueur »23.
Ce combat, d’abord reporté, puis sur-joué, n’en demeure pas moins intéressant. Tout d’abord, du point de vue des animaux qui assistent de loin au combat, le mensonge fonctionne. Il fait rejaillir sur Yakouba l’aura qu’il n’a pas acquise précédemment, au moins du point de vue des animaux. Pour être capable de tenir tête à Kibwé, il est vu comme un surhomme et il fait fuir les autres membres du clan. Du côté de Yakouba, cette lutte attire les villageois : pourtant à nouveau, lui qui aurait pu tirer gloire de ce combat, qui aurait pu dire qu’il avait repoussé un lion, qu’il avait combattu la nuit durant reste au plus près de sa vérité. Dans sa bouche, le combat n’est rien, et se transforme en la visite d’un ami. Ainsi, les animaux et les hommes n’ont pas été témoins de la même scène mais seuls deux personnages en connaissent la valeur, celle de l’amitié et du respect.
La double absence de véritable lutte dans les deux albums témoigne du respect constant des deux protagonistes et de leur partage de valeurs communes. Ils établissent une relation plus forte entre eux qu’entre leurs pairs. Ainsi, la frontière existante entre animal et homme se réduit. L’album dit aussi la précarité de la situation : la séparation est inéluctable entre les deux, car cet équilibre n’est pas tenable. C’est au tour du lion de quitter son statut. Sa silhouette, proche de l’ombre chinoise, à la fin de Kibwé, préfigure la rupture.
Enfin, le dernier volume opère, dans son titre Yakoubwé et dans son illustration, un mélange entre homme et animal. Un homme a été attaqué par un lion et la tribu réclame vengeance. Si Yakouba ne prend pas part au combat, il craint l’issue de la traque et se détourne quand les guerriers reviennent sous les vivats de la foule car ils ont tué à leur tour. Cependant, les hommes puissants ne peuvent supporter ce qu’ils vivent comme une marque d’insubordination et ils jettent le cadavre de Kibwé devant Yakouba avec un geste de provocation. La douleur de Yakouba est incommensurable : une double page les montre réunis sur la même page, quand la plupart des autres images les représentaient à tour de rôle, montrant une forme de communion : avant même les événements qui suivent, cette double page souligne un changement. Les mots sont minimaux : « Kibwé était mort. Son Kibwé. Son frère lion »24. Le possessif n’est à aucun moment un signe d’assujetissement du lion à l’homme mais une association des deux, une familiarité, comme s’ils avaient créé une nouvelle famille, voire une nouvelle forme d’individu. La douleur est telle que Yakouba quitte la communauté à laquelle il appartenait tant physiquement que mentalement : pris d’une sorte de transe, il se transforme. Pour la première fois il impose le silence car sa métamorphose est réelle : elle commence par un langage renouvelé, qui n’est plus articulé, venu du plus profond de son être « un cri déchirant, si profond, si puissant qu’il n’avait plus rien d’humain »25. Il quitte alors la communauté en emportant la tête du lion qu’il vient de décapiter dans un geste qui semble être une forme de folie, terme qui sera repris plusieurs fois, mais qui est l’affichage d’une nouvelle naissance. De même que la première rencontre avec le lion l’avait fait naître à lui-même en tant qu’individu, de même la mort de son ami lui offre une transsubstantiation, il devient autre, ni tout à fait homme ni tout à fait animal, une fois le deuil fait. Il prend la décision de n’être homme qu’à moitié. Dès lors, les illustrations le montrent dans des postures qui tiennent des deux espèces, avec la tête de lion sur la tête.
Image 8, Yakoubwé, Thierry Dedieu, ©Éditions du Seuil, 2012.
Il devient un être hybride, à part, installé à mi-chemin des lions et des hommes, les chassant tous, créant sa propre espèce sans descendance, arrachant aux animaux comme aux hommes son territoire, chèrement acquis. Jusqu’au bout, il reste un être aux frontières :
Puis un jour, après bien des années, quand chacun eut compris, quand chacun respecta le territoire de l’autre, vieux et apaisé, il se laissa mourir au milieu de ce nulle part. Son corps fut retrouvé allongé sur la frontière invisible qu’il avait dessinée. Trait d’union entre deux mondes. La tête chez les hommes et le corps chez les lions26.
Dans la mort il affirme sa nature duelle, dans une forme d’inversion. Il réussit une réconciliation post mortem, dans un équilibre entre homme et animal qui ne se chassent plus, laissant voir une dernière image de savane, rendant sa place à l’animal. Dedieu boucle sa trilogie sur la dernière double page : le couple Yakouba-Kibwé devient un mythe des origines. Un drap blanc délimite sommairement une scène de théâtre où l’histoire peut être jouée et déclamée, avec deux enfants amis et la voix du guerrier qui raconte l’histoire de Yakouba et Kibwé, reprenant les lignes écrites par Dedieu au début de Yakouba. Façon de montrer qu’à sa façon Yakouba est devenu le héros qu’il n’a pas été dans sa vie terrestre mais qu’il reste dans la mémoire des hommes, tout comme Kibwé. Leur histoire devient alors un emblème de l’amitié et de communion de la communauté. Le récit fondateur se transmet de génération en génération. Sa descendance se trouve dans cet acteur grimé en homme-lion. Yakouba, l’homme sans descendance, a donné naissance à un récit fondateur.
Image 9, Yakoubwé, Thierry Dedieu, ©Éditions du Seuil, 2012.
Thierry Dedieu est très sensible aux animaux. Ils sont plus souvent qu’à leur tour pris comme une entité à part entière et non comme un faire-valoir. Mais contrairement aux habitus de la littérature de jeunesse, très peu de ses livres s’organisent autour d’animaux incarnant des enfants. Tel est le cas de Camille est timide27 où Dedieu est uniquement illustrateur. Ici la petite fille apparaît seulement à la fin de l’album quand elle a trouvé sa place, sinon elle est presque toujours en transparence. Dedieu adopte un style qu’on ne lui connait dans aucun autre album. S’il pose des questions fondamentales, l’humour peut pourtant bien être présent dans ces albums. En 2009, il publie Bonne pêche28 qui reprend la tradition des livres à compter avec rabat. Le graphisme est le même absolument sur toutes les pages sauf la dernière : le pêcheur pêche d’abord dix poissons, puis le nombre va décroissant mais il trouve toujours dix choses dans son filet, de plus en plus extravagantes, jusqu’à ne rapporter aucun poisson mais « un tourne disque, une valise, une hache, un vase, une cage à oiseau, un saxophone, une bouée, un jerrican et un bras de la Vénus de Milo ». La chute se teinte de noirceur : Joseph laisse son bateau à quai pour ouvrir un magasin d’antiquité avec tout ce qu’il a rapporté, tandis que la colline derrière lui verdoyante au départ est devenue toute blanche car couverte de maison. Avec Au secours des zulus papous29, Dedieu évoque la déforestation. Le texte est écrit du point de vue des papous avec l’arrivée de l’homme blanc dans un gros insecte, son hélicoptère. La découverte d’une grenouille aux yeux rouges va transformer le chantier en lieu de conservation par le biais d’une femme scientifique. Dans ces albums la constante est l’absence de mise en cause ou de recommandations, tout comme dans Un mur sur une poule30 sur les élevages en batterie. Thierry Dedieu finalement retrace à lui tout seul la variété des entrées possibles sur les animaux et souligne combien son intérêt d’abord scientifique pour l’animal rejoint des considérations de la littérature de jeunesse. Il prend plaisir à dessiner les animaux en eux-mêmes et invite, selon les genres qu’il propose, à toujours questionner leur identité propre, souvent en inversant le rapport anthropocentré qui préside au monde. Si les animaux peuvent s’égarer sur leur ethos, Thierry Dedieu les met en scène de manière à ce que le lecteur se pose à la fois la question de la singularité des animaux mais aussi du rapport au monde que l’homme est invité à adopter. Quand homme et animal sont placés dans un rapport d’égalité, le récit se fait mythe.
[1] La Revue des livres pour enfants, n° 286, décembre 2015, p. 105.
[2] Isabelle Nières-Chevrel, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier jeunesse, coll. « Passeurs d’histoires », 2009, p. 150.
[3] Thierry Dedieu, Feng, Seuil jeunesse, 1995, [p. 22].
[4] T. Dedieu, Le Maître des estampes, Paris, Seuil jeunesse, 2010, [p. 31].
[5] Cette virtuosité technique se retrouve dans d’autres albums, en particulier l’un des derniers, signé Edmond de Garenne, Carnet de voyage auprès de mon arbre (Seuil jeunesse, 2022), qui ajoute la photographie à la palette des techniques de l’artiste.
[6] I. NiÈres-Chevrel, op. cit., p. 142.
[7] T. DEDIEU, 14-18. Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Paris, Seuil, 2014.
[8] Christian Chelebourg, Francis Marcoin, La Littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 2011, p. 97.
[9] I. Nières-Chevrel, op. cit., p. 142.
[10] Voir Paul Faucher, « La mission éducative des Albums du Père Castor », tiré à part de L’École nouvelle française, n° 87, 1957, p. 3 : « Un sujet qui les intéresse sûrement, qui les passionne toujours, c’est la vie sous toutes ses formes, la vie de la nature, la vie des bêtes, ses situations et ses problèmes fondamentaux. ».
[11] Pour signaler la longueur de l’accouplement des pyrrhocores qui dure entre douze heures et sept jours, les animaux sont représentés l’un devant un écran et l’autre en train de lire.
[12] Il démarre pourtant en 2013 une collection pour les petits qui ressemble par son humour et les sonorités japonisantes à ce qu’il a proposé au Seuil, même si la réception de La Revue des livres pour enfants, sous la plume de Claudine Hervouet, est assez critique : « Après avoir incarné le célèbre Tatsu Nagata, scientifique farceur, Thierry Dedieu emprunte l’identité d’un certain Mei Mitsuki pour une série elle aussi dévolue aux sciences naturelles. Voici donc Pourkôa les escargots, les libellules, les poissons, les coccinelles ? L’orthographe irrégulière du libellé de la question posée nous met sur la piste d’une approche fantaisiste et la 4e de couverture, sous le signe d’un certain Lao Tseu - " Toute question appelle réponse... " - nous prépare à un pseudo aperçu de sagesse extrême-orientale en réponse. Le personnage récurrent est un gentil batracien qui regarde s’ébattre un animal, pose ensuite une question sur la base de ses observations et puis fait des hypothèses. Le dessin est plaisant mais l’argument gratuit et, malgré la variété des espèces convoquées, tourne à vide. » Voir la notice du catalogue, URL : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43746956g, (dernière consultation août 2023).
[13] Brigitte Andrieux, Marie Lallouet, « Thierry Dedieu en 1 heure, 59 minutes et 52 secondes », La Revue des livres pour enfants, n° 286, décembre 2015, p. 119.
[14] C’est une question qui traverse la revue des Cahiers Robinson dirigée par Florence Gaiotti et consacrée aux Présences animales dans les mondes de l’enfance, n° 34, 2013. Voir notamment son introduction.
[15] On pense aux daguerréotypes et aux portraits de Nadar mais également aux pêle-mêle, courants dans la production pour la jeunesse. Voir la présentation de cet ouvrage par l’auteur dans La Revue des livres pour enfants, n °286, p. 146-159.
[16] Svjetlan Junakovic, Le Grand Livre des portraits d’animaux, OQO éditions, 2007.
[17] Florence GAIOTTI, « L’animal, d’hier à aujourd’hui », La Revue des livres pour enfants, n° 308, septembre 2019, p. 127.
[18] Marie-Louise Martinez-Verdier, « Yakouba ou le passage d’un rite à l’autre », Tréma [En ligne], 23 | 2004, mis en ligne le 05 octobre 2010, consulté le 04 février 2020. URL : http://journals.openedition.org/trema/631 ; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.631
[19] T. Dedieu, Yakouba, Paris, Seuil jeunesse, 1994, [p. 24].
[20] Ibid, [p. 26-27].
[21] T. Dedieu, Kiwbé, Paris, Seuil jeunesse, 2007, [p. 11].
[22] Ibid, [p. 21].
[23] Ibid, [p. 23].
[24] T. Dedieu, Yakoubwé, Paris, Seuil jeunesse, 2012, [p. 16].
[25] Ibid, [p. 18].
[26] Ibid, [p. 21].
[27] Gilles BAUM, T. DEDIEU, Camille est timide, Paris, Seuil jeunesse, 2015.
[28] T. DEDIEU, Bonne pêche, Paris, Seuil jeunesse, 2009.
[29] T. DEDIEU, Au secours des zulus papous, Paris, Seuil, 2019.
[30] T. DEDIEU, Un mur sur une poule, Nantes, Gulf Stream éditeur, 2013.
Résumé
Auteur très prolixe, Thierry Dedieu renouvelle son style graphique à chacune de ses productions. De formation scientifique, il révèle un goût très prononcé pour le monde animal qu’il représente soit dans une veine documentaire agreménté d’humour, soit comme une manière d’interroger le monde et l’être au monde. Les frontières entre humanité et animalité sont au cœur de ses préoccupations.
Abstract
Thierry Dedieu is a prolific writer, with a fresh graphic style in every one of his books. Trained as a scientist, he has a special interest in animals. He depicts them either in a humorous documentary vein or as a way of questioning the world and being in it. The relationship between human and animal are at the heart of his concerns.
Éléonore HAMAIDE-JAGER
Université d’Artois, Textes et Cultures
Univ. Artois, UR 4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras, France
Chelebourg, Christian, Marcoin, Francis, La Littérature de jeunesse, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », 2011.
Faucher, Paul, « La mission éducative des Albums du Père Castor », tiré à part de L’École nouvelle française, n° 87, 1957, p. 2-4.
Gaiotti, Florence (dir.), « Présences animales dans les mondes de l’enfance », Cahiers Robinson, n° 34, 2013.
Gaiotti, Florence, « L’animal, d’hier à aujourd’hui », La Revue des livres pour enfants, n° 308, septembre 2019, p. 122-130.
Martinez-Verdier, Marie-Louise, « Yakouba ou le passage d’un rite à l’autre », Tréma [En ligne], 23 | 2004, mis en ligne le 05 octobre 2010, consulté le 04 février 2023, URL : http://journals.openedition.org/trema/631 ; DOI : https://doi.org/10.4000/trema.631.
NiÈres-Chevrel, Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Didier jeunesse, coll. « Passeurs d’histoires », 2009.
La Revue des livres pour enfants, n° 286, décembre 2015, p. 100-159.
Corpus
Dedieu, Thierry, Yakouba, Paris, Seuil jeunesse, 1994.
—, Feng, Paris, Seuil jeunesse, 1995.
—, Kibwé, Paris, Seuil jeunesse, 2007.
—, Le Maître des estampes, Paris, Seuil jeunesse, 2010.
—, Yakoubwé, Paris, Seuil jeunesse, 2012.
—, De concert avec la nature. Carnet de curiosités de Magnus Philodolphe Pépin, Toulouse, Petite plume de carotte, 2012.
—, L’Arche de Noé, Paris, Seuil jeunesse, 2011.
—, L’Étrange Zoo de Lavardens, Paris, Seuil jeunesse, 2014.
—, 14-18. Une minute de silence à nos arrière-grands-pères courageux, Paris, Seuil, 2014.
—, collection « Les sciences naturelles de Tatsu Nagata », Paris, Seuil jeunesse, 2006-2023.
—, À la recherche du Père Noël, Paris, Seuil jeunesse, 2015.