Urraque Ire et Marie de Molina ont marqué de leur empreinte l’histoire de l’Espagne médiévale.
Fille du roi Alphonse VI et de Constance de Bourgogne, Urraque Ire devient en 1109, à la mort de son père et en l’absence d’héritier mâle, légitime héritière du royaume de León mais aussi de Castille et règne jusqu’en 1126. Mariée une première fois au comte Raymond de Bourgogne, dont elle a un fils et une fille, elle épouse en secondes noces – par stratégie et pour se soumettre à la volonté de son père – le roi d’Aragon Alphonse Ier le Batailleur ; cette union ne donne pas la descendance espérée. Après la disparition de son demi-frère Sanche, mortellement blessé lors de la bataille d’Uclés contre les Almoravides en 1108, Urraque devient la première reine que connaît la péninsule, et gouverne de plein droit dans un contexte extrêmement conflictuel. Tout au long de son règne, elle doit lutter contre les ambitions politiques de ses deux époux, de sa sœur Thérèse, de son propre fils, l’infant Alphonse Raimúndez, et même contre ses alliés, comme le versatile évêque de Saint-Jacques de Compostelle Diego Gelmírez, tous désireux de l’écarter de la réalité du pouvoir, parce qu’elle est femme. Amplement critiquée pour sa gouvernance par ses opposants, et tout particulièrement par les partisans de l’infant Alphonse et la noblesse de Galice qui voyaient en ce dernier l’héritier légitime de la couronne, Urraque fut également très durement décriée en raison de sa vie personnelle et de sa conduite sexuelle, et ce, dès l’époque médiévale, de l’anonyme Historia Compostelana à l’Estoire d’Espagne. Elle fut considérée comme une femme ambitieuse, capricieuse et adultère, héritière d’un royaume qu’il était inconcevable qu’elle gouvernât seule par manque d’aptitudes.
Au XIXe siècle, plusieurs écrivains se sont emparés de cette figure hors du commun – Eusebio Asquerino, Antonio García Gutiérrez, Francisco Navarro Villoslada ou Patricio de la Escosura, avant que Ramón Gómez de la Serna ne lui consacre en 1944 l’une de ses Seis novelas superhistóricas1. Plus récemment, trois femmes se sont intéressées à l’histoire de la reine Urraque, en cherchant à lui rendre justice : Lourdes Ortiz lui a consacré, en 1982, son deuxième roman, intitulé Urraca, dont il sera ici question ; en 2000, la romancière à succès Ángeles de Irisarri a publié La reina Urraca, un « roman historique » dans lequel la fille de la reine, l’infante Sancie, prend en charge le récit de la vie de sa mère pour, à en croire le propos de l’éditeur inscrit sur la quatrième de couverture, « réhabiliter la mémoire et l’honneur de la souveraine » ; en 2013 enfin, paraît Urraca reina (La Castellana), une « biographie romancée » – c’est ainsi qu’elle est présentée – que l’on doit à Felicidad Sánchez-Pacheco, soucieuse elle aussi de « restaurer la mémoire d’une figure historique méprisée pendant des siècles »2.
Un même propos sous-tend, semble-t-il, ces trois initiatives romanesques récentes : celui qui consiste à proposer un portrait de la reine Urraque plus flatteur et plus exact que celui dont le XXe siècle a hérité ; un portrait ajusté également au contexte dans lequel ces romancières publient – le développement du féminisme notamment.
C’est, de fait, le cas du livre de Lourdes Ortiz, paru quelques années à peine après la fin de la dictature franquiste : son autrice, née en 1943, a en effet fréquenté, pendant ses études d’histoire à l’université Complutense de Madrid et dans les années qui ont suivi, les cercles intellectuels et politiques des dernières années du franquisme ; militante du Parti communiste espagnol de 1962 à 1968 dans la clandestinité, membre de la Coalición Izquierda Unida en 1989, elle n’a quitté définitivement l’engagement politique public qu’au début des années 1990. Journaliste et enseignante – Professeure d’histoire de l’art et directrice un temps de la « Real Escuela Superior de Arte Dramático » –, Lourdes Ortiz est également traductrice d’œuvres littéraires françaises et romancière – elle a publié une douzaine de romans, autant de pièces de théâtre, ainsi que des essais3.
Son roman Urraca s’inscrit dans la mouvance politique féministe des années 80. Il présente l’image d’une femme puissante, stratège et guerrière, ce qui peut être interprété comme un discours militant4 ; le roman donne la parole à une femme que l’historiographie a condamnée, quand elle ne l’a pas ignorée, pour lui permettre de dire sa vérité. La sortie de ce livre, salué par la critique pour ses qualités littéraires, a d’ailleurs coïncidé avec la parution de la première étude d’envergure consacrée au règne d’Urraque, celle de l’historien Bernard F. Reilly, The kingdom of León-Castilla under queen Urraca (1109-1126), ce qui n’est sans doute pas anodin5. Le roman a également su rencontrer l’intérêt du grand public. La vie de la reine Urraque réunit en effet les éléments susceptibles de fasciner les lecteurs : la reconnaissance de l’ambition politique d’une femme au destin exceptionnel y est confrontée à des sentiments universels – l’amour maternel, la jalousie, la peur, la solitude, le désespoir, le désir sexuel –, et ce, à une époque non moins captivante, quoique sa description regorge de clichés : un lointain XIIe siècle fait de violentes batailles, d’obscènes festins, d’assassinats et de trahisons, mais aussi d’un subtil raffinement, nourri de parfums et de danses venus d’Orient. On trouve donc dans ce roman les ingrédients du succès : féminisme et médiévalisme.
Riche en événements et en rebondissements, la vie de la reine Marie de Molina se prête tout autant à l’écriture romanesque.
Connue pour avoir occupé le devant de la scène politique au cours de trois règnes successifs, celui de son époux Sanche IV (1284-1295), de son fils Ferdinand IV (1295-1312) et de son petit-fils Alphonse XI (1312-1350) jusqu’à ce qu’elle s’éteigne en 1321, Marie de Molina est une figure incontournable de la Castille des XIIIe et XIVe siècles. Lorsqu’en 1282, Marie Alfonso de Meneses épouse Sanche, elle contracte une union doublement illégitime. L’infant est non seulement le fils de son cousin germain, le roi Alphonse X le Sage, mais il est aussi promis à une autre femme, Guillerma de Montcada. Ce mariage – qui ne sera reconnu par la papauté qu’en 1301, en grande partie grâce aux efforts de la reine – s’effectue en outre dans un contexte de rébellion et d’affrontement, puisque Sanche, voulant éviter que son père ne place son petit-fils Alphonse de la Cerda à la tête d’un royaume dont la Castille aurait été dépendante, s’était emparé des prérogatives royales, ce qui lui avait valu d’être maudit. L’action politique de Marie de Molina auprès de Sanche IV est donc marquée, dès le début de son règne, par un souci constant d’affirmer la légitimité du pouvoir royal face à des opposants tels que l’infant Jean, son frère, ou Alphonse de la Cerda, son neveu, qui tentent de s’emparer de la couronne, mais aussi vis-à-vis de la papauté pour obtenir la dispense papale légitimant son mariage. De même s’emploie-t-elle à éloigner les membres de l’entourage de Sanche qu’elle juge nuisibles pour son entreprise, tel que le comte Lope Díaz de Haro, qui trouve la mort lors d’une altercation avec le roi à Alfaro en 1288. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle parvient à sceller la paix avec la France, dont le monarque pouvait intervenir en sa faveur auprès du pape. Lorsque Ferdinand IV, pour qui elle avait stratégiquement choisi une épouse portugaise, succède à son père, il n’a que neuf ans, et la reine doit assumer la régence du royaume ainsi que la tutelle du jeune roi. Elle met à nouveau tout en œuvre pour légitimer et conforter le pouvoir du roi, trouvant au sein des villes des alliés de choix sur lesquels elle peut compter jusqu’à la fin de sa vie et qui la soutiennent en particulier lorsque son fils, une fois majeur mais sous l’influence de mauvais conseillers, se détourne de sa mère, allant jusqu’à l’accuser de vol et mettant en péril la paix du royaume. À la mort de Ferdinand IV, elle assume une nouvelle fois le pouvoir en tant que régente et tutrice de son petit-fils Alphonse XI, qui n’a alors qu’un an, et dont la tutelle est très convoitée, notamment par l’infant Jean et l’infant Pierre, son fils, qui finissent par l’obtenir. Or, en 1319, à la mort des deux infants sur le front de Grenade, elle doit encore affronter une situation délicate et intervenir en tant que médiatrice pour mettre un terme à la lutte pour la tutelle du roi, dont elle finit par confier la garde aux chevaliers et bons-hommes de Valladolid. C’est là, dans sa Terre de Campos natale, qu’elle choisit d’être enterrée, au sein du monastère Santa María la Real édifié à sa demande.
Ainsi Marie de Molina s’est-elle distinguée par son rôle de pacificatrice6 et de médiatrice en une période particulièrement troublée. De cette action témoignent sa correspondance7 mais aussi quelques chroniques. L’une fut écrite du vivant de la reine, au début du XIVe siècle, par Jofré de Loaysa, qui met l’accent sur les efforts que dut faire Marie de Molina pour contenir les révoltes qui agitèrent le royaume lorsque son fils subissait l’influence de ses mauvais conseillers8. Les autres furent composées une vingtaine d’années après la mort de la reine. On y trouve, dans les récits successifs des règnes de Sanche IV, de Ferdinand IV et d’Alphonse XI, l’image d’une femme dont la voix se fait entendre, et qui s’emploie à préserver le pouvoir de la royauté et la paix du royaume avec l’appui des villes9.
La postérité littéraire de cette figure féminine médiévale ne s’arrête pas là puisque Marie de Molina apparaît ensuite, au début du XVIIe siècle, comme personnage central de l’œuvre dramatique de Tirso de Molina, La prudencia en la mujer, puis au XIXe siècle, en plein romantisme, dans les pièces de don Mariano Roca de Togores, Marquis de Molins et de Bretón de los Herreros, intitulées respectivement Doña María de Molina et Don Fernando el Emplazado10.
Pour composer son roman, Almudena de Arteaga disposait donc d’une riche matière narrative, à laquelle s’ajoutaient deux biographies réalisées aux XXe et XXIe siècles11, présentant déjà tous les traits d’un récit romancé. Si dans la première, intitulée María de Molina. Tres veces reina et réalisée en 1967, l’historienne Mercedes Gaibrois de Ballesteros s’appuie sur les sources pour retracer les événements avec force détails, elle n’hésite pas à décrire la vie intime du personnage à travers une entreprise qu’elle qualifie dans son prologue d’« interprétation biographique »12. Dans le droit fil de l’œuvre de Mercedes Gaibrois de Ballesteros, Rafael del Valle Curieses réalise, en l’an 2000, une biographie portant le titre María de Molina. El soberano ejercicio de la concordia (1260-1321), qu’il considère, comme un « travail de divulgation »13, et dont la dédicace est particulièrement révélatrice du propos de l’œuvre :
A Milagros, madre de mis seis hijos, quien, con su serenidad, entereza y sentido de la responsabilidad, me ha facilitado el acercamiento a los cometidos de esposa y madre de la protagonista de esta historia14.
Ces éléments montrent que la biographie d’Almudena de Arteaga s’inscrit clairement dans une tradition littéraire de valorisation de l’action féminine, à laquelle elle s’est proposé d’apporter sa contribution. La romancière, qui possède son propre site internet où l’image qu’elle donne d’elle-même est particulièrement soignée15, n’en est d’ailleurs pas à sa première biographie consacrée à une femme de pouvoir. Licenciée en droit, Académicienne de la Real Academia Hispano Americana et diplômée de l’institut Salazar y Castro en Généalogie, Héraldique et Histoire des familles, Almudena de Arteaga, qui arbore aussi le titre de dix-huitième Marquise de Cea, a consacré son premier roman à la Princesse d’Éboli (1997). Après avoir réalisé la biographie de la comtesse Eugénie de Montijo, en 2000, elle a écrit deux romans sur des femmes de pouvoir médiévales : La Beltraneja, el pecado oculto de Isabel la Católica (2001) et Catalina de Aragón, Reina de Inglaterra (2002). Mais c’est pour sa biographie intitulée María de Molina. Tres coronas medievales, publiée en 2004, qu’elle a reçu son premier prix littéraire : le prix du roman historique Alfonso X el Sabio, lequel récompense :
las novelas originales e inéditas escritas en lengua castellana que fomenten la lectura y ayuden a profundizar en el conocimiento de la historia y en la comprensión de la realidad contemporánea que de ella se deriva16.
Or comme l’indique l’épigraphe placée avant l’arbre généalogique qui précède le texte, la romancière a voulu présenter le modèle d’une femme forte et juste :
A todos los que perseveran
con tesón y constancia
por una buena causa17.
Si cette citation semble souligner dans le présent des qualités dans lesquelles un lectorat aussi bien féminin que masculin pourrait se reconnaître, il n’en demeure pas moins qu’Almudena de Arteaga a eu recours, tout comme Lourdes Ortiz, à la première personne du singulier, couramment employée par les autrices de romans historiques18, dans le but de valoriser le rôle que les femmes purent jouer dans l’histoire19.
Il nous a donc semblé pertinent de comparer ces deux œuvres qui, quoique composées à des époques et dans des contextes différents, s’inscrivent dans une lignée de biographies romancées au féminin.
Nous montrerons que la comparaison de ces textes permet de distinguer des projets d’écriture différents renvoyant à deux formes caractéristiques de biographies romancées, mais aussi d’identifier certains éléments propres à l’écriture féminine de l’histoire.
L’œuvre d’Almudena de Arteaga se compose de trois parties correspondant aux trois règnes des monarques que la reine a accompagnés dans l’exercice du pouvoir. Ces parties, intitulées « La reina malcasada. Sancho IV el Bravo », « Madre, reina, consejera: Fernando IV el Emplazado » et « Abuela templada y justa. Alfonso XI el Justiciero », se composent respectivement de 15, 8 et 2 chapitres, la dernière se limitant aux faits correspondant, d’une part, au début du règne d’Alphonse XI et, d’autre part, aux derniers instants de Marie de Molina.
Le choix de cette composition tripartite est sans doute un clin d’œil à la comedia nueva, comme l’indique le dramatis personae que la romancière a placé à la fin du récit, avant la bibliographie, même s’il est introduit par une phrase à la première personne du singulier où apparaît le terme « chronique » :
A todo el que leyere esta crónica de mi vida le hago saber, mediante esta lista, quién es quién en esta historia. Busquen a los reyes e infantes por sus nombres y a los demás, por sus nombres y apodos20.
L’examen de la bibliographie montre d’ailleurs que si Almudena de Arteaga a utilisé plusieurs sources historiques, et notamment, les biographies de la reine citées précédemment, elle a aussi consulté les œuvres théâtrales consacrées au personnage.
Le caractère hybride du récit, situé entre Histoire et fiction, est également souligné par l’épigraphe associée à la première partie. Il s’agit en effet d’une strophe tirée des Milagros de Nuestra Señora, de Gonzalo de Berceo, qui fait office de captatio benevolentiae :
Amigos y vasallos de Dios omnipotente,
Si escucharme quisierais de grado atentamente
Yo os querría contar un suceso excelente:
Al cabo lo veréis tal, verdaderamente21.
On notera en outre que chaque chapitre s’ouvre sur une citation tirée, dans la plupart des cas, d’une œuvre médiévale, et en particulier, d’un texte de Berceo22. L’épigraphe du premier chapitre, particulièrement bien choisie, renvoie par exemple à Tolède, lieu où Marie de Molina s’apprête à épouser Sanche, mais elle évoque aussi les difficultés qu’éprouve celui qui débute le récit de sa vie :
Por España quisiera en seguida empezar,
Por Toledo la grande, afamado lugar:
Que no sé por qué extremo comenzaré a contar,
Porque son más que arenas a la orilla del mar.
Gonzalo de Berceo
Los milagros de nuestra Señora23
À travers le recours à l’intertextualité, fréquent dans le roman historique, l’autrice désigne ainsi le lieu où se déroule la première « scène » et pose le caractère auto-diégétique du récit tout en présentant une réflexion sur l’écriture.
On comprend d’emblée, à travers l’usage de cette première personne où se confondent les voix de la narratrice et de l’autrice, que le propos d’Almudena de Arteaga n’est pas la reconstitution archéologique de l’Histoire, même si le texte est ponctué de références à des événements précis qui permettent de suivre, selon une progression chronologique, l’action de Marie de Molina, mais l’écriture d’un récit de vie teinté d’éléments historiques24.
Dans son organisation narrative, le roman de Lourdes Ortiz suit également un plan chronologique mais sa structure s’avère bien plus complexe. Le récit s’ouvre directement sur les réflexions et les sentiments d’Urraque, prisonnière dans une cellule du couvent de Valcavado de los Monjes ; tout est dit dans le premier paragraphe qui plante le décor, pose les personnages en présence et revendique l’urgence de faire le récit du passé :
Desde la celda puedo escuchar el cántico de los monjes y sé que pronto amanecerá. Una reina no puede dejarse consumir por la melancolía, me recuerda mi hermano Roberto, y se oculta para que yo no pueda percibir este destello, que es, entre otras cosas, piedad, compasión que humilla. Nadie debe, ni puede, compadecer a Urraca. Todavía no estoy vencida25.
Le récit des événements ayant conduit la reine à cette situation ne commence qu’au chapitre suivant, alors que la jeune Urraque, âgée de cinq ans à peine, assiste à l’entrée triomphale de ses parents dans Tolède nouvellement reconquise. Le roman se referme sur un chapitre similaire au chapitre inaugural, dans lequel la reine abandonne le déroulé chronologique des faits pour exprimer ses adieux – on comprend qu’elle prépare son suicide – et léguer son récit au moine Roberto, qui l’a accompagnée pendant sa détention. Entre ces deux extrêmes, se déroule la vie d’Urraque, dans une composition équilibrée qui compte trois parties de 5, 7 et 7 chapitres, proposant une vision rétrospective de la vie d’Urraque : la première partie du roman rapporte l’enfance et les années de formation de l’infante, jusqu’à la mort du roi Alphonse VI. La deuxième partie couvre le règne d’Urraque en relevant divers événements, comme le mariage avec le roi d’Aragon Alphonse Ier le Batailleur, les intrigues de la cour, les querelles avec l’évêque Diego Gelmírez pour le contrôle de Saint-Jacques de Compostelle, l’opposition d’Alphonse Raimúndez et l’emprisonnement de la reine à Castellar ; les événements politiques y sont traités rapidement, avec un art consommé de la suggestion. La troisième partie, enfin, révèle la relation sexuelle entre le jeune moine Roberto et la reine, une relation qui ravive le souvenir d’autres amants, non sans évoquer les événements politiques qui ont conduit la reine à devenir la prisonnière de son propre fils.
On le voit, cette structure à la fois linéaire – quoique presque entièrement dépourvue de repères datés – et circulaire, parcourant la vie d’Urraque de sa tendre enfance à sa mort – suggérée et imminente – propose au lecteur un rapprochement progressif vers l’intimité la plus profonde du personnage central. Âgée de 43 ans, affaiblie par un emprisonnement subi et en quelque sorte privée de sa couronne, la reine décide d’écrire elle-même – elle y voit un gage de vérité – la chronique de son règne.
Le personnage principal se décompose par conséquent en deux instances : le personnage Urraque s’exprime à la première personne et se fait la narratrice de la vie de la reine Urraque. Pour cela, elle emploie la troisième personne du singulier pour rapporter les agissements de la part publique de sa personnalité26 ; les confessions intimes auxquelles Urraque se livre dans le présent de son écriture sont cantonnées, quant à elles, à l’usage de la première personne. Le monologue est déclaré devant Roberto, le narrataire, qui reçoit les commentaires d’Urraque sur son projet de chronique et l’expression de ses fantasmes. Le jeune moine n’est cependant pas l’unique interlocuteur d’Urraque, puisque celle-ci s’adresse également, sous la forme d’une deuxième personne du singulier, à d’autres personnages qui ont croisé sa route, et qui parfois même sont déjà morts27.
En réalité, la complexité de la construction et la superposition des voix narratives entendent révéler la difficulté de dire le passé. Elles mettent en évidence l’absence de vérité unique et le roman Urraca propose de ce point de vue une réflexion profonde. La trame romanesque repose en effet sur la volonté de la reine de prendre elle-même en charge le récit de son règne et de sa vie ; ce témoignage direct a pour ambition de justifier ses actes et de dévoiler qui furent ses opposants :
Una reina necesita un cronista, un escriba capaz de transmitir sus hazañas, sus amores y sus desventuras, y yo aquí, encerrada en este monasterio, en este año 1123, voy a convertirme en este cronista para exponer las razones de cada uno de mis pasos, para dejar constancia –si es que fuera la muerte lo que me espera– de que mi voluntad se vio frustrada por la traición y tozudez de un obispo ambicioso y unos nobles incapaces de comprender la magnitud de mi empresa28.
Cette entreprise est guidée par un besoin de justification et de réhabilitation, une nécessité de dire la vérité, et que celle-ci soit connue de tous :
Ellos escribirán la historia a su modo; hablarán de mi locura y mentirán para justificar mi despojamiento y mi encierro. Pero Urraca tiene ahora la palabra y va a narrar para que los juglares recojan la verdad y la transmitan de aldea en aldea y de reino en reino29.
Sur la base de cette trame narrative, se développe, au fil des pages, un discours sur l’écriture de l’histoire. Celui-ci interroge l’objet même du récit du passé, et la forme qu’il doit prendre. Il se clôt du reste sur le commentaire d’un fragment du récit de la bataille d’Uclés de l’historien Ibn Saraf que la reine érige en modèle30, et à la fin du roman, Urraque confie le récit de sa vie au moine Roberto31. Entre la déclaration liminaire et ce leg final, nombreuses sont les hésitations d’Urraque quant à la matière qu’elle doit rapporter dans sa chronique. Si dans le rôle de chroniqueur que Lourdes Ortiz lui assigne, Urraque est consciente que l’histoire d’un règne doit rapporter les batailles et les actions royales32, afin de construire un discours de louange – « Una crónica debe ser elegía, canto, glosa triunfal »33 –, elle semble pourtant souhaiter déposer dans la mémoire de ce que fut son règne des vérités personnelles, celles qui permettent selon elle de comprendre et de juger les faits. Elle le fait par le recours à la prétérition :
[…] no voy a narrar la risa a destiempo de don Pedro, su carcajada de gozador, sus mejillas rojas, ni te voy a hablar de la ternura de Gómez González, de su fidelidad, de su delicadeza. Ésos, monje, no son temas para una crónica34.
La chronique d’Urraque apparaît donc comme subversion du discours officiel : sous la plume d’une femme, elle veut dire les détails, les sentiments, les émotions :
Me canso. Cada vez que la historia requiere un orden, una cronología, unos hechos, la pluma pesa y siento la nulidad de mi tarea. No son batallas lo que quiero contar. El hermano Roberto ha estado conmigo toda la tarde y me incita con sus preguntas a detenerme en los detalles35.
Le va-et-vient entre le modèle historiographique traditionnel et les choix assumés de la narratrice prend corps au chapitre XVII dans une longue digression au cours de laquelle Urraque, en proie au désespoir en raison de son enfermement, dévoile ouvertement le sens qu’elle donne à son projet d’écriture, à sa création :
No hay elixires que garanticen mi supervivencia; sólo queda la letra. Y por eso esta escritura que quería servir de venganza y testimonio es sólo ceremonia fúnebre, donde todos los fantasmas me prestan compañía. […] Sólo la escritura es redentora, porque, aunque mentirosa, reconstruye las sonrisas, revive el odio, la mano que sostiene la espada, la que se agarra al sexo y lo sacude […] La escritura es como las olas que recomponen un todo; palabras que con espuma que se deshace en cuanto se aíslan. […] La escritura me devuelve sombras […]. Sin mí son muecas, rostros vacíos y quizá era esa mi tarea: dar sentido, a pesar de que mi propósito así quede burlado, ya que mi venganza es sólo rescate y memoria, perduración, tiempo recobrado36.
Le propos de Lourdes Ortiz, à travers la voix de son personnage devenue narratrice de sa propre histoire, est celui de dénoncer l’univocité du discours historiographique médiéval sur Urraque – de là la liberté de ton et de contenu –, et de peindre le portrait d’une reine exerçant le pouvoir de plein droit.
Pour réhabiliter l’image d’Urraque, Lourdes Ortiz construit son personnage en prenant appui sur les sources médiévales pour mieux les détourner. Elle utilise notamment l’Historia Compostelana qui fonde le discrédit de la reine sur des accusations d’instabilité et d’inconstance, certes topiques dans le discours misogyne des clercs37, mais aussi sur des arguments qui soulignent la mauvaise et tyrannique gouvernance d’Urraque38. La reine se voit dépeinte sous les traits de Jézabel et d’Erinnis.
Lourdes Ortiz assume ces accusations et les instrumentalise pour conforter la place et le pouvoir d’Urraque. Dans un récit autobiographique qui s’apparente à une confession, et dont la tonalité générale est intimiste, il n’est guère étonnant que ce détournement concerne essentiellement la vie privée de la reine ; les accusations d’adultère et d’inceste perdent de leur pertinence dès lors qu’elles sont présentées comme réelles par la reine elle-même – qui de surcroît se fait l’écho des rumeurs colportées par les jongleurs dans tout le royaume –, et développées de façon outrancière. De même, la romancière permet-elle à Urraque d’évacuer les accusations d’incapacité féminine à gouverner en insistant sur la stratégie politique dont la reine s’est montrée capable au cours de son règne39.
Par ailleurs, la figure d’Urraque se construit dans le roman par opposition aux autres personnages féminins, caractérisés par leur faiblesse – c’est le cas de Constance, sa mère40 – ou par leur excessive féminité – c’est le cas de la sensuelle et soumise Zaida41 ou encore de Mahaut, l’épouse du comte de Barcelone Raymond-Bérenger II42 :
Yo, monje, también fui guerrero como esos hombres de Yushuf ben Tashin que te hacen persignarte, yo, como ellos, apenas desmonté del caballo, y mis ropas olían siempre a polvo y a sudor y no a ungüentos perfumados;
Tu reina jamás se ha perfumado como Zaida, o como la misma Mafalda, con esencias traídas de Oriente […].
El perfume de Urraca ha sido siempre el sudor y sus afeites de polvo levantado por los cascos de los caballos43.
Ainsi Lourdes Ortiz nous donne-t-elle à voir le portrait d’une reine puissante malgré quelques fragilités44, détentrice du royaume, et qui affiche à maintes reprises son goût pour le combat et les négociations :
Yo, que durante veinte años apenas desmonté del caballo, yo, que combatí sucesivamente contra mi esposo, contra mi hermana, contra los burgueses gallegos, contra Gelmírez y el de Traba y contra mi hijo. Yo no buscaba ajorcas de oro, pero mi idea del Imperio fue la ajorca que me arrastró a una lucha sin descanso […]45.
Ces affirmations ont pour objectif d’annuler l’image d’une femme simple médiatrice, incapable de gouverner seule un empire, que plusieurs personnages lui prêtent46. Tous ces éléments présentent donc un portrait d’Urraque bien plus complexe et surtout plus valorisant que celui qui a été transmis par la tradition.
Le portrait de Marie de Molina que nous propose Almudena de Arteaga correspond, quant à lui, à l’image traditionnelle de la reine véhiculée par les sources. Il se construit à travers ce que la reine dit d’elle-même, mais aussi grâce aux propos des autres personnages, et en particulier ceux de Sanche. Telle est la fonction de ce passage au discours direct, rapportant les paroles du roi à son épouse après leurs premiers ébats amoureux, où sont exposées les qualités d’une femme forte mais mesurée, agissant et parlant à bon escient, et possédant surtout le don de la concorde :
–Mostráis siempre una voluntad inquebrantable y un carácter fuerte como el hierro para tomar vuestras propias determinaciones. Pero al mismo tiempo sois femenina, templada y tranquila. Melosa en vuestro tono de voz, también sabéis escuchar cuando es necesario. Os reflejáis diferente a aquellas mujeres que hablan por hablar sin medida ni pausa y ejercitando el arte del vocablo imprudente. Vuestro carácter calmado y vuestra posición callada os permite pensar antes de dar rienda suelta a la lengua. Pero sobre todo, María, si hay algo que os hace tan digna de mí como a mí de vos, es vuestro taimado proceder. Sin proponéroslo, apaciguáis a las ánimas más impulsivas. María, con vos obtendré la serena calma que necesito cuando yerre en mi proceder, pues no es un secreto que me apodan el Bravo, entre otras cosas, por mi feroz arrebato47.
On remarquera en outre comment ce passage permet de distinguer le principal trait de caractère de Sanche et de valoriser, par contraste, l’action pacificatrice de la reine.
C’est sur cet aspect que la biographie insiste tout particulièrement, plaçant à plusieurs reprises dans la bouche de Marie de Molina, des propos qui illustrent sa détermination à œuvrer pour la paix. On citera, à titre d’exemple, un passage où, à travers le recours à une comparaison renvoyant à une activité typiquement féminine, la reine négocie avec les villes :
Con la sutileza con la que se trabajan los hilos en un encaje de bolillos, fui amansando a las reivindicativas hermandades concejiles y conseguí mitigar sus demandas48.
Le texte souligne par ailleurs le fort tempérament de la reine et le courage avec lequel elle affronte les épreuves. Ainsi Almudena de Arteaga accentue-t-elle cet aspect au moment où elle décrit la réaction de Marie de Molina à la mort de son fils, là où les biographies de la reine soulignaient surtout sa peine49 : « Mi cuerpo reflejaba mi ancianidad, pero mi espíritu estaba más henchido y fuerte que nunca »50. De même la romancière semble-t-elle se remémorer l’image de cette femme prudente et déterminée que dépeint Tirso de Molina dans sa comedia, lorsqu’elle décrit la scène où Marie de Molina, devenue veuve, rejette vivement la proposition de mariage que lui soumettent les membres de son entourage : « Por mi parte, tendría que mirar hacia delante con ímpetu, fortaleza y prudencia »51.
À ces éléments, s’ajoute l’image d’une reine tournée vers le spirituel et se distinguant par ses œuvres pieuses. C’est ce que montre un passage, assez proche de la biographie de Mercedes Gaibrois de Ballesteros, mais plus sobre et plus plat, où l’on voit Marie de Molina offrir de dignes funérailles à l’infant Henri, privé par ses vassaux de tout rituel d’accompagnement dans l’autre monde :
Biographie de Mercedes Gaibrois de Ballesteros :
Pero el príncipe brillante, vanidoso, que dispensó mercedes con generosidad a sus amigos, no recibe de los suyos ningunas honras funerarias. De sus muchos vasallos sólo van en el acompañamiento unos cuantos, y ninguno cortó las colas de sus caballos, como era costumbre de los hijosdalgo de Castilla cuando perdían a su señor.
Al llegar a Valladolid la comitiva no trae luminaria ninguna, ni ricos paños, como correspondía a tal personaje; pero en cuanto lo sabe doña María manda hacer “muchas candelas” y da un paño de tartarí, muy noble, para sobre el ataúd”. Después manda reunir en San Francisco gran número de religiosos, y ella misma va con sus hijos doña Isabel y don Pedro para honrar el entierro de don Enrique52.
Biographie d’Almudena de Arteaga :
No portaba comitiva, velas, luto o plañideras. Ni siquiera cortaron la cola a los rocines que lo arrastraban. Aún así me apiadé de él y ordené que cubriesen su féretro con una bonita seda brocada y rezasen por el difunto tañendo las campanas53.
Le portrait de Marie de Molina que brosse Almudena de Arteaga est donc classique, mais il présente certains aspects, issus de l’imagination de l’autrice et sans doute destinés à divertir le lecteur, qui sont pour le moins surprenants pour un médiéviste. C’est le cas des termes familiers qu’emploie Marie de Molina pour désigner le comte Lope Díaz de Haro, son pire ennemi, le qualifiant de « mequetrefe » (minable)54 ou pire encore, de « lameculos » (lèche-culs)55. Quoique cela fasse sourire, on est également étonné de voir Marie de Molina, assistant au repas donné par le roi du Maroc auquel Sanche a demandé audience pour négocier une trêve, lancer une boulette de pain à son époux, distrait par les danseuses du ventre, pour lui rappeler la raison de leur venue, boulette qui atterrit malencontreusement sur le sultan56.
Ce type de scène n’est pas un élément isolé dans la biographie d’Almudena de Arteaga, qui comporte plusieurs passages relevant de la caricature. On songe, par exemple, à l’épisode rapportant la signature, à Bayonne, du traité de paix entre la Castille et la France. À l’issue des festivités célébrant l’événement, on trouve une description de l’après-banquet, au cours duquel Marie de Molina découvre Sanche IV et Philippe IV, ivres morts, glosant les modalités de l’accord qu’ils ont conclu. Elle demande alors à l’archevêque de Tolède, l’évêque d’Astorga et Gonzalo Pérez, qui observent la scène, d’aider le roi à aller se coucher, mais au cours de cette opération, ces derniers, passablement éméchés, buttent contre un troubadour couché sur le sol et font une chute, ce qui donne lieu à l’insertion d’une parodie d’adoubement, laquelle achève de ridiculiser le roi de Castille :
En ese momento, al ver Sancho en el suelo al arzobispo se levantó torpemente con una pata grasienta de pollo en las manos y le armó caballero, nombrándole además mayordomo mayor de Castilla, León y Andalucía.
Aturdido, el premiado le miró despegando la cara del suelo y arrodillándose sumiso ante su rey.
–Os lo agradecería, mi señor, si no fuera porque me otorgáis mercedes que ya poseo. Sancho se tambaleó y, sorprendido, le contestó:
–Admito que lo olvidé. Os nombro, entonces, canciller mayor de todos los reinos57.
On remarquera que ce genre de caricature ne concerne que les personnages masculins. À preuve cette longue scène où Marie de Molina rejoint Alphonse X à Séville pour tenter de le réconcilier avec son époux, en vain. On y trouve une description qui fait songer au romance du vieil Alphonse retranché à Séville, où se mêlent une série d’éléments topiques caractérisant le personnage. Ridé, avec une longue barbe, le roi observe les étoiles avec un astrolabe, prend des notes, et se plaint de ne pas avoir à sa disposition la loupe inventée par Roger Bacon. Ce passage est aussi l’occasion d’évoquer, à travers une longue énumération construite quelque peu artificiellement, selon le mode du collage, toutes les œuvres écrites ou commandées par le roi Sage58.
On ne trouve pas de scènes risibles dans le roman Urraca, mais plutôt des passages présentant une vision topique de l’Espagne médiévale. On retiendra en particulier cette évocation idéalisée et quelque peu forcée de la vie en al-Andalus, soulignant la coexistence harmonieuse des religions du Livre :
[…] juntos pasearíamos por el zoco [dit Urraque à Roberto dans ses divagations finales] para recuperar los olores pringosos de la miel y las especias, el aroma del cuero sin curtir, las esencias y los perfumes, y volveríamos a permitir que se construyeran mezquitas y sinagogas, junto a las nuevas iglesias que también yo, como mi madre, haré levantar59.
Les parfums du souk décrits dans la citation précédente renvoient, du reste, aux traits orientalistes propres aux romans historiques évoquant la vie en al-Andalus et, plus largement, à la recréation d’atmosphères médiévales, incontournables dans ce type de récit, et qui permettent de rendre vivant et tangible un passé lointain. C’est ce que l’on peut voir dans les romans de Lourdes Ortiz et d’Almudena de Arteaga, notamment à travers deux passages très proches, dépeignant, selon des procédés esthétiques et cinématographiques comparables, l’animation d’un marché, avec ses étals colorés et odorants. Dans le premier, la scène transcrit l’émerveillement de la petite Urraque découvrant Tolède après la prise de la ville par son père. Dans le second, María de Molina contemple, depuis les hauteurs de la forteresse de Bayonne où ont été signés les accords de paix entre la Castille et la France, la multitude de marchandises proposées à la vente. De ces deux fragments, précis et pittoresques, se dégage un certain exotisme propre au médiévalisme, et dans le cas du roman Urraca, à l’orientalisme :
Urraca :
[…] olía a jengibre, a cuero, a canela […]. Los colores… las callejas estrechas y empinadas, el zoco donde las telas se barajaban con perfumes, junto a las alcachofas y las cebollas. […] aquel manco que enseñaba sus muñones y hacía cabriolas, el titiritero que componía baladas y lanzaba naranjitas a los cielos, el ciego que repetía sus canciones en una lengua monótona, que siempre parecía lamento. Salía la serpiente del cesto de paja y las grandes tinajas que albergaban el tinte rojo y espeso eran bocas abiertas que podían tragarme… […] contemplaba las volteretas del oso, conducido por un zíngaro…60.
María de Molina :
Era día de mercado. Seguí atisbando por entre dos almenas. Fisgué con el privilegio de no ser vista por el movimiento que a los pies de nuestra muralla se cocía. Hebreos opulentos montaban sus tenderetes al candor de los rayos de sol. Entre los toldos de los tenderetes, un millón de alegres colores provenientes de las especias más variopintas teñían mis pupilas. Los mercaderes desplegaban sus mercancías, tentando a los demás con su delicadeza. Al lado de la sombra, en la plaza, se admiraban preciados paños de palmilla azul de Cuenca, tejidos brocados, bordados con colores nada habituales, de Limoges o de Flandes. En el lado del sol, expuestas sobre alfombras, escudillas de plata finamente ornamentadas, esculpidas y bruñidas. Piezas de armaduras relucientes, espadas, escudos y cotas de malla. Ganaderos y labriegos mostraban sus hortalizas, frutas y animales al público para mejor acceder al trueque o a la venta61.
De même, les deux œuvres cèdent-elles à la tentation de mettre en scène un érotisme propre aux romans à l’eau de rose, mais elles le font selon des modalités différentes.
Comme l’a amplement souligné la critique, la biographie d’Urraque présente l’affirmation progressive d’une sexualité libérée de toute contrainte, voire transgressive. En effet, de longs passages décrivent les expériences sexuelles de la reine, et ce, avec divers partenaires – non sans déclarer que « el sexo no se habla »62. Le récit livre, par exemple, de nombreux détails sur la relation violente unissant Alphonse Ier le Batailleur et Urraque63 et dépeint les rapports, jugés sans inventivité, de la reine avec l’évêque Diego Gelmírez64. Il décrit aussi, en des termes très crus, teintés d’accents blasphématoires, les ébats de la reine avec les comtes Pedro de Lara65 et Gómez González. C’est ce que montre aussi ce passage rapportant la dernière nuit que partagent Urraque et son amant Roberto :
Ves, esta noche mi cuerpo está caliente y jugoso. Mira mis muslos, toca la humedad y bañate en ella. Así, despacio, deja que admire una vez más tus nalgas estrechas, tu cintura; dame el cetro, monje, para que lo bendiga […].
Ata mis manos, monje, a la cabecera y maldice tu reina, escúpeme como lo hacía Alfonso, si es lo que te complace, o sé suave y dulce, como era delicado Gómez González; murmura a mis oídos frases obscenas como don Pedro, recorre con tu lengua cada rincón de mi piel, así, despacio, muy despacio... Arrodíllate, próstrate ante tu virgen, venérala, dale culto de latría, el que sólo das a tu dios, deja que mientras tanto descubra zonas de tu cuerpo que nunca hubieras sospechado, que hurgue en tu carne, que adentre mis dedos en ti, antes de que acudas una vez más a la cueva que te espanta y te vuelve loco66.
Il ne s’agit pas là de complaisance pour des propos scabreux ; ce discours est révélateur d’une liberté de ton et porteur de sens. Face à une sexualité longtemps réprimée par le franquisme67, Lourdes Ortiz prône la libération et cherche délibérément à choquer.
En revanche, si l’on trouve, dans la biographie d’Almudena de Arteaga, plusieurs scènes d’amour, elles comportent généralement peu de détails, la description étant ici beaucoup plus suggestive, ce qui n’est pas sans rapport avec la personnalité – mais aussi le projet d’écriture – de la romancière. On en voudra pour preuve un passage évoquant les sensations de Marie de Molina pendant la célébration de son mariage avec Sanche, au moment où leurs mains s’entrelacent :
Sentí la aspereza de su palma e imaginé cómo muy pronto lijaría todo mi ser con la pasión retenida de un amante hasta el momento prohibido. Un cosquilleo incontrolable recorrió mis entreñas en sentido ascendente hasta escapar en un furtivo suspiro68.
De même la description des premiers ébats du couple royal se limite-elle à l’expression de la douceur avec laquelle le roi traite son épouse et s’achève-t-elle par une phrase faisant appel à l’imagination du lecteur : « […] me siento incapaz de describirlo, pues es algo que ha de sentir uno mismo »69.
La scène qui suit, où les deux personnages se retrouvent seuls, après le départ des témoins chargés de vérifier que le mariage a bien été consommé, est légèrement plus érotique, même si, comme dans l’œuvre de Lourdes Ortiz, c’est la revendication du plaisir de l’acte sexuel qui l’emporte :
Los dos aguardamos impacientes para poder liberar todo nuestro ardor con un poco de intimidad. Aún jadeantes, mirábamos el escudo de armas que había bordado en el techo del dosel. Me abracé al velloso y sudoroso pecho de Sancho. Con la mano seguí cada uno de los músculos de su brazo y continué por la cintura hasta bajar más.
Al sonar el portazo que nos aislaba de todos los indiscretos expectantes, Sancho se posó sobre mí. Holgamos de nuevo. La pasión nos embriagó. Esta vez la soledad deseada en la que nos encontrábamos nos meció y lo que anteriormente fue dolor placentero se tornó gozo absoluto70.
La présence de l’érotisme dans les deux romans sert donc à valoriser la place de la femme dans le couple. Cette valorisation se manifeste, dans le cas du roman de Lourdes Ortiz, par une série de descriptions souvent choquantes, plaçant la liberté sexuelle assumée par Urraque au niveau de celle dont jouissent les hommes qui l’entourent, telle une revendication du pouvoir de la reine71, voire, de la femme. Dans le roman d’Almudena de Arteaga, la manifestation du plaisir de la reine, quoique plus ténue et discrète, n’en est pas moins le signe d’une vraie modernité, bien éloignée des conventions médiévales.
Par conséquent, bien que les biographies retracent l’action politique de reines, elles plongent aussi le lecteur dans la vie intime de ces femmes afin de décrire des rapports et des comportements typiquement féminins. Or comme l’affirme Celia Fernández Prieto, cette plongée dans l’intrahistoire du personnage est une caractéristique de la biographie romancée au féminin :
El hombre vive volcado hacia la temporalidad externa, hacia los hechos sociales y públicos; la mujer, en cambio se mueve al ritmo de lo privado y de lo íntimo72.
Exploitant un ressort narratif courant dans le roman historique, Almudena de Arteaga présente ainsi, dès le début de l’œuvre, un couple de femmes inséparables, Marie de Molina et María Fernández Coronel, en décrivant les liens étroits et profonds qui les unissent. On voit en effet la gouvernante apporter son soutien à la future reine, avant son mariage, dans une scène où elle entend dissiper les inquiétudes ouvertement déclarées par Marie de Molina sur l’accueil qui va lui être réservé. La réaction de la future reine illustre, sans équivoque, les rapports complices que peuvent entretenir une mère et sa fille73 :
–Gracias, mi aya. Hacéis, sin proponéroslo, que no eche de menos a mi madre en este día tan significativo de mi vida74.
De même la romancière décrit-elle les liens, à la fois politiques et affectifs, qui unissaient Marie de Molina et Isabelle de Portugal à travers l’évocation d’une lettre que la reine castillane envoie à la portugaise pour solliciter sa médiation :
Llamé de inmediato al escribano, le pagué para que guardase sumo secreto y me dispuse a dictarle. La destinataria de la misiva no era otra que Isabel, la mujer de Dionis, y mi gran amiga de antaño. Como tal y conociendo bien su proceder sibilino, le expuse mis temores hacia el de Haro y medio en broma la reté a contárselo al rey su marido en la privacidad del lecho conyugal75.
Dans le roman de Lourdes Ortiz, on ne trouve pas trace d’une quelconque alliance entre femmes. Le récit exploite, au contraire, la rivalité entre femmes, et évoque avec médisance les sentiments de jalousie que partageaient les femmes qui entourèrent Alphonse VI76. Urraque clame ainsi sa supériorité : « Yo no quise ser Zaida », « Elegí ser reina y no cabían Zaidas dentro de mi piel »77. C’est pourquoi elle s’attribue l’image d’un être androgyne :
El mercurio pasivo se une con el azufre que da la fuerza gracias a la sal poderosa y nace el andrógino purificado que supone la unión de los contrarios. Yo, Urraca, emperatriz, mujer y hombre. […].
Yo seré ese Andrógino, ya que no de cuerpo, sí en espíritu y voluntad78.
L’accent mis sur l’émancipation sexuelle d’Urraque oblitère également toute représentation d’une épouse aimante. Les relations entre les deux époux sont en effet dépeintes de façon négative. Urraque évoque très brièvement son union avec un Raymond de Bourgogne bien plus âgé qu’elle, ambitieux et attiré par les très jeunes femmes de la cour79, pour ne retenir que la naissance de ses deux enfants, Alphonse et Sancie. Quant à son deuxième époux, Alphonse Ier d’Aragon, dont la reine décrit la violence avec laquelle il l’a traitée80, elle reconnaît avoir éprouvé quelques sentiments pour lui avant de s’en dédire immédiatement81.
À l’inverse, Almudena de Arteaga, met en relief l’amour qui unit Marie de Molina à Sanche, insistant sur le fait que cette union, à la différence de ce qui se produisait à l’époque médiévale, est fondée sur des sentiments : « Pocas son las ricas hembras de Castilla que hoy en día se casan con el hombre que soñaron. Yo lo he conseguido »82. Ainsi le texte ne manque-t-il pas de valoriser l’image de la veuve exemplaire que fut Marie de Molina, refusant de se donner à un autre homme après la mort de son époux : « Con harto dolor de mi alma me despedí eternamente del único hombre al que pertenecí y pertenecería »83.
Or si l’on trouve, d’une part, l’image d’une relation de couple fondée sur l’opposition et, d’autre part, celle d’une couple modèle, en revanche les deux romans exploitent la relation maternelle à travers des scènes où les reines-mères jouent pleinement leur rôle.
Dans le cas du roman de Lourdes Ortiz, le rôle de la figure maternelle est porté par Constance et Zaida, décrites comme des mères aimantes, soucieuses de l’éducation de leurs enfants. Zaida est surprise en train de s’occuper elle-même de son fils Sanche qu’elle tient sur ses genoux et à qui elle décrit l’enchantement de Cordoue84. Constance apparaît également dans son rôle d’éducatrice ; la romancière insiste sur les attentions et les gestes tendres de la mère envers ses deux filles, ainsi que sur les récits d’aventures chevaleresques qu’elle leur transmet :
En aquellas mañanas que ahora recuerdo para ti, monje, se creaba entre nosotras una atmósfera recargada y sólida de sensualidad difusa; me apretaba contra sí y me mosdisqueaba, y luego volvía a sus relatos. Los bosques borgoñones, los lagos de agua turquesa, las marismas se poblaban de animales fantásticos y, en algunas ocasiones, Constanza se ponía de pie y, con dotes de titiritera, representaba para mí: Érase una vez…85.
Ces souvenirs sont cependant voués à justifier le comportement d’Urraque envers son propre fils. En effet, décriée pour avoir combattu Alphonse – « Yo soy, para ti y para todos, la madre desnaturalizada que combatió contra su hijo […] » dit-elle à Roberto86 –, Urraque instrumentalise par cette description la figure maternelle de Constance pour en faire un miroir inversé : contrairement à Constance, contrairement à ces mères aimantes jugées faibles, Urraque a su donner un empereur à l’Espagne :
No acunaron mis brazos a Alfonso Raimúndez, no fueron cuentos de hadas y dragones los que recibió de su madre. Desde el comienzo le vi como el «otro», el que surgía no como prolongación de mi cuerpo sino frente a mí y sólo lo que está fuera puede ser amado y respetado. Yo no he dado al mundo un hijo castrado, sino un emperador y estoy satisfecha87.
Elle peut ainsi affirmer son amour de mère dénué de tout attendrissement et se dédouaner des accusations dont elle est victime :
[…] me digo a mí misma y dejo escrito que quiero y quise a ese hijo contra el que combatí, sé que he forjado a un emperador, a un igual, a un hombre que, cuando el tiempo pase, podrá mirar hacia atrás y comprender, como ahora yo comprendo, que Urraca, reina, no podía actuar de otro modo88.
Bien différente de la biographie de Lourdes Ortiz, celle d’Almudena d’Arteaga, valorise l’image d’une mère exemplaire, s’employant à protéger ses descendants89 et se montrant particulièrement attentive à leur éducation. Cette image, assez proche de celle qui nous a été transmise par les sources, se déploie dans le texte à travers des situations aux résonnances contemporaines90, où l’on perçoit néanmoins des informations de type historique. C’est le cas de ce passage intimiste, décrivant Marie de Molina dans son rôle d’éducatrice, jouant à la poupée avec sa fille Isabelle tout en lui racontant l’histoire de la naissance du Christ :
Tomé a Isabel en mi regazo y aproveché para relatarle cómo aconteció el nacimiento de Nuestro Señor. Bautizamos a cada muñeco de nuevo y le dimos un papel en la historia del Niño Dios. Ella disfrutaba escuchando atónita cada uno de los pasajes. Al terminar me así del escapulario que pendía de mi cuello y dejando los juguetes a un lado la tomé en mi regazo, acariciándola91.
Cette scène montrant une mère jouant tendrement avec sa fille peut paraître anodine, mais elle révèle le type d’éducation que recevaient les filles au Moyen Âge92 et le rôle déterminant que purent jouer les femmes dans la transmission de la foi.
Almudena de Arteaga redonne donc vie à la reine Marie de Molina, non pas en insistant sur le caractère viril de son action, comme ont pu le faire certains auteurs93, mais en la montrant comme une gouvernante assumant pleinement son rôle en tant que femme. Tel est le sens de cette phrase issue du discours de la reine à la mort de son époux :
Muchos de vosotros ya me visteis obrar como diplomática, mujer guerrera y mujer de Estado. Como tal seguiré comportándome, incluso con más cautela y desconfianza que antes94.
Ainsi donc, l’œuvre de Lourdes Ortiz, par son caractère subversif et le portrait qu’elle livre d’Urraque enfermée dans sa cellule, et clamant haut et fort sa liberté, inaugure-t-elle le genre de la biographie romancée ou « roman de personnage » au féminin, en donnant la parole à une femme décriée et oubliée.
Au regard de ce roman inaugural, l’œuvre d’Almudena de Arteaga, composée en une période où la voix des femmes s’est désormais pleinement affirmée, propose une vision plus classique de la reine Marie de Molina, en lui prêtant les traits d’une gouvernante, d’une femme et d’une mère modèle, assumant ses choix et semblant libre de toute contrainte. Ce portrait, résultant d’une combinaison de sources historiques et littéraires et visant à distinguer les spécificités de l’action féminine, est inséré dans un récit destiné, au premier chef, à la redécouverte de l’histoire et de la culture de l’Espagne médiévale. Le propos de la biographie romancée de Marie de Molina n’est donc pas éloigné de celui de la première œuvre d’Almudena de Arteaga, consacrée à la princesse d’Éboli, et dont l’auteur voulait qu’elle fût, selon ses propres termes, à la portée de tout le monde95.
Interrogée sur sa façon de travailler, Almudena de Arteaga écrit :
Me empapo de la historia y costumbres del momento. Estudio las biografías de los personajes hasta que las memorizo como si de un familiar se tratase y comienzo la historia intentando vivirla en mis mismas carnes. Es la única manera de hacer la parte ficticia real96.
On comprend alors pourquoi la biographie de Marie de Molina se fonde sur une série d’images et d’informations insérées dans un récit simple, parfois artificiel et caricatural, mais efficace pour qui voudrait découvrir l’histoire de cette grande figure féminine de la Castille médiévale.
Le propos de Lourdes Ortiz est tout autre. Si de nombreux critiques ont insisté sur la lecture féministe que l’on peut faire de son roman Urraca97, l’autrice, quant à elle, défend un projet littéraire ; elle a du reste déclaré dans une entrevue datée de 1982, au moment de la sortie de son livre, ne pas croire en l’existence d’une « littérature féminine » :
[estoy] harta de que siempre me pregunten por la literatura femenina. Yo no creo que exista eso, yo creo que hay escritores, y punto. […] No sé tampoco si hay una moda de mujeres, pero, en cualquier caso, eso no tiene nada que ver con la literatura: es un tema de las editoriales y la Prensa98.
Il n’en reste pas moins vrai que son roman, au même titre que celui d’Almudena de Arteaga, est porté par la revendication du pouvoir que put avoir une femme dans l’Espagne du passé et, plus largement, par la valorisation de l’action féminine.
[1] Voir l’étude de Ángel Raimundo FERNÁNDEZ GONZÁLEZ, « Doña Urraca de Castilla en la literatura española de los siglos XIX y XX », in Ignacio ARRELLANO et Carlos MATA INDURÁIN (coord.), Congreso internacional sobre la novela histórica (Homenaje a Navarro Villoslada), Príncipe de Viana, LVII, 1996, p. 131-139 ; les œuvres citées sont les suivantes : Doña Urraca de Eusebio ASQUERINO (1838), Doña Urraca de Castilla de Antonio GARCÍA GUTIÉRREZ (1872), El Conde de Candespina de Patricio de ESCOSURA (1832), Doña Urraca de Castilla de Francisco Navarro Villoslada (1849), Doña Urraca de Castilla de Ramón Gómez de la Serna (1944).
[2] Lourdes ORTIZ, Urraca, Barcelone, Salvat, 1994 (1e édition 1991), dorénavant cité Urraca ; Ángeles de IRISARRI, La reina Urraca, Madrid, Ediciones Temas de hoy, 2000 ; Felicidad SÁNCHEZ-PACHECO, Urraca reina (La Castellana), Cuenca, Alderabán, 2013.
[3] Ángela ENA BORDONADA, « Historia, cultura y actualidad testimonial en la obra de Lourdes Ortiz », in Julio ESCRIBANO HERNÁNDEZ, Jerónimo HERRERA NAVARRO, Javier HUERTA CALVO, Emilio PERAL VEGA et Héctor URZÁIZ TORTAJADA (éd.), Paso honroso. Homenaje al profesor Amancio Labandeira, Madrid, Fundación universitaria española, 2010, p. 417-434.
[4] Cf. Pilar NIEVA DE LA PAZ, « La reinterpretación transgresora de la Historia : Urraca, de Lourdes Ortiz », in Narradoras españolas en la transición política, Madrid, Ed. Fundamentos, 2004, p. 398-409 : « Ortiz es una de las figuras más representativas de la preocupación contemporánea de las escritoras por rescribir la historia desde una perspectiva de mujer, cuestionando radicalmente los relatos y valoraciones implícitas en la tradición cultural occidental, construida y transmitida por los hombres » (p. 398) ; « […] presenta la escritora un modelo femenino rupturista, la mujer que detenta el poder, con lo que se posibilita una lectura contemporánea en clave feminista » (p. 400).
[5] Les travaux consacrés à la reine Urraque sont en effet assez récents. Voir Bernard F. REILLY, The kingdom of León-Castilla under queen Urraca (1109-1126), Princeton, Princeton University Press, 1982 ; Ma del Carmen PALLARES et Ermelindo PORTELA, La reina Urraca, Donostia-San Sebastián, Nerea, 2006. Carmen PALLARES, « Urraca de León y su familia. La parentela como obstáculo político », in Carmen TRILLO SAN JOSE (éd.), Mujeres, familia y linaje en la Edad Media, Granada, Universidad de Granada, 2004, p. 69-103. Voir également : Ma Jesús FUENTE, Reinas medievales en los reinos hispánicos, Madrid, La Esfera de los libros, 2003 ; id., « ¿Reina la reina? Mujeres en la cúspide del poder en los reinos hispánicos de la Edad Media (siglos VI-XIII) », Espacio, Tiempo y Forma, Serie III, H. Medieval, t. 16. 2003, p. 53-71 ; Ángel GORDO MOLINA, « Urraca I, praeparatio, revueltas y diplomacia. Labores de una reina en el contexto sociopolítico del reino de León en la primera mitad del siglo XII », Studi Medievali, anno LIV-I, 2013, p. 177-231 ; id., « Conflicto de mujer, de reina y de mito histórico. Urraca I de León en primera y tercera persona », Estudios de Historia de España, 2015, vol. 17, issue 1, p. 1-20 ; Ángel GORDO MOLINA et Diego MELO CARRASCO, La reina Urraca I (1109-1126). La práctica del concepto de imperium legionense en la primera mitad del siglo XII, Gijón, Ediciones Trea, 2018.
[6] Sur l’action pacificatrice de Marie de Molina, voir en particulier Patricia ROCHWERT-ZUILI, « La actuación pacificadora de María de Molina », e-Spania, 20, février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24170. On pourra également consulter César GONZÁLEZ MÍNGUEZ, « La figura de María de Molina como prudente pacificadora », e-Spania, 33, juin 2019, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/31335.
[7] Sur ce point, on pourra notamment consulter P. ROCHWERT-ZUILI et Hélène THIEULIN-PARDO, « La correspondance des femmes en Europe au Moyen Âge : quelques observations et un exemple », in « Correspondances et paysages : premiers regards sur l’entre-deux », L’Entre-deux, 1 (1), janvier 2017, 28 p., URL : http://www.lentre-deux.com/1.1.1.ROCHWERT-THIEULIN, paragraphes 37-46.
[8] Il s’agit de la Chronique des rois de Castille dont on ne conserve qu’une version en latin, et qui rapporte l’histoire des règnes de Ferdinand III à Ferdinand IV de 1248 à 1305.
[9] Composée au milieu du XIVe siècle, la Chronique de trois rois (Chronique d’Alphonse X, Chronique de Sanche IV, Chronique de Ferdinand IV) et la Chronique d’Alphonse XI appartiennent au genre des chroniques royales. Elles présentent, à partir du récit du règne de Sanche IV, un portrait particulièrement valorisant de la reine Marie de Molina, notamment à travers l’affirmation de sa parole (cf. P. ROCHWERT-ZUILI, « La parole de la reine dans les chroniques de Ferrán Sánchez de Valladolid (1340-1345) », Cahiers d’études hispaniques médiévales, 31, 2008, p. 65-80, https://www.persee.fr/doc/cehm_0396-9045_2008_num_31_1_1860).
[10] Sur Marie de Molina comme personnage dramatique, voir Ángeles RODRÍGUEZ ARANGO, « María de Molina, reina y personaje dramático », Publicaciones de la Institución Tello Téllez de Meneses, Palencia, Diputación Provincial de Palencia, 36, 1975, p. 61-87.
[11] À ces biographies s’ajoute la consultation d’un numéro issu d’une collection de « portraits biographiques » publiés par la Caja de Ahorros Popular de Valladolid : Luis Vicente DÍAZ MARTÍN, María de Molina, Vallisoletanos, Valladolid, Caja de Ahorros Popular de Valladolid, 38, 1984. Constitué d’une centaine de pages, ce résumé de la vie de Marie de Molina a sans doute permis à la romancière d’avoir une vision d’ensemble de la vie de la reine et de se familiariser avec cette figure historique.
[12] Mercedes GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina. Tres veces reina, Madrid, Espasa-Calpe, 1967, p. 11 : « Los Archivos castellanos apenas conservan rastros de la vida íntima de nuestros monarcas medievales. Por esta razón la interpretación biográfica ha de intentarse en cierto modo indirectamente, a base de fuentes generales, hechos conocidos, actos comprobados y datos de antecedentes y consecuencias ».
[13] Rafael DEL VALLE CURIESES, María de Molina. El soberano ejercicio de la concordia (1260-1321), Madrid, Alderabán, 2000, p. 9.
[14] María de Molina. El soberano ejercicio de la concordia, p. 7.
[16] Voir le règlement téléchargeable (BASES) sur le site de la maison d’édition Planeta qui attribue aujourd’hui ce prix : https://www.planetadelibros.com/premios/premio-novela-historica-alfonso-x-el-sabio/12.
[17] Almudena DE ARTEAGA, María de Molina. Tres coronas medievales, Madrid, Ediciones Martínez Roca, 2004, 3e édition, p. 7 (dorénavant citée María de Molina).
[18] Voir Celia FERNÁNDEZ PRIETO, « Relaciones pasado-presente en la narrativa histórica contemporánea », in José ROMERA CASTILLO, Francisco GUTIÉRREZ CARBAJO et Mario GARCÍA-PAGE (éd.), La novela histórica a finales del siglo XX, Madrid, Visor Libros, 1996, p. 213-221, p. 217.
[19] Cf. Biruté CIPLIJAUSKAITÉ, La novela femenina contemporánea (1970-1985). Hacia una tipología de la narración en primera persona, Barcelone, Anthropos, 1988, qui évoque, p. 123-124 : « el deseo de mostrar que la mujer tenía su lugar en la sociedad también antes, aunque pasara desaparecida, y que ya entonces lograba vivir su propia vida » ou p. 127 : « deseo de mostrar que en todas las épocas ha habido mujeres prominentes ».
[20] María de Molina, p. 304.
[21] María de Molina, p. 9.
[22] Parmi les citations apparaissant au début des 25 chapitres de l’œuvre, 10 sont issues de l’œuvre de Berceo. On trouve également plusieurs citations tirées du Libro de Buen Amor et du Libro del Conde Lucanor.
[23] María de Molina, p. 11.
[24] C’est précisément ce qu’écrit Amado Alonso à propos de la biographie romancée : « Las biografías noveladas […] representan la reversión completa de lo buscado en la historia: en vez de arqueología, la historia; en vez de ambientes, las vidas, y el ambiente está presentado sólo en lo que la comprensión de las vidas lo exige » (Amado ALONSO, Ensayo sobre la novela histórica. El modernismo en « La gloria de don Ramiro », Madrid, Gredos, 1984, p. 73).
[25] Urraca, p. 9.
[26] Par exemple, voir Urraca, p. 56 : « Por primera vez decidí que la voluntad de Urraca debía estar por encima de predicciones y presagios de mal agüero ».
[27] C’est le cas du comte Gómez González, au moment où Urraque évoque sa relation sexuelle avec lui : (Urraca, p. 42) « ¿Te acuerdas, allí donde te encuentres, Gómez González, de aquellas tardes, cuando a los dados os jugabais la cama y la reina? Yo os necesitaba a los dos. Por un lado gustaba de bendecir tu cuerpo, de detenerme en tus caderas, de cosquillear tu espalda alargada de adolescente sin madurar; pero quería también la petulancia y la seguridad de don Pedro, su fuerza, su impertinencia, su abrazo inventivo y prolongado... Conde, dejo que el aire me roce, como cantaba el poeta, para ver si en su brisa me vuelves de algún modo ».
[28] Urraca, p. 10.
[29] Urraca, p. 10-11. C’est en ce sens que l’on peut également interpréter les vers placés à la fin du chapitre d’ouverture – « Aunque el papel queméis / no quemaréis lo que el papel encierra / que en mi interior / y a pesar de vosotros se guarda / y conmigo camina / vayan mis pies a donde vayan », qui clament la force du témoignage personnel, malgré la censure. Ces vers sont tirés de l’œuvre du poète du XIe siècle Ibn Hazm, d’origine andalouse, qui connut au cours de sa vie de nombreux emprisonnements. Le roi de Tolède fit brûler ses œuvres.
[30] Urraca, p. 179 : « Así contaba Ibn Saraf, visir y secretario, la victoria que ellos obtuvieron en Uclés […]: ‘Amanecimos el día 14 de Savwal y rodeamos la ciudad como rodea el círculo a la esfera y como el útero materno envuelve al feto… Nos arrimamos a ella con lanzas y la agitamos como se agita la rama con la fuerza del viento, hasta romper su sello y morderle los tobillos y Dios se apresuró con su auxilio y el cercó del mal rodeó sus casas y los aniquiló, como aniquila la basura […]’. De este modo quisiera yo, Roberto, que tú completaras mi crónica, introduciendo la metáfora, jugando con las palabras. Una derrota puede ser gloriosa si se sabe emplear el adjetivo adecuado, si se comunica la acción, gracias al sucederse ritmado de los verbos. Escucha, Roberto, observa qué bien suena: ‘entonces se entremezclaron las lanzas de uno y otro bando y se oscureció la noche; se agarraron entre sí los de a caballo y se quebraron las lanzas entre nubes de polvo y se hizo estrecho el campo para los grandes ejércitos […]’ ».
[31] Roberto est explicitement désigné comme chroniqueur de la reine : « Tú serás mi cronista y mi pintor, porque hay aún muchas historias por inventar […] Tú serás mi exegeta y mi cantor, el Ben Hayyan que pronuncie mis loas, porque esto que he redactado no se parece a una crónica. Tú la escribirás para mí y en ella no ha de haber vacilaciones », Urraca, p. 177.
[32] Urraca, p. 73 : « […] yo sé, que mi crónica debe ser contenida, respetuosa y atenerse tan sólo a sucesos y batallas » ; « A las crónicas, monje, no les conciernen los humores o los abrazos, sino sólo los hechos y las batallas » (p. 177).
[33] Urraca, p. 89.
[34] Urraca, p. 42. Ce procédé est fréquemment utilisé dans le roman. Voir par exemple : « Pero no puedo distraerme; no es eso lo que debo contar. Una crónica no debe detenerse en sentimientos y en personajes secundarios » (p. 43) ; « […] esto nunca llegaré a contártelo, porque estos lamentos son impropios de una crónica » (p. 103) ; « Pero en una crónica no caben mis despertares con las mejillas rojas, mis cabellos revueltos, la mezcla de mi agradecimiento y deseo con que me arrimaba a Alfonso en aquellos días. Hay otras lógicas más allá y por encima de los sentimientos, una lógica implacable que mueve al soberano y le conduce a preparar pócimas, a pagar esbirros, a despejar el camino... » (p. 170) ; « Podría hablarte […] de la ambición de mi hermana –que se manifestó entonces, de sus mentiras, de su afán por figurar; podría contar cómo quedó defraudada cuando yo –esta vez unida a Alfonso– le tendí una ingenua trampa, en la que cayó como una niña sin experiencia, quedando acorralada en la ciudad de Sahagún […]. Pero eso son sólo anécdotas […] » (p. 105).
[35] Urraca, p. 69.
[36] Urraca, p. 155.
[37] Cette misogynie est particulièrement perceptible dans le livre I sous la plume de Giraldo ; voir par exemple : « Pues el arzobispo temiendo y sospechando que el talante propio de las mujeres volviera a las armas acostumbradas, es decir, al fraude, había renovado una y otra vez los pactos de paz entre la reina y él […]. ¿A qué no se atreve la locura de la mujer? ¿Qué no intenta la astucia de la serpiente? ¿Qué no ataca la natural víbora? El ejemplo de Eva, nuestra primera madre, indica claramente a qué se atreven, qué intentan, qué atacan los inventos de la mujer. La muy audaz mente de la mujer se precipita contra lo prohibido, viola lo más sagrado, confunde lo lícito y lo ilícito » (Historia Compostelana, éd. Emma FALQUE, Madrid, Akal, 1994, p. 360) ; « Cuando la reina, autora de tan gran crimen […] procuró dar satisfacción y reconciliarse con el arzobispo. Con halagos y promesas, como suelen hacer las mujeres, intentó atraerlo. Pero como no pudo ni con ruegos ni promesas hacer que cambiara, enseguida volvió a las armas […] » (p. 380). À ces accusations, il faut ajouter que son mariage avec Alphonse Ier le Batailleur est considéré comme illicite et incestueux : « […] tan gran crimen de incesto como ha sido cometido por la hija del rey » (p. 156) ; « […] después de abandonar al rey de Aragón, al que se había unido la reina Urraca en incestuoso matrimonio […] » (p. 156) ; les relations adultères d’Urraque sont également dénoncées : « […] el conde de Lara, Pedro González, quien había cometido adulterio con la madre del mismo rey y había tenido con la reina hijos e hijas, frutos de dicho adulterio […] » (p. 532).
[38] Nombreux sont les passages dénigrant l’action politique de la reine dans la Historia Compostelana favorable à la défense de l’évêque Gelmírez. Le chapitre LIII du livre II, consacré au récit de l’emprisonnement de l’évêque Gelmírez en 1121, propose un long développement sur le déclin du royaume dont la reine Urraque est rendue coupable ; on en citera quelques extraits rapportant les vols, les destructions et les actes sacrilèges : « Pues había despojado ya a las iglesias de todo su reino de oro, de plata, y de las restantes cosas de valor; había destruido ciudades, fortalezas, castillos, villas […]; había huido de la paz, la justicia, y de cuanto las acompaña. Como su insaciable voracidad hubiera destruido el reino ibero, quedaba la iglesia de Santiago y sus señoríos, que ardía en deseos de saquear la citada Jezabel; por ello los tratados de paz entre ella y el pastor de esa iglesia con frecuencia se rompían. Pues la reina aspiraba asiduamente a la rapiña y a la destrucción y el arzobispo, como diligente pastor, trabajaba varonilmente por apartar de su rebaño los lobos y alejar del cuerpo de su iglesia los dientes de las bestias » (p. 397). La Historia Compostelana prête à Urraque la conscience de son incapacité à gouverner seule, en l’associant à sa condition féminine : « Así pues, como veía la reina Urraca que su reino y el de su hijito Alfonso estaba completamente devastado y era asolado a hierro y a fuego por los enemigos, afectada en su corazón por un gran dolor, estaba afligida, pues una mujer sola sin marido, apoyada sólo en la ayuda de unos pocos, no sabía qué hacer en tan tumultuosos asuntos » (p. 201-202). L’inaptitude d’Urraque au gouvernement est également soulignée par le Chronicon Compostelanum, qui qualifie l’exercice du pouvoir de la reine de « tirannice et muliebriter » (Chronicon Compostellanum, éd. E. FALQUE REY, Habis, 14, 1983, p. 73-83, p. 82).
[39] Le chapitre XI (Urraca, p. 91-97), que la romancière consacre à la comparaison du royaume avec un échiquier, démontre les qualités politiques d’Urraque (pactes, manipulations, défenses des intérêts de la reine). Ces qualités sont également soulignées dans l’épisode de l’insurrection de la ville de Sahagún (chapitre XVII). L’image d’une reine négociatrice et habile politique rejoint les travaux des historiens.
[40] Urraca., p. 16 « sus armas eran los rezos, la jaculatorias, y la coquetería sabiamente administrada » ; « la práctica de la conspiración de alcoba ; « me aburrían las lágrimas de Constanza y sus suspiros de mujer insatisfecha » (p. 18) ; « Monje, Constanza, mi madre, decía amarme; canturreaba canciones en su lengua y pretendía distraernos a mí y a Teresa con historias que, en realidad, estaban destinadas a llenar su tiempo vacío, sus ocios de mujer abandonada » (p. 76); « […] Constanza no tenía más dedicación que la rueca, el bordado, la oración y los largos paseos » (p. 78).
[41] Urraca, p. 27 : « sumisa siempre como un perro, con aquellos ojos grandes, húmedos, ojos de vaca mansa donde no cabía la rebeldía » ; « Nunca vistió toga de lana, no, Roberto, sino túnicas que dejaban al aire sus tobillos, recubiertos de ajorcas, y babuchas de cuero trabajado con hilo de oro y aquellos velos que sólo podía arrancar mi padre » (p. 28) ; « rendía a mi padre un vasallaje que era más propio de una esclava que de una reina » (p. 29).
[42] La longue description met en avant la féminité et les atours de Mahaut : « puedo describirte la forma menuda de sus pechos todavía firmes, los adornos con que se engalanaba, la sombra negra con que deformaba sus ojos para agrandarlos, el mohín despectivo de sus labios, sus lágrimas coquetonas, sus sedas. Aquel día sujetaba a su pelo una gruesa diadema de oro, decorada con esmaltes, y largos collares de coral adornaban su cuello. Las damas de mi corte envidiaban aquellas telas, aquellos dijes, las perlas de sus anillos, su porte extraño casi oriental, suavizado por su falsa tristeza de viuda » (Urraca, p. 125).
[43] Urraca, p. 33 et 131.
[44] Urraca, p. 15 : « ahora […] sé que, si he perdido, es porque en algún momento vacilé, me equivoqué y dejé de controlar los hilos ».
[45] Urraca, p. 128. Voir également : « Yo no he amasado el pan, ni he limpiado uno a uno los garbanzos para despojarlos de su piel, ni he cosido mis sayas, ni he tejido las mantas que cubren mi cama. Estas manos sólo han sostenido la espada y han lanzado el dardo con precisión […]. Son manos que sólo supieron golpear el tambor, con rabia, para revivir una música guerrera » (p. 130-131).
[46] Tel est le cas de Pedro Froilaz, Urraca, p. 69 : « […] en ese punto don Pedro no admitía matices. Mujer era para él síntoma de debilidad e inconsecuencia: en tanto que mujer había caído en la trampa tendida por Alfonso, pero también, en tanto que mujer, sería capaz de escuchar con sometimiento y respeto a hombres más versados que yo en los asuntos del reino ».
[47] María de Molina, p. 26-27. Voir aussi p. 67 : « –Para mantener la paz y el diálogo os tengo a vos. ¿Quién si no sabe mejor que mi esposa amansar las voluntades? ».
[48] María de Molina, p. 98. On se rapportera aussi au passage où Marie de Molina manifeste, lors de son intercession auprès de Juan Núñez le Gros, sa préoccupation constante pour la paix et son désir de légitimation : « Si había algo que ansiaba después del reconocimiento de nuestro matrimonio, era la paz de nuestro reino », p. 127.
[49] Cf. M. GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, p. 189-190 et R. DEL VALLE CURIESES, María de Molina, p. 210.
[50] María de Molina, p. 274.
[51] María de Molina p. 179.
[52] M. GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, p. 151.
[53] Voir aussi le passage où la romancière insère une scène créée de toutes pièces, où l’infante Isabelle, ayant recueilli un enfant qu’elle et Marie de Molina ont trouvé sur le chemin de Valladolid, dans une Castille décimée par la famine et la peste, justifie son acte en évoquant la charité de sa mère : « –Con vuestra merced aprendí, madre. ¿O es que no visitáis asiduamente a pobres y a enfermos proporcionándoles pan para el hambre y ungüentos para sus males? Los pobres os quieren y os lo han demostrado en muchas ocasiones. ¡De algo habrían de serviros las largas horas que pasáis desde la mañana hasta la hora nona oyendo las demandas de unos y otros! Son como párvulos insatisfechos permanentemente y, sin embargo, vuestra majestad no se cansa de satisfacerlos », María de Molina, p. 222.
[54] María de Molina, p. 99 : « Sancho, en vez de meditar durante el peregrinaje a Santiago, se había dejado influenciar por semejante mequetrefe ». Voir aussi p. 109.
[55] María de Molina, p. 69 : « Al igual que se postraba a los pies de Sancho, podía pegarle un puntapié en el momento más inesperado o en cuanto se encontrase desprevenido. Aquel lameculos no tenía dignidad ».
[56] María de Molina, p. 82-83 : « Miré a Sancho. Era el momento propicio para hablar con Abu-Yussuf de la tregua que queríamos pactar. Mi señor marido seguía pasmado con el movimiento de las desnudas caderas. Parecía como si aquel embrujamiento le hubiese taponado los oídos pues no se dio por aludido ante semejante comentario. Desesperada, le tiré una miga de pan, pero mi puntería falló y fue a darle al sultán que, divertido ante mi preocupación y consciente de lo que andaba sucediendo, me sonrió con una leve inclinación de cabeza ».
[57] María de Molina, p. 140-141.
[58] María de Molina, chapitre 3, p. 37-48. Dans cette description, figurent quelques imprécisions portant en particulier sur les textes juridiques et chronistiques : « El rey Sabio no se conformaba sólo con ser astrólogo. Como trovador y poeta también fue excepcional. Escribió una veintena de poemas de escarnio para satirizar a sus enemigos y muchas cantigas dedicadas en loor de Santa María y el amor. También se detuvo en menesteres de entretenimiento y escribió un gran tratado de ajedrez, dados y tablas. Juegos todos muy entretenidos a pesar de ser reminiscencias árabes. Como jurista tampoco quiso pasar inadvertido y redactó las Tablas Alfonsinas, rectificando y mejorando las Tablas Toledanas redactadas casi doscientos años antes. El Fuero Real, la Ley de Partidas y el Setenario nos guiarán para un proceder acertado en nuestras costumbres castellanas. Las Siete Partidas tampoco pasaron inadvertidas ante sus reformas. Para terminar os diré que también se decantó por la historia. Dos fueron sus libros en esta materia. El primero la Crónica de don Fernando, su santo padre, y el segundo la General y gran historia, que comprende desde la creación hasta los padres de la Virgen. Los años alimentaban sus ansias por dejar escrito todo lo que sabía. Era como si se aferrase a la vida a través del recuerdo que mantendrían los sucesores de su obra y persona », p. 40-41. Il s’agit d’un passage quelque peu artificiel, où s’accumulent une série d’informations connues ou erronées sur Alphonse X le Sage.
[59] Urraca, p. 176. La fascination pour le monde oriental est incarnée dans le roman par le personnage de Zaida, tant à travers la description de ses atours qu’à travers le souvenir de ses origines, comme dans ce passage : « […] la arrogancia de Zaida […] se debía sólo a que estaba convencida de la superioridad de la tierra que había abandonado y a la que esperaba regresar. La corte castellana le parecía zafia y atrasada y añoraba los salones de Córdoba, los baños, el calor » (p. 31). Cet attrait transparaît également dans le discours d’Urraque : « Tengo muchos proyectos y tú podrías ayudarme a realizarlos: llenaré mi corte, esa antigua corte de León, de juglares y poetas, cambiaré mis sayas de lana por vestiduras de seda y construiré jardines más floridos aún que los de la lejana Córdoba. […] haré que mis criados guisen grandes empanadas de hojaldre para festines propios de un sultán… » (p. 174).
[60] Urraca, p. 11-14.
[61] María de Molina, p. 142-143. Le roman Urraca rapporte également le récit d’un duel, p. 124-127. De même trouve-t-on dans María Molina, p. 109-112, un passage où l’on voit Marie de Molina organiser un tournoi, lors de l’entrevue d’Alfaro, au cours duquel s’affrontent d’un côté, les partisans d’une alliance avec l’Aragon et de l’autre, ceux qui souhaitent faire la paix avec la France, et qui doivent toucher avec leur lance un pantin de chiffon et de paille.
[62] Urraca, p. 64.
[63] Urraca, p. 86 : « No fueron demasiado los encuentros, pero siempre venían precedidos de un ritual que servía para calentarle y calentarme. ‘Esta vez no, no vas a hacer que cometa falta, cerda, maldita marrana, puerca, esta vez no, mientras yo abría las piernas y me reía y el rezaba en voz alta. Apártate de mí, Satanás’ » ; « Sucia. Eres sucia como todas las hembras; más sucia que ninguna, y yo, por acercarme a ti, el más repulsivo de los hombres. El más repulsivo de los hombres, pero no cuando tú crías; no cuando tu lengua me buscaba para beber en la caja de todos los horrores, como tú la llamabas; no cuando, para castigarme y castigarte al mismo tiempo, vertías sobre mí esa semilla que no iba a dar fruto. Pero sí después, cuando todo concluía y eras de nuevo el rey y yo la reina. El más cruel de los hombres, el más injusto » (p. 87).
[64] Urraca, p. 111-112 : « Con él, en la cama, nunca fueron las cosas como debieran: fueron siempre abrazos precipitados, fugitivos, con mala conciencia. El Obispo no amaba ese tipo de posesión y no porque quisiera ser poseído. […] cuando vino a mí fue siempre por inercia, porque él sabía que a su reina la relajaba y la hacía más propicia. Pero siempre sin entusiasmo, sin convicción, y su cuerpo regordete, de eunuco, se mantenía a la defensiva, porque el Obispo, sin su manto episcopal y sin su báculo, perdía la seguridad y resultaba tímido y encogido. No tenía imaginación el Obispo en la cama. Tal vez porque vivía su poca potencia como falta, y él no podía, ni quería, sentirse disminuido en ningún campo. Por eso procuraba evitar las ocasiones, y cuando se producían acudía a ellas como si se dejara hacer. Se desnudaba con cierta vergüenza y luego se aproximaba a mí para iniciar un ritual frío y lleno de pautas aprendidas, que terminaba sin demasiado estruendo y se iniciaba sin excesivas premisas ».
[65] Urraca, p. 111 (Pedro de Lara) : « Hoy quiero tu cuerpo de mujer, ese cuerpo que aprietas y escondes bajo la toga. Inclínate ; voy a derramar mi fuerza en esa boca tuya que es cáliz. Arrodíllate. Mi reina me recibe en comunión... todo para mi reina ».
[66] Urraca, p. 181.
[67] On pense, par exemple, à l’essai de Carmen MARTÍN GAITE, Usos amorosos de la posguerra española, écrit en 1987, qui dénonce sur un ton aigre-doux, tous les interdits qui pesaient sur la jeunesse espagnole. C. MARTÍN GAITE, Usos amorosos de la posguerra española, Barcelone, Editorial Anagrama, 1987.
[68] María de Molina, p. 21.
[69] María de Molina, p. 22.
[70] María de Molina, p. 24.
[71] Voir citation note 27.
[72] C. FERNÁNDEZ PRIETO, « Relaciones pasado-presente en la narrativa histórica contemporánea », p. 218.
[73] Le « couple » formé par Constance de Portugal, la femme de Ferdinand IV, et Vataza, est un autre exemple des liens unissant une reine et sa gouvernante. Il permet d’ailleurs de montrer la force de ces alliances entre femmes et d’illustrer les rapports conflictuels que put entretenir Marie de Molina avec sa belle-fille et son entourage : « Quise mirar a Constanza con la misma ternura que demostraba su madre hacia mi hija, pero no pude. Aquella niña de doce años me observaba con recelo y el ceño fruncido. Soltándose de mi mano se la dio a su dueña, doña Vatanza, que sonrió sarcásticamente para demostrarme de inmediato que sobre la niña sólo mandaba ella », María de Molina, p. 226.
[74] María de Molina, p. 14.
[75] María de Molina, p. 108. Les sources médiévales portent effectivement la trace d’une correspondance soutenue entre les deux femmes, qui étaient très liées, et qui s’employèrent à sceller et maintenir la paix entre les deux royaumes.
[76] Urraca, p. 82-83 : « ¿Ves?, son sucias y tristes historias de familia y no conviene removerlas. Urraca, envidiosa de Inés; mi madre, celosa de Urraca; mi madre aborreciendo aquella que, cual Jonás en la ballena, vino en su propio séquito para robarle a mi padre, desde la primera noche ».
[77] Urraca, p. 171 : « Elegí ser reina y no cabían Zaidas dentro de mi piel, porque yo no podría ni sabía ser Zaida sumisa, reposo del guerrero, cojín dorado donde reposar la cabeza, ya que yo, por mi parte tenía la mía que en ningún momento dejaba de funcionar » ; Urraque se définit elle-même également en contrecarrant le long portrait qu’elle a brossé de Mahaut : « No puse purpurina en mis ojos, ni coral en mi cuello, sino toscas lanas y loriga de metal en torno a mi pecho […]. Roberto, tu reina es una tramposa con buena conciencia, […] aunque no saboree melocotones, ni mantenga los labios en une sonrisa helada » (p. 129).
[78] Urraca, p. 151.
[79] Urraca, p. 23-25.
[80] Urraca, p. 73 : « ‘Un rey déspota, un rey maricón que maltrató a su mujer.’ Ésa sería, Roberto, la versión que me devolvería tu devoción, la que me interesa fomentar en mi pueblo. Yo, Urraca, golpeada, despreciada, insultada por ese caballero-cruzado que tenía debilidad por los jovencitos. Y quizá fuera así, tal vez Alfonso fue ese mal educado señor de los ejércitos que trató con aspereza a una joven viuda. Pero, aunque fuera verdad, todo eso no tuvo ninguna influencia en mi historia, o por lo menos no afectó directamente aquello que a mí y a Alfonso nos preocupaba: el Imperio ».
[81] Urraca, p. 65 : « […] a mi manera, comencé a quererle. Puede ser que ése fuera mi segundo error y puede ser que también fuera el suyo. Seguramente si Alfonso y yo, aquella primera noche, no nos hubiéramos encontrado, las cosas del Imperio habrían seguido su curso […] ».
[82] María de Molina, p. 14.
[83] María de Molina, p. 178.
[84] Urraca, p. 30-31. La scène à laquelle Urraque assiste sans être vue est cependant destinée non pas à louer l’amour maternel de Zaida, mais au contraire à présenter la mère de l’héritier du trône comme un danger. Le souvenir de cette scène intimiste appelle d’ailleurs l’évocation de ces guerriers fanatiques que sont les Almoravides et l’insistance sur la lutte qu’il revient au roi de mener contre eux.
[85] Urraca, p. 76-77.
[86] Urraca, p. 75.
[87] Urraca, p. 76.
[88] Loc. cit.
[89] C’est ce que l’on constate avec son fils, p. 177 : « Fernando continuaba asido a mi blanco sayal de viuda como un polluelo a su nido », ou son petit-fils, dans une scène particulièrement émouvante, décrivant la tristesse du jeune roi face à sa grand-mère mourante : « Con la mirada fija y los labios sellados, me rogaba que no le abandonase. Las lágrimas rodaban por sus mejillas hasta filtrarse en las comisuras de sus labios. Con mucho esfuerzo le sonreí, mientras que con el embozo de mi sábana sequé su rostro. Quería eludir como fuese la tristeza en esta despedida y lo procuré con el último hálito de vida que me quedó », María de Molina, p. 301.
[90] Comme le dit Carlos García Gual, « La narración novelesca propone una evasión al llevar al lector al pasado, pero al tiempo atrae ese pasado evocado hacia el presente, mostrando la semejanza de uno y otro » (Carlos GARCÍA GUAL, « Novelas biográficas o biografías novelescas de grandes personajes de la Antigüedad: algunos ejemplos », in J. ROMERA CASTILLO, F. GUTIÉRREZ CARBAJO et M. GARCÍA-PAGE (éd.), La novela histórica a finales del siglo XX, Madrid, Visor, 1996, p. 55-62, p. 61.
[91] María de Molina, p. 84.
[92] On remarquera d’ailleurs que dans l’autre passage où Marie de Molina s’illustre en tant qu’éducatrice, ce n’est pas le même type d’enseignement qu’elle transmet à son fils. En effet, à travers une scène destinée à souligner l’importance pour la royauté, au Moyen Âge, de l’écriture de l’histoire, Almudena de Arteaga montre la reine réprimandant son fils qui s’est distingué au tir à l’arbalète en lui disant qu’il est tout aussi important qu’il étudie : « –Sois libre de pensar como queráis, pero os equivocáis de lleno. Para ser un buen estratega hay que conocer la historia y saber en qué se equivocaron los que nos precedieron. Así se ataja el camino en los lances. Os puedo asegurar que, desde que don Pelayo comenzó la reconquista de las tierras godas, se han librado mil batallas. De entre estas mil, siempre se puede encontrar alguna parecida a la que nos toca enfrentar que nos oriente sobre la estrategia más indicada en contra del moro usurpador. Todos debemos conocer nuestra historia. Nosotros, los reyes hispano-góticos, tenemos la obligación de honrar a nuestros antecesores », p. 194. Dans ce passage se mêlent deux motifs traditionnels, celui de l’histoire comme école de vie et celui du néowisigothisme, qui révèlent la façon dont l’autrice combine les éléments pour donner une coloration historique à son récit.
[93] Cf. Henrique FLÓREZ, Memorias de las reynas catholicas: historia genealógica de la casa real de Castilla y de León, 2 t., Madrid, Marin, 1790, 2, p. 604 : « Digna de que la intitulemos muger fuerte, probada y acrisolada en tres Reynados, cada uno a qual mas lleno de turbulencias, golfos de tempestades continuas, bageles agitados de borrascas, pero libres del naufragio por el brazo de una muger, aplicado no al timon solamente, sino al remo: luchando no menos contra las olas de los enemigos, que contra la infidelidad de sus aliados: intitulada muger, para que resalte el acero de un pecho varonil [...] ».
[94] María de Molina, p. 180.
[95] Voir l’article de El País, 21 juin 1998, https://elpais.com/diario/1998/06/21/cultura/898380005_850215.html.
[96] Interview de ¡A los libros!, 1er juillet 2013, http://aloslibros.com/almudena-de-arteaga-creo-que-los-escritores-tambien-nos-debemos-a-las-demandas-de-nuestros-lectores/.
[97] Voir par exemple le texte cité en note 4.
[98] Entrevue avec Rosa María Pereda, « Dos novelistas españolas se enfrentan a la historia de doña Urraca y al mito de Narciso », El País, le 17 juin 1982, https://elpais.com/diario/1982/06/17/cultura/393112810_850215.html.
Résumé
À partir de la comparaison de deux biographies romancées consacrées à deux reines médiévales et composées à des moments différents de l’histoire de l’Espagne, l’une au terme de la Transition démocratique et l’autre, au début du XXIe siècle, cet article met au jour deux projets d’écriture différents mais aussi des procédés et des éléments communs propres au genre du roman historique. L’étude révèle ainsi certaines des spécificités du « roman de personnage » et plus particulièrement, de la biographie romancée au féminin, destinée à valoriser l’image et l’action des femmes à travers de grandes figures du passé.
Resumen
Partiendo de la comparación de dos biografías noveladas dedicadas a dos reinas medievales y compuestas en momentos distintos de la historia de España, una a finales de la Transición española, otra a principios del siglo XXI, este artículo evidencia dos proyectos de escritura distintos pero también unos procedimientos y elementos comunes, propios del género de la novela histórica. De hecho, el estudio revela algunas de las especificidades de la “novela de personaje” y en particular, de la biografía novelada en femenino, cuyo objetivo es valorar la imagen y la actuación de las mujeres a través de unas grandes figuras del pasado.
Patricia ROCHWERT-ZUILI
Univ. Artois, UR 4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras, France
Hélène THIEULIN-PARDO
Sorbonne Université, EA 4083, CLEA
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