Au fond les livres sont des accidents ;
les lettres des événements : d’où leur souveraineté
Emil Cioran1
Selon Alain Boureau, « la norme épistolaire est une invention médiévale »2. C’est en effet à la fin du XIIe siècle qu’apparaissent les premiers manuels d’ars dictaminis où sont définies les différentes parties de la lettre, qui sont au nombre de cinq : la salutatio, où s’établit le premier contact entre le destinateur et le destinataire, l’exordium, au sein duquel l’auteur de la lettre attire l’attention de son correspondant sur l’objet de son écrit, la narratio, c’est-à-dire le propos même de la lettre, la petitio ou « demande » et la conclusio. Véritable dialogue inter absentes, la lettre, qu’elle soit d’ordre public ou privé, nous renseigne sur la nature de l’information échangée et ses modalités de transmission. Miroir de l’âme, elle apporte aussi de précieuses informations sur les intentions de celui qui écrit et sur les liens qu’il entretient avec son destinataire. Au croisement de l’histoire et de la littérature, la lettre offre donc un terrain d’expérimentation privilégié pour la recherche pluridisciplinaire.
L’intérêt pour l’étude de la correspondance s’est du reste développé au cours des dernières années et plusieurs projets ont vu le jour. On citera, par exemple, deux programmes de recherche français menés par des historiens, spécialistes de la période médiévale. Dirigé par Thomas Deswarte et Klaus Herbers, le premier, appelé Epistola [« La lettre dans la péninsule Ibérique et dans l’Occident latin (IVe-XIe siècles) »] est un programme ANR dédié au genre épistolaire et en particulier à la correspondance pontificale3. Le second, coordonné par Bruno Dumézil et Laurent Vissière, porte sur l’épistolaire politique4. Par ailleurs, aux États Unis, un autre projet de recherche est actuellement mené par Joan Ferrante, Professeur émérite de l’Université de Columbia5 ; il est destiné à la constitution d’une base de données où sont éditées et traduites en anglais des lettres en latin adressées à des femmes ou écrites par elles entre le IVe et le XIIIe siècle. Enfin, certains travaux sont consacrés à des types particuliers de lettres, telles que les lettres d’amour6 ou les lettres insérées dans des textes littéraires7.
On le voit, la lettre suscite de plus en plus l’intérêt des chercheurs. Certains d’entre eux ont même évoqué une « révolution épistolaire », qu’ils situent au XIIIe siècle, et ont pu démontrer que l’on assiste à une véritable « explosion » de la communication dans la seconde moitié du XVe siècle. Toutefois, bien que la part de la correspondance féminine dans cette évolution ne soit pas négligeable, elle est à ce jour encore peu exploitée.
S’il est vrai que le modèle « littéraire » d’une femme en train d’écrire des lettres s’est consolidé au cours du Moyen Âge – songeons par exemple à Héloïse et aux héroïnes des romans sentimentaux, aux héroïnes de Fiammetta de Boccace, de l’Historia de duobus amantibus de Enea Silvio Piccolomini (Lucrèce), de la Cárcel de amor de Diego de San Pedro (Laureola), ainsi qu’aux religieuses comme Catherine de Sienne, pour ne citer que les plus célèbres –, modèle qu’on a du reste beaucoup étudié, on a longtemps négligé la place occupée par la correspondance des femmes sur le terrain politique ou diplomatique, quand on n’a pas ignoré les échanges épistolaires à caractère – strictement, pourrait-on dire – privé. On s’est plutôt intéressé à l’art épistolaire en tant que tel8 et à la conformité de la correspondance avec les codes épistolaires.
Depuis quelques années, cependant, on voit se développer dans divers pays européens une approche critique de la correspondance féminine. Ces travaux ont pour ambition d’extraire de l’oubli dans lequel on les a tenues les lettres rédigées et reçues par les femmes, en particulier à partir des derniers siècles du Moyen Âge. En France, en Italie, en Angleterre et en péninsule Ibérique, on s’emploie désormais à recenser les témoignages d’échanges épistolaires féminins, on collecte les écrits des reines et des princesses, des abbesses et des religieuses, des nobles et mêmes de certaines enfants ou très jeunes filles9, on transcrit et on édite ces lettres afin d’en étudier le contenu. Ainsi s’est dessiné un vaste champ de recherche qui a permis d’ouvrir de nouvelles voies et de mesurer l’ampleur de la tâche restant à accomplir, mais aussi l’intérêt des découvertes auxquelles elle peut aboutir.
Le propos de ce travail est donc de présenter, d’une part, un bref état des lieux de la recherche actuelle sur la correspondance des femmes dans l’Europe médiévale afin de dresser une typologie des thèmes, des auteures ou épistolières, et des destinataires de ces lettres. Il s’agit, d’autre part, à travers un échantillon de lettres conservées aux Archives de la Couronne d’Aragon parmi les documents de la chancellerie royale, de rendre compte des fonctions et des spécificités de ce type d’écrit dans la péninsule Ibérique au XIVe siècle.
Quelles sont les femmes qui écrivent, à qui et à quel sujet ? En quoi les thématiques abordées nous informent-elles du rôle que ces femmes ont pu jouer dans la société médiévale ? Peut-on déceler, dans ces écrits, les éléments révélateurs d’un registre typiquement féminin ? Autant de questions auxquelles nous tenterons d’apporter ici quelques réponses.
Si l’on peut tenter d’établir, à partir des travaux qui ont été réalisés jusqu’à présent, une typologie de la correspondance des femmes, et ce, malgré une grande variété de contenus, quelques remarques préalables s’avèrent néanmoins nécessaires.
En effet, cette typologie est délicate à mettre en œuvre et ne peut être que partielle pour de nombreuses raisons. La première d’entre elles est l’état de conservation dans lequel nous sont parvenus les documents et l’absence d’édition exhaustive du corpus des lettres de femmes. La deuxième raison est qu’il existe un large éventail de lettres – « lettres secrètes », « lettres closes », « missives », etc., certaines pouvant être du reste autographes10, et d’autres étant au contraire « dictées » –, et qu’il n’est pas toujours aisé d’en établir une classification précise. Par ailleurs, on ne peut oublier que la lettre peut aussi faire l’objet d’une rédaction collective ou être adressée à des destinataires multiples, et que la composition des lettres officielles est le plus souvent aux mains de professionnels de l’écriture – les secrétaires (« escribanos »). En outre, la frontière entre la correspondance publique – celle qui relève de la sphère administrative et politique – et la correspondance privée – échangée entre individus au sein d’une famille ou d’un groupe – peut être bien ténue, même dans le cas des lettres royales. Du reste, les litterae de statu, qui précisent l’état de santé du prince et/ou des membres de la famille au pouvoir et demandent des nouvelles du même genre aux destinataires, sont extrêmement codifiées et transmettent aussi parfois des informations relevant des affaires de la couronne11. Enfin, les conditions de conservation des documents peuvent varier grandement selon leur nature : les lettres royales – et c’est aussi le cas bien entendu pour la correspondance pontificale – sont généralement conservées au sein des chancelleries12, les lettres des membres du clergé ont pu être archivées dans les monastères, alors que la correspondance familiale a pu se perdre au gré des aléas de l’histoire, celle des règnes et celle des familles elles-mêmes.
Pour ce qui concerne la période médiévale, il est à l’évidence plus aisé d’appréhender la correspondance des femmes ayant été, d’une façon ou d’une autre, associées à l’exercice du pouvoir dans l’entourage des monarques et des princes, ou ayant exercé directement le pouvoir royal en l’absence d’héritier mâle, que la correspondance d’ordre privé. Outre des lettres de reines, on conserve, par exemple, 255 lettres de la duchesse de Bourgogne, Isabelle de Portugal, lettres qui témoignent du pouvoir et de l’influence que cette duchesse a pu exercer en l’absence – et par délégation – de son époux Philippe le Bon13. Même si, comme le fait remarquer Isabella Lazzarini dans une étude consacrée aux élites italiennes, la communication par voie épistolaire est devenue dans les derniers siècles du Moyen Âge « l’un des principaux canaux de communication entre les personnes et les groupes »14 et si l’on connaît la correspondance de quelques femmes de la noblesse du quattrocento15, même si plusieurs chercheurs se sont employés à dépouiller et analyser la correspondance de certaines dames de la noblesse catalane et valencienne des derniers siècles du Moyen Âge16, l’on doit reconnaître qu’il est moins facile, faute de témoignages et en raison de la mauvaise conservation des documents privés, d’en connaître l’ampleur et la teneur17. On ne dispose en fait à ce jour d’aucune étude d’ensemble. Quelques travaux ponctuels ont cependant d’ores et déjà porté leurs fruits : la correspondance d’Isabelle de Portugal est publiée18, comme l’est une partie des « milliers » de lettres rédigées par Yolande de Bar, qui fut duchesse et reine dans la première moitié du XVe siècle19. Les études sur la reine d’Aragon Marie de Castille, épouse d’Alphonse V, intègrent beaucoup de données extraites de sa correspondance. Ces « collections » permettent notamment de voir émerger des thèmes récurrents et les domaines dans lesquels interviennent ces femmes ; mais force est de reconnaître que notre vision de la correspondance féminine – et des échanges épistolaires entre femmes – est encore incomplète, et inégal l’état des lieux que l’on peut dresser selon les territoires et les époques.
Il est cependant possible de tracer les contours de la pratique épistolaire des femmes au cours du Moyen Âge, et de déterminer les principaux contenus de cette correspondance. Les lettres offrent une grande quantité de données factuelles et quantifiables sur la place qu’ont tenue, dans le champ politique, social et culturel, les femmes médiévales.
La correspondance des reines et des princesses fait en effet état d’une importante activité politique et diplomatique, et même d’une intervention dans la conduite des guerres, domaine supposé être plus spécifiquement masculin. La lettre est au cœur de l’espace politique médiéval, et c’est du reste le terrain d’enquête privilégié par la plupart des chercheurs au cours des dernières années, en raison de l’abondance de sources disponibles20, même si l’on peut souligner que les études consacrées à la péninsule Ibérique ne sont pas très nombreuses. À une époque où les distances entre royaumes constituent un obstacle et où les déplacements peuvent être difficiles, voire périlleux, les lettres représentent un outil essentiel d’information et d’action politique. Par les écrits, par les messagers qui les acheminent ou les ambassades qui les accompagnent, les souverains et les princes rapportent à leurs correspondants des événements militaires et diplomatiques, établissent ou entretiennent des contacts, sollicitent ou récusent des alliances, intercèdent en faveur de leurs proches et négocient des traités de paix. Les lettres sont donc de véritables outils de gouvernement, en temps de guerre comme en temps de paix. Les rares travaux réalisés jusqu’à présent sur la correspondance des femmes de la royauté – et nos premières recherches sur celle de Marie de Molina que nous exposerons plus loin – confirment ces éléments. Les reines, tout comme les rois, gouvernent et administrent par voie épistolaire21.
Il apparaît, grâce à de très récentes études, que l’action politique des reines et des princesses est particulièrement visible, d’une part, dans la résolution des conflits et les négociations de paix22 et, d’autre part, dans la maîtrise des stratégies matrimoniales destinées à la préservation et à l’affirmation dynastiques23, et ce tout au long du Moyen Âge24. Les femmes, de par les liens qu’elles conservent avec leur lignage d’origine, peuvent jouer en effet un rôle central dans les rapports de pouvoir entre deux puissances ou deux familles25. Les études soulignent que les sources historiographiques – notamment – attribuent aux femmes une discrétion et une bienveillance propres à leur sexe, voire une certaine compassion et une grande générosité26, ce qui n’efface pas les marques de fermeté dans les négociations qu’elles mènent27. Observant le cas de Marie de Castille, la chercheuse Nuria Jornet i Benito avance même l’idée d’une « différence féminine »28. Certaines de ces caractéristiques liées à la féminité peuvent aussi apparaître dans la correspondance des femmes désireuses de pacifier les relations entre les membres de la famille royale29 ou les divers royaumes. La documentation démontre que les femmes interviennent également dans la gestion de conflits entre le pouvoir royal et les villes30 et dans le règlement de certains différends entre communautés religieuses ou entre particuliers, dont les causes peuvent être très diverses – distribution de l’eau, désaccord sur la propriété, discorde, mésentente conjugale, mauvais traitement, emprisonnement considéré comme injuste, etc31.
Comme c’est le cas pour les hommes, la lettre représente aussi pour les femmes de pouvoir un élément décisif de gestion, d’administration de leurs domaines et de leur patrimoine. La correspondance de la duchesse de Bourgogne nous en offre un magnifique exemple32 : elle couvre le champ financier et judiciaire et contient des lettres de recommandation, de créance, des convocations et des mandements, ainsi que des ordres de mission. Les destinataires en sont notamment de grands officiers, mais aussi des villes, et des établissements religieux. Monique Sommé, qui a édité et analysé la collection de lettres d’Isabelle de Portugal, précise également que les lettres et missives sont souvent accompagnées de documents – copies de lettres, enquêtes, et extraits de comptes – et que leurs porteurs sont parfois chargés de transmettre oralement des informations complémentaires33.
Dans le registre administratif et financier, la correspondance fournit donc de très précieuses informations aux chercheurs. On retiendra ici le cas particulièrement intéressant du corpus de lettres de Marie de Castille, qui a permis de connaître avec une grande précision le fonctionnement de la maison d’une reine. Les lettres concernent les difficultés financières rencontrées par la reine, le recrutement du personnel à son service – notamment comment étaient choisies les petites filles, destinées à faire partie de sa maison –, la répartition des tâches, et autres détails de cet ordre34. María Narbona Cárceles, qui a étudié cette correspondance, souligne l’intérêt que présentent les informations relatives aux « privadas » et « validas » (les « favorites ») qui exercent une véritable influence sur la reine et dont les activités ne sont évoquées dans aucune source normative35.
S’il est difficile de déceler, dans la correspondance d’ordre administratif et gestionnaire, des traits d’écriture typiquement féminins, on constate néanmoins, dans les lettres rédigées par des femmes, qu’une attention particulière est portée à l’entourage, et en particulier à la situation financière, familiale, ou au bien-être des dames et des domestiques de la maison. La principale préoccupation de la reine Marie de Castille est d’obtenir un bon mariage pour ses dames, et ce en dehors de toute stratégie politique36 ; le souci pour leur santé, leur grossesse et leurs enfants, après qu’elles ont quitté la maison de la reine, le démontre amplement.
Ces préoccupations, il est vrai, se situent à la frontière de la sphère publique et de la sphère privée. Elles relèvent en outre d’une thématique attendue dans des lettres de femmes : des informations concernant la famille et les proches, la santé des uns et des autres, les grossesses, l’éducation des enfants, mais aussi tout un savoir d’ordre pratique comme l’échange de recettes ou de remèdes, la transmission de connaissances en matière d’alimentation ou de cosmétiques, voire les soins à apporter aux nouveaux nés, y compris le choix d’une bonne nourrice37. Tous ces sujets, on le voit, concernent la vie quotidienne. Les recherches menées par María Narbona Cárceles ont montré par exemple que la reine Marie de Castille, qui dictait une grande partie de sa correspondance, prenait elle-même la plume lorsqu’elle sollicitait auprès de l’une de ses tantes des conseils sur des questions relatives à l’enfantement38. De même la documentation de Sança Ximenis de Foix y de Cabrera (c. 1397-1474), épouse du vicomte de Béarn, nous informe t-elle sur les tâches accomplies par une femme de la noblesse dans la première moitié du XVe siècle, sur ses dépenses, ses connaissances – les voiles et le filage notamment, ou encore la teinture des toiles fines39.
Parmi les sujets abordés par les femmes dans leur correspondance, le souci de la santé des enfants et l’intérêt pour leurs apprentissages occupent aussi une place de choix. Certaines recherches, portant sur la correspondance en Italie dans la seconde moitié du XVe siècle, ont permis de révéler l’existence de lettres d’enfants ou d’adolescentes faisant état, par exemple, des progrès de ces dernières dans les études, et en particulier de leur maîtrise du latin, ou commentant les activités, telle que la chasse, auxquelles s’adonnaient certains de leurs proches40. De ces lettres familiales se dégage donc un registre que l’on peut qualifier de « féminin », lié à la vie quotidienne. Sans doute le ton est-il conforme au contenu, familier et affectueux41. Il est cependant hasardeux de l’affirmer en l’absence d’études plus complètes. On peut en revanche relever que ces échanges permettent également de sonder les relations entre individus, au sein des structures familiales, ou au sein de groupes plus élargis, car la correspondance des femmes dans le domaine privé ne se réduit pas à des questions domestiques ou intimes42.
Les études réalisées jusqu’à présent ont en effet démontré que les femmes échangent aussi des lettres sur des sujets culturels, au sens large, faisant parfois état de véritables débats d’ordre « intellectuel ». Pour la Catalogne, par exemple, on conserve des lettres portant sur certains mouvements spirituels ou sur les arts43. En Aragon, l’étendue de la culture de la reine Yolande de Bar transparaît dans sa correspondance – mécénat en peinture, sculpture, lettres et musique –, une culture qui s’épanouit au contact de traducteurs et copistes tournés vers l’humanisme – tels Bernat Metge – et d’autres élites culturelles44.
Enfin, les femmes adressent aussi des propos très personnels à leur confesseur, et ces lettres méritent l’attention des chercheurs. On conserve notamment certaines des lettres qu’Isabelle la Catholique envoya à Hernando de Talavera, et qui ne portent pas exclusivement sur des sujets spirituels. L’une d’elles aborde du reste des sujets aussi variés que les danses, les parures, ou encore la « fiesta de los toros » – qu’Isabelle désapprouve –, et qui donnent nombre d’indices sur les mentalités de la reine et de son entourage45.
Au-delà du réservoir d’informations que constitue le contenu de la correspondance des femmes, le corpus épistolaire réuni par les chercheurs fournit par conséquent des données « indirectes » qui permettent de mesurer les modalités mêmes des échanges et l’utilisation qui peut en être faite. De l’étude des lettres de femmes se dégage l’existence de réseaux d’influence : pour résoudre certaines difficultés auxquelles elles sont confrontées, ou répondre à certaines situations, les femmes peuvent s’appuyer sur d’autres femmes, solliciter leurs conseils et leur soutien. Pendant les premières années de son règne, Marie de Castille correspondait fréquemment avec la reine Catherine de Lancastre, sa mère, régente du royaume de Castille, afin d’intercéder en faveur d’un certain nombre de personnes qui s’adressaient à elle pour obtenir des faveurs, dans une sorte de « chaîne de médiations »46. La correspondance peut donc être envisagée non seulement comme un mode de communication de cour, mais aussi comme une véritable pratique de pouvoir. C’est l’usage qu’en fait Yolande de Bar, qui « instrumentalise la lettre comme principe de gouvernement et technique d’action culturelle », selon les termes employés par Claire Ponsich47. Outre le réseau de femmes cultivées qui forment son entourage, et qui lui permet d’asseoir son influence et son pouvoir, Yolande de Bar correspond avec les puissants de l’ensemble de la péninsule et d’une partie de l’Europe48.
C’est précisément sur cette correspondance qu’entretiennent les femmes avec ceux qui gravitent dans les sphères du pouvoir que nous avons choisi de revenir dans le cadre de ce travail. Pour ce faire, nous sommes allées puiser dans les fonds des Archives de la Couronne d’Aragon où sont conservées de nombreuses lettres de femmes.
Nous nous sommes intéressées en particulier aux documents de la chancellerie royale produits sous le règne de Jacques II, second fils de Pierre III d’Aragon et de Constance de Hohenstaufen, qui succèda à son frère Alphonse III et régna sur l’Aragon de 1291 à 1327, après avoir été roi de Sicile de 1285 à 129149. Notre propos initial était de retrouver les lettres que la reine de Castille Marie de Molina avaient adressées au roi d’Aragon au cours des vingt premières années du XIVe siècle. Or, pour la période que nous avons observée, nous avons découvert près de 175 lettres de femmes. Provenant de certains membres féminins de la famille royale, de quelques reines ou infantes des royaumes voisins, ou de nobles dames, la majeure partie d’entre elles ont trait à des sujets politiques, juridiques, administratifs, diplomatiques ou encore militaires ou religieux, mais certaines, moins nombreuses, relèvent de sujets plus personnels. Avant d’aborder la correspondance de Marie de Molina, nous reviendrons donc d’abord sur l’ensemble de ces écrits afin de donner un aperçu des divers types de lettres que l’on peut trouver au sein de la chancellerie royale en Aragon au XIVe siècle et de distinguer quelques figures féminines.
Le premier type de document que l’on peut évoquer est celui qui a pour fonction de transmettre une décision ou un ordre émanant de la reine : la lettre patente. La plupart de ces documents sont émis par Blanche d’Anjou, deuxième épouse de Jacques II, et révèlent les différents domaines dans lesquels la reine pouvait intervenir : administratif, financier, juridique et religieux. Par exemple, au cours de l’année 1300, Blanche dispense une lettre de franchise à la ville de Cullera50, attribue des terres situées à Lorca(r) au barbier du monarque51 et envoie une lettre à la communauté juive de Barcelone afin que soit attribuée une pension annuelle au médecin Bernardo Marí52. Par ailleurs, le 20 mai 1303, la reine charge le procureur du royaume de Valence, Bertrán de Canelles, de régler un procès portant sur un lieu appelé Alcubeas de los Pedroses entre la ville de Liria et don Jaime de Jérica53. On remarque aussi que le 16 janvier 1308, la reine accorde sa grâce à une Maure54. Enfin, le rôle spirituel de Blanche d’Anjou s’exerce notamment à travers la protection royale de monastères, tel que celui de San Pablo de la Maresma, comme le prouve une lettre datée du 5 décembre 130455.
À cette première catégorie de lettres s’ajoutent celles qui sont porteuses d’un message ou d’une requête adressés au roi ou à la reine, voire parfois à l’un et à l’autre, au moyen de deux lettres. En effet, si l’on distingue de nombreuses lettres de créance, c’est-à-dire, des lettres accréditant simplement les messagers ou ambassadeurs auprès des monarques, les missives contenant une demande précise formulée par écrit ne manquent pas.
Plusieurs d’entre elles proviennent de Guillerma de Montcada, fille de Gaston VII, vicomte de Béarn et seigneur de Montcada y Castellvell, qui avait été promise à Sanche IV de Castille en 1270 et qui, après avoir été rejetée par ce dernier, avait finalement épousé l’infant Pierre d’Aragon, un des frères de Jacques II. En effet, cette noble dame qui avait, dit-on, la réputation d’avoir mauvais caractère56, adresse bon nombre de lettres au roi, en particulier après le décès de son époux, pour réclamer, par exemple, les biens de son fils en Aragon57 ou pour revendiquer ses propres droits sur certaines terres58. De même trouve-t-on plusieurs lettres où Guillerma sollicite l’intervention de Jacques II pour régler les différends qui l’opposent de façon récurrente à l’évêque de Vich59, ou pour trouver une solution au conflit qui l’oppose à Ramón Foch, vicomte de Cardona60.
À partir de 1303, Constance de Portugal, nièce de Jacques II et reine consort de Castille par son mariage avec Ferdinand IV suite au traité de paix d’Alcañices conclu en 1297 entre la Castille et le Portugal, entretient, elle aussi, une riche correspondance avec l’Aragon. Ainsi par exemple, le premier document que nous avons trouvé traite-t-il des affaires de la Castille, et en particulier, des négociations de paix avec l’Aragon61 alors que le deuxième, envoyé l’année suivante, est-il davantage destiné à saluer le roi et à s’enquérir de sa santé62. Par ailleurs, la correspondance de Constance montre comment les femmes assurent le relai de l’information entre les royaumes. En effet, le 12 janvier 1307, Constance envoie à la reine Blanche, une missive porteuse d’un message de sa part et de celle de sa mère, la reine Isabelle de Portugal63. En outre, plusieurs lettres de Constance font appel à la justice royale, telles que celles que Constance adresse à la fois au roi et à la reine en mars 1307, par l’intermédiaire de son messager Jimeno Pérez de Oblit, pour demander la libération de Gonzalo Martínez, son ambassadeur64. De même exige-t-elle, en mars 1309, que soit assurée la défense de son majordome Ruy Pérez de Atienza65.
La mère de Constance, Isabelle, sœur de Jacques II et
épouse du roi Denis de Portugal66,
entretient également une correspondance soutenue avec l’Aragon, qui révèle en
particulier son action en faveur de la paix entre les royaumes. Quelques-unes
de ses lettres portent en effet sur des entrevues entre les rois de Castille et
d’Aragon67.
On voit aussi comment la reine appuie la demande de sa fille Constance
concernant la défense de son majordome Ruy Pérez de Atienza68,
ce qui confirme la façon dont s’établissent, à travers la correspondance des
femmes, de véritables réseaux d’influence. D’autres lettres touchent à des
questions d’ordre pratique, telle que celle où Isabelle évoque le voyage de Yolande,
l’une des filles de Jacques II, au Portugal69.
Quelques lettres émanent de femmes vivant retirées dans des monastères, ou de dames formant l’entourage des femmes de pouvoir et vouées à leur service. À titre d’exemple, on citera, pour le premier cas, la missive que Blanche, la fille du roi Alphonse X le Sage retirée au monastère de las Huelgas de Burgos, envoie au roi d’Aragon le 1er août 1305 pour l’entretenir des questions à traiter lors de sa prochaine visite au pape70 ainsi que les deux lettres qu’adresse une abbesse du monastère de Vallbona le 5 septembre 1307, l’une au roi et l’autre à la reine, en la suppliant d’intervenir auprès de son époux, afin que soit règlé un différend lié à la gestion de l’eau71. Quant au second cas, on mentionnera la lettre envoyée au roi le 18 avril 1307 par une certaine doña Vataza, chambrière de Constance de Portugal, pour appuyer l’ambassade du messager de la reine, Jimeno Pérez de Oblit72. De même Vataza confirme-t-elle la légitimité des courriers envoyés par la reine pour la libération de son ambassadeur73. Ces lettres, portant sur le même sujet et envoyées toutes deux de Valladolid, proviennent de la petite cousine de Jacques II d’Aragon qui fut chargée d’accompagner Isabelle au Portugal quand elle épousa le roi Denis et qui fut aussi la gouvernante et la chambrière de Constance en Castille. Elles mettent une fois encore en lumière la façon dont les femmes sont chargées de veiller, dans l’ombre, sur les membres de la famille royale et de contribuer au maintien de la communication et de la paix entre les royaumes74.
On trouve, par ailleurs, des écrits à caractère informatif ayant trait en particulier aux affaires politiques extérieures. On soulignera par exemple le rôle d’informatrice joué par Constance de Portugal pendant la campagne militaire que menèrent conjointement la Castille et l’Aragon en Andalousie à partir de 1309. En effet, depuis Tarifa, où elle a accompagné Ferdinand IV, elle écrit au roi d’Aragon qu’elle a reçu des nouvelles de sa santé et de la guerre qu’il mène contre les Maures et lui livre des renseignements sur la conquête de Gibraltar menée par son époux75.
De même, l’épouse de l’infant Alphonse d’Aragon, Thérèse, envoie-t-elle une lettre à son beau-père pour décrire dans le détail la bataille de Caller dont Alphonse est sorti victorieux76.
On prendra enfin aussi l’exemple d’une lettre datée du 29 juin 1314, où Isabelle, fille de Jacques II, mariée à Frédéric le Bel de Hasbourg qui prétendit au titre d’Empereur Romain germanique de 1314 à 1322, rapporte à son père comment elle a été reçue en Autriche en disant combien elle aime l’endroit et en manifestant sa confiance quant à l’élection de Frédéric – qui ne sera finalement pas élu –, puisqu’il a déjà obtenu, précise-t-elle, 4 votes en sa faveur77.
Cet exemple où l’infante Isabelle fait part de ses impressions en découvrant l’Autriche nous amène à évoquer un dernier type de missives : celles qui ont un caractère plus « personnel » et qui proviennent notamment des filles du roi ayant épousé des gouvernants ou des Grands de royaumes voisins. Dans la plupart de ces écrits – des litterae de statu – les thèmes abordés sont presque exclusivement la santé et le bien-être de la famille royale.
Tel est l’objet d’une lettre de Constance, l’une des filles de Jacques II mariée à don Juan Manuel, où elle écrit à son père qu’elle a été malade mais qu’elle se porte mieux, et lui demande des nouvelles de sa santé et de celle des infants78.
Si la santé occupe aussi une grande place dans les lettres que Marie, autre fille de Jacques II et épouse de l’infant Pierre de Castille, envoie à son père79, on remarque en outre qu’elle ne manque pas de lui donner des détails sur sa vie et ses déplacements, comme dans cette lettre datée du 20 février 1316, où elle évoque le voyage qu’elle a fait avec son époux à la frontière du royaume80.
Lettres patentes, lettres de demande ou de créance, lettres informatives et lettres d’état, tels sont donc, dans les grandes lignes, les différents types de lettres de femmes conservées parmi les documents de la chancellerie royale aux Archives de la Couronne d’Aragon pour le règne de Jacques II. La plupart d’entre elles révèlent l’influence de certaines de ces femmes et montrent comment elles intervinrent, au même titre que les hommes, dans divers domaines. De fait, rares sont les écrits qui présentent les signes d’une action ou d’une conscience typiquement féminines. On distingue, tout au plus, certains thèmes privilégiés, mais on découvre surtout de puissants réseaux de femmes destinés à relayer l’information et à assurer la paix entre les royaumes. Or, si nous avons entrevu ici, à travers quelques lettres, l’action pacificatrice menée notamment par la reine Isabelle de Portugal, il convient de s’attarder à présent sur une autre femme de pouvoir qui joua un rôle déterminant en la matière : la reine Marie de Molina81, qui régna en Castille aux côtés de son époux, le roi Sanche IV, de 1284 à 1295, puis fut régente sous le règne de son fils Ferdinand IV (1295-1312) et sous celui de son petit-fils Alphonse XI (1312-1350)82.
C’est dans une période troublée par des luttes constantes entre la royauté et les Grands du royaume de Castille, soutenus dans leur rébellion par plusieurs royaumes voisins, que s’inscrit la correspondance entre Marie de Molina et Jacques II83. La légitimité de Sanche IV qui, bien que promis à Guillerma de Montcada, avait épousé la cousine germaine de son père et s’était emparé du pouvoir, privant son neveu Alphonse de la Cerda de ses droits sur la couronne de Castille, était en effet contestée à plus d’un titre. Ainsi Sanche et Marie de Molina devaient-ils non seulement obtenir de la papauté la bulle légitimant leur union, mais rallier aussi à leur cause la noblesse rebelle et établir la paix avec les autres royaumes. Après avoir œuvré en faveur de la paix avec la France, grâce à laquelle elle était susceptible d’obtenir la bulle papale, Marie de Molina tenta un premier rapprochement avec l’Aragon. Selon les accords conclus entre les deux royaumes à l’automne 1291, Jacques II devait épouser l’infante Isabelle de Castille. Or, celui-ci mena dans l’ombre, dès l’année 1293, des tractations secrètes avec Charles d’Anjou qui le conduisirent à épouser Blanche et à répudier l’infante de Castille. Quelque temps plus tard – en janvier 1296 –, le roi d’Aragon déclara la guerre à la Castille et continua de défendre la cause d’Alphonse de la Cerda et de ceux qui, après la mort de Sanche IV, contestèrent le pouvoir de Ferdinand IV, son fils. Ce n’est qu’en août 1304 que la paix fut scellée entre la Castille et l’Aragon. Trois lettres de créance, envoyées quelques mois auparavant à Jacques II depuis Burgos, témoignent des tractations menées par la reine84. Une quatrième lettre, envoyée de Valladolid et datée du 13 septembre 1304 est destinée à la mise en application du traité et notamment, à la restitution de terres appartenant à la seigneurie de Molina85. Malgré la guerre qu’a menée Jacques II jusque-là contre la Castille et l’affront qu’il a imposé au couple royal en répudiant l’infante Isabelle, Marie de Molina doit désormais composer avec lui. Les lettres qu’elle lui adresse s’ouvrent toutes sur la formule de salutation conventionelle suivante :
Au très grand et très noble roi Jacques, par la grâce de Dieu roi d’Aragon – suit l’énumération des autres royaumes et comtés sur lesquels il règne – porte-enseigne, amiral et capitaine de la Sainte Église de Rome, que moi, Marie, par la grâce de Dieu reine de Castille, de León et seigneure de Molina, je salue en tant que roi en qui j’ai grande confiance et pour qui je souhaite honneur, vie et santé autant qu’à moi-même86.
Dès lors, les lettres se succèdent. On notera qu’aucune n’est autographe, les missives ayant été rédigées par un officier subalterne sous le contrôle du secrétaire de la reine, un certain Benito87, comme on peut le voir à la fin de la plupart des documents88.
Plusieurs de ces écrits sollicitent l’intervention du roi d’Aragon pour la reconnaissance de droits sur des terres de la seigneurie de Molina ou situées, notamment, autour d’Orihuela. C’est le cas de quatre documents produits au cours de l’année 130589. Parmi ceux-ci figure une lettre envoyée non pas au roi mais à la reine Blanche, où l’on entrevoit les moyens déployés par Marie de Molina pour parvenir à ses fins. Considérons d’abord la salutation à travers laquelle Marie de Molina s’adresse à Blanche d’égale à égale :
À la très grande et très noble et très honorable Blanche, par la grâce de Dieu reine d’Aragon, que moi, Marie, par cette même grâce reine de Castille et de León et seigneure de Molina, je salue en tant que reine que je considère comme ma fille, que j’aime beaucoup, en qui j’ai grande confiance et pour qui je souhaite honneur, vie et santé autant qu’à moi-même90.
Dans cette lettre, on voit comment la reine sollicite l’intervention de Blanche auprès de son époux, faisant d’elle une alliée chargée d’œuvrer dans l’ombre. En effet, si l’objet de la lettre n’est pas révélé, ce qui caractérise d’ailleurs l’ensemble de la correspondance entre Marie de Molina et l’Aragon, en revanche, la demande de soutien est très explicite :
[…] je vous fais savoir que j’ai vu votre lettre de créance que m’a apportée le sacristain de Tarrazona, lequel m’a parfaitement transmis votre message. Et je l’ai entretenu de choses que je l’ai chargé de vous transmettre. Je vous prie donc de croire ce qu’il vous dira de ma part et d’être mon avocate devant le roi, ce dont je vous serai fort reconnaissante91.
Mais au début de l’année 1308, Marie de Molina tombe gravement malade au point de rédiger son premier testament. Lorsqu’elle se remet, elle part se reposer quelques mois à Almazán d’où elle envoie quelques lettres au souverain aragonais92. Dans l’une d’elles, elle demande à Jacques II de faire venir d’Aragon, « en raison – dit-elle – de son état fébrile » (« por razón de su flaqueza »), un médecin du nom de Fray Alberto93.
La correspondance entre la reine-mère de Castille et le monarque aragonais semble donc révéler, au cours du temps, un rapprochement entre les deux gouvernants, d’autant plus que les relations entre Marie de Molina et son fils, le roi Ferdinand IV, manipulé par ses conseillers qui mettent tout en œuvre pour les séparer, sont souvent tendues et mettent en péril la paix aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume. D’ailleurs, pour veiller au renforcement des liens entre la Castille et l’Aragon, Marie de Molina négocie, à la fin de l’année 1311, le mariage de son fils Pierre avec l’infante Marie d’Aragon et de sa petite-fille Éléonore avec Jacques, fils aîné du roi aragonais. On voit ainsi comment, dans une lettre datée du 18 février 1312, Marie de Molina, tout en remerciant Jacques pour les mariages auxquels il a consenti, s’emploie à le rassurer quant au sort de sa fille Marie :
[…] Dieu m’est témoin que ce mariage me plaît grandement. Soyez assuré que je l’aimerai comme ma fille, que je m’emploierai de mon mieux à rechercher son bien et son honneur et que je la comblerai de tous les bienfaits qu’une mère peut accorder à sa fille94.
Cependant, l’année 1312 marque une nouvelle période de troubles et d’instabilité en Castille après la mort prématurée de Ferdinand IV, qui laisse un successeur seulement âgé d’un an : le jeune Alphonse XI. Comme cela avait été le cas au début du règne de son fils, Marie de Molina doit affronter une deuxième minorité où se manifeste à nouveau la soif de pouvoir de certains Grands du royaume. Ainsi s’opposent deux clans pour la tutelle du jeune roi : d’une part, celui de l’infant Pierre, soutenu par sa mère, la régente, et d’autre part, celui de l’infant Jean, frère de Sanche IV. À travers une lettre qu’elle envoie à Jacques II fin novembre 1312, on perçoit la connivence qui s’est établie entre les deux monarques en vue du maintien de la paix entre les royaumes95 :
[…] je vous fais savoir que j’ai vu la lettre où vous m’avez envoyé dire que vous étiez très affecté par la mort de mon fils le roi et combien la tristesse avait envahi votre cœur, et puisque Dieu, selon sa volonté, lui avait fait quitter ce monde, que je devais faire ce que j’avais toujours fait pour maintenir la paix et la tranquillité dans les royaumes96.
Dans ce contexte, la lettre de créance devient alors l’instrument privilégié de la reine, qui n’aborde aucun sujet délicat dans le détail, préférant la transmission orale de l’information à travers un messager. Telle est la vocation d’une lettre du 17 juin 1313 concernant les décisions prises lors des cortès au sujet de la tutelle du jeune roi. Ainsi envoie-t-elle Gonzalo de la Guardia pour qu’il rapporte oralement au roi tout ce qui s’est passé, précisant que rien ne sera dit par écrit97, une prudence qui peut s’expliquer par la complexité de la situation, Constance de Portugal et don Juan Manuel ayant finalement décidé de rejoindre le camp des partisans de l’infant Jean.
Au cours des années qui suivent, Marie de Molina informe régulièrement le roi d’Aragon de son action en faveur de la paix, comme dans cette lettre du 28 avril 1314 où elle évoque une réunion avec l’infant Jean et Jean Núñez de Lara durant laquelle l’archevêque de Tolède, grand allié de la reine, aurait mené les négociations et contribué ainsi à la pacification du royaume98. De même l’assure-t-elle, en décembre 1315, qu’elle met tout en œuvre pour réparer l’affront subi par don Juan Manuel suite à la provocation en duel proférée par le chevalier Guillén de Rocafull durant les cortès de Burgos. Ainsi, après lui avoir dit que malgré ses efforts, elle n’a pas encore convaincu le chevalier de se dédire et qu’elle n’a pas non plus réglé les différends entre don Juan Manuel et l’infant Jean, elle s’emploie à rassurer le monarque aragonais en ces termes : « je suis sûre qu’avec l’aide de Dieu cette question trouvera une fin heureuse et que don Juan sortira de cette affaire avec honneur »99. Ce sont là des propos qui révèlent une fois encore, à travers la correspondance de Marie de Molina, l’action incessante de pacification menée par la reine jusqu’à sa mort, survenue le 1er juillet 1321.
Avant cela, elle veillera à la protection et aux intérêts des membres de la famille royale, n’ayant de cesse de maintenir les relations diplomatiques avec l’Aragon malgré une situation qui s’était dégradée, les liens entre les deux royaumes étant devenus ténus. En effet, en juin 1319, l’infant Pierre avait trouvé la mort à Grenade, aux côtés de l’infant Jean avec qui il partageait la tutelle du jeune Alphonse XI, laissant pour veuve l’infante Marie d’Aragon avec laquelle il n’avait eu qu’une fille nommée Blanche. Or cet événement fragilisait non seulement les liens entre la Castille et l’Aragon mais ravivait aussi les prétentions des nobles tel que don Juan Manuel qui, en tant que gendre de Jacques II, ne manqua pas de solliciter l’appui du roi aragonais pour être reconnu comme tuteur d’Alphonse XI. À cela s’ajouta un autre événement malheureux puisqu’en octobre 1319, à Gandesa, l’infant Jacques d’Aragon renonça à épouser l’infante Éléonore pour entrer dans les ordres100. Ainsi, comme le prouve une lettre adressée au roi d’Aragon le 27 juin 1320101, Marie de Molina organisa-t-elle le retour de sa petite-fille en Castille. De même prit-elle soin des intérêts de sa petite-fille Blanche en demandant à Jacques II d’intervenir auprès de l’abbé du monastère de Santa María de Huerta de Soria pour qu’il vende le château de Velamazán à Marie d’Aragon et sa fille, comme en témoigne une lettre datée du 12 juillet 1320102.
« En esto de las cartas hay maravillas »103 [Dans les lettres, on trouve des merveilles], écrivait un juriste andalou du XIe siècle. Il y a en effet, on le voit, de grands enseignements à tirer de l’étude des lettres, et en particulier de celle des femmes ; car interroger ce type d’écrits, c’est interroger la place des femmes dans la société médiévale. C’est mesurer leur rôle en matière d’information et de communication, observer les liens qu’elles entretiennent avec leurs correspondants, et découvrir de puissants réseaux d’influence. Les innombrables lettres de femmes conservées dans les fonds des archives et des monastères ou dans des collections privées, méritent donc d’être non seulement répertoriées, éditées et étudiées, mais aussi confrontées à celles qui émaillent les textes littéraires et historiographiques. Une telle recherche serait l’occasion de réunir des spécialistes de plusieurs disciplines travaillant sur diverses aires géographiques, et de montrer comment s’est affirmée la parole des femmes à travers certains thèmes qui révèlent leurs intérêts, leurs préoccupations ou encore leurs goûts.
[1] Emil CIORAN, « Manie épistolaire », La Nouvelle Revue Française, n° 489, 1er octobre 1993, p. 40-43.
[2] Alain BOUREAU, « La norme épistolaire, une invention médiévale », in Roger CHARTIER (dir.), La correspondance. Les usages de la lettre au XIXe siècle, Paris, Fayard, 1991, p. 127-157.
[3] Ce projet a été mené dans le cadre du programme « Écrits, archives, récits » de l’École des Hautes Études Hispaniques et Ibériques de Madrid et de l’UMR 7032 (« Centre d’études supérieures de civilisation médiévale » de Poitiers). Il s’agissait d’un programme international réunissant des chercheurs français, espagnols, allemands et belges et dont les objectifs étaient multiples : édition des textes, traduction, analyse philologique et historique.
[4] Quatre rencontres ont déjà eu lieu « Gouverner par les lettres » (Paris, 2009), « Authentiques et autographes » (Paris, 2010), la « Lettre d’art » (Rome, 2012), et « Lettres et réseaux » (Sao Paulo, 2014). Trois d’entre elles ont été publiées : Bruno DUMÉZIL et Laurent VISSIÈRE (dir.), Épistolaire politique I. Gouverner par les lettres, Paris, PUPS, 2014, id., Épistolaire politique II. Authentiques et autographes, Paris, PUPS, 2016 et Paulo CAMMAROSANO, Bruno DUMÉZIL, Stéphane GIOANNI et Laurent VISSIÈRE (dir.), Art de la lettre et lettre d’art. Épistolaire politique III, Rome, École Française de Rome, 2016.
[5] Les lettres sont aussi accompagnées de notices biographiques : https://epistolae.ctl.columbia.edu.
[6] Étienne Wolff, La lettre d’amour au Moyen Âge, Paris, NIL éditions, 1996.
[7] C’est le cas des actes d’un colloque qui s’est tenu en 2006 : Sylvie LEFÈVRE (dir.), La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge, Orléans, Éditions Paradigme, 2008.
[8] On pourra consulter sur ce sujet Martin CAMARGO, Ars dictaminis, ars dictandi, Turnhout, Brepols, 1991 ; Giles CONSTABLE, Letters and letter-collections, Turnhout, Brepols, 1976 ; Alain BOUREAU, « La norme épistolaire, une invention médiévale », art. cit. ; Pedro MARTIN BAÑOS, El arte epistolar en el Renacimiento europeo, 1400-1600, Bilbao, Universidad de Deusto, 2005.
[9] Monica FERRARI et Federico PISERI, « Una formazione epistolare : l’educazione alla lettera e attraverso la lettera nelle corti italiane del Quattrocento », in Antonio CASTILLO GÓMEZ et Verónica SIERRA BLAS (dir.), Cartas – Lettres – Lettere – Discursos, prácticas y representaciones epistolares (siglos XIV-XX), Alcalá de Henares, Universidad de Alcalá, 2014, p. 21-42.
[10] Les lettres autographes constituent une marque de déférence et d’attention vis-à-vis du destinataire, et peuvent être une preuve d’amitié, comme le souligne Matthieu GELLARD dans « Une reine de France peut-elle avoir des amies ? La correspondance féminine de Catherine de Médicis », in Bertrand HAAN et Christian KÜHNER (éd.), Freundschaft | Amitié. Eine politisch-soziale Beziehung in Deutschland und Frankreich 12.–19. Jahrhundert. Un lien politique et social en Allemagne et en France XIIe–XIXe siècle, 8e université d’été de l’Institut historique allemand en coopération avec l’université Paris-Sorbonne, l’université Albert-Ludwig, Fribourg-en-Brisgau, et l'École des hautes études en sciences sociales, 3-6 juillet 2011, (Publication en ligne), 2013, URL : http://www.perspectivia.net/publikationen/discussions/8-2013/gellard_reine. Voir du même auteur : Une reine épistolaire. Lettres et pouvoir au temps de Catherine de Médicis, Paris, Classiques Garnier, 2015. Les études récentes nous apprennent qu’une partie de l’abondante correspondance de Yolande de Bar, reine d’Aragon (1387-1431), est autographe. De même sait-on, grâce aux travaux de María NARBONA CÁRCELES, et notamment « ‘Que de vostres letres nos vesistets’. La casa de María de Castilla (1416-1458) y la documentación para su estudio », in Mélanges de la Casa de Velázquez, 44 (2), 2014, p. 183-201, que Marie de Castille, reine d’Aragon de 1416 à 1458, écrivait un certain nombre de lettres de sa propre main, même si on ne les conserve pas (p. 186-187). Sans doute est-il plus fréquent de trouver des lettres autographes dans la correspondance des femmes appartenant à la noblesse ; c’est le cas de l’épouse du vicomte de Béarn, Sança Ximenis de Foix et de Cabrera (c. 1397-1474), fille du comte Bernat IV de Cabrera, comme le précise Teresa María VINYOLES I VIDAL dans « La cotidianidad escrita por una mujer del siglo XV », in María del Val GONZÁLEZ DE LA PEÑA (coord.), Mujer y cultura escrita : del mito al siglo XXI, Gijón, Trea, 2005, p. 117-130, p. 122.
[11] Voir notamment Bénoît GRÉVIN, Rhétorique du pouvoir médiéval : les lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen, XIIIe-XVe, Rome, École Française de Rome, 2008.
[12] Les chancelleries conservaient en outre des copies d’actes ou de lettres pour les utiliser comme modèles (cf. Thomas TANASE, « L’universalisme romain à travers les registres de lettres de la papauté avignonnaise », Mélanges de l’École Française de Rome, 123 (2), 2011, p. 577-595 (disponible en ligne : http://journals.openedition.org/mefrm/641?lang=it) ; B. GRÉVIN, « Regroupements, circulation et exploitation de lettres assimilées aux summae dictaminis au bas moyen âge », in Stéphane GIOANNI et Benoît GRÉVIN (dir.), L’Antiquité tardive dans les collections médiévales. Textes et représentations, VIe-XIVe siècle, Rome, École Française de Rome, 2008, p. 85-111).
[13] Monique SOMMÉ, « La correspondance d’Isabelle de Portugal, reflet du pouvoir d’une duchesse de Bourgogne au XVe siècle », in Dagmar EICHBERGER, Anne-Marie LEGARÉ et Wim HÜSKEN (dir.), Femmes à la cour de Bourgogne. Présence et influence, Turnhout, Brepols, 2010, p. 27-36 ; id., « Formes du langage politique dans la correspondance d’Isabelle de Portugal », duchesse de Bourgogne (1430-1471) », in B. DUMÉZIL et L. VISSIÈRE (dir.), Épistolaire politique I, op. cit., p. 53-64.
[14] Isabella LAZZARINI, « ‘Lessico familiare’ : linguaggi dinastici, reti politiche e autografia nella comunicazione epistolare delle Elites di governo (Italia, XV secolo) », in Antonio CASTILLO GÓMEZ et Verónica SIERRA BLAS (dir.), Cartas – Lettres – Lettere…, p. 164.
[15] On conserve par exemple des lettres de la Florentine Alessandra Macinghi Strozzi, de la Véronèse Isotta Nogarola, ou encore de la très célèbre Cassandra Fedele ; voir Maria Luisa DOGLIO (coord.), Lettera e donna : scrittura epistolare al femminile tra Quattro e Cinquecento, Rome, Bulzoni, 1993, p. IV-V.
[16] La correspondance de Serena de Tous avec son époux Ramón, administrateur de la comtesse de Luna en Aragon, décédé en 1376, s’étend de 1372 à 1376 et comprend 18 lettres. Voir les travaux de Teresa María VINYOLES I VIDAL, « Cartas de mujeres medievales : mirillas para ver la vida », in Cristina SEGURA GRAIÑO (éd.), La voz del silencio, Madrid, Al-Mudayna, vol. 2, 1992, p. 95-135 ; id., « L’amor i la mort al segle XIV, cartes de dones », Miscel-lània de textos medievals, 8, 1996, CSIC, p. 111-198 ; id., « Cartas de mujeres en el paso de la Edad Media al Renacimiento », in Iris M. ZAVALE (coord.), Breve historia feminista de la literatura española (en lengua castellana), vol. 6, 2000, p. 51-61 ; id., « Unes cartes de dones del segle XV, notes sobre la crisi feudal », Acta historica et archaeologica mediaevalia, 25, 2003-2004 (Ejemplar dedicado a : Homenatge a la professora Dra. María Josepa Arnall i Juan), p. 445-460 ; id., « La cotidianidad escrita por una mujer del siglo XV », art. cit. Voir également la correspondance – quoique plus tardive – d’Estefanía de Requenses avec sa mère Hipòlita, publiée et traduite dans : Estefania DE REQUENSES, Lettres intimes à ma mère, la comtesse de Palamós, Patrick Gifreu (trad.), Perpignan, Éditions de la Merci, 2014.
[17] De plus, comme le fait remarquer Sylvie LEFÈVRE dans l’introduction à l’ouvrage collectif La lettre dans la littérature romane du Moyen Âge : « Si la lettre isolée reste une curiosité rare […], c’est que les lettres « véritables » n’ont de toute façon dû leur survie que d’être réunies en correspondances […] ou d’être recueillies dans des collections de documents », op. cit., p. 15.
[18] Cf. Monique SOMMÉ (éd.), La correspondance d’Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne (1430-1471), Ostfildern, J. Thorbecke, 2009.
[19] De nombreuses lettres sont transcrites dans Claire PONSICH, « Un témoignage de la culture en Cerdagne, la correspondance de Violant de Bar (1380-1431) », in Le Moyen Âge dans les Pyrénées catalanes. Art, culture et société, Actes du colloque international de Prades en hommage à Mathias Delcor (23 au 25 mai 2003, Prades), Revue d’Études Roussillonnaises, 21, 2005, p. 147-193. Voir également Dawn BRATSCH-PRINCE, Vida y epistolario de Violante de Bar (1365-1431), Madrid, Ediciones del Orto, 2001.
[20] Ce questionnement est au centre de travaux récents, comme ceux qui sont rassemblés dans Bruno DUMÉZIL et Laurent VISSIÈRE (dir.), Épistolaire politique I., op. cit. ; voir également Jean BOUTIER, Sandro LANDI et Olivier ROUCHON (coord.), La politique par correspondance. Les usages politiques de la lettre en Italie (XIVe-XVIIIe siècle), Rennes, PUR, 2009.
[21] Citons, pour le XVe siècle, l’exemple bien connu désormais de la reine consort d’Aragon, Marie de Castille, qui exerça la lieutenance du royaume – une fédération qui regroupait la Catalogne, l’Aragon et Valence – pendant la longue absence de son époux Alphonse V, établi dans le royaume de Naples. Sa correspondance démontre que son activité s’étendait à tous les domaines de la sphère politique : affaires intérieures, relations avec les Cortes de Cataluña, collecte et gestion des fonds nécessaires à la conduite de la campagne contre Naples engagée par Alphonse V. Elle dut également faire face à de grandes difficultés en Catalogne comme la révolte des paysans « de remensa » contre les abus des seigneurs dont ils étaient les victimes, ainsi que l’affrontement entre les marchands et artisans de Barcelone et l’oligarchie de la ville. Sans doute la reine agit-elle, dans la résolution de ces conflits sociaux, sur ordre de son époux le roi, mais on sait qu’elle faisait un usage efficace de son autorité dans l’administration de la justice. On dispose en effet d’une correspondance suivie entre le roi et la reine sur ces sujets complexes. Voir à ce sujet Theresa EARENFIGHT, « Political culture and political discourse in the letters of queen María de Castilla », La corónica, 32 (1), 2003, p. 135-152 ; María NARBONA CÁRCELES, « Nobles donas : las mujeres nobles en la casa de María de Castilla, reina de Aragón (1416-1458) », Studium : Revista de humanidades, 15, 2009, p. 89-113 ; id., « ‘Que de vostres letres nos vesistets’. La casa de María de Castilla (1416-1458) y la documentación para su estudio ». Voir également sur les questions relatives à la médiation de Marie de Castille l’étude de María del Carmen GARCÍA HERRERO, « María de Castilla, reina de Aragón (1416-1458) : La mediación incansable », e-Spania [En ligne], 20 | février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24120, DOI : 10.4000/e-spania.24120. On peut consulter aussi id., « En busca de justicia y concordia : arbitrajes de doña María de Castilla, reina de Aragón (m. 1458) », Revista Fundación para la Historia de España, 11, 2012-2013, p. 13-33 ; id., « Participación femenina en la resolución de conflictos : árbitras en el Aragón bajomedieval », in Martine CHARAGEAT (dir.), Femmes, paix et réconciliation au Moyen Âge dans l’espace nord méditerranéen, Études Roussillonnaises, revue d’histoire et d’archéologie méditerranée, 27 (sous presse).
[22] On retrouve là une répartition des rôles exposée par Jean de Salisbury au XIIIe siècle dans le Policraticus, comme le rappelle Lois L. HUNEYCUTT, « Female succession and the language of power in the writings of twelfth-century churchmen », in John Carmi PARSONS (éd.), Medieval Queenship, New York, Saint Martin´s Press, 1993, p. 189-201, p. 196. Sur ce thème, voir Nicolas OFFENSTADT, « Les femmes et la paix à la fin du Moyen Âge : genre, discours, rites », in Le réglement des conflits au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 317-333. Des travaux concernant le monde ibérique sont rassemblés dans le dossier monographique La Paix des dames. Femmes, paix et pacification en péninsule Ibérique au Moyen Âge (Xe-XVe siècle), publié sous la direction de Monica GÜELL et Georges MARTIN, e-Spania [En ligne], 20, février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24072. On pourra également consulter : M. del Carmen GARCÍA HERRERO, « El entorno femenino de los reyes de Aragón », in José Ángel SESMA MUÑOZ (coord.), La corona de Aragón en el centro de su historia, 1208-1458. La monarquía aragonesa y los reinos de la Corona, Saragosse, Universidad de Zaragoza, 2010, p. 327-350. Un ouvrage récent analyse également le rôle joué par une femme de la haute noblesse andalouse, Béatriz Pacheco, épouse de Rodrigo Ponce de León, marquis de Cadix, à travers les lettres que cette noble dame adressa aux Grands d’Andalousie, et notamment au duc de Medina Sidonia Enrique de Guzmán lors de la campagne d’Alhama en 1482. Dans ces lettres, dont les chroniques contemporaines se font l’écho, la marquise sollicite un appui logistique et militaire pour venir en aide à son époux et à ses troupes ; cf. Juan Luis CARRIAZO RUBIO, Beatriz Pacheco y la Andalucía de los Reyes Católicos, Séville, Centro de estudios andaluces, 2015, notamment p. 63-68.
[23] Voir par exemple M. del Carmen GARCÍA HERRERO, « María de Castilla, reina de Aragón (1416-1458) : La mediación incansable », art. cit., § 12 ; Ángela MUÑOZ FERNÁNDEZ, « La mediación de las madres : en torno a los conflictos matrimoniales de Pedro I de Castilla y Blanca de Borbón », in M. CHARAGEAT (dir.), Femmes, paix et réconciliation… (sous presse).
[24] Cf. G. MARTIN, Mujeres y poderes en la España medieval, Alcalá de Henares, Centro de Estudios Cervantinos (Historia y Literatura, 3), 2011 ; voir également Theresa EARENFIGHT, Queenship and political power in medieval and early modern Spain, Aldershot (GB) / Burlington (Vt.), Ashgate, 2005 ; Á. MUÑOZ FERNÁNDEZ, « Semper pacis amica. Mediación y práctica política (siglos VI-XIV) », Arenal. Revista de historia de las mujeres, 5 (2), 1998, p. 263-276.
[25] Cf. Murielle GAUDE-FERRAGU, La reine au Moyen Âge. Le pouvoir au féminin, XIVe-XVe siècle, Paris, Tallandier, 2014, notamment chapitre IV intitulé « Le ‘métier de reine’ », p. 105-141 et p. 125.
[26] C’est le cas dans les interventions de la reine Marie de Portugal, épouse d’Alphonse XI de Castille, du moins telles que les rapporte la chronique de son règne ; voir à ce sujet Jean-Pierre JARDIN, « La reina María de Portugal, entre padre, marido, hijo e hijastros : la mediación imposible », e-Spania [En ligne], 20, février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24140, DOI : 10.4000/e-spania.24140, § 22-26. On peut également souligner que l’expansion du culte de la Vierge et, partant, l’importance croissante de l’image de la Vierge protectrice, médiatrice et miséricordieuse ont favorisé l’assimilation de la reine à Marie comme le rappelle M. GAUDE-FERRAGU, La reine au Moyen Âge, p. 130-133.
[27] L’Historia legionensis attribue une grande sagesse (« polebat namque et consilio et probitate ») à l’infante Urraque, sœur du roi Alphonse VI ; voir Emmanuelle KLINKA, « Entre paz de Dios y paz de las armas : el papel de las mujeres (León y Castilla en torno a los siglos XI y XII) », e-Spania [En ligne], 20 | février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24313, DOI : 10.4000/e-spania.24313, § 10 et note 26.
[28] Nuria JORNET I BENITO, « La práctica de la paz : María de Castilla, reina de Aragón », in La diferencia de ser mujer, investigación y enseñanza de la Historia, Barcelone, Duoda, Universitat de Barcelona, 2004, disponible en ligne : http://www.ub.edu/duoda/diferencia/html/es/secundario5.html.
[29] C’est le cas par exemple de la reine Marie de Castille, qui négocia les conditions d’enfermement de Leonor d’Alburquerque au monastère Santa Clara de Tordesillas en 1430, comme l’a montré M. del Carmen GARCÍA HERRERO, « El entorno femenino de los reyes de Aragón », p. 331.
[30] C’est ce qu’a montré l’analyse des lettres sur lesquelles s’appuient les travaux de María del Carmen García Herrero et Ángela Muñoz Fernández (références supra).
[31] En guise d’exemple, on peut citer la lettre qu’adresse Marie de Castille en 1427 à La Horra On Malfath, mère du roi Muhammad VIII de Grenade, en faveur de la libération de deux jeunes enfants achetés par des Maures du royaume, contre le versement d’une rançon qu’elle a elle-même remise aux parents des enfants. La préoccupation constante de la reine pour l’administration de la justice est également sensible dans une autre lettre qu’elle adresse en 1440 à une veuve de la ville de Saragosse, après avoir pris connaissance de sa délicate situation : elle l’y engage à déposer une plainte et lui manifeste son soutien dans cette entreprise, car, fait-elle écrire : « deveys pensar que deudo que debe mas el cargo que tenemos es ministrar justicia e tirar oppressiones de los pocos » ; cf. M. del Carmen GARCÍA HERRERO, « María de Castilla, reina de Aragón (1416-1458) : La mediación incansable », § 10 et § 15. La correspondance de la reine présente plusieurs cas de même nature ; id., « Los varones jóvenes en la correspondencia de doña María de Castilla, reina de Aragón », Edad Media : Revista de Historia, 13, 2012, p. 241-267 (p. 262-267) et id., « Solidaridad femenina ante el maltrato marital a finales de la Edad Media. Algunas intervenciones de la reina de Aragón », in M. del Carmen GARCÍA HERRERO et Cristina PÉREZ GALÁN (coord.), Mujeres en la Edad Media : actividades políticas, socioeconómicas y culturales, Saragosse, Institución « Fernando el Católico », 2014, p. 113-137, et en particulier p. 127-133. Voir également les interventions de l’épouse du roi Denis, Isabelle de Portugal, dans certains cas litigieux : Sebastião ANTUNES RODRIGUES, Rainha santa. Cartas ineditas e outros documentos, Coimbra, Extracto de Aequivo Coimbrao, 1958, p. 58-59 et p. 136-137.
[32] M. SOMMÉ (éd.), La correspondance d’Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne (1430-1471).
[33] Id., « La correspondance d’Isabelle de Portugal, reflet du pouvoir d’une duchesse de Bourgogne au XVe siècle », p. 29.
[34] M. NARBONA CÁRCELES, « ‘Que de vostres letres nos vesistets’. La casa de María de Castilla (1416-1458) y la documentación para su estudio », p. 190 et ss.
[35] Ibid., p. 193 et ss.
[36] Voir par exemple M. del Carmen GARCÍA HERRERO et Cristina PÉREZ GALÁN, « Colocar en matrimonio : el caso de Marquesa de Alagón y la intervención de la reina María (1448-1451) », in Homenaje al profesor Eloy Benito Ruano, t. I, Murcie, 2010, p. 307-318.
[37] Voir les travaux de T. M. Vinyoles i Vidal cités supra et les lettres éditées dans : Francesc MARTORELL (éd.), Epistolari del segle XV. Recull de cartes privades, Barcelone, Els nostres classics, 1926. Monique Sommé a également édité une lettre reçue par Isabelle de Portugal, émanant de sa belle-sœur Marguerite de Bourgogne, dans laquelle cette dernière l’informe des usages et règles à observer lors de la naissance de son enfant, tels que l’aménagement de la chambre, de la chambre de parement, de la chambre de l’enfant, mais aussi la cérémonie du baptême et la cérémonie des relevailles ; voir M. SOMMÉ, La correspondance d’Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne (1430-1471), p. 32-38.
[38] M. NARBONA CÁRCELES, « ‘Que de vostres letres nos vesistets’. La casa de María de Castilla (1416-1458) y la documentación para su estudio », p. 186-187.
[39] T. M. VINYOLES I VIDAL, « La cotidianidad escrita por una mujer del siglo XV », p. 123-126.
[40] Cf. M. FERRARI et F. PISERI, « Una formazione epistolare : l’educazione alla lettera e attraverso la lettera nelle corti italiane del Quattrocento ».
[41] Analysant la correspondance de Catherine de Médicis, Matthieu Gellard affirme que le mode d’expression de la reine dans ses lettres privées adressées à des femmes est différent de celui que l’on trouve dans les lettres adressées à des destinataires masculins ; voir M. GELLARD, « Une reine de France peut-elle avoir des amies ? La correspondance féminine de Catherine de Médicis », p. 8. D’autres chercheurs voient aussi dans certaines lettres l’imitation d’un style oral et des indices de familiarité.
[42] Voir par exemple T. VINYOLES I VIDAL et Mireia COMAS VIA, Estefanía Carrós y de Mur (ca. 1455- 1511), Madrid, Ediciones del Orto, 2004, p. 83-86, où est transcrite une lettre de Brianda de Mur a Violant Carroç commentant les événements survenus en Cerdagne et évoquant ses problèmes économiques ; Brianda annonce également l’envoi de présents (vêtements et produits confectionnés par elle-même et des femmes de son entourage, comme des chemises et des parfums).
[43] C’est le cas des lettres de Beatriu et Joana de Pinós ou d’Agnès de Quint, qui œuvraient pour la diffusion des œuvres de Raymond Lulle ; cf. T. M. VINYOLES I VIDAL, « Cartas de mujeres en el paso de la Edad Media al Renacimiento », p. 54.
[44] Voir C. PONSICH, « Des lettres, le livre et les arts dans les relations vers 1388-1389 de Violant de Bar et de Gaston Fébus », in Valérie FASSEUR (dir.), Froissart à la cour de Béarn, l‘écrivain, les arts et le pouvoir, Turnhout, Brepols, 2009, p. 277-304 et id., « Un témoignage de la culture en Cerdagne, la correspondance de Violant de Bar (1380-1431) ».
[45] Voir Francisco BERMÚDEZ PEDRAZA, Historia eclesiástica de Granada que escribió el año de 1639 el licenciado D. Francisco Bermúdez de Pedraza, consultable sur http://www.alhambra-patronato.es/ria/handle/10514/6048. La reine demande à Talavera de conserver ses lettres secrètement : « […] mas ruégoos que esta mi carta y todas las otras que os e escrito las queméys o las tengáys en un cofre deuaxo de vuestra llave que persona nunca las vea, para voluérmelas a mí quando pluguiere a Dios que os vea ».
[46] Comme l’a montré M. del Carmen GARCÍA HERRERO, « María de Castilla, reina de Aragón (1416-1458) : La mediación incansable », art. cit., § 7-9.
[47] C. PONSICH, « Un témoignage de la culture en Cerdagne, la correspondance de Violant de Bar (1380-1431) », art. cit., p. 178. D ans cette étude, Claire Ponsich examine en détail ce qu’elle nomme « L’écriture du pouvoir et les réseaux d’une correspondance ‘d’affaire’ », p. 151-165.
[48] Ibid., p. 147.
[49] Sur ce souverain, on pourra consulter Stéphane PÉQUIGNOT, Au nom du roi. Pratique diplomatique et pouvoir durant le règne de Jacques II d’Aragon (1291-1327), Madrid, Casa de Velázquez, 2009.
[50] Archivo de la Corona de Aragón, Cartas reales (dorénavant notés ACA, CR), doc. 1269, 13/12/1300.
[51] ACA, CR, doc. 1272 (18/12/1300).
[52] ACA, CR, doc. 1296 (21/04/1300).
[53] ACA, CR, doc. 1919.
[54] ACA, CR, doc. 3425.
[55] ACA, CR, doc. 2094 bis.
[56] C’est ce qui expliquerait, outre sa réputation de femme laide, le fait que Sanche IV ne voulut jamais de Guillerma et lui préféra la cousine germaine de son père, Marie Alfonso de Meneses, connue sous le nom de Marie de Molina (voir notamment José Manuel NIETO SORIA, Sancho IV. 1284-1295, Palencia, La Olmeda, 1994, p. 23).
[57] ACA, CR, doc. 1217 (21/09/1300).
[58] Le 16 juillet 1301, elle revendique, par exemple, ses droits sur Falqueroles (ACA, CR, doc. 1416).
[59] ACA, CR, doc. 1218 (21/08/1300), doc. 1221 (01/09/1300), doc. 1228 (08/07/1300), 1233 (02/11/1300), 1235 (02/07/1300), 1237 (05/01/1301), 1418 (29/06/1301).
[60] ACA, CR, doc. 1759 (16/12/1302), doc. 1908 (22/01/1304 – date incertaine – lettre où elle accepte une trêve), doc. 2273 (16/06/1305, lettre où Guillerma se plaint de Ramón Foch).
[61] ACA, CR, doc. 1939 (08/05/1303).
[62] ACA, CR, doc. 2216 (novembre 1304).
[63] ACA, CR, doc. 2869.
[64] ACA, CR, doc. 3079, 3084, 3085, 3086.
[65] ACA, CR, doc. 3227.
[66] Sur la correspondance d’Isabelle de Portugal, voir Sebastião ANTUNES RODRIGUES, Rainha santa….
[67] ACA, CR, doc. 3245 et 3259.
[68] ACA, CR, doc. 3252.
[69] ACA, CR, doc. 3251.
[70] ACA, CR, doc. 2439.
[71] ACA, CR, doc. 2966 et 2967.
[72] ACA, CR, doc. 3066.
[73] ACA, CR, doc. 3097.
[74] Sur le rôle joué par doña Vataza, on pourra consulter notamment Joaquín MIRET Y SANS, « Tres princesas griegas en la corte de Jaime II de Aragón », Revue hispanique, 15, 1906, p. 668-720, p. 703-710 et María Teresa FERRER I MALLOL, Entre la paz y la guerra : la corona catalano-aragonesa y Castilla en la Baja Edad Media, Madrid, CSIC, 2005, p. 116. Voir aussi Sebastião ANTUNES RODRIGUES, Rainha santa..., notamment p. 13 et 27 ; trois lettres de doña Vataza au roi Jacques II sont éditées p. 161-164 de cet ouvrage (ACA, doc. 19857, 10424 et 11027).
[75] ACA, CR, doc. 3746 (13/09/1309).
[76] ACA, CR, doc. 3291.
[77] ACA, CR, doc. 4955.
[78] ACA, CR, doc. 4935 (12/08/1314).
[79] Voir notamment ACA, CR, doc. 4893 (06/05/1314), doc. 4996 (20/08/1314).
[80] ACA, CR, doc. 5377 (20/02/1316).
[81] Sur l’action pacificatrice de Marie de Molina, voir Patricia ROCHWERT-ZUILI, « La actuación pacificadora de María de Molina », e-Spania, [En ligne], 20, février 2015, URL : http://journals.openedition.org/e-spania/24170, DOI : 10.4000/e-spania.24170.
[82] Il existe deux biographies de cette reine : Mercedes GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, tres veces reina, Madrid, Espasa Calpe, 1967 [récemment rééditée dans M. GAIBROIS DE BALLESTEROS (Ana DEL CAMPO GUTIÉRREZ, éd.), María de Molina, Pamplona, Urgoiti Editores, 2010] et Rafael DEL VALLE CURIESES, María de Molina, Madrid, Alderabán, 2000.
[83] Nous avons relevé, parmi les documents de la chancellerie royale des Archives de la Couronne d’Aragon, une trentaine de lettres écrites entre 1304 et 1320, mais celles-ci sont sans doute plus nombreuses, comme en témoignent les écrits auxquels Mercedes Gaibrois de Ballesteros fait référence dans sa biographie de la reine et dont nous avons reproduit ici certains passages.
[84] ACA, CR, doc. 2221 (29/02/1304), 2227 (05/04/1304) et 2247 (21/06/1304).
[85] ACA, CR, doc. 2242.
[86] Voir par exemple ACA, CR, doc. 2351 (18/06/1305) : « Al muy alto e muy noble rey Jaime por la graçia de Dios rey de Aragón y de Valençia, conde de Barçilona e sseñalero almyral e capitán general de la santa Iglesia de Roma, doña María por la graçia de Dios reyna de Castilla e de León e señora de Molina, salut commo a rey de que mucho fío, e para quien tanta onrra e vida e salut querría para mí misma ».
[87] Il s’agit sans doute de Benito García, auquel Mercedes GAIBROIS DE BALLESTEROS fait référence dans sa biographie de la reine, cf. María de Molina, tres veces reina, p. 164.
[88] Après la mention du lieu et de la date de rédaction, toutes les lettres s’achèvent ainsi : « yo Benito ge la fiz escreuir por mandado de la reyna ».
[89] ACA, CR, doc. 2398 (07/02/1305), 2428 (16/06/1305), 2351 (18/06/1305), 2491 (01/10/1305).
[90] ACA, CR, doc. 2398 : « A la muy alta e muy noble e mucha onrrada doña Blanca por la graçia de Dios reyna de Aragón. Doña María por esa misma graçia reyna de Castiella e de León e señora de Molina, salut commo a reyna que tengo en logar de fija que mucho amo e en quien mucho fío e para quien querría mucha onrra e vida e salut tanta como para mí misma ».
[91] Ibid. : « […] ffágouos ssaber que vi vuestra carta de creencia que me troxo el sancristán de Taraçona et él fabló comigo de uuestra parte uuestro mandado bien e complidamente. Et otrossí yo fablé con él algunas cosas que le yo mandé que uos dixiesse por que uos ruego que le creades de lo que uos dixiere de mi parte e que me seades bona procuradora (ante) el rey en aquellas cosas que uos él dirá, et gradesçer uos lo he mucho ».
[92] ACA, CR, doc. 3420 (09/12/1308), 3480 (26/12/1308).
[93] ACA, CR, doc. 3480.
[94] Cf. M. GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, tres veces reina, Madrid, Espasa Calpe, 1967, p. 189-190 : « […] sabe Dios que del casamiento me place mucho, et veredes vos que la terné yo en lugar de fija para la amar et para querer el su bien et la su honra cuanto yo pudiere. Et le faré yo todas las buenas obras que buena madre debe facer a buena fija ».
[95] Manuel García Fernández souligne que jusqu’en 1319, année où fut annulé le mariage entre sa petite-fille Éléonore et l’infant héritier aragonais Jacques, la reine, soucieuse de maintenir de bonnes relations avec Jacques II, avait contenu les rancœurs qu’elle avait nourries envers le roi, qui avait non seulement soutenu la cause des infants de la Cerda, en particulier sous le règne de Sanche IV et durant une partie de celui de Ferdinand IV, mais qui avait aussi répudié l’infante Isabelle en 1295 : « La experiencia política vivida en tiempos de Sancho IV y sobre todo durante la difícil minoría de Fernando IV, le habían obligado a mantener una actitud sino díscola si al menos desconfiada hacia Jaime II y sus pretensiones de hegemonía peninsular. Pero en ningún momento la ‘enemistad encubierta’ y personal con el rey de Aragón dificultó las ‘buenas relaciones diplomáticas’ entre ambos reinos, al menos hasta los sucesos de Gandesa de 1319 » (cf. Manuel GARCÍA FERNÁNDEZ, « Jaime II y la minoría de Alfonso XI (1312-1325). Sus relaciones con la sociedad política castellana”, Historia. Instituciones. Derecho, 18, 1991, p. 143-182, p. 152.
[96] M. GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, tres veces reina, p. 194-195 : « […] fago vos saber que vi vuestra carta et lo que me enviaste decir de cómo vos doliades mucho de la muerte del rey mio fijo, et que tomárades ende muy gran pesar en vuestro corazón, et que, como voluntad fue de Dios de lo llevar deste mundo, que yo que ficiese lo que siempre ficiera de poner sosiego et paz en los regnos ».
[97] Ibid. p. 200 : « porque él es ome que vos lo sabrá contar todo muy bien, non vos lo enviamos decir por carta ».
[98] ACA, CR, doc. 4880 (28/04/1314).
[99] M. GAIBROIS DE BALLESTEROS, María de Molina, p. 210 : « fío por Dios que entonce que se asosegará en manera porque don Juan finque deste pleito con onra ».
[100] Du désespoir de Jacques II face à la décision de son fils témoigne d’ailleurs une lettre de consolation que lui envoie la reine de Majorque le 14 janvier 1319 (ACA, CR, doc. 6074).
[101] Cf. ACA, CR, doc. 6446.
[102] ACA, CR doc. 6454.
[103] IBN HAZM DE CÓRDOBA, El collar de la paloma. Tratado sobre el amor y los amantes (1re éd. 1971), Madrid, Alianza editorial, 1989, p. 142 (« Sobre la correspondencia »).
Résumé
Après avoir présenté un panorama des recherches récentes consacrées aux lettres de femmes en Europe au Moyen Âge, ce travail examine, à travers un échantillon de documents émis sous le règne de Jacques II d’Aragon au cours des vingt premières années du XIVe siècle, les différents types de lettres de femmes conservées aux Archives de la Couronne d’Aragon de Barcelone. Cette typologie est suivie de l’analyse d’un cas particulier, portant sur la correspondance de la reine et régente Marie de Molina avec Jacques II d’Aragon.
Resumen
Tras presentar un panorama de la investigación reciente sobre las cartas de mujeres en la Europa medieval, este trabajo examina, a través de una muestra de documentos emitidos bajo el reinado de Jaime II de Aragón durante los veinte primeros años del siglo XIV, los distintos tipos de cartas de mujeres conservadas en el Archivo de la Corona de Aragón de Barcelona. A esta tipología sigue el análisis de un caso particular, centrado en la correspondencia de la reina y regente María de Molina con Jaime II de Aragón.
La recherche actuelle sur les lettres de femmes dans l’Europe médiévale
La correspondance de Marie de Molina avec Jacques II d’Aragon
Patricia ROCHWERT-ZUILI
Univ. Artois, EA 4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras, France
Hélène THIEULIN-PARDO
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