Nous nous risquerons pour commencer au constat qui tient de la lapalissade, ne serait-ce que d’expérience, ou même par intuition, que l’oiseau est un sujet d’inspiration inépuisable pour les poètes de tous temps et de tous lieux. Sans doute est-ce ce même constat qui a inspiré Jean-Marie Henry pour sa belle anthologie, superbement illustrée par Judith Gueyfier, intitulée Plumes de poèmes. Anthologie poétique autour des oiseaux, des p’tits zoziaux et autres poèmes, parue en mars 2017 aux éditions Rue du Monde1 dans la collection « La Poésie »2. À travers cent-vingt poèmes, l’esprit de l’anthologie est de « célébrer les millions d’oiseaux qui peuplent notre regard », en un « salut à nos frères aériens qui, partout sur la terre, nous chantent la beauté du monde, sa fragilité et la liberté »3.
Or la connaissance de quelques recueils et albums poétiques illustrés et consacrés à l’oiseau dans des éditions ou collections pour la jeunesse4, très variés dans leur conception, nous a incitée à une exploration plus systématique dans le cadre de ce colloque pluridisciplinaire. En particulier, il s’agissait de s’interroger sur les thèmes, les registres, les images associés à l’oiseau dans ces œuvres et leurs enjeux.
On peut remarquer d’emblée que de nombreux titres de recueils en poésie jeunesse mentionnent l’oiseau ou sont en lien avec lui, parce qu’il semble naturellement associé au poète ou à son activité, mais aussi à l’enfance, comme Un rossignol sur le balcon, de Daniel Leduc5 ou Si Petits les oiseaux de Jacqueline Persini6. De même, il inspire ponctuellement des poèmes7 en raison de sa symbolique, comme dans le beau recueil Ici8 de Jean-Pierre Siméon, traversé par le thème de l’ouverture à l’autre. Nous avons donc été amenée à restreindre l’analyse à des œuvres centrées sur son évocation. Au sein des œuvres consultées, il nous a semblé que se dessinaient certains regroupements possibles ; notre exploration prendra donc la forme d’une typologie, sans doute provisoire et non-exhaustive, mais qui tentera de rendre compte de la richesse et la variété des approches de l’oiseau dans la poésie contemporaine pour la jeunesse.
Nous distinguerons pour commencer un premier ensemble de recueils ou d’albums poétiques s’inscrivant dans la tradition du bestiaire poétique pour enfants, dont Pierre Ceysson en 1999 faisait remarquer « l’inflation […] dans la poésie explicitement destinée à l’enfance et à la jeunesse et légitimée comme telle »9 . Ces derniers sont placés sous le signe de la fantaisie verbale, voire de la cocasserie, puisque c’est justement ce qui caractérise le genre :
Les jeux d’écriture proposés depuis 1973 comme modèle aux enfants par Jean-Hugues Malineau et Jacques Charpentreau, les principes mis en avant par les médiateurs d’une poésie où « les mots font l’humour » (Georges Jean) et « l’esprit d’enfance » que Luc Bérimont et d’autres trouvent dans la fantaisie ou les mots en liberté orientent les bestiaires dans la rhétorique des jeux de mots10.
Parmi ces derniers, figure l’emblématique Animaux de tout le monde11 de Jacques Roubaud, qui contient plusieurs poèmes consacrés à des oiseaux spécifiques, d’où le titre choisi plus haut pour évoquer cette première catégorie.
Dans ces bestiaires exclusivement consacrés à l’oiseau, ce n’est donc pas a priori celui-ci en tant que tel qui intéresse le poète, mais plutôt les différents jeux de langue qu’il peut susciter, ne serait-ce que par son nom, ou sa propension à être rapproché de l’homme par certaines attitudes ou comportements, sur un mode humoristique.
Illustration 1. 1re de couverture de Jean-Hugues Malineau, Prête-moi tes plumes, ill. Sylvie Selig, École des loisirs, coll. « Chanterime », 1978.
Nous commencerons par la présentation de quelques poèmes de Prête-moi tes plumes du regretté Jean-Hugues Malineau12, paru dans la collection « Chanterime » de l’École des loisirs en 1978, qui propose une série de neuf brefs portraits d’oiseaux dans un registre ludique, pour son caractère extrêmement représentatif des bestiaires pour l’enfance tels que définis par Pierre Ceysson ; sa date de parution est d’ailleurs bien antérieure à celle des autres œuvres constituant ce corpus.
Illustration 2. Jean-Hugues Malineau, Prête-moi tes plumes, ill. Sylvie Selig, École des loisirs, coll. « Chanterime », 1978 : « L’aigle »
Dans le cas de l’aigle13, l’auteur, recourant à la figure de style nommée « prosopopée », qui consiste ici à faire parler cet oiseau, joue sur la symbolique de l’aigle, altier, royal : le comique vient de ce que celui-ci se désolidarise de l’imaginaire guerrier et impérial auquel il est traditionnellement associé, en renvoyant les grands conquérants à leur déconfiture. Même si cela reste très ponctuel, on perçoit néanmoins ici la remise en cause de certaines valeurs et de certains aspects de la grande histoire.
Illustration 3. Jean-Hugues Malineau, Prête-moi tes plumes, ill. Sylvie Selig, École des loisirs, coll. « Chanterime », 1978 : « Le Serin »
Illustration 4. Jean-Hugues Malineau, Prête-moi tes plumes, ill. Sylvie Selig, École des loisirs, coll. « Chanterime », 1978 : « Le Toucan »
Les poèmes consacrés au serin et au toucan fournissent une bonne illustration de la manière dont le poète s’empare du signifiant – le nom de l’oiseau évoqué – pour imaginer des situations cocasses inspirées du monde humain et fondées sur des jeux de mots, tout en gardant un trait caractéristique du signifié (apparence physique, chant…).
En partant du thème de la dispute conjugale, le poème consacré au serin joue sur l’homophonie (serin / serein ; serine / serine) mais aussi sur la polysémie avec par exemple les différentes acceptions du terme « mandarine » (fruit / femme du mandarin). On remarque également différents jeux sonores, dont des allitérations à partir du son des lettres R et S. Le poème consacré au toucan joue pour sa part sur des effets sonores inspirés du nom même de l’oiseau mais aussi par le cri bruyant qui est le sien lors de la parade : toucan / cancan / boucan. À partir de ces trois mots, le poète brode de manière fantaisiste sur le thème du ragot et des cris.
On trouve le même genre de procédé dans la plupart des autres poèmes, particulièrement pour « Le Perroquet », « La Pie », « Le Dindon ». Le pingouin inspire pour sa part un poème narratif de sept quatrains, tous ponctués d’un refrain avec variation, évoquant une histoire de mariage et d’enterrement fondée sur l’analogie entre ses caractéristiques physiques (couleurs, queue) et l’habit à queue noir porté sur du blanc par les messieurs dans les grandes occasions, dit « à queue de pie ». Seul le poème dédié au Grand-Duc, prédateur nocturne, se situe dans un registre plus solennel, l’oiseau étant associé à la mort et au mystère par la métaphore du bal fantastique.
Illustration 5. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : 1re de couverture
Il convient d’évoquer, dans le même esprit, Le verlan des oiseaux et autres jeux de plume du poète Michel Besnier, paru en 1995 dans la collection « Pommes pirates papillons » aux éditions Møtus fondées par le poète François David et désormais exclusivement consacrées à la poésie jeunesse. Ce dernier est illustré avec beaucoup de talent en noir et blanc par Véronique Boiry et constitue en soi un bel objet, sous la forme d’un petit cahier à spirales avec papier à grain. Comme le titre le laisse entendre clairement, les trente et un poèmes de ce recueil14, le plus souvent sans titres15, sont caractérisés pour la plupart par la présence d’anagrames par inversion de syllabes, c’est-à-dire que les noms d’oiseaux en soi génèrent des poèmes à partir de ce procédé, dont les deux premiers sont emblématiques :
Illustration 6. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : poème 1 (choucas / cachou)
Illustration 7. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : poème 2 (coucou / ara)
Dans ce recueil aux allures carnavalesques, où l’on observe aussi, entre autres, le procédé du calembour16, de nombreux jeux de sonorités17, des jeux à partir d’expressions figurées18, ou encore des poèmes inspirés par la couleur19 ou le cri de l’oiseau20, on trouve cependant des poèmes s’inscrivant dans d’autres registres que celui de la fantaisie, qui rendent hommage à ce dernier, en lien avec l’exergue du recueil écrite en caractères gras : « Ce livre est écrit pour les oiseaux, les enfants et les adultes qui ont gardé une âme d’oiseau ».
Ainsi un poème mélancolique est-il consacré au serin qu’on encage pour son chant21 tandis qu’un autre célèbre la délicatesse du canari.
Illustration 8. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : poème 6 (Le serin)
Illustration 9. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : poème 12 (Le canari)
Les poèmes « L’hirondelle » (n°11) et le poème n°16, dont les premiers vers sont « Ne rosse pas / les passereaux », tous deux fondés au départ sur un jeu d’inversion ou de verlan – lover / voler – pour « l’hirondelle » rendent hommage à la liberté, la grâce de l’oiseau qui invite au voyage, à la contemplation et peut-être aussi à l’écriture poétique, comme y insiste l’illustration de V. Boiry pour « L’hirondelle ».
Illustration 10. Michel Besnier, ill. Véronique Boiry, Le verlan des oiseaux, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2001 : poème 11 (L’hirondelle)
Dans d’autres poèmes, l’oiseau réenchante ou poétise des situations du quotidien par les images, comparaisons, analogies qu’il inspire au poète, comme le poème n°24 établissant le parallèle entre une conversation téléphonique coupée et « …une hirondelle sur un fil / qui a refermé ses ciseaux » ou le poème n°27 évoquant un pack de lait stérilisé qui « tend le cou / et le bec » pour ressembler à un oiseau. L’un des derniers poèmes établit l’analogie entre le poème et le nid, suggérant du coup l’analogie entre l’oiseau et le poète :
Un poème se fait
comme un nid
avec de l’herbe
et de l’amour
de la salive
et du chant […]22
Enfin, le recueil se clôt sur une célébration en creux de l’oiseau, le poète se demandant dans les vers liminaires
Dans un monde sans oiseaux
que serais-je ?
Il se trouve que les mêmes poètes récidivent quelques années plus tard en consacrant tous deux une série de poèmes aux gallinacées, très présents dans l’univers enfantin et notamment dans les albums narratifs pour enfants.
Illustration 11. Jean-Hugues Malineau, ill. Lucile Placin, Poules et poulets. Quatre douzaine de poèmes extra-frais, Rue du Monde, « Graines de mots », 2013 : 1re de couverture
Que ce soit par leur anatomie ou leur comportement, les oiseaux et notamment la poule, ont suscité de nombreuses images dans la langue quotidienne et dans des domaines et registres variés. En 2013, paraissait aux éditions Rue du Monde, fondées par le poète Alain Serres, l’album intitulé Poules et poulets de Jean-Hugues Malineau, dans la bien nommée collection « Graines de mots »24, qui s’adresse à des enfants à partir de 5 ans.
Dans ce recueil de poèmes qui prend le format d’un album à l’italienne, le poète s’empare d’expressions figurées, voire d’expressions ou de mots courants liés à la poule en particulier et à l’oiseau en général25, en les appliquant à des gallinacées dans quarante-huit courts poèmes. Ces mots ou expressions s’en trouvent alors resémantisés de manière humoristique et décalée, comme le montrent les poèmes de la page 8 :
Illustration 12. Jean-Hugues Malineau, ill. Lucile Placin, Poules et poulets. Quatre douzaine de poèmes extra-frais, Rue du Monde, « Graines de mots » : p. 8
Soit les mots ou les expressions concernés sont pris à la lettre (« poule au pot », « claquer du bec », « puer du bec »), soit leur emploi produit un effet d’hybridation comique (une poule « dindon d’la farce »26), soit leur emploi repose sur un lien de cause à effet tout à fait fantaisiste, comme le poème évoquant la poule qui pond « des œufs d’Pâques »27. On constate également quelques jeux de paronymie à partir des sonorités du mot poule : « poul’over »28 ; « Interpoule »29 ; « pouliche »30.
Ces poèmes à la structure très régulière constituent autant de portraits fantaisistes et anthropomorphisés ; l’expression ou le mot-clé servant à caractériser la poule – et exceptionnellement, le coq31 – en constitue la chute humoristique, si bien que ces derniers peuvent se lire sur le mode de la devinette. Le recueil permet donc pour de très jeunes enfants la découverte ludique d’expressions figurées et celle du pouvoir imageant de la langue, tout en donnant à voir une dimension essentielle du langage poétique qui est de « faire jeu » avec les mots.
Illustration 13. Michel Besnier, ill. Henri Galeron, Mes poules parlent, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004 : 1re de couverture
Mes poules parlent, paru 9 ans après Le Verlan des oiseaux, chez le même éditeur et dans la même collection, est un recueil de trente brefs poèmes dans lequel les poules du poète prennent la parole, racontant leurs peines, leurs joies, la difficulté de leur condition, dans un registre la plupart du temps humoristique, ne serait-ce que par les jeux de mots, calembours et autres jeux de sonorité que l’on y trouve32. Nous avons eu l’occasion d’évoquer par le biais de l’intertitre le court poème suivant :
Question d’un poussin à sa mère
« Est-ce que tu me câlines assez ? »
Mais d’emblée, comme le met en évidence l’illustration de couverture, où l’on voit une poule dont le poitrail prend la forme d’un visage d’homme – sans doute celui du poète, l’analogie avec le monde des humains est présente, et permet de faire écho à des problèmes ou des questions de société dans des registres allant de l’humour à une certaine gravité.
Illustration 14. Michel Besnier, ill. Henri Galeron, Mes poules parlent, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004 : poème et illustration p. 8-9 (« J’ai vécu… »)
Ainsi, le second poème du recueil, au-delà du registre humoristique dans lequel il s’inscrit, semble évoquer l’aliénation de l’animal et en l’occurrence celle de la poule par l’homme, surtout dans le contexte actuel marqué par différents scandales sanitaires et éthologiques au sujet de l’existence d’immenses exploitations animalières, notamment celles où s’entassent des poules pondeuses par milliers, dans des cages minuscules. Mais le poème peut aussi se lire comme traitant de l’exploitation de l’homme par l’homme et entre alors en résonance avec d’autres poèmes du recueil évoquant la vieillesse33, la précarité et l’exploitation34, toujours du point de vue des poules mais cependant avec des parallèles évidents avec la société humaine. Le poème le plus emblématique sur ce point est sans doute le poème p. 56, commençant par
Savez-vous
ce que c’est
qu’être poule en hiver ?
qui évoque à la fois la mort souvent tragique de la poule ou des volailles lors des fêtes de Noël en particulier, mais aussi en filigrane le sort des sans-abris dont l’exclusion est renforcée à cette époque35 ; l’illustration d’Henri Galeron avec ces poules qui regardent à la fenêtre, mais de l’extérieur, insiste bien sur ce sentiment de détresse et sur le parallèle avec les exclus.
Illustration 15. Michel Besnier, ill. Henri Galeron, Mes poules parlent, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004 : poème + illustration p. 56-57 (« Être poule en hiver »)
Dans un registre plus léger, l’un des rares poèmes à comporter un titre, « Débats sur Radio Poulailler », rend évidente l’analogie avec la société humaine et semble faire allusion à la fameuse citation de Jean-Louis Barrault, « La dictature c’est ‘ferme ta gueule’, la démocratie c’est ‘Cause toujours’ ».
Illustration 16. Michel Besnier, ill. Henri Galeron, Mes poules parlent, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004 : poème + illustration p. 30-31 (« Radio poulailler »)
Illustration 17. Michel Besnier, ill. Henri Galeron, Mes poules parlent, Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004 : poème + illustration p. 36-37 (« Le coq »)
Il y aurait beaucoup à dire encore sur ce recueil, notamment à propos du coq, incarnation du machisme et de la vanité, qui suscite le registre héroï-comique ou alors le comico-tragique36.
Si les albums de Jean-Hugues Malineau et les recueils de Michel Besnier ont en partage l’exploration ludique de la langue et le recours à l’anthropomorphisation, il apparaît assez nettement que les seconds, par certains aspects tels que l’apparition d’autres registres que celui de l’humour, le lien établi entre oiseau et poète, la célébration de l’oiseau ou sa réhabilitation dans le cas de la poule renouvellent le genre du bestiaire poétique pour la jeunesse.
Le recueil et les deux albums poétiques étudiés maintenant semblent avoir été conçus en grande partie dans l’intention faire découvrir à leurs jeunes destinataires le monde fascinant des oiseaux et sa diversité. Naturellement, ces derniers semblent susciter l’écriture poétique, tout en étant associés à l’enfance. Observation et célébration se conjuguent dans ces œuvres, d’où l’allusion, par le terme d’ornithopoésie, au(x) recueil(s) de Pierre Garnier37.
Illustration 18. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Véron, Éd. La Renarde Rouge, « La Petite collection allongée », 2006 : 1re de couverture
Nous commencerons par l’évocation du recueil de Joëlle Brière pour son statut hybride, entre bestiaire humoristique et ornithopoésie.
Illustration 19. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006, p. 22 (merle)
Du sel dans les yeux. Petits dits d’oiseaux38, paru en 2006 aux Éditions La Renarde Rouge fondées par la même auteure, dans « La Petite collection allongée » – pour évoquer un format à l’italienne – est constitué de quarante-sept petits poèmes en vers libres consacrés aux oiseaux des jardins et des campagnes, mais qui évoque aussi des oiseaux plus lointains. On y croise ainsi, et sans exhaustivité, la bergeronnette, le rouge-gorge, le merle, la poule, le héron, le geai, le loriot, le macareux, mais également un oiseau domestiqué tel le perroquet. Comme le montre l’extrait choisi plus haut, les poèmes sont constitués de saynettes, portraits, observations d’oiseaux dans un registre le plus souvent léger, qui fait aussi appel à des formes poétiques associées à l’enfance telles que la charade39 ou la comptine40. Ce recueil présente donc des traits communs avec ceux de J.-H. Malineau ou de Michel Besnier, mais les jeux de mots y sont plus en retrait, même si l’on trouve des poèmes fondés sur ce principe, comme par exemple « Moinelle et Moinillon »41.
Parallèlement, beaucoup de poèmes émanent de l’observation d’oiseaux au quotidien42, certes le plus souvent sur le mode de l’anecdote amusante mais aussi sur un mode plus méditatif, comme le poème en forme d’adresse à un oiseau de mer43. On note aussi la présence de deux poèmes que l’on pourrait qualifier de « métaportraits », qui expliquent joliment comment dessiner un oiseau44 et qui ne sont pas sans évoquer le célèbre poème de Jacques Prévert dans Paroles45.
L’intérêt particulier de ce recueil de belle facture avec ses illustrations stylisées au trait rouge, jouant sur les vides et les pleins sur fond beige, se trouve dans l’analogie entre l’enfant et l’oiseau dès la page de garde46 et surtout dans le poème liminaire :
Illustration 20. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006 : poème et illustration p. 9 (« Hier j’étais un oiseau »)
Les premiers vers font visiblement référence à la naissance d’un enfant, en convoquant à la fois la métaphore de l’oisillon tombé du nid mais aussi celle de la chute de l’ange dans le mythe biblique ; la venue au monde apparaît en tout cas comme un déchirement, un changement brutal de statut ontologique sous le signe de la séparation d’avec un état antérieur – et peut-être aussi d’un autre monde – associé à une certaine félicité. L’oisillon doit alors apprivoiser sa nouvelle condition47, entre douleur et émerveillement. Le dernier vers peut se lire comme l’aspiration à « voler de ses propres ailes », mais aussi à renouer avec sa condition première en trouvant sa propre voie, une forme d’épanouissement et de liberté incarnée par l’oiseau. Mais ce vers n’est peut-être pas dénué non plus d’une dimension eschatologique…
D’autres poèmes mettent en évidence de manière plus légère la connivence entre l’oiseau et l’enfant, qui partagent une certaine insouciance et ont tous deux cette aptitude à vivre dans l’instant. Dans un poème et l’illustration correspondante48, les différentes parties du visage d’un enfant sont composées d’autant d’oiseaux, tandis que dans un autre il se fait métaphoriquement âme et cœur de l’enfant, comme le souligne l’illustration :
Illustration 21. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006 : poème et illustration p. 15
Un poème à la page 50 associe l’oiseau à un « cahier de vraies vacances », « que personne ne corrigera » et « qu’on oubliera exprès / Sous un arbre du jardin ». Le thème de la liberté et le motif du vol ou de l’envol sont d’ailleurs récurrents49. Or parallèlement, est aussi établi de manière récurrente tout un jeu de miroir entre l’oiseau et le poème ou l’écriture poétique, déjà présent dans le recueil de Michel Besnier :
Illustration 22. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006 : poème et illustration p. 28 (« Laisser tout le ciel à l’oiseau / laisser toute la page au poème »)
Illustration 23. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006 : poème et illustration p. 29 (« J’allais écrire…»)
Dans ce poème, attente des mots et attente des oiseaux s’entremêlent, pour évoquer l’inspiration du poète, aléatoire, fugace, et qu’il faut accueillir comme telle. Plus loin, dans un autre poème, page 51, l’oiseau devient par le biais d’une métaphore le symbole de ce(s) mots inattrapable(s) qui représente(nt) l’objet même de la quête du poète :
Illustration 24. Joelle Brière, Du sel dans les yeux : petits dits d’oiseaux, Éd. La Renarde Rouge, 2006 : poème et illustration p. 51 (« Donne-moi un mot »)
L’illustration dans laquelle l’oiseau lui-même tient dans son bec le mot « oiseau »… sous la forme d’un long vers entortillé, renforce la métaphore avec humour et imagination.
Illustration 25. Françoise Bobe, ill. Nicolas Duffaut, La pie-poète, Paris, Bayard jeunesse, 2009 : 1re de couverture
La pie-poète50, présenté par l’éditeur comme un « bestiaire poétique » pour des enfants à partir de quatre ans, invite à découvrir une vingtaine d’oiseaux dans autant de courts poèmes en vers libres et dans un registre le plus souvent humoristique, dont un « Drôle d’oiseau »51, qui n’est autre que l’ornithologue, dit « L’ornitho ».
On y trouve des portraits, des scènes prises sur le vif, des visions fugaces, des petites histoires plus ou moins fantaisistes, dont les quelques extraits suivants donnent un rapide aperçu :
Illustration 26. Françoise Bobe, ill. Nicolas Duffaut, La pie-poète, Bayard jeunesse, 2009 : « Le pic au bouleau », p. 8-9
Illustration 27. Françoise Bobe, ill. Nicolas Duffaut, La pie-poète, Bayard jeunesse, 2009 : « Une pluie d’étourneaux sansonnets » p. 18-19
Illustration 28. Françoise Bobe, ill. Nicolas Duffaut, La pie-poète, Bayard jeunesse, 2009 : « Le vol de corbeaux » p. 30-31
Illustration 29. Françoise Bobe, ill. Nicolas Duffaut, La pie-poète, Bayard jeunesse, 2009 : « Le hibou bibliophile », p. 23-24
La fantaisie verbale, si elle est présente par le biais du jeu de mots et notamment dans les titres, est toutefois minorée. Dans les portraits, les illustrations figuratives et en rondeur permettent de découvrir ou de reconnaître l’oiseau, tandis que les poèmes mettent le plus souvent l’accent sur une spécificité de ce dernier, en lien avec son anatomie ou son comportement. On note en effet dans ce recueil la volonté de faire découvrir les oiseaux dans leur diversité, mais aussi à travers eux, d’apprendre à regarder la nature et le monde animal52. Le rapport entre hommes et oiseaux est alors appréhendé dans une perspective écologique. Ainsi, dans le poème « Geai beau crier »53, l’oiseau éponyme déplore la négligence humaine qui consiste à laisser ses détritus dans la forêt, tandis que dans le poème « Les busards au nid »54, le moissonneur prend soin de laisser un îlot d’épis pour les busards et leur nichée.
L’association entre poète et oiseau dès le poème liminaire et éponyme peut se lire à la lumière de la symbolique traditionnelle qui rapproche chant de l’oiseau et langage poétique, mais aussi parce que l’oiseau se fait l’incarnation d’une nature qu’il faut apprendre à contempler et à écouter, dans tous les sens du terme. Le dernier poème, « Marelle, mar’ailes », semble rappeler la complicité naturelle entre l’oiseau et l’enfant, notamment par l’aspiration au vol à l’envol de ce dernier, de manière littérale et métaphorique.
Illustration 30. Annie Briet et Philippe Davaine, Arc en ciel d’oiseaux, Paris, Éd. du Rocher, « Lo Païs d’enfance », 2007 : 1re de couverture
C’est sans doute l’album Arc en ciel d’oiseaux d’Annie Briet, illustré par Philippe Davaine et paru aux éditions du Rocher dans la collection « Lo Païs d’enfance » 55 en 2007 qui est susceptible de recevoir avec le plus de justesse la qualification d’album « ornithopoétique ». Le petit texte de la quatrième de couverture est significatif :
L’oiseau
notre seul lien entre l’arbre et l’étoile.
Quand il prend son envol,
Il nous prend à la terre.
Avec lui, un instant,
Nous habitons l’espace.
L’oiseau est donc d’emblée présenté comme un médiateur entre monde terrestre et monde céleste. Seize poèmes en forme de portraits, en général assez courts et en vers libres, rendent hommage à différentes espèces d’oiseaux familières sous nos cieux, la poétesse s’adressant le plus souvent à eux à la deuxième personne du singulier ou du pluriel, non sans une certaine solennité, même si cela n’exclut pas un peu de légèreté dans certains poèmes56 ; en revanche, la « rhétorique du jeu de mots » qui selon l’expression de Pierre Ceysson, régit traditionnellement les bestiaires pour la jeunesse, en est cette fois quasiment exclue57.
Illustration 31. Annie Briet et Philippe Davaine, Arc en ciel d’oiseaux,
Éd. du Rocher, « Lo Païs d’enfance », 2007 : le
pic-vert
Illustration 32. Annie Briet et Philippe Davaine, Arc en ciel d’oiseaux,
Éd. du Rocher, « Lo Païs d’enfance », 2007 : le
rouge-gorge
Chaque oiseau est caractérisé par son apparence et/ou une attitude qui lui est propre, souvent par analogie58 avec le monde humain, comme la mésange « en habit de cérémonie / tête noire et joues blanches » ou encore la sittelle « fascinante acrobate ». De même, son chant ou son cri, notamment lorsqu’il est spécifique, est évoqué, en faisant l’objet d’images, tel celui du coucou à l’appel « donné aussitôt refusé » ou d’une caractérisation, comme le « chant doux et monotone » de la huppe couronnée. Mais de manière générale, le secret, le mystère, le rêve, le voyage sont associés à l’oiseau : les poèmes consacrés aux cigognes, à la chouette, au héron en sont particulièrement représentatifs, et d’ailleurs une double page leur est dédiée.
Illustration 33. Annie Briet et Philippe Davaine, Arc en ciel d’oiseaux,
Éd. du Rocher, « Lo Païs d’enfance », 2007 : le
héron, page de droite
Illustration 34. Annie Briet et Philippe Davaine, Arc en ciel d’oiseaux,
Éd. du Rocher, « Lo Païs d’enfance », 2007 : la
chouette, page de droite
En effet, c’est surtout leur altérité qui semble fasciner la poétesse, car ils ouvrent sur d’autres mondes, d’autres cieux, comme le suggère le dernier poème ; certaines comparaisons ou métaphores rendent compte de leur caractère à la fois familier et mystérieux pour l’homme, telles les cigognes « antiques dames blanches / pareilles à des légendes » ou la chouette implicitement comparée à Athéna à laquelle elle était associée dans la mythologie grecque. Le vol de l’oiseau est aussi évoqué de manière récurrente dans les poèmes : le dernier d’entre eux célèbre le passage des oiseaux migrateurs, qui fait écho à un autre évoquant la chorégraphie des martinets59.
L’illustration tient un rôle essentiel dans la dimension « ornithopoétique » de ces albums : chaque double page se caractérise par un fond chromatique particulier, sur lequel sont peints de manière très minutieuse un ou plusieurs oiseaux, qui ne sont pas sans rappeler les gravures de Buffon ; les poèmes qui leur sont consacrés apparaissent comme en surimpression. Ainsi, ces images somptueuses donnent d’emblée à voir les différents oiseaux évoqués par les poèmes, car il s’agit déjà de mieux les reconnaître, tout en incitant à les observer (et les écouter), tandis que les poèmes les présentent dans leur proximité et leur mystère, semblant rendre compte, par leur présence même, du lien naturel entre l’oiseau et la poésie.
Pour terminer ce parcours d’œuvres poétiques pour la jeunesse consacrées à l’oiseau, il nous a paru intéressant de mettre en regard deux recueils très différents tant par leur langue que par le projet poétique qui les sous-tend, mais qui ont toutefois en commun de sortir tout à fait du cadre du bestiaire et de se composer de tableaux60. Le premier est consacré à un jeune corbeau arraché à son monde et confronté à celui des hommes, tandis que dans le second, l’oiseau, associé à la lumière et au printemps, représente le fil conducteur de la contemplation du monde animal et végétal.
Illustration 35 : Jean-Pascal Dubost, ill. Kathy Couprie, C’est
corbeau (1re éd. 1998), Cheyne éditeur, « Poèmes pour
grandir », 4e éd., 2006 : 1re de
couverture. © Cheyne éditeur, tous droits réservés
C’est corbeau de Jean-Pascal Dubost a été publié dans la prestigieuse collection « Poèmes pour grandir » aux éditions Cheyne en 1998 et a depuis fait l’objet de plusieurs rééditions. Cette collection, qui se veut un éveil à la création poétique et propose aux jeunes lecteurs des textes contemporains, est connue pour son exigence.
Consacré à première vue à un corbeau en particulier mais aussi aux corbeaux en général, comme on le découvre au fur et à mesure de la lecture, le recueil a pour fil conducteur l’histoire d’une adoption manquée. Il retrace en effet, à travers une série de courts poèmes en prose, l’irruption d’un jeune corbeau visiblement tombé du nid dans la vie quotidienne d’un couple. Le poète, épousant parfois le point de vue de l’oiseau61, décrit de manière souvent amusée les découvertes du corbeau, son étonnement, sa perplexité et ses différentes attitudes face à ce nouveau monde que constitue le microcosme de la maison et du jardin, habité par des humains.
Illustration 36. Jean-Pascal Dubost, ill. Kathy Couprie, C’est
corbeau (1re éd. 1998), Cheyne éditeur, « Poèmes pour
grandir », 4e éd., 2006 : 1re de
couverture. © Cheyne éditeur, tous droits réservés, « Corbeau
intrigué » et « Corbeau nicotine »
C’est donc la rencontre de l’homme et de l’animal à travers la tentative de l’apprivoisement qui est décrite ici, tentative éphémère à cause de son issue tragique, le jeune corbeau étant découvert un matin « le crâne brisé, à coups de becs rageurs et instinctifs »62 que l’on devine avoir été donnés par d’autres corbeaux. Mais au-delà de cet échec dû à l’agression mortelle de ses congénères, le souvenir de cette adoption manquée donne à voir le caractère illusoire de ce que Jacques Allemand nomme « le fantasme de l’apprivoisement »63 : le corbeau dont la nature n’est pas d’être un animal domestique semble aliéné par ce nouveau statut64 : il se montre pataud, maladroit65 et souvent donne à rire. L’animal semble ainsi se résigner peu à peu à sa situation et s’empâte66.
Or cette aliénation est accentuée par le contraste avec les corbeaux à l’état sauvage qu’évoquent plusieurs poèmes intercalés entre les tableaux consacrés au jeune corbeau, et toujours décrits comme volant haut dans le ciel67. Car le recueil consacré à ce jeune corbeau qui n’aura jamais de nom devait l’être initialement à tous ceux de son espèce, comme l’explique le poème liminaire68. Ainsi, certains poèmes rendent hommage à l’espèce et apparaissent même comme une entreprise de réhabilitation de cet oiseau « mal connu et mal aimé »69, comme le poème intitulé « criards et souvent agressifs »70, dont l’objet est justement de dénoncer cette réputation imméritée. Le cri du corbeau fait d’ailleurs l’objet d’un poème qui tente d’en décrire toutes les variations selon les espèces71. La fin du recueil reste ouverte, le dernier poème intitulé « Corbeautière » se terminant sur l’évocation d’un « cahier qui leur est ouvert jour et nuit »72.
Mais au sein du recueil, une fonction essentielle de l’écriture poétique est de conjurer la mort du corbeau par la permanence du souvenir, qui superpose passé et présent, comme l’exprime tout particulièrement le poème « corbeau intemporel73 ». Ce riche recueil entremêle l’intime d’une expérience particulière avec l’universel humain et « corbeau », en posant la question de l’altérité et de la rencontre avec l’animal, notamment avec une espèce d’oiseau plutôt connotée négativement. Le titre même du recueil semble rendre compte de l’évidence d’une présence qui s’impose, mais sans que l’on puisse clairement la définir, l’appréhender, et qui demeure insaisissable.
Illustration 37. Jean-Pascal Dubost, ill. Kathy Couprie, C’est
corbeau (1re éd. 1998), Cheyne éditeur, « Poèmes pour
grandir », 4e éd., 2006 : 1re de
couverture. © Cheyne éditeur, tous droits réservés, poèmes
et illustrations, p. 12-13 : « remerciements à la page 211 » et
« corbeau négatif »
Illustration 38. Jean-Pascal Dubost, ill. Kathy Couprie, C’est
corbeau (1re éd. 1998), Cheyne éditeur, « Poèmes pour
grandir », 4e éd., 2006 : 1re de
couverture. © Cheyne éditeur, tous droits réservés, poèmes
et illustrations, p. 18-19: « corbeau à l’arrosoir bleu boit »
et « corbeau alternatif »
Les illustrations de Kathy Couprie se centrent sur le corbeau, représenté en ombre chinoise par aplats noirs évoquant l’estampe japonaise. L’oiseau y est souvent représenté en posture d’observation, les ailes légèrement écartées ; les éléments en surimpression apparaissant en blanc sur son plumage (couverts, fleurs, tables, chaises) font écho au contenu des poèmes et semblent figurer le nouveau monde qui est le sien et qu’il tente d’assimiler, mais qui lui reste cependant extérieur. Parallèlement, l’alternance des titres en noir, écrits à la plume, et du bleu des textes renvoie à l’espèce du corbeau adopté, le corbeau freux, dont le plumage a des reflets bleus, comme l’indique le poème « remerciements à la page 211 ».
Le recueil, sans y insister, rend possible l’analogie entre le poète et le corbeau : chacun est le « négatif » sur lequel viennent s’imprimer des sensations, des sentiments, des visions d’un monde qui demeure insaisissable, comme le résume l’expression « ce noir qui réfléchit », dans le court poème intitulé « corbeau se lissant les plumes »74. De ce point de vue, les illustrations du corbeau peuvent aussi refléter cette interprétation, de même que le titre du poème intitulé « corbeau négatif » peut se comprendre à la lettre du poème – le corbeau effrayé refusant le bout de gras qu’on lui tend – mais aussi faire écho à l’expression « ce noir qui réfléchit ». Le recueil est doublement placé sous le signe de l’altérité qui interroge, et qui enrichit : celle du jeune corbeau recueilli, et aussi celle de l’écriture poétique, qui s’éloigne des formes plus traditionnelles et/ou plus enfantines qu’ont pu rencontrer auparavant de jeunes lecteurs.
Illustration 39. Michel Cosem, photographies Marie Degain, Plumes tièdes
du matin, Tertium éditions, « À la cime des mots »,
2009 : 1re de couverture
L’univers poétique de Michel Cosem75 est traversé par le thème du voyage, par les émotions et sensations suscitées par des « choses vues », avec une ouverture sur l’imaginaire des contes et des légendes.
Plumes tièdes du matin est paru en 2009 et « s’adresse sans limite ni frontière du plus jeune public jusqu’au plus averti »76. Dans ce recueil contemplatif composé d’une série de quarante-sept tableaux, le poète tel un promeneur ou un voyageur itinérant regarde, goûte et célèbre les paysages, s’arrêtant en particulier sur l’arbre, la fleur, le fruit et l’oiseau, intimement liés. Le recueil dans son mouvement global évoque le cycle des saisons, mais sans linéarité absolue ; parallèlement, de nombreux poèmes évoquent l’attente du printemps, ou le bonheur de son retour, associé à celle du soleil et de la lumière.
Or ce recueil, au sein d’une œuvre poétique très homogène, notamment pour ce qui est des recueils publiés chez des éditeurs pour la jeunesse, a été précédé de trois recueils auxquels il fait écho, comme les titres le donnent à voir d’emblée : Giboulées de neige et d’oiseaux77, Voyages d’hirondelles78, Matin des rossignols79.
Il n’est malheureusement pas possible de s’intéresser en détail à chacun d’entre eux dans le cadre de cette analyse, mais Plumes tièdes du matin les subsume en quelque sorte, en y reprenant de manière symphonique des thèmes, des images, des atmosphères plus particuliers à chacun.
Tout d’abord, l’oiseau y est omniprésent : il anime de son chant et de son vol les paysages, les lieux contemplés ; le nom générique « oiseau » apparaît souvent, même si de nombreuses espèces particulières sont aussi convoquées80. Dès le deuxième poème, l’oiseau est intimement associé à l’arbre et au printemps, évoqués eux aussi de manière récurrente dans le recueil :
Illustration 40. Michel Cosem, photographies Marie Degain, Plumes tièdes
du matin, Tertium éditions, « À la cime des mots »,
2009, p. 8-9, poème et illustration : l’arbre
Le poème n’est d’ailleurs pas sans évoquer l’arbre81 cosmique de nombreuses mythologies ; le poème suivant associe encore l’arbre et l’oiseau, sur un mode plus intimiste, évoquant « l’arbre caressé / dans l’après-midi de plume / par le cœur des enfants »82. Un autre poème consacré aux brûlures de l’hiver se termine sur l’évocation d’un « oiseau bouleversant » qui tente « sur le cerisier, / d’éveiller le printemps »83.
Comme dans les recueils précédents, l’oiseau est associé au voyage, source d’ivresse et de liberté :
Illustration 41. Michel Cosem, photographies Marie Degain, Plumes tièdes
du matin, Tertium éditions, « À la cime des mots »,
2009, p. 36-37 (poème et illustration : « Je connais un
oiseau »)
Le deuxième vers, « qui dort en rond dans mon cœur », peut être interprété comme la métaphore du rêve d’être un oiseau. Par ce biais, ce dernier peut apparaître comme un double du poète dont l’écriture, en explorant la langue, permet de voyager par les mots et l’imagination, en somme de rêver, en déplaçant, dans tous les sens du terme, le regard du lecteur, ce qui fait écho à d’autres poèmes :
Le voyage dis-tu, celui de la rivière verte
de l’aile sifflant dans le ciel…84
L’oiseau suscite aussi de nombreuses images dans Plumes tièdes du matin : celle de la petite note de musique sur la langue « comme une cerise / comme un oiseau »85 ; de la goutte d’eau « qui chante[s] / comme un rossignol »86 ; celle de l’île « semblable à une aile »87.
Dans ce recueil, et c’est une nouveauté par rapport aux précédents, on trouve une série de poèmes consacrés à des oiseaux en particulier, faisant écho aux œuvres « ornithopoétiques » précédemment évoquées : les hirondelles « au ventre blanc » qui « glissent sur la pierre »88, la cigogne qui pense « à ses futurs petits / et aux prochains voyages / au-dessus des mers d’azur »89, le faucon qui « se balance dans le ciel »90, et les moineaux qui « aiment le vent »91. D’autres oiseaux font également l’objet de poèmes ailleurs dans le recueil, dont celui qui évoque la moineaude :
Illustration 42. Michel Cosem, photographies Marie Degain, Plumes tièdes
du matin, Tertium éditions, « À la cime des mots »,
2009, p. 50 et 51 (poème et illustration « la moineaude »)
Ce poème est emblématique du lien indissociable arbre / lumière / oiseau dans le recueil, et fait véritablement écho au titre de ce dernier ; il représente bien cette invitation à la contemplation et par elle, à l’éveil des sens et du regard qui parcourt tous les poèmes.
Illustration 43. Michel Cosem, photographies Marie Degain, Plumes tièdes
du matin, Vayrac, Tertium éditions, « À la cime des
mots », 2009, p. 38-39 (l’hirondelle)
Mais il faut aussi évoquer, dans ce recueil, la part des photographies en noir et blanc de la plasticienne Marie Degain, qui entrent en résonance avec les poèmes, et nul ne l’évoque mieux que le poète lui-même dans la préface :
Parce qu’il y a du mystère dans la capacité de certaines formes artistiques à dire et à donner beaucoup plus à sentir que leurs moyens séparés ne leur permettent, il nous a semblé que l’ajout de certaines photographies à ces textes contribuerait à réaliser le merveilleux par d’autres voies, à condenser l’intuition poétique et l’émotion en un tout homogène.
L’oiseau est dans ce recueil et plus largement dans l’œuvre poétique de Michel Cosem un médiateur entre l’homme et le monde animal et végétal, dont il invite à contempler les splendeurs. Parce qu’il est également associé au voyage, notamment l’oiseau migrateur, il incarne aussi l’écriture poétique qui ouvre à d’autres horizons.
Objet d’amusement, d’étonnement, de fascination, de joie, d’émerveillement, tout cela à la fois : ce parcours « poético-ornithologique » donne à voir à quel point l’oiseau est objet d’inspiration pour les poètes, en particulier lorsqu’ils s’adressent à la jeunesse, apparaissant en cela comme un médiateur vers la poésie en soi mais aussi vers la découverte d’écritures et d’univers poétiques extrêmement variés. À ce propos, nous avons pu observer à plusieurs reprises le parallèle plus ou moins appuyé entre oiseau et poème, ou oiseau et poète, ce drôle d’oiseau… Nous aurions aimé évoquer également Le chant de l’oiseleur du regretté André Rochedy92, sous le signe du voyage et de la contemplation ponctués par le vol ou le chant de l’oiseau, ainsi que le petit recueil intitulé Vole vole vole de François David93, au format d’un carnet, qui célèbre les oiseaux dans de courts poèmes humoristiques, ou encore La Volière de Marion d’Alain Boudet94, qui représentent autant d’inclassables par rapport à nos catégories, tout en faisant écho à certains recueils évoqués.
En tout cas, ce parcours révèle que l’oiseau, et c’est sans doute ce qui le singularise le plus de ce point de vue par rapport à d’autres animaux, s’est largement envolé des bestiaires pour trouver d’autres horizons poétiques. Nous souhaiterions conclure tout à fait avec Prévert, poète privilégié de l’enfance et des oiseaux :
les oiseaux donnent l’exemple
l’exemple comme il faut
exemple des oiseaux
exemple les plumes les ailes le vol des oiseaux
exemple le nid les voyages et les chants des oiseaux
exemple la beauté des oiseaux
exemple le cœur des oiseaux
la lumière des oiseaux95.
[1] Dont la devise régulièrement affichée sur les catalogues est « Les oiseaux ont des ailes, les enfants ont des livres ».
[2] À partir de 8 ans. L’anthologie est organisée par espèces d’oiseaux, ou par thèmes (la cage, le nid…).
[3] Quatrième de couverture.
[4] Notamment parce que certains d’entre eux figurent sur la liste de références de l’Éducation Nationale pour le cycle 3, qui se veut un portail ouvert sur la variété de la création en littérature pour la jeunesse, ici dans le domaine de la poésie.
[5] Chaillé-sous-les-Ormeaux, Le dé bleu, « Le farfadet bleu », 2000.
[6] Chaillé-sous-les-Ormeaux, Le dé bleu, « Le farfadet bleu », 2003.
[7] « Nos yeux sont des oiseaux » et « L’autre comme une aile d’oiseau ».
[8] Le Chambon-sur-Lignon, Cheyne, « Poèmes pour grandir », 2009.
[9] Pierre CEYSSON, « Les bestiaires dans la poésie pour l’enfance et la jeunesse : jeux et fabriques de la poésie au second degré », Enseigner la littérature de jeunesse ? Textes réunis par Anne-Marie MERCIER-FAIVRE, IUFM de l’académie de Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1999, p. 61.
[10] Ibid., p. 61. Pierre Ceysson met aussi en évidence dans les très nombreux bestiaires analysés « une écriture du palimpseste », sous l’influence poétique des Chantefables de Desnos en particulier et caractérisé par « un usage littéraire, celui de la parodie, du pastiche, du travestissement et de la charge », p. 62.
[11] Jacques ROUBAUD, Les animaux de tout le monde (1e éd. Ramsay, 1983), 3e édition, Paris, Seghers Jeunesse, 2004. Le recueil est jugé assez sévèrement de ce point de vue par P. Ceysson, qui évoque d’ailleurs le poème « Les oies » (art. cit., p. 82-83).
[12] Décédé en mars 2017, J.-H. Malineau a beaucoup œuvré en particulier pour la présence de la poésie à l’école. Il a publié plusieurs bestiaires pour enfants, dont certains consacrés à des virelangues (Quatre coq coquets et Dix dodus dindons).
[13] On retrouve ce poème, d’ailleurs analysé par P. Ceysson (art. cit., p. 73), dans un autre bestiaire du même auteur, Pas si bête…, éditions de l’école, 1979.
[14] Dans ces poèmes sont évoqués des oiseaux très divers : mésange, pivert, pélican, oie, héron, pies, hirondelle, canari, merle, moineaux, passereaux, mais aussi le Zowa cou-coupé, surnom de l’amandine bengali africain…
[15] Le recueil n’étant pas paginé par ailleurs, nous évoquerons les poèmes par leur ordre d’apparition.
[16] Voir le poème n°7 : « Un oiseau / qui mange trop / de granulés / devient / gras / nul et laid ». On pourrait également citer le poème n°26 où « troglodyte » est repris par « trop gros » et « dites ».
[17] Voir le poème « Cou-coupé » (n°17) ; on trouve aussi un jeu de paronomase dans le poème n°22 : « guillemets » / « Guillemot ».
[18] Comme dans ce poème (n°18) jouant sur l’image de l’accrochage entre véhicules, où la pie et le merle entrés en collision, après avoir « jacassé » et menacé « de tout dire au corbeau » finissent par « casser une petite graine ».
[19] Voir le poème n°10 dans lequel tous les jeux de deux pies ou tout ce qu’elles aiment évoquent les couleurs noir et blanc. On peut mettre en lien ce dernier avec le poème anaphorique n°21, dans lequel la manière de s’aimer de différents couples d’oiseaux est mise en relation avec leur couleur ou une autre caractéristique (pigeons / amour tendre ; corbeaux / amour noir ; pies / amour bavard ; pinsons / amour gai…), avec une chute humoristique concernant les vautours.
[20] Voir le poème n°8 reproduisant – ou censé reproduire – les cris de différentes espèces d’oies, qui se termine par « Et l’oie du jeu de l’oie est sans voix ».
[21] Il s’agit du poème n°6 ; pour le coup la comparaison avec le poème de J.-H. Malineau sur le même oiseau dans Prête-moi ta plume, évoqué plus haut, est révélatrice.
[22] Poème n°29.
[23] Ce calembour est commun aux deux œuvres que nous allons étudier ici : voir Jean-Hugues MALINEAU, ill. Lucile PLACIN, Poules et poulets. Quatre douzaine de poèmes extra-frais, Voisins Le Bretonneux, éd. Rue du Monde, « Graines de mots », 2013, p. 23 et Michel BESNIER, ill. Henri GALERON, Mes poules parlent, Landemer, éd. Møtus, coll. « Pommes Pirates Papillons », 2004, p. 20.
[24] Rue du Monde propose différentes collections dédiées à la poésie, dans lesquelles sont associés au sein d’albums les poèmes d’un même auteur et les dessins d’un/e illustrateur/trice de talent.
[25] Il s’agit par exemple de noms d’oiseau susceptibles d’avoir une double acception (« poulet », « chouette », « pigeon »…) ou de mots, d’expressions courants ou plus spécifiques (« œuf dur », « œuf de Pâques », « Poulbot ») ou encore des expressions imagées par comparaison ou métaphore (« fier comme un paon », « gai comme un pinson », « mère poule », « couver la grippe », « y laisser des plumes », « prise de bec », « sauter du coq à l’âne »…).
[26] D’autres poèmes évoquent entre autres une poule « rapace » ou « chouette » : voir p. 14, p. 22.
[27] On trouve plus loin des poèmes avec « œuf dur » et « œuf coque » : voir p. 13.
[28] P. 13.
[29] P. 15.
[30] P. 17.
[31] À propos de l’expression « coq en pâte » : voir le deuxième poème de la page 21.
[32] Il faut préciser que Mes poules parlent a été précédé d’un recueil très similaire dans son fonctionnement et ses analogies avec le monde humain, intitulé Le rap des rats, en 1999, chez le même éditeur. Il y est d’ailleurs fait allusion de manière humoristique à l’intérieur des pages de couverture, ainsi qu’à Le verlan des oiseaux, pour justifier l’écriture de Mes poules parlent, tout en confirmant la continuité entre ces différents recueils.
[33] P. 12
[34] P. 40.
[35] Ce thème est abordé dans plusieurs albums de littérature de jeunesse, dont Les Petits bonhommes sur le carreau d’Olivier DOUZOU, ill. Isabelle SIMON, Paris, éd. du Rouergue, 1994 (1re éd.), pour de jeunes lecteurs à partir de 6 ans.
[36] Voir le poème p. 38.
[37] Ornithopoésie, éd. André Silvaire, 1986. L’oiseau a inspiré plusieurs recueils au poète, qui évoque à chaque fois de nombreux oiseaux dans leurs spécificités, tout en célébrant constamment leur chant et leur vol.
[38] « Du sel dans les yeux » est en relation avec le troisième poème dans lequel un enfant, sur les conseils de sa mère, met du sel sur la queue d’un oiseau pour l’attraper – et en particulier, pour lui prendre ses ailes pour voler. Mais l’oiseau s’envole et il ne reste à l’enfant que le sel dans les yeux ! Le poème évoque sans doute les premières désillusions de l’enfant et le sel dans les yeux métaphorise peut-être les premières larmes, liées notamment à la déception de ne pouvoir voler.
[39] Le poème p. 52 est d’ailleurs intitulé « Charade » et fonctionne sur ce principe.
[40] Le poème p. 44 évoque par exemple la comptine « Alouette ».
[41] P. 35. On peut aussi donner l'exemple des poèmes p. 42 (sur la caille) et 48 (« Le zoizeau / Zizotte et zozutte »…).
[42] Par exemple le merle essayant de manger les pommes tombées, p. 14 et p. 22, la poule tombée dans le marc du pressoir p. 27 ; l’oiseau et le chat p. 36, le héron à l’affût p. 37 ; le loriot sur la barrière p. 38.
[43] P. 26.
[44] P. 10 et 16 : on note d’ailleurs que l’oiseau dessiné est quasiment identique.
[45] « Comment faire le portrait d’un oiseau ».
[46] La poétesse dédicace le recueil à Maïwenn, Charlotte, auxquelles sont associées de dessins d’oisillons, et à Pierre, a priori un adulte, représenté par un héron.
[47] Dans le très beau recueil Pinpanicaille (Éd. Renarde Rouge, 1998) de la même auteure, que l’on peut qualifier de bestiaire atypique et où l’on trouve également plusieurs poèmes consacrés à des oiseaux, un poème, qui commence d’ailleurs par « Avant, quand j’étais un oiseau » développe la même image, mais dans un registre plus léger : voir p. 20.
[48] P. 13.
[49] Voir en particulier les poèmes p. 30, 32, 46.
[50] Françoise BOBE, ill. Nicolas DUFFAUT, Paris, Bayard jeunesse, 2009.
[51] Ibid. p. 27.
[52] D’où le poème « Le vol de corbeaux », l’oiseau étant lié ici à un paysage, une atmosphère, ou la scène plus légère du vol de sansonnets, p. 18-19.
[53] Ibid., p. 14-15. Voir également « Le hibou bibliophile » donné en extrait, mi comique, mi grinçant.
[54] Ibid., p. 40-41.
[55] L’éditeur mentionne en quatrième de couverture : « À partir de 7 ans ».
[56] Plusieurs oiseaux sont communs à cet album et à La pie-poète, comme la sittelle, le pic-vert, le héron. Une comparaison serait intéressante tant au plan des textes que des illustrations, sous l’angle de l’adaptation à l’âge du destinataire.
[57] On trouve juste dans le premier poème un jeu de mots fondé sur le calembour entre « mésanges » et « mes anges ».
[58] De fait, c’est essentiellement le procédé de l’analogie, par comparaison ou métaphore, qui permet de rapprocher les oiseaux du monde humain dans les trois œuvres étudiées ici, alors que c’est celui de l’anthropomorphisation qui domine dans les bestiaires ludiques, amenant des situations ou des histoires comiques.
[59] Cela correspondrait à la page 14 de l’album (pas de numérotation).
[60] Un autre point de convergence plus ponctuel est leur présence dans la liste de références du Ministère de l’Éducation Nationale pour le cycle 3 dans la rubrique « Poésie » depuis 2002 pour C’est Corbeau, et 2013 pour Plumes tièdes.
[61] Cf. « Corbeau interrogatif », p. 23.
[62] Voir « corbeau mort », p. 57.
[63] Jacques ALLEMAND, « A propos de C’est corbeau. ‘Le noir qui réfléchit’ », Lire écrire à l’école, 22, printemps 2004, p. 28.
[64] Voir« corbeau interdit » p. 31 et « corbeau autorisé » p. 32.
[65] Cf. « corbeau froussard », p. 37.
[66] Cf. « corbeau mange-tout » p. 45.
[67] Voir « fourmillements » où s’établit un contraste entre le jeune corbeau à terre et un autre haut dans le ciel, p. 14 ; voir aussi « de nos paysages en cours », p. 34 qui débute par « Quand ils passent en colonies magnifiques ».
[68] Intitulé « reste à lui donner un nom », p. 7.
[69] Voir l’article de Jean-Marc Vercruysse consacré au corbeau dans la tradition biblique, dans ce même numéro.
[70] C’est corbeau, p. 43.
[71] Voir « variations », p. 15.
[72] C’est corbeau, p. 61.
[73] Ibid., p. 26-27.
[74] C’est corbeau, p. 38.
[75] Fondateur avec d’autres poètes de la revue Encres Vives.
[76] Extrait de la quatrième de couverture.
[77] Michel COSEM, ill. Gérard FRANQUIN, Giboulées de neige et d’oiseaux (1ère éd. 1997), Draguignan, éd. Lo Païs, « d’enfance », 1999.
[78] Michel COSEM, ill. Christian VERDUN, Voyages d’hirondelles, Toulon, Pluie d’étoiles éditions, « Pluie d’étoiles poésies », fév. 2004.
[79] Michel COSEM, photographies Magali LAMBERT, Matin des rossignols, Amiens, éd. Corps Puce, « Le poèmier » (vol. 12), Amiens, 2007.
[80] On remarquera en revanche que le corbeau en est absent, ou évoqué indirectement par « oiseaux noirs » dans le poème p. 34 où il est associé à la désolation hivernale : le phénomène est le même dans les autres recueils.
[81] Michel Cosem a d’ailleurs consacré un très beau recueil poétique aux arbres, qui prend le format d’un album illustré par Philippe Davaine (illustrateur de Arc en ciel d’oiseaux) : Arbres de grand vent, éditions du Rocher, « Lo pais d’enfance », mars 2004. Dans les poèmes de cet album sont évoqués de nombreux oiseaux, vivant comme en symbiose avec ces arbres.
[82] Michel COSEM, Plumes tièdes, op. cit., p. 10
[83] Ibid., p. 19.
[84] Ibid., p. 16 : premiers vers du poème.
[85] P. 20.
[86] P. 21.
[87] P. 26.
[88] P. 38.
[89] P. 41.
[90] P. 42. Le faucon fait l’objet d’un autre poème, p. 54.
[91] P. 43.
[92] Le Chambon-sur-Lignon, Cheyne, « Poèmes pour grandir », 1993.
[94] Amiens, Corps Puce, « Le poèmier », volume 3, 1991.
[95] Extrait de « Au hasard des oiseaux » dans le recueil Paroles.
Résumé
Dans cette étude sont explorés neuf albums et recueils contemporains consacrés à l’oiseau en poésie pour la jeunesse, afin de rendre compte des images, des thèmes, des registres qu’il suscite, des symboles qui lui sont associés et du lien qui lui est prêté avec le langage poétique. On distingue d’abord une première catégorie d’œuvres s’inscrivant dans le genre du bestiaire ludique, dont certaines font cependant évoluer ce dernier. La seconde catégorie comporte des œuvres apparentées au bestiaire, mais qui s’en différencient en donnant à voir le monde des oiseaux dans sa réalité et sa diversité. La dernière catégorie se compose de recueils poétiques qui s’éloignent cette fois tout à fait du bestiaire : soit l’oiseau y est une figure de l’altérité ; soit il est le principal représentant du monde sensible et naturel que célèbre le poète.
Abstract
In this study, nine contemporary albums and collections dedicated to the bird in poetry for young readers are explored, to report images, themes, registers which it arouses, symbols which are associated to it and the link attributed to it with poetic language. We first distinguish a first category of works in the genre of playful bestiary, some of which however evolve the latter. The second category includes works related to the bestiary, but which differ from it by describing the world of the birds in its reality and its diversity. The last category consists of poetic collections, which this time completely departs from the bestiary: either the bird is a figure of otherness; or he is the main representative of the animal and plant world that the poet celebrates.
Les « oiseaux de tout le monde »
Deux « mono-bestiaires », ou quand la poule demande au poète s’il la « câline assez »
Vers une ornithopoésie ? Volonté didactique, intention poétique
Entre bestiaire et « ornithopoésie » : Petits dits d’oiseaux
Deux albums ornithopoétiques ?
De l’apprivoisement tragique à la contemplation bienheureuse : l’oiseau ou l’autre du poète
Isabelle OLIVIER
Univ. Artois, EA4028, Textes et Cultures, F-62000 Arras, France
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