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Numéro 17 | juin 2025 | Des « lieux à soi »
Des « lieux à soi »
Faire des villes des lieux à soi féminins : complémentarité des parcours virtuels et physiques du matrimoine du programme « Cité des Dames, créatrices dans la Cité »
Philippe GAMBETTE et Caroline TROTOT
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Le projet de recherche « Cité des dames, créatrices dans la cité »1 cherche à redonner aux femmes une place dans les villes plus conforme à la réalité de leurs actions en mettant en valeur leur contribution à la fabrique des villes et des modes de vie qui les accompagnent, en prenant en compte toutes les activités économiques, politiques, artistiques, publiques ou privées qui font vivre les cités dans les espaces urbains. Des collègues2 d’une grande variété de disciplines et d’aires géographiques dialoguent au sein du projet au bénéfice de l’élaboration d’une culture redonnant la part égale qui revient aux femmes dans l’histoire de l’humanité. Le projet relève d’une part d’enjeux académiques, puisqu’il vise à construire des savoirs universitaires libérés du biais masculiniste qui a occulté la présence et l’activité des femmes pour légitimer la domination des hommes, et il relève, d’autre part, d’enjeux socio-politiques puisqu’il s’agit aussi de contribuer à la transformation de la place des femmes dans les villes et, plus largement, dans les sociétés majoritairement urbaines dans lesquelles nous vivons, en adoptant un point de vue féministe.

Le projet invite ainsi à réfléchir aux liens entre les espaces matériels urbains et les discours qui les accompagnent, voire les représentations, ainsi qu’à leurs effets sociaux. Pour cela, à côté des articles de recherche, nous fabriquons également depuis 2019 des promenades et des itinéraires que l’on peut effectuer de manière physique et qui prennent également la forme d’applications numériques. Ces parcours, dont une partie se situe dans les Hauts de France et la Normandie, accordent une place particulière aux textes d’autrices et aux ressources qui aident à les lire. Nous essaierons de montrer comment l’autrice et l’auteur de cet article ont procédé en unissant littérature et informatique de manière transdisciplinaire et pourquoi la restitution des liens que ces textes entretiennent avec les espaces urbains peut jouer un rôle dans la transformation des sociétés urbaines.

Déambuler avec les autrices à la recherche d’un lieu urbain à soi

Dans ses « arts de faire », Michel de Certeau consacre un chapitre aux « marches dans la ville » et propose de les voir comme une « énonciation »3, un acte de discours qui permet « une appropriation du système topographique […], une réalisation spatiale du lieu » impliquant des « relations entre des positions […] entre colocuteurs »4. Les promenades et itinéraires que nous élaborons permettent ainsi de proposer à des personnes de s’approprier des lieux urbains en restituant les actions et les discours de femmes du passé grâce à la mise en relation des espaces matériels avec les espaces numériques virtuels. Parmi ces femmes, certaines ont exprimé le rapport qu’elles entretenaient comme créatrices avec les villes. Virginia Woolf et Christine de Pizan proposent en ce domaine des textes fondateurs pour comprendre le rôle de nos parcours.

Déambuler avec Virginia Woolf à la recherche d’un lieu urbain à soi

Le très célèbre essai de Virginia Woolf Un lieu à soi5 se présente comme une suite de déambulations, d’abord dans la ville universitaire condensant sous le nom d’Oxbridge les universités d’Oxford et Cambridge, dans le premier chapitre, puis, dans le second chapitre, dans la ville de Londres. Ces parcours lui permettent de montrer comment être interdite d’inscription dans les universités détermine l’exclusion de l’espace architecturé à l’intérieur des bâtiments mais aussi à l’extérieur puisque les pelouses mêmes sont interdites6 aux femmes. Cette exclusion vaut aussi une mise à l’écart de la culture puisque l’écrivaine n’a pas accès seule à la bibliothèque d’Oxford7 et ne trouve pas de livres de femmes dans les bibliothèques prestigieuses. Elle est également une dépossession financière et économique puisque l’activité des femmes est confisquée au profit de leur mari et qu’elles ne peuvent rien léguer, ce qui explique qu’il n’y ait qu’un collège pour les femmes et qu’il soit bien plus pauvre8. Les femmes sont privées de ce que la langue française nomme « matrimoine » au sens premier de ce terme qui désigne les biens hérités de la mère et au sens culturel dans lequel on l’emploie aujourd’hui9.

Le second chapitre est consacré à Londres et pointe l’absence de livres de femmes et la grande quantité de livres d’hommes stupides sur les femmes dans la bibliothèque du British Museum. Virginia Woolf montre la corrélation entre les espaces urbains concrets et les savoirs ainsi que la culture. A contrario, elle met en évidence l’importance féministe des gestes qui consistent à redonner une place aux femmes dans les villes grâce aux savoirs et à la culture. En effet, on se souvient que la narratrice met en abîme, dans ce texte, sa situation de conférencière devant écrire une communication à propos des femmes et de la fiction. Or elle a annoncé dès le début de son essai la conclusion à laquelle elle allait arriver : « une femme doit avoir de l’argent et un lieu à elle si elle veut écrire de la fiction »10.

L’essai n’est qu’un parcours effectué par un « je » présenté comme fictif et qui vise à persuader l’auditoire à travers le partage de son expérience. Grâce à des descriptions précises et sensibles, la promenade restitue les lieux urbains traversés et les pensées qu’ils font naître dans l’esprit de la narratrice. Le dispositif montre la virtuosité de l’autrice dans sa capacité à décrire les villes comme à construire le raisonnement et, simultanément, la difficulté à créer, à fabriquer de la représentation quand le sujet est confronté à son propre effacement, de sorte qu’il est obligé de construire lui-même la relation qu’il peut entretenir avec l’environnement urbain. Les monuments londoniens mentionnés apparaissent ainsi clairement comme des symboles de ce qu’elle caractérise comme un patriarcat11, également destructeur pour les hommes et les femmes : « Promenez-vous sous l’arche de l’Amirauté (j’avais atteint ce monument) ou toute autre avenue dédiée aux trophées et au canon, et songez au genre de gloire célébrée ici »12. Virginia Woolf redonne ainsi grâce à l’écriture une place aux créatrices dans les villes :

 

[…] il suffit d’entrer dans n’importe quel lieu de n’importe quelle rue pour que toute cette force extrêmement complexe de la féminité vous vole au visage. Comment pourrait-il en être autrement ? Car les femmes sont restées assises à l’intérieur depuis des millions d’années, de sorte qu’à présent les murs mêmes sont imprégnés de leur force créatrice qui, à vrai dire, a tellement débordé la capacité des briques et du mortier qu’elle doit se ceinturer de stylos et de pinceaux et de commerce et de politique.

 

L’essayiste invente en quelque sorte ce qui constitue aujourd’hui une « promenade féministe »13, celle qui permet de faire réapparaître les femmes effacées dans l’espace urbain pour qu’un public s’en empare. Elle montre ainsi la solidarité entre le parcours et le discours qui l’accompagne, confirmant l’analogie établie par Michel de Certeau entre la marche et l’énonciation complétée par celle entre l’acte d’écrire et l’écrit14. Le public de la promenade reçoit le discours mais il agit en marchant, si bien que l’écoute semble devenir action, cette action qui, dans le discours, est une énonciation.

Christine de Pizan : rebâtir les villes comme lieux de mémoire

Grâce à son essai, Virginia Woolf illustre le pouvoir de création et de transformation de la fiction discursive. En ce sens, elle poursuit l’œuvre d’une Parisienne qui l’a précédée de quatre siècles, Christine de Pizan, la première des autrices à faire vivre sa famille de son travail d’écrivaine créative et savante. En effet, dans La Cité des Dames15, elle invente une cité allégorique dans laquelle prennent place toutes les femmes qui ont contribué de manière remarquable à l’histoire humaine, fiction qui vient contrer la misogynie des livres prestigieux qu’elle lit. S’il ne s’agit pas ici d’une promenade, la ville est cependant représentée dans des aspects concrets et comme support de création.

En effet, le manuscrit médiéval présente, dans l’espace de la page, le texte et des images dédoublées qui inscrivent la création dans les espaces réels. Ainsi, sur l’illustration bien connue désormais de La Cité des Dames et qui sert d’image de référence à notre carnet de recherche16, à gauche Christine de Pizan apparaît dans son cabinet de travail de Parisienne, visitée par les trois allégories qui lui confient la mission d’édifier la cité refuge et, à droite, la même Christine de Pizan, truelle à la main, construit les murs de la forteresse qu’elle bâtit grâce à la fiction du texte pour abriter les femmes illustres. Le dispositif établit ainsi un système de circulation du sens entre la réalité physique et l’imaginaire, faculté qui sert également à construire le mémorable.

Il nous est apparu que nous pouvions de manière analogue proposer des espaces virtuels numériques abritant le souvenir des créatrices qui avaient fréquenté les espaces urbains et qu’ils pouvaient être le support d’interactions avec les utilisateurs et utilisatrices. Les espaces numériques sont ainsi des lieux de savoirs17 tels que les analyse de manière complexe Christian Jacob, et ils constituent un moyen de faire exister ce qu’on désigne comme le palimpseste urbain pour évoquer l’idée que non seulement la ville est faite de strates de constructions successives que l’archéologie met au jour, mais aussi, que chaque personne dispose de représentations mentales qui lui permettent de se déplacer dans les lieux urbains, des représentations mémorielles fondées sur des souvenirs personnels et sur une culture commune. Pour Michel de Certeau, cette pratique universelle de l’espace urbain repose sur une dialectique de l’absence et de la présence : « Le mémorable est ce qui peut être rêvé du lieu. Déjà en ce lieu palimpseste, la subjectivité s’articule sur l’absence qui la structure comme existence et la fait “être là”, Dasein »18. Le sujet se met en marche physiquement et mentalement en se projetant à la rencontre des souvenirs, sortes de fantômes qui l’accompagnent. Or ces représentations persistantes dans l’espace urbain ne sont pas les mêmes pour les femmes et les hommes.

Transformer les pratiques de mobilité et les rapports sociaux de genre

De fait, la représentation des villes comme espaces à parcourir est accompagnée d’interdictions et de menaces construites à travers l’histoire et plus ou moins actualisées par les aménagements urbains, les discours culturels et les comportements, notamment masculins. Michelle Perrot19 a montré comment les femmes avaient été ramenées dans les espaces clos, au cours du XIXe siècle, alors que les femmes des classes populaires vendaient, lavaient, récoltaient des moyens de subsistance dans les rues, et que leur résistance s’exprimait à travers des mouvements de protestation dans l’espace public. À l’époque contemporaine, les études sur les freins aux mobilités citadines ont aussi montré que les femmes avaient besoin de sentir une « autorisation morale »20 à se déplacer dans des espaces qui ne sont pas liés à leurs obligations professionnelles ou familiales, notamment quand elles sont de classe populaire, d’autant qu’elles subissent alors davantage encore d’agressions sexistes dans leurs déplacements21.

De plus, l’organisation de l’espace urbain permet de renforcer ces normes de genre ou de les atténuer, comme les études en géographie spatiale du genre le montrent. Comme l’écrit Sylvette Denèfle : « la ville est spécifiquement un miroir concret des normes actualisées de genre, d’une part, et d’autre part, elle est, à travers les choix politiques, l’un des outils de la régulation sociale »22. Or les femmes sont encore cantonnées au rôle d’ornementation de la ville pointé par Michelle Perrot à propos de l’architecture du style Art Nouveau23 et quasi absentes des références culturelles inscrites dans les villes, qu’il s’agisse des odonymes, des noms de bâtiments, des plaques commémoratives ou des statues. L’inscription culturelle du masculin dans les espaces construits désigne l’espace public comme un espace propre à l’action des hommes et impropre à celle des femmes.

Les matériaux concernant des femmes de lettres que nous mettons à disposition via les plateformes numériques permettent ainsi de construire des promenades physiques grâce auxquelles des personnes peuvent parcourir des lieux nouveaux ou porter un autre regard sur des lieux qui semblaient fermés. Les promenades peuvent faire revivre les femmes effacées, les rendre présentes auprès des femmes et des hommes d’aujourd’hui en rappelant qu’elles ont existé et agi de manière à façonner l’histoire dont nous héritons. Elles peuvent donner tout leur sens à la présence des monuments et inscriptions dédiés aux femmes dans l’espace urbain, faire vivre de manière performative « une toile, un réseau de la mémoire des femmes »24 comme le suggérait Christel Sniter à propos des statues de femmes célèbres érigées à Paris. Les espaces virtuels et les espaces réels jouent des rôles complémentaires dans la réappropriation d’une histoire jalonnée par des traces littéraires françaises importantes à partir de la querelle des femmes25 dont La Cité des Dames est un texte fondateur.

Les promenades littéraires au féminin peuvent donc participer à la transmission d’une histoire plus complète de notre passé qui manifeste la capacité à donner une place égale aux deux genres. L’ancrage local du matrimoine permet une appropriation physique à travers une expérimentation personnelle de l’espace et elle permet de s’appuyer sur des éléments matériels qui facilitent l’accès à la culture. Il s’agit également de textes et de faits souvent exclus de la culture scolaire26 ce qui peut permettre de ne pas mettre en situation d’infériorité culturelle des publics peu instruits du fait de leur parcours ou de leur jeune âge.

Les promenades du matrimoine : des moyens variés pour inscrire les femmes du passé dans les lieux actuels

Ces promenades du matrimoine s’inscrivent dans de nouvelles formes de commémoration de notre héritage culturel, alors que « le fétichisme commémoratif ne fait plus tant recette que par le passé »27. Elles constituent un exemple des « médiations culturelles mises en œuvre autour d’objets et de lieux « littéraires » alternatifs en regard des « maisons d’écrivain » dans des territoires qui continuent à fonder leur identité et leur politique culturelle grâce à eux » qu’évoque Marie-Clémence Régnier en conclusion de sa thèse consacrée aux maisons d’écrivain28. Ces alternatives sont particulièrement pertinentes pour les autrices, pour qui peu de « lieux à soi » ont suscité une démarche de patrimonialisation matérialisée par une maison d’écrivaine29.

En étudiant ces promenades du matrimoine, il est possible de faire émerger, au-delà des aspects biographiques et littéraires, une variété de moyens de faire surgir les autrices du passé de lieux urbains actuels, dans un processus cumulatif de construction d’un imaginaire des lieux décrit par Aurore Bonniot. Nous montrons ci-dessous quelles ressources numériques peuvent ainsi être mobilisées pour construire de nouvelles promenades, et les illustrons avec le cas de la poète Marceline Desbordes-Valmore.

Des promenades du matrimoine de formats variés

C’est depuis l’année 2015 et l’initiative du réseau HF pour organiser des journées du matrimoine lors du week-end des journées européenne du patrimoine, que les promenades du matrimoine se sont développées en France. Le recensement de plus d’une centaine de promenades proposées de 2015 à 2022, mis à disposition sur le site Empreintes de femmes30, montre la diversité des formats proposés. La grande majorité ont lieu en ville, prenant la forme d’une carte d’itinéraire disponible, d’une visite proposée régulièrement par des guides conférencières ou conférenciers professionnels, ou encore d’une promenade organisée ponctuellement à l’initiative de bénévoles ou de collectifs féministes. Seules deux ont été repérées en dehors de villes, le circuit pédestre sur les pas de George Sand à Nohant-Vic et l’itinéraire Marie Le Franc sur la Presqu’île de Rhuys. Comme on le voit en figure 1, où nous distinguons des « visites guidées » en intérieur et des « balades » en extérieur, la plupart des formats proposés correspondent à des balades à pied gratuites proposées pour la journée internationale des droits des femmes, en mars, ou pour les journées du matrimoine, en septembre. Mais on trouve aussi des parcours de musées ou d’expositions centrés sur des œuvres de femmes, des cartes interactives en ligne prévues pour guider une balade à pied ou à vélo. La difficulté à recenser a posteriori, de façon exhaustive, l’offre commerciale disponible rendrait nécessaire une étude qualitative auprès de guides conférenciers pour en savoir plus sur le développement de leurs propositions de visites ou balades du matrimoine. On peut toutefois noter en 2018 la création d’une société, « Dames d’histoire SAS », dont l’activité, centrée sur la « conception, création et production d’expériences dédiées à l'égalité entre les genres » a débouché notamment sur la création de plusieurs balades intitulées « Feminists in the city ».

 

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Figure 1 : type de promenades du matrimoine recensées en septembre 2024 sur le site Empreintes de femmes pour les années 2015 à 2022

 

Le livre qu’Édith Vallée a publié en 2018 sur le matrimoine de Paris propose dans chaque chapitre une promenade thématique dans un arrondissement de la capitale31. C’est sur un concept proposé par l’autrice que le jeu en ligne sur téléphone Matrimoine Go !, sous licence libre, a été créé en 2020 par Gilles Avraam dans son stage de DUT Métiers du multimédia et de l’internet pour le projet « Cité des dames »32. Il consiste à associer des femmes à des lieux urbains qu’elles ont marqués, en s’aidant d’indices fournis par l’application ou sur le lieu lui-même. Deux parcours de jeu ont été conçus directement à partir de l’ouvrage d’Édith Vallée, l’un dans le 1er arrondissement de Paris aux alentours de la Comédie-Française, l’autre dans le 3e arrondissement de Paris, près de la place des Vosges. Un troisième, dans le 9e arrondissement de Paris, a été créé en 2020 par des élèves de terminale du lycée Jules Ferry, dans le cadre d’un projet pédagogique en histoire de l’art proposé par leur professeure, Marina Plus33. Enfin, un parcours rouennais du jeu a aussi été développé en 2022 par l’animatrice culturelle indépendante Aurélie Daniel et proposé sur son blog lesbaladesrouennaises.fr, avec le soutien de la ville de Rouen.

S’appuyer sur les traces visibles dans l’espace urbain ?

Les odonymes et plaques de rues

Les traces visibles des femmes dans l’espace urbain, par exemple les plaques qui les mentionnent et les statues qui les représentent, constituent l’ancrage le plus facilement mobilisable pour construire une promenade du matrimoine. Ainsi, parcours guidés proposés dans le 13e arrondissement de Paris s’appuient sur les noms de rues du quartier Paris Rive Gauche34. En effet, un grand nombre de rues ont été nommées d’après des femmes dans ce quartier, aménagé depuis une trentaine d’années autour du site de Tolbiac de la Bibliothèque nationale de France et, depuis 2006, du campus des Grands Moulins de l’université Paris Cité.

Ce n’est généralement pas le cas en France. Dans le premier chapitre, intitulé « Nom d’une rue ! », de son ouvrage La ville faite par et pour les hommes35, le géographe Yves Raibaud interroge la faible représentation des femmes dans les odonymes (noms de rues, avenues, places, etc.). Il y évoque l’enquête de l’organisation non gouvernementale Union Française Soroptimist publiée en 201436 : sur 64 500 rues de 111 communes françaises de tailles variées, seules 2% étaient nommées d’après une femme, alors que près d’un tiers étaient nommées d’après un homme, soit 6% de représentation des femmes parmi les rues nommées d’après une personne.

La situation évolue depuis une vingtaine d’années. Au-delà de la démarche pionnière de La Ville-aux-Dames, en Indre-et-Loire, où une décision prise par la municipalité le 13 mars 1974, sur proposition du maire Lionel Delaunay, a conduit à nommer presque toutes les rues d’après des femmes37, la ville de Paris a par exemple entamé une démarche qui a conduit à passer de 6% d’odonymes faisant référence à des femmes en 2001 à environ 15% aujourd’hui38. Cette évolution s’est appuyée notamment sur la transformation en places de certaines intersections de rues assez spacieuses, et donc la création « de pseudo-odonymes sans fonction d’adressage ou de repérage, et par la promotion de noms (ici de femmes) qui ont marqué l’histoire nationale et internationale dans le sens des valeurs revendiquées par la cité globale »39.

Alors que des ouvrages ou dictionnaires dédiés aux noms de rues le permettent pour plusieurs villes françaises, le web fournit désormais la possibilité de faire connaître les personnes célébrées par les odonymes, comme on peut le voir pour Paris sur la carte interactive Paristique.fr de Guillaume Delorez en 201540, ou pour les femmes qui ont marqué l’histoire de Bordeaux sur le blog Papotiche.fr en 201641.

Les odonymes ont aussi fait l’objet d’études automatiques pour y dénombrer les noms d’hommes ou de femmes, à l’aide notamment de la base FANTOIR de la DGFIP, Direction Générale des Finances Publiques42. Ainsi, dans une analyse des personnalités ayant le plus donné leur nom aux plaques de rues de chaque département français, en 2016, Mathieu Garnier et Étienne Quiqueré avaient identifié George Sand, en tête dans la Creuse et dans l’Indre, département de son décès, à Nohant-Vic43. Une autre étude sur la même base de données, menée par Christian Quest, faisait aussi apparaître George Sand à la dix-septième place du palmarès national avec 738 noms de voies, précédée par une seule autre femme, Jeanne d’Arc, en onzième position avec 972 noms de voies44.

C’est pour prolonger cette démarche, en facilitant l’exploitation des données pour construire des promenades du matrimoine, que l’application web, PlaquesDuMatrimoine45 a été développée. Cet outil, dont le code est mis à disposition sous licence libre, permet d’extraire de diverses bases de données publiques un ensemble de lieux urbains d’une ville donnée, en France métropolitaine, et d’y estimer automatiquement le pourcentage de ceux nommés d’après des femmes, tout en les cartographiant. Sa première version a été présentée lors du séminaire du 29 janvier 2020 du projet « Cité des Dames », à l’Espace des Femmes à Paris. Il a été amélioré, du point de vue de l’ergonomie, de la rapidité, de la qualité des résultats et des fonctionnalités proposées, par Alan Akra, étudiant au département Métiers du multimédia et de l’internet de l’IUT de Marne-la-Vallée, lors d’un stage réalisé d’avril à juillet 2020 au LIGM.

C’est la Base Adresse Nationale46 qui a été utilisée pour collecter les odonymes analysés par l’application. L’outil en ligne tente alors d’en extraire les noms de personnes, avant d’avoir recours à la base de données collaborative Wikidata47 pour obtenir des informations sur le genre de la personne et récupérer le lien vers sa page Wikipédia. À défaut, c’est le prénom qui est utilisé pour distinguer hommes et femmes. Ces informations sont alors associées à un marqueur, de couleur différente pour les femmes et les hommes, placé au niveau du lieu sur une carte de la commune. Un graphique est aussi généré automatiquement pour indiquer le pourcentage de femmes et d’hommes estimé d’après ces recherches automatiques, non seulement dans les noms de voies mais aussi dans d’autres types de lieux (établissements éducatifs, bibliothèques et autres centres culturels, centres sportifs), grâce à des données collectées par l’outil GéoDataMine48 qui interroge le site de cartographie collaboratif OpenStreetMap49. Depuis, une démarche similaire de repérage et de cartographie des voies nommées d’après des femmes a été menée par trois agents de l’IGN à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes en 2022, ce qui a conduit à l’ajout d’un calque de données thématiques « Où sont les femmes ?» sur le site Géoportail50, dans la rubrique « Culture et patrimoine ».

Autres noms de lieux, plaques et monuments

Pour ces noms de lieux aussi, les femmes sont généralement minoritaires. Une analyse de 3 295 établissements scolaires de Paris et de la petite couronne montre que, parmi les 69% nommés d’après des personnes, 84% portent un nom masculin, 14% un nom féminin et 2% associent des noms féminins et masculins51. Autres lieux de transmission du savoir, les bibliothèques publiques : sur le même périmètre de Paris et de sa proche banlieue, 47% portent un nom de personne, parmi lesquelles 81% de noms masculins, 18% de noms féminins et 1% de noms féminins et masculins associés.

Parmi les 19 094 installations sportives référencées dans la base RES du Ministère des Sports, qui portent le nom d’une personne, le collectif Egal Sport a repéré 90% de noms masculins, 9% de noms féminins et 1% de noms mixtes52. Leur étude explore les différences entre taux de noms féminins, qui dépendent du lieu de l’installation (plus de 16% en Bretagne contre moins de 7% en Hauts-de-France), du sport pratiqué (plus de 23% pour les salles de danse, moins de 4% pour les stades de football), ou de la date de mise en service de l’installation (moins de 6% entre 1945 et 1964 contre plus de 13% depuis 2005). De manière paradoxale, les noms les plus choisis ne sont pas nécessairement des noms de sportives : ce sont la physicienne et chimiste Marie Curie, la sportive Colette Besson et l’écrivaine George Sand qui arrivent en tête du palmarès des noms féminins les plus donnés aux installations sportives. Une étude spécifique sur les piscines françaises53 note 19 nageuses parmi les 39 femmes qui ont donné leur nom à une piscine (9% des noms de piscine correspondant à une personne), aux côtés de 8 femmes politiques, 7 sportives, entraîneuses ou présidentes de club, 3 industrielles, une scientifique et une artiste.

Une promenade du matrimoine littéraire peut aussi s’appuyer sur la statuaire publique et les plaques commémorative. Plusieurs projets ont permis la création de bases de données mobilisables dans ce but, notamment À nos grands hommes, réalisé à partir de la collection de cartes postales de France Debuisson, avec le musée d’Orsay, l’École du Louvre et le concours d’autres partenaires. La base de données de ce site web recense environ 3% de femmes dans la statuaire publique française et propose un espace numérique dédié aux figures les plus marquantes. Le projet de recherche Monuments littéraires dirigé par Mathilde Labbé explore plus largement les monuments nommés d’après des gens de lettres, en s’intéressant notamment aux cérémonies d’inauguration54. Enfin, le projet de recherche Les plaques commémoratives dans l’espace public, Paris du XVIe au XXIe siècle, mené par Florence Bourillon, Olivier Millet et Laurent Coudroy de Lille, s’est focalisé sur la ville de Paris. Il semble là aussi possible d’exploiter des données collaboratives pour élargir le périmètre étudié, par exemple les catégories Wikimedia Commons « Plaques in France » et « Here-was-born plaques »55 ou le site participatif openplaques.org.

Une promenade sur Marceline Desbordes-Valmore à Douai

Sur les pas de la poète dans sa ville natale

Un parcours sur les pas de Marceline Desbordes-Valmore à Douai a été créé en 2021 pour le Festival « Résonances »56 du Réseau des maisons d’écrivain et des patrimoines littéraires en Hauts-de-France. Ce parcours a pris la forme d’une création numérique avec l’outil Genially, accessible en ligne alors que les restrictions liées à l’épidémie de COVID-19 empêchaient de prévoir des événements dans les maisons d’écrivains. L’initiative mise en œuvre grâce à la collaboration de plusieurs institutions douaisiennes, comme la bibliothèque municipale et le musée de la Chartreuse, et où sont intervenus Jean Vilbas, Pierre-Jacques Lamblin et Anne Labourdette, membres de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore, et Denise Jardy-Ledoux, présidente du Cénacle de Douayeul, a permis de proposer une balade en 16 étapes accompagnées de vidéos, d’une durée totale de 52 minutes57.

Le projet « Cité des dames » a permis de prolonger cette démarche en rendant disponible cette balade urbaine à travers une application web sous licence libre, Promenades du matrimoine, développée par Ulysse Gravier, étudiant au département Métiers du multimédia et de l’internet de l’IUT de Marne-la-Vallée, pendant un stage pour le projet en juin 2021. Cette dernière permet d’associer des textes, des images, et des fichiers audio ou vidéo aux étapes d’un itinéraire58, en suivant les réflexions conclusives de la thèse d’Aurore Bonniot sur le tourisme littéraire : « en faisant dialoguer archives sonores, textes et photos », il s’agit de renforcer « la dimension spirituelle et créative de l’itinérance du marcheur »59. La fonction de géolocalisation du téléphone nous alerte à l’approche de chaque étape, et un fond de carte de Douai de 1824 peut être superposé au fond de carte actuel pour avoir un aperçu de la ville à l’époque de la poète.

La promenade a été enrichie de quelques étapes supplémentaires, alimentée notamment par les noms de lieux (rue, quai, suite et salon dans un hôtel) qui font référence à la poète dans la ville60. Ces ajouts ont été faits aussi pour améliorer l’expérience de visite en insérant quelques étapes pour éviter des cheminements trop longs entre deux étapes successives. Il est alors important de parcourir un prototype de l’itinéraire pour observer l’environnement en y cherchant d’autres liens avec l’autrice. Et d’explorer son œuvre en vers et en prose, et sa correspondance, éventuellement par des recherches de mots-clés dans les textes numérisés, pour y trouver des mentions de lieux.

L’itinéraire a été testé lors d’une promenade à Douai en août 2023, proposée par la Société des études Marceline Desbordes-Valmore à un groupe d’enseignantes du secondaire qui avaient étudié Marceline Desbordes-Valmore dans le cadre de la préparation de l’agrégation cette année-là. Cet événement a illustré l’intérêt de disposer d’un itinéraire modulable en fonction des intérêts du public (dans ce cas précis, un intérêt particulier pour les lieux évoqués dans les poèmes du recueil Les Pleurs, au programme de l’agrégation). La nécessité de scénariser la progression demande aussi d’accorder une attention particulière à l’étape de début (dans cet exemple, la maison natale) et à celles possibles pour terminer le parcours : bibliothèque municipale ou musée de la Chartreuse pour enchaîner avec une visite des collections, rue Marceline à côté d’un collège dont un bâtiment porte son nom pour évoquer la postérité de la poète. Il s’agit là dégager des « éléments de langage destinés à forger un récit stable, qui circulera aisément pour marquer les esprits »61.

D’autres ancrages de Marceline Desbordes-Valmore dans des lieux en Hauts de France et en Normandie

Dans la perspective de la création d’itinéraires qui permettraient de croiser Marceline Desbordes-Valmore dans d’autres villes que Douai dans les régions Hauts-de-France et Normandie, quelques démarches complémentaires pourraient être envisagées (et généralisées à d’autres femmes de lettres). L’application web Nom d’une plaque62 permet ainsi de repérer les odonymes qui font référence à une liste de noms en France métropolitaine, il y en a plusieurs dans le département du Nord. La cartographie, proposée sur le site de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore, des lieux habités par la poète63, permet par ailleurs d’en repérer plusieurs dans ces deux régions : Douai (1786-1796), Roubaix (1796-1797), Lille (1797-1799), Rouen (1803-1804, 1806-1807, 1808-1810, 1810-1813, 1832-1833).

Des lieux rouennais cités dans son œuvre pourraient aussi être associés à Marceline Desbordes-Valmore : par exemple, trois poèmes, « Rouen », « À Rouen, rue Ancrière » et « Le petit Arthur de Bretagne » et trois nouvelles sur la ville de Rouen, publiées dans le recueil de contes et nouvelles Le Conteur, paru chez Dumont en 1833. Plus indirectement, elle évoque dans ses poèmes des personnes que l’on peut rattacher à d’autres lieux rouennais : ses sœurs, le compositeur François-Adrien Boieldieu, l’actrice Nadège Fusil, ou même le violoniste Niccolò Paganini à l’occasion de sa venue dans la ville en octobre 1832. Son réseau de relations peut aussi être analysé pour y rechercher des artistes qui ont fait son portrait (Eustache-Hyacinthe Langlois ou Étienne Mélingue), des compositeurs ou compositrices qui ont mis en musique ses poèmes (Antoine Orlowski).

Enfin, au-delà des lieux précisément identifiables dans l’œuvre ou la biographie de Marceline Desbordes-Valmore, il est aussi possible de mobiliser ses textes pour enrichir l’imaginaire de certains lieux. Par exemple, le poème « L’Eau douce » pourra être rattaché à une embouchure, « L’Églantine » à une haie d’églantiers et son huitain sans titre commençant par « Je veux aller entendre » à un rivage.

Les itinéraires

Si les promenades locales offrent donc de multiples potentialités, il est également possible de se situer à une échelle régionale incluant différentes villes de manière à faire réapparaître les réseaux qu’elles ont pu constituer, les échanges dont elles ont été le cadre et d’inviter à un voyage de ville en ville réel ou en pensée. L’application numérique construite autour du voyage des Flandres de Marguerite de Valois64, dans le cadre de « Cité des Dames, créatrices dans la Cité », peut fournir des éléments pour alimenter des parcours touristiques dans les Hauts de France et la Belgique, de ville en ville ou dans une ville spécifique.

Le voyage en Flandres de 1577 de Marguerite de Valois

Dans ses Mémoires65, Marguerite de Valois (1553-1615), fille de Catherine de Médicis et de Henri II, raconte, en une vingtaine de pages, le voyage effectué à l’été 1577 de Paris à Liège, dans l’actuelle Belgique. La reine de Navarre prétexte une cure thermale aux eaux de Spa ; en vérité, elle mène une mission diplomatique66 pour le compte de son frère François d’Alençon qui a été appelé par les catholiques du Sud des Flandres révoltés contre l’occupant espagnol, représenté par le gouverneur Don Juan d’Autriche. Marguerite de Valois se déplace de ville en ville pour rencontrer les personnalités influentes. L’autrice et l’auteur de l’article ont établi l’itinéraire à partir du texte67 et Nicole Dufournaud, historienne ingénieure de recherche pour le projet « Cité des Dames » pendant deux ans, l’a complété grâce à l’analyse des livres de comptes de la reine. Les principales étapes mentionnées dans le texte sont, à l’aller, Le Catelet, Cambrai, Valenciennes, Mons, Namur, Huy, Liège, Spa et au retour Huy, Dinant, Fleurines, Cateau-Cambrésis, Le Catelet et La Fère.

Les frontières ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui et Marguerite de Valois concentre son récit sur les villes qui ne sont pas en France à cette époque. L’application numérique que nous avons conçue avec des stagiaires, notamment Alexis Martinet, étudiant de DUT Métiers du multimédia et de l’internet, pour le développement de l’application, dessine l’itinéraire et relie chaque étape au texte des Mémoires de Marguerite de Valois ainsi qu’à un certain nombre de documents donnant des informations sur les lieux évoqués ou sur les actions historiques relatées.

Des cartes anciennes ont été ajoutées, notamment à l’étape de Valenciennes, une carte du Hainaut et de ses voisins, dans laquelle on observe également les frontières du Cambrésis. Cette carte est également reliée à sa superposition à une carte actuelle présente sur le site MapWarper. Un curseur en bas de l’image (coupé sur la capture d’écran) permet de faire apparaître plus ou moins la carte actuelle sous la carte ancienne.

À titre d’exemple, l’étape de Cambrai est illustrée par une vue de la ville de la fin du XVIe siècle tirée du livre de Georg Braun et Frans Hogenberg, Civitates orbis terrarum, grâce à une numérisation de l’édition de 1581 du volume III mise en ligne par l’Utrecht University Library. En dessous d’elle se trouve le passage des Mémoires de Marguerite de Valois concernant Cambrai. En dessous de l’extrait, figure une liste de documents et chacun peut être ouvert et retrouvé en pleine page. Le traité de la Paix des Dames signé en 1529 à Cambrai par Marguerite d’Autriche et Louise de Savoie avec le concours de Marguerite de Navarre, la grand-tante de Marguerite de Valois, autrice de l’Heptaméron, permet ainsi rappeler le rôle des souveraines dans la diplomatie du XVIe siècle68. La Description de tous les pais bas de Louis Guichardin69, ouvrage dont Marguerite de Valois possédait un exemplaire70, fournit les informations contextuelles dont pouvait disposer la mémorialiste, parfois sur des femmes ayant joué un rôle important. D’autres liens renvoient à des ouvrages scientifiques du XIXe siècle ou contemporains comme celui d’Yves Junot71 pour Valenciennes, qui font de l’application un instrument de médiation scientifique, voire de bibliographie savante.

Par ailleurs, Marguerite de Valois mentionne de nombreuses personnes dont des femmes qui jouent un rôle politique et social décisif. C’est le cas de Diane de Dommartin, marquise d’Havré, en raison de son mariage avec Philippe de Croÿ marquis d’Havré ou encore de la comtesse de Lalaing, femme de Philippe de Lalaing grand bailli du Hainaut et gouverneur de Valenciennes. Ces femmes constituent une noblesse transfrontalière72 entre Lorraine, France, Pays-Bas et Allemagne qui joue un rôle de premier plan. Elles voyagent, comme les femmes qui accompagnent la reine de Navarre dans son périple. Suivre Marguerite de Valois dans son voyage de ville en ville peut amener à découvrir des figures féminines européennes marquantes en parcourant des lieux qui gardent des traces de la Renaissance73.

Cartographier les itinéraires en pratique

Les expérimentations menées dans le cadre du projet « Cité des dames » ont permis de préparer les cartographies d’autres itinéraires historiques de récits de voyages de femmes, que nous avons présentées lors du colloque Visualiser les récits de voyage à l’ère du numérique : approches interdisciplinaires, dans une communication préparée avec Fanny Boutinet et Nicole Dufournaud. L’application web permet ainsi d’explorer des itinéraires de femmes décrits par elles-mêmes, comme celui de Marguerite de Valois en Flandres évoqué précédemment, mais aussi les déplacements de Catherine de La Guette pendant la Fronde d’après ses Mémoires74 ou encore le tour de Belle-Île en quatre jours décrit par la poète belliloise Éva Jouan en 190775, qu’elle réalise à pied avec son mari. D’autres itinéraires proposés dans la plateforme sont décrits par des textes d’autres personnes, par exemple celui publié en 1566 par un serviteur du roi, Abel Jouan, pour le grand tour de France de Charles IX et Catherine de Médicis de 1564 à 156676, ou celui d’un érudit du XIXe et du début du XXe siècle, Philippe Lauzun, à propos des voyages de Marguerite de Valois en Gascogne de 1578 à 158677.

Le choix de s’appuyer sur des ouvrages dans le domaine public a été fait afin de pouvoir en publier le texte sans contrainte liée aux droits patrimoniaux de propriété intellectuelle. Ceci permet par ailleurs d’établir le texte sur la plateforme collaborative Wikisource, où l’on trouve une catégorie consacrée aux récits de voyage78.

La cartographie elle-même peut aussi être effectuée par des outils collaboratifs, comme l’application web uMap79 développée par la communauté OpenStreetMap, qui permet de placer manuellement des marqueurs sur une carte, d’y dessiner des lignes figurant les itinéraires ou des polygones entourant certaines zones géographiques. On peut aussi y choisir des fonds de carte personnalisés et ajouter des contenus textuels et multimédia liés aux marqueurs positionnés sur la carte. De plus, il est possible d’importer les données depuis un fichier tabulé contenant deux colonnes avec les coordonnées géographiques des lieux, si l’on préfère préparer les contenus sur un logiciel de tableur (éventuellement collaboratif comme Google Sheets ou Collabora Online). Un tutoriel vidéo d’utilisation de cet outil est proposé sur le carnet Hypothèses du projet « Cité des dames »80. Il a été utilisé notamment par Estelle Plaisant-Soler, enseignante au collège Paul Féval à Dol-de-Bretagne, pour préparer avec ses élèves de cinquième 8, en 2021, une cartographie interactive du récit de voyage de Léonie d’Aunet au Spitzberg81. Cette création collaborative d’une édition numérique d’un chapitre de ce récit de voyage a été récompensée en 2021 par le concours #JeLaLis82, dont le projet « Cité des dames » était partenaire, et qui vise à récompenser des initiatives pour mettre en lumière des autrices dans le domaine public.

Conclusion

Les exemples présentés montrent la diversité des matériaux qu’on peut utiliser pour scénariser une promenade ou un itinéraire. Les outils numériques permettent d’extraire des informations et ils proposent également une médiation qui enrichit les mobilités en les préparant, en les accompagnant ou en aidant à pérenniser leur souvenir. Ces parcours réels et virtuels sont autant d’invitations à lire des textes en suivant les chemins hypertextuels et ils suscitent ainsi des interactions entre les sujets et le matrimoine littéraire comme les promenades favorisent l’appropriation sensible en mettant en action les mouvements du corps, les sensations et les émotions. En replaçant concrètement la littérature in situ, ils la rendent plus accessible et peuvent jouer comme une autorisation donnée à la lecture de textes éloignés de la culture commune que chacun et chacune est appelé à examiner soi-même et à considérer comme un trésor nouvellement découvert dont l’interprétation n’est pas guidée par les autorités scolaires. Les lieux mêmes prennent une nouvelle densité grâce aux personnages qui les peuplent et aux narrations dont ils sont les protagonistes, ce qui donne des raisons supplémentaires de les visiter.

Enfin, il s’agit de transformer les rapports de genre dans les villes en proposant des modèles plus variés qui changent le climat urbain en démasculinisant l’espace public. Au fil des parcours, on découvre des lieux que des femmes se sont appropriées de manière temporaire ainsi que les lieux où elles ont résidé une longue partie de leur vie. Ces femmes reprennent ainsi place dans la culture commune et nous invitent à reconnaître leur contribution à la fabrique de notre histoire, l’héritage de nos mères à côté de celui de nos pères.

La toile numérique donne ainsi forme au palimpseste des villes et elle permet de redonner vie aux fantômes féminins qui errent sans qu’un monument funéraire existe dans nos villes pour leur rendre un culte ou pour nous cultiver. Car toutes ces femmes sont non seulement mortes, mais elles ont été effacées dans ce grand « féminicide culturel ». « Peut-on être une femme sans avoir une hantise, sans être une revenante ? », demande Hélène Frappat dans Trois femmes disparaissent83. Faire place aux revenantes permet peut-être de diminuer la hantise de l’agression sexiste qui accompagne les femmes dans leurs déplacements et plus largement dans leur participation à la vie sociale, cela permet en tout cas de transformer le cadre qui autorise les conduites de délégitimation des femmes.

Elle invite à relire les villes comme des lieux de mémoire dans lesquels nous pouvons retrouver nos souvenirs. Pour Michel de Certeau, « Il n’y a de lieu que hanté par des esprits multiples, tapis là en silence et qu’on peut ‘‘évoquer’’ ou non. On n’habite que des lieux hantés »84.


[1] Programme financé depuis 2019 par l’I-SITE FUTURE, Université Gustave Eiffel, dir. par Caroline Trotot et Philippe Gambette et depuis 2024 « Cité des dames 2 » dir. par les mêmes et Claire Delahaye ; URL : https://citedesdames.hypotheses.org.

[2] Voir https://citedesdames.hypotheses.org/category/collaborations/membres.

[3] Michel de CERTEAU, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1990, p. 148.

[4] Ibid.

[5] Virginia WOOLF, Un lieu à soi, trad. de Marie Darrieussecq, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2020.

[6] Ibid., p. 28-29.

[7] Ibid., p. 31 « […] j’étais réellement devant la porte qui donne accès à ladite bibliothèque. Je l’ouvris sans doute, car instantanément en surgit, comme un ange gardien barrant le seuil dans un battement de toge noire au lieu d’ailes blanches, un monsieur affable, désapprobateur et chenu, qui regretta à voix basse, tout en me renvoyant d’un geste de la main, le fait que les dames ne sont admises à la bibliothèque qu’accompagnées par un membre du collège ou pourvues d’une lettre de recommandation ».

[8] Ibid., p. 47-53.

[9] Pour ces deux acceptions, voir Ellen HERTZ, « Le matrimoine », in Marc-Olivier GONSETH, Jacques HAINARD, Roland KAEHR (dir.), Le musée cannibale, Neuchâtel, Musée d’ethnographie, 2002, p. 153-168 et Aurore ÉVAIN, « Vous avez dit « matrimoine » ? », blog Mediapart, 25 novembre 2017, URL : https://blogs.mediapart.fr/mouvement-hf/blog/251117/vous-avez-dit-matrimoine-par-aurore-evain.

[10] Virginia WOOLF, Un lieu à soi, p. 26.

[11] Ibid., p. 65.

[12] Ibid., p. 72.

[13] Voir par exemple les activités de Feminists in the city https://www.feministsinthecity.com/.

[14] Michel de CERTEAU, op. cit., p. 148.

[15] Christine de PIZAN, Le livre de la Cité des Dames, éd. bilingue d’Anne PAUPERT et Claire LE NINAN, Paris, Honoré Champion, coll. « Champion Classiques », 2023.

[16] URL : https://citedesdames.hypotheses.org/.

[17] Jacob, Christian, Qu’est-ce qu’un lieu de savoir ? OpenEdition Press, 2014. URL : https://doi.org/10.4000/books.oep.423.

[18] Ibid., p. 163.

[19] Michelle PERROT, « La ménagère dans l’espace parisien au XIXe siècle », Les Annales de la recherche urbaine, 9, 1980, p. 3-22.

[20] Jacqueline COUTRAS, « La mobilité des femmes au quotidien : un enjeu des rapports sociaux des sexes ? », Les Annales de la recherche urbaine, 59-60, Mobilités, 1993, p. 163-170.

[21] Arnaud ALESSANDRIN, Johanna DAGORN, « Femmes et déplacements : différents contextes, différentes expériences ? », Dynamiques régionales, 12 (3), Espace public et inégalités de genre, 2021, p. 63-82, URL : https://shs.cairn.info/revue-dynamiques-regionales-2021-3-page-63.

[22] Sylvette DENÈFLE, « Introduction », in Sylvette DENÈFLE (dir.), Femmes et villes, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2004, p. 14.

[23] Michelle PERROT, art. cité, p. 10.

[24] Christel SNITER, « Les statues de femmes célèbres érigées à Paris de 1870 à nos jours. Entre lieux de mémoire et espaces d’investissement », Femmes et villes, op. cit., p. 529-539.

[25] Voir la présentation et le renvoi aux sources primaires et secondaires du site de la SIEFAR (Société Internationale d’Étude des Femmes d’Ancien Régime) https://siefar.org/revisiter-la-querelle-des-femmes/presentation/, notamment les quatre volumes publiés par la SIEFAR Revisiter la querelle des Femmes, parus aux Presses Universitaires de Saint-Étienne de 2012 à 2015.

[26] Femmes et littérature. Une histoire culturelle, in Martine REID (dir.), Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2020, 2 volumes ; RHLF, « Regards de Femmes sur l’histoire littéraire », Déc. 2023, 4. Voir aussi l’article de Nathalie Denizot dans le présent numéro.

[27] Marie-Clémence RÉGNIER, Vies encloses, demeures écloses. Le grand écrivain français en sa maison-musée (1879-1937), thèse de doctorat en littérature et civilisation françaises, Université Paris 4, 2017, p. 615.

[28] Ibid., p. 616.

[29] Un relevé en mars 2025 dans l’annuaire du premier collège des adhérents du Réseau national des maisons d’écrivains et des patrimoines littéraires permet de lister 246 associations entre des lieux membres du réseau et des auteurs, contre 30 avec des autrices, soit moins de 12%. L’association Le deuxième texte a publié en août 2020 une cartographie du matrimoine littéraire et des maisons d’écrivaines en France. URL : http://blog.ledeuxiemetexte.fr/2020/08/19/matrimoine-litteraire-et-maisons-decrivaines.

[30] URL : https://citedesdames.github.io/empreintesdefemmes. Site conçu et développé en HTML et CSS par Danie Lancéa pendant son stage de deuxième année de DUT MMI à l’IUT de Champs-sur-Marne, avec des contributions de Philippe Gambette en Javascript. Les contenus de la base de données et du site ont été ajoutés par Danie Lancéa, Titouan Kerhervé-Remoussin, Philippe Gambette et Caroline Trotot.

[31] Édith VALLÉE, Le matrimoine de Paris : 20 itinéraires, 20 arrondissements, Paris, Bonneton, 2018.

[32] « MatrimoineGo, un jeu pour découvrir le matrimoine parisien », 4 décembre 2019, carnet de recherche Cité des Dames & Cité des Dames 2, URL : https://citedesdames.hypotheses.org/76.

[33] URL : https://pia.ac-paris.fr/portail/jcms/p1_4626678/jouez-a-matrimoine-go.

[34] On peut citer celle proposée le 15 septembre 2018 par Karine Hulin, Laura Maréchal et Ginette Cohen du Service commun de documentation de l’université Paris-Diderot, à l’occasion des Journées du matrimoine d’HF Île-de-France, la « Balade du côté de la Seine », organisée le 9 mars 2024 par la Mairie du 13e, en partenariat avec le master « Patrimoine et musée de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne » ou encore le « Parcours Mémori.elles » du 13e arrondissement de Paris, mis en ligne en mars 2025 par la ville de Paris à l’adresse https://www.paris.fr/pages/parcours-memori-elles-sur-les-traces-des-femmes-qui-ont-fait-paris-30377.

[35] Yves RAIBAUD, La ville faite par et pour les hommes, Paris, Belin, 2015.

[36] Union Française Soroptimist, Alerte Média : 6% des rues rendent hommage à des femmes, 2014, URL :https://union.soroptimist.fr/uploads/union/mcfile/Doc_2014/NOMS_de_RUES_vd-1.pdf.

[37] Hélène BIELAK, « La commune où toutes les rues ont des noms de femmes », Ouest France, 22 mars 2016, URL : https://www.ouest-france.fr/europe/france/la-commune-ou-toutes-les-rues-ont-des-noms-de-femmes-4050826.

[38] Mairie de Paris, « Féminisons les noms des rues !», mise à jour le 28/02/2025, URL : https://www.paris.fr/pages/feminisons-les-noms-des-rues-6538.

[39] Frédéric GIRAUT, « Contre la sous-représentation des femmes dans les noms de rues : géopolitique d’une mobilisation contemporaine multiforme », carnet de recherche Néotoponymie / Neotoponymy. Toponomascapes en construction : études en toponymie politique, 2014, URL : http://neotopo.hypotheses.org/44.

[40] Pierre de BAUDOUIN, « Quelle histoire se cache derrière le nom de votre rue ? », France 3 Paris Île-de-France, 29 décembre 2017, URL : https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/carte-quelle-histoire-se-cache-derriere-nom-votre-rue-1138461.html.

[41] Papotiche, « Femmes des rues Bordelaises : nous qui passons sans vous voir… », 20 mars 2016, URL : https://www.papotiche.fr/femmes-rues-bordeaux.

[42] URL : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/competences/le-fichier-des-voies-et-lieux-dits-fantoir.

[43] Mathieu GARNIER, Étienne QUIQUERÉ, « Quelle personnalité a le plus de rues à son nom dans votre département ? », Slate, 15 avril 2016, URL : http://www.slate.fr/story/116421/rues-departements-heros-regionaux.

[44] Christian QUEST, Parité dans les noms donnés aux rues et son évolution ces dernières années, 7 mars 2019, mise à jour le 30 avril 2024, URL : https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/parite-dans-les-noms-donnes-aux-rues-et-son-evolution-ces-dernieres-annees.

[45] URL : https://github.com/PhilippeGambette/PlaquesDuMatrimoine.

[46] URL : https://adresse.data.gouv.fr.

[47] URL : http://wikidata.org.

[48] URL : https://geodatamine.fr.

[49] URL : https://openstreetmap.fr.

[50] URL : https://www.geoportail.gouv.fr/donnees/ou-sont-les-femmes.

[51] Serge MONTENS, « Entre hommage et exemplarité. Les noms des établissements scolaires de Paris et de sa banlieue », Noms de lieux, noms de personnes : La question des sources, Pierrefitte-sur-Seine, Publications des Archives nationales, 2018, URL : http://dx.doi.org/10.4000/books.pan.1041.

[52] Egal Sport, Au nom des sportives, 2018, URL : https://docs.euromedwomen.foundation/files/ermwf-documents/8159_4.228.aunomdessportives-placedessportivesdanslatoponymiedesequipementssportifs.pdf.

[53] Emmanuel AUVRAY, « Essai de toponymie des piscines publiques françaises : un patrimoine urbain dénommé entre mémoires et territoires (1884-2018) », Histoire, économie & société 2020/2, 2020, p. 64-85, URL : http://doi.org/10.3917/hes.202.0064.

[54] URL : https://litep.huma-num.fr.

[55] URL : https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Plaques_in_France, https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Here-was-born_plaques.

[56] Ce festival bisannuel se présente comme les « rencontres du patrimoine littéraire et de la création » en Hauts-de-France, en proposant un mois d’événements sur une thématique commune dans les maisons d’écrivain de la région.

[57] Jean VILBAS, « Un parcours dans le Douai de Marceline Desbordes-Valmore », J’écris pourtant, cahiers de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore, 5, 2024, p. 209-210, URL du parcours : https://resonances-festival.fr/un-parcours-dans-le-douai-de-marceline/.

[58] URL : https://citedesdames.github.io/promenades-matrimoine/promenade.html?stroll=marcelineADouai. On peut aussi signaler l’application web izi.travel qui permet, sur un principe similaire, de créer un audioguide de balade, qui a par exemple permis à l’école Mairan de Béziers de créer un parcours dans les pas de Mathilde Bellaud-Dessalles, à l’adresse https://izi.travel/fr/7185-beziers-dans-les-pas-de-mathilde-bellaud-dessalles/fr.

[59] Aurore BONNIOT, Imaginaire des lieux et attractivité des territoires. Une entrée par le tourisme littéraire : Maisons d’écrivain, routes et sentiers littéraires, thèse de doctorat en géographie. Université Blaise Pascal-Clermont-Ferrand II, 2016, p. 225.

[60] Philippe GAMBETTE, « Les lieux nommés d’après Marceline Desbordes-Valmore », J’écris pourtant, cahiers de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore, 5, 2024, p. 87-98.

[61] Marie-Clémence RÉGNIER, « Lieux de vie et de séjour portant nom d’écrivain. La toponymie entre hommage patrimonial et levier touristique (XIXe-XXIe siècles) », A contrario, 33 (1), 2022, p. 49-68.

[62] URL : https://citedesdames.github.io/NomDUnePlaque.

[63] URL : https://www.societedesetudesmarcelinedesbordesvalmore.fr/?p=212#lieux.

[64] URL : https://citedesdames.github.io/de-ville-en-ville/?site=1.

[65] Marguerite de VALOIS, Mémoires et Discours, Éliane VIENNOT (éd.), Saint-Étienne, Presses de l’Université de Saint-Étienne, 2004, p. 122-156.

[66] Caroline TROTOT, « Secret et publicité diplomatiques dans les Mémoires de Marguerite de Valois », Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies, 44, varia, 2022, p. 423-440.

[67] Les itinéraires étaient aussi établis par Éliane Viennot, Marguerite de Valois. Histoire d’une femme, histoire d’un mythe, Paris, Payot, 1993 et par Janine Garrisson, Marguerite de Valois, Paris, Fayard, 1994.

[68] Jonathan DUMONT, Laure FAGNART, Pierre-Gilles GIRAULT, Nicolas LE ROUX (dir.), La Paix des Dames 1529, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2021.

[69] Louis GUICCIARDIN, Description de touts les Païs-bas, reveue et augmentée par le mesme Autheur, trad. de François de Belleforest, Anvers, Christophe Plantin, 1582.

[70] Marie-Noëlle BAUDOUIN-MATUSZEK, « La bibliothèque de Marguerite de Valois », in Isabelle de CONIHOUT, Jean-François MAILLARD, Guy POIRIER (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, Presses Universitaires de Paris Sorbonne, 2006, p. 274-292.

[71] Yves JUNOT, Les bourgeois de Valenciennes, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2009.

[72] Violet SOEN, Yves JUNOT (dir), Noblesses transrégionales : les Croÿ et les frontières pendant les guerres de religion (France, Lorraine et Pays-Bas, XVIe-XVIIe siècle), Brepols, Turnhout, 2021.

[73] Les analyses détaillées seront publiées dans Caroline TROTOT, « Les femmes, le pouvoir et les villes dans le voyage en Flandres de Marguerite de Valois », conférence d’ouverture du colloque « Cité des Dames, The City of Women, Women and the city in medieval and early modern times » organisé par Monika Kulesza, Marta Wojtowska-Maksymik et Dariusz Krawczyk, Université de Varsovie, 2 et 3 septembre 2022, article à paraître dans les actes, Harrassowitz Verlag, série Interkulturelle Rhizome.

[74] Catherine de LA GUETTE, Mémoires de Madame de La Guette (1681), Célestin MOREAU (éd.), Paris, P. Jannet, 1856, URL de l’application : https://citedesdames.github.io/de-ville-en-ville/?site=3.

[75] Éva JOUAN, « Le Tour de Belle-Isle », Annales de la société académique de Nantes et de la Loire-Inférieure, volume 8 de la 8e série, 1908. URL de l’application : https://citedesdames.github.io/de-ville-en-ville/?site=5.

[76] Abel JOUAN, Recueil et discours du voyage du Roy Charles IX, Paris, Jean Bonfons, 1566, URL de l’application : https://citedesdames.github.io/de-ville-en-ville/?site=0.

[77] Philippe LAUZUN, Itinéraire raisonné de Marguerite de Valois en Gascogne d'après ses livres de comptes (1578-1586), Paris, Alphonse Picard, 1902, URL de l’application : https://citedesdames.github.io/de-ville-en-ville/?site=4.

[78] URL : https://fr.wikisource.org/wiki/Catégorie:Récits_de_voyage.

[79] URL : https://umap.openstreetmap.fr/fr.

[80] « Atelier de réalisation d'une carte interactive avec uMap », 9 juillet 2019, carnet de recherche Cité des Dames & Cité des Dames 2, URL : https://citedesdames.hypotheses.org/76.

[81] Léonie d’AUNET, Voyage d’une femme au Spitzberg, 4e éd., illustrée de 34 gravures sur bois, Paris, Hachette et Cie, 1872.

[82] « Retour sur les projets lauréats de la deuxième édition du concours #JeLaLis », Blog de l’association Le deuxième texte, 2021, URL : http://blog.ledeuxiemetexte.fr/2021/10/27/retour-sur-les-projets-laureats-de-la-deuxieme-edition-du-concours-jelalis/.

[83] Hélène FRAPPAT, Trois femmes disparaissent, Arles, Actes Sud, coll. « Babel », 2023, p. 143.

[84] Michel de CERTEAU, op. cit., p. 162.

Résumé

Le projet de recherche « Cité des dames, créatrices dans la cité » vise à mettre en valeur la contribution des femmes à la fabrique des villes, notamment en créant des promenades du matrimoine et des cartographies d’itinéraires tirés de textes de femmes. Ces parcours, que l’on peut effectuer sur place ou sur des applications numériques, accordent une place particulière aux textes d’autrices et aux ressources qui aident à les lire. La restitution des liens entre ces textes et les espaces urbains s’intègre ainsi dans une démarche de tourisme culturel qui renouvelle le regard sur les villes.

 

Abstract

The “Cité des dames, women creators in the city” research project aims to highlight the contribution of women to the making of cities, notably by women’s heritage walks and mapping itineraries drawn from women’s texts. These routes, which can be followed on site or on digital applications, give special prominence to texts by women writers and to resources that help to read them. The restitution of the links between these texts and urban spaces is part of a cultural tourism approach that renews the way we look at cities.

I. Déambuler avec les autrices à la recherche d’un lieu urbain à soi

Déambuler avec Virginia Woolf à la recherche d’un lieu urbain à soi

Christine de Pizan : rebâtir les villes comme lieux de mémoire

Transformer les pratiques de mobilité et les rapports sociaux de genre

II. Les promenades du matrimoine : des moyens variés pour inscrire les femmes du passé dans les lieux actuels

Des promenades du matrimoine de formats variés

S’appuyer sur les traces visibles dans l’espace urbain ?

Les odonymes et plaques de rues

Autres noms de lieux, plaques et monuments

Une promenade sur Marceline Desbordes-Valmore à Douai

Sur les pas de la poète dans sa ville natale

Dautres ancrages de Marceline Desbordes-Valmore dans des lieux en Hauts-de- France et en Normandie

III. Les itinéraires

Le voyage en Flandres de 1577 de Marguerite de Valois

Cartographier les itinéraires en pratique

Conclusion

Caroline TROTOT

Université Gustave Eiffel, LISAA

 

Philippe GAMBETTE

Université Gustave Eiffel, LIGM ; Société des études Marceline Desbordes-Valmore

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