En 2019, l’écrivain colombien Héctor Abad Faciolince, à la surprise de ses lecteurs, publie Lo que fue presente, une compilation de ses carnets rédigés entre 1985, lorsqu’il était encore étudiant en lettres modernes, en 2006, avant la publication de son œuvre El Olvido que seremos, texte qui marque un tournant dans sa carrière d’auteur. Loin d’être une simple chronologie d’événements, Lo que fue presente se révèle être un espace de confession profonde. Anna Caballé, dans sa critique pour El País, souligne qu’à l’image des journaux contemporains, Héctor Abad expose un « Moi confronté à ses conflits psychologiques et à la nécessité de les éclaircir par le biais de la parole ». Il s’oppose d’une certaine manière à « ce Moi satisfait de sa propre interaction avec le monde » de Samuel Pepys1.
Pour elle, l’aspect le plus « attractif » est sa franchise pour décrire les interactions amoureuses, il aborde « les sujets les plus étroitement liés à la masculinité sans fausse pudeur, de manière directe »2. Notre article a pour objectif d’étudier un trait moins novateur, mais qui constitue un enjeu théorique majeur. En proposant sa lecture comme un espace de relations entre l’œuvre et l’écriture de « soi ». Nous tacherons en effet de mieux saisir la singularité du journal de l’écrivain et le dialogue qu’il entretient avec les autres formes de l’écriture personnelle.
Le journal intime pose un défi à la critique littéraire. Sa grande diversité, tant dans sa forme que dans son contenu, rend difficile toute tentative de caractérisation ou d’analyse générale. Pour Françoise Simonet-Tenant, il est presque perçu comme un « importun » dans la littérature, car il réussit une « paradoxale et irritante gageure » d’être en même temps facilement identifiable et de résister à toute classification3. Philippe Lejeune, qui a pourtant donné l’une de définitions les plus élaborées et analytiques de l’autobiographie, n’a jamais tenté d’en faire de même pour le journal. Pour lui, « c’est tout simple, […] on a du papier, ou son ordinateur, on met la date, on écrit ce qu’on fait, ce qu’on sent, ce qu’on pense »4. Cette définition, bien que simple et directe, éloigne presque toute possibilité d’étude.
L’anthologie de Lejeune et Catherine Bogaert aborde la question du journal de l’écrivain. Pour eux, ce dernier « est devenu une « variété cultivée » de cette plante sauvage, incontrôlable, envahissante comme le lierre ou la mousse qui est le journal personnel »5. Avec cette interprétation, ils nous mettent en garde contre toute tentative de le considérer une forme aboutie et représentative du genre capable de tenir dans ses branches toutes ses variantes. Mais, ils pourraient aussi nous proposer une manière de l’aborder, dans la même démarche que Deleuze et Guattari nous proposent de lire leur texte, comme un « rhizome ».
Deleuze et Guattari décrivent dans leur théorie du « rhizome », un livre qui n’a pas d’objet. Pour eux, « il est fait de matières diversement formées, de dates et de vitesses très différentes »6. De même que le journal, il peut prendre de multiples formes : carnets, agendas, feuilles volantes… tous ces supports peuvent potentiellement devenir des journaux. Il ne s’agit pas simplement d’une suite d’entrées organisées chronologiquement. Dans les variations entre le temps et l’espace du texte, nous voyons ces différentes vitesses. Une entrée qui occupe plusieurs pages peut être tout aussi significative qu’une entrée résumée en un mot, une phrase, un dessin, ou une date espacée d’une semaine, d’un mois ou d’un an. Dans cette relation datée, le lecteur du journal d’Héctor Abad aperçoit l’intensité des débuts, le refus de s’attarder sur le quotidien pour explorer les profondeurs de l’intime, les silences de l’écriture, l’abandon et la reprise.
Ce « livre-rhizome », à l’instar du journal intime, s’oppose au « livre-arbre », « le livre classique, comme belle intériorité organique, signifiante et subjective »7. Selon Lejeune, le journal s’oppose au livre parce qu’il est lacunaire, allusif, discontinu, redondant et non narratif8. Dans ce type d'écriture, comme dans le « rhizome », « la racine principale a avorté, ou se détruit vers son extrémité ; vient se greffer sur elle une multiplicité immédiate et quelconque de racines secondaires qui prennent un grand développement »9. En effet, ces écrits n’ont pas une seule origine, mais des origines multiples : les écritures du quotidien (chroniques quotidiennes, livres de bord, livres de raison, chroniques de voyage) ainsi que celles de l’intime (relations épistolaires, autobiographies). Toutes ces formes d'écriture mènent au journal, et, de même, s'y retrouvent.
Dans leur proposition théorique sur le « rhizome », Deleuze et Guattari ont établi six principes. En suivant le principe de « rupture asignifiante », nous proposons une lecture du journal non plus comme un volumineux livre de 691 pages, mais un ensemble composé de six « carnets théoriques ». Ensuite, en utilisant le principe de « cartographie », nous étudierons l’« espace autobiographique » à partir des trois cadrages qui le constituent : autobiographique, polyphonique et éthique. Ce dernier cadrage sera étudié dans la dernière partie pour montrer comment il prolonge la réflexion engagée sur le témoignage, sujet au cœur d’El Olvido que seremos.
Le journal n’est pas en principe destiné à autrui, l’acte d’écriture et celui de la publication sont donc deux actes distincts. Le commencement du journal est intimement lié au geste inaugural de l’écriture. Pour Héctor Abad, ce geste est motivé par le constat d’un changement, similaire à celui que décrit Sartre dans ses Carnets de la drôle de guerre (1983) :
Je n’ai pas changé. Simplement il me semble qu’on peut, à l’occasion de quelque grande circonstance, et quand on est en train de changer de vie, comme le serpent qui mue, regarder cette peau morte, cette image cassante de serpent qu’on laisse derrière soi, et faire le point10.
Contrairement à Sartre, pour Héctor Abad cette grande circonstance n’est pas un changement externe, mais une variation dans la vie privée qui bouleverse l’intime, la naissance proche de sa fille. Héctor Abad, dans ses carnets, essaye de garder les traces de la peau de fils qu’il s’apprête à laisser pour celle du père, « siempre hasta ahora he sido hijo; ahora voy a ser padre y la vida se invierte »11. Mais il s’agit aussi de laisser celle d’un étudiant en lettres modernes pour celle d’un écrivain :
En principio este diario fue el resultado de constatar que, aunque quería ser escritor, escribía muy poca ficción y mucho sobre mis obsesiones. Quería dejar escrito, al menos, que era incapaz de escribir12.
L’écart de trente-quatre ans entre ce premier acte et celui de la publication en 2019 est justement ce passage de l’étudiant à l’écrivain et à la figure publique qu’il est devenu. Les motivations pour publier évoquées par l’auteur sont l’âge et la perte de pudeur. En effet, il explique son indifférence face à l’exposition de sa vie intime, mais une certaine réticence à exposer l’intimité des autres, ce qui a entraîné certaines modifications. La deuxième motivation est la décision de ne pas envoyer un manuscrit, mais d’envoyer ses carnets à la place, justification qui résonne avec ce premier geste d’écriture, il choisit de publier ce qui, en principe, ne peut pas l’être. Nous pouvons ajouter une troisième motivation, plus élémentaire et implicite : la vie de l’auteur intéresse, car ce texte vient s’ajouter à ses autres récits autobiographiques. C’est pourquoi la mention de l’éditeur dans le prologue dépasserait l’aspect anecdotique, car en tant que médiateur entre l’écrivain et son public, l’éditeur perçoit les potentiels lecteurs, même s’ils sont probablement restreints, et reconnaît l’importance déterminante de cette publication dans sa carrière.
En général, le journal s’accommode mal au format du livre, car il rend difficilement compte des éléments qui le lient à la pratique de l’écriture : la disposition de l’espace du texte, l’importance accordée au support, les illustrations, les réécritures et les notes en marge sont souvent reléguées à quelques exemples pour attester l’existence du carnet manuscrit. En revanche, il constitue une copie plus pérenne que l’original et un document déterminant pour l’étude de toute sa production littéraire.
En s’écartant d’une lecture chronologique, Augusto Mesa a proposé une lecture transversale où se dessinent trois lignes dans l’ensemble du livre : la naissance de ses enfants, qui ont motivé l’écriture et en sont, avec lui-même, les destinataires, la mort de son père en 1987 et son rêve de devenir écrivain13. Notre proposition de lecture le divise à son tour, en suivant le quatrième principe de « rupture asignifiante » telle que définie par Deleuze et Guattari :
contre les coupures trop signifiantes qui séparent les structures, ou en traversent une. Un rhizome peut être rompu, brisé en un endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle de ses lignes et suivant d’autres lignes14.
Lorsqu’Héctor Abad évoque la fin d’un carnet ou une reprise, une rupture se produit, entraînant un passage théorique à un autre carnet, les six seraient ainsi organisés :
· 1er carnet : 30/12/1985 au 01/03/1990
· 2e carnet : 01/03/1990 au 17/04/1994
· 3e carnet : 17/04/1994 au 13/12/1994
· 4e carnet : 13/12/1994 au « Final del año 1998 »
· 5e carnet : 22/10/1999 au 13/08/2004
· 6e carnet 19/02/2005 au 08/09/2006
Cette lecture, qui fragmente l’unité du livre publié et diffère certainement de celle des carnets manuscrits, prétend montrer trois grands mouvements : le geste du commencement du premier carnet, la construction d’une figure auctoriale qui s’étend du deuxième au quatrième, et l’externalisation progressive des deux derniers. En essayant de voir le journal par ses intervalles, ses silences et ses abandons, dans ces moments de changement de peau décrits par Sartre, Héctor Abad trouve l’occasion de faire le point sur sa vie et sur sa pratique.
Même si notre approche se concentre sur une thématique dominante, ces lignes sont présentes dans chacun des carnets, mais elles s’infléchissent différemment. Ainsi, la recherche de l’intime, qui marque le premier, ne disparaît pas, elle se redessine dans cette nouvelle figure d’auteur en devenir.
Dans une tonalité grave et solennelle, Héctor Abad s’engage dans la rédaction le 30 décembre 1985 :
Un cuaderno adornado con la flor de lis de Florencia, viaje de fin de año, […] La decisión de hacer un diario, tal vez para darme cuenta de la infame medida de mis pensamientos, de mis horas en blanco, mis tontas ambiciones15.
Ce premier jet d’écriture revêt une importance capitale. Il nous renseigne d’abord sur le support matériel choisi, un carnet, qui est associé à l’idéal et au fantasme du livre16 symbolisant l’œuvre littéraire qu’Héctor Abad aspire à coucher sur le papier. Mais il révèle surtout la gravité qui accompagnera l’auteur tout au long de son journal, l’interrogation constante sur la nature intime de l’écriture diariste. Cette recherche de l’intime qui constitue le journal d’Héctor Abad est l’impossibilité même de son écriture :
Pero un verdadero diario, por lo poco que yo sé de diarios, no es lo que estoy escribiendo. Me censuro, censuro mis fantasías, no sé si por temor a mí, por temor a ellas mismas, o por temor al lector que no debería existir pero que a veces veo. En el diario, lector y escritor deben tener los mismos ojos, la misma mano17.
Le premier carnet d’Héctor Abad se révèle être un espace de réflexion intense, un examen de conscience permanent. L’écriture devient un rituel constant, assidu et riche en questionnements. Les entrées se remplissent d’événements marquants : la naissance de sa fille en 1986 et l’attente de son second enfant, le décès de son père le 25 août 1987, ou encore son quotidien erratique en Italie. Ces événements seront déterminants dans la vie de l’auteur et occupent une place importante dans la configuration de l’« espace autobiographique ».
Les carnets deux à quatre, couvrant la période de la seconde moitié de 1990 à 1998, manifestent la construction d’une figure auctoriale. Cette étape charnière de la vie d’Héctor Abad est rythmée par la naissance de son deuxième enfant, son retour définitif en Colombie après son séjour en Italie, et la parution de ses premiers livres. Pendant ces années, Héctor Abad publie son premier recueil de nouvelles Malos Pensamientos (1991), suivi de son premier roman, Asuntos de un hidalgo disoluto (1994), publication qui coïncide avec la fin du carnet.
Dans les carnets trois et quatre est consignée la sortie du Tratado de Culinaria para mujeres tristes (1996) et de Fragmentos de amor furtivo (1998). Héctor Abad décrit les contraintes des activités littéraires qui l’éloignent de l’écriture en même temps qu’elles l’alimentent :
Días en que las ganas de escribir hay que disolverlas en una traducción porque es de ahí de donde puedo sacar el sustento para las cuentas. Bah. No me quejo, tal vez es un invento lo del escritor profesional, de tiempo completo. El caso es que a toda hora yo trafico con palabras: corrigiendo pruebas de las revistas, traduciendo, leyendo… Es una práctica permanente que unida a las situaciones vitales produce (como un volcán activo) una acumulación de lava que tarde o temprano tendrá que explotar18.
Il ne s’agit donc pas d’un rejet, mais plutôt d’une tension entre l’écriture et les multiples tâches rédactionnelles qui, d’une certaine manière, nourrissent cette créativité latente, tout en accaparant le temps consacré à celle-ci. Contrairement à l’enseignement, métier qu’il n’a exercé que de manière sporadique depuis son retour en Colombie, le journal se transforme progressivement en un espace dédié à la confidence. Il est, comme écrit Simonet Tenant, « à la fois un exutoire et un moyen de communication. […] On se vide du trop-plein des émotions, de la violence irrépressible des sentiments »19.
Héctor Abad y décrit ses rencontres amoureuses et son entrée difficile dans le champ littéraire : son premier roman est salué par la critique, mais jugé imprudent par ses proches. Son traité de cuisine, qu’il considère comme son œuvre la plus personnelle et fragile, passe relativement inaperçue, tandis que son récit Fragmentos de amor furtivo (1998) sera jugé défavorablement :
Los críticos dicen que mis Fragmentos son un libro frívolo, light, sin contenido. Lo curioso es que un libro así, frívolo, light, sin contenido, desate tanta rabia, avive tantas polémicas, desencadene tantas controversias20.
Dans les carnets cinq et six, qui vont de 1999 à 2006, sont notés les moments déterminants de l’intégration d’Héctor Abad dans le champ littéraire avec deux récompenses : le prix Casa de América de Narrativa Americana Innovadora avec Basura (2000) et le prix au meilleur roman étranger en Chine en 2004, avec Angosta (2003). Même si pour lui l’écriture journalière a encore son importance, il affirme son abandon progressif :
Ya no tengo soltura para escribir un diario. Perdí la confianza en este tipo de confesión en la que una vez me sentí tan cómodo. Eugenia acabó con eso, y quizás fue bueno. Entre muchas cosas que le debo, también le debo que me haya ayudado a salir de un ensimismamiento permanente21.
Mais le journal n’est pas abandonné, sa fonction a simplement changé. Il n’est plus l’espace de réflexion et de confidence des carnets antérieurs, mais devient une externalisation de celui-ci, un style tourné vers l’extérieur. Héctor Abad consigne dans de nombreuses pages des descriptions très rigoureuses de ses rencontres avec d’autres écrivains, artistes et personnalités politiques, jusqu’aux dernières pages. Pendant le projet d’écriture d’El Olvido que seremos, le journal redevient une écriture tournée vers l’intérieur, se focalisant sur un texte plus personnel et nécessaire. Il aborde les possibles titres et thématiques, ainsi que la difficulté à décrire la mort de son père.
Enfin, qu’est-ce qu’un journal pour Héctor Abad ? La métatextualité, trait commun à toute son œuvre littéraire, prend une dimension singulière. Elle se manifeste non seulement comme une réflexion sur le journal, mais aussi comme une attitude d’adhésion et d’abdication continue. Cette dualité, que Philippe Lejeune identifie comme caractéristique du diariste face au temps22, s’élargit pour une exploration plus profonde du journal lui-même. Par exemple, en le définissant d’anti-journal :
Esto es un no-diario, no es el acta cotidiana, el recuento, el examen de conciencia. Es una herencia para mis hijos; un ahorro para la vejez. Un testimonio más o menos sincero. Los historiadores de Turín no encontrarían aquí una sola línea de valor. Si pensara en ellos escribiría sobre los autobuses llenos de vaho en el invierno, el ruido metálico de los tranvías anaranjados que recorren las largas avenidas rectas, arborizadas, con una dulce sombra en el verano, sobre los encuentros en la estación de Porta Nuova, las putas, los travestis, las revistas de viejas en pelota que venden en los kioscos. La gente que compra, trabaja y compra. Los obreros cansados de la Fiat, a quienes los piamonteses llaman terroni y los desprecian, los acusan de ser los culpables de todos los males que padecen. Los pequeñoburgueses que trabajan para comprar, y como no pueden comprar todo lo que quieren, se dedican a quejarse de lo cara que es la vida. Viven más o menos bien, cuando se acuerdan23.
Avec cette remise en question sur sa nature même, il renonce à l’idée traditionnelle du journal intime comme lieu de réflexion quotidienne et de confession personnelle pour le considérer plutôt un héritage, un témoignage pour le futur. Cependant, par moments, il redevient aussi cet espace nécessaire d’examen de conscience :
¿Pero por qué habré convertido mi vida en un examen de conciencia? Es como vivir todo el tiempo en un juicio del que soy reo, testigo, fiscal y juez. Encerrado en la cárcel del remordimiento solo porque soy de los pocos que, al menos frente a un cuaderno, no se mienten. Me salgo del pellejo y escribo las vísceras24.
Ensuite, Héctor Abad dévalorise son propre journal en affirmant d’une part qu’il ne possède aucune valeur, tout en lui accordant une signification personnelle importante. De l’autre, il renonce à lui attribuer une valeur historique, en même temps qu’il décrit l’Italie de son époque. Cette tension entre adhésion et abdication est au cœur de la métatextualité. En le qualifiant de « no-diario », il se distancie du genre tout en y contribuant activement. Cette attitude ne se limite pas exclusivement au journal, elle participe à l’exploration de l’impossibilité d’écrire le « soi » dans ses textes autobiographiques.
La publication d’un livre entraîne souvent des résonances avec d’autres œuvres, surtout celles qui ont une portée autobiographique, comme Catalina Quesada l’explique à propos d’El Olvido que seremos (2006), qui provoque une réévaluation des écrits précédents et futurs de l’auteur. Pour elle, ce texte est « la clé essentielle qui re-sémantise la façon de lire son œuvre, aussi bien rétrospectivement […] que prospectivement, en aidant le lecteur à mieux entrevoir la subjectivité présente dans les textes futurs de l’auteur »25. La parution du journal d’Héctor Abad en 2019 suscite une telle relecture de ses œuvres antérieures et futures, dans une démarche similaire à celle décrite par Quesada.
Pour comprendre cet espace de dialogue entre les textes, Philippe Lejeune propose, dans l’esprit du principe de cartographie ouverte du « rhizome », la notion d’« espace autobiographique ». Dans son étude sur André Gide, Lejeune constate que toute l’œuvre de Gide vise à construire une image de « soi », mais ses textes bien qu’autobiographiques échappent à l’ambition totalisatrice de l’autobiographie à raconter l’histoire d’une vie. En revanche, il souligne la présence de diverses relations entre les textes par le biais de jeux textuels, créant ainsi des effets d’ambiguïté. Ce jeu d’écrits, pour Lejeune, est aussi un récit qui place l’ambiguïté comme valeur fondamentale de la construction de « soi »26.
Le journal d’Héctor Abad, nous tenterons de le démontrer, redéfinit également son « espace autobiographique ». Contrairement à celui de Gide, Héctor Abad met en avant la contradiction plutôt que l’ambiguïté, comme il l’écrit dans son essai Las formas de la pereza (2007) :
Soy a la vez optimista y pesimista, apocalíptico e integrado. Me siento como ese profesor que describía el transcurrir de la vida y de la historia como algo parecido a la situación del tipo que dormía mal en una noche fría con una manta pequeña: cuando jalaba la cobija hacia arriba, se le enfriaban los pies; cuando se tapaba los pies, le daba frío en el cuello. Algo se pierde y algo se gana, siempre, y las cobijas que nos van entregando el tiempo no dejan nunca de ser cortas, demasiado cortas27.
La contradiction occupe une place centrale dans l’« espace autobiographique » d’Héctor Abad. Bien que ses livres aspirent à raconter une vie de manière exhaustive, ils ne parviennent pas toujours à saisir individuellement tous les événements, ce qui nécessite parfois une réécriture. Cette dualité se manifeste à deux niveaux, d’abord dans l’énonciation, où le journal, par exemple, adopte l’attitude d’adhésion et d’abdication continue précédemment décrite.
Au second niveau, le journal s’intègre à la production autobiographique de l’auteur, où chaque œuvre présente une nature différente : El Olvido que seremos oscille entre le roman et l’autobiographie, malgré les débats sur sa classification, Traiciones de la memoria (2009) est un recueil de nouvelles qui explore la dimension fictionnelle du souvenir. Quant au documentaire, Carta a una sombra (2015), il combine la voix d’Héctor Abad avec celles de sa mère et de ses sœurs pour construire un récit familial sur la vie d’Héctor Abad Gómez.
Chacune de ces œuvres prétend raconter une vérité et s’engage dans un discours de sincérité, préalable au pacte autobiographique. L’engagement pour la sincérité ne vise pas à rapporter les événements tels qu’ils sont survenus, mais à les exprimer tel qu’ils ont été ressentis, pensés et imaginés dans l’instant précis, confrontés au moment de leur écriture. Ce principe, affirmé dès la première entrée de son journal en 1985, n’a cessé de s’affirmer dans sa production autobiographique :
Y yo, que al parecer ahora tiendo a las identificaciones, veía ahí a mi mujer. Oigo que ella me dice, sobre lo que escribo, lo mismo de la película: «Deberías inventar, darle más espacio a la fantasía». No me lo ha dicho hoy, me lo ha dicho otras veces.
Le respondo en silencio, en este diario: mi fantasía es la vida. La vida pura y dura. Mi fantasía es que vivo dos vidas: esta que estoy viviendo, la caliente, y otra que me voy imaginando, que no es pasado ni futuro, sino un presente distinto. La vida que escribo. Vivo en dos planos: el presente, la realidad, todo esto, y un presente que podría ser distinto. No esta vida que vivo, sino otra que imagino28.
À travers ces deux niveaux, Héctor Abad place la contradiction dans l’énonciation et la variété des formes textuelles au cœur de son engagement de sincérité. Son objectif, comme celui de Gide, est de rendre l’écriture vivante « avec toute sa complication et son histoire », de sorte que « le lecteur ne puisse pas réduire ou fixer la position de l’auteur, malgré le désir qu’il aura inévitablement de le faire »29. Afin de cartographier l’« espace autobiographique », Lejeune propose trois cadrages : nous examinerons les deux premiers, l’autobiographique et le polyphonique, tandis que le troisième cadrage, l’éthique, sera abordé dans la dernière partie.
Le premier cadrage est la nécessité pour un espace autobiographique d’avoir un texte qui respecte le pacte autobiographique et qui nous ouvre toute une perspective de relecture pour les autres textes30. Le journal établit un pacte autobiographique, mais il ne va pas de soi, il entretient un lien avec le récit de vie que nous avons commenté dans la deuxième partie grâce aux « carnets théoriques ».
Le deuxième cadrage repose sur le plan technique, la
polyphonie, la manière dont les différentes typologies textuelles entretiennent
une lutte de points de vue31.
Dans le journal d’Héctor Abad, la polyphonie se manifeste par l’intégration des
autres œuvres ainsi que par l’incorporation du journal lui-même dans certain de
ces textes. Elle s’offre en principe comme un atelier de l’écriture, pas
suffisamment pour dévoiler la genèse de textes, mais pour montrer la manière
dont les projets secondaires deviennent des textes publiés, comme le
projet « las Tres arias » qui deviendra Fragmentos de amor
furtivo (1998) :
Tengo dos proyectos de escritura: las Tres arias, esa novelita donde en realidad combino dos historias, y una reconstrucción paródico-erótica de las mil y una noches. Allí descargo mis angustias con Eugenia. Ahí cuento minuciosamente lo locos que pueden llegar a ser los celos retrospectivos32.
C’est également le cas d’autres projets qui ne verront le jour que des années plus tard, nous pouvons citer, par exemple, Las formas de la pereza (2007) dont l’idée remonte à 1989 :
He decidido emprender un estudio largo y complicado: el de la pereza, la inactividad, la abulia, haraganería, dejadez, acedía, enervamiento, desidia, aburrimiento, falta de iniciativa, indecisión. A través de personas que aparecen en libros que he estado leyendo. Su actitud nos parece exasperante: no son capaces de realizar el amor (Federico), de vengarse (Hamlet), de dejar de fumar (Zeno), de trabajar (Oblómov, Faustino), de salir de su miseria (Hamsun)33.
L’écriture du journal permet de mettre en lumière le lien délicat entre les textes et leur auteur, une relation qui ne se limite pas exclusivement à l’autobiographie. Le journal occupe néanmoins une place particulière au sein de la production autobiographique, pouvant servir de document attestant à la fois l’existence du journal et la rédaction de l’événement à ce moment précis.
L’un des liens les plus significatifs du journal est avec El Olvido que seremos. Il joue un double rôle : celui d’atelier de l’écriture, comme nous le découvrirons dans la troisième partie, et celui de continuité du dialogue entre Héctor Abad et son père.
Barbara Rodríguez, dans son analyse sur l’empreinte kafkaïenne d’El Olvido que seremos, met en évidence l’importance centrale de l’écriture épistolaire dans l’échange entre père et fils34. Dès le premier chapitre, l’auteur confie : « casi todo lo que he escrito lo he escrito para alguien que no puede leerme, y este mismo libro no es otra cosa que la carta a una sombra »35. Cette citation révèle le lien profond qui unit l’auteur à son père à travers les lettres, depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte, lorsque Héctor Abad part en Italie pour ses études. Ces échanges épistolaires ont joué un rôle crucial, tant pour le soutien personnel que pour la consolidation de sa vocation littéraire. Le journal devient alors un espace qui prolonge cette relation par l’écriture épistolaire post-mortem, où Héctor Abad s’adresse à son père, surtout à l’anniversaire de sa mort, le 25 août :
A mí me gustaría que estuvieras en el Cielo. O aunque fuera en el Infierno. En alguna parte. ¿Te acuerdas de la hermanita Josefa, la monja que me servía de niñera? Con ella tuve la primera discusión teológica de mi vida. Ella me decía que como tú no ibas a misa, ibas a condenarte en el Infierno, y que en cambio yo, que iba a misa y rezaba todas las noches con ella, iba a irme derecho para el Cielo. Yo lo pensé bien y le dije que prefería irme para el Infierno, con tal de estar contigo. […] Sin embargo te escribo. No con la tonta ilusión de que me leas, pues no la tengo, pero sí con la certeza de que te hubiera gustado leer esta carta. Lo sé porque siempre nos gustó escribirnos cartas36.
L’extrait illustre l’anecdote qui ouvrira le récit d’El Olvido que seremos et l’importance des lettres pour les deux. De même, le documentaire Carta a una sombra fait écho à cet attachement au lien épistolaire avec El Olvido que seremos et le journal, puisque la première séquence montre Héctor Abad lisant à voix haute l’entrée du 4 octobre. Enfin, Traiciones de la memoria expose une photo du journal avec la même entrée du 4 octobre, où il évoque la mort de son père, ainsi que celle du 7 octobre, absente de la version publiée.
En résumé, l’œuvre d’Héctor Abad révèle un dialogue constant entre ses différentes productions, mais aussi un dialogue singulier au sein de l’écriture autobiographique. Cet espace autobiographique se lie bien avec le principe de cartographie ouverte décrit par Deleuze et Guattari :
La carte est ouverte, elle est connectable dans toutes ses dimensions, démontable, renversable, susceptible de recevoir constamment des modifications. Elle peut être déchirée, renversée, s’adapter à des montages de toute nature, être mise en chantier par un individu, un groupe, une formation sociale37.
Cette ouverture et capacité de modification signifient que chaque nouveau texte d’Héctor Abad entraîne une réévaluation des écrits précédents, comme le décrit Quesada. Chaque forme textuelle – journal, nouvelles, récits – redéfinit l'espace autobiographique. Au cœur de cet espace se trouvent la contradiction, l'engagement de sincérité, ainsi que la polyphonie, exprimée par la présence du journal dans les œuvres et par la trace épistolaire présente dans tous les ouvrages de cet espace autobiographique : Traiciones de la memoria, El Olvido que seremos, Carta a una sombra et Lo que fue presente.
L’espace autobiographique d’Héctor Abad Faciolince dépasse la simple contradiction de l’impossibilité de se décrire soi-même. Il se distingue par un engagement éthique, manifesté par sa volonté de témoigner en tant que victime du conflit en Colombie dans les années quatre-vingt. Contrairement à l’espace autobiographique de Gide, celui d’Héctor Abad n’a pas été prémédité, mais s’est progressivement construit autour d’un événement central : l’assassinat de son père par des milices paramilitaires.
Pour comprendre le troisième cadrage théorisé par Lejeune, nous nous appuierons sur les réflexions de Vladimir Jankélévitch dans son ouvrage L’Imprescriptible. Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité (1997). D’abord, par le délai de vingt ans évoqués par les deux auteurs, nous expliquerons comment le journal décrit la nécessité de témoigner sur la violence. Ensuite, l’accent sera mis sur l’importance de ce témoignage, mise en lumière par l’accueil de l’œuvre et la citrique qu’Héctor Abad adresse au journalisme qui compile les témoignages des responsables du conflit. Enfin, nous verrons que la lutte contre l’oubli de l’auteur ne se limite pas à la reconstruction mémorielle, mais aussi à un refus d’un certain pardon imposé aux victimes.
Le livre du philosophe français d’origine juive réunit deux textes parus en 1971 et 1948. La date de 1971 est particulièrement déterminante, car l’auteur s’exprime sur les débats autour de la prescription des crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale sur le plan juridique et public38 :
Est-il temps de pardonner, ou tout au moins d’oublier ? Vingt ans sont, paraît-il, suffisants pour que l’impardonnable devienne miraculeusement pardonnable : de plein droit et du jour au lendemain l’inoubliable est oublié39.
Dans la première partie du texte, l’auteur s’indigne du contresens que représente la notion juridique d’imprescriptibilité face aux crimes contre l’humanité, qui sont intrinsèquement impardonnables. Il propose ensuite de sortir ces notions (pardon et imprescriptibilité) de la sphère strictement réglementaire, car passé ce délai légal, il deviendrait impossible de dénoncer ces atrocités et le pardon serait considéré comme accompli.
Pour lui, c’est à peine vingt ans après la fin de la guerre que « pour la première fois, les plus indifférents réalisent dans toute sa plénitude l’horreur de la catastrophe »40. Héctor Abad, quant à lui, a eu besoin de ces vingt ans pour parvenir à écrire sur la mort de son père comme il explique à la fin d’El Olvido que seremos :
Este libro es el intento de dejar un testimonio de ese dolor, un testimonio al mismo tiempo inútil y necesario. Inútil porque el tiempo no se devuelve ni los hechos se modifican, pero necesario al menos para mí, porque mi vida y mi oficio carecerían de sentido si no escribiera esto que siento que tengo que escribir, y que en casi veinte años de intentos no había sido capaz de escribir, hasta ahora41.
Le journal décrit justement la latence du projet d’écriture où nous trouvons les trois cas de figures évoquées dans la partie précédente42 : d’abord l’idée de l’écriture, qui remonte au 25 août 1998 : « Hoy hace once años mataron a mi papá. Tengo el proyecto de escribir algo sobre ‘el día que lo mataron’ ». Ensuite, lorsque l’idée devient un premier projet (qui accompagne un projet secondaire que ne verra pas le jour ) :
El proyecto del libro trilingüe me parece imposible; el proyecto del libro sobre mi papá, más difícil todavía. Y todos los viejos proyectos son abortos, basura que ni siquiera Davanzati podría ya reciclar, pues Davanzati ya está perdido43.
Enfin, dans l’entrée d’octobre 2000, Héctor Abad explore le lien vital qui l’unit à son personnage de fiction, Fernando Davanzati de Basura. Contrairement à Gaspar Medina, son hidalgo qui dicte ses mémoires, Davanzati jette ses brouillons aux ordures, où ils sont ensuite récupérés par le narrateur. Par ce geste, l’auteur souligne à la fois la nécessité et l’impossibilité de l’écriture. Des années plus tard, il décrit à la fin du journal la réception et les premières impressions du texte :
Hablo también con Carlos Gaviria. Me dice que el libro es conmovedor y que él piensa que un libro así hace comprender mejor la historia de Colombia que diez tratados de sociología. Me da risa la exageración, pero en últimas ese debería ser, ese es el único poder que tiene la literatura: hacer entender44.
Ce délai nécessaire pour Héctor Abad corrobore l’avis de Jankélévitch. Ce n’est pas que vingt ans plus tard il reconnaît la nécessité de son œuvre, mais comme le décrit Mesa, cet intervalle a permis au texte de trouver l’accueil et le succès qu’il a eu. Ces vingt années ont permis à ce portrait d’Héctor Abad Gómez, pionnier de la médecine préventive en Colombie et défenseur des droits de l’homme, de résonner pleinement et de toucher un large public.
Cet espace, décrit par Mesa, peut également être compris comme un lieu de réception transnationale et académique, où la mise en récit de la reconstruction mémorielle suscite un débat en tant que document historique. Des chercheurs ont ainsi identifié El Olvido que seremos comme un exemple significatif. Par exemple, María del Carmen Jiménez, dans son analyse, réconcilie ces deux aspects : la réception et la valeur documentaire. Elle se propose de démontrer comment le texte littéraire entreprend la tâche de créer une conscience internationale des droits tout en contribuant au développement d’entités, de processus et de documents juridiques45.
Selon elle, la réception internationale et académique du
texte s’explique, entre autres, par la stratégie intertextuelle de l’auteur. En
évoquant des figures littéraires mondialement reconnues ainsi que des espaces
et des événements historiques de conflit, Héctor Abad inscrit dans le contexte
du conflit en Colombie une histoire plus large de lutte pour les droits
de l’homme46.
Par exemple, avec l’allusion à la Kristallnacht :
Recuerdo muy bien otra de sus furias, que fue una lección tan dura como inolvidable. Con un grupo de niños que vivían cerca de la casa (yo debía de tener unos diez o doce años), me vi envuelto algunas veces, sin saber cómo, en una especie de expedición vandálica, en una «noche de los cristales» en miniatura. Diagonal a nuestra casa vivía una familia judía: los Manevich47.
En évoquant la Nuit de Cristal, Héctor Abad introduit un moment déterminant de son enfance, où sa naïveté l’a poussé à suivre d’autres garçons et à jeter des pierres sur la maison de leurs voisins juifs. Son père, témoin de la scène, lui explique le contexte historique et la cruauté de son acte. Comme le souligne Jiménez, citant Walter Mignolo, « l’Holocauste et ses séquelles ont joué un rôle crucial dans l’émergence d’un discours contemporain sur les droits humains universels »48. Cet épisode inscrit dès l’enfance l’image du père engagé pour les droits de l’homme et contre toute forme de violence, tout en ancrant la Colombie dans le contexte des conflits internationaux. Ensuite, comme nous le verrons à travers la figure du « desaparecido », Héctor Abad l’insère dans le champ latino-américain :
Si mi papá fue capaz de compadecer a doña Fabiola y a su hijo desaparecido, fue porque él era muy capaz de imaginar lo que sentiría si estuviera en una situación así, con una hermana mía o conmigo en ese lugar de nieblas de los desaparecidos, sin ninguna noticia, ninguna palabra, sin siquiera la certeza y la resignación ante la muerte que da un cuerpo inerte. La desaparición de alguien es un crimen tan grave como el secuestro o el asesinato, y quizá más terrible, pues la desaparición es pura incertidumbre y miedo y esperanza vana49.
Jiménez met en avant l’appropriation d’un « espace commun » du conflit en Amérique latine et son développement juridique au sein des « comisiones de verdad » dans des pays comme l’Argentine, le Chili et le Guatemala50. Héctor Abad relie ces instances au contexte du conflit armé en Colombie, les considérant comme des outils essentiels pour faire reconnaître les victimes et combattre l’impunité.
Le journal, pour sa part, est écrit dans un contexte différent de celui du récit. Dans une entrée datée du 25 août 1994, il confronte l’idée de son père sur la défense des droits de l’homme avec son propre travail de journaliste. Bien qu’il affirme, d’une certaine manière, trahir ses idéaux :
Siete años de la muerte de mi papá. Otra forma de matarlo: escribo un artículo contra Cuba. Yo vivo en contra de lo que más quiero. No es eso: vivo como él me enseñó a vivir: pensando con independencia, sin estar atado a ninguna ideología, a ninguna doctrina. Mi papá defendía a Cuba en otro momento histórico, en otras circunstancias.[…] En Cuba está preso todo el comité de Derechos Humanos. Aquí están muertos. […] Lo que él me enseñó di siempre lo que piensas, lo que creas que es verdad, sin detenerte en las consecuencias buenas o malas que de ahí se deriven. Si te dan argumentos mejores que los tuyos, pide perdón y cambia de parecer humildemente51.
Le journal d’Héctor Abad révèle son conflit intérieur avec les idéaux de son père, son héritage et sa propre expérience. Ce débat interne montre que l’héritage dépasse une simple reproduction des idées paternelles. De plus, la lecture successive d’El Olvido que seremos et du journal d’Héctor Abad révèle également une continuité dans la réflexion historique, des années soixante-dix jusqu’aux années quatre-vingt. Cette dernière confirme la thèse de Jiménez, selon laquelle l’œuvre d’Héctor Abad constitue une ressource historique dans la création d’une conscience autour des droits de l’homme.
Au-delà de cette dimension, il est important de souligner que l’utilisation d’archives personnelles fait également partie de la polyphonie, établissant un dialogue entre texte et image, entre récit et document, entre factuel et fictionnel. Traiciones de la memoria, par exemple, intègre des photos de journaux, de rencontres et de son journal, conférant ainsi une valeur historique au récit parfois fictionnel qui l’accompagne. De même, Cartas a una sombra utilise des enregistrements et des archives familiales pour enrichir son récit autour de la vie de son père.
La responsabilité du témoignage pour Héctor Abad peut être envisagée à travers son engagement en faveur des droits de l’homme et dans sa capacité à les mettre en récit. Elle peut être aussi envisagée par sa critique d’un autre type de témoignage, celui des acteurs du conflit. Dans son article intitulé « Los hampones literarios » (2005), Abad qualifie certains journalistes de « periodistas de pacotilla ». Sa réprobation vise particulièrement ceux qui publient les confessions de criminels de l’époque, en particulier Mauricio Aranguren, l’auteur de Mi confesión (2001), un recueil des témoignages de Carlos Castaño, leader du groupe paramilitaire AUC (Autodefensas Unidas de Colombia) et supposé instigateur du meurtre d’Héctor Abad Gómez.
La révolte d’Héctor Abad est la concrétisation d’une des conséquences hypothétiques de la prescription décrites par Jankélévitch : « Voulez-vous qu’il publie bientôt ses Mémoires, comme tout le monde, aux éditions Machin ? »52 L’espace autobiographique, en particulier dans El Olvido que seremos et le journal, expriment l’indignation face à l’impunité dont Carlos Castaño jouissait, lui permettant même de se justifier sur ses actions.
Pour reprendre l’article de « Los hampones literarios » : Héctor Abad critique la position de ses livres dans le champ littéraire, leur popularité excessive et leur possible utilisation comme documents historiques. Il craint que leur transformation en best-sellers ne banalise leur message et ne leur confère une place inappropriée dans l’historiographie.
Cuando dentro de 100 años los estudiosos y los historiadores hagan sus investigaciones bibliográficas sobre los libros publicados en Colombia a finales del siglo XX y principios del XXI, se encontrarán con una gran cantidad de libros, aparentemente testimoniales, escritos por hampones o dictados por estos a periodistas mercenarios. Verán entonces que estas « vidas ejemplares » que se nos proponen hoy como lectura popular, eran una especie de santoral invertido, el autoelogio hagiográfico de los delincuentes53.
Sa critique se prolonge une année après avec la publication d’El Olvido que seremos, où il revient sur Mi confesión :
Carlos Castaño, el jefe de las AUC, ese asesino que escribió una parte de la historia de Colombia con tinta de sangre y con pluma de plomo, ese asesino a quien al parecer mataron por orden de su propio hermano, dijo algo macabro sobre esa época. Él, como todos los megalómanos, tiene la desvergüenza de sentir orgullo por sus crímenes, y confiesa sin pena en un libro sucio:…54
Le journal revient sur la mort de Carlos Castaño, dont la seule trace de vérité pour ses victimes est son livre de fausses confessions :
Porque el asesinato del asesino fue también un asco. No, no era esa calavera con un hueco lo que queríamos ver las víctimas de Carlos Castaño. No era eso. Lo hubiéramos querido ver morirse de viejo, atormentado por la mala conciencia de sus miles de crímenes, y tratado con más desprecio que miedo por sus conciudadanos. No era esa la venganza que queríamos. No es eso lo que nos consuela, ni eso lo que nos alegra. Hubiéramos querido verlo confesando sus crímenes de toda índole (sin las sucias justificaciones que expuso en ese libro mendaz, Mi confesión), hubiéramos querido verlo morirse de viejo, pero repudiado e ignorado por una sociedad distinta a esta, porque esta parece que ya hubiera vendido su conciencia moral a los matones y a los traficantes55.
Pour Héctor Abad, la responsabilité du témoignage prend forme à travers plusieurs dimensions critiques et personnelles. D’une part, il s’engage résolument en faveur des droits de l’homme, utilisant sa capacité narrative pour donner voix aux victimes et dénoncer l’impunité. Cette critique inclut d’autre part un rejet clair des témoignages auto-justificatifs des acteurs du conflit, tels que Carlos Castaño, dont les récits sont qualifiés par l’auteur de manipulation de l’histoire.
Pour conclure, la double dimension de l’espace autobiographique – celle de la lutte contre l’oubli et la critique sur la mort de Carlos Castaño – exprime aussi l’impossibilité du pardon et en conséquence l’imprescriptible violence dont il a été victime.
Jankélévitch identifie trois conditions pour un « vrai pardon » : il doit être un événement, comparé à un don, et se réaliser en face-à-face. Julien Remi souligne que ces trois conditions écartent le pardon de la justice, car elle « suppose davantage la recherche de l’équivalence, il ne s’agit pas de rendre la pareille ; il s’agit de donner, en dispensant »56.Il existe aussi des « simili-pardons » comme l’oubli et l’excuse, et même s’ils peuvent produire des effets similaires ne constituent un vrai pardon57. L’oubli agit de manière comparable à la prescription : il opère même avant celle-ci et devient officiel après :
L’oubli avait déjà fait son œuvre avant la prescription : après la prescription, l’oubli deviendrait en quelque sorte officiel et normatif. Notre époque a le cœur bien léger : elle aurait désormais le droit de l’avoir léger : elle aurait le cœur juridiquement léger58.
Lorsqu’il s’efforce de « postergar el olvido », Héctor Abad ne se réfère pas exclusivement à l’exercice de mémoire qu’il entreprend avec El Olvido que seremos et qui s’étend jusqu’à la publication du journal. C’est également un combat contre le quasi-pardon de l’indifférence généralisée et de l’impunité judiciaire. Il rejette aussi ce quasi-pardon imposé par les excuses de Carlos Castaño dans son livre qui nient la nécessité du pardon en refusant de reconnaître l’offense59. Sans jamais avoir reconnu ces crimes auprès de victimes et même sa responsabilité dans le conflit armée.
Le journal d’Héctor Abad Faciolince, à l’image de toute son œuvre, est une réflexion sur la littérature. Avec Lo que fue presente, il pose la question de la singularité du journal d’écrivain. La « variété cultivée » parmi le lierre ou la mousse, décrite par Lejeune et Bogaert, dépasse la simple analogie. Ils cherchent à maintenir le journal ancré dans la pratique quotidienne de l’écriture, sans éloigner les écrivains des diaristes, sans faire du journal d’écrivain la forme réussie dont les autres diaristes s’approchent ou s’écartent.
Cette approche peut également être envisagée comme une proposition théorique, inspirée du concept de « rhizome » développé par Deleuze et Guattari. Dans cette perspective, le journal se présente comme un livre sans objet précis, où chaque entrée constitue une ligne singulière par son moment d'écriture, son contenu et sa place dans la page du texte. En adoptant cette perspective, nous avons cherché à étudier, d'une part, l'histoire de vie propre au journal et, d'autre part, la relation qu'il entretient avec les autres textes de la littérature personnelle.
L'application du principe de « rupture asignifiante », nous a permis d'appréhender l'histoire de vie dans le journal d'Héctor Abad Faciolince par ses intervalles, par ces moments de changement de peau décrits par Sartre. Dans les six « carnets théoriques » trois grands mouvements se distinguent : le commencement, caractérisé par une recherche de l’intime, la construction de la figure auctoriale, et le retour à l'intime pendant l’écriture de son texte le plus lu.
La notion d’« espace autobiographique » proposée par Lejeune nous a permis de cartographier le jeu textuel entre les différentes œuvres autobiographiques de l’auteur. Elle est composée de trois cadrages : l’autobiographique, le polyphonique et l’éthique. Le premier cadrage est l’histoire de vie qui, dans le cas du journal, est fragmentaire et non narrative. Concernant la polyphonie, nous avons exposé les différentes formes textuelles (récit, nouvelles, journal, documentaire), ainsi que le dialogue entre elles autour d’un même événement : la mort du père. L’entrée du 4 octobre 1987, par exemple, est mise en récit par El Olvido que seremos, illustrée par Traiciones de la memoria et lue à voix haute pendant le documentaire Carta a una sombra.
Ces deux cadrages placent au cœur de l’espace autobiographique l’impossibilité de l’écriture du « soi », exprimée dans le journal par cette adhésion au journal comme espace de confession et réflexion nécessaire, ou par le refus de l’écriture et son abandon, pour ensuite revenir et engager une contradiction nécessaire à la constitution du pacte autobiographique. Pour conclure, le cadrage éthique peut être illustré par ce mouvement d’homme de cœur décrit par Jankélévitch :
En présence d’un crime aussi révoltant, le mouvement naturel d’un homme de cœur n’est pas de se précipiter aux Archives ni de rechercher dans le passé des violences plus ou moins comparables ; un homme de cœur ne se demande pas de quelle manière il disculpera les coupables ou excusera les horribles bourreaux : le mouvement naturel d’un homme de cœur est de s’indigner et de lutter passionnément contre l’oubli et de poursuivre les criminels60.
Face au crime révoltant de la mort de son père, Héctor Abad s’engage dans une lutte de vingt ans pour le mettre en récit. Dans ce récit et dans l’espace autobiographique plus largement, l’auteur expose à la fois la responsabilité du témoignage, par l'intégration de son histoire familiale dans le conflit colombien, inscrite à son tour dans une perspective transnationale où son père incarne cette lutte pour les droits de l’homme et une critique des récits des acteurs du conflit armé. Cette lutte contre l’oubli n’est pas simplement la mise en récit d’un exercice de mémoire, mais une indignation contre ce quasi-pardon imposé aux victimes par l’oubli et les excuses. « Postergando el olvido », Héctor Abad laisse au moins la trace de l’imprescriptible de la violence dont son père, sa famille et lui-même ont été victimes.
[1] Anna CABALLÉ, « La vida que huye, no del todo », El País, 2020. Traduction libre.
[2] Ibid.
[3] Françoise SIMONET-TENANT, Le journal intime : genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Téraèdre, 2004, p. 5‑6.
[4] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique. 2, Signes de vie, Paris, Éditions du Seuil, 2005, p. 29.
[5] Philippe LEJEUNE et Catherine BOGAERT, Le journal intime: histoire et anthologie, Paris, Textuel, impr. 2005, 2005, p. 210.
[6] Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, Mille plateaux, t. 2, Paris, Éditions de minuit, coll. Collection « Critique », 1980, p. 9.
[7] Ibid., p. 11.
[8] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique. 2, Signes de vie, op. cit., p. 30.
[9] Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, op. cit., p. 12.
[10] Jean-Paul SARTRE, Carnets de la drôle de guerre : septembre 1939-mars 1940, éd. Arlette Elkaïm-Sartre, Paris, Gallimard, 2015, p. 308.
[11] Héctor ABAD FACIOLINCE, Lo que fue presente: diarios (1985-2006), Madrid, Alfaguara, 2019, p. 15.
[12] Ibid., p. 11.
[13] Augusto ESCOBAR MESA, « Lo que fue presente: un diario a corazón abierto », Estudios de Literatura Colombiana, 49, 2021, p. 234.
[14] Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, op. cit., p. 16.
[15] Lo que fue presente, op. cit., p. 15.
[16] Françoise SIMONET-TENANT, Le journal intime, op. cit., p. 17.
[17] Lo que fue presente, op. cit., p. 16.
[18] Ibid., p. 213.
[19] F. SIMONET-TENANT, Le journal intime, op. cit., p. 86.
[20] Lo que fue presente, p. 409.
[21] Ibid., p. 557.
[22] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique. 2, p. 30.
[23] Lo que fue presente, p. 38.
[24] Ibid., p. 98.
[25] Catalina QUESADA GÓMEZ et Kristine VANDEN BERGHE, El libro y la vida: ensayos críticos sobre la obra de Héctor Abad Faciolince, Presses Universitaires de Liège, 2019, p. 36. Traduction libre.
[26] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, coll. Collection Poétique, 1975, p. 166.
[27] Héctor ABAD FACIOLINCE, Héctor, Las formas de la pereza, Bogota, Colombie, Debolsillo, coll. Debolsillo, Ensayo, 2007, p. 185.
[28] Lo que fue presente, p. 16.
[29] Philippe LEJEUNE, Le pacte autobiographique, p. 167.
[30] Ibid., p. 82.
[31] Ibid.
[32] Lo que fue presente, p. 305-306.
[33] Ibid., p. 111.
[34] Bárbara RODRÍGUEZ MARTÍN, « La huella epistolar kafkiana en El olvido que seremos de Héctor Abad Faciolince », Anuario de Estudios Atlánticos, vol. 70, 2024, p. 3. Traduction libre.
[35] El olvido que seremos, Barcelona, Espagne, Alfaguara, coll. Narrativa hispánica, 2006, p. 25.
[36] Lo que fue presente, p. 536.
[37] Gilles DELEUZE et Félix GUATTARI, op. cit., p. 19.
[38] Alain LE GUYADER, « L’imprescriptible ! Pardonner ? : (Penser les crimes contre l’humanité avec Jankélévitch) », Lignes, 28, 1996, p. 35.
[39] Vladimir JANKÉLÉVITCH, L’imprescriptible: Pardonner ?, Paris, Editions du Seuil, 1986, p. 5
[40] Ibid.
[41] El olvido que seremos, p. 274.
[42] Tous les liens entre le journal et El olvido que seremos ont été documentés et étudiés par Barbara Rodriguez dans l’article qui accompagne ce numéro de la revue intitulé.
[43] Lo que fue presente, p. 475.
[44] Ibid., p. 603.
[45] María del Carmen CAÑA JIMÉNEZ, « Los paseos por Auschwitz de Héctor Abad Faciolince », Romance Notes, vol. 54, 1, 2014, p. 43. Traduction libre.
[46] Ibid., p. 45.
[47] El olvido que seremos, p. 30.
[48] María del Carmen CAÑA JIMÉNEZ, « Los paseos por Auschwitz de Héctor Abad Faciolince », art. cit., p. 47.
[49] El olvido que seremos, p. 210.
[50] María del Carmen CAÑA JIMÉNEZ, « Los paseos por Auschwitz de Héctor Abad Facioline », art. cit., p. 48.
[51] Lo que fue presente, p. 282.
[52] Vladimir JANKÉLÉVITCH, L’imprescriptible, p. 16.
[53] Héctor ABAD FACIOLINCE, « Los hampones literatos », Semana, 2005.
[54] El olvido que seremos, p. 310.
[55] Lo que fue presente, p. 609.
[56] Julien RÉMY, « L’offense, le pardon et le don », Revue du MAUSS, vol. 40, 2, 2012, p. 36.
[57] Ibid.
[58] Vladimir JANKÉLÉVITCH, L’imprescriptible, p. 48.
[59] Julien RÉMY, « L’offense, le pardon et le don », p. 39.
[60] Vladimir JANKÉLÉVITCH, L’imprescriptible, p. 14.
Résumé
Cet article étudie le journal intime d’Héctor Abad Faciolince. Lo que fue presente (2009) questionne la singularité du journal d’écrivain. Nous commentons sa spécificité par les relations avec l’écriture du « soi » et le dialogue avec les autres œuvres personnelles. Nous mettrons en lumière trois mouvements : le geste initial, la construction de la figure d’auteur et l’extériorisation du journal. Ensuite, nous analysons l’interaction entre l’œuvre et le journal par la contradiction et la polyphonie. Enfin, nous examinons l’engagement éthique de l’auteur et l’importance du témoignage.
Resumen
Este artículo estudia el diario íntimo de Héctor Abad Faciolince. Lo que fue presente (2009) nos cuestiona sobre la singularidad del diario de escritor. Comentaremos su especificidad a través de sus relaciones con la escritura del «yo» y el diálogo con otras obras personales. Pondremos en relieve tres movimientos: el gesto inicial de escritura, la construcción de la figura del autor y la exteriorización del diario. Luego analizaremos la interacción entre la obra y el diario por la contradicción y la polifonía. Finalmente, examinamos el compromiso ético del autor y la importancia del testimonio.
La physionomie du journal d’Héctor Abad
Deux actes : l’écriture et la publication
La contradiction : un engagement de sincérité
Les cadrages : autobiographique et polyphonique
Du pardon et de l’imprescriptible de la violence
Dilan PARRA LONDONO
Nantes Université, CRINI
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